Cours 1
Cours 1
Cours 1
La lecture naît d’un échange qui se crée entre les lecteurs et les écrivains. Le geste
machinal qui consiste à feuilleter un livre ou une revue est un geste qui nous semble
aujourd’hui naturel et qui a mis pourtant des siècles à se constituer. Dans l’Antiquité,
le caractère essentiel de la lecture est son oralité (lectures publiques, récitations.) À
cette époque, il était habituel de désigner un lecteur car le texte figurait sur un rouleau
de parchemin1 dont le maniement présentait beaucoup d’inconvénients. Mais pour la
majeure partie de la population, le contact avec le texte était beaucoup plus l’audition
d’une parole que la vision d’une écriture. La lecture que l’on connaît aujourd’hui
n’apparaîtra vraiment qu’à l’époque de l’Antiquité tardive (IIIe et IVe siècles)2 avec le
remplacement du rouleau de parchemin par le livre, c’est-à-dire, cette suite de feuillets
rassemblés en cahiers et cousus.
La pratique de lecture a été marquée pendant de nombreux siècles par la diffusion des
Livres Saints (Judaïsme, Christianisme, Islam), on peut donc avancer que Lire, c’est
d’abord lire le livre saint, la parole de Dieu.
Ainsi, du point de vue de la culture savante, le Moyen Âge est caractérisé par une
société à alphabétisation restreinte (d’autant que le livre saint est rédigé en latin et
non en langue vulgaire). L’écrit n’est pas seulement un code différent, c’est une langue
différente. Lire est par conséquent un privilège réservé à une minorité.
En 1882, l’école Laïque et Obligatoire ou, pour nous aujourd’hui la lecture pour tous,
n’est que l’aboutissement d’un processus complexe : il s’agit du passage de la lecture
orale, collective et publique à la lecture personnelle. Mais pour que la relation du
lecteur à ce qu’il lit soit profonde, il faut d’abord que la lecture soit associée à
1
Un parchemin est une peau d'animal, généralement de mouton, parfois de chèvre ou de veau, qui est
apprêtée spécialement pour servir de support à l'écriture.
2
Les numéros de siècle sont écrits en chiffres romains, comme dans toute anthologie de littérature.
l’écriture car « écrire, c’est pouvoir communiquer en secret, d’individu à individu. Lire
seulement, n’est qu’une activité passive » : c’est le passage à la consommation
personnelle d’un texte. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que lire et écrire sont
enseignés simultanément et deviennent alors des instruments personnels de
communication. Selon G. Vigner :
3
G. Vigner, Lire : du texte au sens, Clé International, 1979, p23. Cité par : Christiane Achour et Simone Rezzoug,
Convergences critiques I, Introduction à la lecture du littéraire, Office des publications universitaires, Alger,
2005, p13.
un espace intérieur privé qui se constitue. Mais il est encore des
civilisations qui ignorent la notion d’individu. Il est des milieux
sociaux qui, par le conditionnement des mass media, sont formés par
une collection d’individus mal différenciés. Il ne suffira pas alors de
confronter l’enfant au texte pour que soudain le miracle d’une
lecture intérieure s’opère. Ce ne peut être que le terme d’un long
parcours d’apprentissage, le résultat d’une sensibilisation
progressive. À ignorer ces données, on en viendra, comme c’est
fréquent hélas, à porter des jugements sans appel : untel sait lire, tel
autre ne sait pas, comme si chacun était maître de son propre
comportement à l’égard des textes, comme s’il s’agissait là d’une
aptitude accordée au départ à tous. L’Histoire nous l’apprend : il n’y
a rien de naturel dans l’acte de lire »4
La lecture est donc un choix personnel. Cette question du choix est au cœur du
nouveau statut de la lecture. Nous avons montré ci-dessus que ce qui constitue un
choix aujourd’hui devait se conquérir au fil des siècles. En fait, les lecteurs peuvent
appréhender les textes à leur manière et trouver éventuellement une raison de lire . Ceci
étant, il s’avère inévitable de poser une question qui semble être la suite logique de
tout ce que nous venons de développer plus haut : Pourquoi lit-on ? 5
2- Pourquoi lit-on ?
- Lire pour se détendre :
C’est la raison qui paraît la plus probable, les livres étant considérés comme un
divertissement. Lire est donc bon pour le moral !
4
G. Vigner, OP. cit., p25. Cité par : Christiane Achour et Simone Rezzoug, Op. cit., p14.
5
https://www.lecthot.com/pourquoi-lit-on , 26 juin 2016.
comme un muscle : si elle n’est pas en mouvement (…) elle s’étiole.
»
6
Synapse : nom féminin. Région de contact entre deux neurones ou entre un neurone et une autre cellule.
maladies dégénératives de la mémoire, comme l’Alzheimer. Plus on fait fonctionner
notre mémoire, plus celle-ci est performante.
3- Le texte
Selon le dictionnaire Hachette7, le mot texte signifie :
Il est communément connu qu’un texte, un écrit, n’est pas une masse graphique
compacte, mais plutôt un tout cohérent, lisible et compréhensible, que l’on peut
découper, fragmenter en petites unités de sens qui contribuent toutes à une meilleure
compréhension : un roman, un ouvrage scientifique (mémoire), un journal, etc. sont
organisés en « parties », subdivisés en « chapitres » qui, eux-mêmes sont fragmentés
en paragraphes qui se constituent de phrases. Et c’est ainsi pour tous les autres textes :
le texte administratif (demande, CV, …), le mode d’emploi, la recette de cuisine, la
notice de montage, etc., qui ont chacun leur spécificité transcriptrice, et dont
l’important n’est pas le texte lui-même, mais ce qu’il contient comme information.
Le texte littéraire n’obéit pas aux mêmes règles de classification que les types
précédemment cités. La notion « littéraire » implique bien plus de signification que
tout autre texte. Dans ce type, l’auteur et le lecteur sont complices : il est nécessaire
pour le lecteur de prendre sa part de la production elle-même, d’être soi-même à un
certain degré productif dans sa lecture. D’habitude, l’objectif du lecteur face à un texte
est d’en comprendre le contenu le plus rapidement possible ; face à un texte littéraire,
ce n’est pas le cas : il ne suffit jamais de vouloir simplement consommer
confortablement et à peu de frais le résultat d’une production artistique. Autrement dit,
l’auteur crée son propre style d’écriture, que chaque lecteur peut appréhender à sa
manière et contribuer éventuellement à l’expliquer, à l’interpréter.
9
G. Genette, Seuils, Coll. « Poétique », Éditions du Seuil, 1987, p. 4
10
Adjectif DIDACTIQUE OU LITTÉRAIRE : Caractère de ce qui dure longtemps, qui est perpétuel.
d’écrit proposé, sur ses thèmes possibles, sur l’intrigue, où se crée un horizon de
lecture, une attente. Un travail sur ce qu’on appelle « le paratexte » semble donc
nécessaire, sur quoi va porter le chapitre suivant.