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Cinq semaines après le choix de [[Lucie Castets]] par le NFP, Emmanuel Macron annonce par un communiqué du 26 août qu'il ne la nommera pas<ref name="Poussielgue">"Nouveau gouvernement : Emmanuel Macron refuse de nommer Lucie Castets et lance de nouvelles consultations". Article par Grégoire Poussielgue le 26 août 2024 dans ''[[Les Echos]]'' [https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/nouveau-gouvernement-emmanuel-macron-refuse-de-nommer-lucie-castets-et-lance-de-nouvelles-consultations-2115247]</ref> et "un nouveau cycle de consultations, qui inclura des personnalités non politiques", en soulignant que "les responsables de LFI, du RN et du groupe parlementaire d'Eric Ciotti ne seront pas conviés"<ref name=Poussielgue/>. Au même moment, le RN adopte une attitude de profil bas, afin de capitaliser sur le conflit entre Macron et la gauche<ref name=indian/>, la presse internationale parlant fin août "d'aggravation de la crise politique"<ref name=indian>{{lien web|date=2024-08-27 |titre=Prez Macron sparks political crisis in France by refusing to appoint leftwing Prime Minister |url=https://indianexpress.com/article/world/macron-political-crisis-france-refusing-leftwing-prime-minister-9534650/ |archive-url=https://web.archive.org/web/20240828234924/https://indianexpress.com/article/world/macron-political-crisis-france-refusing-leftwing-prime-minister-9534650/ |archive-date=2024-08-28 |consulté le=2024-08-28 |website=The Indian Express |langue=en}}</ref>. |
Cinq semaines après le choix de [[Lucie Castets]] par le NFP, Emmanuel Macron annonce par un communiqué du 26 août qu'il ne la nommera pas<ref name="Poussielgue">"Nouveau gouvernement : Emmanuel Macron refuse de nommer Lucie Castets et lance de nouvelles consultations". Article par Grégoire Poussielgue le 26 août 2024 dans ''[[Les Echos]]'' [https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/nouveau-gouvernement-emmanuel-macron-refuse-de-nommer-lucie-castets-et-lance-de-nouvelles-consultations-2115247]</ref> et "un nouveau cycle de consultations, qui inclura des personnalités non politiques", en soulignant que "les responsables de LFI, du RN et du groupe parlementaire d'Eric Ciotti ne seront pas conviés"<ref name=Poussielgue/>. Au même moment, le RN adopte une attitude de profil bas, afin de capitaliser sur le conflit entre Macron et la gauche<ref name=indian/>, la presse internationale parlant fin août "d'aggravation de la crise politique"<ref name=indian>{{lien web|date=2024-08-27 |titre=Prez Macron sparks political crisis in France by refusing to appoint leftwing Prime Minister |url=https://indianexpress.com/article/world/macron-political-crisis-france-refusing-leftwing-prime-minister-9534650/ |archive-url=https://web.archive.org/web/20240828234924/https://indianexpress.com/article/world/macron-political-crisis-france-refusing-leftwing-prime-minister-9534650/ |archive-date=2024-08-28 |consulté le=2024-08-28 |website=The Indian Express |langue=en}}</ref>. |
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Un proche du président ajoute d'autres éléments, hors du communiqué, cités par l'AFP<ref name=Poussielgue/>, mentionnant que le bloc central, la droite et l'extrême droite "lui ont tous signifié la même chose : un gouvernement NFP, avec ou sans ministres LFI, sera immédiatement censuré"<ref name=Poussielgue/>, afin de rejeter « la responsabilité du blocage » sur les partis du [[Nouveau Front populaire|NFP]]<ref name=Poussielgue/>. [[Jordan Bardella]] (RN) a en effet déclaré que le NFP "représente aujourd'hui un danger pour l'ordre public, la paix civile et évidemment pour la vie économique du pays"<ref name=Poussielgue>. |
Un proche du président ajoute d'autres éléments, hors du communiqué, cités par l'AFP<ref name=Poussielgue/>, mentionnant que le bloc central, la droite et l'extrême droite "lui ont tous signifié la même chose : un gouvernement NFP, avec ou sans ministres LFI, sera immédiatement censuré"<ref name=Poussielgue/>, afin de rejeter « la responsabilité du blocage » sur les partis du [[Nouveau Front populaire|NFP]]<ref name=Poussielgue/>. [[Jordan Bardella]] (RN) a en effet déclaré que le NFP "représente aujourd'hui un danger pour l'ordre public, la paix civile et évidemment pour la vie économique du pays"<ref name=Poussielgue/>. |
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⚫ | Par ce refus, [[Emmanuel Macron]] "s'entête à vouloir garder la main" malgré "les menaces de blocage qui pèsent sur le pays à quelques jours de la rentrée", observe l'éditorial du quotidien ''[[Le Monde]]'' en déplorant "une situation politique inédite et dangereuse"<ref>"En France, une situation politique inédite et dangereuse". Éditorial dans ''[[Le Monde]]'' du 27 août 2024 [https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/08/27/une-situation-politique-inedite-et-dangereuse_6296753_3232.html]</ref>. Sa décision de "censurer" [[Lucie Castets]] est aussi dénoncée par [[Raphaël Glucksmann]], pour qui "c'est à l'Assemblée que doit émerger un nom"<ref name="Aucaigne">Article de Zoé Aucaigne et Catherine Fournier, pour France Télévisions le 29/08/2024 [https://www.francetvinfo.fr/politique/direct-recherche-d-un-nouveau-gouvernement-des-elus-locaux-attendus-a-l-elysee-dans-la-matinee-le-ps-ouvre-son-universite-d-ete_6751144.html]</ref>, et l'ex-président [[François Hollande]] y voit une «faute institutionnelle»<ref>RFI le 28/08/2024 [https://www.rfi.fr/fr/france/20240828-pour-fran%C3%A7ois-hollande-la-d%C3%A9cision-d-%C3%A9carter-lucie-castets-est-une-faute-institutionnelle]</ref>. |
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⚫ | Par ce refus, [[Emmanuel Macron]] "s'entête à vouloir garder la main" malgré "les menaces de blocage qui pèsent sur le pays à quelques jours de la rentrée", observe l'éditorial du quotidien ''[[Le Monde]]'' en déplorant "une situation politique inédite et dangereuse"<ref>"En France, une situation politique inédite et dangereuse". Éditorial dans ''[[Le Monde]]'' du 27 août 2024 [https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/08/27/une-situation-politique-inedite-et-dangereuse_6296753_3232.html]</ref>. Sa décision de "censurer" [[Lucie Castets]] est aussi dénoncée par [[Raphaël Glucksmann]], pour qui "c'est à l'Assemblée que doit émerger un nom"<ref name="Aucaigne">Article de Zoé Aucaigne et Catherine Fournier, pour France Télévisions le 29/08/2024 [https://www.francetvinfo.fr/politique/direct-recherche-d-un-nouveau-gouvernement-des-elus-locaux-attendus-a-l-elysee-dans-la-matinee-le-ps-ouvre-son-universite-d-ete_6751144.html]</ref> et l'ex-président [[François Hollande]] |
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==== Les démentis de Bernard Cazeneuve ==== |
==== Les démentis de Bernard Cazeneuve ==== |
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Le 28 août, deux jours après le communiqué d'[[Emmanuel Macron]] annonçant qu'il ne nommera pas [[Lucie Castets]], la président de la région Occitanie [[Carole Delga]] s'entretient avec lui et déclare le lendemain qu'il a le droit de refuser [[Lucie Castets]] mais "le devoir de choisir dans le bloc de gauche"<ref>"Macron «a le droit de refuser» Castets mais «le devoir de choisir dans le bloc de gauche», considère Delga", dans Le Figaro avec AFP le 29 août 2024 [https://www.lefigaro.fr/politique/macron-a-le-droit-de-refuser-castets-mais-le-devoir-de-choisir-dans-le-bloc-de-gauche-considere-delga-20240829]</ref>, allusion aux rumeurs voulant qu'il envisage de désigner l'ancien Premier ministre [[Bernard Cazeneuve]]. Opposante de la direction du PS, elle accuse [[Olivier Faure (homme politique)|Olivier Faure]], déjà venu à l'Elysée en juillet, de ne pas y retourner. "Je suis toujours prêt à négocier, mais aujourd’hui le chef de l’État ne négocie pas", lui répond ce dernier sur RTL<ref> "Candidate à rien", la présidente de la Région Occitanie Carole Delga s’est entretenue avec Emmanuel Macron", ''Centre Presse Aveyron'' avec AFP le 29/08/2024 [https://web.archive.org/web/20240829131238/https://www.centrepresseaveyron.fr/2024/08/29/nomination-du-premier-ministre-candidate-a-rien-la-presidente-de-la-region-occitanie-carole-delga-sest-entretenue-avec-emmanuel-macron-12165534.php]</ref>. Le même jour, [[Bernard Cazeneuve]] dément formellement, à plusieurs reprises, avoir échangé avec [[Emmanuel Macron]] ou avoir été approché ou contacté pour Matignon. Il déclare à France Télévisions qu'il ne souhaite pas être "un cocheur de case"<ref name="Aucaigne" />. |
Le 28 août, deux jours après le communiqué d'[[Emmanuel Macron]] annonçant qu'il ne nommera pas [[Lucie Castets]], la président de la région Occitanie [[Carole Delga]] s'entretient avec lui et déclare le lendemain qu'il a le droit de refuser [[Lucie Castets]] mais "le devoir de choisir dans le bloc de gauche"<ref>"Macron «a le droit de refuser» Castets mais «le devoir de choisir dans le bloc de gauche», considère Delga", dans Le Figaro avec AFP le 29 août 2024 [https://www.lefigaro.fr/politique/macron-a-le-droit-de-refuser-castets-mais-le-devoir-de-choisir-dans-le-bloc-de-gauche-considere-delga-20240829]</ref>, allusion aux rumeurs voulant qu'il envisage de désigner l'ancien Premier ministre [[Bernard Cazeneuve]]. Opposante de la direction du PS, elle accuse [[Olivier Faure (homme politique)|Olivier Faure]], déjà venu à l'Elysée en juillet, de ne pas y retourner. "Je suis toujours prêt à négocier, mais aujourd’hui le chef de l’État ne négocie pas", lui répond ce dernier sur RTL<ref> "Candidate à rien", la présidente de la Région Occitanie Carole Delga s’est entretenue avec Emmanuel Macron", ''Centre Presse Aveyron'' avec AFP le 29/08/2024 [https://web.archive.org/web/20240829131238/https://www.centrepresseaveyron.fr/2024/08/29/nomination-du-premier-ministre-candidate-a-rien-la-presidente-de-la-region-occitanie-carole-delga-sest-entretenue-avec-emmanuel-macron-12165534.php]</ref>. Le même jour, [[Bernard Cazeneuve]] dément formellement, à plusieurs reprises, avoir échangé avec [[Emmanuel Macron]] ou avoir été approché ou contacté pour Matignon. Il déclare à France Télévisions qu'il ne souhaite pas être "un cocheur de case"<ref name="Aucaigne" />. |
Version du 19 décembre 2024 à 15:17
Crise politique française de 2024 | |
Type | Crise politique |
---|---|
Pays | France |
Cause | Dissolution parlementaire et parlement minoritaire à l'Assemblée nationale |
Date | depuis le |
Résultat | Chute du gouvernement Barnier |
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La crise politique française de 2024[a] est une période politique inédite sous la Cinquième République qui survient sur fond de crise sociale et de forte inflation. Après la victoire du Rassemblement national aux élections européennes, la crise débute par la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron en juin, aussitôt suivie par des élections législatives. Celles-ci ont pour résultat un parlement minoritaire, soit qu'aucun des courants politiques n’ait la majorité absolue et qui entraîne la démission du gouvernement Attal. Après deux mois d'affaires courantes, le président de la République nomme Michel Barnier Premier ministre. Celui-ci forme un gouvernement minoritaire soutenu par les macronistes et Les Républicains, qui chute au bout de trois mois après avoir engagé sa responsabilité sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Contexte
Cette crise se produit après de fortes tensions sociales en 2023 et en 2024, sur les problèmes aigus vécus par les agriculteurs, confrontés selon eux à une surtransposition de directives européennes et au traité du Mercosur mais aussi sur les retraites, leur revalorisation en fonction de l’inflation et l’áge légal donnant le droit de partir, qui a été relevé l’année précédente de 62 à 64 ans.
Réforme des retraites et important mouvement social
Le plus notable est le mouvement social contre la réforme des retraites en 2023, un des plus importants mouvements sociaux de l'Histoire de la Ve République, avec une douzaine de journées de grèves et de manifestations s'opposant, de janvier à juin 2023 à la réforme des retraites 2023 d'Élisabeth Borne. Ces grèves et manifestations ont réuni de 1,28 à 3,5 millions de personnes, selon les journées, dans 200 villes[15] et ont fréquemment dérapé sous la forme de coupures d'électricité, blocages de routes, autoroutes, entrepôts et raffineries.
Elle a été adoptée sans vote de l'Assemblée nationale malgré de souhait des deux oppositions, gauche et RN, de pouvoir voter contre, grâce au recours à plusieurs articles de la Constitution, dont le 49.3, contesté par un recours sans succès auprès du Conseil constitutionnel. En mars 2023, une première motion de censure échoue de seulement neuf voix, un tiers des députés LR ayant désobéi à leur parti qui leur avait demandé de ne pas la voter et envisage des sanctions contre eux avant d'y renoncer finalement.
De nombreux médias dont Le Monde considèrent alors l'absence de réponse à ce mouvement social et aux huit syndicats qui l'on mené ensemble comme une crise politique[16],[17],[18],[19],[20],[21],[22],[23],[24],[25],[26],[27].
Malgré le remplacement début 2024 d'Élisabeth Borne, sa réforme des retraites 2023 reste un sujet de discorde profonde, le Rassemblement national annonçant qu'il votera la proposition d'abrogation présentée par la gauche le 5 décembre 2024, jour de de niche parlementaire d'un de ses partis, lui donnant l'ordre du jour, ce qui s'avère impossible, les députés macronistes déposant un nombre élevé d'amendements qui empêche le vote d'avoir lieu[28].
Mouvement des agriculteurs de 2024
En janvier 2024, c'est le mouvement des agriculteurs, en réaction au projet d'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne, une série de manifestations et de blocages routiers organisés par des non-syndiqués et tous les syndicats agricoles (FNSEA, Jeunes Agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne, MODEF).
Ce mouvement appelle fin janvier début février à bloquer Paris, puis c’est le chaos au Salon de l'agriculture le 24 février lors de la visite du président de la République. Il continue ensuite à basse intensité puis reprend en novembre.
Émeutes en Nouvelle-Calédonie
En Nouvelle-Calédonie, la crise est précédée dès mai 2024 par de violentes émeutes qui font treize morts, à la suite du projet de révision constitutionnelle visant à mettre partiellement fin au gel du corps électoral habilité à voter aux élections provinciales.
Déroulement
Dissolution surprise de l'Assemblée nationale
La crise éclate après l'annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l'Assemblée nationale, au soir des européennes du , qui voient le Rassemblement national (RN) arriver en tête avec 31,37 % des voix, plus du double de celle de la coalition Ensemble (14,60%) réunissant les trois partis soutenant Emmanuel Macron, qui fixe les deux tours des législatives anticipées à fin juin et début juillet[29], ne laissant que trois semaines pour déposer des candidatures et faire campagne, en pleine préparation des premiers premiers JO d'été organisés en France depuis un siècle.
Malgré ces délais très courts, les partis de gauche parviennent à s'unir en créant le Nouveau Front populaire (NFP) tandis que le parti de droite historique Les Républicains éclate en deux tendances, l'une hostile au RN et l'autre s'alliant avec lui.
L'hypothèse Bardella domine la campagne des législatives
La moyenne des sondages donne 36% à 37% des intentions de vote au RN[30] et jusqu'à l'avant-veille du deuxième tour de scrutin prévoient tous sa victoire, avec une majorité relative puis absolue, en prévision du grand nombre de triangulaires où il peut l'emporter, scénario probable car "les gens ne changent pas de convictions politiques en quinze jours", analyse le politologue Olivier Costa, directeur de recherche CNRS[31].
La presse souligne ainsi que "les stratèges de la majorité s’accordent à penser qu’Emmanuel Macron serait enclin" à confier le gouvernement à Jordan Bardella (RN), qui vient de gagner les Européennes, "même en cas de majorité relative", d'autant que l'Assemblée ne pourra être dissoute avant le 9 juin 2025[32]. La campagne électorale se concentre sur l'annonce le 18 juin, anniversaire de l'Appel du 18 Juin, qu'il va "refuser d'être nommé Premier ministre en cas de majorité relative" pour ne pas devenir le "collaborateur d’Emmanuel Macron"[33], ce qui fait penser aux "menaces de démission" pratiquées par De Gaulle, selon la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina[34], en rappelant en 2022 que Valérie Rabault, présidente du groupe PS, avait refusé le même poste pour un motif plus classique, juste après l'élection d'Emmanuel Macron[35]. Il préfère "avoir toutes les manettes pour agir, sinon rien", décrypte Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l'université de Poitiers[36], en prévoyant qu'Emmanuel Macron devrait alors "nommer un autre Premier ministre", soutenu par "une coalition de partis", l'option la plus probable étant celle "des macronistes et du NFP"[36]. Le constitutionnaliste Dominique Rousseau ajoute qu'il pourra désigner pour cela une "personnalité chargée de construire une coalition majoritaire" en cas cas "de majorité relative"[37], le scénario Bardella étant lui justifié par l'usage de choisir le Premier ministre "au sein du premier groupe de la chambre" en sièges.
Rien n'empêche le RN former finalement un gouvernement avec une simple majorité relative, afin de ne pas "mécontenter son électorat", pronostique Anne-Charlène Bezzina[32] et ne pas sembler leur dire qu’il refuse le pouvoir", estime aussi le politologue Bruno Cautrès, du CNRS[38]. Ainsi, même en cas de majorité relative, Emmanuel Macron pourrait quand même nommer Jordan Bardella, conclut le journal 20 Minutes[38].
Front républicain dans l'entre-deux tours
La participation surprend par une progression de vingt points, avec 32,90 millions de suffrages exprimés, déjouant le pronostic des sondages. Les 306 triangulaires constatées au soir du 1er tour , trois fois plus que le précédent record en 1997, sont du jamais vu[39]. Il n'y en a finalement que 90, car 224 candidats arrivés troisième se sont désistés, "dont environ 58% du NFP et 36% du camp présidentiel"[40]. Un appel au Front républicain, lancé par plusieurs personnalités du NFP avant le 1er tour, fait tache d'huile et le nombre de duels passe de 190 à 408[40], dont 210 avec un candidat RN (147 contre le NFP, 124 face aux macroniste et 39 contre LR). Le RN dénonce "une alliance un peu contre-nature" et le Front républicain apparait d'emblée aux analystes politiques, comme une vague de "consignes en ordre dispersé", sans accord formalisé, affaibli par le fait que "Les Républicains ont refusé la moindre consigne"[41]. Des personnalités comme François Bayrou, Bruno Le Maire, Edouard Philippe ou Jean-Pierre Raffarin, ont appelé à faire barrage au RN mais aussi "renvoyé LFI et le RN dos à dos"[42]. Frédéric Dabi (Ifop) avertit d'une "tendance lourde": les électeurs "ont du mal à suivre les consignes venues des états-majors"[42], et un sondage avant le 1er tour montre 3 électeurs sur 4 assurant ne pas avoir l'intention de suivre[41],[30],[42].
Malgré ces positions discordantes, les candidats Renaissance/Horizons arrivés troisième se désistent 78 fois sur 91[40], dont 25 fois derrière un candidat LFI, sur 33 possibles[40]. Les candidats de gauche arrivés troisième se désistent 88 fois sur 91[40], et même systématiquement côté PS et écologistes[40] et l'avant-veille du second tour, "la prudence" s'installe "face à l'ampleur des désistements", observe BFM, dont le dernier sondage "table désormais" sur une majorité RN "très relative", 200 à 230 sièges [43], faisant émerger la probabilité d'une "grande coalition contre le RN" qui "pourrait se dessiner, avec des membres d'Ensemble, du NFP ou même des Républicains (LR)". C'est "théoriquement possible", mais "il existe une grande marge" d'incertitude, tempère le constitutionnaliste Bertrand Mathieu[44]. Le même jour, Bruno Jeanbart (OpinionWay) prévoit que ce front républicain ne pourrait fonctionner qu'"en partie", avec un RN toujours premier, avec 175 à 205 sièges[33].
Front républicain se révèle efficace deux fois sur trois[40]. Le RN gagne 10 des 11 triangulaires où il est en tête, mais perd 154 des 258 duels où il était arrivé premier, dont 109 à cause d'un désistement. Le NFP déjoue les attentes avec 178 députés qui deviendront 193 en incluant les divers gauche qui siègent dans ses groupes. Également en progression, le groupe LIOT obtient 23 députés, tandis que LR perd environ le tiers des siens, passant sous le seuil de 50.
Le NFP obtient une majorité relative, nettement plus modeste que les 245 députés, en 2022, de la coalition présidentielle Ensemble pour la République, qui arrive deuxième avec 150 députés (164 avec d'autres députés siégeant dans ses groupes). Finalement troisièmes, le RN et ses alliés (143 députés, 54 de plus) ne perdent que 8 des 89 circonscriptions remportées lors de leur première grande vague de 2022[40].
L'Assemblée nationale est ainsi inhabituellement éclatée entre trois grands ensembles et deux autres groupes plus petits (LR et Liot). Ces résultats sont problématiques puisque la Constitution française du 4 octobre 1958 est conçue pour qu'elle fonctionne avec une claire majorité absolue, en dialogue avec un gouvernement de même couleur politique[réf. nécessaire]. Démissionnaire, le , le gouvernement Gabriel Attal assure l'intérim.
Un été sans Premier ministre
Les éclairages des constitutionnalistes
Les quatre semaines de campagne électorale sont suivies à partir du 7 juillet par neuf autres sans nouveau gouvernement. Les constitutionnalistes soulignent d'emblée qu'aucun délai n'est imposé, les forces politiques ayant besoin de tempps pour s'accorder à la situation nouvelle, comme dans les autres démocraties européennes[45]. Dès le lendemain du vote, Jean-Philippe Derosier rappelle que ce n'est pas Emmanuel Macron qui choisira le Premier ministre, personnalité qui "s'imposera à lui"[46]. "Si la gauche se met d’accord sur un nom", il "pourra difficilement faire la sourde oreille", même s'il n'en a "aucune obligation légale", déclare la semaine suivante le constitutionaliste Julien Boudon[45].
Le Nouveau Front populaire propose Lucie Castets le 23 juillet
Le désaccord entre partis du NFP sur le choix d'un Premier ministre remonte à dix jours avant le premier tour[47]. LFI annonce que ce sera le groupe parlementaire le plus important du NFP qui proposera un nom[47],[48] et en cite déjà quatre[49],[47], mais Olivier Faure(PS) préfère un vote parmi tous les députés du NFP[50], en rappelant le bon score de Raphaël Glucksmann(PS) aux récentes européennes et que PS et LFI n'auront probablement chacun qu'un tiers du total des sièges du NFP, même si les investitures ont réservé 229 candidats à LFI contre 175 aux socialistes, 92 aux écologistes et 50 aux communistes[47].
Raphaël Glucksmann ayant proposé le 20 juin Boris Vallaud, Valérie Rabault, François Ruffin, et l'ex-leader de la CFDT Laurent Berger[47], Jean-Luc Mélenchon souligne le surlendemain qu'il a "l’intention de gouverner ce pays"[51], et ce "malgré les réticences de plusieurs voix"[51] au sein du NFP. Marine Tondelier, leader du parti écologiste, assure qu'il "ne sera pas Premier ministre" et demande un choix faisant consensus entre les quatre partis[52]. L'hypothèse d'un choix "très marqué politiquement d'un côté ou de l'autre paraît la moins probable, car il peinerait à dégager une majorité claire" avertit alors la constitutionnaliste Anne Levade[47].
Ce débat reprend après le second tour, pendant deux semaines de négociations quotidiennes entre les quatre partis du NFP. LFI propose d'abord de choisir parmi quatre de ses dirigeants, Manuel Bompard, Clémence Guetté, Mathilde Panot et Jean-Luc Mélenchon[53], puis n'est plus cité que celui de Clémence Guetté[54]. Finalement, chacun des 4 noms est refusé par les trois autres partis. Puis apparait « un plan des socialistes pour pousser Olivier Faure » comme possible Premier ministre, fonction qu'il se dit « prêt à assumer »[55],[54] mais sans être retenu par les autres partis.
Plusieurs noms fuitent ensuite dans la presse. Le 12 février, Huguette Bello, présidente de la région Réunion est proposée par LFI et le PCF[56], mais sans feu vert des écologistes. Le Conseil national du PS du samedi 13 juillet, "n'a pas validé" non plus[56] et LFI reproche ensuite à ce parti de «tout bloquer»[56].
Déclarant souhaiter un nom «d'ici le 18 juillet»[56], le PS propose le Laurence Tubiana, qui le a cosigné dans Le Monde une tribune[57] appelant le Nouveau Front populaire (NFP) à « sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement », en précisant que le « point de départ d’une telle négociation sera bien sûr, du côté du NFP, son programme, mais chacun et chacune d’entre nous sait, et admet par avance, que ce ne sera pas le point d’arrivée dans tous les domaines »[58]. La proposition est écartée par Manuel Bompard (LFI) qui reproche à Laurence Tubiana cette tribune du 11 juillet[59],[60], l'amenant à renoncer[61].
Le , le PS propose Jérôme Saddier et Lucie Castets[62]. Le lendemain, les quatre partis du NFP annoncent valider cette candidature, une heure avant l'intervention prévue d'Emmanuel Macron au journal de 20 heures de France 2, lors de laquelle il la balaie[63],[64],[65] et repousse toute nomination d'un chef de gouvernement à la fin des JO de Paris[66],[67].
Lucie Castets se déclare ouverte à des compromis et concessions avec les autres forces politiques, hormis le RN[68],[69], sans écarter des ajustements dans le projet du NFP[70] ni exclure le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, mais seulement sur un projet de loi « soutenu par la grande majorité des Français »[71],. Dans une lettre du à tous les parlementaires, cosignée par les présidents des 4 groupes parlementaires du NFP, elle écrit vouloir discuter avec les autres groupes parlementaires[72],[73].
Emmanuel Macron refuse Lucie Castets le 26 août
Cinq semaines après le choix de Lucie Castets par le NFP, Emmanuel Macron annonce par un communiqué du 26 août qu'il ne la nommera pas[74] et "un nouveau cycle de consultations, qui inclura des personnalités non politiques", en soulignant que "les responsables de LFI, du RN et du groupe parlementaire d'Eric Ciotti ne seront pas conviés"[74]. Au même moment, le RN adopte une attitude de profil bas, afin de capitaliser sur le conflit entre Macron et la gauche[75], la presse internationale parlant fin août "d'aggravation de la crise politique"[75].
Un proche du président ajoute d'autres éléments, hors du communiqué, cités par l'AFP[74], mentionnant que le bloc central, la droite et l'extrême droite "lui ont tous signifié la même chose : un gouvernement NFP, avec ou sans ministres LFI, sera immédiatement censuré"[74], afin de rejeter « la responsabilité du blocage » sur les partis du NFP[74]. Jordan Bardella (RN) a en effet déclaré que le NFP "représente aujourd'hui un danger pour l'ordre public, la paix civile et évidemment pour la vie économique du pays"[74].
Par ce refus, Emmanuel Macron "s'entête à vouloir garder la main" malgré "les menaces de blocage qui pèsent sur le pays à quelques jours de la rentrée", observe l'éditorial du quotidien Le Monde en déplorant "une situation politique inédite et dangereuse"[76]. Sa décision de "censurer" Lucie Castets est aussi dénoncée par Raphaël Glucksmann, pour qui "c'est à l'Assemblée que doit émerger un nom"[77], et l'ex-président François Hollande y voit une «faute institutionnelle»[78].
Les démentis de Bernard Cazeneuve
Le 28 août, deux jours après le communiqué d'Emmanuel Macron annonçant qu'il ne nommera pas Lucie Castets, la président de la région Occitanie Carole Delga s'entretient avec lui et déclare le lendemain qu'il a le droit de refuser Lucie Castets mais "le devoir de choisir dans le bloc de gauche"[79], allusion aux rumeurs voulant qu'il envisage de désigner l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve. Opposante de la direction du PS, elle accuse Olivier Faure, déjà venu à l'Elysée en juillet, de ne pas y retourner. "Je suis toujours prêt à négocier, mais aujourd’hui le chef de l’État ne négocie pas", lui répond ce dernier sur RTL[80]. Le même jour, Bernard Cazeneuve dément formellement, à plusieurs reprises, avoir échangé avec Emmanuel Macron ou avoir été approché ou contacté pour Matignon. Il déclare à France Télévisions qu'il ne souhaite pas être "un cocheur de case"[77].
Le 4 septembre, le bureau national du PS rejette à 53,5 % un texte porté par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol et la maire de Vaulx-en-Velin Hélène Geoffroy demandant de ne pas censurer a priori un gouvernement dirigé par Cazeneuve dans l'hypothèse où ce dernier reprendrait le programme du NFP[81]. Ce texte sert à "instrumentaliser Bernard Cazeneuve pour des objectifs internes" a estimé la direction du parti[81], les députés PS demandant d'attendre de savoir ce que Bernard Cazeneuve proposerait. Hélène Geoffroy précise alors que ce vote "ne signifie pas pour autant" que l’autre partie du bureau national du PS serait pour une censure automatique. Le lendemain, Emmanuel Macron annonce qu'il nomme Michel Barnier, décision "incohérente" alors qu'il aurait du "chercher sérieusement un Premier ministre de centre gauche", même si "plusieurs autres groupes de gauche" dont celui de Bernard Cazeneuve "n’ont pas manifesté leur soutien"[82] cette solution logique, a réagi dès le 9 septembre 2024 Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à Lille[82].
Le gouvernement Barnier
Le , le président de la République, Emmanuel Macron, nomme Michel Barnier Premier ministre, espérant que l'expérience de ce dernier en tant que négociateur de l'Union européenne durant le Brexit l'aide à rassembler les différents partis autour de lui. La nouvelle coalition gouvernementale, nommée « socle commun » par les intéressés, rassemble à la fois les groupes de la majorité sortante comprenant le groupe Ensemble pour la République, (anciennement groupe Renaissance), le groupe Horizons et indépendants, le groupe Les Démocrates (MoDem) et le groupe Droite républicaine (LR). Avec 210 députés, cette alliance constitue une majorité relative à l'Assemblée nationale.
Cependant, le choix d'un Premier ministre issu des Républicains est contesté par les oppositions, en particulier par le Nouveau Front populaire, qui met en avant que son alliance est arrivée en tête du second tour (192 députés au total après formation des groupes à l'Assemblée), tandis que la coalition Ensemble pour la République (la majorité sortante formée de Renaissance et ses alliés, deuxième avec 163 députés) et Les Républicains (quatrième avec 47 députés) ont fait campagne séparément pendant les élections législatives. Le Rassemblement national avance pour sa part qu'il constitue le groupe (individuel) le plus important à l'Assemblée. La nomination de Michel Barnier est également contestée au motif qu'il ne fut candidat ni aux élections européennes ni aux élections législatives.[réf. nécessaire] Le NFP annonce alors le jour même son intention de voter la censure du gouvernement Barnier dès que possible.
Le , des manifestations dans 150 villes contre « le coup de force d'Emmanuel Macron » réunissent entre 110 000 (selon le ministère de l'Intérieur) et 300 000 personnes (selon La France insoumise, parti organisateur de la plupart des manifestations).
Durant la semaine du 16 septembre, Michel Barnier propose un gouvernement à Emmanuel Macron qui, même si les détails n'ont pas été rendus publics, aurait été rejeté par le président en raison d'une surreprésentation des Républicains. De plus, l'absence de membres du NFP ou du RN, qui ont chacun davantage de députés à l'Assemblée nationale, provoque de vives contestations au sein de ces deux groupes.
Le 17 septembre, le Bureau de l'Assemblée nationale valide l'engagement de la procédure de destitution déposée par la La France insoumise.
Le 21 septembre, d'autres manifestations contre la nomination de Michel Barnier ont lieu dans soixante villes. Le soir-même, la composition du gouvernement Barnier est annoncée ; elle provoque à nouveau la colère des oppositions en raison, d'une part, de la surreprésentation du bloc centriste et de LR et de la quasi-absence de la gauche et, d'autre part, en raison de prises de positions de plusieurs de ses membres par le passé, jugées homophobes par l'opposition de gauche.
Le , jour du discours de politique générale de Michel Barnier, 250 manifestations ont lieu à travers la France, réunissant entre 95 000 personnes selon le ministère de l'Intérieur et 170 000 selon le syndicat CGT. Les manifestants rejettent la nomination de Michel Barnier et exigent l'abrogation de l'impopulaire réforme des retraites de l'année précédente — dont l'adoption sans vote à l'Assemblée nationale, malgré des manifestations records, avait déjà été vécue comme un déni de démocratie —, la revalorisation du SMIC de 2 % et davantage de moyens pour les services publics. En outre, des grèves assez limitées ont lieu, avec 6,08 % de grévistes parmi les enseignants de l'Éducation nationale et des perturbations locales pour les trains régionaux et Intercités. Dans son discours de politique générale de la soirée, entre autres annonces, Barnier accepte la revalorisation du SMIC de 2 % et de renégocier certaines « limites » de la réforme des retraites sans pour autant l'abroger. Il annonce aussi qu'il ne présentera pas au Congrès le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral néo-calédonien, à l’origine des émeutes qui ont enflammé la Nouvelle-Calédonie à partir de .
Le 13 novembre, le parquet requiert plusieurs peines contre Marine Le Pen, donc une inéligibilité de cinq ans, dans l'affaire des assistants parlementaires du RN[83], accusés de s'en servir pour le parti, , comme ce fut le cas pour les assistants parlementaires du parti de François Bayrou et de Jean-Luc Mélenchon[84]. Cette décision, susceptible de mettre court à sa candidature présidentielle en 2027 si le tribunal suit les réquisitions, déclenche les protestations de son parti mais aussi de François Bayrou et Gérald Darmanin.
Motion de censure et chute du gouvernement Barnier
Un mois après son arrivée, Michel Barnier survit à sa première motion de censure présentée par la gauche début octobre pour dénoncer un « hold-up électoral », sans le soutien du RN mais les observateur constatent dès le 28 octobre que le RN "agite de plus en plus la menace" de voter une motion de censure"[85],[86].
Avec la découverte d'un déficit public beaucoup plus important que prévu laissé par les précédents gouvernements (dont l'ancien ministre de l'Économie Bruno Le Maire), le gouvernement Barnier établit son projet de budget pour 2025 en coupant drastiquement dans les dépenses publiques, ce qui provoque le mécontentement de nombreux services publics et secteurs économiques ainsi que des élus locaux, qui ne s'estiment pas responsables.
Le 18 novembre, Sébastien Chenu (RN) critique « un très mauvais budget » qui « crée toutes les conditions de la censure » [87] et dans la foulée Marine Le Pen annonce que le RN votera la censure si «le pouvoir d'achat des Français est amputé»[88], quelques jours avant une rencontre avec Michel Barnier[89], dont elle sort le 25 novembre en le jugeant « campé sur ses positions » de refuser les demandes du RN de renoncer au relèvement la taxe sur l’électricité, à la désindexation temporaire et partielle des retraites ou encore la baisse de remboursement des frais de santé[90]. Bruno Retailleau, en meeting devant 500 personnes, alerte alors sur les risques d'une motion de censure, qui déclenchait "une crise de régime" et "une crise financière qui précipiterait la France dans le gouffre".
Plusieurs semaines de désaccord entre le gouvernement et l'Assemblée nationale sur le budget 2025 donnent cependant lieu à des compromis avec le RN, mais pas aussi avec les groupes du bloc central et celui de LR. Plusieurs projets du gouvernement sont aisi amendés à la demande de Marine Le Pen, qui a "listé ses "revendications sur le budget de la Sécurité sociale"[91]. Michel Barnier, a annoncé ainsi dans un entretien au « Figaro » le 28 novembre avoir « décidé de ne pas augmenter les taxes sur l'électricité », au-delà de leur niveau d'avant le bouclier tarifaire de et en proposant de réduire l'aide médicale d'Etat (AME) pour les sans papiers[92], cédant sur l'une des principales revendications de la dirigeante du RN[91], mais son parti demande toujours l'indexation au 1er janvier des pensions sur l'inflation de tous les retraités et la fin du déremboursement des médicaments[91].
Ne parvenant pas à obtenir l'assentiment ou la neutralité de suffisamment de députés, Michel Barnier tente le passage en force en utilisant l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui lui permet d'imposer l'adoption d'une loi sans vote des députés, sauf si ceux-ci censurent le gouvernement. En réaction, le , 331 députés, pour l'essentiel du NFP et de l'alliance RN-UDR, votent la censure du gouvernement déposée par le NFP. À peine trois mois après sa prise de fonction, le gouvernement Barnier tombe. C'est la première fois depuis 1962 qu'un gouvernement de la Cinquième République est ainsi censuré[93] et la première fois dans toute l'histoire de la Cinquième République que cela se produit après l'utilisation du « 49.3 » (le premier gouvernement Pompidou avait été renversé par une motion de censure spontanée).
Neuf jours après la chute du gouvernement Barnier, l’agence de notations financières, après ses principales concurrentes Standard & Poor's (S&P) et Fitch Ratings, Moody's a décidé le 13 novembre de revoir la note de la dette publique de la France, qui est désormais notée Aa3[94]. Cette agence avait lancé un avertissement le 25 octobre, comme Fitch, en mettant la dette de la France sous «perspective négative», exprimant ses doutes sur la capacité du gouvernement de Michel Barnier à ramener le déficit des finances publiques de 6,1 % du PIB en 2024 à 5 % en 2025[94]. Cette décision "reflète notre opinion selon laquelle les finances publiques du pays seront considérablement affaiblies au cours des prochaines années", a écrit l'agence pour expliquer sa décision[95].
Proposition d'un accord de non-censure
Pour éviter que le gouvernement ne chute à nouveau dans les mois suivants, les présidents de quatre groupes parlementaires, trois de gauche (PS, PCF, Les écologistes) et le principal du bloc central, se déclarent publiquement favorables à un accord de non-censure. Les trois partis de gauche soulignent d'emblée trois conditions à cet accord
- le choix d'un Premier ministre de gauche, trouvant des majorités texte par texte au parlement et s'engageant à ne pas utiliser l'article 49, 3°, de la Constitution de la Cinquième République.
- le vote d'une loi qui suspend l'application de la réforme des retraites de 2023, pour convoquer une conférence de financement des retraites, puis une autre qui prononce son abrogation définitive. Cette proposition a été formulée sur France Info le 6 décembre par Olivier Faure[15],[96],[97], puis confirmée en sortant d'un rendez-vous à l'Élysée, accompagné par le président des députés socialistes Boris Vallaud et le président des sénateurs PS Patrick Kanner[98].
La CGT se dit peu après disponible pour cette "conférence de financement"[99].
Pour Les Écologistes, Marine Tondelier a ajouté que cette solution s'inscrivait « dans le cadre du front républicain », en s’adressant aux « centristes » et aux « macronistes »[100], Yannick Jadot réclamant lui un gouvernement dirigé par la gauche, mais incluant « des ministres issus du bloc central »[100], tandis que les communistes ont demandé « un pacte républicain, social »[100]. Les leaders au Sénat de ces deux partis ont "mis en garde contre une éventuelle évolution" de la formulation de ce futur accord de non-censure, concernant les retraites. Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat, a prévenu Public Sénat en répondant à ce média qu'y voir une "mise de côté" de l’abrogation de la réforme des retraites serait "une grosse erreur".
Côté communistes, Cécile Cukierman, présidente du groupe au Sénat, a rappelé qu'Olivier Faure s’était encore exprimé pour l'abrogation de cette réforme des retraites de 2023 fin novembre. Adoptée sans vote de l'Assemblée via le 49.3, cette réforme avait été contestée, de janvier à juin 2023 par douze journées de grèves et manifestations réunissant de 1,28 à 3,5 millions de personnes[15].
Quelques jours après, Laurent Wauquiez (LR) et l'Elysée[101] reprennent à leur tour publiquement l'idée, le premier déclarant qu'il ne votera pas la censure même si le Premier ministre est de gauche, à condition qu'il n'applique pas le programme du NFP[102]
En somme, il s’agirait alors d’un « accord de co-responsabilité démocratique », a détaillé le président du MoDem François Bayrou, cité parmi les « Premier-ministrables »[103] tandis que Macron "espère avoir trouvé une forme de consensus vers un accord de non-censure" écrit L'Express.
L'Elysée fait de son côté savoir qu'il ne souhaite plus que le RN arbitre les choix du Premier ministre comme ce fut le cas sous Michel Barnier. Un retour au Front républicain de l'été est proposé le 13 décembre par un texte trans-partisan de 31 députés, huit Modem dont l'ancien ministre Stéphane Travert, huit socialistes, Aurélien Pradié (ex-LR) comme une solution à la la crise politique[104] et 14 des 23 élus de LIOT[105].
Nomination de François Bayrou
Le , dix jours après le vote de la motion de censure, François Bayrou est nommé à Matignon « pour tenter de dénouer la crise politique »[106] après l'avoir reçu pendant près de deux heures.
Candidat à la présidentielle en 2002, 2007 et 2012, troisième avec 18,6% en 2007, il exprime son souhait de "trouver le chemin" qui mène à la "réconciliation" du pays[107] et rappelle la mémoire du roi Henri IV, référence à l'Édit de Nantes. La veille, un sondage Ouest-France/Ifop a montré que le suspense autour de cette nomination "ne profite pas au chef de l’État", 25% seulement du panel de 1504 personnes interrogées approuvant l’action d'Emmanuel Macron[108]. Le matin, une quinzaine d'élus du Groupe Liot, de concert avec huit Modem et huit socialistes, ont appelé à un gouvernement de "front républicain"[105].
Formations | Voix | Part des voix[109] | Part des sièges | Nombre de sièges (deux tours)[110] |
Total coalition des 3 groupes Macron | 6,64 millions | 20,04% | 28,24% | 163 sièges |
Groupe Renaissance et apparentés | 16,11% | 93 sièges[111] | ||
Groupe Modem et apparentés | 6,24% | 36 sièges | ||
Groupe Horizons et apparentés | 5,72% | 34 sièges[112] | ||
Groupe Liot (régionalistes, outre-Mer, centristes) (**) | 0,88 millions | 2,27% | 3,99% | 23 sièges |
Total gauche (*) | 10,10 millions | 30,70% | 33,48% | 193 sièges |
Groupe LFI | 12,31% | 70 sièges[113] | ||
Groupe PS | 11,44% | 66 sièges | ||
Groupe Les Ecologistes | 6,56% | 38 sièges | ||
Groupe communiste | 2,95% | 17 sièges | ||
Divers gauche et extrême-gauche (*) | 0,87 millions | 2,64% | NC | 15 sièges (répartis dans les 4 groupes du NFP) |
Groupe Droite républicaine et apparentés | 2,16 millions | 6,57% | 8,15% | 47 sièges |
Total Extrême-droite | 11,08 millions | 33,72% | 24,78% | 143 sièges |
Groupe RN | 29,25%[114]. | 20,97% | 125 sièges[115] | |
Groupe UDR | 3,90%[114] | 2,77% | 16 sièges | |
Reconquête | 0,187 millions | 0,57%[114] | 0 | 0 sièges |
Aucun groupe | NC | 1,73% | 10 sièges[116] | |
Total | 32,91 millions | 100% | 100% | 577 sièges |
---|
(*) Les totalisations donnant au NFP 178 sièges et 28%[40] isolaient sous diverses étiquettes ("divers gauche", régionalistes, écologistes), pour diverses raisons, les voix de 26 députés, certains d'Outre-Mer[109] dont 15 siègent depuis dans les groupes du NFP et les autres chez Liot[117],[40]. (**) Parmi les élus outre-Mer du groupe Liot, les 2 divers-droite élus dès le 1er tour, Estelle Youssouffa (Mayotte) et Moerani Frébault (Polynésie française)[114],[118].
Analyses et éclairages d'universitaires
Pour Robert Boyer, directeur de recherche au CNRS, directeur d'études à l'EHESS et chercheur au Cepremap[119], la crise est "le résultat de la conjonction de cinq crises se renforçant l’une l’autre : économique, de l’Etat social, des finances publiques, du champ politique"[119]. Il voit aussi mais plus "potentiellement", le risque d'une "crise constitutionnelle"[119].
Fonctionnement du parlement et des partis
La "réponse au problème" n'est "pas dans le changement des règles" mais "dans une façon nouvelle de faire de la politique", selon Denys de Béchillon, professeur de droit public à l’université de Pau, qui cite la démarche d'Olivier Faure de proposer un pacte de non-censure[120]. Mais selon Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste à l’Université de Rouen, le fonctionnement du Parlement français "ne tolère pas en quelque sorte la doctrine de la majorité relative, c’est-à-dire le fait de devoir travailler sous compromis, et notamment à la recherche d’alliances d’occasion"[121] tandis que Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’Université Toulouse-Capitole, pointe un "effet anesthésiant" des précédentes majorités absolues, ayant fait oublier qu'un gouvernement "aussi minoritaire, sans pacte de non-censure avec une force d’opposition, ne pouvait tenir"[122]. C'est une "crise très rare dans l’histoire politique", selon Mathias Bernard, historien de la vie politique française[123], et d'autant plus inédite "qu’une sortie de crise semble difficile à trouver"[123]. Selon lui, l'Assemblée est capable "de retrouver une culture du compromis entre les partis"[123] malgré un obstacle, la place de la présidentielle, "trop centrale dans la vie politique". Le constitutionnaliste Thomas Ehrhard estime lui aussi que la "culture politique française" n’est pas dénuée de compromis mais que ce dernier est rendu difficile par rapports de forces électoraux présents et à venir[124].
Non respect de la Constitution[non neutre]
Benjamin Morel, maître de conférences à l'université Paris II, craint un pays « entré dans une période d'instabilité politique » et Thomas Ehrhard, maître de conférences en science politique à Paris II Panthéon Assas, que le gouvernement qui suivra celui de Michel Barnier « ne sera pas plus stable »[124]. Selon lui, les « mêmes causes produiront les mêmes effets » car le président de la République ne respecte pas l’article 8 de la Constitution[124] disposant qu'il « ne fait que nommer le chef du gouvernement mais ne le choisit pas »[124].
« Malgré le message adressé par le peuple », il « continue d’agir comme s'il était le décideur que le peuple soutient », dénonce aussi Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'université de Lille[82], tandis que Mathias Bernard, historien de la vie politique, constate plus généralement que les présidents de la République se sont « affaiblis » car ils « se sont mis à s’occuper de tout ». Selon les constitutionnalistes Eleonora Bottini et Nicoletta Perl, Emmanuel Macron "est sorti de son rôle constitutionnel, non pas tant en ayant écarté Lucie Castets en tant que telle, mais en ne délégant pas la charge de trouver un compromis de gouvernement"[125]. Il aurait dû, selon elles, plutôt "faciliter la création d’une coalition stable, tout en évitant d’œuvrer à sa création"[125], par exemple en confiant à "une personnalité politique issue des élections législatives" le soin "de conduire les négociations"[125]. Le constitutionnaliste Dominique Rousseau avait lui aussi estimé dès la mi-juin que le président a le pouvoir de désigner, "en cas de majorité relative", une "personnalité chargée de construire une coalition majoritaire", et pas forcément un élu[37].
Manière de choisir le premier ministre
Selon le constitutionnaliste Thomas Ehrhard, Emmanuel Macron, en plus de ne pas pas respecter l'article 8 de la Constitution se "trompe dans la manière de choisir un Premier ministre", en commençant par chercher un nom "avant de faire émerger une majorité sur la base d’un projet précis"[124], en particulier dans le choix de Michel Barnier, effectué "à la surprise générale"[124].
Selon lui, les chefs de partis et commentateurs se trompent aussi en mettant en scène la "volonté collective d’une solution rapide"[124] alors que la formation d'un compromis prend plusieurs mois dans les autres pays européens, sans troubler la vie économique.
Non-respect des usages démocratiques
Même s'il n'est "pas responsable des élucubrations et des atermoiements de la gauche"[82], Emmanuel Macron aurait dû "chercher sérieusement un Premier ministre de centre gauche" a estimé dès le 9 septembre 2024 Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à Lille[82] plutôt que dans un parti divisé (Les Républicains) et "défait" lors des législatives[82] dont le résultat est selon lui, "trois blocs inégaux", un "président clairement battu" et "une extrême-droite défaite par le front républicain"[82]. C’est à ce front républicain, "refus d’une majorité des électeurs de voir arriver le RN au pouvoir" que "le gouvernement devrait correspondre" selon l'historien Mathias Bernard[123].
Dans un premier temps, Emmanuel Macron aurait dû confier la formation du gouvernement à Marine Le Pen ou Jordan Bardella, tous deux du RN, estime plutôt le constitutionnaliste Thomas Ehrhard, même si le front républicain aurait censuré. "Le chef du parti arrivé en tête aux élections législatives doit être le premier appelé par le chef de l’État pour essayer de former un gouvernement", a expliqué cet expert dans Le Figaro. Selon lui "c'est comme cela que se forment les coalitions gouvernementales en Allemagne, Italie, Espagne et Belgique"[124], un usage qui "permet d’éviter tout procès en +déni de démocratie+"[124]. Dans ces pays, les ministres démissionnaires, en tant que chefs d’administrations, "peuvent être amenés à signer des décrets pour faire face aux urgences" et il n'y a "aucune crainte pour payer les fonctionnaires, assurer la sécurité sociale"[124] et "la démocratie et la recherche du consensus politique ne se font pas en un week-end sous les coups de pression"[124].
Obsolescence de la Constitution
Plus encore que le non-respect de la Constitution, c'est son obsolescence qui est pointée par Pascal Delwit, politologue à l'Université libre de Bruxelles (ULB). Selon lui, dans un contexte "de polarisation croissante", les institutions de la Cinquième République française "sont dépassées" car elles étaient lors de leur adoption en 1958 "très adaptées à un contexte donné, à une personnalité donnée"[121], celle du Général De Gaulle, d'autant qu'en 2004, "tout est déjà articulé à la future élection présidentielle". Selon ce politologue, le contexte 2024 est difficile car marqué par un "affaiblissement considérable des partis" conjugué à une diversification "des clivages politiques" mais aussi "des comportements électoraux"[121]. Deux constitutionnalistes interrogés par L'Express estiment au contraire que "la solution est davantage politique que juridico-institutionnelle". Parmi eux Guillaume Drago, professeur de droit public à l’université Panthéon-Assas Paris II, estime que la Ve République s'est montré "très plastique aux crises" comme la guerre d’Algérie, mai 1968, trois cohabitations, tout s'étant "toujours passé d’une manière démocratiquement acceptable".
Notes et références
Notes
Références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « 2024 en France » (voir la liste des auteurs).
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- "Législatives 2024 : si le Front populaire l’emporte, Olivier Faure veut un « vote » pour le Premier ministre", article le 18 juin 2024 dans le Huffington Post [22]
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- Ministère [64]
- Effectif des groupes politiques [65]
- Modifications à la composition des groupes, Assemblée nationale, au 30 novembre 2024 [66]
- Modifications à la composition des groupes, Assemblée nationale, au 22 octobre 2024 [67]
- Modifications à la composition des groupes, Assemblée nationale, au 9 octobre 2024, suite à l'exclusion d'Hugo Prevost [68]
- Article 1er juillet 2024 par France Bleu [69]
- Modifications à la composition des groupes, Assemblée nationale, au 19 novembre 2024 suite au départ de Christine Engrand, qui rejoint les "hors-groupe" [70]
- Modifications à la composition des groupes, Assemblée nationale, au 9 décembre 2024 [71]
- Les 33 écologistes et apparentés sont ainsi en fait 28 et 64 socialistes en fait 66, tandis que le groupe communiste inclut 17 députés, dont 5 ne sont pas du PCF
- LCP [72]
- Source Alternatives économiques [73]
- Article par L'Express [74]
- "Crise politique en France : un régime "bonapartiste" dépassé ?" par Sarah Poucet, le 7 décembre 2024 sur la RTBF [75]
- Article par Léo HUMBERT le 04/12/2024 dans la NR [76]
- Article dans La Croix par Lauriane Clément, le 04/12/2024 [77]
- Article dans Le Figaro par Emmanuel Galiero, le 6 décembre 2024 [78]
- "Emmanuel Macron respecte-t-il le droit ?", analyse des constitutionnalistes Eleonora Bottini et Nicoletta Perlo, le 9 septembre 2024, dans The Conversation [79]