L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Pep... more L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1) et du GIP (Gastric Inhibitory Polypeptide), mieux connus sous les noms commerciaux Ozempic et Wegovy, est remarquable, mais pas totalement inédit dans l’histoire des « blockbusters » pharmaceutiques.
L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1) et du GIP (Gastric Inhibitory Polypeptide), mieux connus sous les noms commerciaux Ozempic et Wegovy, est remarquable. Le volume de prescriptions et le budget qu’y consacrent les régimes publics d’assurance maladie explosent, et avec eux les bénéfices des compagnies qui les fabriquent.
En tant que spécialistes en philosophie de la médecine, sciences de la nutrition et de l’alimentation, sociologie du médicament et endocrinologie, il nous paraît nécessaire de prendre un pas de recul et de faire le point sur ces nouveaux traitements, sur leurs promesses mais aussi sur leurs limites.
The voice of patients is paramount to the improvement of healthcare and therefore they need to be... more The voice of patients is paramount to the improvement of healthcare and therefore they need to be heard. Patients have 24/7 lived experience and thus understand the real-life physical, mental, and social impact of the disease and related treatments. Research is at the basis of healthcare transformations. In research, the voices of patients are usually from patient partners. Patient partners are those "involved in a research project in any manner other than as a research participant" [1]. However, they are probably more involved, vocal, informed, and not elected by their peers, and thus cannot be fully representative of their peers. Research participants' voice can be heard using patient-reported outcome measures (PROMs), defined as "measurement tools that patients use to provide information on aspects of their health status that are relevant to their quality of life, including symptoms, functionality, and physical, mental and social health" [2], and patient-reported experience measures (PREMs), defined as "questionnaires measuring the patients' perceptions of their experience whilst receiving care" [3]. PROMs and PREMs provide a comprehensive and deeper understanding on the effectiveness of healthcare regarding patients' health status and quality of life. In healthcare, most recommended practices are supported by evidence-based data mainly derived from large randomized controlled trials (RCTs) with objective outcomes (e.g., major cardiovascular events, survival rates). As an example, for diabetes, the cutoff value of optimal glucose management is based on a biomarker-hemoglobin A1c [4], which has been validated in epidemiologic studies and RCTs highlighting its predictive capability of long-term devastating
Au cours des vingt dernières années, le champ de l’épistémologie s’est tellement élargi, en terme... more Au cours des vingt dernières années, le champ de l’épistémologie s’est tellement élargi, en termes d’objets comme de méthodes, que les frontières qui distinguaient traditionnellement cette discipline d’autres domaines d’étude semblent avoir été abolies. La psychologie sociale, les sciences cognitives, la sociologie, l’histoire, les sciences politiques, l’anthropologie ou encore les études de genre, pour ne nommer que celles-ci, revendiquent toutes leur pertinence quand il s’agit de rendre compte de tout ou partie du phénomène de la connaissance humaine. Si pour certains théoriciens, ces prétentions sont légitimes et même bienvenues, d’autres tiennent fermement à l’indépendance de l’épistémologie comme type d’approche et méthode d’analyse. En nous concentrant en particulier sur les récentes publications en français de Roger Pouivet et Pascal Engel, notre but est ici de rendre compte et discuter d’au moins certains des arguments qui animent ce débat.
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Over the last twenty years, the field of epistemology has tremendously widened, both in terms of objects and methods. As a result, the boundaries that used to sever this discipline from other fields of study seem to have faded away. Social psychology, cognitive science, sociology, history, anthropology, and gender studies, to name but a few, all claim to be relevant when human knowledge is under investigation. Now whereas some epistemologists endorse such claims as appropriate and well founded, others insist that a clear-cut distinction between disciplines is necessary for the sake of epistemology itself. Relying on recent books and earlier papers by Roger Pouivet and Pascal Engel, our aim is to account for and discuss the main arguments that animate this debate.
Gateways: International Journal of Community Research and Engagement, 2020
This article presents an innovative framework to evaluate participatory research. The framework, ... more This article presents an innovative framework to evaluate participatory research. The framework, comprising both a methodology and a self-assessment tool, was developed through a participatory approach to knowledge production and mobilization. This process took place over the last two years as we, a multidisciplinary team made up of researchers and community-based organization members from the Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec, were building a scientific program on social injustices and participatory research.
We argue that participatory research can help provide a university-community co-constructed response to epistemic injustices embedded within the processes of knowledge production. From our perspective, the mobilization of knowledge from the university and the community, initiated at the earliest stages of the creation of a research team, is part of a critical approach to the academic production of knowledge. It also constitutes a laboratory for observing, understanding and attempting to reduce epistemic injustices through building bridges between team members.
The article focuses on two dimensions of the framework mentioned above: (1) The methodology we established to build co-learning spaces at the crossroads of university and community-based organizations (recruitment of a coordinator to organize and facilitate the workshops, informal and friendly meetings, regular clarification of the process and rules of operation, time for everyone to express themselves, informal preparatory meetings for those who wanted them, financial compensation where required, etc.); and (2) A self-assessment tool available in open access that we built during the process to help academics and their partners engage in a reflexive evaluation of participatory research processes from the point of view of epistemic injustices. Throughout we pay particular attention to challenges inherent in our research program and our responses, and finish with some concluding thoughts on key issues that emerged over the course of two years’ research.
Université du Québec à Montréal La critique sellarsienne du «mythe du donné» touche en son cœur l... more Université du Québec à Montréal La critique sellarsienne du «mythe du donné» touche en son cœur le projet empiriste fondationnaliste, dont elle entend néanmoins sauvegarder les intuitions épistémologiques et ontologiques saines. Pour ce faire, les difficultés dirimantes soulevées par l’usage de la notion de donné doivent être d’abord clairement identifiées, puis désamorcées. Ceci aboutit à la fois à une redéfinition précautionneuse du donné comme un concept non épistémologique, et à une révision de la conception traditionnelle du rapport entre observation et théorie, connaissance directe et connaissance inférentielle.Sellars’ attack on the “Myth of The Given” strikes at the very heart of the foundationalist project of empiricism, while yet attempting to preserve the sound epistemological and ontological intuitions on which it draws. To achieve this, the fatal predicaments bound up with the concept of the given first must be identified and defused. The result is a cautious redefinition of both the given as a non-epistemological concept and the relation between observation and theory, direct knowledge and inferential knowledge.
On doit à Ruwen Ogien (2016) une analyse originale et relativement provocatrice des enjeux sociau... more On doit à Ruwen Ogien (2016) une analyse originale et relativement provocatrice des enjeux sociaux et normatifs qui entourent la catégorie de patients chroniques. Parmi l’ensemble des métaphores auxquelles on a effectivement recours pour penser la situation de ces personnes, Ogien soutient que la plus adéquate est celle de la pièce de théâtre (drame ou comédie), dans laquelle soignants et patients sont socialement tenus de jouer un rôle. Ainsi le malade doit-il endosser les habits du héros du quotidien, qui supporte son état avec vaillance et abnégation, plie mais ne rompt point face à l’adversité, tirant de l’expérience de sa maladie des ressources aussi bien morales que physiques et intellectuelles. Le malade, souligne Ogien, est paradoxalement tenu de se faire pardonner qu’il est malade, de prouver qu’il souhaite guérir et, à défaut d’y parvenir, qu’il n’est pas un simulateur ou un parasite social en quête des bénéfices « secondaires » de la maladie, tels que l’attention, les soins, la prise en charge ou encore la possibilité de se soustraire à ses devoirs sociaux et économiques. Être malade, résume Ogien, ne donne pas le droit de l’être. Ce paradoxe découle assez directement de ce qu’il nomme le « dolorisme » et qui constitue la cible principale de son dernier ouvrage. Ce courant de pensée, omniprésent quoique rarement explicite, est celui qui consiste à considérer que l’expérience de la maladie (notamment grave, incurable et invalidante) constituerait pour le patient une source de vertus et d’excellences, l’amenant à se découvrir et à déployer des qualités insoupçonnées qui le mettraient moralement et intellectuellement à part, sinon au-dessus, des biens portants. Autrement dit, la maladie (surtout grave, invalidante ou incurable) nous rendrait meilleurs, plus « forts », sages, lucides, etc. Je voudrais ici poursuivre la critique avancée par Ogien contre ce mythe doloriste dans sa déclinaison plus spécifiquement épistémologique, i.e. l’idée que l’expérience de la maladie pourrait constituer une source valable de connaissance pour le patient : savoir sur la maladie, le soin et la santé, et plus largement, les valeurs (Barrier, 2010 et 2014 ; Pelluchon, 2016). Je souhaite mettre en évidence qu’il s’agit là d’un sophisme potentiellement dangereux dans la mesure où il imprègne la manière dont on conçoit aujourd’hui la relation thérapeutique. En effet, le nouveau paradigme qui s’impose en la matière, contre le modèle paternaliste unanimement décrié, est celui de la médecine « centrée sur le patient », qui voit en ce dernier non plus – ou plus seulement – un objet d’intervention, mais un « partenaire », voire un « expert » qui, parce que l'expérience de la vie avec la maladie serait source de connaissances et de compétences, pourrait de plein droit participer à ce qu’il est désormais convenu d’appeler « la co-construction des savoirs ». Popularisées dans les milieux de la santé par les sciences de l’éducation (Barrier, 2014 ; Flora, 2012) et reprises avec enthousiasme mais aussi, malheureusement, naïveté, par les défenseurs du « patient empowerment » (Anderson & Funnell 2005 ; Aujoulat and al. 2007), ces idées reposent sur un non-sens épistémologique. S’inspirant d’Ogien, on pourrait l’appeler le dolorisme épistémique, et se demander dans quelle mesure la figure émergente du "patient expert" n'en est pas un avatar.
Issues raised by willful ignorance in both criminal law, epistemology and philosophy of mind (in ... more Issues raised by willful ignorance in both criminal law, epistemology and philosophy of mind (in French).
L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Pep... more L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1) et du GIP (Gastric Inhibitory Polypeptide), mieux connus sous les noms commerciaux Ozempic et Wegovy, est remarquable, mais pas totalement inédit dans l’histoire des « blockbusters » pharmaceutiques.
L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1) et du GIP (Gastric Inhibitory Polypeptide), mieux connus sous les noms commerciaux Ozempic et Wegovy, est remarquable. Le volume de prescriptions et le budget qu’y consacrent les régimes publics d’assurance maladie explosent, et avec eux les bénéfices des compagnies qui les fabriquent.
En tant que spécialistes en philosophie de la médecine, sciences de la nutrition et de l’alimentation, sociologie du médicament et endocrinologie, il nous paraît nécessaire de prendre un pas de recul et de faire le point sur ces nouveaux traitements, sur leurs promesses mais aussi sur leurs limites.
The voice of patients is paramount to the improvement of healthcare and therefore they need to be... more The voice of patients is paramount to the improvement of healthcare and therefore they need to be heard. Patients have 24/7 lived experience and thus understand the real-life physical, mental, and social impact of the disease and related treatments. Research is at the basis of healthcare transformations. In research, the voices of patients are usually from patient partners. Patient partners are those "involved in a research project in any manner other than as a research participant" [1]. However, they are probably more involved, vocal, informed, and not elected by their peers, and thus cannot be fully representative of their peers. Research participants' voice can be heard using patient-reported outcome measures (PROMs), defined as "measurement tools that patients use to provide information on aspects of their health status that are relevant to their quality of life, including symptoms, functionality, and physical, mental and social health" [2], and patient-reported experience measures (PREMs), defined as "questionnaires measuring the patients' perceptions of their experience whilst receiving care" [3]. PROMs and PREMs provide a comprehensive and deeper understanding on the effectiveness of healthcare regarding patients' health status and quality of life. In healthcare, most recommended practices are supported by evidence-based data mainly derived from large randomized controlled trials (RCTs) with objective outcomes (e.g., major cardiovascular events, survival rates). As an example, for diabetes, the cutoff value of optimal glucose management is based on a biomarker-hemoglobin A1c [4], which has been validated in epidemiologic studies and RCTs highlighting its predictive capability of long-term devastating
Au cours des vingt dernières années, le champ de l’épistémologie s’est tellement élargi, en terme... more Au cours des vingt dernières années, le champ de l’épistémologie s’est tellement élargi, en termes d’objets comme de méthodes, que les frontières qui distinguaient traditionnellement cette discipline d’autres domaines d’étude semblent avoir été abolies. La psychologie sociale, les sciences cognitives, la sociologie, l’histoire, les sciences politiques, l’anthropologie ou encore les études de genre, pour ne nommer que celles-ci, revendiquent toutes leur pertinence quand il s’agit de rendre compte de tout ou partie du phénomène de la connaissance humaine. Si pour certains théoriciens, ces prétentions sont légitimes et même bienvenues, d’autres tiennent fermement à l’indépendance de l’épistémologie comme type d’approche et méthode d’analyse. En nous concentrant en particulier sur les récentes publications en français de Roger Pouivet et Pascal Engel, notre but est ici de rendre compte et discuter d’au moins certains des arguments qui animent ce débat.
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Over the last twenty years, the field of epistemology has tremendously widened, both in terms of objects and methods. As a result, the boundaries that used to sever this discipline from other fields of study seem to have faded away. Social psychology, cognitive science, sociology, history, anthropology, and gender studies, to name but a few, all claim to be relevant when human knowledge is under investigation. Now whereas some epistemologists endorse such claims as appropriate and well founded, others insist that a clear-cut distinction between disciplines is necessary for the sake of epistemology itself. Relying on recent books and earlier papers by Roger Pouivet and Pascal Engel, our aim is to account for and discuss the main arguments that animate this debate.
Gateways: International Journal of Community Research and Engagement, 2020
This article presents an innovative framework to evaluate participatory research. The framework, ... more This article presents an innovative framework to evaluate participatory research. The framework, comprising both a methodology and a self-assessment tool, was developed through a participatory approach to knowledge production and mobilization. This process took place over the last two years as we, a multidisciplinary team made up of researchers and community-based organization members from the Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec, were building a scientific program on social injustices and participatory research.
We argue that participatory research can help provide a university-community co-constructed response to epistemic injustices embedded within the processes of knowledge production. From our perspective, the mobilization of knowledge from the university and the community, initiated at the earliest stages of the creation of a research team, is part of a critical approach to the academic production of knowledge. It also constitutes a laboratory for observing, understanding and attempting to reduce epistemic injustices through building bridges between team members.
The article focuses on two dimensions of the framework mentioned above: (1) The methodology we established to build co-learning spaces at the crossroads of university and community-based organizations (recruitment of a coordinator to organize and facilitate the workshops, informal and friendly meetings, regular clarification of the process and rules of operation, time for everyone to express themselves, informal preparatory meetings for those who wanted them, financial compensation where required, etc.); and (2) A self-assessment tool available in open access that we built during the process to help academics and their partners engage in a reflexive evaluation of participatory research processes from the point of view of epistemic injustices. Throughout we pay particular attention to challenges inherent in our research program and our responses, and finish with some concluding thoughts on key issues that emerged over the course of two years’ research.
Université du Québec à Montréal La critique sellarsienne du «mythe du donné» touche en son cœur l... more Université du Québec à Montréal La critique sellarsienne du «mythe du donné» touche en son cœur le projet empiriste fondationnaliste, dont elle entend néanmoins sauvegarder les intuitions épistémologiques et ontologiques saines. Pour ce faire, les difficultés dirimantes soulevées par l’usage de la notion de donné doivent être d’abord clairement identifiées, puis désamorcées. Ceci aboutit à la fois à une redéfinition précautionneuse du donné comme un concept non épistémologique, et à une révision de la conception traditionnelle du rapport entre observation et théorie, connaissance directe et connaissance inférentielle.Sellars’ attack on the “Myth of The Given” strikes at the very heart of the foundationalist project of empiricism, while yet attempting to preserve the sound epistemological and ontological intuitions on which it draws. To achieve this, the fatal predicaments bound up with the concept of the given first must be identified and defused. The result is a cautious redefinition of both the given as a non-epistemological concept and the relation between observation and theory, direct knowledge and inferential knowledge.
On doit à Ruwen Ogien (2016) une analyse originale et relativement provocatrice des enjeux sociau... more On doit à Ruwen Ogien (2016) une analyse originale et relativement provocatrice des enjeux sociaux et normatifs qui entourent la catégorie de patients chroniques. Parmi l’ensemble des métaphores auxquelles on a effectivement recours pour penser la situation de ces personnes, Ogien soutient que la plus adéquate est celle de la pièce de théâtre (drame ou comédie), dans laquelle soignants et patients sont socialement tenus de jouer un rôle. Ainsi le malade doit-il endosser les habits du héros du quotidien, qui supporte son état avec vaillance et abnégation, plie mais ne rompt point face à l’adversité, tirant de l’expérience de sa maladie des ressources aussi bien morales que physiques et intellectuelles. Le malade, souligne Ogien, est paradoxalement tenu de se faire pardonner qu’il est malade, de prouver qu’il souhaite guérir et, à défaut d’y parvenir, qu’il n’est pas un simulateur ou un parasite social en quête des bénéfices « secondaires » de la maladie, tels que l’attention, les soins, la prise en charge ou encore la possibilité de se soustraire à ses devoirs sociaux et économiques. Être malade, résume Ogien, ne donne pas le droit de l’être. Ce paradoxe découle assez directement de ce qu’il nomme le « dolorisme » et qui constitue la cible principale de son dernier ouvrage. Ce courant de pensée, omniprésent quoique rarement explicite, est celui qui consiste à considérer que l’expérience de la maladie (notamment grave, incurable et invalidante) constituerait pour le patient une source de vertus et d’excellences, l’amenant à se découvrir et à déployer des qualités insoupçonnées qui le mettraient moralement et intellectuellement à part, sinon au-dessus, des biens portants. Autrement dit, la maladie (surtout grave, invalidante ou incurable) nous rendrait meilleurs, plus « forts », sages, lucides, etc. Je voudrais ici poursuivre la critique avancée par Ogien contre ce mythe doloriste dans sa déclinaison plus spécifiquement épistémologique, i.e. l’idée que l’expérience de la maladie pourrait constituer une source valable de connaissance pour le patient : savoir sur la maladie, le soin et la santé, et plus largement, les valeurs (Barrier, 2010 et 2014 ; Pelluchon, 2016). Je souhaite mettre en évidence qu’il s’agit là d’un sophisme potentiellement dangereux dans la mesure où il imprègne la manière dont on conçoit aujourd’hui la relation thérapeutique. En effet, le nouveau paradigme qui s’impose en la matière, contre le modèle paternaliste unanimement décrié, est celui de la médecine « centrée sur le patient », qui voit en ce dernier non plus – ou plus seulement – un objet d’intervention, mais un « partenaire », voire un « expert » qui, parce que l'expérience de la vie avec la maladie serait source de connaissances et de compétences, pourrait de plein droit participer à ce qu’il est désormais convenu d’appeler « la co-construction des savoirs ». Popularisées dans les milieux de la santé par les sciences de l’éducation (Barrier, 2014 ; Flora, 2012) et reprises avec enthousiasme mais aussi, malheureusement, naïveté, par les défenseurs du « patient empowerment » (Anderson & Funnell 2005 ; Aujoulat and al. 2007), ces idées reposent sur un non-sens épistémologique. S’inspirant d’Ogien, on pourrait l’appeler le dolorisme épistémique, et se demander dans quelle mesure la figure émergente du "patient expert" n'en est pas un avatar.
Issues raised by willful ignorance in both criminal law, epistemology and philosophy of mind (in ... more Issues raised by willful ignorance in both criminal law, epistemology and philosophy of mind (in French).
Epistemic Paternalism : conceptions, justifications, and implications, 2020
in Guy Axtell & Amiel Bernal (eds.). Epistemic Paternalism : conceptions, justifications, and im... more in Guy Axtell & Amiel Bernal (eds.). Epistemic Paternalism : conceptions, justifications, and implications. Lanham, Md: Rowman & Littlefield International (2020)
forthcoming in Fabio Gironi, The Legacy of Kant in Sellars and Meillassoux: Analytic and Continen... more forthcoming in Fabio Gironi, The Legacy of Kant in Sellars and Meillassoux: Analytic and Continental Kantianism, Routledge 2018.
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L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1) et du GIP (Gastric Inhibitory Polypeptide), mieux connus sous les noms commerciaux Ozempic et Wegovy, est remarquable.
Le volume de prescriptions et le budget qu’y consacrent les régimes publics d’assurance maladie explosent, et avec eux les bénéfices des compagnies qui les fabriquent.
En tant que spécialistes en philosophie de la médecine, sciences de la nutrition et de l’alimentation, sociologie du médicament et endocrinologie, il nous paraît nécessaire de prendre un pas de recul et de faire le point sur ces nouveaux traitements, sur leurs promesses mais aussi sur leurs limites.
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Over the last twenty years, the field of epistemology has tremendously widened, both in terms of objects and methods. As a result, the boundaries that used to sever this discipline from other fields of study seem to have faded away. Social psychology, cognitive science, sociology, history, anthropology, and gender studies, to name but a few, all claim to be relevant when human knowledge is under investigation. Now whereas some epistemologists endorse such claims as appropriate and well founded, others insist that a clear-cut distinction between disciplines is necessary for the sake of epistemology itself. Relying on recent books and earlier papers by Roger Pouivet and Pascal Engel, our aim is to account for and discuss the main arguments that animate this debate.
We argue that participatory research can help provide a university-community co-constructed response to epistemic injustices embedded within the processes of knowledge production. From our perspective, the mobilization of knowledge from the university and the community, initiated at the earliest stages of the creation of a research team, is part of a critical approach to the academic production of knowledge. It also constitutes a laboratory for observing, understanding and attempting to reduce epistemic injustices through building bridges between team members.
The article focuses on two dimensions of the framework mentioned above: (1) The methodology we established to build co-learning spaces at the crossroads of university and community-based organizations (recruitment of a coordinator to organize and facilitate the workshops, informal and friendly meetings, regular clarification of the process and rules of operation, time for everyone to express themselves, informal preparatory meetings for those who wanted them, financial compensation where required, etc.); and (2) A self-assessment tool available in open access that we built during the process to help academics and their partners engage in a reflexive evaluation of participatory research processes from the point of view of epistemic injustices. Throughout we pay particular attention to challenges inherent in our research program and our responses, and finish with some concluding thoughts on key issues that emerged over the course of two years’ research.
Conference Presentations by Aude Bandini
Ce paradoxe découle assez directement de ce qu’il nomme le « dolorisme » et qui constitue la cible principale de son dernier ouvrage. Ce courant de pensée, omniprésent quoique rarement explicite, est celui qui consiste à considérer que l’expérience de la maladie (notamment grave, incurable et invalidante) constituerait pour le patient une source de vertus et d’excellences, l’amenant à se découvrir et à déployer des qualités insoupçonnées qui le mettraient moralement et intellectuellement à part, sinon au-dessus, des biens portants. Autrement dit, la maladie (surtout grave, invalidante ou incurable) nous rendrait meilleurs, plus « forts », sages, lucides, etc.
Je voudrais ici poursuivre la critique avancée par Ogien contre ce mythe doloriste dans sa déclinaison plus spécifiquement épistémologique, i.e. l’idée que l’expérience de la maladie pourrait constituer une source valable de connaissance pour le patient : savoir sur la maladie, le soin et la santé, et plus largement, les valeurs (Barrier, 2010 et 2014 ; Pelluchon, 2016). Je souhaite mettre en évidence qu’il s’agit là d’un sophisme potentiellement dangereux dans la mesure où il imprègne la manière dont on conçoit aujourd’hui la relation thérapeutique. En effet, le nouveau paradigme qui s’impose en la matière, contre le modèle paternaliste unanimement décrié, est celui de la médecine « centrée sur le patient », qui voit en ce dernier non plus – ou plus seulement – un objet d’intervention, mais un « partenaire », voire un « expert » qui, parce que l'expérience de la vie avec la maladie serait source de connaissances et de compétences, pourrait de plein droit participer à ce qu’il est désormais convenu d’appeler « la co-construction des savoirs ». Popularisées dans les milieux de la santé par les sciences de l’éducation (Barrier, 2014 ; Flora, 2012) et reprises avec enthousiasme mais aussi, malheureusement, naïveté, par les défenseurs du « patient empowerment » (Anderson & Funnell 2005 ; Aujoulat and al. 2007), ces idées reposent sur un non-sens épistémologique. S’inspirant d’Ogien, on pourrait l’appeler le dolorisme épistémique, et se demander dans quelle mesure la figure émergente du "patient expert" n'en est pas un avatar.
L’engouement pour les nouveaux médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1) et du GIP (Gastric Inhibitory Polypeptide), mieux connus sous les noms commerciaux Ozempic et Wegovy, est remarquable.
Le volume de prescriptions et le budget qu’y consacrent les régimes publics d’assurance maladie explosent, et avec eux les bénéfices des compagnies qui les fabriquent.
En tant que spécialistes en philosophie de la médecine, sciences de la nutrition et de l’alimentation, sociologie du médicament et endocrinologie, il nous paraît nécessaire de prendre un pas de recul et de faire le point sur ces nouveaux traitements, sur leurs promesses mais aussi sur leurs limites.
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Over the last twenty years, the field of epistemology has tremendously widened, both in terms of objects and methods. As a result, the boundaries that used to sever this discipline from other fields of study seem to have faded away. Social psychology, cognitive science, sociology, history, anthropology, and gender studies, to name but a few, all claim to be relevant when human knowledge is under investigation. Now whereas some epistemologists endorse such claims as appropriate and well founded, others insist that a clear-cut distinction between disciplines is necessary for the sake of epistemology itself. Relying on recent books and earlier papers by Roger Pouivet and Pascal Engel, our aim is to account for and discuss the main arguments that animate this debate.
We argue that participatory research can help provide a university-community co-constructed response to epistemic injustices embedded within the processes of knowledge production. From our perspective, the mobilization of knowledge from the university and the community, initiated at the earliest stages of the creation of a research team, is part of a critical approach to the academic production of knowledge. It also constitutes a laboratory for observing, understanding and attempting to reduce epistemic injustices through building bridges between team members.
The article focuses on two dimensions of the framework mentioned above: (1) The methodology we established to build co-learning spaces at the crossroads of university and community-based organizations (recruitment of a coordinator to organize and facilitate the workshops, informal and friendly meetings, regular clarification of the process and rules of operation, time for everyone to express themselves, informal preparatory meetings for those who wanted them, financial compensation where required, etc.); and (2) A self-assessment tool available in open access that we built during the process to help academics and their partners engage in a reflexive evaluation of participatory research processes from the point of view of epistemic injustices. Throughout we pay particular attention to challenges inherent in our research program and our responses, and finish with some concluding thoughts on key issues that emerged over the course of two years’ research.
Ce paradoxe découle assez directement de ce qu’il nomme le « dolorisme » et qui constitue la cible principale de son dernier ouvrage. Ce courant de pensée, omniprésent quoique rarement explicite, est celui qui consiste à considérer que l’expérience de la maladie (notamment grave, incurable et invalidante) constituerait pour le patient une source de vertus et d’excellences, l’amenant à se découvrir et à déployer des qualités insoupçonnées qui le mettraient moralement et intellectuellement à part, sinon au-dessus, des biens portants. Autrement dit, la maladie (surtout grave, invalidante ou incurable) nous rendrait meilleurs, plus « forts », sages, lucides, etc.
Je voudrais ici poursuivre la critique avancée par Ogien contre ce mythe doloriste dans sa déclinaison plus spécifiquement épistémologique, i.e. l’idée que l’expérience de la maladie pourrait constituer une source valable de connaissance pour le patient : savoir sur la maladie, le soin et la santé, et plus largement, les valeurs (Barrier, 2010 et 2014 ; Pelluchon, 2016). Je souhaite mettre en évidence qu’il s’agit là d’un sophisme potentiellement dangereux dans la mesure où il imprègne la manière dont on conçoit aujourd’hui la relation thérapeutique. En effet, le nouveau paradigme qui s’impose en la matière, contre le modèle paternaliste unanimement décrié, est celui de la médecine « centrée sur le patient », qui voit en ce dernier non plus – ou plus seulement – un objet d’intervention, mais un « partenaire », voire un « expert » qui, parce que l'expérience de la vie avec la maladie serait source de connaissances et de compétences, pourrait de plein droit participer à ce qu’il est désormais convenu d’appeler « la co-construction des savoirs ». Popularisées dans les milieux de la santé par les sciences de l’éducation (Barrier, 2014 ; Flora, 2012) et reprises avec enthousiasme mais aussi, malheureusement, naïveté, par les défenseurs du « patient empowerment » (Anderson & Funnell 2005 ; Aujoulat and al. 2007), ces idées reposent sur un non-sens épistémologique. S’inspirant d’Ogien, on pourrait l’appeler le dolorisme épistémique, et se demander dans quelle mesure la figure émergente du "patient expert" n'en est pas un avatar.