article_stevy_2021
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Stevy BOMONGUET
Doctorant en philosophie, Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines, Université Marien
Ngouabi ; stevybomonguet@gmail.com
Résumé
L’idée se limitera à analyser la pensée cartésienne en vue de frayer le mystérieux chemin qui met en
dialogue le fond du cogito, et la preuve de possibilité logique du divin, tel que dressé dans l’intelligence
du cartésianisme. En effet, le penseur français croit que l’existence de Dieu ne peut être perçue qu’après
la découverte du cogito. Il faudrait, par conséquent que Dieu existe absolument pour que le cogito
cartésien trouve sens, et, cohérence. Autrement dit, l’existence de Dieu ne peut être prouvée qu’après
la découverte de la première certitude, et, la vérité du « je pense, donc je suis » précède logiquement la
garantie que Dieu peut donner de l’existence du corrélat objectif du monde. Avec la démonstration de
l’existence de Dieu, le cogito qui a été vu comme garant de la vérité passera le relais à l’Être absolu,
c’est- à- dire infini qui, seul peut garantir la vérité tant cherchée par Descartes. Le cogito est en quelque
sorte le socle ou le lieu qui pense Dieu, car, c’est Dieu seul qui rend possible la pensée, celle-ci est
l’unique lieu en retour qui perçoit les mêmes idées logiques, et, le justifie comme quoi, si le cogito est
une détermination logique en l’homme, il l’est avant tout en Dieu qui conçoit l’homme nanti de cette
pensée, de cette essence qui décharde de révéler substance Dieu. Le lieu Dieu-Homme est donc
métaphysique et logique. Pour cela, nous examinerons d’abord le doute, et la valeur de la pensée pour
montrer comment, à partir de ces notions se donne à voir l’énoncé du cogito. Et nous terminerons en
montrant les preuves de l’existence de Dieu dont Descartes se sert pour réfuter le pouvoir du cogito.
Abstract
The idea will be limited to analyzing Cartesian thought with a view to clearing the mysterious path
which brings into dialogue the basis of the cogito, and the proof of the logical possibility of the divine,
as drawn up in the understanding of Cartesianism. Indeed, the French thinker believes that the existence
of God can only be perceived after the discovery of the cogito. It would therefore be necessary for God
to exist absolutely for the Cartesian cogito to find meaning and consistency. In other words, the existence
of God can only be proved after the discovery of the first certainty, and the truth of "I think, therefore I
am" logically precedes the guarantee that God can give of the existence of the objective correlate. of
the world. With the demonstration of the existence of God, the cogito which has been seen as the
guarantor of the truth will pass the baton to the absolute Being, that is to say the infinite Being which
alone can guarantee the truth so sought after by Descartes. The cogito is in a way the base or the place
that thinks of God, because, it is God alone who makes thought possible, this is the only place in return
that perceives the same logical ideas, and, justifies it as What, if the cogito is a logical determination in
man, it is above all so in God who conceives man end owed with this thought, with this essence which
releases God from revealing substance. The place of God-Man is therefore metaphysical and logical.
For that, we will first examine the doubt, and the value of the thought to show how, starting from these
concepts one gives to see the statement of the cogito. And we'll finish by showing the proofs of the
existence of God that Descartes uses to refute the power of the cogito.
~1~
1. Résultats et discussion
« Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années j’avais
reçu quantité de fausses opinions pour véritable, et que ce que j’ai depuis fondé sur des
principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux, et incertain ; de façon qu’il me
fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions
que j’avais reçues jusqu’alors en ma créance et, commencer tout de nouveau dès les
fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les
sciences.»(Descartes, 2009, p79).
1«Il entreprend d’élever l’édifice tout entier de la philosophie depuis les fondements jusqu’au faite. » Francisque Bouiller(M),
Histoire et critique de la révolution cartésienne, Lyon, Paris, 1842, p.97.
~2~
Pour Descartes, tout ce que nous avons reçu de nos maitres reposait sur du sable, sur des
principes mal fondés comme dit supra, parce que nous l’avons acquis sans un examen au
préalable, sans se rassurer de la validité de leur fondement. Voilà pourquoi, toute cette
connaissance doit être mise de côté avant qu’elle soit admise comme vraie. Car, pense
Descartes, qui veut chercher la vérité doit commencer par bien douter. Nous devons nous méfier
généralement de toutes nos anciennes opinions afin de pouvoir établir les fondements du savoir
les plus fermes, et les plus constants possibles. Car, pense Descartes :
« L’homme est entré ignorant dans le monde, et, la connaissance de son premier âge
n’étant appuyée que sur la faiblesse des sens, et sur l’autorité des préceptes. Il est donc
presque impossible que son imagination ne se trouve remplie d’une infinité de fausses
pensées, avant qu’on puisse entreprendre une conduite, de sorte qu’il a besoin par après
d’un très grand naturel, ou bien des instructions de quelque sage, tant pour se défaire des
mauvaises doctrines dont il est préoccupé, que pour jeter les premiers fondements d’une
sciences solide et découvrir toutes les voies par où il puisse élever sa connaissance
jusqu’au plus haut degré qu’elle puisse atteindre. » (Descartes, 1997, pp.11-12).
D’après Descartes, l’être humain a reçu dès sa naissance une connaissance que lui-même n’avait
pas encore la capacité de pouvoir faire la distinction entre le certain et l’incertain ; et cela se
justifie par le fait que, tout lui a été enseigné sans un examen minutieux. Raison pour laquelle,
l’auteur stipule en substance que, celui qui cherche la vérité doit une fois dans sa vie douter de
tout autant que faire se peut2. Comme on peut le voir, Descartes pense qu’il ne peut fonder quoi
que ce soit d’indubitable sur l’enseignement qu’il a reçu de la scolastique, puisque celui-ci est
incertain. Il faut tout recommencer dès les fondements pense Descartes, dès les principes dont
il est dit qu’ils sont mal assurés. Abélard ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme :
« Il est bien clair que, tant que des hommes sont des petits enfants et qu’elles n’ont pas
atteint l’âge de discrétion, ils suivent toujours les croyances et les habitudes de vie des
personnes avec qui ils sont en rapport constant et principalement de celles qu’ils aiment
davantage. Mais, dès qu’ils sont adultes et qu’ils peuvent obéir à leur propre arbitre, ce
n’est plus au jugement d’autrui, mais, à leur jugement propre qu’ils sont tenus de se fier.
Il s’agit moins pour eux désormais d’adopter une opinion que d’examiner la vérité. »
(Abélard, 1945,p.21).
Abélard comme l’a fait Descartes, dit non à la connaissance reçue avant de se servir de sa propre
raison, car, cette connaissance nous l’avons reçue par ceux qui nous ont élevés dans une période
où nous n’avions pas encore cette capacité de nous servir de notre propre raison. Par la raison,
nous serons bien aisés de trouver un chemin plus facile, et que les vérités que nous désirons ne
laisseront pas d’être bien reçues encore que je les emprunte de ma propre raison. C’est donc
dans la raison seule que réside toute notre connaissance déclare Descartes. La fausseté, affirme
Descartes nous vient de nos sens, de notre inclinaison naturelle, et de nos précepteurs. Ce qui a
amené Descartes à douter de cette source de connaissance. Et, le doute constituera le premier
moment de la méthode cartésienne. Radicalement opposé au doute sceptique, Descartes ne se
laisse pas prendre au piège par son propre doute3,C’est dire qu’avec Descartes, il sera question
2 « Car, il est presque impossible que nos jugements soient si purs, ni si solides qu’ils auraient été si nous avions eu l’usage
entier de notre raison dès notre naissance ». Descartes, Discours de la méthode seconde partie, Op.cit., p.43.
3(…) je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que vraisemblable ».Ibid. p.38.
~3~
d’un doute éminemment sélectif entant qu’instrument de la science. Le doute cartésien apparait
comme le critère de la vérité scientifique, et non une angoisse vertigineuse et existentielle. Dans
le Discours de la méthode, Descartes le résume en quelques lignes qui en atténuent la virulence
et l’importance. Dans les Méditations Métaphysiques, Descartes donnera au doute beaucoup
plus d’ampleur et souhaite le mettre au début de sa philosophie. Le doute dont parle Descartes
ici, est un doute méthodique qui élimine tous préjugés. C’est un doute qui s’exerce de façon
continue et fait confiance à la raison pour examiner et juger4.
Descartes en se servant du doute comme méthode veut chercher quelque chose de ferme et
de constant pour trouver ce sur quoi doit se fonder sa science. Il n’est question pour lui que d’un
doute contrôlé ou du moins volontaire, et qui connait par avance à quoi il se destine. Il ne s’agit,
en effet, pas seulement de « rejeter la terre mouvante et le sable » qui fondaient notre savoir,
mais, surtout de « trouver le roc ou l’argile » pour faire asseoir notre connaissance.
Contrairement aux sceptiques, Descartes ne souffre pas de ce qu’il doute de tout, car, il sait
qu’il doute, et que lui-même résiste à ce doute. On ne détruit pas toutes choses par le simple
plaisir de détruire, on ne détruit que ce qui est mal fondé, et le doute ne sert qu’à prouver qu’une
opinion était mal fondée ouvrant, ainsi, la voie à une opinion véritable ou conforme à la réalité,
de chercher ce qui est vrai5. En rejetons tout ce que nous considérons comme absolument
faux, il ne peut rester que quelque chose de ferme et d’indubitable. Ce que le doute méthodique
met en avant c’est que, la vérité est bien le résidu d’un travail critique de la pensée, et non un
fait immédiatement donné et antérieur à notre recherche. En d’autres termes, le doute trouve sa
justification en ce que la vérité se mérite, elle n’est pas donner d’emblée, elle s’éprouve.
En effet, le doute dont il est question ici est d’une autre nature, c’est une étape de la réflexion,
un moment déterminant le point de départ de la connaissance, c’est l’engagement et
l’orientation de toute la connaissance. Autrement dit, c’est une nouvelle décision dont Descartes
peut souligner le caractère volontaire. Cette volonté de douter une seule fois n’est pas
irréfléchie, mais, délibérée. Avec Descartes, tout ce qui présente le moindre doute sera dit faux.
Ce doute cartésien paraitra absolu, radical. Il veut juger l’opinion non pas selon leur contenu,
mais, selon leur source et principe. Par le doute, la pensée ou la raison, voir l’âme humaine
comme l’affirme Descartes sort de l’ignorance ou du dogmatisme pour chercher une vérité
indubitable, indépendamment du monde extérieur. Puisqu’il est question de rechercher le plus
vite possible la vérité par le moyen du doute, nous doutons de tout ce par quoi le monde, et les
impressions de sens nous donnent. Voilà pourquoi, en rejetant les témoignages des sens
Descartes écrit :
« Mais, d’autant que nous n’avons point maintenant d’autre dessein que de vaquer à la
recherche de la vérité nous douterons en premier lieu si, de toutes les choses qui sont
tombées sous nos sens ou que nous n’avons jamais imaginées, il y en a quelques-unes qui
soient véritablement dans le monde, tant à cause que nous savons par expérience que nos
4« Non que j’imitasse pour cela les sceptiques qui ne doutent que pour douter, et affectent d’être toujours irrésolus : car, au
contraire tout mon dessein ne tendait qu’à m’assurer et à rejeter la terre mouvante et le sable pour trouver le roc ou
l’argile ».Ibid. p.61.
5 « je désirai vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu’il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse,
comme pour absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s’il ne resterait point après
cela quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable.».ibid. p.32.
~4~
sens nous ont trompé en plusieurs rencontres, et qu’il y aurait de l’imprudence de nous
trop fier à ceux qui nous ont trompé(…) ».(Descartes, 1953, p572).
Les organes de sens ne sont pas un moyen sûr d’accéder à la vérité scientifique. Descartes
disqualifie de façon systématique les organes de sens qui, à ses yeux sont très loin de remplir
la fonction instauratrice de l’acte même de connaitre. Dès lors, autant les organes de sens nous
donnent immédiatement le monde, autant la vérité du monde se dérobe à nous par essence. Par
conséquent, il y a une évidente impossibilité pour les sens de nous donner accès à la vérité chez
Descartes.
Aux yeux de Descartes, aucune entreprise de recherche de la vérité ne peut s’accomplir sans
qu’elle puisse avoir recours au doute. C’est donc par le doute que l’homme, animé par le désir
salutaire de rechercher la vérité fait cet apprentissage qui consiste pour lui à s’éloigner des
erreurs, des faussetés, c'est-à-dire de ce qui est immédiatement donné comme étant faux. Le
doute s’accomplit comme un geste, le quel inaugure ce comportement même à partir duquel
l’homme doit commencer à se débarrasser, c’est-à-dire à mettre de côté tout ce qui peut faire
obstacle dans la recherche de la vérité. C’est pour quoi, ayant examinée les mœurs, c’est-à-dire
les règles fondatrices de la morale et de l’éthique, Descartes a d’emblée marqué son
insatisfaction. Car, selon Descartes, il faut procéder à la refondation de l’éthique et de la morale
qui doivent servir de règle à l’agir humain. Le doute est donc nécessaire pour établir une sorte
de table rase qui, permettra de découvrir les vérités fondamentales. Celui-ci ne doit être pris
que comme une étape provisoire, et subordonné à la recherche de la vérité.
Le doute cartésien n’a pas seulement pour but de rejeter toutes les opinions plus ou moins
assurées que l’on pose habituellement pour vraies, mais, il vise plutôt à dégager l’évidence, et
la clarté des vérités éternelles des premiers principes, afin de pouvoir ensuite, selon la déduction
et l’induction accéder aux vérités plus complexes. Le doute cartésien n’est pas un doute
sceptique comme nous l’avons déjà signalé, c’est un doute qui est tourné vers l’avenir, vers la
recherche de la vérité, un doute méthodique qui prend fin après avoir accédé à une vérité claire
et distincte. Ce doute cartésien est un doute raisonné et actif, qui se donne pour but d’atteindre
une certitude, sur laquelle pourra être reconstruit un monde sûr et certain. Or, le doute sceptique
par contre conduit au nihilisme, c’est-à-dire c’est un doute qui doute pour douter. Le doute
sceptique est un doute qui suspend définitivement le jugement. Devant les théories qui
s’affrontent, le sceptique ne prend pas parti, il s’aptiens et suspend son jugement. Autrement
dit, le sceptique pense que tout est incertain, et qu’il faut, par conséquent, douter de toute vérité.
De plus, pour être efficace le doute ne peut pas se contenter de ne s’attaquer qu’aux opinions
les plus simples, et les plus aléatoires ; il doit être radical, d’autant que la raison me persuade
déjà que je ne dois moins soigneusement m’empêcher de donner créance aux choses qui ne sont
pas entièrement certaines et indubitables, qu’à celle qui nous paraissent manifestement être
fausses. Comme l’affirme Descartes, on ne doute pas pour douter, mais, nous doutons pour
parvenir à quelque chose de certain et d’indubitable. Autrement dit, ce n’est pas un doute dans
lequel je me trouve, ni même un doute dans lequel je me mets, c’est ce que je construis, c’est
un dessein que Descartes se trouve occupé dès le début de sa philosophie6. Le doute avec
6 « […] je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que vraisemblable ».Ibid. p.38.
~5~
Descartes n’est plus considéré comme les sceptiques le considéraient, il devient un instrument
pour fonder la certitude, un moyen critique discipliné par la raison. Cependant, à quoi va aboutir
le doute de Descartes ?
Témoin de contradictions observées entre les philosophes et les doctes, le penseur français va
chercher à refonder entièrement toute la connaissance. Autrement dit, l’auteur souhaite trouver
un fondement solide, absolument certain. Et cette recherche la conduit à une conclusion que
seule sa propre existence, en tant que chose qui pense est certaine. Autrement dit, pour se libérer
du doute et trouver un fondement inébranlable à la philosophie, il décide de rejeter comme faux
tout ce en quoi il pouvait imaginer le moindre doute. De là, il constate qu’il y a une vérité qui
résiste au doute : « je pense, donc je suis ». Cependant, s’il est acquis que Descartes a douté de
tout, pourquoi Descartes n’a-t-il pas douté de la pensée qui lui permet de douter et qui est
synonyme du doute lui-même ? Voici comment, dans la quatrième partie du Discours de la
Méthode Descartes explique le passage du dubito « le doute » au cogito « la pensée » :
« […], mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi, penser que
tout était faux il fallait que moi que le pensait fusse quelque chose. Et, remarquant que
cette vérité je pense donc je suis était si ferme et si assurée, que toutes les plus
extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai
que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je
cherchais. » (Descartes, 2000, p.66).
Comme l’affirme Descartes, il reste dans ce néant universel où nous nous sommes placés en
doutant méthodiquement, quelque chose dont nous ne saurions jamais douter : nous savons que
nous doutons et le sachant, nous avons l’intuition immédiate et claire que nous ne sommes pas
rien. Tandis que je doute, je sais que j’existe, car s’il y a un doute, c’est qu’il y a nécessairement
quelqu’un qui est là pour douter.
Le cogito rend compte de l’équivalence entre conscience et conscience de soi. Lorsque je
doute, je ne puis douter que je doute, donc que je pense, puisque douter c’est penser. Penser
revient, ainsi à penser que l’on pense, et la conscience est, alors, la source de tout savoir
possible, s’inscrivant nécessairement comme un usage de cette conscience de soi. Autrement
dit, à force de penser que tout est douteux, et de tout remettre en question, et de tout rejeter
comme faux, Descartes découvre comme dans une intuition, qu’il ne peut pas douter de son
propre doute. Peut-être, en effet, tout est-il faux, et parait même douteux, toute fois dans ce cas,
il y a au moins une chose affirme Descartes, qui soit sûre, vraie, certaine et assurée c’est que
lui Descartes est en train de douter, c’est-à-dire de penser ; et que dans la mesure où il est en
train de penser, c’est que nécessairement il existe. Ainsi, Descartes se rend compte grâce à son
doute, au fait d’être en train de douter qu’il existe nécessairement, puisque pour remettre en
doute son propre doute c’est qu’il pense, et de ce fait qu’il est. Il est au moins quelque chose
qui pense, une chose qui est en train de penser, c’est-à-dire de douter. C’est cela le fameux « je
pense, donc je suis ». Il est donc possible stipule Descartes, rien que par la pensée de tout
remettre en doute. Ici Descartes n’est pas encore sûr d’exister en tant qu’être humain, il est au
moins sûr d’une chose c’est qu’il est une chose qui pense, il est au moins une substance
~6~
pensante. Et c’est à partir de cette pensée qu’il va pouvoir reconstruire d’autres vérités pour
fonder sa philosophie.
S’il a été donné à Descartes de déterminer le premier principe de la philosophie à partir du
« cogito ergo sum », c’est parce que pareil principe est à la fois théologique et
rationnel7.Descartes part donc d’un constat selon lequel l’homme a pour essence l’âme et n’a
pas besoin d’une autre chose matérielle. Autrement dit, l’auteur des Méditations met ici en
exergue la préséance qui revient à l’âme à partir de laquelle Dieu qui se trouve au-dedans d’elle
se met en mouvement par lui-même et pour lui-même. Car, l’âme est précisément ce principe
divin présent en nous en sorte qu’il consiste à produire l’existence. Par conséquent, pour qu’il
y ait existence, il faut qu’i y ait d’abord en nous une âme divine qui soit capable de produire à
partir d’elle-même le mouvement dont l’existence a besoin pour surgir. Ainsi, lorsque Descartes
dit : « je pense, donc je suis », il énonce par là quelque chose qui précède notre existence. Parce
que, c’est à partir de cette chose qui est acte de penser, c’est-à-dire un « je » qui pense « ego
cogito » que l’existence vient à l’existence à partir d’un « je » qui existe et non qui pense. Dès
lors, nous comprenons aisément que chez Descartes pour penser, il faut être. Être pour penser
veut tout simplement dire que, de l’exercice par lequel je réalise l’acte d’être, se réalise aussi
l’acte même de penser.
Ainsi, être est condition d’accès à la pensée, pour la simple raison que, le mouvement qui nous
permet d’être est rendu possible par l’âme qui le déclenche ; en sorte que l’ayant déclenché,
nous devenons ce « je » qui pense, c’est à dire la pensée qui se pense elle-même. Or, le « je »
qui pense, c’est-à-dire « l’ego cogito » ne peut pas accomplir l’exercice de la pensée pensante
sans que de cette penser qui se pense à partie d’elle-même et pour elle-même surgisse
l’existence. Ce qui amène Descartes à affirmer que pour penser il faut être. Parce que l’exercice
de la pensée qui me fait être en sorte que j’existe par la suite témoigne d’une certaine primauté
divine sur notre propre existence qui ne se comprend que par rapport à Dieu. Ainsi, nous
pouvons maintenant comprendre le caractère à la fois théologique et rationnel de la philosophie
cartésienne ; puisque pareil caractère se comprend de manière aussi précise que simple à partir
de la primauté de « l’ego cogito » c’est-à-dire du « je » qui se pense pour être d’abord afin
d’exister par la suite. Or, être à partir du fait que je pense comme « ego cogito » traduit l’acte
même qui me fait être parce qu’il me précède pour que j’existe par la suite.
C’est l’acte de penser qui se découvre et s’affirme par la suite. Et c’est là toute la force du cogito
qu’en voulant le nier, on l’affirme encore, car c’est en doutant qu’on le rencontre. Si je doute
donc, je pense. Le cogito sort alors du doute et c’est le doute qui le prouve. Pour Descartes, la
vérité découverte par l’exercice de la pensé, est le « je pense, donc je suis », selon Descartes le
cogito est donné par une intuition, c’est-à-dire par un acte unique immédiat et instantané de la
pensée. C’est seulement à l’occasion de ma pensée que je mets en œuvre cette relation ; donc
le cogito est bien premier en ce sens qu’il réalise une idée qui n’était que théorique. Cette
situation du cogito est confirmée par le fait que celui-ci se dit toujours à la première
7« Je connu de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui pour être, n’a besoin
d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est- a- dire l’âme par laquelle je suis ce que je
suis est entièrement distincte du corps ; et même qu’elle est plus aisée à connaitre que lui… ».Ibid, p.67.
~7~
personne : un «je », un « moi » s’atteint lui-même dans son unité, chacun peut formuler le
cogito seulement pour lui-même.
La première existence pense Descartes est que, je suis une chose qui pense. Le cogito découvre
et affirme une existence. En effet, penser désigne un acte, une opération qui forme, examine,
conserve ou rejette les connaissances. C’est une action indifférente au contenu de ces
connaissances puisqu’elle se rencontre également quand l’esprit saisit une idée, une image ou
un raisonnement. Mais, affirme Descartes une telle activité réclame un sujet qui l’accompagne,
la pensée ne peut pas être sans une chose qui pense. Avec Descartes, la pensée se pense elle-
même, elle se réfléchie. En faisant du cogito la vérité première par laquelle nous pouvons
appréhender d’autres vérités, Descartes a libéré la philosophie de la tutelle de la théologie. Par
ce biais, la pensée, ne se perd plus dans la diversité du sensible et impose à ce dernier ses propres
règles. La découverte du cogito est une prise de conscience du sujet pensant. Cette découverte
n’est pas seulement la découverte d’une existence, mais aussi celle d’une nature. En effet, cette
existence indubitable que je doute même nous révèle ne peut être que celle d’un esprit. Plus
précisément, c’est celle du moi entant qu’esprit. Ce n’est pas la pensée en générale qui est
l’objet d’une expérience immédiate, c’est un moi pensant et, c’est à partir de cette expérience
personnelle que Descartes va définir l’esprit humain. Dans sa préface au Discours de la
méthode, François Misrahi pense que le cogito, première vérité, établit l’identité de la certitude,
de l’expérience subjective de l’esprit s’exprimant lui-même, et de la vérité :
L’idée de perfection en l’homme fait partir des preuves majeures que Descartes se sert pour
démontrer l’existence de l’Être absolu. Dans la quatrième partie du Discours de la méthode,
Descartes évoque l’idée de perfection que nous avons en nous. L’auteur se demande comment
l’homme, être imparfait, et fini pouvait-il avoir en lui l’idée d’un être parfait ou d’une perfection
qui le dépasse ? Comment l’imparfait pourrait-il engendré le parfait ? Ainsi, déclare-t-il :
« Ce ne pouvait être le même de l’idée d’un être plus parfait que le mien. Car, la tenir du
néant c’était chose manifestement impossible et, pour ce qu’il n’y a pas moins de
répugnance que le plus parfait soit une suite et, une dépendance du moins parfaite, qu’il y
en a que de rien procède quelque chose, je ne la pouvais tenir non plus de moi-même. De
façon qu’il restait qu’elle eut été mise en moi par une nature qui fut véritablement plus
parfait que je n’étais et, même qui eut en soit toutes les perfections dont je ne pouvais avoir
~8~
quelque idée, c’est-à-dire, pour m’exprimer en un mot, qui fut Dieu ».
(Descartes,2000,p.69).
D’après ce texte que nous examinons, le plus parfait ne peut dépendre du moins parfait, c’est-
à-dire être causé par lui. Ce qui a conduit Descartes à une conclusion selon laquelle, seule la
perfection peut créer de l’imperfection, car, l’inverse serait une impossibilité. Ainsi, Dieu, être
parfait et suprême est le créateur de l’homme et du monde imparfait. Cela signifie donc que,
l’idée de perfection dans notre esprit ne peut surgie du néant :
« […] mon être n’était pas tout parfait, car je voyais clairement que c’était une plus grande
perfection de connaitre que de douter, je m’avisais de chercher d’où j’avais appris à penser
à quelque chose de parfait que je n’étais et je connu évidemment que ce devait être de
quelque nature qui fût, en effet, plus parfaite. » (Ibid., p.68).
L’idée de perfection peut être saisie comme une idée dont on ne peut rien concevoir de plus
grand. S’il est vrai que l’action de douter implique une imperfection ; dès lors que Descartes
doute, il vient à déduire son imperfection et sa finitude. En effet, la plus grande perfection pour
Descartes n’était autre que le fait de connaître le doute. Il conçoit par-là l’idée d’un être parfait
que lui-même n’était. Voilà pourquoi Descartes affirme qu’il est de la nature de Dieu, perfection
pure d’exister, car, ne pas exister serait pour lui une imperfection. C’est donc à partir de l’idée
de perfection ou de l’être parfait que l’on tirera l’existence de Dieu. Comment Dieu, être parfait
qui nous surpasse en toutes choses se demande encore Descartes, pourrait-il ne pas exister,
alors, que nous, êtres imparfaits nous existons ? Descartes affirme que, même si cette existence
de Dieu n’est certes pas un fait sensible à l’œil nu, mais, elle est une évidence logique que seul
le raisonnement peut révéler. Cette existence de Dieu n’est pas comparable à l’existence des
choses créées. Les choses, en effet, peuvent être ou ne pas être, leur existence est contingente.
Tandis que Dieu, en vertu de sa nature ne peut pas ne pas être ; son existence est absolument
nécessaire et son inexistence est inconcevable. Ceci dit, Dieu est la cause de toute perfection
quelle qu’elle soit. C’est dans ce contexte que Descartes affirme qu’il ne peut concevoir un
Dieu sans existence8. Il faut bien que Dieu existe dans toute son infinitude pour lui en conférer
l’idée selon laquelle il existe. Dieu est un être parfait, or, la perfection comprend l’existence,
donc Dieu existe. Ainsi, nous, être imparfaits ne pouvant être la cause de la perfection, seul un
être possédant toutes les perfections peut être la cause de l’idée de perfection. Cette idée de
perfection est soumise comme toutes les choses aux principes de causalité. Autrement dit, l’idée
de perfection a été mise en nous par un être plus parfait que nous9. Et, cela se justifie par le fait
que, si nous étions la cause de l’idée de perfection en nous, il n’y aurait aucune raison pour
laquelle nous ne nous eussions donné toutes les perfections dont nous avons besoin. Dans les
Méditations métaphysique Descartes affirmera :
« Or, si j’étais indépendant de tout autre et que je fusse moi-même l’auteur de mon être,
certes je ne douterais d’aucune chose, je ne concevrais plus de désirs et, enfin il ne me
8 « car il n’est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence, c’est-à-dire un être souverainement parfait sans une
souveraine perfection, comme il m’est libre d’imaginer un cheval sans ailes ou avec les ailes ».Descartes, Méditations
métaphysiques, 5ème partie, Op.Cit,p.170.
9 « Qui eût en soi toutes les perfections dont je pouvais avoir quelques idées, c’est-à-dire pour m’exprimer en un mot qui fut
~9~
manquerait aucune perfection ; car je me serais donné à moi-même toutes celles dont j’ai
en moi quelque idée et, ainsi, je serais Dieu.» (Descartes, 2009, p.133-134).
Selon la conception cartésienne, si je m’étais créé, je me serais donnée toutes les perfections
dont j’ai l’idée ; puisque je suis conscient de mon imperfection, je suis donc une créature. Ce
qui a amené Descartes à affirmer que, si nous n’avions pas d’abord l’idée de la perfection, nous
ne pourrions jamais avoir l’expérience de l’imperfection, de même est-ce donc l’idée de Dieu
qui nous fait sentir notre imperfection et nous prépare, ainsi, à découvrir, au bout du doute la
certitude du cogito. Autrement dit, l’imperfection ne peut être perçue que sur fond de perfection,
cette idée de perfection est antérieure à l’idée d’imperfection. Car, c’est notre imperfection qui
nous fait douter, et c’est le doute qui nous fait découvrir le caractère substantiel de notre âme,
car, celle-ci est une substance infinie. Dès lors, si seul Dieu peut être à l’origine de l’idée de
perfection que nous en avons, de la même façon, seul Dieu peut être la cause de notre propre
être, possédant l’idée de Dieu :
« Si la réalité objectives de quelqu’une de mes idées est telle que je connais clairement que
cette même réalité ou perfection n’est point en moi ni formellement ni éminemment, et que
par conséquent je ne puis moi-même en être la cause, il suit de là nécessairement que je ne
suis pas seul dans le monde, mais, qu’il y a encore quelque autre chose qui existe et qui est
la cause de cette perfection.» (Descartes, 2009, p.124).
Descartes comme nous pouvons le voir, utilise l’idée d’imperfection par rapport à la perfection
de l’idée de Dieu, pour monter que seul Dieu est l’origine, ou, est la cause possible de cette idée
inscrite en nous. Dieu est donc le seul être pouvant être la cause de l’idée de perfection en nous,
étant donné que cette notion doit avoir une cause qualitativement égale ou supérieure à elle-
même. L’homme s’aperçoit de son imperfection par contraste avec l’idée qu’il possède d’un
être plus parfait que lui :
« Et, il est évident qu’il n’y a pas moins de répugnance que la fausseté ou l’imperfection
procède de Dieu, en tant que telle, qu’il y en a que la vérité ou la perfection procède du
néant. Mais, si nous ne savions point que tout ce qui est en nous de réel et de vrai vient
d’un être parfait et infini, pour claires et distinctes que fussent nos idées, nous n’aurions
aucune raison qui nous assurât qu’elles eussent la perfection d’être vraies.» (Descartes,
2000, p.74).
Dieu seul est le garant de nos idées, c’est par existence que nous avons la certitude de nos idées.
En effet, si dans le Discours de la méthode Descartes emploie le concept imperfection, dans les
Méditations métaphysique il parlera plutôt de l’idée de l’infini de l’homme vis-à-vis de Dieu.
Étant des êtres finis, fait remarquer Descartes, partant du principe de causalité, nous ne saurions
être la cause d’une substance infinie. Descartes affirme que, l’idée qu’il a d’une substance
infinie ne peut émaner de son propre entendement, étant donné qu’il doit y avoir pour le moins
autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet. Autrement dit, il y a plus
de réalité dans la notion d’infini qu’il y a dans notre finitude ; l’essence de Dieu est une
perfection déjà réalisée. En plus, aucune force ni puissance ni pouvoir que puisse ressentir en
moi sinon d’un être différent de moi que je dépends. Descartes conclu qu’il est évident que
Dieu a plus de perfection que d’autres causes et effets. Pour Descartes, il est important pour
moi de dire qu’il y a un être parfait et que lui étant un être imparfait, n’avait pas la possibilité
~ 10 ~
d’inventer les choses ayant une perfection si ce n’est pas Dieu, le génie créateur. Ainsi, l’homme
ayant une connaissance présentant manifestement en lui un esprit attentif, voyait dans le monde
une grande perfection, aussi grande que jamais l’esprit humain ne pouvait en être l’auteur. Car,
toutes les choses relevant de la perfection dépendaient de Dieu10. Comme nous pouvons le
constater, cet argument de l’idée de parfait développé par Descartes constitue la première
preuve de l’existence de Dieu et, partant le fondement même de la vérité qu’il exprime en ces
mots : cela même que j’ai tantôt pris pour règle générale, à savoir que les chose que nous
concevons très clairement et très distinctement sont vraies n’est assuré qu’à causse que Dieu
est ou existe et, qu’il est un être parfait et que tout ce qui est en nous vient de lui. Rien en Dieu
affirme Descartes, ne marque une dépendance à l’égard de quoi que ce soit et inversement, tout
ce qui peut être les choses, les vérités comme l’existence. Autrement dit, toutes les idées et
notions que nous avons proviennent de Dieu, être parfait et grand dans sa création divine. Ces
idées et notions sont infinies et, par conséquent, moi étant un être imparfait je ne peux ni ajouter
ni retrancher quelque chose que ce soit en ce qui concerne la création divine. Car, cette créature
est si grande et dépasse l’entendement humain. Autrement dit, aucune vérité claire et manifeste
ne peut dépasser la réflexion selon laquelle il existe un Dieu grand, souverain et parfait.
Descartes en concevant un Dieu parfait, reconnait clairement qu’il ne pouvait jamais parler d’un
Dieu parfait qui n’existe pas. Cependant, comment l’homme, en tant qu’être imparfait découvre
en lui l’idée d’une perfection pure qui n’est autre que Dieu.
Tout part de la prise de conscience de Descartes d’être un être imparfait. Étant moi-même
un être imparfait, stipule Descartes, je ne peux avoir inventé l’idée d’un être parfait. Cela
signifie donc qu’il doit exister un Être plus parfait que moi qu’il faut que je cherche, car, la
perfection ne peut n’être de l’imperfection. Descartes de conclure que je dépends
nécessairement de cet Être parfait, sinon j’aurai moi-même été cet Être parfait et infini. Ainsi,
ne pouvant être la cause d’une perfection pure, je dois admettre que cette perfection dont j’ai
l’idée provient d’un être souverainement parfait :
« Mais, ce ne pouvait être le même de l’idée d’un être plus parfait que le mien : Car, la
tenir du néant, c’était chose manifestement impossible ; et pour ce qu’il n’y a pas moins de
répugnance que le plus parfait soit une suite et une dépendance du moins parfait, qu’il y
en a que de rien procède quelque chose, je ne la pouvait tenir non plus de moi-même .De
façon qu’il restait qu’elle eut été mise en moi par une nature qui fut véritablement plus
parfait que je n’étais, et même qui eut en soit toutes les perfections dont je pouvais avoir
quelque idée, c’est-à-dire, pour m’exprimer en un mot, qui fut Dieu. » (Descartes, 2000,
p.69).
Descartes part d’un constat selon lequel, le néant ne saurait justifier l’origine de l’idée de Dieu
inscrite en nous. Car, le néant étant que néant, c’est-à-dire ressorti à un vide d’être ne peut pas
nous permettre d’expliquer l’origine de cette idée de Dieu en nous. En effet, si le plus parfait
peut dépendre du moins parfait, c’est-à-dire être causé par lui, le surplus d’être qui contient
toutes les perfections se trouverait sans cause. Dès lors, nous serions contraints d’avouer que
de rien procède quelque chose. En partant du principe que, le plus parfait qui est Dieu,
10« […] je me représente d’une autre faculté beaucoup plus ample et même infinie, et de cela seul que je puis me présenter son
idée, je connais sans difficulté qu’elle appartient à la nature de Dieu ». Descartes, Méditations métaphysiques, 4ème partie,
Op.cit., p.150.
~ 11 ~
conditionne le moins parfait qui est l’homme, nous pouvons nous permettre de reconnaitre que
l’idée de Dieu émane de Dieu lui-même à partie de qui elle a été mise en nous. Or, si elle a été
mise en homme par Dieu parce qu’elle découle de lui, cette idée est innée. Autrement dit,
l’homme en naissant est toujours déjà porteur de l’idée de Dieu. À la différence des autres idées,
cette idée porte la marque directe de celui qui nous l’a donnée. Elle est en nous quelque chose
qui, de toute évidence ne vient pas de nous. L’Être infini est source de l’idée d’infini en nous
qui sommes des êtres finis ; souverainement parfait, Dieu ne saurait manquer à la perfection
qu’est l’existence. Seule l’idée du Dieu infini en moi m’assure de son existence.
Ne pouvant être la cause d’une perfection qui m’est étrangère, je dois admettre que cette
perfection dont j’ai l’idée provient de cet être effectivement parfait. Il faut nécessairement
conclure que, de cela seul que j’existe et que l’idée d’un être souverainement parfait est en moi,
l’existence de Dieu est très évidemment démontrée. Descartes pense que, cette idée ne dépend
pas de ses sensations, ni de la pure invention de son esprit, cette idée est naturelle en moi. Cela
dit, en chaque individu jaillit l’idée d’un Dieu parfait. Autrement dit, l’idée de Dieu ne peut être
en moi que parce qu’un Être possédant réellement cette infinité l’a mise et produite en moi.
Comment serait-il possible, se demande Descartes que je puisse connaitre que je doute, et que
je désire, c’est-à-dire qu’il me manque quelque chose, et que je ne suis pas tout parfait si je
n’avais pas en moi une idée d’un être plus parfait que le mien. Dans les Méditations, Descartes
fait une différence entre les idées adventices, les idées factices et les idées innées. Les idées
adventices sont celles qui nous sont fournies par les sens, elles s’opposent aux idées innées11.
Autrement dit, les idées adventices se forment à partir du contact de l’esprit avec les objets
extérieurs. Ces idées sont engendrées par des objets étrangers au contact de l’esprit : l’idée du
soleil que nous voyons, la chaleur que nous ressentons. En ce qui concerne les idées factices,
ce sont des idées conçues par l’esprit à partir de la composition d’autres idées plus simples,
elles sont donc liées à l’imagination. Et, en ce qui concerne les idées innées Descartes pense
que ce sont les idées qui naissent avec nous, elles sont donc indépendantes de notre rapport au
monde, leur contenu n’est pas lié au contenu informatif que nous obtenons par notre rapport au
monde. Ainsi, pense-t-il :
« L’autre est prise des raisons de l’astronomie, c’est-à-dire de certaines notions nées avec
moi, ou enfin est formée par moi-même de quelque sorte que ce puisse être, par laquelle il
parait plusieurs fois plus grand que toute la terre ».(Ibid., p.200).
Selon la conception cartésienne, le fondement de notre connaissance se trouve dans les idées
innées. Autrement dit, pour Descartes la connaissance de la vérité et du savoir ne peut advenir
que par les idées innées, et ses idées sont rendues possibles par l’existence de Dieu. Ces idées
ont été déposées en homme par Dieu, Dieu est le seul auteur de ces idées présentes en moi.
Pour mettre en lumière ce rapport qui existe entre le plus parfait et le moins parfait, Descartes
commence par établir une distinction entre cette plus grande perfection de connaitre relative à
l’âme divine qui diffère de l’âme même de l’homme. Pour comprendre cette différence chez
Descartes, il faut commencer par définir la connaissance à partir de cette lumière naturelle, ce
11 « comme par exemple, je trouve dans mon esprit deux idées du soleil toutes diverses, l’une tire son origine des sens et doit
être placée dans le genre de celles que j’ai dit ci-dessus venir de dehors, par laquelle il me parait extrêmement petit ».Descartes,
Discours de la méthode suivi des méditations, Paris,éd.,Union generale,1951,pp.199-200.
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savoir de soi qui naît avec nous ; parce que nous naissant avec ce savoir que Dieu seul a de lui-
même. Dès lors, tout homme pour Descartes possède cette pré-possession en lui de la présence
de Dieu qui lui permet de connaitre. Parce qu’elle est innée en nous, la lumière naturelle, c’est-
à-dire cette connaissance que j’ai immédiatement de moi-même étant la plus parfaite
connaissance de Dieu par nous et de nous par Dieu, émane de Dieu, perfection pure. Comme
nous pouvons le constater, la préoccupation majeure de Descartes s’articule autour de la
question de savoir sur quoi se fonde en lui l’idée d’un Dieu parfait. Car, affirme l’auteur cette
idée de Dieu ne saurait trouver sa cause en moi, il faut admettre que, Dieu seul est la cause de
son idée.
Après avoir montré le rapport qui existe entre le plus parfait et le moins parfait, Descartes
passe à la preuve de notre existence. En effet, selon Descartes cette preuve n’est perceptible
qu’à partir de celle de l’existence de Dieu, la cause et le garant de notre existence. Autrement
dit, la cause de la perfection divine conditionne celle de notre existence sur terre. Descartes
pense qu’en ayant l’idée claire d’un Être parfait en nous, nous désirons la perfection, et que si
nous ne la possédons pas, c’est parce que nous dépendons d’une cause plus parfaite qui n’est
autre que Dieu. De ce fait, Descartes comprend qu’étant une créature divine, il n’en demeure
pas moins vrai que Dieu puisse mettre en lui toutes les perfections du monde. Pour cela, Dieu
m’a donné la possibilité de pouvoir gérer toutes les choses claires et distinctes12.
Conclusion
Nous retenons que, la conception cartésienne est couronnée par l’idée de Dieu. Cette idée est la
plus claire et la plus évidente de toutes les idées que nous pouvons avoir. Dieu est vu par
Descartes comme l’unique source des évidences qu’il recherche dans sa démarche. Autrement,
Dieu inspire le savoir, il révèle à l’esprit des idées indubitables par lesquelles fonctionne la
science pour aboutir à des vérités déjà construites par Dieu, auxquelles la pensée, ou, la raison
parvient pour mieux articuler les calculs et les pensées dans la science. Dieu est une idée logique
au point où la perfection, la magnificence, l’éternité, la justesse, l’adresse, la rationalité, lui
appartiennent en propre. Il est, ni semblable aux choses, ni en relation avec les choses, il est à
l’écart des choses, en les déterminant.
Philosopher devient ainsi la faculté de communiquer avec le Divin créateur, (désigné par
Descartes en terme d’ego, ou, de substantia tel qu’hérité d’Aristote), en vue des certitudes
indubitables, apodictiques, claires et distinctes. Traiter de la question de Dieu chez Descartes
ne s’éloigne donc pas de la nécessité de revenir sur les pouvoirs du cogito en terme de recherche
de son sens, de sa nature et de ses finalités. Le cogito cartésien, quoiqu’il soit au-delà des choses,
en est bien sûr l’origine et le réel spectre de dévoilement permettant d’accéder à la connaissance
objective du monde et des sciences comme objets à connaitre. Dieu devient avec Descartes, non
seulement garant de mes idées claires et distinctes, mais, aussi le garant de la science. Dieu
apparait comme le principe rationnel à partir de quoi toute la connaissance humaine advient.
12« Et je remarque bien qu’entend que je me considère tout seul, comme il n’y avait que moi au monde, j’aurais été beaucoup
plus parfait que je ne le suis, si Dieu m’avait créé tel que je ne faillisse jamais ».Descartes, Discours de la méthode suivi des
méditations, op.cit., p.122.
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Et, c’est sur le fondement immanent de la pensée humaine que prend appui la conviction de
l’existence de Dieu.
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