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Le sort des actes préparatoires

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LE SORT DES ACTES PRÉPARATOIRES

Cf. 3ème partie, ch.1, section 1, §2, 3. L’immatriculation au RCS

Les actes préparatoires sont ceux effectués pour le compte d’une société en formation (en
train de ses créer).

La société obtient la personnalité juridique lors de son immatriculation au RCS (art. 1842 al.1
du Code civil).
Or, entre la conclusion du contrat de société (qui marque en quelque sorte la naissance de fait
de la société) et son immatriculation (qui constitue la date de sa naissance juridique), la
société peut avoir besoin de conclure certains contrats d’ores et déjà indispensables pour un
éventuel début d’activité.
Ex : conclure des contrats de travail, ouvrir un compte bancaire, se faire délivrer un chéquier,
louer un local…

Mais tant qu’elle n’est pas immatriculée, la société n’a pas la personnalité juridique et ne peut
donc pas conclure de tels actes.
On dit que ces actes sont faits pour le compte d’une société en formation (c'est-à-dire la
société qui se situe dans la période avant son immatriculation). Ce sont les futurs associés (ou
les futurs dirigeants) de la société qui concluent les différents contrats nécessaires au
lancement de l’activité de la société en formation. Mais ces actes engagent les personnes qui
les ont accomplis, et non la société.
Ex1 : un associé d’une société en formation embauche des salariés. L’URSSAF demande
paiement des charges sociales : c’est l’associé qui est responsable.
Ex2 : Com. 7/03/1995 :
Faits :
Un grand nombre de salariés quittent leur entreprise pour en créer une concurrente. Le
président de la première société attaque la deuxième en dommages et intérêts pour
débauchage massif et pour publicité créant une confusion dans l’esprit du public.
Procédure :
La cour d’appel fait droit à sa demande en constatant qu’il y a bien eu débauchage massif. La
nouvelle société forme un pourvoi en cassation au motif qu’elle n’est pas responsable,
puisque ces actes ont été effectués alors qu’elle était encore en formation.
Problème juridique :
Une société en formation peut-elle être condamnée pour concurrence déloyale ?
Solution :
La cour de cassation répond par la négative, au motif qu’une société en formation n’a pas la
personnalité juridique : on ne peut donc pas la condamner. Il aurait fallu agir contre les
fondateurs.

Donc, les actes accomplis pour une société en formation engagent les personnes qui les ont
accomplis, et non la société.
Toutefois, la loi (art. 1843 du Code civil) prévoit un mécanisme de reprise des actes par la
société une fois immatriculée. Cette reprise est même dotée d’un effet rétroactif : une fois
repris, les actes passés seront réputés avoir été contractés par la société dès l’origine (c’est-à-
dire dès la conclusion du contrat).

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Mais il faut qu’il y ait vraiment reprise, selon certaines modalités prévues :
- La reprise peut tout d’abord résulter de la mention de ces actes en annexe des statuts
de la société.
- La reprise peut ensuite s’opérer par le biais d’un mandat donné par les associés dans
les statuts ou dans un acte séparé de prendre des engagements précis et déterminés (un
acte dont il n’a pas été fait état dans ce mandat ne pourra alors faire l’objet d’une
reprise sur ce fondement).
- La reprise peut enfin résulter d’une décision d’associés prise à la majorité à l’occasion
d’une assemblée générale. Postérieurement à l’immatriculation, les associés peuvent
donc décider en assemblée générale la reprise de tel ou tel acte.
A défaut de reprise dans les conditions et suivant les modalités prévues par les textes, ce sont
les personnes qui ont souscrit les engagements pour le compte de la société en formation qui
resteront personnellement tenues des obligations contractées.

Cas pratique

Dupond, Dubois, Durand et Martin décident de constituer une SARL pour l’exploitation d’un
commerce de vente d’appareils ménagers. En janvier et février 2004 ils ont des échanges de
correspondance qui aboutissent le 1er avril à la décision de constituer une société.
Le 3 avril, M. Dupond achète un terrain pour le compte de la future société. Le 8 avril, un
commissaire aux apports est désigné. Le 17 avril, M. Durand dépose la somme qui correspond
à sa part dans la SARL. Le 15 mai, Dubois se fait consentir un bail d’un local pour la future
société. Le 15 juin, les statuts de la future société sont signés.
M. Dupond est mandaté le même jour pour prendre tous les engagements nécessaires à la vie
de la société.
Le 20 juin, M. Dupond signe un chèque sans provision pour payer du matériel nécessaire à la
SARL. Le 1er juillet, la société est immatriculée.
1/ Dans quelle mesure les actes passés par Dupond et Dubois engagent la SARL ?
2/ Rédigez pour ces différents actes les clauses qui semblent nécessaires pour éviter tout
conflit postérieur.

Correction :

Une société dont l’objet social concerne l’exploitation d’un commerce de vente d’appareils
ménagers est constituée par quatre associés. Des pourparlers jusqu’à l’immatriculation, les
différentes étapes de la constitution de la société nous sont retracées (voir l’énoncé). Entre les
premiers échanges de correspondance et l’immatriculation, différentes opérations sont
réalisées pour le compte de la société en formation par les futurs associés Dupond et Dubois.
Dans quelle mesure ces opérations vont-elles engager la SARL ? Quelles sont en outre les
clauses qui peuvent être insérées dans ces actes afin d’éviter tout conflit postérieur ?

1/ Dans quelle mesure les actes passés par les associés engagent-ils la société ?

a. L’achat du terrain

Il s’agit bien entendu de savoir à quelles conditions la reprise du contrat pour le compte de la
société va pouvoir s’opérer. Pour qu’il y ait reprise de l’acte d’acquisition du terrain par la

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société, il y a des conditions de forme énoncées par l’art. 6 du décret du 3 juillet 1978 (voir
également art. 26 du décret de 1967). L’une des deux modalités énoncées par le texte doit
avoir été accomplie (on reviendra plus loin sur ces conditions de forme).

Mais une condition de fond est également exigée pour la reprise de l’acte par la société.
L’acte en cause doit avoir été passé à un moment où la société était effectivement en
formation. Les actes passés avant même le début de la période de formation de la société
incomberont nécessairement aux personnes qui ont contracté. Reste donc à déterminer avec
précision le commencement et la fin de la période de formation.

En ce qui concerne la fin de la période de formation de la société, il n’y a pas de difficulté


particulière. La période de formation prend fin avec la naissance de la personnalité juridique,
c’est-à-dire avec l’immatriculation de la société (art. L 210-6 Ccom.). Plus délicate est la
question de la détermination du début de la période de formation. A partir de quand la société
est censée être en formation ?

Concernant le point de départ de la période de formation, selon la Chambre commerciale de la


Cour de cassation, une société est en formation dès lors que les intentions de la créer sont
affirmées avec netteté (Cass. com. 12 avril 1976, Rev. sociétés 1977, p. 104). C’est l’intention
ferme de créer la société qui détermine le point de départ de la période de formation, le 1er
avril en l’espèce. L’acte d’achat du terrain, postérieur à cette date, pourrait donc valablement
faire l’objet d’une reprise.

Cependant, pour que la reprise puisse effectivement s’opérer, encore faut-il que les conditions
de forme soient accomplies. L’associé contractant doit préciser que le contrat a été conclu
pour le compte de la société en formation. En pratique, cette exigence se traduit par l’insertion
dans le contrat de vente d’une clause mentionnant que le dit contrat a été conclu pour le
compte de la société en formation.
Doit ensuite avoir été accomplie l’une des trois modalités de l’art. 6 du décret de 1978. Le
contrat doit, soit avoir été inscrit en annexe des statuts dans un état récapitulatif des différents
actes passés pour le compte de la société, soit avoir fait l’objet au préalable d’un mandat
précis et déterminé de passer cet acte, soit faire l’objet d’un vote en assemblée générale après
l’immatriculation.

On ne saurait que conseiller en l’espèce de recourir à la première modalité (porter l’acte dans
un état annexé aux statuts). Au moment où l’acte est passé, les statuts ne sont pas encore
signés. N’ayant pas plus de précision fournie par l’énoncé, on n’émettra pas davantage
d’hypothèse sur le sort de l’acte.

b. Le bail consenti le 15 mai

L’acte a été conclu pendant la période de formation (il n’y a pas de doute ici). Pour qu’il
puisse faire l’objet d’une reprise par la société, il faut encore remplir les conditions de forme.
Il faut que soit précisé dans le contrat que le bail a été conclu pour le compte de la société.
L’une des modalités de reprise de l’art. 6 du décret de 1978 doit avoir été accomplie (voir plus
haut).

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c. L’émission d’un chèque sans provision pour l’achat de matériel

Le 15 juin, les statuts sont signés. Il n’y aura donc plus désormais de possibilité de recourir à
la première modalité de l’art. 6 du décret de 1978 (c’est-à-dire d’annexer l’acte aux statuts).
Cependant, Dupont est désormais mandaté pour prendre tous les engagements nécessaires à la
vie de la société. Le 20 juin, il achète du matériel par le biais d’un chèque sans provision. Le
problème est donc le suivant : est-ce qu’en vertu du mandat délivré à Dupont, l’acte d’achat
du matériel pourra être repris par la société ?

En fait, il y a deux points distincts.


Sur le plan contractuel, pour qu’il y ait reprise de l’achat du matériel, il ne suffit pas d’un
mandat général délivré à l’associé. Les associés doivent donner un mandat de prendre des
engagements précis et déterminés. Un mandat trop général, comme c’est le cas en l’espèce, ne
saurait suffire à engendrer une reprise de l’acte par la société. Pour que la société puisse donc
reprendre l’acte d’achat du matériel à son compte, la seule possibilité est d’adopter une
décision d’associés en assemblée générale et décidant de la reprise de l’acte à la majorité.

Sur le plan délictuel, le comportement de l’associé qui a réglé le fournisseur en émettant un


chèque sans provision ne peut pas faire l’objet d’une reprise. La jurisprudence écarte toute
possibilité de reprise en ce qui concerne les délits. Les délits même commis pendant la
période de formation restent à la charge de leurs auteurs.

2/ Les clauses nécessaires pour éviter tout conflit postérieur

a. La première clause dont on ne peut que conseiller l’insertion dans tous les contrats conclus
par l’associé de la société en formation est celle faisant apparaître clairement que
l’engagement a été contracté pour le compte de la société en formation. La clause peut être
rédigée comme suit :
« Entre M. F. d’une part, et M. Dupont d’autre part, agissant au nom et pour le compte de la
SARL X en formation, il a été convenu ce qui suit… ».

b. On peut également recommander d’insérer dans chacun de ces contrats une clause
renfermant une condition suspensive permettant ainsi de protéger les parties et notamment
l’associé qui agit pour le compte de la société en formation. Ainsi, on peut conclure un contrat
sous la condition suspensive que celui-ci fasse l’objet d’une reprise par la société. De la sorte,
à défaut de reprise par la société, l’associé sera lui-même libéré de toute obligation. La clause
peut être ainsi rédigée :
« L’exigibilité des obligations contenues dans le présent acte est expressément soumise par les
parties à la condition suspensive de la reprise par la société X, actuellement en formation, des
engagements en résultant ».

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