Le mouvement social

Publié par une maison d’éditions militante, ce court ouvrage de 136 pages dont 110 de texte, est consacré au Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI), ces minoritaires zimmerwaldiens du mouvement ouvrier que l’auteur présente comme « les seuls pacifistes organisés en France pendant le conflit luimême » – affirmation discutable selon la définition qu’on donne au mot pacifisme.

Cette mise au point repose sur une information solide tant pour la bibliographie que pour les archives recensées. Servie par un propos clair et précis, elle est incontestablement utile, d’autant plus que cette histoire du mouvement ouvrier, longtemps placée au premier plan, est aujourd’hui quelque peu délaissée. Il est nécessaire, et la brochure de Julien Chuzeville entend y contribuer, que les zimmerwaldiens et kienthaliens ne figurent pas parmi les oubliés du centenaire de la Grande Guerre. Le lecteur reste toutefois un peu sur sa faim. Certes, l’auteur ne tombe pas dans le pathos ou les professions de foi militantes (on se prendrait presque à regretter une absence de flamme). Mais, si on excepte quelques textes bien venus, le propos est souvent trop factuel et ne permet pas toujours de mesurer l’atmosphère tragique de la guerre, l’écartèlement, le désarroi ou la révolte des militants, ni les flambées [End Page 190] d’espérance révolutionnaire. Surtout, la relative distanciation du ton n’est pas suffisamment relayée par des hypothèses explicatives ou des confrontations critiques avec la tradition historiographique. En témoigne la conclusion qui présente les militants du CRRI comme des « vaincus de l’Histoire : militants d’une paix juste et durable – qui ne se fit pas, ils furent ensuite tendus vers une révolution mondiale – qui ne se produisit pas » (p. 115).