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AMINATA SOW FALL : UNE FIGURE MARQUANTE

DE LA LITTÉRATURE SÉNÉGALAISE

Prof. Silvia Calí

Facultad de Filosofía y Letras – U.N.Cuyo

calisilvia@hotmail.com

Axe Thématique: 3 Les compétences à développer : la compétence culturelle


et interculturelle et la compétence esthétique et littéraire.

Mots clés : Aminata Sow Fall- culture- littérature francophone-société-


tradition.

Résumé :

Cette communication a pour but de présenter Aminata Sow Fall, l´une des
auteures remarquables de la littérature africaine francophone dont la
provenance est le Sénégal. Il faut mettre en relief que aussi bien sa vie
personnelle que sa vie culturelle et intellectuelle ont toujours eu l´intention de
travailler en faveur des ruptures, surtout, sociales du peuple sénégalais. Elle est
un véritable témoin de la réalité de ce continent tellement bouleversé après la
décolonisation et ce sont, justement, ces témoignages qu´elle prend comme
sujets dans ses créations d’engagement social. Ainsi par la valeur et la force de
son œuvre romanesque, par ses idées sur la littérature, notamment, l’africaine
et par sa pensée sur les traditions ancestrales, Sow Fall devient une écrivaine
puissante dont le nom serait désirable d´annexer aux études littéraires.

La naissance d’une littérature africaine d´expression francophone a une


place notable dans l´univers littéraire non seulement de l´Afrique mais aussi des
principaux centres académiques de l’Europe et de l’Amérique du Nord.

Dans la Période des Indépendances et après, pendant le Post-


colonialisme –événement qui se rapporte à l´origine d´une littérature écrite par
des femmes – le rôle des auteures change d´après leur façon d´écrire. Dans le
milieu littéraire, il existe des romancières qui extériorisent aussi bien des
problématiques personnelles que des attitudes contestataires et critiques pour
dénoncer de graves problèmes de société.

À partir des années 70, la littérature des femmes s´impose et c´est le


genre narratif qu´elles emploient davantage. Ce sont des femmes qui font partie
d’une première génération et celles-ci ont eu la possibilité de créer
d´importantes œuvres. .

Parmi les femmes engagées avec le début de la littérature africaine


francophone féminine se trouve Aminata Sow Fall. Son nom représente bien la
littérature du continent et la critique a admis cette écrivaine par ses valeurs
personnelles, littéraires et culturelles.

Donc, ce travail a d´abord pour but de présenter une approche de la figure


de cette femme sénégalaise reconnue par son activité culturelle et intellectuelle,
ensuite de connaître ses idées à propos de la littérature africaine, d´énoncer
certains sujets abordés toujours dans ses livres avec une préoccupation
humanitaire tout en dénonçant les agressions subies par les sociétés africaines,
notamment la société de son pays, et, finalement, sa pensée sur les traditions
ancestrales.

Auteure d´œuvres narratives, d´essais, de pièces de théâtre, de poèmes


ainsi que d´études et d’articles sur la littérature africaine, Aminata Sow Fall est
née le 27 avril 1941 à Saint Louis, ancienne capitale du Sénégal. Ses souvenirs
d’enfance continueront pendant toute sa vie :

Je suis née et j’ai grandi à Saint Louis du Sénégal […] dans un espace
planté sur le fleuve Sénégal […] Chaque matin, lorsque je sortais de ma chambre,
mon regard plongeait dans le fleuve et, au loin, au-delà de la pointe Sud,
j´apercevais la mer. L´infini s’ouvrait à moi et je vivais tous les jours ce spectacle
avec une grande fascination. Gaasch (2000)

Héritière d´une famille conservatrice, Aminata a été toujours en contact


avec les Français ; elle n’a jamais connu le sentiment négatif de l´apartheid ou
l’oppression. De famille musulmane, comme la plupart de ses congénères, elle
commence l’école coranique avant l´école française.

Elle se souvient de son enfance comme une étape presque paradisiaque


et elle évoque la maison familiale comme un endroit dans lequel elle a vécu
selon les principes de la dignité et du respect. Ce sont deux mots qui deviennent
le leitmotiv chaque fois qu´elle parle de son entourage.

En 1961, Aminata passe le baccalauréat à Dakar et en 1962, elle quitte


le Sénégal pour aller en France. À la Sorbonne, elle prépare une Licence en
Littérature Moderne. Très tôt, se manifeste son goût pour la lecture née dans
son milieu familier. Tout cela justifie non seulement le choix des études
littéraires mais aussi son début comme écrivaine. Elle même reconnaît que
son désir d´écrire est toujours tellement vif qu´elle a le besoin de raconter
comment vit son peuple.
En 1969, elle rentre au Sénégal comme professeur de Lettres et consacre
son temps pour fortifier ardemment l´apprentissage de la langue française en
Afrique, c’est pour cela qu´elle fait partie de la Commission de Réforme de
l´enseignement du français et elle participe à la rédaction des manuels scolaires
afin de valoriser le français sans jamais mépriser l´importance de la langue de
sa propre ethnie, le wolof :

Dire que le français est la langue officielle du pays est une réalité objective.
J’ai choisi d´écrire en français sans déchirement, sans aucun sentiment de
culpabilité parce que tout simplement dans ma conscience le français s´est intégré
tout naturellement dans mon univers. Il fait partie de mon univers, de mon
patrimoine culturel. Argy (2012).

Dans les années 80, Aminata est fonctionnaire au Ministère de la Culture


dont l’objectif principal est de favoriser le développement de la littérature en
langue française ; de plus, elle travaille avec intérêt pour divulguer les
expressions traditionnelles sénégalaises et pour faire la transcription de la
littérature orale non seulement à la langue coloniale mais aussi aux langues
originaires pour sauvegarder un patrimoine culturel bien significatif.

En 1997, elle reçoit la nomination de Docteur Honoris Causa de


l´Université de Massachusetts ; elle obtient aussi de nombreux prix et
distinctions. En 2015, elle est récompensée à la Sorbonne par la diffusion de la
langue française.

Quant à la littérature, Sow Fall participe à un projet, spécifiquement,


humanitaire et elle présente une conception du monde où elle observe de
manière sensible le fonctionnement du système sociopolitique de son pays bien
qu´elle affirme toujours que sa littérature n´est pas politique car ce qu’elle veut
c´est observer et démontrer les attitudes des individus.

Médoune Guèye a examiné cette idée et selon lui, il considère que Sow
Fall a notamment un engagement social « où les notions d´égalité et de fraternité
et le sens du partage profitent à tout le monde » (2005 :9) C’est le cas de deux
romans : La Grève des bàttu et L´ Ex- Père de la Nation. Si son projet se nourrit
des notions d´égalité et de fraternité, une façon d´atteindre cette aspiration est
par l´écriture. En conséquence Sow Fall déclare que toute son œuvre se
construit sur le thème de la dignité humaine :

Je serais très flattée de pouvoir embrasser une partie de la richesse humaine


de mon pays. Ma préférence, dans mes écrits, est de faire sentir que la richesse
humaine est la plus noble de toutes les richesses. Pour cela, toute l´humanité doit
veiller à la dignité de l´être humain en lui reconnaissant son intégrité. Gaasch
(2000)
En effet, situer l´œuvre d´engagement social dans une littérature
caractérisée par des traits réalistes est justement nécessaire afin de montrer et
dénoncer tout ce qu´éprouve la société sénégalaise. Dans un entretien avec
Mme. Céline Argy, elle justifie sa position littéraire et exprime certaines idées
qui ramènent à l´essence de sa poétique narrative : « Je n´ai jamais pensé
m´inscrire dans un courant littéraire. Pour moi, l´écriture est un acte souverain
qui doit jaillir en toute liberté. Le réalisme, pour un écrivain, ne signifie pas
copier le réel. L´écrivain doit recomposer, recréer, réinventer le réel ». Argy
(2012).

À l´égard de la littérature africaine, la romancière estime que celle-ci met


en question des sujets qui se rapportent avec ceux qui font allusion aux
injustices, aux oppressions souffertes par chaque peuple ou par chaque pays du
continent. Aminata observe que la littérature africaine a été considérée comme
une expression de marginalisation ; néanmoins elle affirme qu’il s’agit d´une
littérature qui fait partie des lettres universelles. Sa préoccupation et ses remises
en questions constituent un reflet de tout ce qui arrive à la condition humaine,
telles que la justice, le respect et la tolérance.

D´après la romancière, la littérature écrite par des africains doit être


conçue dans sa véritable nature comme source d´enrichissement et d’interaction
des cultures afin que la communauté africaine puisse être connue et comprise
dans sa valeur singulière. En effet, les écrivains occidentaux méconnaissent «
l´âme africaine », tandis que le peuple africain connait l´Occident par sa
littérature.

Au Sénégal, à partir des années 70, la littérature écrite par des femmes
présente certaines particularités. Même s´il y a des romans des auteures qui
écrivent sur un « réalisme autobiographique » c’est--à–dire sur des questions
indubitablement internes telles que les œuvres de Ken Bugul ou Mariama Bâ,
Sow Fall n’expose pas les aspects de sa propre vie. Bien que sa situation
familiale favorable et l´éducation reçue conduisent son écriture sur un chemin
qui évite les problématiques du moi, Aminata est une juste observatrice de sa
réalité extérieure.

La condition d´observatrice mène son écriture vers des sujets qui la


préoccupent vraiment : l´abus de pouvoir, les différences parmi les classes
sociales, la critique des institutions, la dénonciation de certaines pratiques
politiques et mœurs administratives. L´écrivaine sénégalaise reconnaît que ces
inquiétudes thématiques sont issues de « ses propres entrailles », c´est pour cela
qu´elle choisit la solitude quand elle écrit :

J´ai pensé que l´on devait pouvoir créer une littérature qui reflète simplement
notre manière d´être, qui soit un miroir de notre âme et de notre culture… Je me suis
mise à écrire en prenant comme modèle la société dans laquelle je vivais. Je
m´inspire d’abord de ce que j´observe et de ce que j´entends raconter autour de moi […]
Pfaff (1985 :136).

Cette déclaration met en évidence tout ce qui provient non seulement du


cadre social mais aussi du cadre culturel. Il faut remarquer que l´aspect culturel
se rattache certainement â la tradition et surtout à la tradition orale. D´une part,
il est incontestable que la littérature orale fait partie du patrimoine ancestral
transmis aux hommes, une fois qu’elle devient écrite la parole prend une valeur
irrévocable : d´autre part, en Afrique Noire, cette expression littéraire a
également pour but la diffusion de mœurs, de pensées et d´une philosophie
centrée sur la mémoire.

En somme, Sow Fall considère que la tradition est un processus


dynamique qui conduit vers le futur parce que si l´homme reste dans le passé la
tradition tend à mourir, et avec elle le substrat de chaque peuple, en évitant ainsi
la créativité et le fondement qui constitue les sociétés avec leur propre ethnie,
leurs mœurs, leurs croyances. Aminata soutient tout ce qui provient de la
préservation de ses racines, mais elle accepte aussi, largement, d´autres cultures
comme la base essentielle de chaque peuple. C’est ainsi qu´elle adopte la langue
et la littérature françaises qui constituent le premier bagage et, en même temps,
elle prend aussi l´héritage d’autres pays du monde grâce à la connaissance du
français.

Néanmoins, Sow Fall est une représentante authentique de « l´âme


africaine ». Ada Uzoamaka Azodo dans un entretien avec l´auteure, emploie
cette expression pour se rapporter à la nature intime des êtres .De façon que
l´homme de ce continent, malgré les vicissitudes protège ses racines et Aminata
le fait, elle-même en enrichissant l´ancien patrimoine avec la connaissance
d’autres cultures hors d´Afrique.

Bibliographie.

Argy,Céline (2012) Entretien avec Aminata Sow Fall.


http://apf.francophnie.org/spip.php?article1586. Consulté en ligne le 8
septembre 2012.

Gaasch,James (2000) Entretien La Nouvelle Sénégalaise : texte et contexte,


Éditions Xamal.Aflit.arts.uwa.edu.au/int_gaasch.html. Consulté en ligne, le 15
novembre 2013.

Guèye,Médoune (2005) Aminata Sow Fall, oralité et société dans l´œuvre


romanesque. Paris : L´Harrmatan. ( pp 7-12)
Pfaff, Françoise (1985) Aminata Sow Fall : L´écriture au féminine. Notre
Librairie 91. (p.136)

Uzoamaka Azodo, Ada (2005) À la recherche de l´âme africaine : écriture et


imagination chez Aminata Sow Fall.

http://www.iun.edu/~minaua/interviews/Azodo_Entretien_avec_Aminata_So
w_Fall.pdf Consulté en ligne, mars 2014.

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