Les-Freres-Reed-Tome-14
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Épilogue
26. Autres livres de Tammy Falkner
Copyright © 2017 par Tammy Falkner
Pendant qu’on attendait
Édition imprimée
Night Shift Publishing
Couverture par Tammy Falkner
Traduit de l’anglais américain par Mickaël Stemmer
Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission de ce livre, en tout ou partie et par
quelque procédé que ce soit, qu’il soit mécanique ou électronique, y compris la photocopie,
l’enregistrement et l’utilisation d’un service de stockage et de récupération des informations est
interdite sans l’accord écrit de son auteur, sauf cas contraire prévu par la loi.
Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et incidents décrits sont le produit de
l’imagination de l’auteur ou sont utilisés à des fins de fiction. Toute ressemblance avec des
personnes ou des événements existants ou ayant existé est une coïncidence.
Réalisé avec Vellum
TAG
Je n’ai pas revu Star depuis que je suis arrivé ici. Elle a refusé de rentrer à
l’appartement, et elle a été absente les trois jours où j’ai été ici. Mais Wren
était là. Il a suffi d’évoquer quelques souvenirs. Bingo. Je l’ai eue.
— Tu te souviens de la maison jaune sur Chestnut Street ? lui demandé-
je.
Wren bat des cils.
— Oui, je m’en souviens.
C’était la maison dans laquelle nous vivions lorsque papa et maman sont
morts.
— Papa t’avait appris à pédaler sur ton vieux vélo rose, sur le trottoir
devant le porche.
— Je m’en souviens.
Sa voix est étouffée et tendue.
— C’était avant…
— Avant qu’ils meurent, terminé-je doucement.
Je me force à rire.
— Tu t’es égratigné le genou quand tu es tombée du vélo et tu voulais
abandonner, mais papa ne t’a pas laissée faire.
Elle glousse. C’est un son larmoyant.
— Il m’a obligé à remonter dessus et à y rester jusqu’à ce que j’arrive à
faire le tour du quartier.
— Et après ils n’arrivaient plus à te faire rentrer pour souper, lui rappelé-
je.
Son regard dévasté me coupe le souffle. Mais je continue.
— Tu voulais rester dehors toute la nuit.
— Les lampadaires se sont allumés et je voulais continuer à faire du vélo.
— Papa s’est assis sur le porche et il a compté les tours que tu faisais
autour du quartier.
Une larme tombe finalement de ses cils et mon estomac se noue.
— Ils me manquent, murmure-t-elle.
— Tu as une bonne famille, lui rappelé-je.
Contrairement à moi.
— Ce n’était pas le cas au début, lâche-t-elle.
Puis elle a l’air de vouloir ravaler ses paroles.
Je lâche la fourchette que je tiens et elle tombe sur la table.
— Comment ça ?
— Notre première famille d’accueil…
Elle secoue la tête.
— Laisse tomber.
— Raconte-moi, demandé-je.
— Tu ne veux pas savoir.
— Si.
Ça ne peut pas être aussi terrible que l’enfer que j’ai traversé.
— Raconte-moi.
— Lui, c’était un pédophile, et elle, elle ne savait pas ce qui se passait.
Elle ferme les yeux.
— Star en a fait les frais.
J’ai soudain envie de vomir.
— Quoi ?
Elle hoche la tête. Un mouvement rapide.
— Les services sociaux nous ont retirées de là et nous sommes allées en
foyer collectif. C’était mieux.
Elle me sourit.
— Puis nous avons rencontré Marta et Emilio et ils nous ont toutes
adoptées.
— Je ne savais pas, réussis-je à répondre.
J’arrive à peine à respirer, encore moins à parler. Pas étonnant qu’elle me
déteste.
— Star t’écrivait tout le temps. Elle pensait toujours que tu allais voler à
notre secours.
Elle rit, mais sans joie. Sans aucune joie.
— C’est pour ça qu’elle n’est pas ici. C’est toujours un peu douloureux
pour elle.
— Si j’avais su…
Mais elle agite une main en l’air pour m’arrêter.
— Tu étais un enfant.
— J’étais content que vous ne soyez pas venues avec moi, lâché-je. J’ai
envie de retirer ces mots dès qu’ils sortent de ma bouche. Mais ils restent en
suspens entre nous.
Elle cligne ses grands yeux bruns en me regardant.
— Pourquoi ?
— C’était pas bien.
Je tousse dans mon poing.
— Il n’était pas bien.
— Il faisait partie de la famille, se dépêche-t-elle de me rappeler.
— Ce n’est pas pour rien que papa ne lui parlait pas. Réfléchis. Tu te
souviens d’une seule fois où papa a dit quelque chose de gentil à son propos ?
Elle secoue la tête.
— Pas vraiment. Mais il y a beaucoup de choses dont je ne me souviens
pas.
— Il n’était ni aimable, ni bon, ni sympathique. Et il ne fait pas partie de
ma famille. Ni de la vôtre, en fait.
Je me lève et commence à débarrasser la table.
— Rien que le fait de penser à lui me rend malade.
— Que s’est-il passé ? demande-t-elle dans mon dos.
— Je n’ai pas envie d’en parler.
— Pourquoi ?
Je prends une profonde inspiration.
— Il était payé par l’État pour me garder.
Je n’en dis pas plus, espérant qu’elle arrivera à ses propres conclusions
horribles.
— J’étais leur esclave. Je m’occupais de leurs enfants les plus jeunes et je
nettoyais la maison.
Et je me faisais battre à la place des plus petits.
— Au moins tu n’étais pas enfant unique, se dépêche-t-elle de répondre.
Elle cherche une fin heureuse, mais je peux lui assurer qu’il n’y en a pas.
Pas dans la maison de mon oncle.
Elle semble si optimiste que je déteste presque briser ses illusions.
— Je m’occupais de tout le monde. Je faisais la cuisine et le ménage, je
changeais les couches et amenais les enfants au bus. Je restais avec eux
quand ils avaient de la fièvre et les calmais quand ils faisaient des
cauchemars.
Je frissonne en y repensant.
— Et ensuite ils m’envoyaient dans ma chambre, quand j’avais fini mes
corvées, et ils restaient en famille tandis que moi, je n’en avais pas.
— Nous ne savions pas…
— Personne ne le savait.
Je hausse les épaules et lâche un rire forcé. Revivre ces jours dans ma tête
suffit à me donner la chair de poule.
— Quand j’avais dix-neuf ans, j’ai rencontré un mec qui travaillait dans
une église. Il avait une fille, et elle a tout amélioré. Elle m’a aidé. Nous
avions le même âge. Elle s’appelait Julia.
Mon cœur s’emballe rien qu’en pensant à Julia. C’est pour elle que je
dois rentrer. C’est pour elle que je suis ici.
— C’est bien, répond Wren.
Je repousse mes souvenirs dans un coin de ma tête.
— Tu te souviens quand Star et toi avez décidé de construire une cabane
dans les arbres ? demandé-je.
Je la force à se remémorer, et je le fais avec elle. Et je suis heureux
pendant un court instant, m’abandonnant au souvenir de la douceur de ma
famille.
Soudain, je réalise que j’ai trop bu. J’ai les émotions à fleur de peau. Elles
ne sont pas cachées au plus profond de mon âme, là où je les garde
d’habitude. Elles flottent juste sous ma raison, et elles tentent de passer outre.
— Je dois aller au lit, dit Wren.
Elle me tend sa bière. Elle l’a ouverte mais n’a rien bu.
J’ai déjà bu environ six bières. Je ne suis pas ivre, mais je suis en train de
perdre mes inhibitions et je suis assez sobre pour m’en rendre compte. Je
repousse la bière vers elle.
— Je ne peux pas, dit-elle en riant. Impossible.
Elle me dévisage et je m’inquiète immédiatement. Est-ce que j’ai dit
quelque chose que je n’aurais pas dû ? Est-ce que j’ai menti ? Est-ce qu’elle
le sait ?
— J’ai envie de te donner quelque chose, dit-elle.
Elle fouille dans son sac à main et en sort un livret de banque bleu en
simili-cuir. Elle le fait glisser vers moi.
— J’ai ouvert ça pour toi aujourd’hui.
— Qu’est-ce que c’est ? demandé-je. Mais tout au fond de moi, mon cœur
s’emballe.
Elle grimace.
— Il se pourrait que j’aie fouiné dans ton portefeuille pour trouver tes
informations pour le compte.
— Oh.
Je me demande immédiatement ce qu’elle a trouvé d’autre.
— Je ne fouinais pas vraiment. J’essayais juste de trouver un moyen de
mettre ça en place pour toi.
— OK.
Mon cœur bat la chamade. Elle vient de réaliser tous mes rêves et elle ne
le sait même pas. Elle pense qu’elle vient simplement de faire une bonne
action.
— J’ai envie que tu restes. Je veux que tu restes assez longtemps pour que
Star finisse par te parler, une fois qu’elle aura surmonté la douleur. Mais je
comprends si tu ne peux pas.
Sa voix est douce mais ferme.
— Quoi qu’il advienne, je veux qu’on s’occupe de toi. Je veux que tu
saches que tu es aimé.
Je me sens mal soudain. Ça n’était pas censé se passer ainsi. Je devais les
forcer à m’aimer. Elles n’étaient pas censées simplement m’aimer. Je
repousse le livret de banque vers elle.
— Non, je ne peux pas accepter, réponds-je.
— Ce n’est pas grand-chose. Juste une tirelire.
Elle s’approche de moi et pose sa main sur ma tête. Elle frotte son poing
sur ma tête et m’embrasse sur le front comme le faisait notre mère. C’était un
peu comme se faire agresser affectueusement quand maman le faisait, et on
adorait tous ça. Alors, qu’elle le fasse maintenant me fait monter les larmes
aux yeux.
— Je suis contente que tu sois là, murmure-t-elle.
Puis elle part dans sa chambre et ferme doucement la porte derrière elle.
Je laisse tomber ma tête sur la table et ravale un sanglot. Je ne peux pas
pleurer. Je ne peux pas. Je n’ai pas laissé couler une larme depuis que je suis
allé vivre avec lui, du moins pas lorsque quelqu’un pouvait me voir. J’ouvre
le livret de banque et vois un tas de chèques vierges avec mon nom dessus. Et
il y a un total écrit en haut du registre.
Elle m’a mis cinquante mille dollars sur un compte.
Pour moi. Putain de merde. Cinquante mille dollars…
Je pose ma tête sur la table et fais rouler mon front sur la surface fraîche.
Si j’étais un homme meilleur, je ne le prendrais pas. Mais ce n’est pas le cas.
Je suis désespéré.
Une clé cliquette de l’autre côté de la porte et je lève la tête, m’essuie les
yeux et essaie de faire comme si mes émotions ne m’avaient pas pulvérisé
aussi fort que la foudre lors d’un orage d’été. Probablement en vain, mais
j’essaie.
La porte s’ouvre et Fin entre. Elle porte un jean noir moulant et une veste
en cuir noire. Elle est cool. Et elle est belle. Et je suis un peu ivre.
Elle trébuche sur le paillasson et se retient au mur. Elle glousse. Oh,
merde. Elle est pompette aussi.
— Salut, dit-elle en jetant avec fracas ses clés sur le plan de travail.
— Salut, marmonné-je à mon tour.
Je roule le livret de banque dans ma main, me demandant si je peux le
prendre.
— Où est tout le monde ?
Je montre la chambre de Wren d’un signe de tête.
— Wren vient d’aller se coucher. Lark n’est pas encore rentrée. Et Star
est encore chez Josh.
Elle hoche la tête et retire sa veste en cuir d’un mouvement d’épaules.
Elle porte un caraco fin sans soutien-gorge. On voit ses tétons à travers le
tissu délicat et je dois me forcer pour ne pas regarder. Elle se penche et
regarde dans le frigo.
— Où sont passées toutes les bières ?
Je prends ma canette et vide les dernières gouttes.
— On les a bues, murmuré-je.
Elle prend une bouteille d’eau et s’assied en face de moi.
— Mauvaise nuit ?
Je secoue la tête.
— Bonne nuit. Et toi ?
Je lève un sourcil vers elle.
Elle hausse les épaules
— Aussi bonne qu’une autre. Je suis un peu pompette.
Elle lève son pouce et son index et les écarte d’environ trois centimètres.
Je ris.
— Oh, bon sang. Moi aussi.
Elle part dans sa chambre et revient avec une guitare. Je la regarde aller
vers le canapé et s’y affaler. Elle pose la guitare acoustique sur ses genoux et
commence à gratter les cordes. Une mélodie s’élève dans les airs et
commence à danser devant moi.
— C’est sublime, déclaré-je. Je suis presque aussi charmé par la mélodie
que par la fille. Je me lève et me dirige vers le salon.
— Je peux m’asseoir ?
Elle hausse les épaules. Je m’installe de l’autre côté du canapé et la
regarde. Elle gratte et fredonne, joue encore un peu et s’arrête pour écrire
quelque chose.
— Tu écris une chanson ? demandé-je.
— Quelque chose comme ça, murmure-t-elle.
— C’est super. Est-ce qu’elle a des paroles ?
— Oui, répond-elle en mâchouillant le bout de son stylo.
Une mèche de cheveux noirs tombe devant son visage et elle la souffle
sur le côté. Je tends la main et la repousse lorsqu’elle retombe. Elle sursaute,
tirée de sa transe musicale, et me dévisage.
— Tu veux entendre les paroles ? demande-t-elle d’une petite voix,
presque craintive.
— Oui.
Il n’y a rien au monde que j’aimerais plus.
Elle commence à chanter. C’est hésitant et retenu, et si beau que j’en ai le
souffle coupé. Elle parle de cœur brisé, de honte, de désir, d’amour et de
blessure, et en dessous de tout cela… Il y a la beauté. Juste… la beauté
absolue.
Lorsqu’elle s’arrête de jouer, je réalise que je n’ai même pas respiré, alors
j’inspire pour remplir mes poumons douloureux.
— C’était merveilleux, soupiré-je.
— À quel point es-tu ivre ?
Je hoche la tête.
— Pas beaucoup.
— Tu devrais en boire une autre.
Elle hoche la tête en direction de la cuisine.
— Pourquoi ?
Elle me dévisage.
— Parce que j’ai envie de découvrir ce qui t’intéresse.
Je ne suis même pas sûr d’être intéressé par quelque chose. J’existe, c’est
tout. Depuis que j’ai reçu l’appel de Julia disant qu’elle ne voulait pas de
notre bébé, qu’elle voulait divorcer, j’ai l’impression que quelqu’un a appuyé
sur le bouton pause de ma vie.
— Qu’est ce qui t’intéresse toi, Finny ? demandé-je.
Elle souffle. Mais c’est un son adorable et je me surprends à sourire. Et ce
n’est pas uniquement parce que j’ai trop bu.
— Le sexe, répond-elle. Le sexe m’intéresse.
Je m’étouffe avec ma propre salive.
— Je te demande pardon ?
Elle rit.
— J’aime m’envoyer en l’air, Tag. Baiser le plus possible.
— OK… réponds-je lentement.
— Tu vas me faire le coup de l’évangile et me dire que les filles bien ne
baisent pas avec des inconnus, c’est ça ?
Elle secoue la tête et pointe son doigt vers moi.
— Mais j’ai un truc à te dire. Je peux faire ce que je veux de mon corps.
Je peux baiser qui je veux.
Je grimace en entendant les mots qu’elle emploie.
— Oh, tu viens de me lancer le regard, dit-elle
— Quel regard ?
— Le regard qui dit je-te-juge.
— Non.
— Oh que si. Tu penses que c’est mal pour une femme d’aimer le sexe.
Je secoue la tête.
— Je n’ai pas dit ça.
— Si, tu l’as dit. Ton langage corporel l’a dit.
Elle recommence à jouer de la guitare.
— Vraiment, je m’en fiche avec qui tu couches.
Je joue avec un fil qui pend de mon jean. Je n’aime pas cette
conversation.
— Je crois que je vais aller me coucher.
Je pose les mains sur mes genoux et commence à me lever.
— Tu veux de la compagnie ? demande-t-elle.
Je me fige.
— Quoi ?
— J’ai deux règles, déclare-t-elle.
Elle commence à compter sur ses doigts.
— Un, je ne couche pas plus d’une fois avec la même personne. Et deux,
tu dois dégager de mon lit une fois qu’on a terminé.
Je fronce les sourcils.
— Où est le fun là-dedans ?
— Voyons, ta bite… ma chatte… plein de coups de reins. C’est fun.
Voilà où est le fun là-dedans.
Je secoue la tête. Je n’ai été qu’avec une seule femme dans ma vie, et elle
m’a largué il y a des mois. Mais être avec elle a créé un lien. Et le lien ne se
trouvait pas nécessairement dans les coups de reins entre ma bite et sa chatte,
comme Finny l’a exprimé avec un tel manque de romantisme. C’était dans les
moments silencieux après le sexe. C’était quand elle posait sa tête sur mon
torse et caressait mes poils clairsemés. C’était lorsque nous nous réveillions
l’un dans l’autre, en sueur. Dans les battements de son cœur lorsqu’elle était
au-dessus de moi. Dans la façon dont elle m’enveloppait, recouvrant mon
cœur avec la même chaleur dont elle enveloppait ma queue quand j’étais en
elle.
— Tu penses au sexe, n’est-ce pas ? demande Finny.
— Pas vraiment, avoué-je. Je pensais à l’intimité.
Elle souffle à nouveau.
— Le sexe est tellement mieux que l’intimité.
Je hoche la tête.
— Je ne te crois pas.
— Je vais te le prouver.
Elle pose la guitare sur le côté et se met à genoux. Elle se mord la lèvre
inférieure en se déplaçant à quatre pattes sur les quelques centimètres de
canapé qui nous séparent.
Je m’affaisse dans les coussins lorsqu’elle grimpe sur mes genoux.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Si tu es obligé de le demander, c’est que je le fais mal, dit-elle.
Elle sourit, et cela me donne envie de sourire avec elle.
J’attrape ses épaules et la repousse.
— Et mes sœurs ?
— Quoi tes sœurs ?
Elle mord ma lèvre inférieure. Puis elle la suce pour soulager la douleur,
et ça me fait de l’effet immédiatement.
— Je n’ai pas l’habitude de leur demander la permission quand j’ai envie
de coucher avec quelqu’un.
Je mets un doigt sur mon torse.
— Tu veux coucher avec moi ?
Elle rit et se frotte contre moi.
— Avec toi, oui, je crois que c’est évident.
— Pourquoi ? demandé-je.
Je retiens son visage pour l’empêcher de m’embrasser, et je la regarde
dans les yeux.
Elle me chevauche et appuie sa poitrine contre moi.
— Parce que tu es là, répond-elle.
— Oh, dis-je.
C’est son seul critère ?
Elle recule.
— J’ai cru ressentir une attirance de ta part… dit-elle, dubitative, en
scrutant mon visage. Est-ce que je me trompais ?
— Oh non !
Elle a raison. Elle me fascine. Et elle est belle. Si belle. Mais ça ne peut
pas arriver. C’est impossible.
Elle sourit.
— Alors tu as envie de me baiser.
Merde. La chaleur de ses mots arrive directement à ma queue.
Je l’embrasse. Je n’arrive pas à me retenir. Sa chatte est chaude et elle est
juste de l’autre côté de ma braguette, et elle sent tellement bon. J’ai un peu la
tête qui tourne, mais ma bite n’a aucun souci. Elle est prête.
Je jette la tête en arrière lorsqu’une pensée me traverse l’esprit.
— Est-ce que c’est bizarre que tu sois la sœur de mes sœurs ?
— Mec, on est tellement pas parents, dit-elle. Mais si tu trouves ça
bizarre…
Elle se rassied, et je ressens immédiatement un manque. Elle retourne de
son côté du canapé.
— Ne pars pas, protesté-je.
Elle sourit et passe ses pouces sous les bretelles de son caraco, puis elle le
descend d’un seul coup sous ses seins. Elle regarde en direction de la
chambre de Wren et se mord la lèvre inférieure. Mais je n’arrive pas à
regarder son visage. Tout ce que je vois, ce sont des seins. De superbes seins
parfaitement ronds avec des tétons durs et splendides. Je me lèche les lèvres.
J’ai envie de les goûter.
— Je vais me coucher, dit-elle.
Elle me regarde par-dessus son épaule en s’éloignant. Elle va dans sa
chambre et laisse la porte ouverte.
Je me passe une main dans les cheveux. Bordel de merde. Je remets mon
matériel en place parce que je bande tellement que j’ai du mal à le supporter.
Elle revient vers sa porte et s’appuie contre l’encadrement. Elle est nue.
Complètement nue comme un ver.
— Tu viens ? demande-t-elle doucement.
Je hoche la tête. Je me lève et me dirige vers elle. J’ai l’impression d’être
du métal et qu’elle est un aimant qui m’attire vers elle sans même essayer.
J’entre dans la chambre, ferme la porte derrière moi, et elle s’assied sur le
bord du lit. Elle passe ses doigts dans les passants de mon jean et me tire vers
elle.
— Attends, dis-je.
Elle pose son front sur mon estomac et je peux sentir sa respiration
chaude contre ma queue à travers le tissu. Bon sang, ce qu’elle m’excite !
Il faut dire que je n’ai jamais eu de plan cul.
— Alors, tu ne fais pas de câlins ? demandé-je.
Je ne devrais même pas être ici, mais elle est là et n’arrête pas
d’embrasser les boutons de mon jean.
— Non. Pas de câlins.
— Et si j’ai envie de câlins ?
— Et si j’ai juste envie de te baiser ?
Elle lève la tête et me regarde.
— Pas besoin que ce soit plus que ça. Juste un coup.
— Tes fameuses règles, marmonné-je.
— Oui. Tu en es ou pas ?
— Je n’ai jamais…
Je me passe une main sur le visage.
— Tu n’as jamais… ?
Elle attend ma réponse en déboutonnant mon jean.
— Je n’ai jamais… couché avec quelqu’un que je n’aime pas.
Voilà. Je l’ai dit. J’ai été avec une femme. C’est tout. Et maintenant elle
est avec quelqu’un d’autre.
— Il y a un certain plaisir à s’envoyer en l’air sans être enchaîné, déclare-
t-elle doucement.
Elle soulève le bas de mon T-shirt et pose ses lèvres là où ma peau est
douce. Ma bite tressaute. Je penche la tête en arrière et grogne.
— Finny, gémis-je.
— Tu peux dire non, dit-elle rapidement. Mais ses mains attrapent mes
fesses et elle me tire vers elle. Ses lèvres dansent sur ma peau.
— Tu me fais tellement bander.
Elle tâte ma queue du bout des doigts, en suivant ma nervure.
— Ouais, répond-elle en gloussant. Tu te souviens ? C’est simple avec
moi. Pas de performances répétées. Je ne te demanderai pas de fleurs. Ni de
promesses. Je ne te demanderai même pas de me câliner après.
— Et si moi j’en ai envie ?
C’est difficile de réfléchir quand elle est si près de moi.
— Envie de quoi ? murmure-t-elle tout contre moi. Elle recommence ses
petits baisers du bout de la langue, et elle lèche mon ventre. Ma queue bondit.
— Et si j’ai envie de câlins ? demandé-je.
Elle se fige. Ses yeux rencontrent les miens.
— Pourquoi ?
Parce que j’ai sérieusement besoin d’un câlin. J’ai besoin que quelqu’un
fasse comme s’il m’aimait, même si ce n’est que pour une minute.
— Je ne sais pas pourquoi, éludé-je.
Mais j’ai envie de ça plus que je n’ai envie qu’elle prenne ma queue dans
sa bouche. J’en ai envie plus que d’être en elle. Mon existence est solitaire. Et
si elle me propose de l’oublier pendant une minute ou deux, j’accepterai.
Mais ça ne peut pas être juste ma queue qui pilonne son vagin. Ça doit être
quelque chose que je peux ressentir.
— Je ne sais pas pourquoi… mais j’en ai besoin.
Elle hoche la tête.
— Je te donne vingt minutes.
— Quoi ?
— Quand tu m’auras baisée, je te laisserai rester vingt minutes. C’est à
prendre ou à laisser.
Elle descend lentement ma braguette.
— Je prends, murmuré-je avec détermination.
Elle descend mon jean et mon boxer d’un seul mouvement, puis elle
déchire l’étui d’un préservatif avec ses dents et le déroule sur mon manche. Je
serre les dents et essaie de ne pas jouir dans ses mains. Il y a très longtemps
que je n’ai pas fait ça. Et je n’ai jamais fait ça. Pas comme ça. Pas avec
quelqu’un que je n’aime pas.
— Tu es sûre ? demandé-je.
Elle est peut-être pompette.
— Tu es encore ivre ?
Elle secoue la tête.
— Non.
Elle marche en crabe sur le lit, nue, et tend les bras vers moi.
— Arrête de faire ta fillette, dit-elle.
Elle montre ma queue.
— Ça, dit-elle avant de désigner sa chatte, qui est rose, belle, parfaite et
juste devant moi. Ça va ici.
Je hoche la tête et tombe sur elle. Je suis soudain tout à fait sobre. Et
envoûté. Elle enroule ses cuisses autour de moi et prend le contrôle en me
tirant vers elle.
— Attends, dis-je. Ralentis juste un peu.
Elle grogne et laisse tomber ses bras à plat sur le lit.
— Tu n’es pas l’un d’entre eux, n’est-ce pas ?
— De qui tu parles ? demandé-je en dégageant les cheveux de son visage.
— De quelqu’un qui veut changer mon monde. Quelqu’un qui veut
m’apprendre à quel point faire l’amour peut être génial. L’une de ces
personnes stupides.
— Non, je ne suis pas l’un d’entre eux, réponds-je.
Je la regarde dans les yeux et me presse contre sa chaleur tout en glissant
dans son humidité. Je cogne doucement en elle. J’ai peur de lui faire mal.
Peur de mal le faire. Peur de ne pas lui donner de plaisir.
Sa respiration devient saccadée et elle empoigne mes cheveux.
— Plus fort, dit-elle.
Elle me tire les cheveux, me reprochant sans un mot d’être trop lent.
J’attrape ses poignets, pousse ses mains sur le lit et les maintiens fermement.
Je ne veux pas qu’elle prenne le contrôle.
— Arrête, ordonné-je.
Je m’immobilise en elle. Elle tire mes fesses avec ses pieds, mais je
refuse de bouger.
— Arrête, répété-je.
Je penche la tête et lui mords l’épaule et elle me regarde fixement.
Elle se fige, et je vois quelque chose bouger dans ses yeux. Quelque
chose de vulnérable, un manque.
— Je ne vais pas te laisser m’utiliser comme tu utilises les autres, dis-je
avant de bouger les hanches pour m’enfoncer profondément en elle.
Elle tente de se défaire de l’emprise de mes mains, et je serre plus fort.
Elle rit.
— Alors tu veux me faire l’amour ?
Elle roule les yeux.
Je hoche la tête puis prends son téton dans ma bouche. Il est chaud, dur,
et sucré contre ma langue. Elle bascule les hanches pour essayer de me faire
bouger.
— Non, je veux te baiser.
Je m’enfonce aussi loin que je peux en elle, et elle lâche un petit cri qui
me chatouille les oreilles.
— Je veux te baiser, répété-je.
Je sors et me glisse à nouveau à l’intérieur, aussi profondément que
possible.
Si je dis je veux te baiser cent fois de plus, peut-être que j’arriverai à
m’en convaincre.
Elle agite les doigts.
— Laisse-moi te toucher, supplie-t-elle.
Je hoche la tête.
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce que tu veux prendre le contrôle, et que je n’ai pas envie de te le
donner.
Je fais des va-et-vient avec mes hanches. Elle se cambre pour me
rencontrer et se donner entièrement à moi.
— Tu veux dominer, dit-elle en riant, ce qui manque m’expulser de son
intimité. Je m’enfonce profondément et arrête de bouger.
— Non.
Je hoche la tête.
— Je ne veux simplement pas que tu m’utilises comme tu le fais avec les
autres. C’est tout.
— Tu veux être spécial.
Sa voix baisse jusqu’à n’être plus qu’un ronronnement.
— Tu es spécial, chéri, comme tous les autres.
Je me retire et la retourne, puis lui claque les fesses et plonge en elle par-
derrière.
— Est-ce que tu viens de me frapper ?
Elle s’arrête de bouger. Mais ses mains empoignent les draps, alors je sais
qu’elle n’est pas énervée. Elle est excitée. Encore.
Elle cambre le dos et pousse contre moi, me prenant tout entier, et je dois
serrer les dents et travailler dur pour ne pas jouir.
Je glisse ma main sous sa hanche et trouve sa chatte. Dans tous les pornos
que j’ai vus, le mec va directement au clito. Alors je le fais. Elle est si humide
qu’elle en est glissante, et je caresse son bouton. Elle pose sa joue sur le lit et
regarde sur le côté. Je sais que j’ai trouvé le bon endroit lorsqu’elle ferme les
yeux et cambre le dos. Elle pousse ses fesses contre moi pour venir à ma
rencontre. Elle est si serrée comme ça que j’ai du mal à ne pas tirer ma
cartouche en elle. Je m’arrête et la retourne à nouveau.
— Tu vas me donner une entorse cervicale à force de me retourner
comme ça, dit-elle en riant.
— Non. Juste un orgasme, réponds-je.
J’espère. J’écarte ses cuisses et la regarde.
Elle rit.
— Oh, tu vas me faire jouir comme une folle, c’est ça ?
Je lève la tête et soupire.
— Est-ce que tu te moques de tous les mecs avec qui tu fais ça ?
Son sourire s’efface.
— Pas étonnant que personne ne revienne une seconde fois, déclaré-je. Je
me retire, referme ses cuisses et la roule sur le côté.
Elle s’assied et sa mâchoire se décroche.
— Pour qui tu…
Je pointe mon torse.
— Je suis le mec que tu es en train de baiser, dis-je.
— Eh bien, plus maintenant, lâche-t-elle.
— Aucun homme censé ne pourrait supporter cette grande gueule, lui dis-
je.
— Ma grande gueule est tout simplement incroyable, rétorque-t-elle. Tu
veux l’essayer ?
Mais elle cherche déjà son peignoir, donc j’ai le sentiment que c’est trop
tard.
— Je peux te dire quelque chose ?
Mon cœur bat la chamade.
— Éclaire-moi je t’en prie, répond-elle sur un ton carrément acerbe.
— Je voulais baiser avec cette fille qui a écrit une superbe chanson et qui
a sauté sur mes genoux. Elle était belle, sexy et intéressante.
Et elle a promis qu’elle me câlinerait après.
Elle hoche la tête.
— Et ensuite tu as découvert comment j’étais vraiment.
— Non. C’est tout.
Elle me fait signe de me taire et jette un coup d’œil vers la porte comme
si elle avait peur que quelqu’un nous entende, donc j’essaie de ne pas faire de
bruit.
— C’est tout, murmuré-je férocement. Je n’ai pas découvert comment tu
es vraiment. J’ai découvert comment tu veux être pour tous les autres.
Je secoue la tête.
— Laisse tomber.
Je récupère mon jean et le secoue.
— Attends, dit-elle lentement. Je ne comprends pas.
Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration.
— On dirait que tu joues un rôle. Tu essayes tant de m’empêcher de te
voir que je n’arrive pas à t’approcher du tout. C’est tout.
— Je ne suis pas…
— Pourquoi tu as voulu coucher avec moi ?
Sa voix est faible.
— Parce que tu étais là.
Je secoue la tête.
— Il n’y a rien de mal à ce qu’une femme aime simplement s’envoyer en
l’air.
— Je suis d’accord.
Elle vient vers moi et attrape mes hanches. Je soulève le bord de son
peignoir et regarde son cul.
— Tu as la marque de ma main sur ton cul, dis-je.
Je penche la tête et le mords, et elle arrête de respirer.
— Je n’arrive pas à croire que tu m’aies frappée.
— Moi non plus.
Je ris et mordille les courbes de ses fesses.
— Tu veux réessayer ? demandé-je contre sa peau.
Elle se retourne et grimpe sur mes genoux en me chevauchant. Elle me
branle avec sa main puis me positionne devant sa chaleur. Je retiens ma
respiration tandis qu’elle glisse sur ma queue et me prend en elle.
Elle passe les bras autour de mon cou et suce le lobe de mon oreille tout
en le mordillant délicatement. Je lèche le côté de sa gorge et lui mordille la
peau très doucement. Sa chatte tremblotte autour de moi.
— Tu aimes ça ? demandé-je.
Elle ne répond pas, mais émet une sorte de sifflement lorsque je penche la
tête pour mordiller son téton. Je regarde son corps, j’écoute ses
gémissements, et je comprends ce qu’elle aime juste en étant à l’écoute.
— J’aime ta bite, dit-elle.
Elle me regarde dans les yeux tandis qu’elle monte et redescend.
— J’aime ta chatte, réponds-je.
Je l’aime beaucoup. Trop, parce que mes boules essayent déjà de
remonter dans ma gorge.
— Alors tu devrais la regarder de plus près.
Elle arrête de bouger et hausse les sourcils en attendant ma réponse.
Je me retire et nous renverse. Ses cuisses s’ouvrent et elle se mord la
lèvre inférieure. Sa chatte luit à cause de l’humidité et je l’ouvre avec mes
pouces. Je me penche en avant et souffle sur son clito.
— Je suis assez près ? demandé-je.
Elle remue les hanches et passe ses doigts dans mes cheveux, me tirant
plus près d’elle. Je lèche son clitoris et regarde sa réaction. Elle ferme fort les
yeux, mais n’émet aucun son. Je saisis son clitoris entre mes lèvres et le suce
vigoureusement. Elle gémit. Je l’ai eue.
Je glisse deux doigts dans sa chaleur et je les recourbe pour chercher ce
point spongieux dont j’ai entendu parler dans un livre. Je réalise que je l’ai
trouvé quand je dois maintenir ses hanches sur le lit. Elle s’écrase contre ma
main et je dois m’accrocher à son clitoris pour ne pas lâcher. Soudain, elle
s’immobilise et un cri s’échappe de sa gorge en même temps que sa chatte
commence à trembler autour de mes doigts. Je lui donne du plaisir jusqu’au
bout, jusqu’à ce qu’elle me repousse.
Ses jambes sont aussi molles que des nouilles lorsque je les referme et la
fait rouler sur le ventre. Je couvre son corps avec le mien des épaules aux
pieds, et je prends ses mains dans les miennes. Elle me regarde, surprise, puis
elle se détend et me laisse entrer en elle. Elle crie lorsque j’enfonce d’un seul
coup ma longueur en elle.
— Je suis très sensible après avoir joui, murmure-t-elle.
— Je vais faire attention, murmuré-je à mon tour. J’embrasse
délicatement son épaule nue, et ça lui donne la chair de poule. Je la prends
lentement et délicatement, et elle est aussi douce que du coton sous moi. Elle
tourne la tête et m’embrasse. Ses yeux rencontrent les miens lorsqu’elle
recule et il y a dans son regard quelque chose que je ne comprends pas tout à
fait.
— Ça va ? demandé-je.
Elle cambre le dos et se presse contre moi, et je sais à cet instant qu’elle
va bien.
— Est-ce que tu peux me faire jouir comme ça ?
— Je peux ? demandé-je.
Je la mets à genoux et tire ses fesses vers l’arrière en m’accrochant
fermement à ses hanches pour la ramener vers moi. Je la prends fort, plus
fort, toujours plus fort.
— Mon Dieu, lâché-je. Tu es si bonne. Je ne peux pas me retenir.
— Pas encore, dit-elle.
Elle me regarde par-dessus son épaule, les lèvres entrouvertes.
— J’y suis presque, murmure-t-elle.
Je hoche la tête et m’enfonce en elle tout en passant mes doigts dans les
petits cheveux de sa nuque. Je tire et elle crie. Je me sers de ses cheveux pour
lui faire tourner la tête. Je veux voir son visage.
— Maintenant ! crie-t-elle soudain.
Je jouis dans le préservatif, tout au fond d’elle. Mes orteils se tordent sous
la puissance de mon orgasme tandis qu’elle frémit et pompe tout mon jus en
m’emmenant de plus en plus loin. Je m’arrête, et sa chatte me retient jusqu’au
bout, jusqu’à ce qu’elle se calme. Elle me laisse sortir et tombe sur le
matelas. Je m’écroule sur elle, pas encore prêt à la laisser partir.
Elle roule et je me laisse tomber à côté d’elle, puis elle me tire pour que je
pose ma tête entre ses seins. Ses mains glissent dans mes cheveux et elle tient
ma tête contre sa poitrine, ses doigts grattant délicatement mon cuir chevelu.
— Tu as vingt minutes pour faire des câlins, dit-elle.
— Les câlins c’est pour les cons.
Elle baille.
— Tu dois être sorti de ma chambre dans dix-neuf minutes trente.
— Ferme-là, dis-je en essayant de gagner du temps. J’ai besoin d’un peu
de réconfort post-coïtal.
Elle rit et ma tête bouge sur sa poitrine.
— Est-ce que ça ressemble à se faire des câlins ?
J’embrasse son ventre et pose mon visage sur sa peau douce. Elle me
caresse les cheveux, et ses doigts chatouillent mon cuir chevelu. Je lève la
tête et pose mon menton sur la peau tendre de son bas-ventre.
— C’est la meilleure partie, lui dis-je.
Elle soupire.
— Tu essayes de t’en persuader.
Le temps passe, et elle continue de me caresser les cheveux. Cela fait bien
plus de vingt minutes et elle ne m’a pas encore mis dehors. Puis ses mains
deviennent lourdes et fatiguées contre mes cheveux. Je ne bouge pas tout de
suite. Je profite de cette quiétude. Il n’y a rien de plus paisible que d’être avec
une femme qui vient d’avoir un orgasme ou deux. Je ne veux pas m’arracher
à ça. C’est la partie qui importe le plus.
Un petit ronflement s’échappe de sa bouche et je sais qu’elle s’est
endormie. Je m’assieds avec précaution.
J’ai des choses à faire. Je dois me préparer. Et je dois sortir d’ici avant
que tout le monde ne soit réveillé. Le lit bouge quand je me retourne, et elle
tend la main vers moi. Je presse mes lèvres sur le dos de sa main et la tient
jusqu’à ce qu’elle se calme. Puis je me lève et enfile mes vêtements.
Je la regarde allongée là, complètement nue. Elle est si belle. Elle est
petite et bien roulée, et ses longs cheveux noirs sont étalés sur son oreiller. Je
me remémore comment je lui ai tiré la tête en arrière, et ma queue tressaute.
Bordel. Je dois sortir d’ici maintenant ou je ne le ferai jamais.
Je la borde et regarde son doux visage. À un autre moment, dans un lieu
différent… je pourrais lui demander de sortir avec moi. Je pourrais
transformer ça en quelque chose de concret. Mais je ne peux pas. Pas
maintenant.
Je remonte ma braguette, sors de la chambre et tombe directement sur
Lark, qui passe la porte d’entrée.
Elle fronce les sourcils.
— Tu as dû te tromper de porte, dit-elle.
Elle désigne ma chambre.
— Ta chambre est par là.
— C’est bon à savoir, grommelé-je avant d’y aller.
Je prépare mes affaires aussi vite que possible, puis je passe la tête dans le
couloir. L’appartement est plongé dans les ténèbres, excepté une lumière dans
la cuisine. Je porte mon sac de sport jusque dans la cuisine et regarde sur la
table. Le livret de banque. C’est pour ça que je suis venu ici. Je dois le
prendre. Je ne peux pas faire ce que j’ai à faire sans lui. Je le récupère et le
glisse dans ma poche arrière. Elle voulait que je le prenne, donc ce n’est pas
une mauvaise action. N’est-ce pas ?
Je m’arrête devant la porte de Finny et hésite une minute.
— Tu devrais partir, me dit Lark depuis la porte de sa chambre.
Elle me fait sursauter et ma respiration s’accélère. Je hoche la tête.
— Je sais, réponds-je doucement.
— C’est mieux comme ça.
Je hoche la tête à nouveau.
— Oui.
La porte de Lark se referme et je prends une profonde inspiration.
Il est temps de partir. Je dois aller chercher ma femme et mon fils.
FINNY
J eencore
suis de l’autre côté de la porte et je l’écoute parler à Lark. Je suis
nue et je peux sentir sa sueur sur mon corps.
J’attrape mon peignoir et l’enfile. La soie glisse contre ma peau à laquelle
il vient juste de donner la chair de poule. J’ai fréquenté de nombreux
hommes, mais aucun n’a jamais envahi tous mes sens, pas comme lui vient
de le faire. Lorsqu’il a posé sa tête sur ma poitrine, je me suis surprise à
tendre la main vers lui, à le câliner autant qu’il voulait que je le câline.
Et ce n’est pas normal.
Je voulais qu’il soit simplement comme tous les autres, mais ça n’a pas
été le cas. Il était différent, et je n’aime pas ça.
— Tu devrais partir, entends-je Lark dire par l’entrebâillement de la
porte. Je tends la main vers la poignée, mais je n’arrive pas à me résoudre à la
tourner.
— Je sais, répond-il.
Sa voix est dure et rauque et j’ai envie d’aller le voir et de lui demander
où il va.
— C’est mieux comme ça, dit Lark.
— Oui, marmonne-t-il.
J’entends des pas et un bruit de bagages qu’on déplace tandis que la porte
d’entrée s’ouvre. Je pose mon oreille contre la porte de ma chambre jusqu’à
ce que j’entende celle de l’entrée se refermer. Puis j’ouvre ma porte.
— Oh, Finny.
Lark soupire.
— Qu’est-ce que tu as fait ?
Je serre le peignoir sur mon corps nu et avance dans le couloir.
— Il est parti ? murmuré-je.
Je ne veux pas que Wren m’entende.
— Oui.
Lark est appuyée contre le mur et penche la tête comme si elle était
fatiguée.
— Il est parti.
Mon cœur s’emballe.
— OK.
Je me force à hausser les épaules nonchalamment.
— Qu’est-ce que tu as fait ?
Je baisse les yeux et regarde le sol.
— Rien.
Je lève les yeux vers elle.
— Il est, genre, vraiment parti ?
Elle hoche la tête.
— Genre, il a pris ses affaires et il est parti.
— Oh.
J’ai le cœur serré et je ne sais pas pourquoi.
— OK.
— Tu as couché avec lui ?
Elle me dévisage.
— Eh bien, ouais…
Je dois probablement expliquer…
Elle commence à me faire des reproches.
— Ce n’est pas n’importe quel mec.
Non. Vraiment pas.
— Je sais.
Je le sais à mes dépens.
— Il est vraiment parti ?
Je regarde vers la porte d’entrée comme s’il allait revenir.
Elle hoche la tête.
— Oui. Il a pris le livret de banque de Wren.
— Oh, putain !
Je couvre ma bouche avec ma main.
— Est-ce qu’elle est au courant ?
Lark secoue la tête.
— Pas encore.
Elle me regarde fixement.
— Pourquoi lui, Finny ?
— Juste pour voir si je pouvais, j’imagine.
Ma voix est si faible.
— Il y avait quelque chose d’étrange chez lui.
— C’est leur frère.
— Je sais.
Je pose une main sur ma poitrine.
— Moi, je n’ai aucun lien avec lui, tu sais ?
Elle lève une main pour contrecarrer mon objection.
— Je sais.
— Tu vas leur dire que j’ai couché avec lui ?
Elle soupire et secoue la tête.
— En quoi ce serait bon pour qui que ce soit ?
Ça ne serait bon pour personne.
Mais je n’arrive toujours pas à croire qu’il est simplement parti, comme
ça.
TAG
D eux mois ont passé depuis qu’il s’est enfui comme un voleur dans la
nuit. Deux mois depuis qu’il m’a baisée. Deux fois. Et il a eu le culot de
se pointer avec un bébé. Je n’aime pas les bébés, pas même ceux qui sont liés
à deux de mes personnes préférées. Et encore moins un bébé qui lui
appartient à lui.
Star me le passe et je le tiens devant moi à bout de bras pour essayer de
l’éloigner le plus possible tout en soutenant sa tête. Il se tortille et ses petits
pieds gesticulent tandis qu’il grimace.
Star pose la tête sur mon épaule et le regarde comme si c’était la plus
belle chose qu’elle ait jamais vue. Elle a le même regard avec le bébé de
Peck. Star pose une main sur son ventre de femme enceinte et un peu de vomi
me remonte dans la bouche. J’essaie de le rendre à son père, mais il parle
avec Josh, le nouveau mari de Star, et ne remarque même pas que je lutte
avec son engeance démoniaque.
— Il va me vomir dessus, c’est ça ? demandé-je. Je regarde partout sauf
vers le bébé. Il gémit et son père le regarde enfin.
Benjamin « Tag » Taggert Junior a le même air renfrogné que sa
progéniture. Il me prend le bébé et le pose sur son torse.
— La méchante petite femme a refusé de te porter ? lui dit-il en parlant
comme un bébé. Ses yeux croisent les miens et je détourne le regard. Il niche
le bébé au creux de son bras et lui met un biberon dans la bouche. L’enfant se
tait immédiatement. Merci mon Dieu.
— Je n’ai pas refusé, marmonné-je.
Je me retourne et murmure à Star :
— Est-ce qu’il vient de dire que j’étais petite ?
Elle roule les yeux. Je dois le prendre avec humour. Sinon, je vais laisser
mes émotions prendre le dessus et je vais lui mettre une claque, un coup de
pied dans les roustons, ou quelque chose d’encore plus stupide.
Il rit.
— Il ne va pas te mordre. Il n’a même pas encore de dents.
— Elle n’aime pas les bébés, lâche Wren.
Elle rit et son frère roule les yeux.
— Comment peux-tu ne pas aimer les bébés ? demande-t-il. Ce sont des
cadeaux de Dieu.
Je ricane. Je n’arrive pas à m’en empêcher. Star me lance un regard noir
et je murmure :
— Désolée.
Je sais que son frère veut que tout le monde pense qu’il est religieux.
Qu’il croit en Dieu, aux prières, aux bénédictions, aux miracles et à toutes ces
conneries. Mais il m’a baisé comme un fou et il a fait des choses dingues à
ma chatte pendant un certain temps, alors je sais que c’est un imposteur.
Star s’est mariée aujourd’hui. Tag est arrivé de nulle part avec un bébé
dans un porte-bébé, et il a pu assister au mariage de Star. Star a donné son
accord. Je ne suis pas certaine que j’aurais été aussi généreuse, étant donné la
façon dont il est parti il y a deux mois avec les cinquante mille dollars de
Wren.
— Alors, où est-ce que vous allez dormir ? lui demande Star.
Il regarde autour de lui nerveusement.
— Je n’en sais rien pour l’instant.
— Eh bien, tu n’auras aucun mal à trouver un hôtel puisque que Wren
t’as donné tout cet argent, lancé-je.
Il tressaille.
— Bien sûr, marmonne-t-il.
Une alarme se déclenche dans ma tête.
— Mec, t’as dépensé cinquante mille dollars ?
Star soupire.
— Pas maintenant, Finny, dit-elle.
— Je vais tout vous expliquer, se dépêche-t-il de dire en direction de
Wren et Star. Je vous le promets.
Star lui sourit.
— Plus tard.
Il hoche la tête et semble soulagé.
— Bien sûr.
Ses yeux croisent à nouveau les miens et je détourne le regard pour
rompre le contact visuel.
Star prend la main de Josh et dit :
— Ton bébé veut une part de gâteau.
Elle bat des cils en le regardant. Elle est enceinte d’à peine six semaines,
mais elle exploite déjà le truc du bébé.
Josh rit.
— Je comprends l’allusion. Quelqu’un d’autre ?
Il regarde le groupe. Nous sommes tous assis à table à la réception de Star
et Josh, prenant pas mal de place, tandis que des gens s’affairent autour de
nous. Star et Josh ont été jetés dans la fontaine il y a quelques minutes, donc
ils ont dû partir se changer rapidement. Star est revenue un peu plus
débraillée que quand elle est partie, et Josh arborait un grand sourire.
Quelqu’un venait de s’envoyer en l’air, et ce n’était pas moi.
— Je vais en prendre une part, répond Wren. Lark lève la main aussi. Elle
porte des gants qui vont jusqu’aux coudes, comme d’habitude. Ils sont roses,
comme sa robe.
— Moi aussi, dis-je.
Josh s’éloigne et Star le regarde avec des yeux pleins de désir. Je lui
tapote l’épaule.
— Il va revenir. Je te le promets.
Je mets la main autour de ma bouche.
— Avec du gâteau ! chuchoté-je énergiquement.
Elle rit.
— Tu es heureuse ? lui demande soudain Tag. Vraiment heureuse ?
Star hoche la tête.
— Plus qu’heureuse.
Elle a un sourire mélancolique.
— Bien.
Star met le coude sur la table et pose son menton dans la paume de sa
main. Elle hoche la tête en direction du bébé.
— C’est pour lui que tu avais besoin d’argent ?
Tag hoche la tête.
— Oui.
— Est-ce que tu as besoin de plus ? demande-t-elle.
Je m’étouffe avec ma salive.
— Désolée, craché-je lorsque Wren me tape dans le dos.
— Non, je me suis occupé de tout ce que je devais faire. Merci. Je te
proposerais bien de te rembourser, mais je n’ai pas encore de travail.
Il rougit. Est-ce qu’il est embarrassé ?
Wren hausse les épaules.
— C’est pas comme si cet argent allait nous manquer.
Il rit.
— Quand même, je n’ai pas envie d’être un fardeau.
Alors il devrait vraiment songer à rentrer chez lui. Il me pompe l’air.
C’est un fardeau en soi.
— Où est sa mère ? demandé-je.
— Je… je n’en sais rien.
Il regarde son fils.
— J’aimerais le savoir.
Il soupire.
— Tu vas venir avec nous ce soir, dit soudain Wren. La chambre de Star
est encore vide. Et celle de Peck aussi. On aura plein de place.
Il secoue la tête.
— Je ne veux pas abuser.
Mais ses yeux se remplissent d’espoir. Je le vois. Je me demande s’il s’en
rend compte. Je me demande s’il en a quelque chose à faire.
Il ne veut pas abuser ? Comme si partir avec cinquante mille dollars alors
que sa bite était encore humide d’avoir été en moi n’était pas suffisant.
— Hé ho ? crié-je. Tu pourrais peut-être demander l’avis des autres
occupants ?
Je me désigne du doigt. Mon cœur bat dans ma poitrine comme une balle
de ping-pong dans un verre. Lark, Wren et moi partageons un appartement. Je
ne pense pas qu’on ait besoin de colocataires supplémentaires.
Surtout pas d’un qui m’a fait perdre la tête. Surtout pas d’un qui est allé
plus profond en moi que quiconque avant lui. Surtout pas d’un qui me fait
peur.
— C’est notre frère, rouspète Star. Y a pas à discuter.
— Dans ce cas tu devrais le ramener chez toi.
Star roule les yeux.
— Je suis en lune de miel.
Elle se penche vers moi et me murmure à l’oreille :
— Et je suis quasiment certaine que Josh a commandé du mobilier sexuel
pour moi pour notre nuit de noces, et j’ai envie de le tester.
— Beurk, grogné-je. Je n’avais pas besoin de le savoir, Star.
Elle rit et regarde Tag.
— Elle sera gentille. Je te le promets.
Elle me lance un regard démoniaque.
— N’est-ce pas, Finny ?
Putain non, je ne vais pas être gentille.
— Je ne promets rien.
J’agite le pouce vers le bébé.
— Est-ce qu’il ramène ça avec lui ?
Tag rit.
— Je ne vais nulle part sans lui.
Son regard s’accroche au mien.
Le silence se fait à la table, car il y a de la force et de la conviction
derrière ses mots.
Un homme s’approche et s’arrête près de mon épaule.
— Tu veux danser ? demande-t-il.
Je ne le connais pas, mais il est beau et il a assez de couilles pour
demander. Je pourrais même m’envoyer en l’air avec lui. J’ai connu une
petite période de disette depuis cette nuit-là avec Tag. C’est comme si mon
vagin était cassé. Je regarde le visage de cet homme.
Attends. Est-ce que j’ai déjà couché avec lui ? Ils se confondent tous
après un moment. Qui sait ?
— Avec plaisir, réponds-je. Je me lève et le suis sur la piste de danse.
On dirait que ma soirée est sur le point de s’arranger.
Il m’attire bien trop près, bien trop rapidement. Je me raidis et il ne
comprend pas.
— Tu ne te souviens pas de moi, n’est-ce pas ? demande-t-il tandis que
son souffle chaud effleure mon oreille.
Maintenant je me souviens de lui. J’oublie peut-être leurs noms et leurs
visages, mais je n’oublie jamais leurs odeurs. Celui-là sent l’aérosol et les
oignons.
— Je t’ai bouffée pendant presque une heure cette nuit-là, dit-il.
Il sourit comme si c’était une bonne chose. Sauf que ce n’était pas le cas.
Ça avait duré une heure parce qu’il était vraiment mauvais.
Je serre les dents.
— Je m’en souviens.
— Tu ne m’as pas rappelé.
Je lui avais dit que je ne voulais pas son numéro et je ne lui ai pas donné
le mien. Il a dû l’obtenir par quelqu’un d’autre.
J’espérais avoir de tes nouvelles, continue-t-il. Il me bouscule dans ses
bras comme s’il espérait provoquer une réponse.
— Je ne cherche pas une relation, réponds-je poliment.
Puis je redresse les épaules et le regarde dans les yeux.
— Et tu n’es pas vraiment mon genre.
Il sursaute.
— J’étais ton genre quand je te baisais.
Je secoue la tête.
— Pas vraiment. Tu étais simplement là.
Il arrête de bouger au rythme de la musique.
— J’étais un coup facile ?
Sa voix vire à l’aigu à la fin de sa phrase, et des gens se retournent pour
nous regarder.
Ce n’était pas facile du tout, parce que je devais faire semblant de
l’apprécier tout en lui apprenant à naviguer dans mes parties inférieures. Je
pense qu’il ne savait pas ce qu’était un clito avant cette nuit-là.
— De rien, réponds-je, désinvolte.
Il recule et émet un reniflement terrible. Ce n’est pas un rire, et cela me
rappelle un chameau que j’ai caressé un jour au zoo. S’il me crache dessus
aussi…
— Sérieusement ? dit-il d’une voix plus forte. Tu m’as utilisé ?
— De rien ? répété-je, mais cette fois j’en fais une question.
Hé, je sais que certains mecs sont heureux de pouvoir baiser une Zero. Ce
mec recherche apparemment plus qu’un coup d’un soir avec la bassiste du
groupe.
— Tu es carrément dérangée. Tu le sais ?
Dis-moi quelque chose que je ne sais pas déjà. Je lui souris.
— Merci.
J’aime ma vie dérangée. Je n’ai pas spécialement besoin qu’il l’apprécie
aussi.
— Tout va bien ? demande une voix grave derrière moi.
Je me retourne et vois Tag. Il a dû danser avec Lark parce qu’elle gigote
juste à côté de lui.
— Ça va Finny ? demande Lark.
— Ça fait quoi de savoir que c’est une trainée ? aboie le mec.
Il sourit d’un air suffisant.
— Ou peut-être que tu es le prochain sur la liste ? demande-t-il à Tag.
Tag se raidit, et j’imagine qu’il va me poser des questions sur ce mec.
Mais il n’en fait rien. Il porte toute son attention sur le crétin.
— Un peu de respect, mec, dit-il doucement.
Je le regarde contracter ses mains, serrer et desserrer les poings.
— J’emmerde le respect, lâche le connard.
Tag ajuste son costume.
— J’aimerais bien que tu surveilles ton langage. La vulgarité n’est pas
nécessaire.
— J’emmerde ta vulga…
Il s’arrête de parler. Principalement parce que Tag vient de lui décocher
un crochet dans la mâchoire. Sa tête part en arrière et il recule. C’est arrivé si
vite que je ne l’ai même pas vu. Je vois juste sa réaction.
— J’ai dit surveille ton langage devant les dames. Tag gratte la barbe
naissante sur son menton.
— Dame ? Dame mon c…
Sa tête repart en arrière. Cette fois il commence à saigner, du sang coule
de son nez à ses lèvres.
Tag fouille dans sa poche et sort un mouchoir avant de le mettre sous le
nez de l’homme.
— Tu as besoin d’aide pour trouver la sortie ? demande-t-il doucement en
se penchant vers lui.
Le connard secoue la tête.
— Non, marmonne-t-il d’une voix nasillarde.
— Tu devrais t’excuser auprès de cette dame, dit Tag. Il recule pour que
le mec puisse être face à moi.
Je lève la main pour repousser les excuses.
— Ce n’est pas vraiment nécess…
— Si, ça l’est, lâche Tag.
Il lève un sourcil en direction de l’homme.
— Désolé, murmure l’homme à travers son mouchoir.
— Désolé de…
Tag attend avec un regard attentif.
L’homme regarde Tag d’un air interrogateur. Il n’a aucune idée de quoi il
devrait s’excuser.
Tag agite la main en l’air.
— Désolé d’avoir offensé la dame…
Il attend.
— Je suis désolé de t’avoir offensée.
Tag sourit et lui tape sur l’épaule.
— Bonne nuit, dit-il.
L’homme s’éloigne. Je vois les Reed le prendre en charge sur le bord de
la piste pour l’escorter jusqu’à la sortie. Maintenant je me souviens pourquoi
ils le connaissent. C’est un de leurs clients. Oups.
Je lève la tête et réalise que tout le monde sur la piste de danse nous
regarde. Le groupe recommence à jouer. Tag tend une main vers moi.
— Me feras-tu cet honneur ? demande-t-il
— Ferme la bouche, murmure Lark.
Je ferme la mâchoire. Elle pose une main au milieu de mon dos et me
pousse vers Tag. Je trébuche sur lui et il pose une main sur ma hanche. Il
prend mon autre main dans la sienne et me fait danser. Lark se dépêche
d’aller danser avec quelqu’un d’autre. Il se penche pour me regarder dans les
yeux.
— Tu vas bien ?
— Très bien.
À part le fait que je n’arrive pas à respirer. Le seul homme à avoir jamais
pris ma défense de la sorte, c’est Emilio, mon père adoptif. Il irait au bout du
monde pour moi, mais c’est le seul homme qui l’ait jamais fait.
— Pourquoi tu as fait ça ? demandé-je.
— Fait quoi ?
Il me regarde. C’est étrange à quel point j’ai toute son attention. C’est
presque déconcertant.
— Pourquoi tu l’as frappé ?
Ses épaules larges se soulèvent légèrement.
— Il était impoli.
— Parce qu’il m’a traité de trainée ?
Il grimace et je sais que j’ai touché un point sensible.
— Son langage était inapproprié. Je l’ai simplement aidé à le réaliser.
— Alors quelqu’un qui dit que je suis une trainée, ça t’offense ?
Je réfrène mon sourire lorsque je le vois tressaillir à nouveau.
— Il n’avait pas besoin de ça pour se faire comprendre.
Il me fait tournoyer loin de lui puis me rattrape. Il sait danser, c’est sûr.
— Oh.
— Tu es meilleure que ça, dit-il doucement. Ne laisse personne te parler
comme si tu valais moins que ce que tu es.
Mon cœur s’emballe. Je n’étais pas assez bien, apparemment, pour le
faire rester.
— Quoi ?
— Tu es précieuse. Digne. Adorable. Tout le monde est digne. Digne de
respect.
Je grogne. Je ne veux pas être adorable. J’aime ma famille, mais je n’aime
personne d’autre. Je ne peux pas. L’amour rend vulnérable. Il donne aux gens
le pouvoir de vous faire du mal.
Comme lui.
— Tu es vachement mignonne aussi, dit-il en souriant.
— Est-ce que tu viens sérieusement de dire que j’étais mignonne ?
Je ris. Je n’y peux rien.
— Et tu as dit vachement.
— Les grossièretés ne sont pas toujours nécessaires pour se faire
comprendre.
— Tu as peur d’aller en enfer ? demandé-je en riant.
Lâchez quelques grossièretés et vous gagnerez un aller simple pour
l’enfer.
— Avant oui, dit-il. Maintenant, je n’en suis plus certain.
Je réalise à quel point il est tendu dans mes bras.
— Je suis désolée, dis-je. Je n’aurais pas dû te taquiner.
Je le regarde. Il a une mèche de cheveux noirs qui lui tombe sur le front.
Ses yeux sont presque noirs dans la lumière déclinante, et ils fixent
directement les miens. Je sais qu’ils sont marron, mais en ce moment ils sont
noirs. Et torrides.
— Je te pardonne, dit-il avec un petit sourire.
— La prochaine fois, je me contenterais de te taquiner à propos de cet
épi. Je montre ses cheveux.
Il glousse et jette la tête en arrière. Je le regarde et m’étonne qu’un
homme puisse rire sans aucune retenue.
— Il faut qu’on parle, déclare-t-il à côté de mon oreille.
Un frisson délicieux parcourt ma colonne vertébrale.
— Non.
Je m’accroche fermement à sa main, qui est enroulée autour de la mienne.
Il me serre plus fort.
— Si.
— Qu’est-ce que tu as fait du marmot ? demandé-je en me souvenant
soudain de son fils.
Il rit.
— Ta mère l’a pris et m’a dit d’aller danser. Elle ne m’a pas laissé le
choix.
— Elle fait toujours ça, murmuré-je. Je la cherche du regard et la vois en
train de câliner le petit, tout en lui donnant le biberon. Elle me fait un clin
d’œil.
— Ta famille est fabuleuse.
— Oui, c’est vrai, approuvé-je.
Ma famille est merveilleuse.
— Tu as de la chance, dit-il d’une voix rauque. Tout le monde n’a pas
cette chance.
— Tu as été adopté par un oncle, c’est ça ?
Je me souviens vaguement de l’histoire. L’oncle ne voulait pas de ses
sœurs, alors Tag y est allé tout seul.
— Oui.
Maintenant, il est raide comme un bout de bois.
— Alors tu as eu de la chance aussi.
Il ne dit rien.
— Donc, tu rentres à la maison avec nous ?
Je grimace en réalisant comment ça sonnait.
— Je veux dire, bredouillé-je, je veux dire que tu vas recommencer à
utiliser l’ancienne chambre de Star ?
Il hoche la tête.
— Au moins pour ce soir.
Il me regarde.
— Ça ne te dérange pas, hein ?
— Pas tant que tu promets de ne pas pisser sur la cuvette des toilettes et
de ne pas la laisser relevée.
— Je ferai de mon mieux.
Il ricane.
— Tu peux survivre à ma présence pour un jour ou deux ?
Je hausse les épaules.
— Je vais essayer. Ça va être difficile.
— Merci pour ton sacrifice.
Il rit à nouveau. C’est un rire chaleureux et sain, et je me sens fondre. Il
me parle encore à l’oreille.
— Je suis désolé si mon départ précipité t’a blessée. Je devais m’occuper
de quelque chose, et je ne pouvais pas encore l’expliquer. Mais maintenant
j’ai envie de t’en parler. Je peux ?
Il attend une réponse.
La musique s’arrête et il porte ma main à ses lèvres. Il dépose un tendre
baiser sur mes phalanges, et mon estomac se noue.
— Merci pour la danse, dit-il. Ses lèvres lévitent au-dessus de ma peau,
son souffle est chaud et humide.
— Merci d’avoir frappé ce connard.
— De rien.
Il passe ses doigts dans les miens et me ramène à mes parents. Puis il va
danser avec Wren.
Je le regarde rire avec elle, il rougit et j’imagine qu’elle le taquine parce
qu’il a frappé le mec. Mais soudain, il regarde dans ma direction et ses yeux
rencontrent les miens. Elle doit le taquiner à propos de moi s’il me cherche
du regard comme ça. Il me fait un clin d’œil, et mon cœur me trahit en
sursautant. C’est quoi son problème ?
Un autre homme s’approche de moi et me demande de danser. Je me lève
et lui dit doucement.
— Est-ce que j’ai couché avec toi aussi et que je ne m’en souviens pas ?
Il secoue la tête.
— Pas encore, dit-il en souriant.
Je ris et le laisse m’emmener sur la piste de danse. Mais je sens le regard
de Tag sur moi et je ne déboutonne même pas le dernier bouton de la chemise
du mec. Je ne passe pas ma main sous son col. Je ne frôle pas
accidentellement sa bite. Je ne fais rien. Parce que Tag me regarde, et pour
une raison qui m’échappe, je me sens mal qu’il me voie faire des trucs avec
un inconnu. Juste maintenant. Juste cette seconde.
Cette pensée m’irrite parce que je peux faire ce que je veux de mon corps.
Il est à moi et je n’ai pas à laisser qui que ce soit me juger. Pas un seul être.
Je suis plus qu’irritée lorsque la danse se termine, parce que j’aurais pu
ramener celui-là à la maison. Tag est déjà en train d’interférer dans mon jeu.
Je dois corriger ça. Dès maintenant.
TAG
J edouloureux.
serre et desserre le poing, puis étire mes doigts, car ils sont
Cela faisait longtemps que je n’avais frappé personne.
Mais là, je n’ai pas pu me retenir. Il était grossier et vraiment irrespectueux.
J’avais envie de lui faire avaler son dentier, mais je ne pouvais pas, pas tant
qu’elle regardait. C’est déjà assez mal que je l’aie frappé.
Elle prendrait peur si elle voyait vraiment à quel point mon âme est
tourmentée. Si elle découvrait la profondeur de ma rage, elle ne me
regarderait plus jamais de la même manière. Et les autres non plus.
Je m’assieds à côté d’Emilio, le père adoptif de Finny. Il brandit son
poing comme s’il voulait que je le lui tape, à la manière des hommes, alors je
le touche doucement avec le mien.
— Beau travail, dit-il doucement.
Je ne réponds rien.
— Si tu ne l’avais pas fait, c’est moi qui l’aurais fait.
Je le regarde, mais ne dis toujours rien.
— Je me battrais jusqu’à la mort pour mes filles.
Sa voix est grave et rauque.
— Je suis content que Star et Wren vous aient.
C’est vrai. Si content. Je suis reconnaissant qu’elles n’aient pas fini au
même endroit que moi. Parce que là où j’étais, c’était bien pire.
— Comment va ta main ? demande-t-il.
Je contracte à nouveau les doigts.
— Je survivrai.
— Ça fait du bien, hein ?
Il scrute mon visage.
— Pas vraiment. Je n’aime pas me battre.
Je me penche en avant et pose mes coudes sur mes genoux, laissant mes
mains pendre.
Ses yeux glissent sur la trace d’une cicatrice sur mon arcade sourcilière,
puis vers mon menton, qui est sillonné de marques de toutes les fois où j’ai
atterri la tête la première.
— Bien, dit-il doucement
Je regarde Fin danser. Elle est gracieuse et si belle. Et si hors d’atteinte.
— Tu rentres à la maison avec les filles ce soir ? demande Emilio.
Je hausse les épaules.
— Elles m’ont invité.
Je le regarde enfin, et je le vois en train de m’étudier attentivement.
— Ça ne vous gêne pas, si ?
Il hoche la tête.
— Mes filles sont des femmes fortes. Elles savent se défendre.
Je tourne les yeux vers la piste de danse et aperçoit Finny qui danse dans
les bras d’un autre homme. Il la regarde comme s’il voulait en faire son petit-
déjeuner. Ou son en-cas de minuit.
— Ne laisse pas les coups d’un soir de Finny te perturber, dit-il.
Je lève la tête.
— Quoi ?
Il hoche la tête vers elle.
— Elle les ramène parfois à la maison, mais elle les vire rapidement. Je
ne crois pas qu’un seul d’entre eux soit resté pour la nuit.
Il secoue la tête.
— Est-ce que ça vous inquiète ?
— Nan, dit-il. Je m’inquièterais si l’un d’eux était vraiment resté toute
une nuit.
— Que voulez-vous dire ?
Emilio secoue la tête.
— C’est sans importance.
Je me demande s’il serait aussi décontracté s’il savait que j’étais l’un de
ses coups d’un soir et qu’elle ne m’a pas exactement viré du lit à la fin de la
nuit.
Il se lève pour aller danser avec Marta. Elle dépose Benji dans son cosy.
Il dort profondément, mais je commence tout de même à le bercer avec mon
pied.
Emilio emmène Marta sur la piste. Elle glousse et se laisse tirer tout
contre de lui.
Je me demande ce qu’il voulait dire en disant qu’il devrait s’inquiéter si
elle en avait vraiment laissé un rester pour la nuit. Étrange.
M espartie
genoux tremblent lorsque j’entre dans le lieu où vit ma mère. En
parce que Tag essaye en permanence de me parler.
— Je n’attendais rien, dis-je en soupirant.
— Je sais, mais…
Il laisse sa phrase en suspens.
— Mec, c’est bon. Je me suis envoyé en l’air avec toi. Je ne m’attendais
pas à ce que tu m’épouses.
Il lâche un grand soupir et se frotte l’arrête du nez.
Je déteste par-dessus tout rendre visite à ma mère, parce que je ne sais
jamais ce que je vais trouver en arrivant. Mais en même temps, j’adore venir
ici, parce qu’une part de moi en veut plus. Je veux une famille. Je veux avoir
quelqu’un qui soit à moi. Mais cela n’arrivera probablement jamais. Pas pour
longtemps, en tout cas.
J’avance vers le bureau d’accueil et la réceptionniste m’accueille par mon
prénom.
— Finch ! crie-t-elle. Je suis si contente de vous voir !
— Comment va-t-elle aujourd’hui ? demandé-je doucement. Tag est
debout derrière moi, silencieux, absorbant les informations.
— Ce n’est pas une très bonne journée, admet la réceptionniste.
Elle grimace.
— Je suis désolée.
J’espère toujours qu’elle passera une bonne journée. Mais c’est rarement
le cas.
— Ça va, dis-je. Je vais juste passer une minute.
Je montre les fleurs.
— Pouvez-vous vous assurer qu’on les donne à quelques résidents qui ne
reçoivent jamais de fleurs ?
Elle sourit.
— Bien sûr. Je sais justement à qui les donner.
Tag pose ses fleurs sur le comptoir, lui aussi.
— Tu peux retourner à la maison. Merci pour ton aide, lui dis-je.
— Je vais venir avec toi, dit-il.
— Je n’ai pas besoin d’un chaperon.
Il me regarde.
— Je ne veux pas être ton chaperon. Mais tu pourrais avoir besoin d’un
ami.
Il m’emboite le pas.
— Je n’ai besoin de rien, grommelé-je.
— OK, dit-il. Dans ce cas moi j’en ai besoin.
Il me fusille du regard.
— Tu es carrément un modèle de vertu, c’est ça ? C’est quoi la suite ? Tu
vas prier pour moi ?
Il me dévisage.
— Tu as besoin que je prie pour toi ?
— Pas si tu tiens à la vie, lâché-je.
Il hoche la tête. Nous traversons le centre pour personnes dépendantes
jusqu’à l’aile où sont hospitalisés les patients souffrant de maladie mentale.
Les portes sont fermées et nous sommes obligés d’avoir une escorte spéciale
pour entrer dans cette partie du bâtiment. Si ma mère n’avait pas tant de
pulsion meurtrières, ce ne serait pas nécessaire.
Je m’arrête devant sa porte et regarde à travers la minuscule fenêtre. Elle
est assise dans un fauteuil et lit un livre. Elle a l’air si normale. Mais elle ne
l’est pas. Elle ne l’a jamais été et ne le sera jamais, peu importe à quel point
je souhaite qu’elle le soit.
Je frappe à la porte et attends qu’elle m’appelle pour entrer. J’ai été
frappée sur la tête avec des livres, des stylos et divers objets depuis ma plus
tendre enfance, simplement pour être entrée dans sa chambre. Je suis devenue
légèrement prudente.
Elle me dit d’entrer, et je regarde Tag. Il reste stoïquement devant la
porte, mais il n’essaie pas de me rejoindre.
— Salut, maman, dis-je en entrant dans la pièce. La porte se referme
derrière moi. Parfois maman sait qui je suis. Parfois ce n’est pas le cas. Je ne
sais jamais avant d’arriver.
— Salut, dit-elle.
Elle me regarde.
— Qu’est-ce que tu fais ici ?
Je m’assieds au bord de son lit.
— Je voulais juste passer te dire bonjour. Voir si tu avais besoin de
quelque chose.
— J’ai besoin de magazines. Et de chocolat. Et j’ai besoin que cette
infirmière arrête de voler mon papier toilette.
— Je me débrouillerai de te trouver des chocolats.
— Ou est-ce toi qui as volé mon papier toilette ?
Elle grogne. Soudain, elle saute de son fauteuil et se jette sur moi en
agitant ses minuscules poings.
J’attrape ses poignets. Je retiens ma mère depuis aussi longtemps que je
peux me souvenir. L’instinct de survie dans toute sa splendeur. Elle lutte, et
réussit à me frapper à la bouche. Je recule la tête, mais je sens déjà le goût
cuivré du sang couler sur ma langue.
Elle se retourne, attrape un stylo sur un bureau et se jette sur moi en le
tenant comme un couteau. Je me fige. Ma mère a tenté de m’assassiner tant
de fois que je ne peux plus les compter. Cette fois n’est pas différente.
J’esquive sur la gauche et elle plante la pointe du stylo dans la partie tendre et
charnue du haut de mon bras. Je grimace et essaie de passer mon bras autour
d’elle.
Soudain, une voix s’élève.
— Arrêtez ! crie Tag.
Il traverse la pièce d’un pas rapide et régulier. Il passe les bras autour de
ma mère et lui coince les mains. Le stylo tombe au sol. Le visage de ma mère
est déformé par la rage et la fureur.
— Dehors ! me crie-t-il.
— Ne lui fais pas de mal, préviens-je avant d’aller chercher une
infirmière.
Celle-ci attrape un flacon de médicaments dans une armoire verrouillée et
arrive en courant. Elle plante une seringue dans l’épaule de ma mère, et
maman s’écroule dans les bras de Tag. Il la porte dans son lit.
— Vous feriez peut-être mieux de ne pas revenir avant quelques jours,
Finch, dit l’infirmière. Elle a été un peu ailleurs cette semaine.
— OK.
Je tente de refermer dans mon cœur la porte de la pièce où l’espoir
demeure. L’espoir qu’un jour, elle sera capable de m’aimer.
Maman marmonne en luttant contre le sommeil.
— Est-ce que quelque chose l’a mise en colère ? demandé-je.
La semaine dernière, elle pensait que son voisin lui avait volé son sac à
main et elle a été survoltée pendant des jours.
— Il ne s’est rien passé, Finch. Vous le savez. Et vous savez que ce n’est
pas de votre faute. Et que ce n’est pas vous personnellement qu’elle attaque.
Je hoche la tête. Je le sais. Mais ça n’améliore pas les choses.
— Nous devrions partir, dit doucement Tag.
Je regarde ma mère. Elle a l’air vieille et fragile. Et douce. Et gentille.
Elle ressemble à ma mère. Pas à une malade mentale.
Tag prend ma main dans la sienne et la serre. Je lève le regard vers lui, et
ses yeux verts rencontrent les miens. Il m’étudie attentivement. Si
attentivement que j’en suis mal à l’aise et que j’essaye de retirer ma main de
la sienne. Mais il me serre fort et me pousse vers la porte. Lorsqu’elle se
referme derrière nous, je m’arrête pour regarder à travers la petite fenêtre et je
vois l’infirmière s’affairer à ranger et nettoyer le bazar que ma mère vient de
créer.
Je respire toujours fort. Je ne devrais pas. Je prends une profonde
inspiration puis expire. Je suis prête à partir. Tellement prête. J’aurais dû
écouter lorsqu’ils m’ont dit que c’était une mauvaise journée. Je n’aurais pas
dû essayer de lui rendre visite. C’est de ma faute si elle vient d’essayer de me
poignarder.
Tag s’arrête dans le couloir et il me fait arrêter à côté de lui. Il s’appuie
contre le mur et fléchit les genoux pour pouvoir me regarder dans les yeux un
peu plus profondément. Il est beaucoup plus grand que moi. Beaucoup,
beaucoup plus grand.
Il soulève nos mains entre nous et allonge les doigts. Ma paume repose
contre la sienne, et ses doigts enlacent les miens. Il me tient simplement
comme ça. J’essaie de reculer, mais il ne dit rien et ne me laisse pas partir.
— Sérieux ?
— Chut, dit-il. Tais-toi une seconde. Je veux essayer quelque chose.
— Tu ne vas pas prier pour moi, n’est-ce pas ?
— Pas tout de suite. À moins que tu ne veuilles que je le fasse. Si c’est le
cas, je le ferai. Mais non.
Il inspire et expire lentement, et je réalise qu’il a calé sa respiration sur la
mienne. Il me regarde dans les yeux. Je m’arrête de respirer, mais il continue
d’inspirer et d’expirer lentement, et je prends sa cadence.
— Quelqu’un m’a appris ça quand j’étais plus jeune. Quand mon oncle
me battait comme un dingue et que je m’énervais tellement que
j’hyperventilais à chaque fois qu’il entrait dans une pièce.
— Je ne suis pas en train d’hyperventiler.
— Mais il se pourrait que moi je sois en train de le faire.
Il ricane.
Il inspire et expire en me regardant dans les yeux, et je me détends. Puis il
tire mon bras et je tombe contre lui, posant les mains sur son torse pour me
rattraper.
— C’était quoi ça ? demandé-je en reculant.
Mais il ne me laisse pas partir. Il me tire contre lui et me serre fort. Je suis
raide comme un piquet, mais il est doux, chaleureux et il semble si fort.
— Juste une minute, murmure-t-il. Soixante secondes.
Il commence à compter lentement.
— Un. Deux. Trois…
Ses mots sont presque aussi chauds que son corps. Il me serre fort, et je
me laisse aller sur lui, juste une seconde. Je pose mon oreille sur son cœur et
écoute son battement régulier en me détendant contre lui. Lorsqu’il réalise
qu’il n’a pas besoin de me serrer aussi fort, il soulève une main et la passe
lentement et délicatement de haut en bas de mon dos. Je me pelotonne plus
près de lui.
— Trente. Trente-et-un. Trente-deux…
Lorsqu’il arrive à soixante, je suis complètement ramollie, et je titube
comme un poulain qui vient de naître lorsqu’il me repousse légèrement. Il
m’attrape par les coudes et me regarde.
— Ça va ?
Eh bien, ça allait jusqu’à ce qu’il me prenne dans ses bras. Maintenant je
me sens juste… bizarre. J’ai l’impression que quelqu’un a pris mes entrailles
et les a déposées juste sous la surface de ma peau.
— Ta mère a une maladie mentale ? demande-t-il.
Je hoche la tête.
— Est-ce qu’elle a toujours été violente ?
Je n’ai pas envie de répondre, mais ma bouche a décidé qu’elle avait sa
propre volonté. La traîtresse.
— Oui.
Maintenant que c’est sorti, je me dépêche de fournir une explication.
— Elle n’a pas toujours été comme ça. Parfois elle était géniale. Elle
faisait la cuisine et jouait avec moi, et nous partions à l’aventure.
Je ne sais pas pourquoi je sens qu’il a le droit de savoir tout ça. Ni
pourquoi j’ai envie de le lui raconter.
— Mais après, ses bons jours sont devenus bien moins fréquents que ses
mauvais jours.
Et ses mauvais jours étaient vraiment sombres.
— Maintenant elle est ici, et ils peuvent contrôler sa prise de
médicaments.
Et l’empêcher de tuer des gens. Comme moi par exemple.
Il commence à me faire avancer dans le couloir, mais s’arrête devant la
porte des toilettes. C’est le genre où il y a une seule pièce, et il entre. Il me
fait signe de le suivre.
— Quoi ? demandé-je.
— Je peux regarder ton épaule ?
— Pourquoi ?
Je regarde mon bras. Je ne saigne pas.
— Ta mère vient de te poignarder avec un stylo.
— Oh.
J’avais oublié ça dans la mêlée. Et le calme après la tempête qui a suivi.
J’ouvre ma veste à capuche et découvre mon épaule.
— Elle ne t’a pas ratée, dit-il.
Il me caresse l’épaule du bout des doigts et je frissonne.
— J’ai survécu à pire.
— J’en suis sûr.
Je le regarde. Il humidifie une serviette en papier et essuie le liquide épais
et collant qui a suinté de la petite blessure.
— Ce n’est pas rentré très profondément, déclare-t-il.
Je grogne.
— C’est ce qu’elle a dit.
Il rougit, mais un sourire se dessine sur ses lèvres.
— Pourquoi fais-tu ça ? demande-t-il en secouant la tête.
— Faire quoi ?
— Utiliser l’humour pour changer de conversation quand quelqu’un
essaie de s’occuper de toi.
— Mec, tu ne me connais pas, lui rappelé-je tandis que la colère monte en
moi.
— Dis ça à quelqu’un qui n’a jamais été en toi, répond-il lentement en me
regardant dans les yeux.
Mon cœur vacille.
— Je suis prête à rentrer à la maison.
Il passe devant moi pour jeter la serviette humide à la poubelle. Son bras
effleure mon sein et il se fige.
— Pardon, dit-il en rougissant.
— Tu viens de m’effleurer le sein. C’est genre le plus vieux truc au
monde.
Il rit.
— Pourtant je ne l’ai jamais fait avant.
— Menteur.
Il hausse les sourcils et me regarde.
— Je n’ai jamais effleuré un sein que personne ne m’a demandé
d’effleurer.
— Alors je suis ta première fois.
Il rougit à nouveau. Il n’est pas puceau. Il a un gosse, bon sang. Sans
parler du fait qu’il m’a baisée comme un dieu cette nuit-là.
Nous marchons en silence vers la sortie, et quelques résidents nous
remercient pour les fleurs. Je leur fais signe et continue de marcher.
Lorsque nous sortons dans la rue, je grimace et lui demande :
— Tu ne vas pas raconter ce qui est arrivé aujourd’hui à mes sœurs,
hein ?
Il a l’air confus.
— Pourquoi tu ne veux pas qu’elles sachent ?
Je hausse les épaules.
— Elles s’inquiètent.
— Elles ont raison. Elle aurait pu te faire du mal, te blesser vraiment.
Je hoche la tête. Ce n’est pas comme si je n’y étais pas habituée.
— Passons un marché, OK ?
Il me regarde, les yeux pleins d’espoir.
— On fait un marché : si tu m’emmènes avec toi quand tu viens lui rendre
visite, je ne le dirai à personne.
Je roule les yeux.
— Je t’ai dit que je n’avais pas besoin d’un chaperon.
— Je n’ai pas besoin de rester avec toi, réplique-t-il. Je peux rendre visite
aux autres résidents. J’aime parler aux gens.
Il hausse les épaules.
— C’est tout ? Tu n’essayes pas d’être un macho baratineur qui veut
sauver-la-donzelle ?
Il souffle.
— Macho, oui. Baratineur ? Pas en ce moment.
Il pousse mon épaule avec la sienne.
— Amène-moi avec toi. S’il te plaît.
Il joint les mains comme s’il priait.
— Bien.
Mais un sourire apparaît au coin de mes lèvres.
— Est-ce que ça signifie que nous avons un rencard ?
Cette fois c’est moi qui tape dans son épaule avec la mienne.
— Est-ce que tu veux que ce soit un rencard ?
Est-ce le cas ? Il y a deux heures, j’aurais dit putain, non ! Mais
aujourd’hui… Après ce qu’il a fait pour moi avec ma mère ? Et après ?
— Peut-être, réponds-je doucement.
— Alors c’est un rencard.
Je suis toute tendue et mon cœur s’emballe.
— Je vais y réfléchir, murmuré-je.
TAG
J efaire
fais les cents pas avec Benji dans les bras. J’ignore ce que je dois
de lui. Il est chaud, ses joues sont un peu rouges et il est agité. Je
ne le connais pas depuis longtemps, mais il n’a jamais été aussi agité. Je le
berce doucement sur mon épaule et il pleure tout le temps. Il ne veut pas de
biberon, et il n’a pas besoin qu’on lui change sa couche. J’ai vérifié.
Wren est sortie toute la nuit. Je suppose qu’elle est sortie avec les autres,
puisqu’il n’y a personne ici avec moi. Je suis tout seul, mon fils est malade, et
je n’ai aucune idée de ce que je dois faire avec lui.
Soudain, la porte d’entrée s’ouvre et Fin entre dans l’appartement. Un
homme est avec elle, et il a la main sur son cul. Elle se fige en me voyant. Pas
lui. Il la retourne pour pouvoir écraser sa bouche sur la sienne.
Ma vision se trouble de rage. C’est rapide et inattendu, et je n’ai aucune
idée d’où ça provient. Ça m’étonne au plus haut point.
L’homme qui a la main sous son T-shirt se fige lorsqu’elle la recouvre
avec la sienne.
— Arrête, crie-t-elle.
Elle enlève sa main de sous ses vêtements et la repousse. Il grimace et
recule. Elle fait un pas en arrière et ajuste ses vêtements.
— Salut, me dit-elle doucement. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Je regarde Benji.
— J’en sais rien. Il n’arrête pas de pleurer.
Je la regarde pour qu’elle m’aide, mais elle fixe Benji en fronçant les
sourcils.
— Qui est-ce, Finch ? demande l’homme.
— Chut ! lui crie-t-elle.
Il ouvre la bouche pour parler à nouveau et elle montre la porte.
— Tu peux partir, dit-elle.
— Quoi ? s’exclame-t-il.
— Dehors, dit-elle.
Elle se dirige vers la porte, la tient grande ouverte et lui fait rapidement
signe de sortir. Il baisse la tête, serre la mâchoire, puis redresse les épaules et
s’en va.
Il se retourne au dernier moment.
— Tu m’appelles ? demande-t-il.
Elle lui claque la porte au nez.
Benji pleure de plus en plus fort.
— Je ne sais pas quoi faire, déclaré-je.
— Tu as pris sa température ?
— Je n’ai pas de thermomètre.
— Où sont ses affaires ?
Je montre ma chambre. Pendant que je fais des allers-retours, en creusant
sûrement un sillon dans la moquette, elle va dans ma chambre et en ressort
avec son sac à langer sur l’épaule.
— Allons-y, dit-elle impatiemment. Elle tape dans ses mains.
— Où ?
— On emmène ta progéniture à l’hôpital, idiot.
Elle me pousse en avant.
— Bouge.
J’ai la gorge serrée.
— Tu crois qu’il a besoin d’aller à l’hôpital ?
— Je n’ai aucune idée de ce dont il a besoin, dit-elle impatiemment. Elle
prend son cosy et je le dépose dedans.
Il n’arrête pas de hurler. Il pleure tout le long du couloir et dans
l’ascenseur, et ses sanglots deviennent des reniflements quand on entre dans
le taxi. Il sombre dans le sommeil, mais cela ne dure qu’un instant. Puis, il se
remet à pleurer.
— Je ne me suis jamais senti aussi impuissant, dis-je. Je caresse le haut
de sa petite tête douce. Il est si beau. Et je n’arrive même pas à m’occuper de
lui.
— A l’hôpital, ils vont le soigner, m’assure-t-elle.
Son siège auto est au milieu de la banquette arrière, et Finny est d’un côté
et moi de l’autre.
— Ils sont obligés de l’ausculter même si je n’ai pas d’argent, pas vrai ?
demandé-je doucement.
J’ai les entrailles toutes retournées. Je déteste le fait-même de devoir
poser la question parce que le dire à voix haute revient à valider toutes les
mauvaises choses que mon oncle m’a dites toute ma vie.
Je ne vaudrais jamais rien.
Personne ne pourrait me faire confiance.
Personne ne peut compter sur moi.
Je n’arrive même pas à m’occuper de mon fils.
Je ne suis rien.
— Ils vont l’ausculter, dit-elle.
Elle laisse Benji empoigner son doigt avec son minuscule poing.
— D’une façon ou d’une autre, murmure-t-elle, ils l’ausculteront.
Je respire et appuie ma tête sur la banquette du taxi.
— Ce n’est probablement rien, dit-elle doucement.
— Tu crois vraiment ? murmuré-je, plus pour moi-même que pour elle.
— Bien sûr.
Elle me sourit et pose sa main sur la mienne par-dessus le ventre de Benji.
— Tu sais où sont tes sœurs ?
Elle prend son téléphone et commence à pianoter.
— Non, je pensais qu’elles seraient avec toi. Je suis partie tôt pour revenir
à l’appartement.
Elle rougit légèrement et ne me regarde pas. Elle les a laissées pour
rentrer à l’appartement avec un homme.
— Est-ce que c’était ton copain ?
Je sais que ce n’est pas le cas. Mais j’ai envie d’en savoir plus. Je veux
penser à autre chose qu’à Benji.
Elle grogne.
— Mon Dieu, non.
— Qui était-ce ?
Elle hausse les épaules.
— Juste un mec.
— Juste un mec ?
Elle hoche la tête
— Juste un mec.
— Ton rencard ?
Elle secoue la tête et soupire.
— Quelqu’un que j’ai rencontré ce soir.
— Tu as ramené un mec que tu venais de rencontrer ? lâché-je.
Je regrette aussitôt d’avoir prononcé ces mots.
— Oui. Ne me juge pas.
— Pourquoi ?
Elle me regarde enfin. Elle fronce les sourcils.
— Pourquoi quoi ?
— Pourquoi tu as ramené à la maison un mec que tu venais juste de
rencontrer ? Et pourquoi il avait les mains partout sur toi, si tu venais juste de
le rencontrer ?
— Parce que tu as passé deux mois dans ma putain de tête, Tag. Et
maintenant tu es de retour et je suis prête à passer à autre chose. Alors laisse-
moi passer à autre chose, tu veux bien ?
Elle me regarde dans les yeux et je sens un bourdonnement électrique
entre nous, comme un fil sous tension.
— Oh, dis-je. Je vois.
— Ne me juge pas, prévient-elle.
Je lève les mains en l’air en signe de reddition.
— Je ne te juge pas.
— Si, tu me juges. Arrête.
Sa voix est soudain froide et cinglante.
— Non, c’est faux.
— Si.
— Non, vraiment…
Mais dans ma tête, c’est le cas. Je la juge. Je la juge tellement. Et je
déteste le faire. Je ne veux pas qu’elle ait envie de qui que ce soit d’autre. Je
veux qu’elle soit à moi.
Je sursaute lorsqu’elle attrape mon menton et me tourne vers elle.
— J’aime m’envoyer en l’air, Tag. Passe à autre chose.
Je suis irrité.
— Il est parfaitement normal pour une femme d’aimer coucher avec des
hommes. J’aime le sexe. Je n’ai pas besoin de me justifier, surtout pas devant
toi, vu la façon dont tu n’as pas pu me résister non plus.
Elle lâche mon menton, mais n’arrête pas de me regarder dans les yeux.
— Ne me juge pas, dit-elle doucement.
— Je ne te jugeais pas, répété-je.
Je grogne intérieurement. Je ne devrais pas dire ça à voix haute, mais je
vais le faire. C’est plus fort que moi.
— Je suis… jaloux.
Je ferme les yeux.
Elle est surprise.
— Pourquoi ?
Autant être honnête.
— Ça me dérange.
— Qu’est-ce qui te dérange là-dedans ?
Ses mots crachent du venin et de la glace.
Je choisis mes mots avec précaution.
— Parce qu’une fois ne sera jamais assez.
Le taxi s’arrête à l’entrée des urgences et je descends en prenant le siège
auto de Benji avec moi. Elle attrape le support et me suit dans l’hôpital. Nous
allons à la réception et, très vite, ils nous mettent en zone de triage, puis ils
me prennent Benji en promettant que ça ne prendra qu’un moment et que je
serai bientôt à nouveau avec lui.
Il est parti, et je reste avec Finny. Elle me regarde comme si j’allais voler
en éclats. Et je crois que ça pourrait être le cas. Mais elle me lance aussi un
regard interrogateur. Et je ne connais pas la réponse. Je ne sais rien mis à part
que je suis mort de peur.
— Viens.
Elle me prend par la main et me tire dans les toilettes. Elle regarde
furtivement à gauche, puis à droite, et m’attire à l’intérieur.
— Soixante secondes, dit-elle.
Elle m’ouvre ses bras et je ne réfléchis même pas avant de la tirer contre
moi. J’en ai besoin. J’ai besoin d’elle. J’ai besoin que quelqu’un m’enlève ce
sentiment d’impuissance.
Cette fois, je ne bande pas en l’enlaçant. Mais je l’utilise. J’utilise sa
chaleur et sa douceur et j’écoute sa voix douce qui compte jusqu’à soixante.
Ça passe trop vite. Elle recule et je me retrouve en manque.
— Allons attendre Benji, dit-elle. Elle passe ses doigts dans les miens.
— Je ne te jugeais pas, dis-je lentement tandis que nous nous asseyons
côte à côte dans la salle d’attente.
Elle soupire.
— OK.
— Je ne le faisais vraiment pas. J’étais en train de penser que je pouvais
comprendre pourquoi tu recevais autant de fleurs.
Elle fronce les sourcils.
— Quoi ?
— Parce que tu es très belle, déclaré-je doucement. Si tu étais
complètement à moi, je ne voudrais pas t’abandonner non plus.
Elle se frotte le bras parce qu’elle commence à avoir la chair de poule.
— Je ne fais pas dans les relations.
— Je ne fais pas dans les coups d’un soir.
— Alors c’est une bonne chose que nous restions vraiment bons amis,
n’est-ce pas ? dit-elle.
L’infirmière arrive et crie mon nom. Nous nous levons et nous dirigeons
vers elle.
— Vous êtes la mère ? demande-t-elle à Fin.
Fin commence à secouer la tête, mais je dis :
— Oui.
Je ne veux pas y retourner tout seul. Pas maintenant. Je veux qu’elle soit
avec moi pour encaisser le coup de ce qu’on va me dire pour Benji. Je ne
peux pas perdre Benji. Et j’ai besoin de l’aide de Fin.
Je voudrais comprendre pourquoi soixante secondes à enlacer Fin ont été
mieux que tous les moments passés avec Julia, mais je ne peux pas le faire
maintenant. Maintenant, je dois m’occuper de ce qui ne va pas chez mon fils.
Quand il ira mieux, je m’occuperai du reste.
FINNY
I ll’air
a l’air complètement désemparé. Tag, je veux dire. Pas Benji. Benji a
plutôt bien. Il ne pleure pas pour le moment. Ils lui ont installé des
intraveineuses et lui ont administré des médicaments pour faire baisser sa
fièvre. C’était juste une infection. Bénigne. Des antibiotiques devraient
arranger ça. Ils ont fait une batterie de tests sanguins et ont déclaré qu’il allait
bien.
L’état de Tag est un peu plus problématique.
— Tu veux bien arrêter de faire les cents pas ? demandé-je.
— Je ne fais pas les cents pas, répond-il.
Mais il n’arrête pas de marcher.
— OK, alors arrête de faire des allers-retours. Tu crées un courant d’air.
Il s’arrête et regarde dans le berceau.
— J’essaye de faire des projets, dans ma tête, dit-il doucement.
— Faire des projets pour quoi ?
Il hausse les épaules.
— Des projets pour sa vie. Des projets pour m’occuper de lui. Des projets
pour être un bon père qui peut subvenir à ses besoins. Je n’ai même pas
d’emploi, Finny.
Il soupire et se frotte les yeux.
— Il est tard, dis-je. Tu pourras réfléchir à tout ça demain.
— Il faut que je trouve un emploi.
— Demain.
— Et quelqu’un pour le garder pendant que je travaille.
— Mec, tu as deux sœurs et elles ont trois sœurs et une mère. Je pense
que tu as ce qu’il faut.
Il grogne.
— Je ne peux pas demander à ma famille de s’occuper de lui. Je ne peux
pas continuer à profiter.
Il serre si fort le bord du berceau que ses articulations blanchissent.
— Tu ne comprends pas ? lâche-t-il. Et si c’était moi le responsable ?
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Il reste là, les yeux fermés.
— J’étais en colère quand je suis rentré de ma mission d’évangélisation et
que j’ai découvert que Julia ne voulait plus être avec moi. J’ai fait des choses
que je regrette. J’ai dit des choses que je regrette.
— À elle ?
Elle le méritait sûrement.
— À Dieu, répond-il. Je les ai dites à Dieu.
Oh. Maintenant je comprends.
— Et tu penses que Dieu est en colère et qu’il te punit.
— Je pense que je n’ai pas été assez reconnaissant de ce qui m’a été
donné, oui.
— Conneries.
Il lève brusquement la tête.
— Quoi ?
— Conneries, répété-je.
Je lève la main quand il commence à parler.
— Oh, attends, je viens de jurer. Tu crois que quelque chose de terrible va
m’arriver ?
— Ce n’est pas drôle.
— Quand j’essaierai de te faire rire, tu le sauras.
— Je m’inquiète seulement du fait que mes doutes puissent se retourner
contre moi.
— Tu as toujours la foi, n’est-ce pas ?
Je ne comprends pas vraiment la foi. Pas pour l’instant. Mais je respecte
le fait qu’il l’ait.
Il hoche la tête.
— Bien sûr.
Il grimace.
— Mais j’étais énervé. Et j’ai dit des choses que je n’aurais pas dû dire.
— Dans ce cas, retire-les, lui conseillé-je en haussant les épaules.
Il paraît confus.
— Quoi ?
— Dieu n’est pas un gars rancunier, idiot. Il est bienveillant. Il est
omniscient, aussi, alors il connaît ton cœur. Retire ce que tu as dit et tu en
auras terminé avec ça.
— Tu crois en Dieu ? me demande-t-il. Il me regarde droit dans les yeux.
Je glisse mon doigt le long d’une fissure dans le mur.
— Je passais beaucoup de temps avec le pasteur et sa femme dans notre
petite ville. Lorsque ma mère sombrait dans la folie, ils m’emmenaient chez
eux. Alors, oui, je sais qui est Dieu.
— Tu me trouverais stupide d’être croyant ?
Il me regarde attentivement.
— Je te trouve déjà stupide, mon pote.
Il sourit.
— Quand on m’a pris tout le reste, ma foi m’a soutenu. Si je l’abandonne,
j’ai l’impression que j’abandonne une partie de moi.
Je hausse les épaules.
— Alors ne le fais pas.
Mon téléphone sonne et je le regarde.
— Tes sœurs arrivent.
Je me lève.
— Je devrais probablement partir.
— Non, dit-il rapidement.
— Quoi ?
— Ne pars pas. S’il te plaît.
Il penche la tête et me sourit.
— S’il te plaît, répète-t-il.
Mon cœur s’emballe.
— Pourquoi tu veux que je reste ?
Je retiens ma respiration.
Il hausse les épaules.
— Je t’aime bien.
— Tu m’aimes bien ? Tu as quel âge, douze ans ? Alors c’est quoi la
suite, je devrai monter sur le guidon de ton vélo ?
Il sourit.
— Ce serait si terrible ?
Non. Non, ce ne serait pas si terrible. Ce serait plutôt génial.
— Nous avons déjà un rencard de prévu, et il implique de rendre visite
aux patients de l’asile, lui rappelé-je.
Je ne veux pas qu’il me voie comme une fille normale. Je veux qu’il se
rappelle que je ne suis pas une fille normale et que je ne le serai jamais.
— C’est une chose que j’attends avec impatience, dit-il en souriant.
— À titre d’information, je n’embrasse pas au premier rendez-vous, dis-
je.
Je grimace dès que les mots sont sortis de ma bouche. Je n’aurais pas dû
dire ça.
— Oh, tu m’embrasserais, dit-il, confiant.
Mon cœur s’emballe.
— Tu crois ?
— Oui. Je suis super doué.
Benji commence à s’agiter dans son berceau, alors je me lève et me dirige
vers lui. Je pose ma main sur son ventre. Il me regarde et se calme
immédiatement. Ses grands yeux clignent devant moi tandis qu’il agite les
mains et les pieds.
— Tu te sens mieux, Benji ? lui demandé-je.
Il donne à nouveau des coups de pied.
Tag vient se mettre derrière moi, et je peux le sentir de l’arrière de mon
crâne à mes tibias. Il met une main sur ma hanche et pose son menton sur ma
tête en regardant le berceau.
— J’étais si inquiet, dit-il. Je suis si content que tu sois rentrée à la
maison quand tu l’as fait.
Mon estomac se noue quand je me souviens avec qui je suis arrivée et ce
que j’étais sur le point de faire.
— Moi aussi, acquiescé-je.
Je n’ai pas honte. Pas du tout. Mais je me demande ce que ça ferait
d’avoir une famille à moi et un homme auprès de qui rentrer. J’évacue cette
pensée en secouant la tête. Je pose ma main sur la sienne.
— Cet homme…
Je ferme les yeux et retiens ma respiration pour essayer de calmer mes
entrailles.
— Je venais de le rencontrer. Je n’ai eu personne depuis… cette nuit-là.
Je le regarde.
— Personne
Il sourit.
— OK.
Il m’embrasse sur la joue en s’attardant brièvement.
Je veux qu’il me dise qu’il n’a eu personne d’autre non plus, mais j’ai
l’impression de ne pas avoir le droit de le demander.
— Devine quoi ? murmure-t-il.
— Quoi ? murmuré-je à mon tour.
— Je n’ai eu personne non plus.
Il m’embrasse le bout du nez.
Mon estomac se noue.
— Pas même quand tu es retourné voir Julia ?
Il secoue la tête.
— Notre relation était terminée avant même que je vienne ici la première
fois.
Il me sourit bizarrement.
— Et j’avais cette minuscule petite brunette dans la tête tout le temps que
j’étais parti.
Mon cœur se réchauffe.
— Alors, quand avons-nous rendez-vous ? demande-t-il.
Il pousse mes cheveux sur le côté pour qu’ils ne lui chatouillent pas le
visage. Son souffle chaud caresse ma nuque et j’en ai la chair de poule. Mes
tétons durcissent, et je suis soudain vraiment contente qu’il soit derrière moi
et qu’il ne puisse pas s’en apercevoir.
— Dès que j’aurai d’autres fleurs, réponds-je avec un rire sarcastique.
Il n’y a aucun humour dedans. Aucun.
Il se raidit derrière moi.
— OK, dit-il.
La porte de la pièce dans laquelle nous nous trouvons s’ouvre subitement
et Wren et Star entrent. Elles s’arrêtent sur le pas de la porte et se figent
quand elles le voient debout derrière moi avec son menton sur mon épaule. Je
lui donne un coup d’épaule pour qu’il recule. Il le fait, et je sens
immédiatement qu’il me manque.
— Tout va bien ici ? demande Star. Ses yeux font des va-et-vient entre lui
et moi.
— Benji va mieux, gazouillé-je.
Je regarde dans le berceau.
— C’était juste une infection.
Star sourit.
— Oh, Dieu merci.
Elle avance vers le berceau et regarde à l’intérieur. Soudain, elle se
couvre la bouche.
— Je crois que je vais vomir, dit-elle, puis elle sort de la pièce en courant.
— Je vais aller m’assurer qu’elle va bien, dit Tag avant de la suivre.
Wren me dévisage, les yeux pleins de reproche.
— Qu’est-ce que tu fous bordel, Finny ?
Je montre le berceau
— Il était malade, réponds-je. J’essayais seulement d’aider.
— Ce n’est pas ce que je veux dire et tu le sais.
Elle montre le couloir du pouce.
— Tu étais en train de faire des câlins à mon frère.
— Non, protesté-je.
Mais c’était un peu le cas. Et j’ai aimé ça. Par contre, je n’aime pas le fait
d’avoir aimé ça. Je lâche un gros soupir d’exaspération.
Elle me dévisage.
— Je ne crois pas qu’il soit disponible émotionnellement, Finny, dit-elle
doucement.
— Tant mieux, parce que je n’ai pas d’émotions.
Elle grogne.
— Dis ça à quelqu’un qui ne te connaît pas, garce.
Elle me fixe du regard.
— Je me suis toujours demandé quel genre d’homme réussirait à
t’atteindre.
Je me moque.
— Il ne m’a pas atteinte, ivrognesse.
— Oh, il t’a complètement atteinte.
Je n’arrive pas à voir si elle plaisante ou pas.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Tu le laisses t’enlacer, Finny. Tu ne laisses jamais personne t’enlacer.
Sa voix s’adoucit.
— Pourquoi tu l’as laissé t’enlacer si tu ne l’aimes pas ?
— Il ne m’a pas vraiment demandé ! lâché-je.
Je désigne le bébé.
— On ne faisait que regarder Benji !
Sa voix s’adoucit davantage.
— Il ne regardait pas Benji, Fin. Il te regardait, toi.
Je grogne.
— Non.
— Tu peux te mentir à toi-même. Mais tu ne peux pas me mentir à moi.
Je ne dis rien, car il n’y a rien à dire.
— Merci de t’être occupée de lui cette nuit, dit-elle. Je crois que personne
ne s’est occupé de lui depuis bien longtemps.
— Je n’ai rien fait.
La porte s’ouvre, et Tag et Star reviennent dans la pièce. Wren arrête de
brailler. Heureusement.
— Tu vas bien ? demandé-je à Star.
Elle hoche la tête.
— J’ai seulement dû vomir mes cookies.
Elle pose une main sur son ventre.
— Ça rend malade d’être enceinte.
Elle regarde Tag.
— Est-ce que Julia était souvent malade ?
Il hausse les épaules.
— Je ne sais pas, répond-il doucement. Je n’étais pas là.
— Eh bien, déclaré-je, puisque tout est sous contrôle, je rentre à la
maison.
Tag fronce les sourcils.
— Est-ce que ce mec t’y attend ?
— Quel mec ? demande Wren.
Elle nous regarde tous les deux.
— Personne ne m’attend, lancé-je malicieusement avant de me forcer à
rire.
— À plus tard, tout le monde.
Je sors et m’arrête pour respirer.
La porte s’ouvre derrière moi et Tag trébuche sur moi.
— Pardon, dit-il. J’essayais de te rattraper.
Il me tient par les coudes.
— Tu voulais quelque chose ?
— Je voulais seulement te dire…
Je glisse une main dans la poche de ma veste.
— Quoi ?
— Je t’attendrai le temps qu’il faudra, dit-il doucement.
Je gratte la peinture écaillée du mur avec mon ongle.
— Tu attends déjà la mère de ton bébé, dis-je en essayant de paraître
désinvolte.
Il secoue la tête.
— Non.
— Pourquoi ?
Il regarde vers la porte de la chambre de son fils.
— Elle n’est pas celle que je croyais.
Je dois le regarder avec un air ahuri, car il continue et dit :
— Elle l’a abandonné. La femme que j’ai aimée n’aurait jamais fait ça.
— Peut-être qu’elle avait une raison.
— Elle ne m’a pas choisi, moi. C’est tout ce que je sais.
Un muscle de sa mâchoire se contracte brusquement. Il respire et se
détend un peu.
— Quand je serai installé, je t’inviterai à un vrai rencard.
Mon cœur bondit de joie.
— Est-ce que ça impliquera de mettre deux pailles dans un soda ? Ou est-
ce que tu me laisseras porter la chevalière de ton université ?
Il sourit.
— Tu vas devoir attendre pour le savoir.
Il se baisse et m’embrasse sur la joue, sa chaleur effleurant délicatement
ma peau comme le plus doux des souffles, puis il me fait un signe de la main
et retourne vers son fils. Je m’écroule contre le mur, parce que j’ai soudain
les genoux en coton.
Je n’aime pas ce sentiment. Je ne l’aime pas du tout.
TAG
J esurretourne dans la chambre et trouve mes deux sœurs, les bras croisés
la poitrine, qui me fusillent du regard. Je m’arrête.
— Quoi ? J’ai fait quelque chose de mal ?
— Qu’est-ce qu’il y a entre Finny et toi ? demande Wren. Elle me regarde
toujours d’un air mauvais.
— Rien. Pourquoi ?
Je traverse la pièce et prétends être occupé à regarder mon fils.
— Finny ne laisse personne l’enlacer, répond frénétiquement Wren.
— Je n’étais pas en train de l’enlacer, rétorqué-je. J’étais juste derrière
elle.
En fait, j’étais en train de renifler son parfum comme un gros pervers,
mais je ne vais pas leur dire ça.
— Derrière elle en train de l’enlacer, rectifie Star. Est-ce que tu l’as
droguée ou quelque chose de ce genre ?
— Non ! Je n’ai pas besoin de droguer une fille pour qu’elle m’apprécie.
— Fin n’apprécie personne, répond Wren.
— Dis ça au mec qu’elle a ramené à la maison ce soir. Elle l’appréciait
complètement, lancé-je.
— Non, répond lentement Star, elle allait coucher avec lui.
Je lève la tête.
— Où est la différence ?
Wren rit.
— Oh, tu as de très gros ennuis.
Star se réjouit avec elle.
— Tu n’as pas idée, ajoute-t-elle.
Elles commencent à me taper sur le système.
— Explications, s’il vous plaît.
— Finny n’a pas grandi comme nous, répond Star.
— Tout le monde grandit différemment.
Je ne vois pas où elle veut en venir.
Wren lève une main.
— Non, tu ne comprends pas. Elle a grandi de façon très différente.
Elle me désigne, puis Star et enfin elle.
— Nous avions des parents qui nous aimaient jusqu’à ce qu’ils
disparaissent. Finny n’a jamais connu ça. Pas vraiment. Alors elle a du mal à
se rapprocher des gens.
— J’ai déjà rencontré sa mère, réponds-je doucement.
— Quoi ?
Star tend la main pour attraper une chaise comme si elle allait tomber.
— Tu as rencontré sa mère ?
Elle commence à sourire et regarde Wren.
— Il a rencontré sa mère.
— C’était un accident, vraiment, dis-je.
— Que s’est-il passé quand tu as rencontré sa mère ?
Eh bien, j’ai dû la maîtriser pour l’empêcher de tuer Fin, puis laisser
quelqu’un lui administrer des médicaments pour qu’elle tombe dans les
pommes. Mais je ne peux pas trahir sa confiance. Je mens.
— C’était juste une rencontre banale.
— Et comment était-elle quand tu étais là-bas ?
— Qui ? demandé-je en essayant d’avoir l’air stupide pour qu’elles
abandonnent.
— La mère de Finny. Comment était-elle ?
Meurtrière
— Comme une mère.
— Mm-hmm.
Star hoche la tête.
— Tu mens.
— Non.
— Trop.
— Non ! dis-je un peu plus fort.
— Peu importe, répond Star.
Elle se dirige vers le berceau.
— Je peux le porter ?
— Si ça peut te faire arrêter cet interrogatoire, oui.
En faisant bien attention aux intraveineuses, elle prend Benji et s’assied
avec lui sur un fauteuil à bascule. Elle le serre fort. Elle le regarde quelques
minutes, dans un silence béat. Puis elle lève finalement la tête.
— Je suis vraiment contente que tu sois là, me dit-elle enfin.
Je hoche la tête.
— Moi aussi.
— Nous partons en tournée dans deux semaines, dit-elle. Seulement six
concerts dans des petites villes.
— OK…
— On veut que tu viennes avec nous. On a besoin d’aide pour la mise en
place et la désinstallation.
— OK, répété-je.
— C’est payé.
— Je n’ai pas besoin d’être payé pour ça. Vous mettez déjà un toit sur nos
têtes.
— Et Paul Reed a dit qu’il a besoin d’aide dans son immeuble. Une sorte
de job de maintenance. Ça t’intéresse ?
— Bien sûr que je suis intéressé. Mais qu’est-ce que je vais faire de
Benji ?
— Marta pourra le garder pendant la tournée. Elle vient parfois avec
nous. Elle va s’occuper du bébé de Peck aussi, alors un de plus, ça ne
changera rien.
Quelqu’un qui dit qu’un bébé de plus ne change rien n’a jamais côtoyé un
enfant.
— Tu es sûre ?
Elle hoche la tête.
— Je lui en ai déjà parlé. Et quand tu travailleras pour les Reed, on se
relaiera pour le garder.
— Sérieusement ?
L’étau qui enserrait mon cœur se desserre un peu.
Star me sourit.
— Sérieusement.
Elle regarde d’abord mon fils, puis moi.
— C’est à ça que sert la famille. À nous relever quand on tombe.
— Ou quand on se fait mettre KO, ajoute Wren.
Elle me dévisage.
— Merci, réponds-je doucement. Je vais me refaire et vous rembourser, je
le promets.
Star secoue la tête comme un enfant pris en train de faire une bêtise.
— On sait où tu vis, Tag.
Un sourire se dessine sur mes lèvres.
— Alors, tu vas inviter Finny pour un rencard ?
— Tu penses qu’elle dirait oui ?
J’attends en retenant mon souffle.
Star grogne.
— Bien sûr que non.
Mon cœur se brise.
— Elle va dire non. Elle va te dire qu’elle ne fait pas dans les rencards.
Elle va te dire d’aller te faire foutre. Et il se pourrait qu’elle essaye de te
mettre un coup dans les roustons.
Je recouvre mon paquet de ma main et grimace rien qu’en y pensant.
— Je ne vais peut-être pas le lui demander…
Star sourit.
— Tu ne pourras pas t’en empêcher. Elle est magnétique.
D’une toute petite voix, Wren dit :
— Personne ne mérite plus qu’elle de vivre heureuse pour toujours.
— Merci du conseil, réponds-je.
Mon esprit bouillonne déjà en imaginant toutes les façons dont je pourrais
amener Fin à m’apprécier. Et toutes les façons dont je pourrais merder pour
finir par recevoir un coup de pied dans les roustons.
La deuxième hypothèse est bien plus probable.
FINNY
L arapide
musique pulse dans mes veines comme un rythme cardiaque. Elle est
et effrénée, et j’ai si chaud que je m’excite toute seule, tout ça
rien qu’en dansant.
Mon garde du corps personnel est au bar, faisant semblant de biberonner
au whisky coca, mais je sais que c’est juste un soda light. Je n’ai pas toujours
besoin de garde du corps, mais quand je sors au milieu de la foule et que je
suis seule, il est préférable que j’aie un peu d’aide au cas où les choses
tourneraient mal. Le regard de Jason se promène sur la pièce, et il fronce les
sourcils en voyant que le mec avec qui je danse se rapproche un peu trop. Il
commence à se lever, mais je secoue la tête en le regardant. Il me dévisage
avec un regard interrogateur.
Non, je n’ai pas besoin qu’il vienne l’écarter de moi. Ce n’est pas celui
que je veux. Celui que je veux sent le vomi de bébé et le talc.
— Tu veux qu’on aille chez moi ? demande le mec dans mon oreille.
Je secoue la tête.
— Je veux juste danser !
Avant Tag, je lui aurais dit oui. Je l’aurais suivi sans y réfléchir à deux
fois. J’aurais pu jouir deux fois. Peut-être plus s’il était doué, mais je n’aurais
même pas eu besoin d’y songer. Oui, j’aurais pu avoir un orgasme. Mais
quelque chose me dit que je me sentirais toujours vide à l’intérieur en rentrant
à la maison. Je laverais l’odeur et la sensation du sexe, puis je passerais les
bras autour de mon oreiller et je m’endormirais.
Les musiciens arrêtent de jouer et nous applaudissons tous.
— On va faire quelques minutes de pause, déclare tranquillement
quelqu’un dans le micro.
— Merci pour la danse, dis-je par-dessus mon épaule.
Le mec porte la main à sa poitrine comme si je l’avais poignardé, mais je
m’éloigne. Je me dirige vers le bar pour trouver un truc frais à boire.
Jason, mon garde du corps personnel, fait semblant de ne pas me
connaître, alors je me penche contre lui.
— Alors, tu vas me sauter un jour, ou quoi ?
Je souris et bats des cils.
Il sourit étrangement.
— Je ne pense pas que ma femme apprécierait, Fin, mais merci de penser
à moi.
Il roule les yeux et me tire la langue. Jason approche de la cinquantaine,
et ça fait vingt-cinq ans qu’il est heureux en mariage. Il marmonne quelque
chose à propos de mineure lorsqu’une jeune fille légèrement vêtue passe
devant nous.
— Comment va Norma ? demandé-je.
— Elle est énervée contre moi. Apparemment, j’étais censé être un devin
ou quelque chose dans ce genre.
Je tape son épaule avec la mienne.
— Qu’est-ce que tu as oublié de faire ?
Il prétend être offensé.
— Qu’est-ce qui te fait penser que c’était moi ?
Je regarde vers ses genoux.
— Parce que tu as des testicules, mec.
Il serre les genoux.
— Arrête de parler de mes parties intimes.
— Je n’ai pas dit que je voulais les lécher ni rien, Jason, réponds-je avec
un sourire.
Il me regarde en coin.
— Est-ce que tu embrasses ta mère avec cette bouche ?
Je me fige. Il réalise son erreur immédiatement, parce qu’il tend la main
pour me rattraper quand je m’éloigne.
— Je suis désolé, Finny. Je ne voulais pas dire ça.
Il me fait me rasseoir sur le tabouret de bar.
— Je voulais dire Marta.
— Oui, j’embrasse ma mère avec cette bouche, lâché-je.
J’agite mon doigt en direction de la pièce.
— Et j’embrasse d’autres personnes, aussi. Il se trouve que certaines
personnes apprécient mes avances.
Je lui lance un regard noir. J’aime l’embêter mais, à dire vrai, il est un peu
comme un vieil oncle avec qui je suis à l’aise. Il est avec moi depuis
suffisamment longtemps pour faire partie de ma famille.
— Quand vas-tu te poser, Finny ?
— Jamais, lui dis-je avant de finir mon verre d’eau.
Quelqu’un tape sur le micro à l’avant de la salle, puis se racle la gorge. Je
regarde la scène.
— J’ai entendu dire qu’une célébrité se trouve parmi nous, déclare le
propriétaire de la discothèque. Il met la main au-dessus de ses yeux pour faire
un peu d’ombre et commence à scruter la salle.
Oh, merde. Jason attrape mon bras et se prépare à me tirer vers la sortie
de secours.
— Attends, dis-je.
Je lève un doigt. Il ne me lâche pas.
— Tu vas nous faire tuer tous les deux, murmure-t-il. Et Norma va me
couper les boules si je laisse quelqu’un te faire du mal.
Mais il s’immobilise et me laisse regarder ce qu’ils veulent.
— L’une des membres de Fallen from Zero est ici. C’est la guitariste.
Finch Vasquez, dit-il en cherchant dans la foule.
Puis il joint les paumes de ses mains comme s’il priait.
— Finny, la dernière fois que tu es venue ici, tu nous as honorés d’une
chanson.
Il tend une guitare.
— Nous feras-tu cet honneur ?
— Qu’en penses-tu ? murmuré-je à Jason.
— Je crois que tu es coincée maintenant, marmonne-t-il.
Il marche à côté de moi, m’escortant comme si j’étais la personne la plus
importante au monde. Quelqu’un tend la main pour toucher mon T-shirt, et il
repousse son bras.
Je monte sur scène et prends la guitare. J’éloigne le micro.
— Juste une chanson, dis-je.
Le propriétaire de la discothèque sourit et hoche la tête.
— Juste une.
Il se penche et m’embrasse sur la joue.
— À une condition, annoncé-je dans le micro.
J’avance et saisis le chapeau d’un mec dans la foule.
— Si vous voulez que je joue, vous devez remplir le chapeau. Je laisserai
l’argent au foyer de sans-abris en rentrant chez moi. Marché conclu ?
J’attends leur réponse enthousiaste. Le chapeau commence à tourner dans
la salle, et les gens y déposent de l’argent. Je vois Jason le vider et fourrer
l’argent dans sa poche, puis il le refait tourner.
Je m’installe sur le bord d’un tabouret et pose la guitare sur mes genoux.
Je passe mes doigts sur les cordes.
— Je n’arrive pas à croire que Finny Vasquez utilise ma putain de
guitare ! exulte le propriétaire de l’instrument.
Je souris et commence à jouer. J’ai une nouvelle chanson que je viens
juste d’écrire, alors je pourrais la tester, non ? Je tape soudain dans mes
mains au-dessus des cordes et m’arrête.
— Ma sœur Peck vient juste d’avoir un petit garçon il y a deux mois, dis-
je dans le micro. Cette chanson est pour elle.
Je me remets à jouer.
Parfois, lorsque je vois ma sœur avec son petit garçon, je les observe tous
les deux. Les yeux de Peck se remplissent de tant d’amour et de joie que cela
me fait mal. Je n’ai jamais connu ça. Pas un seul instant. Avant de rencontrer
Marta, je ne connaissais pas la définition de l’amour inconditionnel.
La première minute,
Je me suis demandé comment tu pouvais être si parfait.
La deuxième minute,
Je me suis demandé comment tu pouvais être si petit.
La troisième minute,
Je me suis demandé comment tu pouvais être si fragile.
La quatrième minute,
Je me suis demandé comment tu pouvais être si chauve.
La cinquième minute,
Je t’ai regardé respirer.
La sixième minute,
Je t’ai regardé pleurer.
La septième minute,
Je t’ai regardé t’étirer.
La huitième minute,
Je t’ai regardé aimer.
Tu es né en sachant
Que tu serais aimé.
Tu es né en sachant
que tu serais adoré.
Tu es né en sachant
Qu’on s’occuperait de toi.
Et à cet instant,
Ses rêves se sont réalisés,
Car tu l’as aimée.
J eMon
suis debout, un pied contre le mur, les bras croisés sur mon torse.
Dieu, qu’elle est belle ! De la musique sort de sa bouche et de ses
doigts sur la guitare, et c’est comme si elle résonnait directement dans mon
âme.
Elle chante une chanson sur les bébés. Et les bébés devraient évoquer le
rire, la légèreté et la bonté, mais ce que la plupart des gens ne réalisent pas,
c’est qu’elle parle de perte. Elle chante sa propre vie, et toutes les choses
qu’elle a manquées.
Mon estomac se noue en voyant son regard.
J’ai laissé mon propre fils à la maison avec ma sœur Wren. Il n’est âgé
que de quelques jours, mais Wren a voulu le garder et le câliner, alors elle
m’a demandé de venir surveiller Fin au Bar. Honnêtement, je sens le coup
monté, mais c’est un piège dans lequel je donnerais n’importe quoi pour
tomber.
Finny signe la guitare d’un geste théâtral, et j’attends qu’elle quitte la
scène.
Je vois la foule l’entourer, et je regarde Jason qui essaye de s’interposer
entre eux et elle. Mais ce n’est qu’un homme.
Je sais que ce genre de choses arrive quand on est une star du rock, mais
je ne m’attendais pas à ce que ce soit si rapide. Je me faufile dans la foule en
jouant des coudes, et Jason me voit et crie :
— Mets-toi de l’autre côté !
Je hoche la tête et me fraye un chemin dans la foule. Finny jure lorsque
quelqu’un attrape la manche de son T-shirt et la déchire. J’aperçois son
soutien-gorge rose quand la couture craque, et ma vision se trouble de rage.
Je fais tourner vers moi l’homme qui vient d’essayer de la déshabiller et
le frappe au niveau de la gorge. Il tombe comme une masse, alors je passe au-
dessus de lui et me dirige vers un autre mec. J’encaisse soudain un coup de
poing dans la mâchoire qui me fait claquer des dents, et je vois que c’est une
femme. Je ne peux pas frapper une femme.
Le propriétaire de la discothèque et sa sécurité essayent d’aider aussi, et
ils repoussent le reste de la foule. Fin est à terre, et je réalise que je suis sur
elle.
— Heu, dit-elle, Tag…
— Quoi ?
J’arrive à peine à respirer, encore moins à parler.
— Tu m’écrases.
Je me soulève sur mes coudes et la regarde.
— Désolé.
Puis je réalise comment elle est couchée. Ses jambes sont écartées, et je
suis entre elles.
— Merde, lâché-je. Désolé.
Je me dépêche de me dégager.
Elle rit et m’attire à nouveau vers elle.
— J’aimais bien, dit-elle en gloussant.
Je rougis et je bande. Merde. Ce n’était pas prévu.
— Eh bien, tu m’aimes vraiment bien, dit-elle près de mon oreille.
Elle rit.
— Je pensais que tu serais immunisé contre moi maintenant.
Je ne serai jamais immunisé contre cette femme.
— Arrête.
Elle rit.
— Ce n’est pas moi qui presse ma bite dans tes parties sensibles, Tag, dit-
elle
Cette fois, je me dépêche vraiment de me relever. Ses yeux s’attardent sur
ma queue.
— Impressionnant, murmure-t-elle.
Je lui tends une main et elle la prend. Je la relève et la tire près de moi.
Elle est si petite qu’elle m’arrive à peine aux épaules.
Je tends la main pour arranger son T-shirt, mais il est déchiré jusqu’au
col. On peut voir son soutien-gorge. Je passe la main par-dessus ma tête pour
enlever mon T-shirt comme le font les mecs. Puis, je le lui passe par-dessus
la tête.
— Merci, dit-elle.
Elle tire le col de mon T-shirt jusqu’à son nez et inspire profondément.
— Tu sens vraiment bon.
Soudain, elle regarde autour de nous.
— Où est Jason ?
Elle cherche frénétiquement jusqu’à ce qu’elle le trouve allongé au sol.
Elle court vers lui.
— Que s’est-il passé ? crie-t-elle.
— Je crois que cet enfoiré m’a cassé le poignet, dit-il en serrant son bras
contre son torse. Il grimace et elle s’effondre à côté de lui.
— Je suis vraiment désolée, l’entends-je dire.
— Ce n’est pas de ta faute si c’était un connard.
Il appuie sa tête contre le mur et grimace.
— Je crois qu’il faut que j’aille à l’hôpital.
Elle hoche la tête et l’aide à se relever.
— Est-ce que je dois appeler Norma ?
Il hoche la tête.
— Si on ne le fait pas, elle ne me laissera jamais tranquille. Je devrai
dormir sur le canapé pendant un mois.
Fin sort le téléphone de la poche de Jason et plaisante sur la proximité de
sa bite. Il fait semblant de ronchonner et lui ébouriffe les cheveux de sa main
valide.
Lorsque nous sortons, Norma attend sur le bord du trottoir avec la
voiture.
— Je peux conduire, dit Jason.
— Monte dans cette putain de voiture, Jason, dit Norma en tenant la
portière ouverte. Elle embrasse rapidement Fin et me regarde comme si elle
se demandait qui j’étais et pourquoi j’étais torse nu. Elle me montre du
pouce.
— Il est sexy, Finny, dit-elle. Belle prise.
Je vois Fin dire Je sais, hein ! du bout des lèvres.
— Tu peux la raccompagner à la maison ? me demande Jason.
— Bien sûr, me dépêché-je de répondre.
Il a l’air inquiet, alors je tente de le rassurer.
— Nous ne sommes qu’à quelques rues de l’appartement.
— Ne laisse rien lui arriver.
— C’est promis.
J’essaye de le rassurer, mais il a toujours l’air inquiet, je le vois. Je pense
qu’il tient vraiment à elle.
— Je peux venir avec vous ? lui demande-t-elle. S’il vous plaît ?
Elle parle à Jason, pas à moi.
— Rentre chez toi, Finny. Je ne peux pas te protéger ce soir.
— Je t’appellerai plus tard, chérie, ajoute Norma. Je te le promets.
— Vous me le jurez ?
— Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer, dit Jason.
— Eh bien, ne mens pas et ne meurs pas, répond Fin. Je me sentirais
terriblement mal. Il me faudrait au moins quelques minutes pour trouver un
meilleur mari à Norma.
Norma rit et monte dans la voiture. Je regarde leurs phares disparaître
dans la nuit.
— Merci pour ton aide, dit-elle doucement.
Mon souffle crée de petits nuages dans l’air frais de la nuit.
— De rien.
— Alors, qu’est-ce que tu faisais là ?
— Oh, merde.
Je tape la paume de ma main sur mon front.
— Je suis venu te chercher. Elles t’appellent depuis des heures, mais tu ne
répondais pas.
Elle sort son téléphone de sa poche et fait défiler les messages.
— J’ai complètement oublié qu’on partait en tournée demain, dit-elle en
grognant.
Je hoche la tête. Moi, je n’ai pas oublié. Wren dit que cela va être une
petite tournée, mais nous allons tous partir.
Elle commence à marcher rapidement vers son appartement et ses talons
claquent contre le béton. Elle fourre ses mains dans ses poches et je la suis.
— Finny, dis-je, dans l’ascenseur qui mène à son appartement.
— Quoi ?
Elle regarde partout sauf vers moi.
— Je pensais qu’on allait rendre visite à ta mère ce matin, mais quand je
me suis réveillé tu étais partie. Est-ce que tu as changé d’avis ?
Elle hoche la tête.
— Non. J’y suis allée.
— Toute seule ?
Elle hoche la tête.
— Tu étais censée m’emmener avec toi, lui rappelé-je.
Elle inspire profondément, puis expire.
— Elle est totalement folle, Tag. Complètement tarée. Genre, cinglée-
enfermée-pour-ne-tuer-personne. Je n’aime pas amener des gens voir ça.
Elle fait comme si c’était nouveau pour moi. J’ai déjà rencontré sa mère.
Je sais quel est son problème.
— Elle allait bien aujourd’hui ?
Sa voix est faible et je peux à peine l’entendre. Elle appuie sa tête contre
la paroi de l’ascenseur et ferme les yeux.
Soudain, elle les rouvre et fixe mon torse nu.
— Tag, est-ce que je peux te dire quelque chose ?
Je croise les bras, car elle regarde mon torse comme si elle voulait me
dévorer.
— Je crois.
— Tu es super sexy, déclare-t-elle.
Elle se lèche les lèvres, et je bande à nouveau.
Puis l’ascenseur tinte, les portes s’ouvrent et elle sort. Je prends une
seconde pour tenter de retrouver mes esprits, parce qu’ils sont éparpillés
comme un tas de pièces qu’on aurait jetées au sol. Elle tend la main et me
tient la porte.
— Amène ton joli minois à l’intérieur, dit-elle.
Elle me sourit.
Je me demande si c’est à ça qu’elle ressemble lorsqu’elle ne cache pas sa
douleur derrière sa sexualité. Je suppose que je n’aurai pas la chance de le
découvrir.
FINNY
D eux tasses de café, ce n’est pas assez. Mais Tag n’a pas l’air d’être
dérangé par ma mauvaise humeur. Il marche solennellement à côté de
moi sur le trottoir. Je respire profondément parce que, pour la première fois
de ma vie, j’ai envie de parler de ma mère à quelqu’un.
— La première fois que ma mère a essayée de me tuer, nous étions sur
une grande roue à la foire du comté. Elle était cyclothymique, je le sais
maintenant. Je ne le savais pas à l’époque. Je pensais juste qu’on allait passer
une journée amusante. Ma mère avait des jours où elle était au plus bas mais,
de temps en temps, elle avait de bons jours. Et quand elle allait bien, elle
planait. Elle avait de l’imagination et voulait partir à l’aventure et nous riions
et nous amusions.
Tag marche à côté de moi et ne dit rien. Il se contente d’écouter.
— Mais j’avais six ans la première fois qu’elle a essayé de me tuer.
Je le revois comme si c’était hier.
— Je ne veux pas y aller, lui avais-je murmuré dans la file d’attente de la
grande roue.
Elle s’était accroupie près de moi.
— Qu’est-ce que tu as dit, chérie ?
— Je ne veux pas y aller, avais-je répété, cette fois un peu plus fort.
Elle s’était levée, tenant toujours fermement ma main.
— Oh, tout le monde doit monter dans la grande roue, chérie.
Elle avait ouvert grand les bras.
— Le monde semble si grand vu de là-haut.
J’avais tiré à nouveau sur sa main.
— Je ne veux pas y aller.
Mais elle donnait déjà nos billets au forain. Elle m’a tiré d’un coup sec
par le bras sur la plateforme. Je l’ai suivie, parce qu’elle me serrait la main
si fort que c’était douloureux. Elle avait un regard très énervé, et je savais
que notre bonne journée était terminée. Elle était en train de redescendre et
de s’écraser.
Et elle allait m’emporter avec elle.
Nous nous sommes assises et le forain a refermé la longue barre sur nos
genoux, mais mes jambes étaient si petites qu’elle me retenait à peine.
L’engin s’est balancé en commençant à tourner, et j’ai agrippé la barre de
toutes mes forces. Maman se penchait par-dessus bord et regardait en bas.
— Regarde, bébé.
Je fermais les yeux. Je ne voulais pas regarder.
Le siège a de nouveau bougé quand d’autres personnes sont montées.
— Regarde, avait-elle répété.
Elle l’avait hurlé cette fois, et j’ai vu les gens dans la cabine au-dessus de
nous nous regarder en fronçant les sourcils. Je voulais leur dire que j’allais
bien, mais ce n’était pas le cas. Je n’irais jamais bien.
Le mouvement de balancier s’est arrêté et nous avons commencé à
décrire un lent cercle. Je fermais les yeux.
— Ouvre les yeux, avait dit maman.
Le vent soufflait légèrement dans mes cheveux, et j’étais contente de
l’avoir laissé mettre les jolis nœuds roses dans mes cheveux avant qu’on ne
parte de la maison ce matin-là.
— J’ai dit ouvre les yeux, avait grondé maman.
Elle a pincé mon menton entre son pouce et son index et j’ai crié.
— Tu as peur de tomber ? a-t-elle demandé.
Elle a laissé pendre ses bras sur le côté et a fermé les yeux, son visage
reflétant le contraire de ce qui se passait dans sa tête. Elle me déroutait
totalement quand elle faisait ça.
— Est-ce que tu as peur de tomber ? avait-elle redemandé, plus fort cette
fois.
— Non, avais-je répondu. J’avais bien plus peur d’être sur ce siège avec
elle.
Soudain, elle a attrapé le devant de ma robe et m’a soulevée du siège
pour me mettre sur ses genoux. La barre était si lâche qu’elle ne fournissait
aucune résistance. J’ai passé mes bras autour de son cou.
— Je vais t’apprendre une leçon de vie importante, avait-elle dit près de
mon oreille.
— Non !
Je luttais pour m’accrocher à elle, mais elle a repoussé mes bras et m’a
retournée la tête en bas. Elle me tenait par les pieds au-dessus du vide, et je
me débattais pour trouver quelque chose où m’accrocher.
— Maman ! avais-je crié.
Les gens en dessous de moi ont commencé à paniquer, et la roue s’est
complètement arrêtée.
— Voilà ce que ça fait de tomber ! avait crié maman. Souviens-toi de
cette sensation, bébé, pour que tu ne fasses jamais quelque chose d’aussi
stupide.
— Remonte-moi, avais-je supplié.
Ses mains faiblissaient, glissantes à cause de la sueur, et j’ai glissé
légèrement. La grande roue était arrêtée et l’homme dans la cabine sous la
nôtre tendait les bras comme s’il pourrait me rattraper au cas où elle me
lâcherait.
— S’il te plaît ! Maman ! Remonte-moi !
Elle a ri.
— Tomber, bébé. Assure-toi que tu ne le feras jamais.
— Je ne le ferai pas ! avais-je crié en pleurs. J’ai regardé mes jolis
nœuds roses tomber de mes cheveux et atterrir dans l’herbe loin en dessous
de nous.
— Je promets que je ne tomberai jamais.
Finalement, elle m’a remontée et je me suis précipitée dans le coin de
l’assise, en essayant de rester aussi loin d’elle que possible. Elle a jeté la tête
en arrière et a rigolé.
La grande roue a redémarré, et nous avons enfin atteint le sol. Deux
officiers de police nous attendaient quand nous sommes descendues, et l’un
d’eux a pris ma main pendant que l’autre menottait ma mère.
Les trois mois qui ont suivi, je suis restée chez ma grand-mère. J’étais en
sécurité avec ma grand-mère. J’étais heureuse avec ma grand-mère.
Personne n’essayait de me tuer quand j’étais avec ma grand-mère.
Mais lorsqu’ils ont trouvé un traitement pour ma mère, ils m’ont
renvoyée avec elle. C’est arrivé encore plusieurs fois jusqu’à mes dix ans, et
la mort de ma grand-mère. Après, il n’y avait plus personne pour s’occuper
de moi, et je suis rentrée officiellement dans le système.
C’était le plus beau jour de ma vie. Le jour où je suis allée en foyer
collectif parce que je n’avais nulle part d’autre où aller. C’est le jour où ma
vie a démarré.
Mais il y a une chose dont je suis certaine. Ma mère m’a appris une leçon
ce jour-là. « Ne tombe jamais, bébé. Ne tombe absolument jamais. » Alors je
ne le fais pas. Et je ne le ferai pas. Je ne peux pas.
Je ne m’approcherai jamais du bord. Je ne me mettrai jamais dans ce
genre de situation.
Je sors de ma transe lorsque Tag passe son bras autour de moi et m’attire
dans une ruelle.
— Soixante secondes, dit-il.
Il me tire contre lui et j’y vais volontiers. Il me serre fort, et je profite de
chaque seconde. Je ne sais pas à quel moment j’ai commencé à avoir besoin
de cet homme, mais j’en suis là.
Il arrive à soixante secondes et me repousse, mais cette fois, il le fait
lentement, presque comme s’il ne voulait pas me laisser partir.
— Ma mère est complètement tarée, lui dis-je en revenant dans la rue,
tandis que nous marchons en direction du centre pour personnes dépendantes.
Il a laissé Benji avec Wren et, quelque part, j’en suis contente. J’aurais peur
que ma mère lui fasse du mal.
Il hoche la tête.
— On dirait bien.
Nous entrons, et je signe les papiers pour que les administrateurs puissent
la transférer dans une zone plus sécurisée du complexe.
— C’est tout ce que vous voulez que je fasse ? demandé-je en repoussant
le porte-bloc vers le médecin responsable.
— On aimerait faire une psychothérapie avec votre mère et vous. Je sais
que ça n’a pas toujours été facile pour vous.
C’est le psychiatre qui s’occupe du traitement de ma mère.
Je hoche la tête.
— En quoi ce serait bien ?
— Honnêtement ? Pour elle, probablement en rien. Pour vous, ça pourrait
vous aider.
— Je vais bien, déclaré-je.
Il hoche la tête.
— Prévenez-moi si vous changez d’avis.
Tag et moi retournons à l’extérieur et il me dit :
— Tu ne voulais pas la voir ?
Je secoue la tête.
— Non.
Je soupire.
Il me regarde droit dans les yeux.
— Tu as toujours l’espoir qu’elle t’aimera autant que tu as besoin d’être
aimée ?
— Non. J’ai abandonné cet espoir il y a longtemps.
— Je ne te crois pas, dit-il.
Il prend ma main et passe ses doigts entre les miens. Je ferme les yeux et
respire profondément, mais je ne retire pas ma main.
— Tu as envie de déjeuner ?
Je hoche la tête, et nous allons dans une petite boutique spécialisée dans
les gaufres.
Il ouvre un menu.
— Qu’est-ce qu’il y a de bon ici ? demande-t-il.
Il me sourit.
— Sans déconner, réponds-je. Des gaufres.
Il repose le menu sur le côté.
— Dans ce cas je pense que je vais prendre des gaufres.
Il regarde la serveuse.
— Et un café.
— Pareil pour moi, dis-je.
— Alors, maintenant tu as le vertige ? demande-t-il en versant de la
crème dans son café.
— Non, j’ai seulement peur de tomber.
Il me regarde par-dessus sa tasse.
— Explique.
— J’ai besoin d’avoir les pieds solidement plantés, c’est tout.
Il me dévisage.
— Tu aimes tout contrôler.
— Je hoche la tête et hausse légèrement les épaules.
— Oui.
— Alors quand toi et moi étions ensemble…
Il s’arrête et secoue la tête.
— Non, rien.
Il rougit.
— Dis-le, répliqué-je. Mon cœur bat à cent à l’heure.
— Quand on était ensemble et que je t’ai claqué les fesses, est-ce que ça
t’a excitée ou dégoûtée ?
Mes paumes commencent à être moites, donc je les essuie sur mon jean.
— D’autres hommes m’ont claqué les fesses avant.
Il contracte la mâchoire.
— On ne parle pas d’eux. On parle de toi et moi.
Je m’assieds et essaye de respirer.
— Donc, tu veux savoir si tu m’as excitée ?
— Oui.
— Pourquoi ça t’intéresse ?
Je scrute son visage.
— Parce que j’ai vraiment l’intention de le refaire un jour, quand tu seras
prête pour ce que je veux.
Mon ventre me trahit en sursautant légèrement.
— Et qu’est-ce que tu veux ?
— Je veux attendre en apprenant à te connaître. Et je veux avoir quelques
rencards avec toi. Et je veux que tu tombes amoureuse de moi et de mon fils.
Et ensuite, quand nous serons tous les deux certains que nous le voulons, je
veux te sauter à nouveau, mais cette fois ce sera plus. Tellement plus.
Je suis sans voix. Je ne m’attendais pas à ce qu’il joue cartes sur table
comme ça. Je m’attendais à ce qu’il cache son jeu et le protège, comme moi
je le ferais.
— Je ne couche pas plus d’une fois avec la même personne.
— Je sais. C’est pourquoi ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je veux te faire
tomber amoureuse de moi.
Il prend ma main dans la sienne et la caresse avec son pouce.
— Tu ne veux pas grand chose, hein ?
Il secoue la tête, et les coins de sa bouche se tordent légèrement.
— Je veux tout.
— Avec moi ?
Il hoche la tête.
— Avec toi.
— Est-ce que je peux y réfléchir ?
Il secoue la tête.
— Non. Si tu réfléchis trop, tu vas t’enfuir.
— Alors que dois-je faire ?
— Laisse-moi t’aimer.
Il hausse les épaules.
— C’est tout.
Je ricane.
— Tu ne m’aimes pas.
Il sourit.
— Pas encore. Mais je veux sortir avec toi.
Il me serre la main.
— Tu veux bien avoir un rencard avec moi, Finny ?
Je balaye le restaurant des yeux.
— C’est pas ce qu’on est en train de faire en ce moment ?
Il sourit.
— C’est le cas ?
— Peut-être, murmuré-je.
La serveuse arrive avec nos gaufres, et il lâche ma main. Il mange en
silence, et moi aussi.
Quand nous avons fini, il sort son portefeuille.
— C’est pour moi, dis-je.
Je sors une carte de crédit de ma poche.
— Je paye, dit-il.
— Mec, est-ce que tu sais combien d’argent je me suis fait l’année
dernière ?
— Je paye, Finny.
Je m’appuie contre le dossier de mon siège.
— Pourquoi ?
— Je n’ai pas grand-chose, mais j’ai gagné ce que j’ai, et je veux le
dépenser pour toi. Alors laisse-moi le faire, OK ?
Il me dévisage.
— Laisse-moi te donner de la valeur. Te chérir. T’apprécier. Te traiter
comme tu dois être traitée. Tu peux me faire confiance, Finny, je ne te
laisserai pas tomber.
Un nœud se forme dans ma gorge et je déglutis bruyamment pour le faire
passer.
— Merci pour le petit-déjeuner.
C’est tout ce que j’arrive à dire.
Il signe le chèque et nous nous levons. Il prend de nouveau mes doigts
dans les siens et nous marchons côte à côte dans la rue.
— Est-ce que je pourrais donner son biberon à Benji quand on arrivera à
la maison ? demandé-je rapidement.
Je rougis lorsqu’il me sourit.
— Tu n’aimes pas les bébés, me rappelle-t-il.
Il me donne un coup de coude pour rire.
— Je t’aime bien toi. Et il se pourrait que j’aime bien ton bébé. Je dois
passer un peu de temps avec lui pour voir.
Il hoche la tête.
— OK, dit-il. Tu peux lui donner à manger. Je dois faire ma valise, de
toute façon.
Nous marchons côte à côte, main dans la main, et j’ai bien peur de tomber
beaucoup trop rapidement. J’ai juré que jamais, jamais, je ne tomberai, mais
ça ne ressemble pas à une chute libre. Ça ressemble à une ascension. Comme
si je prenais le vent et le laissais me porter.
— Tu me rattraperais vraiment si je tombais ? lui demandé-je lorsque
nous entrons dans l’ascenseur.
Il me tire contre lui et ses lèvres lévitent au-dessus des miennes.
— Je te rattraperais, ou je tomberais avec toi en essayant de te rattraper.
— Ne triche pas avec moi, OK ?
Je pose mon front sur son torse pour qu’il ne puisse pas voir la vérité dans
mes yeux. Je ne veux pas qu’il sache à quel point j’ai envie de ça. À quel
point j’ai envie de lui. À quel point j’ai envie de perfection.
— Je ne tricherai pas.
Il soulève ma tête et ses lèvres touchent les miennes. D’abord lentement
et timidement, puis il nous fait tourner et me plaque contre le mur en tenant
ma tête entre ses mains. Ses lèvres deviennent plus dures, et il glisse sa
langue dans ma bouche. Il a le goût et la chaleur du sirop de gaufre. Il recule,
le souffle court, et je le vois ajuster son paquet.
— Ça va ?
Je cligne des yeux en voyant son inconfort.
— Ça va.
Il sourit.
— Il va abandonner dans une seconde.
J’éclate de rire.
— J’espère bien que non.
Lorsque les portes s’ouvrent, je sors de l’ascenseur et il me suit, puis me
tire contre son torse, les bras autour de moi, la main sur mon ventre. Il me
serre fort et murmure dans mon oreille.
— Je crois que t’aime bien, Finny.
Je pose ma main sur la sienne.
— Moi aussi, murmuré-je.
Il dépose un rapide baiser sur ma joue et nous entrons dans l’appartement.
Il va me briser le cœur, et je vais le laisser faire, parce pour la première
fois de ma vie, j’ai l’impression que j’ai le droit d’être vulnérable, du moins
avec lui.
TAG
Q uatre jours de tournée en bus avec une femme qui me plaît vraiment, et
maintenant mon corps est trop douloureux pour ne serait-ce que la
draguer.
— Sam ! crié-je en direction de l’autre côté de la pelouse où ils sont en
train d’installer la scène.
— Où veux-tu que je mette ça ?
Je désigne l’enceinte que je porte.
— Dans ton cul, ça irait, me répond-il.
Il sourit, donc je suis certain qu’il plaisante.
Je pose l’enceinte et attends des instructions.
Il avance vers moi et me tape sur l’épaule.
— On peut laisser l’équipe des monteurs s’occuper du reste.
— Tu es sûr ? Je peux continuer, lui dis-je.
C’est un mensonge, mais quand même.
— Eh bien, pas moi. Je prévois de baiser ma femme tout à l’heure, et mon
dos m’en empêchera si on n’arrête pas très vite.
— Eh bien, c’est sûr, dis-je.
Je deviens tout rouge.
Il me dévisage, le regard attentif, puis il hoche la tête.
— Quoi ?
— Rien.
— Non, pas rien. Dis-le.
— Qu’est-ce qu’il y a entre Finny et toi ? demande-t-il.
Je hausse les épaules.
— Rien. Pourquoi ?
Je regarde partout sauf dans sa direction.
— Parce que, répond-il lentement, elle fait partie de ma famille, et je veux
être sûr que tu as de bonnes intentions.
— Et quelles seraient ces intentions ?
— Les bonnes. Pas seulement le genre je-veux-être-dans-sa-culotte.
— J’ai de bonnes intentions. Et aussi les intentions du genre je-veux-être-
dans-sa-culotte. Et aussi les intentions du genre je-veux-la-faire-tomber-
follement-amoureuse-de-moi.
Il écarquille les yeux.
— Merde. Tu es un sacré toutou à sa mémère.
— Tu as raison.
Il a raison. Je suis un toutou. Je l’ai regardé marcher près de moi cet
après-midi, et elle m’a fait un clin d’œil, et je me suis retenu pour ne pas lui
courir après et l’embrasser sur le champ devant tout le monde.
— Tu crois que j’ai une chance ?
Je m’assieds sur l’enceinte et il s’assied à côté de moi.
— Finny est un drôle d’oiseau, répond-il.
J’ouvre la bouche pour protester, mais il me fait signe de me taire.
— Accroche-toi, dit-il. Finny est une musicienne extrêmement
talentueuse. Elle est féroce avec les cordes de la guitare, mais elle a peur de
tout.
— Elle agit comme si elle n’avait peur de rien.
— Elle sait très bien cacher son jeu.
Il pointe son doigt vers moi.
— Mais du moment que tu as de bonnes intentions, je vous laisserai
tranquilles tous les deux.
Je hoche la tête.
— Tu n’as pas à t’inquiéter. Mes intentions sont honorables.
Enfin, j’aimerais bien me retrouver dans sa culotte aussi, mais c’est quand
même honorable.
— Vas-y juste doucement avec elle, dit-il.
Il pince les lèvres.
— Je retire ça, ajoute-t-il. N’y va pas doucement avec elle. Si tu
tergiverses, elle ne te dira jamais ce qu’elle ressent.
— Tu penses qu’elle ressent quoi ? lui demandé-je.
— Je pense qu’elle t’aime beaucoup.
Il pointe son doigt par-dessus mon épaule.
— Elle n’arrête pas de te regarder.
Toutes les filles et Emily sont sur la scène, et elles testent les micros et
l’équipement. Finny lève le pouce pour indiquer que son équipement est ok.
Elle me regarde et sourit, et j’en ai un instant le souffle coupé.
— Je ne m’inquiète plus de tes intentions, dit doucement Sam.
— Pourquoi ?
— Parce que quand elle t’a souri, tu as eu l’air d’être l’homme le plus
heureux du monde.
Il me sourit.
— Félicitations.
Marta apparaît avec une poussette double. Sammy, le bébé de deux mois
de Sam, est dans l’un des sièges et mon fils est dans l’autre. Elle s’arrête
devant nous.
— J’ai décidé de garder les deux garçons ce soir pour que vous puissiez
vous reposer, dit-elle.
Je hausse les sourcils.
— Quoi ?
Elle me sourit.
— C’est purement égoïste. J’aime bien le petit gars, et il m’aime bien, et
je pense que tu as besoin de faire un break.
— Je ne peux pas vous demander ça, objecté-je.
— Tu ne me le demandes pas. Je te le dis.
— Vous êtes sûre ?
Mon cœur s’emballe à l’idée d’une nuit de sommeil ininterrompue.
— Emilio et moi avons pris une chambre d’hôtel pour avoir assez de
place pour les berceaux.
Elle me fait un clin d’œil.
— Profitez d’une nuit sans bébés ni parents dans le bus.
Je rougis. Elle n’est sûrement pas en train de proposer…
— Mec, je crois qu’elle vient de te dire d’aller t’envoyer en l’air, me dit
Sam en penchant la tête vers moi.
— Non.
Il sourit.
— Elle l’a carrément fait.
Marta se tourne pour me faire face.
— Elle l’a carrément fait, dit-elle.
Elle me sourit à nouveau.
— Je suis peut-être vieille, mais je ne suis pas encore morte.
Je me penche et embrasse mon fils sur le front. Il tourne la tête comme
s’il voulait téter ma joue, et je le laisse me pousser du nez une minute. Mon
Dieu, je l’aime tant !
— Je te verrai demain, lui dis-je.
Je l’embrasse et presse mon visage contre sa peau tendre un peu plus
longtemps que je ne le devrais, je le sais.
— Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit, dis-je à Marta.
— Bien sûr.
Elle se hisse sur la pointe des pieds et m’embrasse rapidement sur la joue.
Puis elle dit à voix basse pour que je sois le seul à entendre :
— Finny a peur de dormir avec un homme.
Finny a couché avec de nombreux hommes, pensé-je.
— Dormir avec un homme est tellement plus intime que de s’envoyer en
l’air avec lui.
Elle me dévisage.
— Tu le sais ?
Puis elle s’éloigne et emmène mon fils avec elle.
— Mec, tu peux me donner vingt minutes avant de monter dans le bus ?
me demande Sam.
Sérieusement, il me demande de rester dehors pour pouvoir faire l’amour
à sa femme ? Je lui souris.
— Ça te prend vingt minutes ?
— Non, aujourd’hui ça devrait m’en prendre deux, mais je lui en
donnerai vingt, si tu peux rester dehors.
— OK.
Je regarde ma montre.
— Ça commence maintenant.
Sam s’avance vers Peck, lui murmure quelque chose à l’oreille, prend sa
main et la tire vers le bus. Elle rit et fait semblant de se débattre, mais il ne la
laisse pas faire. Finalement, il passe son bras autour d’elle et la guide vers le
bus tandis qu’elle continue à rire.
Finny est si belle sur la scène que je n’arrive pas à détourner mon regard
d’elle. J’avance lentement vers elle. Elle est avec Emily et Logan. Je ne
connais pas très bien Logan, mais je sais qu’il est sympa. Il s’est récemment
fait installer un implant cochléaire, mais il parlait déjà bien avant ça, d’après
ce que j’ai compris. Je me dirige vers Finny et pose ma main au milieu de son
dos. Elle se presse contre moi tout naturellement, et mon cœur s’emballe.
— Tu as quelque chose de prévu ce soir ? lui demandé-je. Je pose mes
lèvres sur sa tempe et les laisse là. Elle ferme les yeux une seconde.
— Non. Et toi ?
Elle me regarde timidement.
— Tu veux sortir dîner avec moi ?
Mon cœur bat à cent à l’heure pour une raison que lui seul connaît.
Elle tend les bras, prend mon visage entre ses mains et me regarde dans
les yeux.
— Tu n’es pas fatigué ?
— Pas assez pour ne pas te montrer à quel point j’ai envie de passer du
temps avec toi, admets-je. Jamais trop fatigué pour ça.
Je retire sa main de mon visage et presse mes lèvres sur sa paume. Les
poils de ses bras se hérissent.
— Et si on allait chercher une pizza et qu’on la ramenait dans le bus ?
Sa voix tremble.
— OK.
Je me penche près de son oreille.
— On est censé laisser vingt minutes à Sam et Peck de toute façon. J’ai
promis.
Elle grogne.
— Ça ne prendra pas vingt minutes à Sam.
Je recule ma tête pour pouvoir la regarder.
— Comment tu le sais ?
Elle hausse les épaules.
— Les filles parlent.
Elle rougit.
— Est-ce que tu leur as parlé de moi ?
— Je leur ai donné la taille exacte de ton pénis et leur ai dit qu’il penchait
légèrement vers la gauche.
Mon cœur s’arrête.
— C’est pas vrai.
Elle me pousse l’épaule.
— Je plaisante. La seule qui sait à propos de nous c’est Lark. Et c’est
parce qu’elle t’a surpris en train de sortir de ma chambre. Je ne lui ai rien dit.
Enfin, pas que ta bite m’a laissée courbaturée ni rien.
Je souris.
— Je t’ai donné des courbatures ?
— Et tu as laissé la marque de ta main sur mon cul.
— Elle avait disparu avant même que je parte cette nuit-là.
Elle me regarde dans les yeux.
— Elle sera présente pour toujours dans mon esprit.
Je me penche et l’embrasse rapidement.
— Dans le mien aussi.
— Alors, pizza ?
Je hoche la tête, et elle glisse sa main dans la mienne.
— Je crois qu’il y a un endroit à deux rues d’ici. On va marcher.
Elle tend la main, prend la casquette de baseball sur ma tête et la pose sur
la sienne.
— Je ne veux pas qu’on me reconnaisse, explique-t-elle.
Elle est si mignonne avec ma casquette de baseball que je crois que je ne
pourrai jamais la récupérer. Elle me sourit, alors j’attrape le bord de la
casquette et tiraille dessus. Elle se met à sourire de toutes ses dents.
— Je t’aime vraiment bien, lâché-je.
Elle sourit de plus belle.
— Moi aussi je t’aime bien.
— Tu me rendrais un service ?
— Ça dépend de ce que c’est, dit-elle d’un air sceptique.
— Ne me laisse pas tomber amoureux de toi si tu n’es pas capable de
m’aimer, OK ?
Elle inspire rapidement, et pendant un moment je panique. Mais ensuite
elle se met sur la pointe des pieds et m’embrasse, et je sais que c’est ce
qu’elle ressent aussi. Je le vois. L’étau qui serrait mon cœur se desserre un
peu.
— Pizza, murmure-t-elle contre mes lèvres.
— Oui, murmuré-je contre sa peau.
Soudain, quelqu’un me cogne l’arrière du genou et je trébuche.
— Qu’est-ce que…
Je me retourne et vois Logan qui me regarde fixement.
— Emily et moi prenons une chambre ce soir, dit-il. Sa mère et son père
sont en ville et ils ont Kit.
Je hoche la tête.
— OK. Merci de prévenir.
Il sourit.
— Amusez-vous bien.
J’essaye de ne pas trop sourire.
— Nous n’en sommes pas encore là.
— C’est pourquoi j’ai dit amusez-vous bien et non baisez bien.
Il me tape dans l’épaule et passe devant nous.
— Alors, il n’y a que toi et moi, et Sam et Peck dans le bus ce soir ?
demande Finny.
Il y a un second bus pour les autres.
— On dirait bien.
— Pourquoi vous ne prenez pas toutes une chambre d’hôtel ? lui
demandé-je.
Elle hausse les épaules.
— On aime bien le bus. À force de voyager, c’est un peu comme une
seconde maison.
Elle attend un peu.
— Alors on ne sera pas tout seuls ce soir, dit-elle.
— Non.
Je la regarde dans les yeux assez longtemps pour la faire rougir.
Elle me sourit timidement mais ne dit rien. Nous allons chercher des
pizzas et elle se bat avec moi pour que je la laisse payer.
— Tout le monde va les manger ! me dit-elle. Pas seulement nous. Je ne
te laisse pas payer pour nous tous. Le groupe a un budget pour ça.
— Alors laisse-moi au moins payer la mienne.
— Tu fais partie du groupe, andouille.
Je ris.
— Est-ce que tu viens de me traiter d’andouille ?
— Peut-être.
Puis elle commence à rire aussi. Je lui donne le temps de se calmer
pendant que je prends sa carte et paye les pizzas. Puis nous repartons vers le
bus.
— Je suis vraiment contente que tu sois là, dit-elle.
Elle pose sa main sur ma poche arrière.
— Continue comme ça et je vais arrêter d’être un gentleman.
Elle me pince le cul et je sursaute, manquant faire tomber les pizzas.
— Tu vas m’attirer tellement d’ennuis, lui dis-je.
Mais j’en suis heureux. Je ne me suis jamais senti aussi vivant. Pas
jusqu’à ce que je commence à passer du temps avec elle.
Nous retournons au bus et elle ouvre la porte. Nous montons rapidement
les marches parce que, honnêtement, j’ai envie de poser les pizzas pour
pouvoir l’attraper et la serrer contre moi.
Mais lorsque nous entrons dans le bus, elle hurle et se retourne
immédiatement vers moi.
— Oh, mon Dieu, Sam ! crie-t-elle. T’es sérieux ? Cache ce truc. Oh mon
Dieu. Oh mon Dieu. Oh mon Dieu, répète-t-elle pour elle-même, les mains
sur les yeux, tandis qu’elle enfouit son visage dans mon torse.
— Désolé, dit Sam. On pensait que vous ne reviendriez pas avant
quelques minutes.
Sam et Peck se dépêchent de se rhabiller. Je vois beaucoup trop de cul de
Sam lorsqu’il se tourne pour cacher Peck avec son corps.
— Tu as dit que tu avais besoin de vingt minutes. On t’en a donné trente,
lui dis-je.
Je regarde par la vitre du bus. Je regarde partout sauf vers eux, parce que
j’ai vu bien trop de Sam. De Peck on n’a pu voir que le derrière -et quel joli
derrière- mais Sam… Sam était enfoncé jusqu’aux boules.
— Eh bien, quand vous n’êtes pas revenus après vingt minutes, on a
décidé de le refaire. Faites-moi un procès pour être excité par le fait d’avoir
ma femme rien que pour moi.
Sam passe son T-shirt sur sa tête et remonte son pantalon qui était sur ses
chevilles.
— Désolé, dit Peck. Vous n’avez rien vu, n’est-ce pas ?
Son regard fait des allers-retours entre Finny et moi.
— Je n’ai rien vu, déclaré-je.
Elle n’a pas l’air de me croire.
— Je peux te parler une seconde ? lui demande Finny. Dehors ?
— Est-ce que ça va ? demandé-je à Finny.
— Je crois que je vais être traumatisée à vie, me murmure-t-elle.
Mais elle sourit.
Elle sort du bus avec Peck. Sam tend la main vers les pizzas.
— Mec, va te laver les mains, lui dis-je en écartant la boîte.
— Sérieux ?
Je lui lance un regard noir.
— Sérieux.
Il marmonne en allant au lavabo.
— Si j’ai envie de manger avec la chatte de ma femme sur mes mains, je
devrais pouvoir le faire.
— Tu peux quand c’est ta propre pizza, lâché-je.
Il ricane.
— Hé, ne dis pas à Peck que tu as vu quelque chose, OK ? Elle va péter
les plombs.
— Je ne dirai rien, lui assuré-je.
Mais je sais qu’il a vraiment de la chance.
FINNY
J emouvement.
me lève au petit matin avec la sensation que le bus est en
C’est un balancement léger, mais j’ouvre quand même les
yeux et regarde à travers la minuscule vitre. Le soleil pointe à peine à
l’horizon. Finny glousse dans mes bras et je la regarde.
— Pire que des lapins, murmure-t-elle en s’approchant pour pouvoir me
parler discrètement à l’oreille.
— Qu’est-ce qui est pire que des lapins ?
Je me passe une main sur le visage et tente de me réveiller.
— Sam et Peck.
— Oh. C’est eux ?
— Ils baisent. Encore.
Elle roule les yeux et presse ses lèvres contre mon menton.
— Bonjour.
Elle frotte sa tête contre mon cou.
Je bande, et des gens à quelques centimètres de moi sont en train de le
faire comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis un an. Peck commence à faire
de petits bruits qui me donnent envie de mettre mes doigts dans mes oreilles
et de chanter lalalalalalalalala.
Finny se redresse et chevauche mes hanches, sa peau contre la mienne.
— Tu veux te changer les idées ?
Je prends son visage entre mes mains et la regarde dans les yeux.
— Qu’est-ce que tu as à l’esprit ?
Elle m’embrasse doucement. Elle a le goût du matin et de la somptuosité,
tout ça empaqueté dans un corps minuscule.
— Ça va marcher, murmuré-je lorsqu’elle relève enfin la tête. Mon
cerveau est tout retourné et je réalise que ce baiser m’a ennivré.
Peck émet des sons de plus en plus forts et ils finissent par atteindre leur
point culminant. Je ferme les yeux pour essayer de faire abstraction du bruit.
Mais Finny crie comme si elle regardait un match de foot et se relève
légèrement dans le minuscule espace pour pouvoir taper dans ses mains.
— Super ! dit-elle. Bien joué, Sam !
Finny ouvre un peu le rideau de notre côté et Sam ouvre le sien de son
côté, et ils se tapent dans la main. Peck sort la tête honteusement.
— Désolée, dit-elle, les joues toutes roses. On ne savait pas que vous
étiez réveillés.
— Eh bien, c’est difficile de dormir avec tout ce boucan, répond Finny.
Et le balancement.
— Le bus bougeait ? demande Peck à Sam.
— Oh que oui, le bus bougeait, répond-il en ricanant.
Puis il referme le rideau.
— Comment tu crois qu’ils ont réussi à faire ça dans un espace aussi
petit ? murmuré-je dans l’oreille de Finny.
Elle bouge légèrement ses hanches et dit :
— Je pense qu’on pourrait le faire.
Elle glousse lorsque j’attrape ses hanches pour l’immobiliser. Si elle
continue sur le sujet, je vais nous faire quelque chose qui va nous gêner tous
les deux.
Elle passe la main entre nous et empoigne ma queue. J’expire lourdement.
— Chut, murmure-t-elle.
— Ne fais pas ça, Finny.
J’attrape sa main et tente de l’arrêter. Elle retire sa main et frotte sa
chaleur contre ma queue.
— Ne fais pas ça non plus, dis-je.
Je roule pour la faire tomber dans le petit espace à côté de moi et nous
nous retrouvons face à face. Je glisse mes doigts sous son T-shirt pour
attraper sa hanche nue. Elle m’embrasse et ça m’envoie une flèche
directement dans les orteils. Mon cœur commence à s’emballer.
Je lève la tête et grogne.
— Je devrais me lever.
Elle tend la main et la glisse dans mon boxer, enroulant fermement son
poing autour de moi.
— Certaines parties de ton corps sont déjà levées, dit-elle espièglement.
— Finny, me plains-je doucement.
Je ne veux pas que Peck et Sam m’entendent supplier.
— J’ai tellement envie de jouir, murmure-t-elle dans mon oreille.
Je me fige.
— Vraiment ?
Elle hoche la tête.
— Eh ben merde, dis-je. Laisse-moi t’aider.
— Non… répond-elle lentement en me regardant dans les yeux. Nous ne
sommes pas prêts.
Je glisse ma main le long de ses côtes, soulevant légèrement son T-shirt.
— Ça va, ça ?
Elle remonte son T-shirt au-dessus de ses seins pour répondre à ma
question.
— Si belle.
Je gémis et enfouis ma tête contre sa peau douce, déposant des baisers ici
et là. Puis elle saisit son sein et tire ma tête contre son téton rebondi.
Elle pousse un petit soupir lorsque je commence à le lècher. Je le suce un
peu, et le son de sa respiration manque me faire jouir dans mon boxer. Je
mordille, embrasse et suce jusqu’à ce qu’elle se tortille dans mes bras. Ses
tétons sont devenus extra-durs sous mes baisers et ils pointent contre mon
torse lorsque je la tire contre moi.
— Je peux te toucher ? demandé-je.
Ma main survole l’élastique de son pantalon et se pose à plat contre son
ventre, les doigts pointés vers sa fente.
— S’il te plait, dit-elle.
Je glisse mes doigts dans sa culotte et farfouille dans ses lèvres du bas
pour trouver sa douceur humide, chaude et glissante. Elle m’embrasse
pendant que je cherche son clitoris, et elle mordille délicatement ma lèvre
inférieure, puis arrête de bouger lorsque je trouve le bon endroit.
— Juste là ? murmuré-je.
Elle hoche la tête.
Je décris de petits cercles, guidé par les mouvements de ses hanches.
Puis je la sens tirer sur l’élastique de mon boxer. Je me fige une seconde,
attendant de voir ce qu’elle va faire. Elle tient l’élastique d’une main et
crache dans l’autre, puis elle enroule ses doigts fins autour de ma queue.
J’ouvre grand la bouche et j’essaye de ne pas faire de bruit. Elle m’incite
à recommencer à bouger mes doigts contre son clito lorsqu’elle bouge les
hanches. Elle m’embrasse, étouffant mon souffle rauque. Quelques secondes
plus tard, je suis prêt à jouir, mais je me retiens. Sa respiration est rapide
contre mes lèvres, et elle fait un petit bruit. Il s’amplifie légèrement, mais je
suis quasiment certain que seuls elle et moi pouvons l’entendre. C’est le son
le plus doux que j’aie jamais entendu. Soudain, elle attrape mon visage avec
la main qui n’est pas autour de ma queue et me regarde dans les yeux.
Puis elle jouit dans mes bras. Je gicle dans son tout petit poing, et elle
l’étale sur le bout de ma queue et continue à me branler tandis qu’elle tremble
et frissonne dans mes bras. Je la caresse, de plus en plus doucement à mesure
son corps se détend.
— Waouh, lâche-t-elle lorsque nous nous immobilisons tous les deux.
— Ouais.
J’enfouis ma tête dans son épaule et embrasse sa clavicule, et je remonte
le long de son cou jusqu’à son visage.
— Waouh, répété-je comme un idiot.
Soudain, nous entendons des applaudissements provenant de l’autre lit.
— Super ! dit Sam.
Il siffle deux ou trois fois, et je sens Finny enfouir son visage dans mon
torse. Je lui caresse les cheveux et lui demande si ça va.
Sa tête remue contre moi et je réalise qu’elle rit.
— Au moins on n’a pas fait bouger le bus ! crie-t-elle.
— Tout le monde ne peut pas être aussi génial que moi, crâne Sam.
— Je ne sais pas, me murmure Finny. C’était vraiment incroyable.
Elle arrange sa culotte et roule sur moi pour sortir du lit. Elle revient les
mains humides parce qu’elle vient de les laver et me passe un gant de toilette
humide et chaud. Je me nettoie rapidement et elle le jette dans un panier.
Elle remonte dans le lit avec moi et pose sa tête sur mon torse.
— On peut retourner dormir ? demande-t-elle.
Je hoche la tête et la serre contre moi.
— Tu n’avais pas besoin de faire ça, lui dis-je.
— Je sais.
Elle embrasse la barbe naissante sur mon menton.
— C’est pour ça que c’était si merveilleux.
Elle se blottit contre moi. Nos cœurs battent à l’unisson. J’ai enfin la clé
de cette porte étiquetée « Bonheur », et elle est là, grande ouverte devant moi.
FINNY
Q uelqu’un secoue mon orteil et je retire mon pied, mais mon genou cogne
le haut du lit superposé et je grogne.
— Mec, réveille-toi, dit Sam. On a besoin de toi quelque part.
— Quoi ?
Je lève la tête.
— Où est Finny ?
Je regarde tout autour en tentant de retrouver mes esprits.
— Lève-toi, mec, répète-t-il.
Il regarde son téléphone et envoie un message.
— On doit y aller.
— Aller où ?
Il me sourit d’un air niais.
— Tu verras.
Je me lève et m’habille, et nous sortons du bus ensemble.
— Par ici, dit Sam en désignant le bout de la rue.
— Où allons-nous ? demandé-je.
Il me sourit.
— Tu verras.
Il se trame quelque chose, mais je n’ai aucune idée de ce que ça peut être.
— Alors, c’est quoi ton truc avec la religion ? me demande-t-il.
Je hausse les épaules et rougit.
— Il n’y a aucun truc. C’est juste… Peu importe.
— Non, raconte-moi.
Emilio nous rejoint dans la rue, et dit :
— Raconte moi aussi. Je suis curieux.
Je fourre mes mains dans mes poches.
— Quand je n’avais rien du tout, et que j’avais l’impression d’être au
fond du gouffre, ma foi m’a maintenu en vie. Lorsque tout nous est enlevé, la
foi est tout ce qu’il nous reste.
Emilio hoche la tête et me tape sur l’épaule.
— Pas faux, dit-il.
Nous montons les marches d’une toute petite église à quelques rues de la
salle de concert, et j’entends des orgues à l’intérieur. Mon cœur se remplit
d’amour, parce que la religion est la seule chose qui m’a maintenu en vie
pendant longtemps. Je suis quand même toujours perplexe sur le but de notre
visite à l’église. Jusqu’à ce que nous entrions et que je voie Finny assise sur
un banc avec mon fils dans les bras à côté de Marta.
Elle me sourit et j’ai l’impression que mon cœur s’ouvre en grand.
— Qu’est-ce que vous faites ? lui murmuré-je en me glissant près d’elle.
— Nous allons à l’église, murmure-t-elle à son tour.
J’embrasse le front de Benji et il agite les pieds. Emilio va s’asseoir de
l’autre côté de Marta, et Sam s’installe sur le banc derrière nous. Quelques
minutes plus tard, Peck et leur bébé le rejoignent, et bientôt tous les autres
arrivent aussi. Star et Josh, et Logan et Emily arrivent avec leur petite fille.
Emily pose une main sur son ventre de femme enceinte et Logan la regarde,
et ils n’ont pas l’air mécontents d’être là. Lark et Wren arrivent, et Wren
vient m’embrasser sur la joue. Puis Star me donne un petit coup sur le côté de
la tête et je sais que tout va bien. Ça va aller.
— Pourquoi tout le monde est là ? murmuré-je à Finny.
Elle prend mon visage entre ses mains et me répond :
— C’est ce que font les familles, Tag.
Mon cœur s’ouvre comme une coquille de noix et je dois m’essuyer les
yeux.
— Mais personne n’est religieux ici, si ?
Elle me sourit.
— Est-ce que c’est important ?
— J’imagine que non, réponds-je, plus pour moi que pour elle.
Pendant l’heure qui suit, nous écoutons un sermon sur l’importance d’être
gentil, et je regarde Sam et Logan pencher la tête durant la prière, l’air
respectueux et sérieux. Je suis surpris par tout ça, mais ça me semble sincère.
Le prêtre demande qui veut venir à l’autel, et je frotte mes mains moites
sur mes cuisses.
— Tu devrais y aller, murmure Finny.
— Tu veux venir avec moi ? lui demandé-je.
Elle hoche la tête. Je lui prends Benji et nous allons main dans la main
avec mon fils jusqu’à l’autel. Je m’agenouille, et Finny s’agenouille à côté de
moi et prend ma main. Le prêtre prononce quelques mots et je regarde Finny.
— Je vais demander à ton père si je peux te faire ma demande en
mariage, lui dis-je.
Elle cligne des yeux, mais hoche la tête.
— OK, murmure-t-elle avant de serrer ma main. Il risque de dire non.
Il serait idiot de ne pas le faire, songé-je.
Je ricane.
Nous écoutons le prêtre prier au-dessus de nous, et une sensation de paix
m’envahit. J’ai un peu perdu la foi quand Julia m’a quitté et a voulu donner
notre bébé. Mais je l’ai retrouvée. Et tout ça grâce à Finny.
— Je dirai oui, murmure-t-elle en me regardant du coin de l’œil et en
penchant légèrement la tête.
Mon cœur s’emballe.
FINNY
B ontremblent
sang, j’en ai le souffle coupé. Mes genoux flanchent et mes mains
quand je retire mes vêtements. Elle me regarde depuis la
douche, les yeux perçants. Elle prend le shampoing et le verse dans sa paume,
puis elle commence à se laver les cheveux. Elle ferme les yeux quand j’arrive
derrière elle et tire ses fesses contre mes cuisses. Ma queue est si dure que je
pourrais enfoncer des clous avec, mais je veux prendre mon temps. Je veux la
savourer.
Je la retourne face à moi et enlève ses mains de ses cheveux pour les
remplacer par les miennes.
— Laisse-moi faire, dis-je lorsqu’elle commence à protester.
Elle pose ses mains à plat sur mon torse et me laisse savonner ses
cheveux en gémissant parce que c’est agréable. Je remets sa tête sous le jet et
regarde la mousse descendre sur son corps, là où ma langue meurt d’envie
d’aller.
Je l’embrasse, et nos bouches fusionnent sous l’eau jusqu’à ce que je ne
puisse plus respirer. Je lève la tête et prends le jet sur le visage. Ses lèvres
touchent le dessous de mon menton et remontent doucement vers mon oreille,
mordillant au passage ma mâchoire, délicatement et divinement. Je
l’embrasse à nouveau. Ça ne me suffit pas.
— J’ai besoin de toi, dis-je.
Elle me regarde.
— J’ai envie de toi, continué-je.
Elle me regarde droit dans les yeux, et je sens sa respiration devenir
saccadée.
— Je t’aime.
Elle rougit.
— J’ai besoin de me laver, répond-elle.
Je souris.
— Je ne vais pas t’en empêcher.
— Il se pourrait que j’aie besoin d’un peu d’intimité.
Ma queue est dure entre nous, et je la presse dans la fente entre ses
cuisses.
— Tag ! crie-t-elle. Il faut que je me lave.
Je recule et la retourne contre le mur.
— Plus tard, réponds-je près de son oreille.
Je recule son arrière-train vers moi et écarte ses fesses avec mes pouces.
— Est-ce qu’on est bon ? demandé-je avant de mordre légèrement son
épaule.
— Bon ?
— Je me suis fait dépister. Et toi ?
Elle hoche la tête et pose les mains à plat sur les carreaux qui entourent la
baignoire.
— Juste après que toi et moi… Oui. J’ai passé le test.
J’ai envie de le lui demander. J’ai besoin de le lui demander. Mais je ne
vais pas le faire. Je ne peux pas. Parce que ça me briserait le cœur de savoir.
Apparemment, elle lit dans mon esprit.
— Je n’ai eu personne depuis toi, Tag.
— Et ce mec que tu as ramené à la maison… ?
— Il m’a embrassé. C’est tout.
— Il y a une chance que je te mette enceinte ?
Je caresse sa fente glissante avec le bout de ma queue et elle prend une
inspiration.
— Tu me demandes la permission de me mettre enceinte ? Ou tu exclus
la possibilité d’une grossesse ?
Elle regarde par-dessus son épaule et me rit au nez.
J’y réfléchis un moment.
— J’adorerais te voir enceinte. De mon bébé. Notre bébé. Ton ventre
énorme et gonflé et tes seins bien pleins. Tu serais pleine de nous.
Elle remet ses fesses contre moi.
— Tag…
— Ça ne t’excite pas, c’est ça ?
— Je ne peux pas tomber enceinte. Du moins pas aujourd’hui, dit-elle.
Mais…
Je me fige.
— Mais quoi ?
— Mais je ne l’ai jamais fait sans préservatif. Jamais. Du tout. J’ai peur.
— Je vais prendre soin de toi, Finny. Je le promets.
J’appuie ma queue contre sa chaleur et j’attends.
— Tu me fais confiance ? lui demandé-je.
— Oui ! crie-t-elle.
— Dis-moi que tu es prête pour ça. Pour moi. Pour nous.
J’attends, impatient, collé contre sa chaleur.
— Oui ! crie-t-elle.
Je passe mon bras autour de sa taille et m’enfonce en elle. Elle me prend
tout entier, et elle pousse un petit cri quand je m’enfonce jusqu’aux boules.
Son vagin chaud m’enserre et me retient dans une étreinte douillette et serrée.
— Merde, que c’est bon ! dis-je.
Je palpe ses seins, les soupesant délicatement dans mes mains, et je fais
pointer ses tétons en tirant longuement dessus avec mon pouce et mon index.
— Qu’est-ce que je peux faire pour te faire plaisir ?
Elle enlève une de mes mains de son sein et la pousse vers ses lèvres du
bas ; je fais glisser mes doigts contre sa peau moite. Elle est humide et
glissante, et ce n’est pas à cause de la douche. C’est à cause de son envie de
moi. De ça. De nous. Je trouve son clito et tourne autour en essayant d’être
délicat, mais elle prend mes doigts et me montre que je dois y aller plus fort.
— Mon Dieu, Finny, grogné-je près de son oreille avant de mordiller son
lobe. Je ne peux plus attendre.
Elle m’attrape par la nuque.
— C’est bon. Jouis, Tag.
Je me retire, et même si son vagin soyeux me tente, je ne peux pas y
retourner. Je dois lui donner du plaisir.
Je la retourne et lui pousse le dos contre le mur. Puis je m’agenouille
devant elle, soulève une de ses jambes par-dessus mon épaule, et commence
à lécher sa fente humide. Je trouve rapidement son clito et le suce. Elle
penche la tête en arrière contre les carreaux et ferme les yeux. Ses hanches
bougent au rythme de ma langue et je sens que l’orgasme est proche. Je glisse
deux doigts dans son fourreau soyeux et elle crie. Ses doigts s’emmêlent dans
mes cheveux et elle les tire.
— Désolée, dit-elle. Tu n’aimes pas ça, n’est-ce pas ?
Je prends ses mains et les enfouis dans mes cheveux. Montre-moi à quel
point tu as envie de moi, Finny. Guide-moi. Aime-moi pour que je puisse
t’aimer en retour. Elle tire, et je trouve un rythme qui s’accorde à celui de ses
mains. Sa paroi vaginale se resserre sur mes doigts quand elle jouit, et je
continue de la lécher tandis que son corps gigote et tremble. J’extirpe jusqu’à
la dernière goutte de son orgasme, jusqu’à ce qu’elle s’immobilise et
repousse ma tête.
— À mon tour, dis-je.
Je la soulève et elle enroule ses cuisses autour de mes hanches tandis que
je plonge en elle. Elle est chaude et douce, et je sais que je vais tirer ma
cartouche, donc je la repousse contre les carreaux pour pouvoir pousser plus
fort. J’ai besoin de la prendre. J’ai besoin qu’elle soit mienne.
— Fais-moi jouir comme ça, dit-elle.
— Dis-moi comment, réponds-je.
Je l’embrasse, étouffant ses cris avec ma bouche, les absorbant comme un
carburant.
— Plus fort, Tag ! me presse-t-elle.
Je passe mes bras sous ses genoux et la soulève pour pouvoir la pilonner.
— Mon Dieu, tu es si belle quand tu jouis, dis-je tandis que ses yeux se
ferment et que ses spasmes commencent à me traire. Je vais jouir.
— Est-ce que je peux jouir en toi ? Je peux, Finny ? Je peux jouir en toi ?
Dis oui s’il te plaît. Oh mon Dieu, s’il te plait dit…
— Oui ! Vas-y, Tag !
Je m’enfonce profondément en elle une dernière fois, et je jouis tout au
fond d’elle tandis que son orgasme m’attire plus profond, plus loin, tout au
fond, jusqu’à ce que nous ne puissions pas être plus unis. Jusqu’à ce que je ne
puisse rien faire de plus pour la remplir. Je n’ai jamais joui aussi fort, aussi
longtemps ni avec une telle puissance. Cette femme me remplit. Et elle me
vide complètement. Et elle me fait me sentir entier, tout en prenant une part
de moi. Je ne sais pas comment l’expliquer.
— Mon Dieu, je t’aime, lui dis-je.
Elle m’embrasse, et je lâche ses jambes pour qu’elle puisse se remettre
debout.
— Je me sens molle comme une chiffe, dit-elle en gloussant
nerveusement.
— Ne bouge pas. Je vais te laver.
Je mouille un gant de toilette et commence à la nettoyer, quand elle se
met soudain à gémir.
— Doucement, prévient-elle. C’est un peu douloureux.
Alors, j’essaye d’être le plus délicat possible entre ses cuisses.
— Je t’ai fait mal ?
Je me lève et l’embrasse.
— Non, souffle-t-elle contre mes lèvres. C’était parfait.
Je lave les traces de sperme sur son corps et la nettoie entièrement, puis je
me lave à mon tour. J’arrête l’eau et enroule Fin dans une serviette, puis j’en
passe une autour de mes hanches.
Elle tire la couverture du lit et se glisse nue entre les draps, et je me glisse
derrière elle et la tire vers moi pour que nous soyons l’un contre l’autre
comme deux cuillères dans un tiroir.
— Est-ce que ça va ?
J’embrasse son épaule.
— Oui.
Elle se tourne et embrasse l’intérieur de mon bras, là où sa tête est posée.
— Je vais bien.
Je baille et ferme les yeux, et je sombre dans un sommeil immédiat et
parfait, avec la femme que j’aime dans les bras.
FINNY