Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Aller au contenu

Jadéite

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Jadéite
Catégorie IX : silicates[1]
Image illustrative de l’article Jadéite
Jadéite brute, Myanmar
Général
Classe de Strunz
Classe de Dana
Formule chimique AlNaO6Si2 NaAlSi2O6
Identification
Masse formulaire[2] 202,1387 ± 0,0024 uma
Al 13,35 %, Na 11,37 %, O 47,49 %, Si 27,79 %,
Couleur incolore, vert, blanc, gris, violet pâle, brun, rouge, orange, jaune, bleuâtre, verdâtre, mauve, bleu
Système cristallin monoclinique
Réseau de Bravais centré C
Classe cristalline et groupe d'espace prismatique ;
C2/c
Clivage {110} bon
Cassure irrégulière, esquilleuse
Trait Blanc
Éclat vitreux, subvitreux
Éclat poli gras
Propriétés optiques
Fluorescence ultraviolet luminescent et fluorescent
Transparence Opaque à translucide
Propriétés chimiques
Densité mesurée : 3,24-3,43
calculée: 3,33

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

La jadéite est une espèce minérale de la famille des silicates, classe des inosilicates, groupe des pyroxènes, sous groupe des clinopyroxènes, dont la composition chimique idéale est NaAlSi2O6.

C'est le plus rare des deux minéraux recouvrant l'appellation jade, l'autre étant la néphrite.

Utilisation durant la Préhistoire

[modifier | modifier le code]

La jadéite est exploitée dans les Alpes dès le début du Néolithique au VIe millénaire av. J.-C., avant de connaître une augmentation de son extraction au Ve millénaire av. J.-C.. Durant trois millénaires, elle sert à fabriquer de longues lames de hache dont l'usage est sans doute cérémoniel étant donné leur manque d'ergonomie et l'investissement dans ces biens socialement valorisés (le succès de leur diffusion dépendant de quatre critères : longueur de la lame, aspect esthétique du matériau une fois poli, couleur de la roche et l'intensité du polissage)[3]. La pierre est débitée par percussion puis finement polie. On retrouve de telles lames sur toute l'Europe de l'Ouest[4], des Pyrénées à l'Écosse, l'Irlande, et le Danemark mais pas en Europe Centrale (à l'exception de la Thuringe), qui ne fait pas partie de la culture archéologique des mégalithes[5]. Le programme de recherche ethno-archéologique initié par Pierre Pétrequin (Maison des Sciences de l'Homme —Besançon — MSH) à partir de 2012 jusqu'à 2022 (programme JADE) a débouché sur une série de publications qui explicite les méthodologies et les problématiques de recherches, pour démontrer d'abord la présence de carrières d'exploitation néolithiques de la jadéite sur les flancs du mont Viso près de Turin et du mont Beigua près de Gênes, ensuite la pertinence de ces localisations par l'analyse spectroradiométrique des échantillons et un ensemble d'interprétations de la circulation de grandes haches polies en jadéite dans leur contexte politico-religieux au sein des sociétés néolithiques inégalitaires[6],[7],[8].

Première description et étymologie

[modifier | modifier le code]

Alexis Damour décrit et nomme la jadéite en 1863[9] après avoir observé une variété de jade dont la composition différait radicalement de celle d'une autre variété qu'il avait étudiée en 1846 (i.e. néphrite) et identifiée comme appartenant à la famille des trémolites[10].

Les noms jade, jadéite et néphrite ont la même origine : lapis nephriticus est l'équivalent latin de l'espagnol piedra de ijada, c'est-à-dire pierre du flanc, en référence à son utilisation par les peuples mésoaméricains pour guérir divers maux internes, dont les problèmes néphrétiques[11].

Caractéristiques physico-chimiques

[modifier | modifier le code]

Critères de détermination

[modifier | modifier le code]
  • Le minéral fond facilement en donnant un verre blanc bulleux, et colore la flamme en jaune (Na).
  • La jadéite ne cristallise que rarement en petits cristaux prismatiques bien formés. Elle se trouve le plus souvent sous forme d'agrégats finement ou micro grenus, ou en masses cryptocristalline compactes avec une structure parfois fibreuse.
  • C'est un minéral dense (3,24 à 3,43) et dur (6 à 7 sur l'échelle de Mohs). Il est très tenace, surtout dans sa forme compacte. La cassure est irrégulière et esquilleuse. Le clivage est bon en {110}.

La jadéite est allochromatique : pure, elle est théoriquement transparente, incolore. Dans les faits elle est translucide, blanche ou gris pâle coloré, en raison des impuretés et de défauts dans le réseau cristallin. La jadéite d'une grande pureté est rare. Généralement elle est presque opaque et colorée par certains métaux de transition présents sous forme de traces : fer principalement, titane, chrome, manganèse... La couleur la plus fréquente est le vert, du plus clair au plus sombre. Plus rarement, d'autres teintes sont possibles : vert-bleu, bleu, rose-violet, pourpre, brun-orange... Son éclat est vitreux ou subvitreux, légèrement nacré lorsque la structure est fibreuse, perlé sur le clivage, gras sur les faces polies. Sa trace est blanche.

Cristallochimie

[modifier | modifier le code]

Sa structure est un assemblage de chaînes simples infinies dont le motif est une combinaison de deux groupements tétraédriques [SiO4]4−. Chaque tétraèdre partage deux atomes d'oxygène avec ses voisins, le rapport Si/O est de 1/3. Chaque complexe [(SiO3)2]4− est associé à un gros cation, Na+, et un cation moyen, Al3+. La jadéite pure, NaAlSi2O6, est rare. On observe généralement une faible substitution de Al3+ par Fe3+. Sa formule cristallochimique peut s'écrire Na(Al,Fe3+)(SiO3)2 ou simplement Na(Al,Fe)Si2O6. On peut également trouver des traces de Cr, Ti, Mn, Mg, Ca, K, H2O. Ce sont les cations dérivés de certains métaux de transition (Fe2+ et Fe3+, Cr3+, Ti3+, Mn2+...) présents en faible quantité qui sont responsables des colorations allochromatiques de la jadéite.

La jadéite peut former des solutions solides avec d'autres clinopyroxènes. C'est le pôle sodique des séries formées avec le diopside et l'augite, pôles ferromagnésiens et calciques. Les compositions intermédiaires sont les omphacites. Elle forme également des solutions avec d'autres clinopyroxènes sodiques comme l'aegirine (NaFeSi2O6) ou le kosmochlor (NaCrSi2O6).

Cristallographie

[modifier | modifier le code]

La structure de la jadéite, semblable à celle du diopside, caractéristique des pyroxènes, est connue depuis les travaux de Prewitt et Burnham en 1966[12].

Elle appartient à la famille cristalline monoclinique, à la classe cristalline prismatique (holoédrie) 2/m et au groupe d'espace C2/c. Des chaînes de motif [(SiO3)2] parallèles à l'axe c sont reliées par des couches de Na et Al coordonnées avec O. Na est octocoordonné dans des sites polyédriques irréguliers proches d'un cube et Al est hexacoordonné dans des sites octaédriques.

Paramètres de la maille : a = 9,418 Å , b = 8,562 Å, c = 5,219 Å, ß = 107,58°, Z = 4.
Distances cation-oxygène moyennes : Si-O = 1,623 Å, Al-O = 1,928 Å, Na-O = 2,469 Å.

Les cristaux, prismatiques et allongés, sont rares. La jadéite est généralement cryptocristalline.

Gîtes et gisements

[modifier | modifier le code]

Gîtologie et minéraux associés

[modifier | modifier le code]
Gîtologie
  • C’est un minéral typique d'un métamorphisme de haute pression et basse température.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. Pierre Pétrequin, Anne-Marie Pétrequin, Écologie d'un outil : La hache de pierre en Irian Jaya (Indonésie), CNRS éditions, coll. « Mondes anciens », , p. 371-376
  4. Cassen et al. propose pour les sociétés néolithiques à l'origine des tumulus carnacéens un modèle monarchique et le terme de « Roi-sacré » concernant les individus enterrés dans ces tombes géantes (Serge Cassen, Christine Boujot, Salvador Dominguez Bella, Mikaël Guiavarc'h, Christophe Le Pennec, Maria Pilar Prieto Martinez, Guirec Querré, Marie-Hélène Santrot et Emmanuelle Vigier, « Dépôts bretons, tumulus carnacéens et circulations à longue distance », dans P. Pétrequin, S. Cassen, M. Errera, L. Klassen et A. Sheridan (dir.), JADE. Grandes haches alpines du Néolithique européen. Ve et IVe millénaires av. J.-C., t. 2, Presses Universitaires de Franche-Comté, , p. 918-995). Ces sépultures de personnages de haut rang sont accompagnées de dépositions volontaires de grandes lames polies en jades dont les repolissages successifs pour les amincir sont effectués sur place, probablement dans le cadre de cérémonies ou de rituels religieux. Le rendement moyen au polissage étant de 2 g/heure, le façonnage de ces biens socialement valorisés réclame des centaines d'heures de travail pour les grandes lames d'apparat, contre des dizaines d'heures pour les petites lames destinées à équiper des outils d'abattage et de travail du bois, comme le montre l'archéologie expérimentale (Pierre Pétrequin, Christophe Bontemps, Daniel Buthod-Ruffier et Nicolas Le Maux, « Approche expérimentale de la production des haches alpines. Approche expérimentale de production de têtes de haches alpines », dans P. Pétrequin, S. Cassen, M. Errera, L. Klassen et A. Sheridan (dir.), JADE. Grandes haches alpines du Néolithique européen. Ve et IVe millénaires av. J.-C., t. 2, Presses Universitaires de Franche-Comté, , p. 258-291).
  5. Anne Lehoërff, Préhistoires d'Europe : De Néandertal à Vercingétorix, Paris, éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-5983-6), chap. 6 (« Franchir les espaces. Voyager, échanger sur les terres et sur les mers »)
  6. Pierre Pétrequin, « Projet JADE », sur MSHE, (consulté le )
  7. Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera, Lutz Klassen, Alison Sheridan et Anne-Marie Pétrequin (dir.), JADE : Grandes haches alpines du Néolithique européen, Ve et IVe millénaires av. J.-C, Besançon/Gray, Presses universitaires de Franche-Comté/Centre de recherche archéologique de la vallée de l'Ain, coll. « Les Cahiers de la MSHE », (ISBN 978-2-84867-412-4)
  8. Pierre Pétrequin, Estelle Gauthier et Anne-Marie Pétrequin (dir.), JADE : Objets-signes et interprétations sociales des jades alpins dans l'Europe néolithique, Besançon/Gray, Presses universitaires de Franche-Comté/Centre de recherche archéologique de la vallée de l'Ain, coll. « Les Cahiers de la MSHE », (ISBN 978-2-84867-575-6)
  9. Damour 1863
  10. Damour 1846
  11. Easby 1968
  12. Prewitt et Burnham 1966

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Articles et ouvrages cités

[modifier | modifier le code]
  • Alexis Damour, « Notice et analyse sur le jade vert. Réunion de cette matière minérale à la famille des Wernerites », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, vol. 56,‎ , p. 861-865 (lire en ligne)
  • Alexis Damour, « Analyse du jade oriental, réunion de cette substance à la Trémolite », Annales de chimie et de physique, 3e série, vol. 16,‎ , p. 469-474 (lire en ligne)
  • (en) Elizabeth Kennedy Easby, Pre-Columbian Jade from Costa Rica, New York, André Emmerich Inc.,
  • (en) Prewitt, C.T. et Burnham, C.W., « The crystal structure of jadeite, NaAlSi2O6 », American Mineralogist, Mineralogic Society of America, vol. 51,‎ , p. 956-975 (lire en ligne)

Autres sources

[modifier | modifier le code]
  • (en) Kim Be Howard, Jadeite, Canadian Institute of Gemmology (lire en ligne), mémoire d'études

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]