Niveaux Narratifs
Niveaux Narratifs
Niveaux Narratifs
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Id, Nouveau discours de récit, éd. Du Seuil, coll. poétique .Paris 1983, p.56
Le récit-cadre pourrait adopter une fonction évaluative lorsque le
narrataire intradiégétique du récit enchâssé auquel l’histoire est racontée
au niveau du récit cadre, apporte un commentaire évaluatif à l'histoire
qui vient d'être racontée. Ce qui a (ou devrait avoir...) pour effet d'orienter
l'interprétation du narrataire extradiégétique, c'est-à-dire le lecteur. Par
exemple, René, Chateaubriand a situé le récit métadiégétique du héros
dans un contexte de condamnation morale. René, après avoir raconté sa
vie, est jugé sévèrement par un de ses auditeurs, qui lui reproche son
endurcissement dans la mélancolie.
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GENETTE Gérard, Figures III,op.cit. p.242
5
Voir Ibid
La troisième fonction est de distraction ou d'obstruction qui consiste en
un récit métadiégétique n'ayant rien à voir avec le contenu diégétique.
L’acte de narration remplit ainsi une fonction dans la diégese pour
distraire et faire avancer le récit en général. Les Milles et une nuits sont le
meilleur exemple de cette fonction, où Schéhérazade, narratrice
intradiégétique fait des récits métadiégétiques l'un après l'autre sans
qu'ils aient de lien diégétique avec le récit premier où elle est personnage.
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EXEMPLES :
(1)
Georges Duroy dormit mal, tant le désir de voir imprimé
son article. Dès que le jour parut, il fut debout, et il rôdait dans
la rue bien avant l’heure où les porteurs de journaux vont, en
courant, de kiosque en kiosque.
Alors il gagna la gare Saint-Lazare, sachant bien que La Vie
Française y arriverait avant de parvenir dans son quartier.
Comme il était encore trop tôt, il erra sur le trottoir.
Il vit arriver la marchande, qui ouvrit sa boutique de verre,
puis il aperçut un homme portant sur sa tête un tas de grands
(2)
« Jusque alors le père Souël, sans proférer une parole, avait écouté d'un
air austère l'histoire de René. Il portait en secret un cœur compatissant,
mais il montrait au-dehors un caractère inflexible; la sensibilité du
Sachem le fit sortir du silence :
" Rien, dit-il au frère d'Amélie, rien ne mérite dans cette histoire la pitié
qu'on vous montre ici. Je vois un jeune homme entêté de chimères, à qui
tout déplaît, et qui s'est soustrait aux charges de la société pour se livrer à
d'inutiles rêveries. On n'est point, monsieur, un homme supérieur parce
qu'on aperçoit le monde sous un jour odieux. On ne hait les hommes et la
vie que faute de voir assez loin. Etendez un peu plus votre regard, et vous
serez bientôt convaincu que tous ces maux dont vous vous plaignez sont
de purs néants. Mais quelle honte de ne pouvoir songer au seul malheur
réel de votre vie sans être forcé de rougir ! Toute la pureté, toute la vertu,
toute la religion, toutes les couronnes d'une sainte rendent à peine
tolérable la seule idée de vos chagrins. Votre sœur a expié sa faute ; mais,
s'il faut ici dire ma pensée, je crains que, par une épouvantable justice, un
aveu sorti du sein de la tombe n'ait troublé votre âme à son tour. Que
faites−vous seul au fond des forêts où vous consumez vos jours,
négligeant tous vos devoirs ? Des saints, me direz−vous, se sont ensevelis
dans les déserts. Ils y étaient avec leurs larmes, et employaient à éteindre
leurs passions le temps que vous perdez peut−être à allumer les vôtres.
Jeune présomptueux, qui avait cru que l'homme se peut suffire à
lui−même, la solitude est mauvaise à celui qui n'y vit pas avec Dieu ; elle
redouble les puissances de l'âme en même temps qu'elle leur ôte tout sujet
pour s'exercer. Quiconque a reçu des forces doit les consacrer au service
de ses semblables : s'il les laisse inutiles, il en est d'abord puni par une
secrète misère, et tôt ou tard le ciel lui envoie un châtiment effroyable. »
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6
Stendhal, Le rouge et Le noir, op.cit.p.12