Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

Dictionnaire de La Communication

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 32

DICTIONNAIRE DE LA

COMMUNICATION
Formateur : Jean-Paul Méline

ACCUMULATION
On ajoute des termes ou des syntagmes de même nature et de même fonction, parfois de même sonorité finale.
Elle sert au développement de l’idée principale.

Ex. : …Et là se fait entendre un perpétuel piétinement, caquettement, mugissement, beuglement,


bêlement, meuglement, grondement, rognonnement, mâchonnement, broutement des moutons et
des porcs et des vaches à la démarche pesante (Joyce, Ulysse).

Autre ex. : Français, Anglais, Lorrains, que la fureur rassemble (Voltaire).

Syn. ou analogues : Série, amas, amplification, énumération, athroïsme, synathroïsme, congerie,


conglobation (accumulation d’arguments en faveur d’une thèse, de preuves dans un procès).

L’accumulation d’adjectifs est nommée style épithétique (Lausberg). L’épitrochasme est une série de
mots courts, monosyllabiques.

ACRONYME
Groupe d’initiales abréviatives, plus ou moins lexicalisé. On les prononce comme s’il s’agissait d’un
nouveau mot (prononciation intégrée : l’Urs) ou en considérant chaque lettre séparément
(prononciation disjointe : l’U-R-S-S). Dans le cas de la prononciation disjointe, il devient possible de
transcrire en toutes lettres cette prononciation : l’uèraissesse, téhéseffe (TSF), achélème (HLM).

ALLÉGORIE
(allêgorein, parler par images).

Image littéraire dont le phore (la lettre) est appliqué au thème (l’esprit), non globalement comme dans
la métaphore ou la comparaison figurative, mais élément par élément, ou du moins avec
personnification (Dupriez).

Ex. : La rêverie… une jeune femme merveilleuse, imprévisible, tendre, énigmatique, provocante, à
qui je ne demande jamais compte de ses fugues (Breton).

Selon Reboul, c’est une description ou un récit de situations familières et concrètes dont on peut tirer,
par analogie, un enseignement abstrait, en général religieux, psychologique ou moral; ainsi le
proverbe, la fable, la parabole. L’herméneutique du Moyen-Age fait une lecture essentiellement
allégorique de la Bible, posant que le texte a un autre sens que son sens littéral, ou mieux, plusieurs.

1
Une allégorie sous forme de proverbe est essentiellement constituée de métaphores et son sens ne
peut être que figuré, elle est dépourvue de sens littéral : Pierre qui roule n’amasse pas mousse.

ALLITÉRATION
Retours multipliés d’un son identique dans un énoncé ou un mot. Ces retours se font généralement à
l’initiale du mot, ou sur plusieurs syllabes du même mot.

Ex. : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Racine, Andromaque).

Syn : Paragrammatisme, parachrèse. Voir aussi assonance.

L’allitération peut aussi porter sur des voyelles, comme l’assonance :

Salut, encore endormies


A vos sourires jumeaux
Similitudes amies
Qui brillez parmi les mots !
(Valéry)

ALLOGRAPHE
Texte transcrit en d’autres mots. On a remplacé les mots par des homophones qui semblent conférer
à la phrase un sens nouveau.

Ex. : La rue meurt de la mer (la rumeur de la mer); Ile faite en corps noirs (= il fait encore noir) –
(Cocteau); Seau d’eau mégots morts (= Sodome et Gomorrhe) – (Prévert).

Syn. : Langage cuit (Desnos).

L’allographe s’obtient par une métanalyse de la chaîne sonore, à l’instar du rébus (allographe
pictographique) ou de la charade.

AMALGAME SYNTAGMATIQUE
Exprimer plusieurs syntagmes, voire plusieurs assertions, en un seul mot phonétique. Pour transcrire
ce phénomène, on a recours à des élisions ou des juxtapositions graphiques.

Ex. : Doukipudonctan ? (Queneau, Zazie). Esketakompri ?

ANAGRAMME
Mot obtenu par transposition des lettres d’un autre mot, e.g., chien -> niche.

L’anagramme sert avant tout à composer des pseudonymes : Alcofibras Nasier (François Rabelais).

Si l’anagramme inverse l’ordre sans le bouleverser, on obtient un palindrome : régate / étager.

2
L’anagramme permet des lectures autres, souterraines, "hypogrammatiques". Kristeva, Meschonic
voient dans la conception anagrammique de l’écriture une "voie d’accès à l’inconscient du travail
poétique".

ANAPHORE
Répétition du même mot en tête des phrases ou de membres de phrases.

Semblable à la nature
Semblable au duvet
Semblable à la pensée
Semblable à l’erreur
(Michaux, l’Espace du dedans)

ANNOMINATION
Remotivation du nom propre par métanalyse, étymologie ou traduction.

Ex. : Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (Evangile selon Mathieu).

Autre ex. : Ah ! qu’il est malin le Malin (Valéry, Mon Faust).

ANTANACLASE
Type de diaphore prenant place dans un dialogue, voire une plaidoirie. Il s’agit de reprendre les mots
de l’interlocuteur (ou de la partie adverse), en leur donnant une signification autre, dont on pourra tirer
avantage.

Ex. : - Et ce roi, ce n’est pas toi qui l’as tué ?


- Je te l’accorde
- Tu me l’accordes ! Que Dieu t’accorde alors la damnation pour ce forfait ! (Shakespeare).

L’antanaclase est généralement donnée pour synonyme de la diaphore : Le coeur a ses raisons que
la raison ne connaît pas (Pascal).

Fondée sur l’homophonie, l’antanaclase peut devenir un jeu :


- Ah ! Je voudrais la voir [la Belle Hélène]
- Tu voudrais l’avoir ? (Claudel, Protée).

ANTILOGIE
Contradiction entre les idées. Contradiction dans les termes.

Ex. 1 : Même si c’est vrai, c’est faux (Michaux).

Ex. 2 : C’est assez vague pour être clair, n’est-ce pas ? (Vian).

Ex. 3 : Sur le coup de cinq heures et demie six heures (Queneau).

3
L’antilogie s’apparente au sophisme, au paralogisme, elle est un défaut de raisonnement. L’antilogie
appartient au paradoxe.

Antonyme : tautologie.

ANTIPHRASE

On emploie un mot dans un sens contraire à celui qui lui est naturel. Elle peut prendre prendre la
forme d’une menace voilée ou masquer l’ironie.

Exemples : Ne vous gênez pas ! Tu peux te douter que je vais bien la recevoir.

L’antiphrase dérive d’une affirmation implicite telle que : "ce que nous voulons dire est si vrai qu’on
peut même dire le contraire sans danger d’être mal compris".

L’intonation, le contexte jouent un rôle fondamental pour cette figure. Dans une locution telle que C’est
gai! on se rapproche de l’euphémisme. Voir aussi à litote.

Autre déf. : Manière de s’exprimer qui consiste à dire le contraire de ce que l’on pense (Lexis).

ANTITHÈSE
Présenter, mais en l’écartant ou en la niant, une idée inverse, en vue de mettre en relief l’idée
principale.

Ex. : D’autres préfèrent le monologue intérieur, moi non, j’aime mieux battre (Michaux).

Autre ex. : Le Canada est le paradis de l’homme d’affaires, c’est l’enfer de l’homme de lettres
(Fournier).

C’est un mode courant de soulignement : Cela et pas autre chose.

Autre déf. : Mode d’expression consistant à opposer dans le même énoncé deux mots, ou groupe de
mots, de sens opposé (Dubois) : Et monté sur le faîte, il aspire à descendre (Corneille).

Pour Reboul, c’est une figure qui fait ressortir une contradiction en la plaçant à l’intérieur d’une
répétition : La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre (de Gaulle).

Voir chiasme.

ANTONOMASE
Prendre un nom commun pour un nom propre, ou un nom propre pour un nom commun.

Autre déf. : Synecdoque désignant une espèce par le nom d’un individu, ou désignant un individu
pour une espèce (Reboul).

Ex. : César pour les dictateurs, Harpagon pour avare, Cicéron pour orateur, le Corse pour Napoléon,
Londres pour le gouvernement anglais, le Quai d’Orsay pour les Affaires étrangères, l’Hexagone pour
la France.
4
APHÉRÈSE
Chute du phonème initial ou suppression de la partie initiale (une ou plusieurs syllabes) d’un mot.

Le démonstratif latin illum, illam a donné, par aphérèse, les articles français le et la. Le mot boutique a
été probablement obtenu par aphérèse du grec apothéké (magasin). Il peut aussi s’agir d’abréviation à
rebours : bus pour autobus.

L’aphérèse peut être considérée comme le contraire de l’apocope.

Voir à métaplasme.

APOCOPE
(apokoptein, retrancher).

Retranchement d’une lettre ou d’une syllabe à la fin d’un mot.

Ex. : Encor pour encore.

L’aphérèse est la suppression d’une syllabe ou d’un son à l’initiale : t’y vois core moins clair que moi –
(Joyce).

L’élision est l’apocope d’une voyelle finale devant un mot commençant par une voyelle.

L’apocope intervient souvent dans la langue parlée sur les finales liquides : tab, prop, quat, chasub,
c’est pas croyab !

Voir à métaplasme.

APODIOXIE
Refus argumenté d’argumenter, soit au nom de la supériorité de l’orateur, e.g., je n’ai aucune leçon à

recevoir, soit au nom de l’infériorité de l’auditoire, e.g., ce n’est pas à vous de me donner des leçons.

Elle est une sorte de violence verbale (Reboul).

Autre déf. : En rhétorique, l’apodioxie est le rejet véhément et indigné d’un argument jugé absurde de
l’adversaire.

L'apodioxie peut rester implicite : dans le slogan Black is beautiful, l'apodioxie est intégrée à la
formule; on revendique ce pourquoi on est méprisé, en retournant la doxa, l’opinion commune.

Autres exemples : Le lait est-il un aliment ? Une telle discussion dépasserait le cadre de cet article
(Jarry). Nous en discuterons en temps et lieu, car il serait trop long d’en deviser à présent.

Voir aussi à prolepse, anticipation des arguments de l’adversaire.

5
APPOSITION
Caractérisation ou identification d’un substantif ou d’un pronom par un substantif, qui le suit.

Ex. 1 : Déjà coulait le sang, prémices du carnage (Racine).

Ex. 2 : Nuit, mon feuillage et ma glèbe (Char).

APOSTROPHE
(gr. apostrophé, se retourner).

Moyen par lequel l’orateur interrompt son discours et feint de s’adresser à un autre que son auditoire
réel, cet autre pouvant être un absent, un mort, un principe etc..

Ex. : Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie.

Les marques de l’apostrophe sont souvent situées à l’initiale du texte, de la strophe, de la phrase, soit
par le nom du destinataire : Soleil, je te viens voir pour la dernière fois (Racine), soit par une
exclamation ou un vocatif : Ô nuit désastreuse (Bossuet).

L’énonciation peut être également marquée par l’emploi d’un pronom, tu, ou vous, désignant le lecteur.

Des variantes de l’apostrophe sont la dédicace, ou l’adresse.

En rhétorique publicitaire, on appelle personnalisation le procédé qui consiste à inclure dans le


message le nom du destinataire.

ASSONANCE
(lat. assonare, faire écho).

Répétition, à la finale d’un mot ou d’un groupe rythmique, de la voyelle accentuée que l’on avait déjà
rencontrée à la finale d’un mot ou d’un groupe rythmique précédent.

Ex. : Sous le ciel grand ouvert la mer ferme ses ailes (Eluard).

La définition la plus générale de l’assonance est celle qui se limite à en faire la marque du vers
classique de la poésie régulière, autrement dit la rime, ou homéotéleute.

Des figures de son proches sont l’allitération et la paronomase.

ASYNDÈTE
Sorte d’ellipse par laquelle on retranche les conjonctions simplement copulatives qui doivent unir les
parties dans une phrase. C'est une figure obtenue par suppression des termes de liaison (Reboul).

Ex. : La pluie, le vent, le trèfle, les feuilles sont devenus des éléments de ma vie. Des membres réels
de mon corps (Hébert).

6
Pour Reboul, l’asyndète a une fonction expressive, exprimant un effet de surprise : veni, vidi, vici - Je
vins, je vis, je vainquis (César), mais aussi une fonction pédagogique, puisqu’elle permet au récepteur
de faire opérer les liens manquants. L’asyndète peut retrancher des copules (être), des conjonctions
chronologiques (avant, après) ou logiques (mais, car, donc etc).

L’asyndète est largement usée dans le langage publicitaire, le slogan : Les prix sont libres. Vous êtes
libres. Ne dites pas oui à n’importe quel prix (slogan d'une campagne du gouvernement français en
1987).

BAROQUISME
Recherche des idées, des figures et des mots les plus rares, les plus surprenants, les plus curieux.

Ex. : Les critiques n'ont produit aucun ouvrage et ne peuvent faire autre chose que conchier et gâter
ceux des autres comme véritables stryges stymphalides. (Gautier)

Analogues : maniérisme, préciosité, marinisme, sécentisme, asianisme, cataglottisme, concetti.

Le contraire de l'asianisme est l'atticisme et, quoique controversé, le cicéronisme.

Antonymes : concision, laconisme.

Les Précieuses du Grand Siècle excellaient à ce genre d'exercice : Ma commune (suivante), allez
quérir mon zéphir (éventail) dans mon précieux (cabinet).

Le positivisme classait toutes les figures baroques sous l'étiquette péjorative de procédisme. Le
procédisme consiste à s'épargner la peine de la pensée et spécialement de l'observation, pour s'en
remettre à une facture ou une formule déterminée. (Annales médico-psychologiques, citées par
Breton, Manifeste du Surréalisme)

BARBARISME
Faute de vocabulaire, emploi de mots ou de formes qui ne font pas partie de la langue (par opposition
à solécisme).

Les barbarismes sont des altérations, ils sont obtenus par composition, dérivation ou forgés de toutes
pièces, mais ils sont toujours le fruit de l’ignorance ou de certaines confusions.

Ex. : Ils avont passé par cheu nous, puis ils nous avont toute recensés… (Maillet).

L’erreur peut venir d’un emprunt à une langue étrangère, il s’agit alors d’un pérégrinisme.

BRACHYLOGIE
(brakhus, court).

Vice d’élocution qui consiste dans une brièveté excessive et poussée assez loin pour rendre le style
obscur (Dupriez).

Emploi d’une expression elliptique : Les mains cessent de prendre, les bras d’agir, les jambes de
marcher (La Fontaine, cit. Lexis).

7
En langue, il s’agit de l’emploi d’une expression plus courte qu’une autre, de même sens : Je pense
venir, au lieu de je pense que je viendrai (cit. Lexis).

Analogue : Contraction. Voir aussi anacoluthe et zeugme.

La brachylogie n’est pas toujours un défaut : la pause-café, i.e., le moment où l’on prend un café. Elle
organise les dialogues, afin d’éviter la répétition des verbes déclaratifs, qui sont peu nombreux :
Monsieur, m’aborda-t-il, (dit-il en m’abordant). Hein ? sursauta-t-elle (dit-elle en sursautant).

CACOLOGIE
(kakos, mauvais).

Expression défectueuse qui, sans constituer une incorrection grammaticale, fait violence à l’usage, à la
logique.

Autre déf. : Terme générique couvrant les fautes autres que le barbarisme ou le solécisme.

Exemples : Tout au cours, pour au long, ou au cours. Remplir un but, collision entre atteindre un but et
remplir une mission. Il est grièvement malade.

Lexis donne cet exemple : Il est sorti avec sa canne et ses enfants (il s’agirait peut-être d’une
anacoluthe ou d’un zeugme dans ce cas).

CATACHRÈSE
(katakhrêsis, abus).

La langue paraissant parfois ne pas offrir de terme propre, on a recours à une dénomination
tropologique, qui parfois se lexicalise.

Ex. : L’asphalte derechef déroulait à gauche ses faufilures blanches (Bessette).

Autres ex. : Laine de verre, salade de fruits.

Autre déf. : Métaphore qui consiste à employer un mot au-delà de son sens strict : les pieds d’une
table (Lexis).

La catachrèse est synecdochique : Casque pour "lunettes de plongée sous-marine; métonymique ou


métaphorique : Langue source ou langue cible.

Autres ex. : Les grandes artères d’une ville, la théorie des dominos (Dulles supposait que si le Vietnam
devenait communiste, toutes les autres nations de la région suivraient).

Reboul définit ainsi la catachrèse : trope rendu nécessaire par l’absence de tout terme propre : les
ailes de l’avion (par métaphore), le collège (par métonymie).

La catachrèse se rencontre souvent dans le langage technologique contemporain. Ainsi surfer,


naviguer, ont été relexicalisés pour s'adapter au vocabulaire de l’internet.

CHIASME
8
Placer en ordre inverse les segments de deux groupes de mots syntaxiquement identiques.

Ex. Je jouais avec Juliette et avec lui; avec Alissa, je causais (Gide).

Le chiasme est proche de l'antithèse : Univers nouveau, O nouvelle solitude (Lapointe).

Lexis : Procédé qui consiste à placer les éléments de deux groupes formant une antithèse dans l'ordre
inverse de celui que laisse attendre la symétrie : Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu
(Hugo)

Selon Reboul, c'est une antithèse dont on pose les termes en miroir : il faut manger pour vivre et non
vivre pour manger. Le chiasme est une opposition fondée non pas sur la répétition, comme l'antithèse,
mais sur l'inversion : Celui qui s'élève sera abaissé, celui qui s'abaisse sera élevé (Luc, XVIII, 14). Ce
n'est pas la conscience qui détermine la vie, c'est la vie qui détermine la conscience (Marx).

CHLEUASME
(kloasma [?] teinte jaunâtre).

Ironie tournée vers soi. Moquerie, persiflage, sarcasme dont on fait soi-même les frais, mais en
attendant de l’interlocuteur un geste de protestation.

Ex. : Suis-je bête !

Autre déf. : S’adresser à soi-même des reproches qu’on veut faire retomber sur les autres; c’est un
faux plaidoyer en forme de confession (Dubois) : Oui, je suis coupable de naïveté, pour avoir cru ce
qu’on me disait.

Le chleuasme relève de la simulation. L’hyperchleuasme peut être une forme qui dit la vérité, tout en
pariant secrètement que son énormité la fera tenir pour humoristique : Je suis Méphisto, annonce
tranquillement Méphisto, et tous de pouffer, incrédules, tandis que lui, sous cape, d’encore plus
pouffer.

Pour Reboul, c’est une figure d’argument par laquelle l’orateur feint de se déprécier pour mieux se
faire apprécier : Et moi qui n’y connais rien… Je suis peut-être un imbécile mais… Cette figure marque
le triomphe du bon sens sur les spécialistes, les doctes et les savants, du vécu sur le livresque.

CIRCONLOCUTION

Embarras qu’on éprouve à discuter d’une chose.

Alors que la périphrase se rapporte à un seul mot (e.g., le plancher des vaches pour la terre), la
circonlocution concerne plutôt une idée.

La circonlocution est à la phrase ce que la périphrase est au mot : elle étoffe (ainsi une simple phrase
peut devenir alinéa) mais n’exprime qu’indirectement son objet.

CLICHÉ
Idée ou expression trop souvent utilisée, banalité, lieu commun : cheveux d’or, lèvres vermeilles.

9
Analogues : Stéréotype, syntagme figé (non péj.).

La banalité de l’idée est plus souvent appelée lieu commun, ou topique. Dans certains cas, il s’agit
plus justement d’un poncif, c’est-à-dire un thème littéraire ou artistique, mode d’expression qui, par
l’effet de l’imitation, a perdu toute originalité (Robert).

Il cesse d’être un défaut de style s’il est employé avec une intention ironique, parodique, ou pour
connoter une absence de sincérité.

COMPARAISON
On rapproche deux entités quelconques du même ordre, au regard d’une même action, d’une même
qualité etc. Développée, la comparaison est un parallèle; limitée à un rôle expressif, c’est la
comparaison figurative.

Dupriez distingue la comparaison simple (cs) de la comparaison figurative (cf). La première introduit un
actant grammatical supplémentaire (substantif), alors que la seconde introduit un qualifiant
supplémentaire (adjectif, adverbe). Seule, la comparaison figurative est une image littéraire.

Ex. : Il est malin comme un singe (cs = le singe est malin) et : Il est malin comme son père (cf = son
père est malin et a également d’autres qualités).

Dans cet exemple tiré de Boris Vian, les deux formes de comparaisons sont apposées : Un morceau
de pain frais comme l’oeil (cf) et comme l’oeil, frangé de longs cils (cs).

Dupriez définit la comparaison figurative comme une comparaison dans laquelle le choix du comparant
(phore) est soumis à la notion, exprimée ou sous-entendue, que l’on veut développer à propos du
comparé (thème).

Ex. : La parole est comme une rivière qui porte la vérité d’une âme vers l’autre, le silence est comme
un lac qui la reflète et dans lequel tous les regards viennent se croiser (Lavelle).

La comparaison est une image dans laquelle thème et phore sont exprimés (ce dernier par un
syntagme) et syntaxiquement reliés par une marque de l’analogie : comme, tel, même, pareil,
semblable, ainsi que, mieux que, plus que, sembler, ressembler, simuler, être; ou encore une
apposition ou un appariement. L’appariement consiste à remplacer la conjonction comme par un mot
lexical : La terre et moi faisons la paire (Audiberti).

Dupriez ajoute que si le thème et le phore remplissent des fonctions comme celles de complément du
nom / nom ou sujet / verbe, plus rien ne les oppose sur le plan syntaxique et on a une métaphore.

CRASE
(krasis, contraction).

Contraction de deux syllabes en une seule : C’est pour Mame Foucolle (Queneau).

Synonyme : Contraction. Antonymes : Diphtongaison, diérèse.

Littré appelle synalèphe l’ensemble des phénomènes réduisant deux syllabes en une seule :
synérèse, contraction, élision, crase. Voir à métaplasme.

10
DIAPHORE

(dia, séparation, distinction et phorein, porter).

On répète un mot déjà employé en lui donnant une autre nuance de signification.

Ex. 1 : Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas (Pascal).

Autre nom : Antanaclase.

Ex. 2 : Il est notoire que les sujets sérieux exigent d’être jugé par des sujets sérieux (Vian).

Ex. 3 : Le roi est mort. Vive le roi ! (i.e., le nouveau roi).

La plupart des tautologies sont factices parce qu’il y a diaphore.

DIÉRÈSE
(diairesis, division).

Traitement bisyllabique d’une séquence qui comporte deux éléments vocaliques (généralement une
semi-consonne [glide] et une voyelle) formant habituellement une seule syllabe. Ainsi, le mot nuage
(monosyllabique) est réalisé en nu-age.

Procédé largement utilisé en poésie métrée pour obtenir le nombre de pieds convenu : Les sanglots
longs (4) / Des violons (4) (Verlaine).

La synérèse est le phénomène inverse à la diérèse. Voir à métaplasme.

ÉCHOLALIE
Répétition de la dernière syllabe d'un mot, en écho.

Ex. : - Comment vous appelez-vous ?


- Vous. (Breton)

Syn. Rime couronnée

En psychiatrie, l'écholalie est définie comme le fait de répéter machinalement les paroles entendues,
comme chez les enfants, et chez les sujets déments ou confus (Lexis).

ELLIPSE
(elleipsis, manque, ellepein, laisser de côté)

Un ou plusieurs éléments syntaxiques ou sémantiques ne sont pas exprimés dans la phrase, mais le
sens de l’énoncé n'est pas affecté.

Ex. : J’ai bien entendu et elle aussi.


11
L'ellipse est un terme générique pour de nombreuses figures de la soustraction, aussi bien au niveau
du mot, de la syntaxe, que du sens : l’asyndète, la brachylogie, la parataxe, le zeugme,
l’anacoluthe, l’apposition, l’euphémisme etc.

A un niveau plus général, on parle aussi de récit elliptique, au sujet d'une production dont les moyens
narratifs sont minimums.

L'ellipse est souvent constitutive de nombreuses figures, dont l’énallage et l’euphémisme, mais aussi
la synecdoque, la métonymie et la métaphore; ces figures perdraient en fait leur caractère si leurs
lexèmes ou syntaxe étaient développés.

Comme toute figure d’atténuaton, l’ellipse peut par ailleurs avoir un rôle de soulignement.

ÉNALLAGE
(enallagé, substitution)

Echange d'un temps, d'un nom ou d'une personne contre un autre temps, un autre nombre ou une
autre personne.

Ex. 1 : Je mourais ce matin digne d'être pleurée


J'ai suivi tes conseils,
Je meurs déshonorée
(Racine, Phèdre) - changement du temps du verbe.

Ex. 2 : Vous ne répondez point ? …perfide ! je le voi,


Tu comptes les moments que tu perds avec moi.
(Racine, Andromaque) - changement de personne.

Ex. 3 : (Néron à Narcisse) … Néron est amoureux


(Racine, Britannicus) - changement de pronom/nom.

Reboul définit une énallage comme une figure de sens qui consiste à remplacer une forme
grammaticale par une autre, inhabituelle : acheter français. Il s'agit d'un déplacement inhabituel : votez
utile ! (adjectif à adverbe), on les aura ! (= nous les aurons, d'une personne à une autre), les
lendemains qui chantent (= qui chanteront, d'un temps à un autre).

Lexis : procédé qui consiste à utiliser à la place de la forme grammaticale attendue une autre forme qui
en prend exceptionnellement la valeur : il chante terrible.

ÉPANADIPLOSE
Lorsque, de deux propositions corrélatives, l'une commence et l'autre finit par le même mot.

Ex. 1 : La mère est enfin prête; très élégante la mère (Queneau)

Autres noms, épanastrophe, épanalepse.

Ex. 2 : L'enfance sait ce qu'elle veut, elle veut sortir de l'enfance (Cocteau)

Ex. 3 : L'homme peut guérir de tout sauf de l'homme (Bernanos)

12
ÉPANALEPSE
(epanalépsis, répétition).

Répéter un ou plusieurs mots, ou même un membre de phrase entier.

Ex. : L’ombre d’elle-même ! l’ombre d’elle-même ! la malheureuse a vieilli de cent ans ! de cent ans !
(Colette).

Autre exemple, les sept répliques identiques de Géronte dans les Fourberies de Scapin (Molière) :
Mais que diable allait-il faire dans cette galère !

Selon Reboul, l’épanalepse appartient aux figures de la répétition et du pathos :

Ex. : Hélas ! Hélas ! Hélas ! (de Gaulle).

Autre ex. : Car la France n’est pas seule, elle n’est pas seule, elle n’est pas seule (de Gaulle, 18 juin
1940).

Autre déf. : Reprise d’un nom par un pronom dans la même proposition (Lexis) : Pierre, je l’ai
rencontré hier. On semble proche alors de la dislocation.

Autre déf. : Répétition d’un ou de plusieurs mots après une interruption d’un ou plusieurs mots
(Dubois) : Ô flots que vous savez de lugubres histoires ! Flots profonds redouté des mères à genoux
(Hugo).

L’épanalepse ne doit pas être confondue avec l’antanaclase, figure de répétition d’un mot avec des
sens différents. L’épanalepse diffère de la réduplication en ce sens que dans la première, les
syntagmes sont isolables, ce qui n’est pas le cas dans la seconde. Dans l’anadiplose, la répétition a
une fonction de coordination et apparaît en début de phrase.

ÉPANORTHOSE
Revenir sur ce qu’on dit, ou pour le renforcer, ou pour l’adoucir, ou même pour le rétracter tout à fait
(Fontanier).

Autre déf. : Consiste à rectifier ce qu’on vient de dire (Reboul) : …ou plutôt.

L’erratum, la palinodie, la correction, la rétractation sont des formes possibles de l’épanorthose :


Pardon, je voulais dire…Qu’on m’entende bien, je ne dis pas que…

Autre ex. : Il l’a frappé, que dis-je ! il l’a roué de coups !

ÉPENTHÈSE
Lorqu'on ajoute une lettre, ou même une syllable, au milieu d'un mot. Le phénomène a lieu souvent en
langue orale.

Ex. : lorseque je suis arrivé.

L'épenthèse dénote aussi l'apparition d'une consonne non étymologique dans un mot, comme la
consonne b dans le mot chambre, issu du latin camera.

13
L'épenthèse fait partie des métaplasmes.

EUPHÉMISME
On déguise des idées désagréables, odieuses ou tristes sous des noms qui ne sont point les noms
propres de ces idées.

Ex. : Tumeur (cancer), supprimer (tuer), chatouiller les côtes (battre).

Autre ex. : Figaro (qui vient de se faire injurier par le comte) : Voilà les bontés familières dont vous
m’avez toujours honoré (Beaumarchais).

L’euphémisme est l’une des nombreuses formes de l’atténuation : Une situation sérieuse pour grave,
inquiétante ou alarmante.

Si l’euphémisme est trop clairement perçu, son effet, au lieu d’être adoucissant, s’inverse et on arrive à
une litote (dire moins pour en dire plus) : J’en ai un peu assez pour je suis exaspéré; ou une
exténuation : la contestation… traduit des nostalgies ou des aspirations, des regrets ou de
espérances, en tout cas un malaise (Aron).

GÉMINATION
(geminatus, double).

Redoublement de la syllabe initiale dans les formations du type bêbête, fifille.

Ex. : Il donnerait un gros bécot à sa petite fafemme adorée (Joyce).

La gémination, comme l’aphérèse, caractérise le langage enfantin : dodo, neznez etc. Ainsi, constitue-
t-elle le mode ordinaire de formations des diminutifs : Cricri pour Christine, Jojo pour Joël, Bébert pour
Hubert.

La gémination a facilement une valeur péjorative ou dépréciative.

En phonétique, c’est la consonne doublée, qui comporte un intervalle entre la tension et la détente :
elle l’a vu comparé à elle a vu. Voir à métaplasme.

HENDYADIN
(gr. hen dia duoin, un au moyen de deux).

Remplacer un nom accompagné d’un adjectif ou d’un complément par deux noms unis au moyen
d’une conjonction (Lexis).

Ex. : Boire dans des patères et dans de l’or, pour boire dans des patères d’or.

Autre déf. : Figure de rhétorique qui consiste à dissocier en deux noms coordonnés une expression
unique (nom et adjectif ou nom et complément) (Robert).

Ex. : Un temple rempli de voix et de prières (Lamartine).

14
Autre définition : Dissocier en deux éléments, coordonnés, une formulation qu’on aurait attendue
normalement en un seul syntagme dans lequel l’un des éléments aurait été subordonné à l’autre
(Dupriez).

Ex. 1 : Avec un sourire hardi, elle tendit une pièce et son poignet massif (Joyce).

Ex. 2 : Elle et ses lèvres racontaient (Eluard).

Même si chacun des éléments implique déjà l’autre, le procédé les met en lumière séparément.

La reformulation n’est pas toujours en un seul syntagme avec subordination directe : C’était ce matin-
là dimanche, et l’inauguration du jardin zoologique de Chaillot (Queneau).

HIATUS
(latin : ouverture)

Rencontre de deux voyelles, surtout si elles sont semblables ou proches.

Ex. 1 : Et toi, qui en misères as abondance (Michaux).

Ex. 2 : Chacun a eu et a à l’égard de l’événement sa responsabilité (6 voyelles ou sons vocaliques


entraînant des enchaînements vocaliques).

Autre ex. : Il dîna à Amiens.

Certains hiatus ont été lexicalisés : broc à eau [o-a-o], brouhaha [u-a-a].

Voir aussi à kakemphaton, paréchème et pataquès.

HYPALLAGE
On paraît attribuer à certains mots d’une phrase ce qui appartient à d’autres mots de cette phrase,
sans qu’il soit possible de se méprendre au sens : Enfoncer son chapeau dans sa tête, pour enfoncer
sa tête dans son chapeau.

Autre ex. : Son discours menace d’être long (c’est l’orateur qui menace).

Reboul classe l’hypallage comme une figure de sens consistant à déplacer une attribution : Sa gerbe
n’était point avare ni haineuse (Hugo).

Autre ex. : Ils allaient obscurs par la nuit solitaire, dans l’ombre (Virgile).

Lexis : Procédé par lequel on attribue certains mots d’une phrase ce qui convient à d’autres : Ce
marchand accoudé sur son comptoir avide (Hugo).

Autres exemples, cités par Dupriez : Trahissant la vertu sur un papier coupable (Boileau); Mais je ne
vais pas te raconter la pièce, boulot transpirant (Audiberti).

Comme l’énallage (changement de temps, de pronom ou de personne), l’hypallage est en apparence


un défaut.

Les surréalistes l’utilisent pour créer des concordances irréfutables : Le lit dormait d’un sommeil
profond (Harp). Larguez les continents, hissez les horizons (Ducharme).
15
HYPERBOLE
Augmenter ou diminuer excessivement la vérité des choses pour qu’elle produise plus d’impression :
un vacarme à réveiller les morts.

Autres noms : emphase, exagération, charge, superlation, auxèse (Barthes).

L’hyperbole va généralement dans le sens de l’augmentation plutôt que de la diminution ou de


l’atténuation, qui sont plutôt le domaine de la litote (dire moins pour signifier plus).

L’hyperbole excessive conduit à l’adynaton.

L’hyperbole est marquée par des affixes augmentatifs : préfixes (super-, hyper-, extra-, maxi- etc.) ou
suffixes (-issime); par des périphrases de comparaison, des accumulations de superlatifs,
d’expressions exclusives : inexplicable, unique, impensable, une bêtise incommensurable etc. Rouquin
comme un Irlandais peint par Van Gogh (San Antonio).

La langue courante contient beaucoup d’hyperboles endormies : un travail titanesque; c’est à se


casser la tête contre les murs; couper les cheveux en quatre; clouer le bec; conte à dormir debout etc.

Pour Reboul, c’est une figure exagérée pour mieux exprimer : Je suis mort ! Il précise que l’auxèse est
une hyperbole au sens positif, ce géant, alors que la tapinose a un sens négatif, ce nain.

KAKEMPHATON
Rencontre de sons par liaison ou enchaînement d’où résulte un énoncé déplaisant.

Ainsi dans le vers de Corneille : Je suis romaine, hélas, puisque mon époux l’est [mon nez-poulet].

Autre ex. : Fruits purs de tout outrage [toutou] (Baudelaire). Elle put, inviolable, résister [putain].

Le subjonctif est d’un emploi délicat et son usage frise parfois la cacophonie : Bien qu’il ait été à elle
[ait tété à elle].

Autre ex. : Ah! plût à Dieu que tu susses ! (Bossuet, Sermon sur la bonté et rigueur de Dieu à l'égard
des pécheurs).

Voir aussi à hiatus, paréchème et pataquès.

LITOTE
(bas latin litotes, mot grec, simplicité).

Se servir d’une expression qui dit moins pour faire entendre plus.

Ex. : Va, je ne te hais point (= je t’aime) (Corneille).

Autre ex. : La grande modestie de l’homme n’est pas apparente dans ses blasons (Michaux).

16
Autre déf. : Emploi d’une expression, d’un terme qui atténuent la pensée et suggèrent beaucoup plus
qu’on ne dit (Lexis) : Ce n’est pas très bon, pour c’est mauvais; Il ne m’est pas antipathique, pour il
m’est sympathique.

Certains théoriciens définissent la litote comme une combinaison de la périphrase et de l’ironie.

La litote est associée avec le laconisme (couper les détours expressifs) et la sobriété, on dit beaucoup
en peu de mots, on reste en deçà de la substance à exprimer. C’est une atténuation reconnue comme
fausse, simulée.

Comme pour l’antiphrase, c’est le contexte et l’intonation qui permettent de débusquer la litote. Elle se
dit sur un ton de constatation minimale, indéniable, qui implique la possibilité d’en dire plus : On ne
mourra pas de faim aujourd’hui.

Dupriez suggère que L’Etranger de Camus, la diction de Juliette Gréco ont été des prototypes de ce
style que l’existentialisme a véhiculé précisément parce qu’il mettait l’accent sur le contexte, la situation.
C’est l’écriture blanche, le degré zéro de l’écriture.

La litote prend toutes les formes de l’atténuation (y compris l’euphémisme, qui consiste à masquer le
désagréable), et en particulier celle de la négation du contraire en langue courante : Ce n’est pas
souvent que; c’est pas rigolo; c’est pas pour demain; c’est pas l’idéal; ça ne sent pas la rose.

Elle est également, et paradoxalement, un mode de soulignement :

Quand je suis gai, moi, ce n’est pas à moitié (Ducharme).

Reboul la qualifie de figure consistant à remplacer un signifié par un autre moins fort : je suis un peu las,
pour très fatigué. Comme c’est souvent le cas, la litote procède par négation d’une hyperbole : Non, le
docteur X n’a pas encore tué tous ses malades.

MÉTALEPSE
(metalepsîs, transposition).

Faire entendre une chose par une autre, qui la précède, la suit ou l’accompagne, en est une
circonstance quelconque ou enfin s’y attache ou s’y rapporte de manière à la rappeler aussitôt à
l’esprit (Fontanier).

Ainsi, l’emploi d’entendre au sens de comprendre, d’écouter au sens d’obéir.

Autre déf. : Figure par laquelle on fait entendre l’antécédent [ou la cause] par le conséquent (Lexis) :
Hélas! nous le pleurons pour Hélas ! il est mort; ou inversement, le conséquent par l’antécédent : Ils
ont vécu pour ils n’existent plus, ils sont morts.

D’après Dupriez, la métalepse ne serait qu’une métonymie si elle portait sur une proposition, mais elle
n’est constituée que d’un léxème (i.e., morphème lexical – table, chaise, pied etc., par opposition à
morphème grammatical – de, le, avec etc.).

Reboul définit la métalepse comme une figure consistant à remplacer le nom d’une chose ou d’une
personne par une suite de métonymies : celui que nous pleurons pour le mort. Autre exemple tiré de
l’Ecclésiaste : Quand la porte est fermée sur la rue, quand tombe la voix du moulin, quand se tait le
chant de l’oiseau (…), quand on redoute la montée et qu’on a des frayeurs en chemin, obscure et
terrible métalepse pour dire : quand on est vieux. Cette figure nomme la vieillesse par ses effets :
cécité, surdité, fatigue etc.

17
MÉTAPHORE
(lat. metaphora, transport).

C’est le plus élaboré des tropes, car le passage d’un sens à l’autre a lieu par une opération
personnelle fondée sur une impression ou une interprétation et celle-ci demande à être trouvée, sinon
reconnue, par le lecteur (Dupriez).

Bien qu’il s’emploie aussi dans un sens élargi, le mot métaphore n’est pas, au sens strict, synonyme
d’image littéraire : en fait, il en est la forme la plus condensée, réduite à un terme seulement. En effet,
à la différence de l’allégorie, il a un phore [comparant] unique, quoique celui-ci puisse être évoqué par
plusieurs mots. A la différence de la comparaison, ce phore est mêlé syntaxiquement au reste de la
phrase, où se trouve habituellement l’énoncé du thème [le comparé].

Ex. 1 : Je parle un langage de décombres où voisinent les soleils et les plâtras (Aragon).

Ex. 2 : Je raye le mot comme du dictionnaire (Mallarmé), autrement dit, je préfêre la métaphore à la
comparaison. L’objectif de Mallarmé était en fait d’aller jusqu’au bout, de supprimer aussi le phore,
c’est-à-dire le comparant. Cette opération devait être l’aboutissement de la quintessence, un poème
qui aurait dit absolument tout, avec rien, un livre blanc, vierge.

Les métaphores s’usent, vieillissent, perdent leur pouvoir, évoquant de plus en plus leur thème,
devenant alors des clichés, ainsi ces vers de Baudelaire :

Heureux celui qui peut, d’une aile vigoureuse [thèmes : l’imagination, l’esprit].

S’élancer vers les champs lumineux et sereins [thèmes : les cieux, la liberté, la paix].

Autre déf. : Procédé par lequel on transporte la signification d’un mot à une autre signification qui ne lui
convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue (Lexis) : Brûler de désir, la lumière de l’esprit.

Pour Reboul, la métaphore est une figure de sens qui consiste à remplacer le nom d’une chose par un
autre qui lui ressemble: L’Eternel est mon rocher pour mon sûr appui. La métaphore porte sur des
termes hétérogènes. Si l’on considère que la métaphore est une comparaison abrégée – est pour est
comme – la phrase suivante n’est pourtant pas une métaphore : L’eau est [comme] un glaçon. Par
contre, Sylvie est un glaçon constitue une métaphore en raison du rapport hétérogène entre Sylvie et
glaçon.

MÉTATHÈSE
Altération d’un mot par déplacement, inversion d’une lettre ou d’un élément phonétique.

Ex. : Blouque pour boucle.

Provincialisme : La moitié ed la France (Claudel).

Terme de l’ancienne grammaire, qui pourrait désigner certains bredouillements comme insluter,
Rébénice, Nomitaure.

Queneau a travaillé sur ce thème dans ses Exercices de Style : Un juor vres miid, sru la palte-frome
aièrrre d’un aubutos…

L’ancien français formage s’est lexicalisé ensuite en fromage.

18
MÉTONYMIE
(metonumia, changement de nom).

Trope qui permet de désigner quelque chose par le nom d’un autre élément du même ensemble, en
vertu d’une relation suffisamment nette.

Ex. courant : Avoir les yeux plus grands que le ventre.

Ex. : Le phallus en ce siècle devient doctrinaire (Michaux), pour : L’instinct sexuel sert aujourd’hui de
principe moral (ou d’explication universelle);

Autre ex. : Un sentiment tricolore intense (Claudel) pour patriotique.

On peut inventorier quelques catégories de métonymies :

- La cause pour l’effet : D’une plume éloquente, pour un style éloquent; Une Diane de marbre pour une
statue de marbre de Diane; Un Rembrandt pour un tableau de ce peintre; Sa bonne étoile pour sa
destinée; Avoir des bontés pour qqn pour des actes de bonté envers qqn. Voir métalepse.

- L’instrument pour celui qui l’emploie : Le second violon pour le second violoniste.

- L’effet pour la cause : Boire la mort pour boire un breuvage empoisonné.

- Le contenant pour le contenu : Boire un verre, une bouteille.

- Le lieu pour la chose : La Maison blanche, le Quai d’Orsay etc. Voir antonomase.

- Le signe pour la chose : Le trône. le sceptre, la couronne pour le pouvoir royal; une veille barbe pour
une personne âgée.

- Le physique pour le moral : Rodrigue, as-tu du coeur pour du courage; avoir peu de cervelle pour de
l’intelligence.

- Le maître pour l’objet : les noms de localités par exemple : Saint-Denis, Saint-Michel etc.

- L’objet propre pour la personne : Deux perruques pour deux hommes portant des perruques.

Dupriez commente que les tropes principaux, métaphore, metonymie et synecdoque, enseignés et
commentés depuis vingt-cinq siècles, ont peut-être constitué à l’origine un ensemble logique, mais il se
définissent aujourd’hui plus en extension qu’en compréhension. Beaucoup voient la synecdoque
comme une espèce de métonymie, mais on considère généralement que la relation entre le terme
propre et le terme figuré est plus étroite dans le cas de la synecdoque que dans la métonymie.
Fontanier parle de connexion, Genette de contiguïté, Morier d’inclusion. Il est possible que c’est dans
le cas de la métaphore que l’écart entre propre et figuré s’élargit au maximum (rapport hétérogène des
termes); ainsi la synecdoque serait-elle le trope minimal.

Pour Reboul, c’est un trope qui permet de désigner un objet par le nom d’un autre ayant avec lui un
lien habituel. Son pouvoir argumentatif est avant tout celui de la dénomination, qui fait ressortir la
chose qui intéresse l’orateur. Exemple de métonymie valorisante : Le trône et l’autel; ou dépréciative :
Le sabre et le goupillon, pour la collusion entre l’armée et l’église; plus que les autres tropes, la
métonymie est créatrice de symboles : La faucille et le marteau.

Autre déf. : Procédé qui consiste à nommer un objet au moyen d’un terme désignant un autre objet uni
au premier par une relation logique ou simplement habituelle. La métonymie exprime l’effet par la
cause, le contenu par le contenant, le tout par la partie (c’est plutôt la synecdoque) : Il vit de son
travail pour il vit grâce au fruit de son travail; La ville, pour les habitants de la ville.

19
MOT­VALISE
Amalgamer deux mots sur la base d’une homophonie partielle, de sorte que chacun conserve de sa
physionomie lexicale de quoi être encore reconnu.

Ex. : Se recroqueviller + s’emmitoufler = s’encroquemitoufler (Bécaud)

Syn. : Bloconyme.

Autres noms : Collage verbal, emboîtment lexical, amalgame, mot porte-manteau.

Antonymes : Etymologie, mot dévalisé.

Le but du procédé est souvent la syllepse de sens.

Certains mots-valises ont été lexicalisés : reddere + prendere = rendre; calfater + feutre = calfeutrer.
Ou d’autres existent dans la nature, ainsi le croisement de la dinde et de la poule, la dindoule.

Le mot-valise est proche du mot forgé et du paragramme.

ONOMATOPÉE
(onoma, nom et poiein, faire)

Mot formé par harmonie imitative, dont le son est imitatif de la chose.

Ex. : Le frou-frou d'une robe; un plouf dans l'eau; le tictac d'un réveil; le couac d'un canard.

Dupriez remarque que les onomatopées sont des mots au même titre que les autres, et non pas
seulement des bruits, car il y a eu codification de la graphie, de la grammaire du mot (genre,
classement) et du sens.

En bande dessinée, on utilise parfois la contre-onomatopée, qui consiste à prendre des mots lexicaux
pour illustrer des bruits, e.g., gronde et craque, pour l’orage.

OXYMORE
Procédé qui consiste à rapprocher deux termes dont les significations paraissent se contredire.

Ex. : Un silence éloquent.

Dupriez range l’oxymore, ou oxymoron, ou antonymie parmi l’alliance de mots contradictoires.


L’orgueilleuse faiblesse d’Agamemnon dans l’Iphigénie de Racine sont deux idées qui semblent
incohérentes, mais qui dans la réalité s’allient avec précision. Ce qui distingue l’oxymore de la
dissociation c’est que les qualités opposées appartiennent néanmoins au même objet. Les vocables
s’opposent dans leur sens hors-contexte, le paradoxe reste latent et il n’y a pas d’antilogie, car en
réalité, les sens ne sont pas incompatibles. Le soleil noir de la mélancolie de Nerval est un astre figuré.
Par ailleurs, il est tout naturel de s’élancer en avant derrière la musique (Joyce).

Reboul assimile l’oxymore au paradoxisme. Figure consistant à associer deux termes incompatibles,
ou antinomiques : Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Corneille). Cette figure est rendue
possible par la contradiction entre la doxa (opinion courante qui prévaut) et l’énonciateur qui la
contredit, par métaphore. Sophocle qualifie Antigone de saintement criminelle : criminelle aux yeux du

20
pouvoir (Créon) mais sainte et innocente pour les dieux et la conscience. On peut voir dans cette
figure une dissociation condensée entre l’apparence et la réalité.

PARADOXE
(para, contre et doxa, opinion).

Opinion, affirmation allant contre l’opinion commune (doxa), les habitudes de pensée.

En philosophie, contradiction à laquelle aboutit le développement de certains raisonnements.

Ex. : Les crimes engendrent d’immenses bienfaits et les plus grandes vertus développent des
conséquences funestes (Valéry).

Dupriez distingue d’une part les paradoxes qui apparaissent comme vrai : Les défauts de style de
Molière ne sont pas seulement le revers ou la rançon de ses qualités, ils en sont la condition même. Il
eût écrit moins bien, s’il avait mieux écrit (Brunetière); et d’autre part les faux paradoxes, qui
n’emportent pas la conviction : Un borgne est bien plus incomplet qu’un aveugle. Il sait ce qui lui
manque (Hugo).

Le paradoxe est une façon d’outrer la pensée, on cherche à créer des oppositions qui forceront le
lecteur, en le provoquant, à réfléchir.

Une recette efficace pour réussir un paradoxe consiste à inverser un truisme, une évidence : Ce qu’il
y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau (Valéry).

PARAPHRASE
Développement explicatif d’un texte.

Sens péjoratif : Explication, commentaire diffus, verbeux, qui ne fait qu’allonger un texte sans l’enrichir.
Dans cette dernière acception, la paraphrase se rapproche de la battologie, de la périssologie.

On place généralement la paraphrase dans une section à part, avec référence au texte; ou en bas de
page, avec appel de note, ou entre parenthèses, entre crochets. Elle peut aussi faire partie du texte,
avec un syntagme introducteur comme c’est-à-dire, autrement dit, en d’autres mots etc.

PARISOSE
Equilibre rythmique des deux membres d’une phrase (Reboul).

Ex. : Boire ou conduire, il faut choisir (4 + 4).

C’est une figure de rythme, une période composée de deux membres de même longueur. Il va de soi
qu’une parisose est encore plus frappante si elle est composée d’une figure de son, comme
l’assonance.

PARONOMASE
21
(para, à côté et onoma, nom).

Rapprochement de mots dont le son est à peu près semblable, mais dont le sens est différent.

Ex. : Tu parles, Charles.

Autre ex. : Lingères légères (Eluard).

Syn. Annomination.

Autre déf. : Figure qui consiste à rapprocher des mots dont le son est à peu près semblable, mais dont
le sens est différent (Lexis) : Qui vivra verra; Qui se ressemble s’assemble.

La paronomase est facilement confondue avec l’isolexisme, qui rapproche des vocables qui
appartiennent au même lexème : Je dis durement des vérités dures (Bernanos); C’est ainsi que l’on
pénètre dans l’impénétrable (Hugo). Mais on acceptera toutefois comme paronomase une similitude
étymologique : apprendre n’est pas comprendre.

Les paronymes (mots quasi-homonymes) fournissent naturellement les meilleures paronomases, mais
non les seules valables, car l’extension d’une paronomase va jusqu’à sa frontière, assez floue, avec
l’allitération : Un halo de haletante haleine (Joyce).

Certaines paronomases, involontaires, frisent la cacophonie, voire le paréchème : Cette parenthèse


pourrait paraître par trop agressive.

La pensée contemporaine, la psychanalyse, la critique littéraire en usent abondamment : En train de


former et de formuler l’idée du sujet… Ce qu’on croyait être coïncidence est coexistence (Merleau-
Ponty).

La paronomase aboutit souvent au calembour : Les premiers livres sont les lèvres (Brisset).

Autre déf. : Figure de mots provoquée par la répétition d’une ou plusieurs syllabes : Traduttore,
traditore, traduire c’est trahir.

Reboul classe la paronomase parmi les figures de son : l’allitération, jeu sur les phonèmes, l’humeur,
l’honneur, l’horreur (Simon Leys), la grogne, la rogne et la hargne; la paronomase, sur les syllabes; le
calembour, sur les homonymies et l’antanaclase, sur les polysémies, prenez votre coeur à coeur; la
dérivation opère dans le même sens que l’antanaclase, associant un mot à un autre, de même racine :
(les contestataires de 68 empêchent) les étudiants d’étudier, les enseignants d’enseigner et les
travailleurs de travailler (de Gaulle, mai 68).

PATAQUES
Faute de liaison. La consonne qui apparaît n’est pas présente graphiquement ou, si elle est présente, il
n’est pas d’usage de la faire entendre. L’emploi littéraire du pataquès est évocateur soit du manque de
culture du locuteur, soit de parlers régionaux.

Ex. 1 : C’est sain-z-et sauf que le maire rejoignit ses employés (Queneau).

Ex. 2 : Le roi qui va-t-à Reims (Claudel).

Ex. 3 : Tu es-t-allé où aujourd’hui ?

Ex. 4 : Les quatre-z-enfants.

Syn. : Cuir, velours (désuet).

22
Sens élargi : Toute faute de langage très évidente, ou discours confus, inintelligible.

Le pataquès peut servir à contourner certains hiatus : Lorsque j’y ai zété (Vian).

La faute de liaison fréquente avec le h dit aspiré est une psilose : Des-z-Hollandais derrière des-z-
haies et des-z-haricots.

L’origine du mot se situe probablement dans la forme je ne sais pas-t-à qui est-ce.

Voir aussi à kakemphaton et paréchème.

PÉRÉGRINISME
Utilisation de certains éléments linguistiques empruntés à une langue étrangère. Il peut s’agir de
sonorités, de graphies, de mélodies de phrase mais aussi de formes grammaticales, lexicales ou
syntaxiques, voire même de significations ou de connotations.

Syn. : Étrangisme, interférence, xénisme (désigne une réalité propre à la culture étrangère à laquelle
ce mot est emprunté, e.g., le pub anglais).

On distingue parmi les emprunts des anglicismes, des italianismes, des latinismes, des hébraïsmes,
des germanismes.

Le sabir est le croisement de deux ou plusieurs langues, ou jargon : Le Québec court le risque to lose
sa langue and to disappear as an authentic culture (cité par Dupriez, tiré d’un journal d’étudiants de
Montréal).

Poussé à l’extrême, le procédé touche au baragouin, qui pourrait aussi être nommé hybridation :
Delmeuplistrincq (Rabelais), pour donne-moi, s’il te plaît, à boire, phrase composée d’une forme
espagnole, puis anglaise, puis allemande.

PÉRIODE
Phrase à mouvement circulaire, articulée et mesurée.

La période a une protase (première partie) et une apodose (deuxième partie), s’articulant autour d’un
sommet, sorte de césure médiane. La période se développe en un schéma binaire ou parfois, ternaire.
En effet, au centre de la période, un membre peut venir faire pendant à la protase : c’est l’antapodose.
La dernière proposition est appelée clausule.

Ex. : La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite (protase, 13) est celle de ce fier et fougueux
animal (antapodose, 13) qui partage avec lui les fatigues des guerres (apodose, 13) et la gloire des
combats (clausule) (Buffon).

Bénac distingue trois types de périodes :

- la période carrée, à quatre membres;

- la période ronde, dont les membres sont unis étroitement et donnent une impression d’harmonie
(parfois aux dépens de la pertinence du sens, d’où le sens péjoratif de l’expression arrondir ses
périodes). La période ronde est souvent binaire, avec parallélisme des membres et même reprises,
c’est la parisose. Dans ce type de phrase, les membres égaux sont des isolocons;

- la période croisée, dont les membres sont opposés deux à deux en antithèses.

23
La période représente l’idéal de l’écriture antique (atticisme) parce qu’elle constitue une victoire sur
l’incohérence spontanée de la pensée et de l’expression.

PÉRIPHRASE
Au lieu d’un seul mot, on en met plusieurs qui forment le même sens.

Ex. : L’oiseau de Jupiter pour l’aigle.

Autres ex. : Le plancher des vaches pour la terre; Cétait l’heure tranquille où les lions vont boire
(Hugo)

Fontanier distingue la pronomination (désigner un nom, une chose par un terme complexe et en
plusieurs mots, e.g., l’aigle de Jupiter), la périphrase (exprimer une pensée ou une phrase de manière
plus étendue, e.g., le vers de Hugo) et la paraphrase (développement explicatif et verbeux d’un texte,
souvent considérée péjorativement), bien que la battologie et la périssologie remplissent déjà ce
rôle).

La périphrase est utile lors d’un vide lexical : Aucun nom ne désigne le sentiment de marcher à
l’ennemi, et pourtant il est aussi spécifique, aussi fort que le désir sexuel ou l’angoisse (Michaux).
Affronter, ou confronter l’ennemi auraient peut-être convenu, mais la périphrase produit ici un effet de
soulignement.

Une autre fonction de la périphrase est celle de la compensation, ou correction, que Lausberg ramène
à l’anthorisme : Il faut vous oublier, ou plutôt vous haïr (Racine).

Lexis donne pour synonymes de périphrase la circonlocution et l’euphémisme. On pourrait ajouter


qu’elle facilite la litote, de même que la métaphore.

PERSONNIFICATION
Faire d’un être inanimé ou d’une abstraction un personnage réel.

Ex. : L’Habitude venait me prendre dans ses bras et me portait jusque dans mon lit comme un petit
enfant (Proust).

Syn. : Animisme.

Fontanier précise que cette figure a lieu par métonymie, métaphore et synecdoque. La
personnification a en effet un thème (non-personne) et un phore (une personne), entre lesquels le lien
sera analogique, logique ou de proximité. Si le thème est une personne, on aura une antonomase. Si
le phore est multiple, on aura une allégorie.

La majuscule, qui est la marque des noms propres, peut jouer un rôle de soulignement : L’Idéal, c’est
la Famille, c’est la Patrie, c’est l’Art (Queneau, Le chiendent).

PLÉONASME
Surabondance de termes, donnant plus de force à l’expression.

Ex. : Je l’ai vu de mes yeux et je l’ai entendu de mes oreilles.

24
Emploi de mots inutiles, défaut qui tend à la battologie : La plus triste vieillesse m’accable de son
poids pesant (Duval).

On peut distinguer plusieurs formes proches :

Périssologie : pléonasme vicieux.

Redondance : redoublement de l’idée dans deux phrases ou membres de phrase.

Tautologie : le prédicat ne dit rien de plus que le thème.

Pléonasme : redoublement de l’idée dans deux mots du même membre de phrase.

Pléonasme et redondance sont considérés comme des procédés de style, alors que la périssologie est
un vice d’élocution, sauf si elle est employée dans des contextes précis, tels que l’humour, le
persiflage, l’ironie, la ridiculisation : Il est descendu en bas puis monté en haut; Je l’avais prévu
d’avance, sont plutôt des périssologies, alors que : Il ajouta quelques détails de plus est un
pléonasme, qui est un mode de soulignement.

PRÉMUNITION
Précaution oratoire par laquelle on prépare ses auditeurs ou lecteurs à une annonce qui pourrait les
choquer, ou les blesser.

Ex. : Ô vous, lecteurs curieux de la grande histoire… écoutez-en l’horrible tragédie et vous abstenez
de frémir si vous pouvez (Rousseau, Confessions).

Analogue et par extension : Avertissement. Figure proche : Apostrophe.

PRÉTÉRITION
(lat. praeteriotio, omission)

Moyen paradoxal : Feindre de ne pas vouloir dire ce que néanmoins on dit clairement et souvent
même avec force (Dupriez).

Autre déf. : On affirme ne pas vouloir parler d’une chose dont on parle pourtant par ce moyen (Lexis).

Ex. : Je ne voudrais pas avoir l’air de faire de la publicité, mais il faut bien dire que la Renault est la
meilleure des voitures les moins chères.

Syn. : Prétermission, paralipse, feinte.

Dupriez classe parmi les demi-prétéritions des formules telles que : Je n’ai pas à vous rappeler que…
Inutile de vous dire que…ou : M. Dupont, pour ne pas le nommer…qui sont des formes d’atténuation
pouvant déclarer un euphémisme : La morgue est un endroit peu engageant, pour ne pas dire
lugubre, surtout la nuit (Joyce).

Un autre type de prétérition consiste à feindre de ne pas vouloir faire ce que l’on fait néanmoins : Ce
n’est pas pour vous décourager mais…

Pour Reboul, la prérérition est une figure d’énonciation, très proche de l’éposiopèse, consistant à dire
qu’on ne parlera pas d’une chose afin de mieux attirer l’attention sur elle : Et je ne dirai rien de mon
inépuisable générosité. Il cite le TA, pour lequel la prétérition est "le sacrifice imaginaire d’un
argument".
25
PROLEPSE
Prévenir, réfuter une objection ou une critique en les faisant à soi-même et en les détruisant d’avance.

La prolepse est souvent amenée par des expressions telles que : on dira que… on objectera que…
vous me direz que……me direz-vous… etc…

Analogue : Anticipation.

Dupriez précise qu’il y a deux parties dans la prolepse : dans la première, on fait parler l’adversaire, en
insérant par exemple un direz-vous dans l’énoncé de l’objection, c’est la prolepse proprement dite.
Dans la seconde partie, on réfute, c’est l’upobole.

Reboul classe la prolepse parmi les figures d’argument, elle devance l’argument (réel ou fictif) de
l’adversaire pour le retourner contre lui : On nous dira que…

REDONDANCE
(lat. redundantia, surabondance d’humeur).

Redoublement expressif de l’idée par deux phrases proches.

Ex. : Ce qu’il faut à tout prix, qui règne et qui demeure / Ce n’est pas la méchanceté, c’est la bonté
(Verlaine).

Syn. : Réduplication, redoublement.

L’acception générale, y compris pour les anciens, est cependant péjorative, la redondance étant
considérée comme un vice ou un défaut : abondance superflue de mots, excès d’ornements dans un
texte, dans un discours.

Péj. : Superfluité, verbiage, baroquisme, battologie, périssologie, pléonasme vicieux,


grandiloquence.

S’il y a redondance dans les mêmes termes, c’est une homéologie; s’ils sont différents, c’est une
macrologie.

SOLÉCISME

(soloikismos, de Soles, ville de Cilicie où les colons athéniens parlaient un grec incorrect).

Emploi fautif dans un certain contexte de formes linguistiques par ailleurs existantes.

Exemples : Je suis été au cinéma hier soir. Je ne me rappelle de rien. Je veux qu’il vient.

Autres noms : Agrammaticalité, antiptose (figure de grammaire pour une autre), syllepse
grammaticale. Le barbarisme toutefois est une faute absolue.

26
SOPHISME
(sophia, sagesse).

Raisonnement logique en apparence, mais faux en réalité, conçu ou non avec l’intention d’induire en
erreur.

Ex. : Grâce à Pasteur, il y a plus de petits vieux malheureux et de petites vieilles malheureuses sur la
terre qu’il n’y en aurait (Ducharme, le Nez qui voque).

Analogues : Paralogisme, argument spécieux, raisonnement captieux. Le sophisme peut aller jusqu’à
l’antilogie.

Le sophisme est un paralogisme de mauvaise foi, par lequel on a l’intention de tromper. Le sens
péjoratif du terme est dû à Socrate, qui dénonce l’hypocrisie des sages, ou sophistes. Le vrai sage sait
que la sagesse, comme la vérité, est un idéal qu’il faut chercher sans cesse, il est donc ami de la
sagesse (philo-sophe).

Reboul définit le sophisme comme raisonnement apparent, mais qui n’est qu’abusif, faute de respecter
les règles de la logique. Il peut apparaître déplié sous forme de syllogisme :

Ex. 1 : Hitler était pour l’euthanasie; vous aussi; donc vous êtes hitlérien. (A=B, C=B, d’où C=A)

Ex. 2 : Boire apaise la soif; le sel fait boire; donc le sel apaise la soif. (A=B, C=A, d’où C=B)

Ex. 3 : Tout ce qui est rare est cher; or un bon cheval bon marché est rare; donc un bon cheval bon
marché est cher. (A=B, C=A, d’où C=B)

Ex. 4 : Une ligne est une droite; une courbe est une ligne; donc une une courbe est une droite (A=B,
C=A, d’où C=B)

Les exemples 2, 3 et 4 sont des syllogismes valides (A=B, C=A, d’où C=B), mais leurs conclusions
sont absurdes parce que leurs prémisses (majeure) sont fausses.

SUBSTITUTION
Substituer, remplacer certains mots par d’autres (inverses ou inattendus) dans une formule, un
syntagme figé, un proverbe, un cliché, une citation, une idée reçue etc.

Ex. 1 : Mes efforts ont déjà porté des légumes (Ducharme, l’Océantume).

Ex. 2 : Quand la raison n’est pas là, les souris dansent (Eluard).

Analogue : Paraplasme.

Tardieu s’est exercé : Quoi, vous ici cher comte ? Quelle bonne tulipe ! Vous venez renflouer votre
chère pitance ? Mais comment donc êtes-vous bardé ? Le procédé repose sur la substitution d’un mot
pour un autre, en s’appuyant sur une isotopie attendue. Cependant, si le sens est toujours sous-jacent
avec le mot tulipe, il devient toutefois plus difficile à cerner dans la suite, ou du moins se prête-t-il à
plusieurs interprétations.

La substitution peut rafraîchir des clichés, des citations. Autour de la formule célèbre de Breton : La
beauté sera convulsive ou ne sera pas, il a été créé : La poésie française sera métrique ou ne sera
pas (Souriau), puis : Le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas (Malraux).

27
Valéry qualifie le procédé par une autre formule : Descendre un perroquet, c’est-à-dire provoquer la
reprise d’une phrase ou d’une expression célèbre en la pliant à un sens nouveau : Je distingue… c’est
le propre de moi, pour rire est le propre de l’homme.

Desnos a donné pour titre à l’un de ses recueils Deuil pour Deuil, d’après la formule oeil pour oeil et
dent pour dent.

Il existe aussi le paragramme, qui est la substitution graphique de lettres.

SYLLEPSE DE SENS
(sullêpsis, compréhension, laisser ensemble)

Figure par laquelle un mot est employé à la fois au sens propre et au sens figuré.

La syllepse de sens est fréquente dans le jeu de mots : Nos petites cuillères n'ayant rien à voir avec
des médicaments, nous prions notre aimable clientèle de ne pas les prendre après les repas. (Jean-
Charles)

Le procédé est utilisé pour les définitions de mots-croisés par exemple, ou dans les devinettes : Quel
est le comble de l'habileté pour un plongeur sur un paquebot ? - Essuyer une tempête.

SYLLOGISME
Argument, raisonnement qui comprend trois propositions : la majeure, la mineure et la conclusion. La
conclusion est déduite de la majeure par l’intermédiaire de la mineure selon la formule suivante : A=B,
C=A, d’où C=B.

Ex. 1 : Les vêtements chauds sont faits pour être mis quand il fait froid (majeure); or il fait froid
(mineure); donc il faut mettre des vêtements chauds (conclusion).

Ex. 2 : Tous les hommes sont mortels; Socrate est un homme; donc Socrate est mortel. Ce syllogisme
est détourné par Ionesco : Les chats sont mortels; Socrate est mortel; donc Socrate est un chat.

Reboul distingue le syllogisme démonstratif, qui part de prémisses évidents et qui prouvent leur
conclusion en l’expliquant de manière indubitable; puis le syllogisme dialectique, qui part de prémisses
simplement probables, les endoxa (ce qui paraît vrai à la majorité). L’endoxon s’oppose au paradoxon,
qui contredit l’opinion admise.

Reboul définit l’enthymème comme un syllogisme rigoureux et abrégé, qui repose sur des prémisses
seulement probables (endoxa) et qui peuvent rester implicites : Il est faillible puisqu’il est homme.
Dupriez voit dans l’enthymème un type de raisonnement qui semble n’avoir qu’un argument
(prémisses et conclusion sont sous-entendus) : Nicolouchka ne doit pas sortir aujourd’hui, il fait trop
froid (Dostoïevski). L’enthymème est fréquent en philosophie : Je pense donc je suis, et en littérature :
L’amour ne dure pas, donc je te recommence (P. Perrault).

Le syllogisme est un moyen commode de convoyer un sophisme : Vous n’êtes pas ce que je suis; je
suis homme; donc vous n’êtes pas un homme.

SYMBOLE
(lat. symbolus, grec sumbolon, signe, marque).

28
Dupriez fait une distinction entre trois types de réalisation de symboles :

• Un texte, auquel son auteur attribue un sens dans le cadre d’une isotopie (thème, sujet) plus générale.
Il s’établit alors deux niveaux d’isotopie, l’un évident, l’autre symbolique; l’un à la dimension du mot (ou
de la phrase), l’autre à la dimension de la phrase (ou du texte).

• Un geste ou un objet auxquels la tradition culturelle attribue un sens particulier dans le cadre d’une
isotopie plus générale. Ex. : le salut militaire, l’échange des anneaux dans le mariage, le "signe de la
croix", le langage des fleurs, la symbolique des nombres etc. Dans ce type de symbole, le passage
d’un terme à l’autre s’effectue par analogie, mais aussi pas métonymie ou synecdoque, ou en vertu
d’une pure convention : la tourterelle, pour la fidélité en amour; la colombe, pour la paix. Si l’objet
représente un ensemble de valeurs, on parle d’emblème; s’il indique une appartenance un groupe, un
institution, on parle d’insigne.
• Un signe graphique, auquel les spécialistes attribuent un sens dans l’isotopie (univers de discours) de
leur science ou de leur technique particulière. Ex. : les signes du zodiaque, le code de la route, les
légendes des cartes etc. Lorsque le signe graphique reproduit plus ou moins la forme du signifié, on a
un dessin, une icône, et non un symbole. Quand la forme du signifié n’est plus clairement perçue, on
aura alors un symbole.

SYNCOPE
(sugkopé, de sugkoptein, briser).

Retranchement d’une lettre ou d’une syllabe au milieu d’un mot.

Procédé fréquent pour rendre la langue parlée : M’sieur, M’dame, M’man, P’pa, B’soir etc.

Voir à métaplasme.

SYNECDOQUE
(lat. synecdoche, grec sunekdokhê, compréhension simultanée).

Trope qui permet de désigner quelque chose par un terme dont le sens inclut celui du terme propre ou
est inclu par lui : une voile ou une poupe pour un navire, l’airain pour les canons. Ce type de
synecdoque est une sorte de gros plan sur un détail.

Ex. 1 : Il regarde (…) grimper sur la côte les guêtres du voyageur (Lautréamont).

Ex. 2 : Un arbre par dessus le toit / berce sa palme (Verlaine).

Autre déf. : Procédé qui consiste à prendre la partie pour le tout : Payer 30 francs par tête, pour par
personne; le tout pour la partie : Acheter un vison pour un manteau en peau de vison; le genre pour
l’espèce, l’espèce pour le genre (Lexis).

La synecdoque introduit une distance. On peut en énumérer différentes sortes :

- La partie pour le tout : J’ignore le destin d’une tête si chère (Racine); Les épis pour les blés; Quinze
printemps pour quinze ans; La Providence pour Dieu.

- La matière pour l’être ou l’objet : Etre mis aux fers pour être mis en prison; Vous êtes le sang d’Atrée
pour son fils.

- Le singulier pour le pluriel (ou l’inverse) : L’ennemi pour les ennemis; L’enfant aime le sucre pour les
enfants; Il fut loin d’imiter la grandeur des Colbert (Voltaire) pour de Colbert (pluriel emphatique).
29
- Le genre pour l’espèce : L’arbre tient bon, le roseau plie (La Fontaine) pour le chêne;

- L’espèce pour le genre : Refuser du pain pour la nourriture.

- L’abstrait pour le concret : Celle dont la fureur poursuivit votre enfance (Racine); Le fer ne connaîtra
ni le sexe ni l’âge pour n’épargnera ni femmes ni vieillards.

- Le nom commun pour le nom propre (ou inversement), ou un nom propre pour un nom propre : il
s’agit alors en fait d’une antonomase.

Selon Reboul la synecdoque est une figure consistant à désigner une chose par une autre ayant avec
elle un rapport de nécessité : le genre pour l’espèce (ou l’inverse) cent mortels, la partie pour le tout
(ou l’inverse) cent têtes. Pour hommes, on dira mortels (genre), ou têtes (partie). Elle est la figure qui
condense un exemple, elle est très courante en pédagogie : le triangle pour tous les triangles, le
sonnet pour tous les sonnets, le verbe pour tous les verbes. Elle sert aussi à la propagande: le parti
des travailleurs, synecdoque de la partie; en fait, rien ne prouve que le parti en question représente
tous les travailleurs.

SYNÉRÈSE
(sunairesis, rapprochement).

Contraction de deux voyelles contiguës en une seule, formant une syllabe longue, e.g., le mot oui est
prononcé [wi] plutôt que [u-i]. C’est une variété de la contraction.

La synalèphe est l’élision de la voyelle de l’article défini ou d’autres déterminants en français, devant
une voyelle ou un h muet : l’article, l’hôte, c’est.

La synérèse est le contraire de la diérèse. Voir à métaplasme.

TAUTOLOGIE
Vice logique consistant à présenter comme ayant un sens une proposition dont le prédicat ne dit rien
de plus que le thème (Robert).

Autre déf. : Négligence de style qui consiste à présenter comme des idées différentes ce qui, en
réalité, est la même idée sous plusieurs formes (Lexis). Antonyme : Antilogie.

La tautologie se retrouve souvent dans une répétition de mots qui s’auto-désignent (autonymie) : La
vie c’est la vie; Il faut appeler un chat un chat; On est comme on est;

Elle est présente dans des formules consacrées : Vente faite et consommée.

Elle est souvent accompagnée d’une diaphore : La terre au goût de femme faite femme (Saint-John
Perse).

La tautologie peut exprimer le soulignement et l’augmentation. L’addition de sèmes supplémentaires


est alors rendue par le ton ou le graphie : Lorsqu’il s’énerve, il s’énerve. Trois millions, c’est un chiffre !

Au contraire, sous la forme d’un truisme, elle exprime une atténuation, une litote : Le passé est le
passé et le présent est le présent laisse entendre que les manières d’autrefois ne sont plus valables
aujourd’hui et que c’est regrettable. Dans cet exemple, il s’agit en fait d’une pseudo-tautologie.

Reboul définit comme une tautologie apparente (ou pseudo-tautologie) un argument consistant à
répéter un mot avec deux sens un peu différents, tout comme s’ils ne l’étaient pas : Une femme est
30
une femme; Les affaires sont les affaires. L’attribut n’a en effet pas tout à fait le même sens que le
sujet : une femme (un être féminin) est une femme (un être faible, trompeur etc.). Formes proches :
Périssologie, pléonasme, redondance, battologie.

TELESCOPAGE
Condenser en une seule deux phrases ayant un syntagme identique.

Ex. : Soldats de Fontenoy, vous n’êtes pas tombés dans l’oreille d’un sourd (Prévert). Il s’agit d’une
sorte de "phrase-valise" pour dire : Vous soldats qui êtes tombés sur le champ de bataille, votre mort
ne sera pas inutile (= elle n’est pas "tombée dans l’oreille d’un sourd").

Le télescopage peut créer des dissociations : La pendule sonne deux coups de couteaux (Eluard).

VERBIAGE
(moyen français, verbier, gazouiller).

Abondance de paroles, qui disent peu de chose.

Ionesco en fournit un exemple dans la Cantatrice chauve :

Mr Smith : - Le coeur n’a pas d’âge. (Silence)


Mr Martin : - C’est vrai. (Silence)
Mr Smith : - On le dit. (Silence)
Mr Martin : - On dit aussi le contraire. (Silence)
Mr Smith : - La vérité est entre les deux. (Silence)
Mr Martin : - C’est juste. (Silence)

Syn. : Bavardage.

Analogues : Discours creux, verbosité, verbomanie, verbalisme, garrulité, diffluence (texte diffus, sans
vigueur).

Dupriez préfère distinguer le verbiage de la verbigération, en ce sens qu’il est plus difficile de produire
un texte qui n’a pas de signification – comme c’est le cas pour la verbigération, que de parler pour ne
rien dire, ou produire un texte qui ne signifie rien de précis. Ce qui caractérise le verbiage, c’est
l’absence de denotatum (objet réel visé), ce qui cantonne les propos dans l’indétermination.

Le verbiage n’est pas éloigné de la battologie et de la redondance.

Il y des formes qu’on peut qualifier de demi-verbiage : la prolixité, la loquacité, le bagou, la faconde, la
volubilité.

ZEUGME
(zeugma, joug, lien).

Procédé qui consiste à rattacher grammaticalement deux ou plusieurs noms à un adjectif ou à un


verbe qui, logiquement, ne se rapporte qu’à l’un des noms.

31
Ex. : En achevant ces mots, Damoclès tira de sa poitrine un soupir et de sa redingote une enveloppe
jaune et salie (Gide).

Reboul définit le zeugme comme une figure de construction unissant deux termes sous un troisième,
que cette union rend étrange. Ainsi Hugo soulignant la bravoure des soldats de l’an deux : L’âme sans
épouvante, et les pieds sans souliers !

Autre ex. : La dame était rentrée en larmes et en taxi.

Pour Dupriez, le zeugme est une figure de syntaxe qui consiste à réunir plusieurs membres de
phrases au moyen d’un élément qu’ils ont en commun et qu’on ne répétera pas. Le zeugme comprend
l’adjonction et la disjonction.

On peut distinguer un zeugme simple et un zeugme composé :

Ex. 1 : La gare était pleine de gens, la rue de voitures, la ville de rumeur. Le mot sous-entendu [pleine]
est celui qui a été exprimé.

Ex. 2 : La tête est tiède, les mains froides, les jambes glacées (Giraudoux). Dans ce cas, le mot sous-
entendu [sont] n’est pas conforme au terme exprimé [est].

Le zeugme est une forme de brachylogie, ou d’ellipse.

Certains zeugmes entraînent une anacoluthe : J’ai l’estomac fragile et horreur du graillon (Romains).

Ils peuvent aussi réveiller des expressions stéréotypées : Tambour et gifles battantes.

Autre ex. : A défaut de sonnette, ils tirent la langue (Valéry).

Le zeugme réunit parfois un terme abstrait et un terme concret. Il est ainsi nommé zeugme
sémantique ou encore attelage : Vêtu de probité candide et de lin blanc (Hugo).

32

Vous aimerez peut-être aussi