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Synthèse Rimbaud

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Le sonnet

Le sonnet est une forme poétique fixe. Le poète italien Pétrarque (1304-
e
1374) le popularise au XIV siècle dans son Canzoniere, recueil dédié à la
femme qu’il aime, Laure. Clément Marot (1496-1544) importe la forme en
français en 1536. Il sera suivi par les poètes de son temps et
particulièrement ceux de la Pléiade : Joachim Du Bellay, Pierre de Ronsard.
La poésie amoureuse et la tonalité lyrique lui sont fréquemment associées.
Le sonnet est une forme fixe qui a été prisée à presque toutes les
époques. Sa brièveté et son exigence ont stimulé de nombreux poètes
depuis la Renaissance en France, parmi lesquels Rimbaud et Verlaine, les
romantiques et les parnassiens au XIXe siècle.
Le poème compte quatorze vers, répartis en deux quatrains (strophes de 4
vers), suivis de deux tercets (strophes de trois vers). Les vers sont
isométriques (ils ont le même nombre de syllabes) et il s’agit le plus souvent
de décasyllabes (10 syllabes) ou d’alexandrins (12 syllabes). Les rimes sont
disposées selon des schémas prédéfinis : ABBA ABBA pour les quatrains,
tandis que les tercets présentent des formes plus souples : CCD EED (selon
le modèle imposé par Marot) ou CCD EDE (modèle de Jacques Peletier du
Mans), entre autres. Le dernier vers produit souvent un effet de surprise ou
de chute, en italien un « concetto », c’est-à-dire une pointe.

2. Des poèmes de jeunesse et de révolte


1. Une poésie autobiographique
Le « je » qui s’exprime dans le Cahier de Douai est un adolescent, plus précisément
un poète de quinze ans. En effet, « À la musique », qui présente la comédie sociale
du jeudi soir place de la gare à Charleville et raille les bourgeois ridicules, ou « Au
Cabaret-Vert », qui peint un cabaret fréquenté par Rimbaud, témoignent tous
deux de lieux que Rimbaud a fréquentés à l’époque. En ce sens, on prendra garde à
la mention finale du poème « Morts de Quatre-vingt-douze… », « Fait à MAZAS,
3 septembre 1870 », qui renvoie à l’expérience carcérale de Rimbaud à la fin de l’été
1870. De nombreux éléments conduisent ainsi le lecteur à considérer l’ensemble
du recueil comme autobiographique, même si plusieurs poèmes racontent
simplement l’expérience universelle d’un jeune homme à la découverte du
monde, de sa propre liberté et de la sensualité. Si « Je est un autre », comme l’écrira
Rimbaud en 1871, « Je » est ici aussi, sans doute, Arthur, né à Charleville, qui
déteste les Ardennes, s’en échappe et y revient malgré lui.

2. Une « poésie des grandes vacances »

Cette expression de l’universitaire Pierre Brunel, grand spécialiste de Rimbaud, dont


les travaux ont permis de mieux connaître le poète, rend compte d’une grande
partie du Cahier de Douai. De nombreux poèmes abordent effectivement des
thèmes chers à l’adolescence et à l’idée d’un temps suspendu : l’errance, la
fuite, la liberté ou encore la sensualité. Le poète est ainsi souvent présenté en
balade, parfois dans la nature : « j’irai dans les sentiers », « Et j’irai loin, bien loin,
comme un bohémien » (« Sensation »), « On va sous les tilleuls verts de la
promenade » (« Roman »), « Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées »
(« Ma bohème »). Cette poésie du mouvement a participé à la légende de
Rimbaud, notamment incarnée par l’expression « l’homme aux semelles de
vent », généralement attribuée à Verlaine, même si son origine reste incertaine.
Même lorsqu’il évoque les horreurs de la guerre, comme dans « Le Dormeur du
val », le poète demeure un être qui se promène et qui découvre, presque par
hasard, le soldat mort au milieu de la nature.
3. Une expérience de la sensualité

Les femmes et la séduction sont très présentes dans le Cahier de Douai, qu’elles
soient des maîtresses (« Première soirée ») ou des femmes que le poète veut
séduire (« Les Reparties de Nina », « Roman ») ou encore avec des « fillettes » dans
« À la musique ». Le poète est souvent entouré de femmes qu’il cherche à séduire :
Nina ne semble pas le comprendre, comme le montre brutalement la chute du
poème, la servante de « La Maline » joue avec ses nerfs, alors qu’une jeune femme
sans nom, mais « fort déshabillée » (v. 1), partage déjà sa chambre dans « Première
soirée ». Cette quête sensuelle ne se résume pas à la séduction ni même à la
relation charnelle. Une part importante des images rimbaldiennes évoque les
débuts, la création ou encore la fusion, qui font écho à la thématique de la
sensualité. Le poète et la jeune femme se croisent, se cherchent et entrent dans un
jeu de séduction, dans la rue (« Roman ») :

Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,


– Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père…

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,


Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif….
– Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…

Ou dans un cabaret (« La Maline ») :

– Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,


Fichu moitié défait, malinement coiffée

Et, tout en promenant son petit doigt tremblant


Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,
En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,

Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m’aiser ;


– Puis, comme ça, – bien sûr pour avoir un baiser, –

La sensualité du Cahier de Douai semble d’abord être celle des adolescents ; elle
correspond au temps du jeu, de la reconnaissance et aux débuts de la séduction.
Dans les deux poèmes cités, c’est la jeune femme qui maîtrise le jeu face à un
poète « naïf », « malinement ».

4. Une poésie de la révolte

De nombreux poèmes tranchent avec le lyrisme qui évoque la fuite adolescente et


la découverte des sensations. Rimbaud affiche sa haine farouche de la
bourgeoise, qu’il ridiculise dans « À la musique » ; il s’indigne du sort fait aux plus
pauvres avec des accents hugoliens et baudelairiens dans « Les Effarés » et, surtout,
dénonce la guerre dans « Le Mal » et le « Dormeur du val », aujourd’hui parmi les
poèmes les plus connus de Rimbaud. Cette horreur de la guerre, de l’Empire et
du pouvoir tyrannique est aussi lisible dans « Morts de Quatre-vingt-douze… »,
« Rages de Césars », « L’Éclatante Victoire de Sarrebrück ». Elle est également
manifeste dans le long poème « Le Forgeron », dans lequel la personne qui donne
son nom au poème interpelle longuement Louis XVI pour dénoncer la misère des
ouvriers avec un souffle lyrique qui n’est pas sans rappeler celui de Victor Hugo
dans Les Châtiments, alors qu’il dénonce Napoléon III : « Oh ! tous les Malheureux,
tous ceux dont le dos brûle / Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont, / Qui
dans ce travail-là sentent crever leur front ». La tonalité lyrique n’est pas seule à
rappeler Hugo : l’épique n’est jamais bien loin, comme par exemple avec cette
personnification de la Bastille, identifiée à une « bête », également dans « Le
Forgeron » :

Oh ! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas


Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière
Cette bête suait du sang à chaque pierre
Et c’était dégoûtant, la Bastille debout
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !

Rimbaud porte en définitive un regard critique et sévère sur les oppressions de


son temps, dénonçant le pouvoir et les injustices. En s’inspirant de la poésie
satirique de Hugo, il donne lui aussi un tour politique à ses textes.

3. Émancipations créatrices
1. Rimbaud encore sous influence

Rimbaud, pas encore « voyant » ? - Rimbaud est connu pour la théorie du


voyant, qu’il expose dans deux lettres envoyées à Izambard et Demeny au
printemps 1871. On analyse souvent la poésie de Rimbaud à travers cette grille de
lecture et les recueils que sont Une saison en enfer et Illuminations témoignent de
multiples façons de ce projet de « dérèglement de tous les sens », ou encore de
quête d’une nouvelle langue. Mais le Cahier de Douai est antérieur d’un an à cette
théorie et, si Rimbaud a bien quelques audaces, il n’en reste pas moins un poète
inspiré par la poétique parnassienne et marqué par Victor Hugo et par Charles
Baudelaire, mais aussi par Verlaine qu’il a lu plus récemment, notamment les
Poèmes saturniens (1866) et les Fêtes galantes (1869).

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