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Albert Hirschman
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
allemand
Nom de naissance
Otto-Albert HirschmannVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Albert HermantVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Formation
Activités
Fratrie
Parentèle
Eugenio Colorni (beau-frère)
Altiero Spinelli (beau-frère)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Chaire
Membre de
Arme
Conflits
Distinctions
Œuvres principales

Albert Otto Hirschman (né le à Berlin, sous le nom de Hirschmann, et mort le [1]) est un économiste américain de formation et un socio-économiste hétérodoxe. Ses recherches pluridisciplinaires rendent difficile sa classification dans une des disciplines auxquelles il a contribué telles que l'économie, les sciences politiques ou la sociologie.

Biographie

Hirschman est né à Berlin (Allemagne) de Carl et Hedwig Marcuse Hirschmann (famille juive). Il est le frère cadet de Ursula Hirschmann, qui deviendra la femme de Altiero Spinelli. Il fait ses études au Lycée français de Berlin. À 16 ans, il adhère aux Jeunesses socialistes du Parti social-démocrate (SPD) allemand avec lesquelles il s'opposera, parfois violemment, aux nazis.

En 1933, après la prise de pouvoir d'Adolf Hitler, il quitte l'Allemagne pour la France, où il poursuit ses études supérieures à l'École des hautes études commerciales et à la Sorbonne, puis au Royaume-Uni à la London School of Economics. En 1936, il part en Espagne pour combattre le franquisme. Jusqu'en 1938, il étudie à l'université de Trieste, où il obtient son doctorat d'économie et s'engage dans l'opposition clandestine à Benito Mussolini. Contraint à l'émigration à cause des lois anti-juives, on le retrouve dans un groupe de volontaires allemands et italiens de l'armée française. Après la signature de l'armistice, il participe activement, avec le journaliste Varian Fry, à la protection et à l'exfiltration de personnes menacées par le régime de Vichy.

En décembre 1940, muni de faux papiers au nom d'Albert Hermant, établis à l'instigation de Juliette et Paul Cabouat[2], il est lui-même obligé de fuir vers les États-Unis, où il obtient une bourse de recherche Rockefeller à l'université de Californie à Berkeley (1941-1943). Il sera fait citoyen américain en 1943. Par la suite, il revient en Afrique du Nord au service de l'armée des États-Unis (1943-1946), puis travaille à la réserve fédérale (1946-1952) pour la reconstruction économique de l'Europe sous l'égide du Plan Marshall.

Il donna naissance à deux filles.

En 1952, il choisit de se rendre en Colombie pour être conseiller économique du Concejo de Planificacion Nacional puis, à partir de 1956, conseiller dans le privé. De retour dans le monde académique, il obtient des postes dans les plus grandes universités américaines : Yale (1956-1958), Columbia (1958-1964), Harvard (1964-1974) et au Institute for Advanced Study à Princeton (1974-1985).

En 1985, il prend sa retraite et est nommé professeur émérite.

Recherches

Économie du développement

En 1958, Hirschman publie un ouvrage sur l’économie du développement, The Strategy of Economic Development, qui sera l'un des textes fondateurs de ce nouveau champ de recherches. Il affirme la spécificité des pays en développement, ce qui le conduit à rejeter l'analyse économique standard pour étudier ces pays. Ce livre s'inscrit dans une trilogie dans laquelle Hirschman voulait célébrer, chanter l'épopée du développement, son défi, son drame, sa grandeur. En 1963 paraît ainsi Journeys Toward Progress puis en 1967, Development Projects Observed.

Dans son livre de 1958, il présente ses stratégies de développement économique. L'idée de croissance déséquilibrée, qui rencontra un vif intérêt parmi les pays en développement dans les années 1960, y est formulée. Hirschman voit dans la croissance une succession de déséquilibres, car la croissance se manifeste d'abord dans certains secteurs ou certaines régions, avant de s'étendre au reste de l'économie.

« Our aim must be to keep alive rather than eliminate the disequilibria of which profits and losses are symptoms in a competitive economy. If the economy is to be kept moving ahead, the task of development policy is to maintain tensions, disproportions, and disequilibria. That nightmare of equilibrium economics, the endlessly spinning cobweb, is the kind of mechanism we must assiduously look for as an invaluable help in the development process. »

— The Strategy of Economic Development, p.66

Il existe des liaisons entre les branches industrielles : dans le cas de liaisons en amont (backward linkages), la mise en place d'une industrie va créer une demande pour des intrants (ou input, par exemple l'industrie automobile a besoin d'acier) ; dans le cas de liaisons en aval (forward linkages), le produit d'une industrie peut devenir le facteur de production d'une autre industrie (le forage pétrolier permet la création d'une filière de pétrochimie). Hirschman préconise donc de concentrer les efforts d'investissement sur un nombre limité de secteurs, qui auront été sélectionnés pour leurs effets d'entraînement, afin de créer des pôles de croissance. Les secteurs clés seront l'industrie lourde[3].

À l'époque, ce concept s'opposait à l'idée de croissance équilibrée prônée notamment par Rosenstein-Rodan, Nurkse, Arthur Lewis et Scitovsky (en).

Économie politique

En 1970, il publie son ouvrage le plus connu, Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States. Il montre que les individus ont à leur disposition trois choix lorsqu'ils sont mécontents :

  • la réaction silencieuse (exit) : un consommateur insatisfait peut changer tout simplement de marque de produit ;
  • le renoncement à l'action : le consommateur reste fidèle (loyalty) à la marque ;
  • enfin, la protestation, prise de parole (voice) : la manifestation contre les mauvaises performances de l'entreprise concernée.

Les distinctions d'Hirschman permettent ainsi de penser les conditions d'émergence ou de non-émergence de l'action collective (analyse transférable en sociologie politique).

Récompenses

Hirschman remporta de nombreux prix, dont celui de l'académie américaine des sciences, le prix Talcott Parsons pour les sciences sociales en 1983, le prix Toynbee (en) en 1997-1998 et la médaille Thomas Jefferson de la société américaine de philosophie[réf. nécessaire].

Influence

En 2007, le Conseil pour la Recherche en Sciences Sociales (Social Science Research Council) établit un prix annuel en l'honneur d'Hirschman[4].

En 2017, l'Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID) de Genève (Suisse) crée le centre Albert Hirschman sur la démocratie, avec un soutien financier de la fondation Gnosis (Liechtenstein)[5],[6].

Publications

  • 1958, The Strategy of Economic Development, New Haven, Yale University Press, (ISBN 0300005598). Stratégie du développement, Paris, Les Éditions Ouvrières, 1974.
  • 1961, Latin American issues; essays and comments, New York, Twentieth Century Fund.
  • 1963, Journeys Toward Progress, New York, Twentieth Century Fund, (ISBN 0837101069)
  • 1967, Development Projects Observed, Washington, D.C., Brookings Institution, (ISBN 0815736509)
  • 1970, Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, Cambridge, MA, Harvard University Press.(Face au déclin des entreprises et des institutions), (ISBN 0674276604)
  • 1974, Exit, Voice and Loyalty : Further Reflections and a Survey of Recent Contributions, Social Science Information 13 (February): 7–26.
  • 1977, The Passions and the Interests: Political Arguments For Capitalism Before Its Triumph, Princeton, NJ, Princeton University Press, (ISBN 0-691-01598-8). Les passions et les intérêts : justifications politiques du capitalisme avant son apogée, Paris, PUF, 1997 (ISBN 2130524311), réédité en 2001; édition poche 2011.
  • 1980, National power and the structure of foreign trade, Berkeley, University of California Press.
  • 1982, Shifting involvement, private interest and public action (Bonheur privé, action publique), Paris, Fayard 1983; édition poche, Paris, Hachette, "collection Pluriel", 2006 (ISBN 2012792812) : Hirschman y explique les transitions entre la participation à la vie publique et le repli vers la sphère privé et réciproquement, par un mécanisme impliquant frustrations et déceptions.
  • 1984, L'Économie comme science morale et politique, Paris, Le Seuil (ISBN 2020068230)
  • 1986, Vers une économie politique élargie, Paris, Minuit (ISBN 2707310778)
  • 1991, The Rhetoric of Reaction: Perversity, Futility, Jeopardy (en), Cambridge, MA, The Belknap Press of Harvard University Press. (ISBN 0-674-76867-1) (cloth) and (ISBN 0-674-76868-X) (paper). Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.
  • 1995, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995 (ISBN 2213592381)
  • 1995, A propensity to self-subversion, Cambridge, Mass., Harvard University Press. Un certain penchant à l'autosubversion, Paris, Fayard, 1995 (ISBN 2213594422)
  • 1997, La Morale secrète de l'économiste, (entretiens), Paris, Les Belles-Lettres (ISBN 2251441107)
  • 2011, Exit, voice, loyalty. Défection et prise de parole, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles (ISBN 978-2-8004-1503-1)

Notes et références

  1. LeMonde.fr (21 décembre 2012)
  2. « Paul [Cabouat] », dans Lucie Tesnière, Madame, vous allez m'émouvoir : une famille française à travers deux guerres mondiales, Paris, Flammarion, (ISBN 978-2-08-143759-3), p. 153 sqq — ouvrage sur la famille Cabouat fondé sur des sources d'archives et la littérature secondaire.
  3. À l'époque, le développement économique d'un pays n'était conçu que par le développement de son appareil industriel.
  4. (en) « The Albert O. Hirschman Prize », sur Social Science Research Council (consulté le )
  5. « Un nouveau centre de débat et de recherche: le Centre Albert Hirschman sur la démocratie », sur graduateinstitute.ch (consulté le )
  6. (en) Simon Bradley, « Trust in democratic institutions is ‘in freefall’ », sur SWI swissinfo.ch, (consulté le )

Liens externes