Dans ce colloque consacré en grande partie à la « galaxie Bosco », au cours duquel ont été succes... more Dans ce colloque consacré en grande partie à la « galaxie Bosco », au cours duquel ont été successivement évoqués les nom et rôle de François Bonjean, Gabriel Germain, Ahmed Sefrioui, plus incidemment ceux de René Guénon ou d'Edmond Charlot dont on vient de célébrer le Centenaire en France et qui fédère la plupart d'entre eux – mon propos a été d'ajouter un nom à "la galaxie Bosco" - le nom d'un poète aujourd'hui bien oublié, mais dont le rôle de médiateur mérite d'être cité à plus d'un titre : je veux parler d'Armand Guibert (1906-1990), de ses liens profonds non seulement avec Bosco, mais avec l'ensemble de la galaxie en question, qu'il sut faire découvrir à d'autres amis au fil des ans.
Bernard Mouralis, dans sa thèse sur Les Contre littératures, souligne à juste titre combien " lit... more Bernard Mouralis, dans sa thèse sur Les Contre littératures, souligne à juste titre combien " littérature policière, science fiction, bande dessinée, photo-roman constituent pour le public […] un autre système de références, une autre culture, véhiculées en dehors de structures de la tradition lettrée. Culture susceptible parfois de déboucher sur une contestation des valeurs sociales ou esthétiques. […] Mais également culture plus généralement conservatrice […], culture qui oscille entre d'une part le mythe dans la mesure où, au niveau de la relation auteur-lecteur, elle remplit incontestablement une fonction fantasmatique dont nous avons besoin et, d'autre part, l'idéologie, dans la mesure où, au niveau de la relation production-consommation, elle apparaît comme l'expression d'une certaine conception du monde étroitement dépendante des structures de tous ordres-politique, social, militaire – sur lesquelles celui-ci est aujourd'hui fondé. " 1 Ainsi, de l'expression de l'idéologie dominante, à la manière d'un miroir grossissant, " d'autant plus que l'influence personnelle des auteurs et de leur pensée y est limitée " (Marc Riglet) à sa dénonciation, les expressions mineures et paralittéraires paraissent jouer dans l'histoire et l'économie des jeunes littératures francophones un rôle complexe et ambigu, que l'étude du roman policier algérien peut permettre d'analyser. C'est en effet autour de l'année de référence 1989 que celui-ci passe allègrement — du double fait du contexte socio-linguistique et de la personnalité de quelques auteurs — d'une réception idéologique marquée à une fonction fantasmatique et dénonciatrice tout à fait nouvelle, et fort intéressante à étudier. Préhistoire Hormis quelques essais ou travaux universitaires, l'histoire des paralittératures maghrébines en langue française reste encore largement à
La technique d'écriture colorée, incomplètement proposée par Memmi dans Le Scorpion (Gallimard, 1... more La technique d'écriture colorée, incomplètement proposée par Memmi dans Le Scorpion (Gallimard, 1969), puis théorisée dans L'Ecriture colorée ou je vous aime en rouge (Périple, 1986) n'a, à ma connaissance, donné lieu à aucune analyse ou approche critique. En 1986, profitant d'un compte-rendu, j'avais toutefois tenté un compte-rendu croisé de ce dernier essai avec le recueil posthume de Jean Sénac, Alchimie (Paris, éd. Lafabrie, s.d.) Ce sont ces pistes initiales que je voudrais ici prolonger de quelques compléments à la lumière du journal intime inédit d'Albert Memmi (au moment de la rédaction du Scorpion, il prend du reste la forme d'un Journal du Scorpion), et de certaines de ses correspondances (Etiemble, Barthes).
Au printemps 1957, en pleine guerre d’Algérie,
un jeune écrivain juif de Tunisie, qui « n’est ni
... more Au printemps 1957, en pleine guerre d’Algérie, un jeune écrivain juif de Tunisie, qui « n’est ni français ni tunisien, et à peine juif » (A. Camus), brosse sans hargne ni fracas un terrible Portrait du colonisé précédé d’un Portrait du colonisateur : plus démonstratif que ceux de Césaire, moins violent que ceux de Fanon, moins théorique que ceux de Sartre et d’un genre totalement nouveau en sociologie, cet ouvrage inspira dans les décennies suivantes de nombreux mouvements sociaux et régionalistes, après avoir servi de bréviaire à la plupart des mouvements indépendantistes à travers le monde. Un demi-siècle plus tard, le Portrait du décolonisé arabo-musulman et de quelques autres (2004) établissait à contre courant un bilan sans concession des décolonisations, concluant à une permanence remarquable, en ce contexte comme en d’autres, du « duo » constitué par les dominants et les dominés. Entre ces deux essais fondateurs, Albert Memmi, né en 1920, composa encore plusieurs portraits ou autoportraits, comme ce magistral Portrait d’un Juif en deux volumes (1962 et 1966) qui considère l’existence de l’État d’Israël comme une solution possible au « malheur d’être juif ». Enfin, avec L’Homme dominé (1968) ajoutant à cet inventaire des portraits du noir, du prolétaire, de la femme et du domestique, cette longue et ambitieuse recherche aboutit à un impossible « portrait global de l’homme dominé » qui établirait la somme de nos aliénations et des réponses de défense ou d’abandon que nous y apportons. C’est sous l’angle d’une poétique du portrait, entre fiction et réflexion et en suivant la dynamique d’une oeuvre dialoguant sans cesse avec son siècle qu’est établie cette édition critique. En montrant que ces textes, pour coller à l’évolution du monde moderne, sont conçus comme complémentaires et évolutifs, elle dresse pour la première fois un détonnant procès du postcolonial au Maghreb, et ailleurs.
... une belle vitalité et diversité. ... Des Veillées de la Hafsia en 1919 aux Récits du Mellah e... more ... une belle vitalité et diversité. ... Des Veillées de la Hafsia en 1919 aux Récits du Mellah et à L'Essuie-main des pieds (1981), les écrivains sépharades ont excellé dans les récits brefs, jugés plus aptes que le roman à restituer les traditions, à rendre compte d'un vécu, à dramatiser ...
Dans ce colloque consacré en grande partie à la « galaxie Bosco », au cours duquel ont été succes... more Dans ce colloque consacré en grande partie à la « galaxie Bosco », au cours duquel ont été successivement évoqués les nom et rôle de François Bonjean, Gabriel Germain, Ahmed Sefrioui, plus incidemment ceux de René Guénon ou d'Edmond Charlot dont on vient de célébrer le Centenaire en France et qui fédère la plupart d'entre eux – mon propos a été d'ajouter un nom à "la galaxie Bosco" - le nom d'un poète aujourd'hui bien oublié, mais dont le rôle de médiateur mérite d'être cité à plus d'un titre : je veux parler d'Armand Guibert (1906-1990), de ses liens profonds non seulement avec Bosco, mais avec l'ensemble de la galaxie en question, qu'il sut faire découvrir à d'autres amis au fil des ans.
Bernard Mouralis, dans sa thèse sur Les Contre littératures, souligne à juste titre combien " lit... more Bernard Mouralis, dans sa thèse sur Les Contre littératures, souligne à juste titre combien " littérature policière, science fiction, bande dessinée, photo-roman constituent pour le public […] un autre système de références, une autre culture, véhiculées en dehors de structures de la tradition lettrée. Culture susceptible parfois de déboucher sur une contestation des valeurs sociales ou esthétiques. […] Mais également culture plus généralement conservatrice […], culture qui oscille entre d'une part le mythe dans la mesure où, au niveau de la relation auteur-lecteur, elle remplit incontestablement une fonction fantasmatique dont nous avons besoin et, d'autre part, l'idéologie, dans la mesure où, au niveau de la relation production-consommation, elle apparaît comme l'expression d'une certaine conception du monde étroitement dépendante des structures de tous ordres-politique, social, militaire – sur lesquelles celui-ci est aujourd'hui fondé. " 1 Ainsi, de l'expression de l'idéologie dominante, à la manière d'un miroir grossissant, " d'autant plus que l'influence personnelle des auteurs et de leur pensée y est limitée " (Marc Riglet) à sa dénonciation, les expressions mineures et paralittéraires paraissent jouer dans l'histoire et l'économie des jeunes littératures francophones un rôle complexe et ambigu, que l'étude du roman policier algérien peut permettre d'analyser. C'est en effet autour de l'année de référence 1989 que celui-ci passe allègrement — du double fait du contexte socio-linguistique et de la personnalité de quelques auteurs — d'une réception idéologique marquée à une fonction fantasmatique et dénonciatrice tout à fait nouvelle, et fort intéressante à étudier. Préhistoire Hormis quelques essais ou travaux universitaires, l'histoire des paralittératures maghrébines en langue française reste encore largement à
La technique d'écriture colorée, incomplètement proposée par Memmi dans Le Scorpion (Gallimard, 1... more La technique d'écriture colorée, incomplètement proposée par Memmi dans Le Scorpion (Gallimard, 1969), puis théorisée dans L'Ecriture colorée ou je vous aime en rouge (Périple, 1986) n'a, à ma connaissance, donné lieu à aucune analyse ou approche critique. En 1986, profitant d'un compte-rendu, j'avais toutefois tenté un compte-rendu croisé de ce dernier essai avec le recueil posthume de Jean Sénac, Alchimie (Paris, éd. Lafabrie, s.d.) Ce sont ces pistes initiales que je voudrais ici prolonger de quelques compléments à la lumière du journal intime inédit d'Albert Memmi (au moment de la rédaction du Scorpion, il prend du reste la forme d'un Journal du Scorpion), et de certaines de ses correspondances (Etiemble, Barthes).
Au printemps 1957, en pleine guerre d’Algérie,
un jeune écrivain juif de Tunisie, qui « n’est ni
... more Au printemps 1957, en pleine guerre d’Algérie, un jeune écrivain juif de Tunisie, qui « n’est ni français ni tunisien, et à peine juif » (A. Camus), brosse sans hargne ni fracas un terrible Portrait du colonisé précédé d’un Portrait du colonisateur : plus démonstratif que ceux de Césaire, moins violent que ceux de Fanon, moins théorique que ceux de Sartre et d’un genre totalement nouveau en sociologie, cet ouvrage inspira dans les décennies suivantes de nombreux mouvements sociaux et régionalistes, après avoir servi de bréviaire à la plupart des mouvements indépendantistes à travers le monde. Un demi-siècle plus tard, le Portrait du décolonisé arabo-musulman et de quelques autres (2004) établissait à contre courant un bilan sans concession des décolonisations, concluant à une permanence remarquable, en ce contexte comme en d’autres, du « duo » constitué par les dominants et les dominés. Entre ces deux essais fondateurs, Albert Memmi, né en 1920, composa encore plusieurs portraits ou autoportraits, comme ce magistral Portrait d’un Juif en deux volumes (1962 et 1966) qui considère l’existence de l’État d’Israël comme une solution possible au « malheur d’être juif ». Enfin, avec L’Homme dominé (1968) ajoutant à cet inventaire des portraits du noir, du prolétaire, de la femme et du domestique, cette longue et ambitieuse recherche aboutit à un impossible « portrait global de l’homme dominé » qui établirait la somme de nos aliénations et des réponses de défense ou d’abandon que nous y apportons. C’est sous l’angle d’une poétique du portrait, entre fiction et réflexion et en suivant la dynamique d’une oeuvre dialoguant sans cesse avec son siècle qu’est établie cette édition critique. En montrant que ces textes, pour coller à l’évolution du monde moderne, sont conçus comme complémentaires et évolutifs, elle dresse pour la première fois un détonnant procès du postcolonial au Maghreb, et ailleurs.
... une belle vitalité et diversité. ... Des Veillées de la Hafsia en 1919 aux Récits du Mellah e... more ... une belle vitalité et diversité. ... Des Veillées de la Hafsia en 1919 aux Récits du Mellah et à L'Essuie-main des pieds (1981), les écrivains sépharades ont excellé dans les récits brefs, jugés plus aptes que le roman à restituer les traditions, à rendre compte d'un vécu, à dramatiser ...
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Papers by Guy Dugas
un jeune écrivain juif de Tunisie, qui « n’est ni
français ni tunisien, et à peine juif » (A. Camus),
brosse sans hargne ni fracas un terrible Portrait du
colonisé précédé d’un Portrait du colonisateur : plus
démonstratif que ceux de Césaire, moins violent que
ceux de Fanon, moins théorique que ceux de Sartre
et d’un genre totalement nouveau en sociologie,
cet ouvrage inspira dans les décennies suivantes de
nombreux mouvements sociaux et régionalistes, après
avoir servi de bréviaire à la plupart des mouvements
indépendantistes à travers le monde.
Un demi-siècle plus tard, le Portrait du décolonisé
arabo-musulman et de quelques autres (2004)
établissait à contre courant un bilan sans concession
des décolonisations, concluant à une permanence
remarquable, en ce contexte comme en d’autres, du
« duo » constitué par les dominants et les dominés.
Entre ces deux essais fondateurs, Albert Memmi,
né en 1920, composa encore plusieurs portraits ou
autoportraits, comme ce magistral Portrait d’un Juif en
deux volumes (1962 et 1966) qui considère l’existence
de l’État d’Israël comme une solution possible au
« malheur d’être juif ».
Enfin, avec L’Homme dominé (1968) ajoutant à
cet inventaire des portraits du noir, du prolétaire, de
la femme et du domestique, cette longue et ambitieuse
recherche aboutit à un impossible « portrait global
de l’homme dominé » qui établirait la somme de nos
aliénations et des réponses de défense ou d’abandon que
nous y apportons.
C’est sous l’angle d’une poétique du portrait, entre
fiction et réflexion et en suivant la dynamique d’une
oeuvre dialoguant sans cesse avec son siècle qu’est établie
cette édition critique. En montrant que ces textes, pour
coller à l’évolution du monde moderne, sont conçus
comme complémentaires et évolutifs, elle dresse pour
la première fois un détonnant procès du postcolonial au
Maghreb, et ailleurs.
un jeune écrivain juif de Tunisie, qui « n’est ni
français ni tunisien, et à peine juif » (A. Camus),
brosse sans hargne ni fracas un terrible Portrait du
colonisé précédé d’un Portrait du colonisateur : plus
démonstratif que ceux de Césaire, moins violent que
ceux de Fanon, moins théorique que ceux de Sartre
et d’un genre totalement nouveau en sociologie,
cet ouvrage inspira dans les décennies suivantes de
nombreux mouvements sociaux et régionalistes, après
avoir servi de bréviaire à la plupart des mouvements
indépendantistes à travers le monde.
Un demi-siècle plus tard, le Portrait du décolonisé
arabo-musulman et de quelques autres (2004)
établissait à contre courant un bilan sans concession
des décolonisations, concluant à une permanence
remarquable, en ce contexte comme en d’autres, du
« duo » constitué par les dominants et les dominés.
Entre ces deux essais fondateurs, Albert Memmi,
né en 1920, composa encore plusieurs portraits ou
autoportraits, comme ce magistral Portrait d’un Juif en
deux volumes (1962 et 1966) qui considère l’existence
de l’État d’Israël comme une solution possible au
« malheur d’être juif ».
Enfin, avec L’Homme dominé (1968) ajoutant à
cet inventaire des portraits du noir, du prolétaire, de
la femme et du domestique, cette longue et ambitieuse
recherche aboutit à un impossible « portrait global
de l’homme dominé » qui établirait la somme de nos
aliénations et des réponses de défense ou d’abandon que
nous y apportons.
C’est sous l’angle d’une poétique du portrait, entre
fiction et réflexion et en suivant la dynamique d’une
oeuvre dialoguant sans cesse avec son siècle qu’est établie
cette édition critique. En montrant que ces textes, pour
coller à l’évolution du monde moderne, sont conçus
comme complémentaires et évolutifs, elle dresse pour
la première fois un détonnant procès du postcolonial au
Maghreb, et ailleurs.