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et
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Derision>> dans
Une Saisonen En]ierde Rimbaudi}
La
<<
Depuis sa naissance, Une Saisonen linfora 6t6 vouee cemme
par une
sorte
de fatalit6
b des modes
particuliersde lecture.D'un c6t6, ily a sa
logiqueinterne,son intentionde rupture, que semble
venir
confirmer
le
mythe
d'un abandon
immediat de la litt6rature,
abandon
suivi
d'une vie
d'errance.D'un autre, tout un faisceauaussi bien de circonstances
concernant
la genese et 1'impressionde 1'oeuvreque de legendesportant sur
la personne de 1'auteur,a in6vitablementorient6 les lectures.Un des
facteurs
dont tout le monde
reconnait
1'importance,
principauxde 1'ceuvre,
est le probleme du christianisme.
L'ceuvre a et6 exposee
b une a contaminationD
ou une
r6cuperation
de Ia part des lecteurscatholiques
comme
Paul Claudel,pour qui Ia rencontre
avec
1'eeuvrede Rimbaud marque le
moment
crucial
de sa vie2}. Vient s'y ajouter
lefameux t6moignage d'IsabelleRimbaud b propos de laK conversion D de son freresur lelitde mort3}
t6moignage
qui a faitcouler beaucoup d'encre.Un autre type de lecture
largementr6pandu est une Iecturebiographiquequi, en consid6rant
,
1) Cettecommunicatiens'appuiesurIa
de 3e cycle
en
que j'aiseutenue
decembre 1985 a l'Universit6 de Paris III :
these
Combat
mois
apres,
d'Uhe
un
immense
Essai d'analyse textuelle d'Une Salson en
1'impressionvivante
Enfer tle Rimbaud.
du
ou
spirituel
2)
Lire surtout
Ma
Conversion:KLa
lueur
de
v6tit6
me
fut donn6e par
premiere
la rencentre
des livresd'un grand poete,
dois
une
Eternelle reconnaissance,
i qui je
qui a eu dan$ la formation de ma pensee
une
part preponderante, Arthur Rimbaud.
La lecture des Illaminatiens,puis, quelques
et
eeqfer, fut pour
Pour la premiere
une
fissuredans
et me
donnaient
saison
en
6venement capital.
fbis,ces livres ouvraient
De'rist'on.2 mon
bagne mat6rialiste
moi
surnaturel."
mard,
KBibliotheque
et
presque
((Euvres
en
physique
prose,Galli-
de la PIEiade", p.
1009)
3) Lettred'IsabelleRimbaud b sa mere
28 octebre
1891 (Rimbaud, CEuvres
complDtes,
Gallimard, c Bibliothequede la
Pleiade), pp. 704707).
du
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1'eeuvrecomme
1'auteur,
cherche
representation
plusou
directede la vie
telle notation du texte
moins
reelle
de
des liensentre telleou
et tel ou
tel faltexistentiel. Ainsi,pour certains lecteurs,
qSatan"
du Prologue
et K Vierge fblle
" sont-・ils la pour evoquer Verlaine,et le r6cit de P'laerge
se rapporte-t-il
) lavie commune
de Rimbaud et de Verlaine.
foIZb
La lecture
la lecturebiographique ont une part
chretienne
eomme
de verite. En efllet, Dieu, Bible,theologie sont omnipresents
dans 1'zeuvre.
Mon approche elle-mEme
porte avant tout sur Ia relation du protagonistenarrateur
avec
lesvaleurs chretiennes. De meme,
on ne peut nier la realite
de reflets autobiographiques
dans certains passages,dans ler6cit d'Alehimie
du Vevbe,en particulier.
Cependant,larelation de < je> avec le christianisme
n'est point simple.
On ne peut voir en luini un chretien nai'vement
pieux
ni paien completement
indifferent
au chrlstianisme.
Tout le drame d'Uhze
Saisonen EbeLfer
s'inscrit dans le dechirementou Ia << torsion D du protagoniste faceau christianisme.
lesimages
Quant aux reflets autobiographiques,
tir6es de larealite ne sont pas lhpour fairereconstituer
lar6alit6 telle qu'elle
6tait,mais au contraire pour creer une realit6 nouvelle,
fictive,
qui est
1'universautonome
de 1'oeuvre.
U)TeSdeisonen Enjer est une oeuvre essen-tiellement fictive
ayant
sa structure et sa logiqueinternes.
EIIese developpe
sur le theme
du passage dans le sejour des Kdamn6s
>>, b la recherche
d'une sortie. Bien que 1'cenferD soit au fbnd une metaphore
de la vie,
1'enferdans la vie, ce caractere metaphorique
ne se reve!e
qu'au bout
d'une analyse de 1'ceuvredans son ensemble,
Stre onfondu
et ne saurait
avec
aucune
comparaison
fragmentaireet reductrice
i la realit6 vecue.
Une autre insuMsance sinon erreur des lectureseffectuees jusqu'au
milieu des annees
1970 reside dans 1'attention
exclusive
qu'on pretaitau
¢
" combat
spirituel"
sans
tenir
compte
d'un autre
aspect
non
moins
es-
1'aspect
de derision.
Ce qui revient i negliger ou b faire
abstraction
de lapartlaplus importantede 1'eeuvre
: rythme, ton, style; voire respiration, haleternent.
Meme dans les cas oin l'on s'en apercevait,
la maniere
de le traiter etaitsouvent fragmentaire,
a une
car on cherchait ctlereduire
realite
A mon sens, cet aspect de derisionn'est point
qui y corresponde.
detachablede 1'aspectmoral : ilest intimement li6b 1'esprit
de 1'ceuvre,
il determinela totalite de son deroulement.
C'esten prenant comme
fi1
conducteur
lac derision", partlaplus vive du discours,que jevais tenter
une
lectured'UiteSZzison
en Ebefor.
sentiel
:
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I. D6rision
KcorrosiveD
Le premier travail men6 avec succes dans une directionanalogue est
de 1'etudede Davies
celui de Margaret Daviesj).Une des notions-clefs
est Kironie".
Celle-ci est un acte conscient,
qu'ils'agisse d'ironie sur
autrui
ou d'auto-ironie2>
Or, laK d6risionD qui fait1'objetde mon analyse
manifeste.
Il y a une
ne se limite
pas b ce sens conscient de moquerie
autre
derision moins
apparente
mais
d6cisivepour 1'ceuvre.C'est une
derision qui 6mane spontanement
sans etre pergue par <je >-narrateur,
mais
qui est sensible au lecteur.Le Nouveau Grand Robert donne du mot
K d6rision
" deux sens differents
:
1. M6pris qui inc{teb rire, b se moquer
de (qqn,
qqch.).
2. Chose insignifiante,
derisoire.
examiner
les deux sortes de derisionapde pres comment
Je voudrais
la seconde
paraissentdans la succession des r6cits et dans quellemesure
d6termine le devenirde 1'oruvre.
Partout dans les premiers vers rimbaldiens
de 1870-1871,on ren: caricature
des bourgeois
contre difierentesformes de derisionagressive
provinciauxdans A la Musigue; haine entrat"nant une deformation grotesque
des etres humains (Les
Assa's);
presentation provocatrice et blasph6matoire d'une esth6tique b I'enversdans Cle gu'on detau poatea Prql>os
.
de.fTeurs,...
presentedans la Saison,
elle ne se manifeste
plus d'une maniere aussi directeet aussl crue, mais
b travers desjeux
subtils avec lesmots : antiphrases,
parodies,emphases
th6atrales,... On peut en voir un exemple
typique dans le passage final
du Proiogue sans titre :
Or, si
cette
derision
portantsur lesautres
est
Ah !j'en ai trop pris : - Mais, cher Satan, jevous en eeajure,
une
prunelle
moins
irrit6e!et en attendant
les quelques petites lachetes en retard, vous
ou
instructives.
descriptives
qui aimez dans I'ecrivain1'absence des facult6s
de mon carnet de damn63).
jevous d6tache ces quelques hideux feuillets
1) Margaret Davies, Ubee Saison en
Ebefbr d'Arthur Rimbaud, Anal.vsedu Texte,
Minard, 1975,
2) KCar
1'ironieest la souplesse,
c'esta-dire 1'extrame conscience."
(Vladimir
L'fronie,
Flammarion,
1964,
Jank61evitch,
p. 3S)
d'U}re Saison en
3) Toutes lescitations
Enjer sont tir6es de la version originale:
Arthur Rimbaud, Uhe Saison en EVtLfer,
Bruxelles,M.-J. Poot et Compagnie, 1873.
Je me sers de la reproductien
par Roger
Pierrot (Geneve,
SlatkineReprints,1979).
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Le
recit
r6cits
du Prologueannonce
suivants
symboliquement
gui marquent
toutes
et resume
i lafoisled6veloppement des huit
Ilen presente
lesphases importantes.Le dernierparagraphe
un
cheminement
assez
coherent.
} la phase de la sortie de 1'Kenfer ", phase de
rupture.
Aux paragraphes precedents, <je>-protagonistenarrateur
etait
soumis,
au service
de KSatan"
leur chef, h certaines
par les KdemonsD
6preuves initiatiques
dans le monde
satanique.
pour se faireadmettre
Mais il6choue sans pouvoir aller jusqu'au
bout,malgre lesreconforts des
K demonsD. Plac6sdans ce contexte,
tous lesjeuxparodiques pr6sents
danslesparoles que < je> adresse b K Satan" se r6velent pleinement.
Faisant contraste
le commandement
avec
serieux
du Kd6mon"
(KGagne la mort avec tous tes appetits, et ton egoi'smeet tous lesp6ches
capitaux. D), la phrase inltiale
du paragrapheK Ah! j'en
ai trop pris" est
comique
dans son equivoque.Soitqu'il$'agisse de lalassitude
qu'6prouve
le protagoniste
pour ce qu'ila peursuivi(ausens de Kj'en ai assez D), soit
ils'est soumis
qu'elle veuille dire la durete des 6preuves auxquelles
(au
sens
de K que de catastrophes
subies!
D), ily a lb un detachement, un
j'ai
degrisement. L'appel ) K Satan D (Gcher Satan D) est aussi comique
dans
un double sens : premierement, 1'epithete
K cher b est une
antiphrase
en
tant que qualincation
d'une personne qui a faittorturer Ie protagoniste;
deuxiemement, la meme epithete devrait provenir d'un sentiment
humain
K SatEtnD,etre surhumain,
antipar excellence et, de ce fait,disatanise
Dieu, Kprince des demonsD selon la Bible.Vallusion b un sentiment,
de Satan (cune prunelle moins
irritee!") le place sur le
une humeur
D renfbrce le meme
effet,
plan humain. L'appositionK vous qui aimez [...]
Attribuerb K Satan "
car Satan c'est la haine,1'anti-amour
par excellence.
1'amour, voire un amour
bien determine un gofitesthetico-litt6raire
le d6satanisemais reduit sa dimension surhumaine
cela non seulement
b une dimension platementhumainei)
La seconde phrase est une longueinvocationcomportant
une
formule
de priere (Kjevous en coajure ") et lad6claration
solennelle d'une offrande
vous
detache [...]
D). Au cours de son developpe(Kvous qui aimez [...l,je
ce rituel se d6nature,se renverse
en un effet de farce.Il y a
meme,
ment
cite
plus haut
correspond
-
-
.
serait
une
11, 1);KDieu
Le Kvous
qui aimez"
qu'il a donne
paredie de ec Dieu qui aime ". CfLec Quand
Israel 6taitjeune,je 1'ai aime [...]h
(Ose'e 3, 16)
1)
a
son
tellement
Ms
unique
aim6 le monde
[...1h
Uizan
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de K Satan D qui vient d'etresignalee. Puis le
d'abord la desatanisation
i la grandiloquenceevoquaritle
contenu
de 1'othande: contrairement
d'un pfetreretirant de 1'autel
quelque chose de precieux,
gestemagestueux
des KfeuilletsD
othir
h KSatan"
est, en fait,
ce que le protagoniste va
qul ne sont m6me
pas relies et qui auront 6te d6tach6s d'un K carnet "
noterait
des croquis ou 1'ecrivain
carnet sur lequelle peintredessinerait
le
sont
de Khideux",
des ebauches. En plus, les Kfeuilletsb
qualifi6s
dans cet 6cart
KcarnetD
de Kde damneD. Le burlesquefaitirruption
et lanature insignifiante
du fond.
entre lerituel emphatique
de 1'expression
Tout ceci est motiv6 par une intentiond'exorcisrne.
Au moyen d'une
KSatanD.
d6satanisation-humanisation,
le protagoniste vise h exorciser
Signalonsh ce sLljet que leverbe K corljurer D danslaformulede convoitise
indique
(Kjevous en cofijure D) signifie egalement,comme 1'ajustement
d'ecarter
malignes
Daviesi) 1'acte
desinfiuences
par lespratiques religieuses
mou
lesmoyens surnatureis. L'exorcisme de G Satan " revient b un exorcisme
K Satan ", le protagoniste-narrateur
entre
de 1'KenferD. En d6sacralisant
lui-meme dans la vie s6culiere : il se definitcomme
quelqu'un
(rentre)
"). L'actede K detacher
ayant un metier dansle monde
profane (Kecrivain
son
Kd6tachement"
du monde
satanique,
quelques feuilletsDsymbolise
monde
infernal,qui 1'a retenu jusqu'ici.
Et ce detachement se r6vele
oti
d'autantplus burlesqlle qu'ilgarde le ton rituel. C'estla un exemple
la derisions'adressant
aux
autres
gagne en fbrce en passant par le jeu
subtil
des mots.
,
IL
Derision K
non
corrosive
m
derision pathetique et pitoyahle
Si subtilement
qu'elleimprbgne le discoursdu narrateur et si adroiteexerce
rnent qu'elle
son action K corrosive D sur l'objet,
ce type de derision
reste mineure
dans U)te Saisenen Eitfer.Toute derisionconsciente (sens
1 de Robert) suppose une certaine stabilite psychologique entre le narrateur
et son discours.Quelle
de la raillerie, celui
que soit 1'agressivite
qui la lance se tient !ui-m6me b l'abride toute attaque. Dans le cas de
1'auto-ironie
ou de la d6risionse retournant
sur le narrateur2),
les choses
1) Davies,op.cit.,p. 14.
2) Un exemple
de la d6rision
retournant
ancatres
sur
gauiois
le narrateur
: ec J'aide mes
l'eeil
bleu blanc, la cervelle
etroite, et la
se
maladresse
habMement
le leur. Maisjene beurre
trouve
mon
Sang,
(n4keuwais
sec.
1)
dans la lutte. Je
barbare que
aussi
pas
ma
chevelure.D
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inchangees,Car,lenarrateur alers calcule h 1'avance
1'effet
de son auto-ironie
et iln'y a rien d'inattendu
danscet acte masochiste
en apparence,
renvers6. AutreAu contraire, c'est souvent un narcissisme
mcmt
dit,la derisionconsciente n'est possiblequ'avec la presence,reelle
ou virtuelle,
des autres : elte se produit dans la mesure oli le narrateur
considere
qu'ellepeut etrecomprise par lesautres.
U)ieSadsonen EnjTerpresenteun monde sans autrui. Le protagoniste-・
essentielle
narrateur
se faitconstamment
faceb lui-・meme.
La d6rision
qui
elle n'est
en emane est d'une tout autre nature. EIIen'est pas consciente,
lui-meme.
pas agressive, elle ne porte pas sur lesautres ni sur le narrateur
sans que
C'estune derisionqui natt de lafagonde penser du protagoniste,
lui-m6me en prenne conscience. Ilne s'agit plus de lamanifestation volonde la part de <je >, mais de lanature de sa maniere
taired'un sentiment
aux
lecteurs.Cette derisionest etroitement
d'etre,sensible seulement
:
lieea la reflexion autour du christianisme.
Voici deux exemples
restent
essentiellement
Sang, sec. 3)
Dieu avee gourmandise.
(Mauvais
J'attends
-Ah!
b n'importe
je suis tellement delaiss6que j'offre
quelle divine
image des elans vers la perfection.
O mon abnegation, 6 ma charitemerveilleuse!
De prqfunds Domine, suis-je bete!
ici-・bas,
pourtant!
Satrg,sec.
(Mauvais
4)
Dans la premiere citatien, le mot K gourmandise " exprime 1'avidite
avec
laquelle<je >-pat'ensouhaite le salut au sens chretien. Pourtant dans la
depuis le Moyen Age, la gourmandise n'est-elle pas
tradition catholique
un des sept p6ches capitaux?
Qu'onse rappelle, entre autres, les repr6sentations visuelles des p6ches capitaux
par Bosch et Bruegel:K avec gour", on ne pourrait atteindre b Dieu. C'estlb un cas typique oti se
mandise
le d6risoire,
6rement capital de la Stzison.
La seconde citation
manifeste
montre
Ieprotagonistedans 1'impassede la r6flexion. La constatation d'etre
chretien
est la cause d'unevolonte
de devotionsans conexclu du monde
dition(tellement...
que...).Mais, au-delb de la passion serieuse, la negliTout de suite
quetleD decelela part du derisoire.
gence dans K n'importe
melee
naft
un
pourtant de
peu de recu・1 permettant une auto-critique,
D). Puis vient
b nouveau
1'appelb
abn6gation
ddsespoir(KO mon
[...]
Dominei}D), mais cet appel est plut6t joueque nai'f.
Dieu (KDe profunttis
1)
CfL
KJ'ai
du fond des
cri6
abymes
Seigneur,
129, 1>
[...](Rsaumes
vers
vous,
D
Toutes les citatioms de la Bible sont tirEes
de la traduction de Lemaistre de Sacy.
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Le protagonisteimite sa propre aspiration:il
Enfin une plaintesans issue qualifianttout
(Ksuisje
en
bete "). Au
est reduit
ce
a
se
mouvement
de ce court passagememe, on apergoit
6vidence progressivedu derisoire.Elle est parallele
b 1'Kusure
parodier.
de pens6e
cours
pensee de <je> qui se
trouve
enferme
Examinons maintenant
un
autre
second
type de d6risionest lieeb une
Ecoutez!...
J'aitous les talents!-
Il n'ya
une
D
fbnd d'uneirnpasse.
exemple
oti la manifestation
double parodie :
mise
de la
au
de
ce
ici et il ya quelqu'un:je ne
voudrais
mon
tr6sor. - Veut-on des chants negres,
des danses
pas r6pandre
de houris?Veut-on que jedisparaisse,que je plonge b la recherche
de 1'anneau?
Veut-on? Jeferaide 1'or,des remedes.
Fiez-vous donc b moi, la foi soulage, guide, guerit. Tous, venez, - meme
les petits enfants,-que
je vous consoie, qu'on repande pour vous son
cceur,-le
cceur merveiileux!-Pauvres
hommes, travailleurs! Je ne demande
de
avec
votre
confiance
seulement,
pas
prieres;
je serai heureux.
de
l'enjler,
(Nuit
par. 11-13)
Ici le protagoniste se presente
comme
personne
un
Messie b 1'imagede Jesus.
On
bibliques ; parodie du KSermon
sur
la
montagneD,
transformant la pr6dicationde 1'amour gratuiti)en un refus
d((capitaliste"
(Kjene voudrais pas r6pandre mon tresor D); 6vocationde
1'ideedu Sacre-Caeur (Kqu'on r6pande
pour vous son ceeur, - le caeur
merveilleux!");
surtout
le langage abstrait, aphoristique
et 6difiant2).
En meme
temps, on sent derriereces parolesde r6dempteur,
un ton suspect
・de charlatan.
Le protagoniste-narrateur
est aussi un magicien
de fbire.
Le ton messianique
est doub16 de celui du prestidigitateurappelant
le
: K Ecoutezb,
public pour le faireentrer dans sa baraque de spectacles
K Tous, venez,meme
lespetitsenfants". Les capacites surnaturelles
remarque
1)
K
plusieurs
Si quelqu'un
joue, pr6sentez-lui
vous
encore
allusions
frappe sur une
1'autre;et si
paragraphe de la citation
parodie tdes
de Matprdcis6ment le passage suivant
thieu:gVenez
h moi, vous
tous qui etes
fatigu6s et qui etes chargEs,
et
je vous
soulagerai.
Prenez
mon
/
joug sur vous, et
vous
manteau,
querqu'un
prend votre
laissez-luiaussi prendre votre robe. t Donnez
b tou$ ceux
demandent, et ne
qui vous
redemandez
votre
bien b celui qui
point
apprenez
de moi
deux et
que je suis
vous
1'emporte./ Et ce que vous voulez
humble de cceur; et vous trouverez le repos
que leshommes fassentpour vous, faltes-le de vos ames. I Car mon
jougest doux, et
eux."
6,
29-31)
mon
fardeau
est
pareillement pour
(Luc
l6ger.D (Matthieu
11, 282) Il semble
30)
que tout le troisieme
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Jesusmontre
dans lesEvangilessont nomm6es
K talents D; lesmiracles
sont transforrnes en tours de passe-passe.
Cependant, iln'y a pas que du ridicule. On peut noter une sorte
d'egocentrismechez <je>-protagoniste.
Tout'en pr6chantlesbiens dont
les autres pourraientb6neficier,
c'est en faitla mise
en valeur
de <je >
lui-meme qui est en questionici.L'exercicedes K taients D et lepartagedu
c cceur D ne sont pas pour autrui
mais
bienpour soi. C'estce que prouve
la derniereproposition ; K avec votre confiance
seulement,
je serai heureux.
" Illusoire
est lapr6sence des autres designes
par Iespronoms K vous D
et K on D. Pour se creer un monde
autre que lesien, leprotagoniste
simule
une situation
oti ilserait entour6
d'unefbule.Son univers aluiest un univers
sans
autrui.
r6cit, <je> croyait rencontrer
Plus haut dans le mEme
des
autres:KLb-bas,
ne sonte pas des ames honnetes."Mais tout de suite
ilconstatait qu'iln'y a personne:Kce sont des fant6mes.D La traversee
de l'Kenfer" est en meme temps une errance ftla recherche des autres,
une tentative de sortir de 1'univers
autistique. Mais, elle n'abeutit
pas.
D'oinvient le derisoire,
derisoire
n6 d'un acces
d'aspiration
serieuse,
derisoire qui est aussi pathetique et pitoyable.
C'est aussi le cas des deux
passagesde Mauvads Sang, cites plus haut. Cette derisionspontanee,
insensible
b < je>, determine1'ensernble
de 1'oeuvre.
En suivant sa transformationau cours du developpement
le sens
g6neral,on pourrait 6clairer
de 1'Kenfer " et laperteede 1'¢ uvre.
que
¢
III. Metamorphose
r6petitions-variations
de la derision non corrosive
au long de 1'oeuvre
C'estdanslesdeux premiersrecits
Sang
suceedant
au
:
Prologue- Muavais
Nuit de l'enjler---que,
la derisionnon voulue,
non
corroslve,
apparaft de lamaniere laplusmarquante.
A certains endroits, cette derision
s'exaspere en un paroxysme od la souffirance morale
est a peine distincte
des gestesconvulsifs :
et
- th marche!
Assez! Voici lapunition.
Ah! lespoumens brfilent,
lestempes grondent!
yeux, par ce soleil! le cceur... Iesmembres,..
Oti va.t-on?
atmes...
au combat?
lesautres
Je suis faible!
la nuit
avancent.
dans mes
rou!e
Les
outils,
les
Ie temps!...
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Feu! feu sur moi! Lb! ou
aux
jette
pieds des chevaux!
ava16
J'ai
qui
mes
rn'est
une
arrive!
membres,
je puis
JebrUlecomme
crier.
ne
jeme
me
rends.-Laches!-Je
(Mauvais
,S27ng,
tue!
Je me
sec.
8)
fameuse gorgee de poison.- Troisfoisb6nisoit le conseil
- Les entrailles me br[ilent.La violence
du venin tord
rne rend
diffbrme,rne
terrasse.
Je meurs
de
soig
j'6toufie,
l'eternelle
le feuse releve !
C'est1'enfer,
peine !Voyez cornme
ilfaut.Va, demon!
de t'enjler,
(ATbeit
par.1)
de MauvaisSczirg
citation),
lar6fiexlon sur
Dans la partiefinale
(premiere
lesvaleurs spirituelles (salut,
liberte)
est transpos6e en des gestespurement
Le protagoniste,
penseur m6taphysiquesimitantune aventure militaire.
et son
se transforme en un soldat pousse au combat,
physique d'ordinaire,
langagemoral et abstrait en une serie de cliches militaires.
Quantau debut
citation),
la rencontre
avec
le christianisme
de Nuit de l'enjer(seconde
y
une
douleur aigue due h une reaction chimique
ou b
est decrite
comme
au
Le KpoisonD, faisant
allusion, me semble-t-il,
une crise epileptique.
meme,
christianisme
p6netredans le sang de <je>, le d6naturesans le
6tait rejetee
complbtement.
Si la tentation chretienne
metamorphoser
s'accomplissait
tetalement, ou si la conversion
pleinement,la soufftance
produiraitpas. Les douleurscuisantes proviennentde
ne s'accomplit
ce que Ia conversion
qu') moitie et que <je > est dechire
d'un
: lespuissances
sauvages
non
articu16es
par deux forcesantagonistes
) laperfectionchr6tienne.
C'esttouJ'ours de ce dechirepai'enet I'aspiration
en question.
ment que nait lad6rision
P'ierge
Dans le troisieme recit apres le Prologue,r6cit intitu16
folle,
<je> confie provisoirementson r61e de narrateur ) Kun compagnon
d'enferD qu'il pretend avoir rencontre
au cours
de son passage dans
1'enfer.
Presentant,en tant que meneur de jeu,
la G confessionD de ce
nomme
K Vierge folleD
compagnon
(KEcoutons la confession d'un compagnon d'enferD),ilse retire lui-m6medans lescoulisses. Les lecteursspectateurs
sont
introduits,
par ses premieres paroles,dans une mise en
exclusivement
de monologues
fblle".La
scene
constituee
de KVierge
de celle-ci, plaintive
et hyperbolique,
confession
met sur un pied d'egalite
et l'Epoux infernal
le divin Epoux (Dieu)
(son6poux).Les trois noms
--- K Viergefo11e
D, K divin
Epoux ", cc Epoux infernab
tous en majuscule,
- annoncent
une
luttede Titans dans un climat
quelque chose comme
Or, ce quise r6vele b travers laconfession est la realit6 de
cosmogonique.
confiictive
ne
se
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la vie b deux entre la Vierge folleet 1'Epoux infernal,
realite banalement
humaine oti se melent seduction,jalousie,
inquietude,...
feinte,
provocation,
Ce decalageentre les'nomset larealite est d6risoire.
En plus,lefait
qu'une
1'ambiK vierge D ait un K epoux" releve de 1'absurde.
Vient s'y ajouter
Comme chez Ies cinq vierges follesde la parabole
guit6du mot K fo11eD.
evangeliquet),
le terme marque
le manque
de sagesse, de vigilance,
de
K vierge
fo11eD d6signeaujourd'hui
prevoyance.Dans le langage familier,
femme legere.
encore
une
Puis, le terme indique 1'engouementde la
Vierge pour l'Epoux, comme
fouD. Enfin, chez la
on
dit Qamoureux
Viergefolle,
ily a un c6te de K fernmefbllede son corps D, femme debauch6e
bien qu'ellesoit Gvierge".
Quand elle dit vers la fin de sa confession
K Jeluisuis soumise. - Ah! jesuis fo11e!
", la connotation
extatique
du
terme se met en relief. Ainsi,1'emphasemythologique
d'une part,1'horizon
terre->-terreet absurde
se revelant
au fi1
du recit, d'autrepart.Seulement,
le derisoire
est iciext6riorise.
Dans la perspectiveg6neralede 1'ceuvre,
le
narrateur, en objectivant
sa propre d6rision
sous
forme theatrale, marque
un pas en avant vers la sortie de 1'(enferD.
Car,la Viergefolleest une
chargee
figure
de 1'aspectderisoire
de <je >-protagoniste,
son double.
17ierge
faitun diptyqueavec le recit suivant Aichimi'e
dptJ7brbe:
folle
les deux sont r6unis sous le sous-titre commun
De'lites.
Or, Althimiedu
occupe
17lerbe
une
:
place b part dans la Saison.Ily a deux traitsdistinctifs
le mode r6trospectif
du recit et le recul du cadre generaldu passage en
enfer.
Les autres r6cits, sauf Mauvais Saug qui n'est pas place dans la
topologie de 1'enfer,
sont rattaches
ou rattachables
5 1'axespatie-temporel
de 1'KenferD. Et temporellement, tous lesautres, y compris
Mauvais Sang,
se deroulentau
present.Or, dans Atehimie du Vbrbe,le pass6 simple
devientle temps predominant avec l'imparfait.
Reprenant la parolequ'il
avait confi6e i la Vierge fbl!edurant le recit pr6cedent (KA moi.
L'histoired'unede mes folies.
>>), <je >-narrateur
une
sorte de bilande ses
fait
activites litteraires.
Les poemes en vers de 1872, inseresdans le texte en
identifient
au poete
prose avec quelques medifications,
<je >-narrateur
Rimbaud. Le cadre fictif
de 1'enferbrouille,
le r6cit se modele sur une
autre forme precise,
En arrangeant despartiesen prose et
qui est 1'opera.
des poemes en vers, letexte d'Alehimie
du Vbrbe simule un livretd'opera
1) Mbtthieu2S.
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des recitatifs alternentavec des airsi). Au cours des modulations
dramatiques
emane une certaine d6rision,plut6t intentionnelle,donc differente
de la derisionfaisant1'objetde lapresente6tude.Aussi passons-nous
courts
L'lmpossihle,
tout de suite aux quatrederniersr6cits relativement
dans la topologie de
L'Eblair,Matin, Adeeu - qui sont plac6s h nouveau
1'Kenfer ". Cettederniere
partieest caracteris6e par le retour du derisoire,
vers
la sortie de
paralleleaux reculs ou pi6tinementsdans la marche
l'Kenfer ".
L'Impossihlemarque
un
premier geste classant 1'Kenfer" dans le
oti
-
'passe
:
Hier
jesoupiTais
Ciel! sommes-nous
Moi j'ai
tant de temps dejbdans leurtroupe!
L'KenferD
encore,
est
situ6
: G
dans un pass6
assez
de dames
ici-bas!
I...]
(KHierD), mais
tres proche
tout
en
dans lepasse.Le recit se developpeautour d'un certain nombre d'antinomies
: lesdamnes contre
les61us ou faux elus,1'Occident contre 1'Orient,
la raison contre i'esprit,
la sagesse primitivede 1'Orientcontre la science
du christianisme,
la purete contre la brume (la
fievre,
lespoisons),1'antietc. A travers ces raisonnements,
< je>-narrateur
quit6contre lamodernite,
esprit :
est b nouveau
reduit
h 1'etat
autistique
oin ildialogueavec (son)
cas
Mon
prends garde. Pas de partisde
esprit,
Le dialogueavec soi ou 1'auto-pr6dication
de
apparue
dans Iesrecits prec6dents :
Ailons!La
A qui me
Dans quel
Plut6t,se
ce
genre est dejb souvent
le fardeau, le d6sert,
1'ennuiet la colere.
marche,
louer? Quelle bete faut-iladorer?
Quels cceurs
attaque-t-on?
sang
briseraitl'e?
Quel
Quelle sainte
mensonge
image
dois-jetenir?-
marcher?
garder
Tais-toi,mais
Exerce-toi!
salut violents.
Sang, sec. 4)
(Mauvais
C'est Ia honte, le reproche
ici[...]
par. 5)
(Nuitde l'enjCler,
de lajustice.
tais-toi!...
la
la forme antinomique
D'ailleurs,
ou dualistede pensee conditionne
totalit6 de 1'oeuvre.
fournirune des clefs de
Ces repetitions
semblent
une
1'ceuvre.Comme le titre 1'indique,le r6cit de L'impossthle montre
Voir b ce sojet la version
these dont la publication
1)
ma
revue
est
de
pour le d6but de 1987
chez
JoseCorti,
pr6vue
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6vasionmanquee
par leconditionnel
et s'acheve
des suppositions
avec
imaginairesexprimees
:
S'iletaitbien 6veilletoajours b partir de ce
b la verite, qui peut-etre nous
entoure
avec
bient6t
pleurant!...--- S'il
moment,
ses
nous
anges
serions
ce moment-ci,
ete eveill6
c'est que jen'aurais pas
ju$qu'b
instinctsdeleteres,b une epoque immemoriale!...-S'il avait
avait
ete bien eveille,
jevoguerais
le r6cit
pleine
en
ced6
aux
toajours
sagesse!...
L'EZlair,<je > envisage K le travail humain "
comme
un
eventuel moyen
pour sortir de 1'Kenfer". Or, ce n'est pas la
premiere foisque le K travail D se presenteh son esprit. Dans la seconde
section
de Mauvais Stzng,oti ileffectuait une retrospective de 1'histoire
du peuplefrangais,
lesnotions de K science D et de K progres D, tres proches
du KtravailD
dans la valorisation
du protagoniste,
faisaient
une
fugitive
Dans
apparition
suivant,
:
La
science,
la nouvelle
Le progres. Le
noblesse!
rnonde
marche!
A peine cette ideeevolutionniste
luietait-elle
venue
qu'illa nia en la
ridiculisant
ne
tournerait-il
par une parodie: KPourquoi
pas?i)D Le
meme
renversement
instantan6d'une athrmation
en une negation
b propos
du K travaib ou de laK science ", se retrouve b plusieursendroits :
La
vie
sante
-
Et
au
fleuritpar le travail,
vieille
: moi,
v6rite
ma
pas
ne va
assez
peur
vite
n'est
pas
assez
pe-
Saag, see. 7)
(Mattvais
(L'impossthle,
par. 14)
[...]
Ah llascience
vie
nous!
d6but de L'Etlair:
Le
travail humain!
c'est
1'explosionqui eclairemon
de
ablme
temps
en
temps.
{<
Rien
c'est-i-dire
n'est
vanit6;
a la science,
et
en
avant
1D
crie
l'Ecclesiaste
moderne,
7b"t le mende.
Iciaussi 1'ideede c travaib est immediatement 6cartee au moyen, egalement,
d'une parodie2).
L'eclairne dure qu'un instant,mais il revient.
1) Il s'agit, eomme
le sigmale Suzanne
Bernard, d'une parodie de Galilee : K Et
pourtantelletourne",6d,Bernard-Guyaux,
Gamier,p.460,note12.LemotKtourner"
aurait egalementun autre
sens comme
dans
1'expressionsuivante : K Le lait tourne
facilementm, ce qui rend
1'ironieplus
Le ecprogres" est consid6r6
la d6naturatiQnde 1'humanit6.
2) Parodie de L'Eccldlsiaste
1, 2-3:
mordante.
comme
des
KVanite
vanite
Que
des
retirc
vanites,
dit 1'Ecclesiaste;
vanit6s,
et
tout
1'hemme de
n'est
tout
que vanit6.
t
le travail qui
1'occupesouslesoleil?h
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C'est par 1'instantan6it6
et le retour
que l'K6clair" s'associe au K travaib.
Cette reintroduction
d'un terme loind'etreneuf, ces r6petitions-variations
ne sont pourtant pas gratuites.Ellessont
correlatives ) la marche
vers Ia
sortie de 1'enfer,
marche
didicile,
pleinede detourset de reculs. Incapable
de marquer
un pas definitif,
leprotagoniste
retombe
dans
pour le moment
1'impasseet y recommence
un
dialogue
avec soi. C'estun retour du derisolre
:
Alors,-
oh!
-
chbre
pauvre
ame, 1'eterniteserait・-elle
pas perdue pour
neus!
Malgr6 tout, c'est lamarche en avant qui gagne petitb petit.Il ne s'agit
pas d'une rep6tition
pure. En se retrouvant
plusieurs foisdans 1'impasse,
b prendre conscience
de 1'usurede sa pens6e, de la las<je> commence
dans un ton familieret
situde de celle-ci. L'appel b sa propre Kame"
emphatique
est
plut6t une
auto-parodie
spontanee
qu'une
r6p6tition
pure.
A 1'issue
de la progression
mouvementee,
dans!'avant<je > d6clare,
enfer D :
dernierr6cit Matin, la finde la K relation de (son)
Pourtant,aajourd'hui,
jecrois
La
finilarelation
de mon
enfer.
larelation avec son enfer1'emploide Ia
preposition est significatif. Car, c'est la fin de 1'actede relater 1'GenferD
et non
celle
de l'KenferD m6me.
C'est avant tout 1'actede relater qui
compte
dans 1'ceuvre.
C'est au moyen
des nombreuses
r6p6titions-variations verbales
de quelques prototypes de pens6e que < je> se rend compte
des limitesde sa demarche, de la KsaturationD
de son raisonnement.
Et, en d6clarantqu'ila suthsamment
raconte
son enfer, ilveut en finir
avec
1'enfermeme.
Relaterest un acte d'exorcismedans la Saison.
Cependant,la declarationn'ouvre pas de perspective nouvelle. Les
repetitions-variations
se poursuivent.Le recit de Matin est clos par une
vision morose,
teintee de resignation
:
relation
Le
de son
avoir
chant
enfer,
des
cieux,
et nen
!a marche
des peuples! Esclaves,ne
maudi$sons
pas
la vie.
Le dernierr6cit Adieune trace pas non plusun cheminement
le regret pour ce qui constituait
au contraire,
y sont exprimes
(KEt bien!jedois enterrer mon imagination et mes souvenirs!
lin6aire:
1'KenferD
") et 1'in-
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D (GMais pas une
main
amie!
et oti
quietude b 1'egardde 1'Kapres-enfer
la fin de
D). En v6rite, 1'KenferD
se maintient
puiser le secours?
jusqu'b
1'ceuvre: meme
la derniereproposition du dernier r6cit (K-et il me
sera loisible
de pessderlave'n'te'donsune ame et un corps. ") pr6sentemoins
une
certitude
qu'un
espoir.
que le second type de d6rision
determine fondamentalementla demarche du protagoniste-narrateur.
rneme
de cette pens6e d6risoire
L'essentiel
de 1'oeuvre
c'est le mouvement
haletant,se debattant dans 1'impasse.Au lieu de degager un schema
ou
de chercher
chr6tienne
ou anti-chr6tienne
quelconque- ideologie
des correspondances
ponctuellesentre le texte et larealite horsdu texte,
toute lecture
devraitd'abord essayer de cerner ce dechirementque vit le
protagonistetout an long de son passage en G enfer". La part du pathos
Le derisoirerevient b chaque
compte
beaucoup plus que celle du ltlgos.
dans un etatsans issue.Il est donc le signe de
foisque lapensee retombe
deviation,de recul ou de chute. Cependant, les repetitions-variations
d'allerjusqu'b
la lassitude,
voire b lasaturation,
au protagoniste
permettent
--- verbalement
K 1'enfer
h.
et de rompre
avant teut --- avec ce qu'ilappelle
Par lh meme, le d6risoireconstitue paradoxalementle principedynamique
essentiel de < je> et de son re it.
Jecrois
avoir
pu
suflisamment
mentrer
-
¢
Yoshikazu NAKAJI
Assistant
a 1'Universit6 de Tokye
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