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ENCYCLOPEDIE X Beni Isguen -Bouzeis

ENCYCLOPEDIE X MLKJIHGFEDCBA B en i Isgu en - B o u z e is Ouvrage publié avec le concours et sur la recommandation du Conseil international de la Philosophie et des Sciences humaines (UNESCO) E D IS U D zyxwvutsrqponml 1496 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Biha Bilta Année épigraphique, 1975, p. 883. Corpus inscriptionum latinarum , t. VIII, 14340-14341, 25444-25449. b. Manuscrits Sententiae episcoporum num ero LXXXVII de haereticis baptizendis, c.s.E.L., 3, I, pp. 435-461, Concile de Carthage de septembre 256 (Codices : Vaticanus 506, Bibliothèque Mazarine, Paris, 274, Palatinus Vaticanus, 159, Audomarensis, Saint-Omer, 84, Bibliothèque Nationale, 1607). G esta col/ationis Carthaginensis, I, 208 (S. Lancel : Actes de la Conférence de Carthage en 411, Paris, 1972, t. 2, pp. 892-893). Concilia Africae, éd. Munier, c.c. 149, p. 272, Concile de Carthage des 5 et 6 février 525. Concile d'Afrique Proconsulaire de 646. AL-BAKRI, Kitàb al-M asàlik zoa'l-M am àlik, 138, éd. de Slane : D escription de l'Afrique Septentrionale, Paris, 1858, p. 57, trad. p. 121. Les références concernant les sources chrétiennes ont été regroupées par: MESNAGEJ., L'Afrique chrétienne, évêchés et ruines antiques, Paris, 1912,p. 137. MAIER J.-L., L'épiscopat de l'Afrique rom aine, vandale et byzantine, Rome, 1973, p. 115. c. Relevés archéologiques et épigraphiques anciens BABELONE., CAGNATR. et REINACHS., Atlas archéologique de la Tunisie, 1907, Paris, f. XII, Mateur, pp. 112, 150-151. BARRYCap., «Renseignements sur le territoire entre Mateur et Béja », B.A. c., 1886,p. 485. CAGNATR., «Découvertes des Brigades topographiques en 1890», B.A.C., 1891, pp. 195-196, 550 (d'après le lieutenant Flick). MONCEAUXP., B.S.A.F., 1906, p. 231. MERLIN A., Nouvelles archives des M issions historiques et scientifiques, 1907, pp. 181-182. d. Racines berbères FOUCAULDCh. de, D ictionnaire touareg-français, dialecte de l'Ahaggar, 1951, t. 1, pp. 56-57. e. Études récentes LEPELLEYc., Les cités de l'Afrique rom aine au Bas-Em pire, t. 2, Notices d'histoire m unicipale, Prais, 1981, pp. 82-83. PEYRASJ., e Deux études de toponymie et de topographie de l'Afrique romaine. B. El-Bekri, la deuxième guerre punique et la confédération cirtéenne », Antiquités Afric., t. 22, 1986, pp. 213-253. PEYRASJ., «Anda », Encyclopédie berbère, V, 1988, pp. 637-638. J. PEYRAS MLKJIH B 77. B IJO U X L'orfèvrerie rurale maghrébine appartient à deux grands ensembles techniques qui fournissent des produits assez différents, bien que le fond en soit commun: ce sont la bijouterie moulée et à découpage ajouré, d'une part, la bijouterie émaillée, d'autre part. La première est connue partout; la seconde, en revanche, est étroitement localisée en trois régions du Maghreb: en Grande Kabylie, en Tunisie dans la petite ville de Moknine et l'île de Djerba, au Maroc dans l'Anti-Atlas et plus précisément à Tiznit. L e b ijo u tie r et ses o u tils Le travail des métaux et principalement du fer a longtemps été frappé au Maghreb, comme dans le reste du continent africain, d'une sorte de réprobation. Cette défaveur attachée aux professions qui manient les métaux explique que, quelle que soit la fortune à laquelle parviennent ces artisans, ils conservent souvent une sorte de réprobation et d'infériorité sociale attachée au nom de forgeron. Ceci explique Bijoux 1 1497zyxwvu Ateliers traditionnel d'un bijoutier d'Aït Larba : M. Nechich. A droite, usage du chalumeau à bouche (photo A. Bozom). sans doute que la profession d'orfèvres ait souvent été abandonnée aux Juifs dans de nombreuses régions d'Afrique du Nord, sinon en Grande Kabylie. L'échoppe Installé au rez-de-chaussée de sa maison le bijoutier était autrefois assis par terre sur une peau de mouton ou sur une natte, devant une table basse, il officiait dans sa petite échoppe avec, autour de lui, placés à même le sol ou dans des niches aménagées à cet effet, toujours à portée de la main, les instruments et devant lui, l'enclume et le foyer qui subsiste encore dans l'atelier traditionnel. Le foyer constitué d'une plaque de poterie (lfern) a été rempli de terre glaise qui se durcit en séchant et un orifice a été aménagé au centre pour permettre la communication du foyer avec le tuyau du souillet. Sur la terre glaise, a été déposé le charbon de bruyère (tirgin bbwe!1leng), préféré à tout autre, en raison de son grand pouvoir calorifique et aussi parce qu'il donne peu de cendre. C'est dans ce foyer qu'est déposé le creuset (tàqbust) destiné à recueillir les pièces ou les fragments d'argent qui, une fois fondus, vont servir à obtenir le lingot destiné à la fabrication du bijou. Le creuset est modelé dans l'argile mêlée à des cheveux et des poils de chèvre destinés à éviter la dilatation : simplement séché au soleil, il ne subit aucune cuisson préalable. Pour tenir le creuset, l'artisan utilisait des pinces aux extrémités recourbées et qui étaient autrefois forgées à la main (tiyem din). Le foyer est activé par un souillet (tarabuzt). Une excellente description du soufflet à main a été donnée par Van Gennep (1911) : le soufflet à main utilisé au début du siècle à Fort National et Aït Larba était constitué par une peau de chèvre ou d'agneau tannée, cousue en forme de sac rectangulaire; les deux côtés de l'ouverture sont maintenues rigides par deux morceaux de bois auxquels étaient fixées deux petites lanières en cuir où l'on passait les doigts, le pouce d'un côté, l'index et le medius, de l'autre. L'air est chassé dans le bas par une ouverture où s'embouche un canon de fusil ou tout autre tube en métal qui repose en travers du creuset de terre glaise tout contre les charbons ardents. Dans l'atelier moderne, foyer, creuset et soufflet ont été évincés par la bouteille de gaz et le chalumeau à gaz. Du même coup a disparu le sac de charbon placé tout près du foyer, à portée de la main. Les outils La désaffection des instruments primitifs s'étend aussi au chalumeau à bouche (Aêaebub) : constitué d'un tube recourbé et rétréci à son orifice distal, il permet de projeter de très près l'air à grande vitesse sur la flamme de la lampe à souder 1498 1 Bijoux (lam ba n-ellsaq). zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Chalumeau à bouche et lampe à souder étaient indispensables pour toutes les opérations de soudure avant d'être remplacés par le chalumeau à gaz. Près du foyer se trouve toujours un seau ou une cuvette remplie d'eau destinée à refroidir les pièces ou à les rincer après chaque opération. La lingotière (lqaleb n-tsbikt) sert à couler le métal fondu à sa sortie du creuset. Un moule (lqaleb) en forme d'étrier fait aussi partie du matériel traditionnel il s'accompagne d'un couteau pour nettoyer l'intérieur du moule. La déformation de l'argent se fait par des moyens mécaniques qui nécessitent l'emploi d'une petite enclume (tabelqernint), généralement fixée sur un billot de bois (taqjerm urt). Le marteau (tafdist) dont la partie active est entièrement forgée à la main permet de marteler le lingot et de l'aplatir. Le laminoir, absent de l'atelier traditionnel est en bonne place dans l'atelier moderne. C'est à l'aide de bouterolles de différentes tailles que le métal change de forme. Placé sur un dé à emboutir (lqaleb n-etjeqlalin) il est transformé en calottes hémisphériques. Burins (am enear) et matrices lheb um esm ar) servent au décor. Une matrice creusée de quatre sillons portant en creux des décors permet d'obtenir après percussion à l'aide d'un marteau, les motifs qui ressortent en relief à la surface du fil placé à l'intérieur Quelques outils anciens recueillis chez M. Nechich. De gauche à droite: enclume, marteau, filières, pinces, moule, billot de bois, ceinture de cuir, moule en forme d'étrier, creuset, étaux, bouterolles etc. (photo A. Bozom). de l'une des ces rainures. C'est comme une application du principe du levier que l'on peut considérer l'emploi des pinces et filières. Les pinces rondes (leqqad ubrin) sont indispensables à la fabrication des anneaux et font alors office de mandrin; elles servent aussi à tenir les fils, à les tordre, tandis que les brucelles (tileqqadin) pinces très fines, quelquefois à ressort sont destinées à saisir les plus petits objets (boules d'argent, fils ténus, etc.). L'étau à serrer ordinaire (lm ehbes el-lejbid) constitué de deux mâchoires que l'on rapproche à volonté à l'aide d'une vis permet de maintenir fortement l'objet que l'on travaille. Il est généralement fixé à l'établi. Mais il existe aussi dans les ateliers modernes l'étau du bijoutier, sorte de pince à vis que l'on manœuvre en la tenant d'une main pour serrer entre ses mâchoires des objets de menues dimensions tandis que l'autre main reste libre pour travailler. L'étau à main, sorte de grosse pince aux extrémités recourbées permettait d'obtenir des fils d'argent de diamètre de plus en plus réduit : pour cela une filière était utilisée, filière autrefois forgée à la main et constituée d'une plaque métallique percée de trous de différents diamètres: ces perforations ne sont évidemment pas aussi régulières que celles des filières industrielles. Le bijoutier passe une ceinture de cuir autour de sa taille (aeioeggad el-lejbid). BI/aux / zyxwvutsrqpon 1499 Les deux crochets de l'étau à main (lm ehbes ufus) glissés dans la ceinture sont ainsi retenus. Le fil passé dans un des trous de la filière retenue à l'aide des pieds est fortement tiré à l'intérieur de ce trou par un mouvement d'avant en arrière des mains qui tiennent les pinces. La base de la colonne vertébrale de l'artisan assis sert de point d'appui puisqu'il se penche vers l'arrière en tirant sur le fil qui sera introduit successivement dans les trous de plus en plus petits de la filière. Pour obtenir des fils de' plus grand diamètre et qu'il eût été trop pénible de tirer à la main, le bijoutier utilisait le banc à tirer. Il se compose d'un bâti en bois ou en fer, d'une chaîne galle qui s'engrène sur un pignon dont l'axe comporte une manivelle. Une pince articulée à larges mâchoires s'accroche à cette chaîne et glisse sur le banc lorsque par la mise en mouvement de la manivelle, le pignon attaque le porte-filière. Celui-ci se compose de quatre tiges d'acier entre lesquelles on place la filière. Mais aujourd'hui les bijoutiers préfèrent acheter le fil d'argent en rouleaux déjà calibrés et pour torsader leur fil, ils utilisent souvent une chignole (tasennart). L'artisan possède enfin des cisailles (lem sk) des ciseaux (tim qessin] qui, par percussion latérale posée perpendiculaire ou oblique permettent de découper les feuilles de plané tandis que les tenailles (tieem din) sont utilisées pour couper le fil. Les limes (lem bared) sont indispensables à l'artisan au cours de l'élaboration d'un bijou. Il faut y ajouter une meule à main (taeareft) pour polir les fragments de corail, tandis que le compas (ddabid) est indispensable au tracé des décors géométriques incisés ou à la prévision des points d'emplacement où seront soudés les fils et les boules d'argent. L'outillage du bijoutier qui peut encore comporter des pièces anciennes fabriquées à la main est aujourd'hui presque exclusivement composé d'instruments fabriqués industriellement.MLKJIHGFEDCBA L e tr a v a il du b ijo u tie r Les m atériaux em ployés L'argent est la base de la bijouterie berbère. Cette préférence s'explique à la fois par le goût et les coutumes rurales reconnues à travers tout le monde berbère. L'or y est d'introduction récente et je ne pense pas que son « discrédit» en milieu rural soit attribuable à la nature impure du métal dénoncée par les commentateurs du Coran puisque les citadines, elles, préfèrent l'or et que les femmes de la campagne ne le dédaignent pas lorsqu'elles peuvent en acquérir. En réalité la grande généralisation de l'argent en milieu rural est plutôt imputable à son prix moins élevé que celui de l'or. Son titre en est variable et si les feuilles de plané d'argent ou les lingots ont été souvent utilisés, il provient souvent d'anciennes pièces de monnaies refondues ou d'anciens bijoux ayant subi le même sort. Un produit de remplacement est le maillechort, composé denickel,cuivre et zinc. Il existe aussi des bracelets en corne colorée en noir et que l'on trouve aussi bien en Petite Kabylie que dans l'Aurès. Pour rehausser le fond des bijoux d'argent, des incrustations de matières diverses peuvent être effectuées. Le corail rouge, qu'il soit porté en perles enfilées sur un lien ou serti à l'intérieur des cabochons de Grande Kabylie et de certaines anciennes fibules de l'Aurès avant qu'il n'y soit remplacé par des perles de verroterie (M. Gaudry, 1929), est très apprécié aussi en Petite Kabylie, au Mzab (où il se porte en breloque et jamais en sertissures) et au Maroc. Ses vertus prophylactiques déjà reconnues dès les temps préhistoriques et dans l'Antiquité se sont ainsi perpétuées jusqu'à nos jours. L'emploi des clous de girofle est très répandu dans toute l'Afrique du Nord et 1500 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux se retrouve aussi bien au Mzab qu'en Ahaggar. A ses vertus prophylactiques, s'ajoutent celles d'un puissant aphrodisiaque. Ils peuvent être utilisés soit à l'état brut, soit entrer dans la composition de la pâte parfumée qui, pétrie du bout des doigts, prend la forme de petits dièdres enfilés côte à côte qui s'intègrent à divers éléments de colliers dans la confection du sxab dont les plus beaux spécimens viennent de l'Aurès et de Kabylie. L'am bre gris * devait entrer dans la confection du sxab mais son prix élevé explique son progressif remplacement par le clou de girofle. L'am bre jaune* fait partie des superbes parures féminines des régions berbères du Maroc méridional. Il est aujourd'hui remplacé par des perles de matière plastique. Les perles noires et rouges rapportées de la Mecque par les pèlerins servaient à confectionner des colliers surtout portés par les azriyat* de l'Aurès. Les coquillages* (cauris) peuvent être intégrés aux colliers ou utilisés par cinq constituant ainsi les Khomessa de l'Ahaggar dont les cinq éléments généralement en argent peuvent être remplacés par de l'os. Les défenses de sanglier sont présentes dans les régions méridionales et leur caractère prophylactique prévaut ainsi sur l'interdit qui frappe cet animal pour la consommation de sa chair. L'ém ail est un mélange pulvérulent, généralement composé de sable, minium, potasse et soude. Finement broyé, il est vitrifiable au feu sous une température élevée et les oxydes métalliques destinés à le colorer sont l'oxyde de cobalt pour le bleu translucide, l'oxyde de chrome pour le vert foncé translucide, le bioxyde de cuivre pour le vert clair opaque et le chromate de plomb pour le jaune opaque. En s'incorporant au métal qu'il recouvre, l'émail le décore tout en le protégeant de couleurs brillantes, inattaquables à l'air et à l'humidité (Lucas, 1962, p. 213). Pendant longtemps, selon P. Eudel, l'émail bleu venait directement de Tunis alors que les émaux vers et jaunes étaient obtenus par pulvérisation de petites perles pleines dites « fourmis» et qui provenaient de Murano et de Bohême. Les bijoutiers ont ensuite directement importé les poudres d'émaux de Paris et d'Europe. L'émail n'est utilisé que dans trois régions seulement du Maghreb. Les techniques Le bijoutier, devant son établi, conduit le métal brut à l'état d'œuvre achevée au cours de nombreuses opérations qui sont dues à l'utilisation d'éléments simples et naturels: la flamme, l'eau, l'air, avec le concours d'un matériel bien adapté utilisé selon des gestes techniques précis. La flamme dont l'action est activée par l'air ou neutralisée par l'eau a pour but de fondre, couler, braser, souder la matière. Le choc dû aux différents types de percussion tend à modifier la forme du métal sans diminuer son poids, par martelage, laminage, gravure, emboutissage. L'attaque, par le jeu d'instruments divers, modifie l'aspect du métal par segmentation, sciage ou limage qui provoquent une perte de matière première.MLKJIHGFEDCBA T e c h n iq u e s du fe u La fusion du métal est partout la première opération. L'argent placé dans le creuset fond à une température de 962 0 initiale conduit le métal brut à l'état liquide. : cette opération Le coulage Une fois en fusion, le métal pourra être coulé dans un moule ou une lingotière. Les bijoux de Petite Kabylie, de l'Aurès et de bon nombre de régions méridionales sont moulés. Le procédé consiste à placer à l'intérieur de deux châssis en forme d'étriers et qui s'emboîtent sur les bords au moyen de trois oreilles à piton, un mélange d'argile, de sable et d'huile. Ce mélange est chauffé puis tassé dans le moule. On introduit sur la face interne de l'un des châssis un exemplaire de la pièce à Bijoux 1 zyxwvutsrqpo 1501 reproduire. Puis on ferme les deux parties qui s'emboîtent. Par la pression, le modèle a laissé son empreinte dans le sable mêlé à l'argile de chacun des châssis. On peut alors retirer le modèle et, dans le vide laissé, on coule l'argent en fusion après que le moule ait été refermé. Ce procédé permet une reproduction rapide d'un type de bijou. C'est ainsi que sont obtenus bracelets, anneaux de chevilles des régions méridionales; en Grande Kabylie seuls les ardillons de fibules sont obtenus par moulage: tout le reste du bijou est fabriqué manuellement et assemblé selon un processus bien défini. Le brasage Le brasage consiste à réunir deux morceaux de métal à l'aide d'un autre métal plus fusible appelé brasure et que l'on fait fondre sur les deux bords à réunir qui sont simplement chauffés et non fondus. Ce procédé, employé dès l'Antiquité, se retrouve chez certains bijoutiers de l'Ahaggar, mais dans la plupart des régions du Maghreb on lui préfère la soudure. La soudure La soudure permet l'assemblage des différentes pièces d'un bijou. Ainsi sont fixés à la plaque initialement préparée par découpage ou au fil d'argent formant l'ossature du bijou, les fils, les cabochons, les petites boules d'argent, les sertissures. Les soudures doivent toujours contenir le plus possible de métal fin car l'abaissement du titre se répercute sur la pièce soudée. Dans l'Aurès et en Petite Kabylie, la soudure est moins fréquemment utilisée qu'en Grande Kabylie: elle est cependant indispensable pour la fixation des décors filigranés quand ceux-ci ne sont pas dus au moulage.MLKJIHGFEDCBA T e c h n iq u e s du choc Le m artelage Le lingot posé sur l'enclume, une fois refroidi est longuement battu à l'aide d'un marteau et progressivement aminci en lames d'épaisseur variable. C'est ainsi qu'était autrefois amorcée la fabrication des grosses chevillères avant qu'elles ne soient obtenues à partir de feuilles de plané d'argent toutes prêtes. Le lam inage Le laminage permet d'obtenir des feuilles de plané d'épaisseur uniforme en faisant passer le métal dans un laminoir composé de cylindres d'acier tournant en sens inverse. L'étirage du m étal nécessité l'emploi de filières d'étaux et de bancs à tirer et permet d'obtenir des fils de diamètre et de longueur variable. L'em boutissage se fait à froid à l'aide de bouterolles placées successivement à l'intérieur des cupules de diamètres décroissants d'un dé à emboutir et sur lesquelles l'artisan frappe à l'aide d'un marteau. C'est ainsi que sont obtenues les calottes qui décorent les diadèmes kabyles par exemple. L'incision Certains bijoux (bracelets, chevillères, plaques de fibules) de l'Aurès, du Maroc et même de Grande Kabylie sont ornés de décors exécutés à froid, à l'aide d'un poinçon (tam ene ôst) qui laisse en creux dans le métal, sous le choc du marteau, les contours des motifs préalablement prévus à l'aide d'un compas ou d'un ciseau. La gravure sur plom b Après avoir mis en forme l'ossature d'une chevillère en Grande Kabylie ou d'une boîte porte-amulette dans l'Aurès, l'artisan place à l'intérieur du cylindre d'argent un morceau de bois de moindre diamètre que celui du futur bijou. Il coule alors 1502 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux du plomb fondu qu'il laisse refroidir dans l'interstice et grave alors la surface au moyen du poinçon: on obtient un décor mati sur plomb.MLKJIHGFEDCBA T e c h n iq u e s d e l'a tta q u e Le découpage de la feuille de plané d'argent doit être conduit en fonction de la forme du bijou: circulaire pour les tabzim t de Grande Kabylie ou les fibules de l'Aurès, triangulaire pour les idwiren. Il faut ensuite ménager un orifice circulaire au centre de la plaque pour pouvoir adapter l'ardillon de fermeture. Les cisailles sont donc indispensables pour cette opération de même que pour découper les griffes des sertissures de corail, remplacé par des perles de verroterie dans l'Aurès. Le découpage intervient aussi dans bon nombre de bijoux anciens non coulés en tant que procédé de décoration, il s'agit par exemple des bracelets ajourés en opus interrasile qui rappellent les techniques antiques. Le limage fait disparaître toutes les aspérités, après chaque opération de soudure. Il facilite l'adhérence de la soudure tout en assurant la finition du bijou. T e c h n iq u e s de d é c o r a tio n Au cours des différentes opérations qui ont permis de transformer le métal brut en bijou, certains éléments du décor ont été mis en place grâce au jeu du burin et à la soudure. C'est ce dernier procédé qui permet le décor filigrané et l'emploi de granules. Le filigrane Le fil simple sans décor qu'il soit tordu sur lui-même, doublé ou torsadé est toujours présent sur les bijoux de Grande Kabylie et sur les exemplaires anciens de l'Aurès. Qu'il souligne la base d'une boucle d'oreille ou ceinture le fût d'une pendeloque, le fil peut être disposé à la surface du bijou de différentes manières, formant des figures géométriques très simples: polygones, triangles, carrés, rectangles, losanges, cercles, demi-cercles, oves, motifs cordiformes ou trilobés, lignes ondulées ou lignes courbes dont les deux extrémités s'enroulent sur elles-mêmes et qui est très caractéristique de Grande Kabylie. Les granules d'argent superposées, placées côte à côte, disposées en croix peuvent être de taille très variable. Elles sont obtenues en plaçant sur une plaque d'argile cuite un menu fragment d'argent. Celui-ci est chauffé jusqu'à ce qu'il atteigne le degré de fusion; l'argent se met alors en boule. Ainsi, le diamètre des boules est-il conditionné par la taille des fragments d'argent choisis initialement. Les petits anneaux circulaires sont obtenus par l'enroulement d'un fil d'argent torsadé autour d'une des branches de la pince ronde qui fait office de mandrin et que l'artisan actionne par un mouvement giratoire continu. Ce fil spiralé est coupé selon une ligne verticale et les petits anneaux se détachent un à un. Ils seront ensuite refermés et légèrement aplatis à l'aide d'une pince. Ces anneaux serviront aussi bien à former le socle soudé sur lequel seront soudées à leur tour les granules d'argent à la surface du bijou qu'à accrocher les pendeloques qui décorent toutes les fibules et autres bijoux de Grande Kabylie et qui sont si nombreuses dans les colliers, fibules et boucles d'oreilles de l'Aurès. Il est vrai que, là encore, ce sont des procédés traditionnels, qui sont présentés car très souvent, de nos jours, les petites boules et anneaux sont achetés tout prêts. L'ém aillage La seule technique d'émaillage utilisée au Maghreb est celle de l'émail cloisonné, mais C. Sugier a proposé, avec juste raison, de désigner le procédé maghrébin par l'expression d'émail filigrané. En effet, ce sont des fils d'argent qui limitent les parties destinées à recevoir l'émail, et non de petites parois de métal comme dans Bijoux 2 5 6 / zyxwvutsrqpon 1503 3 7 8 Pendeloques de l'Aurès et de Grande Kabylie. En haut, Aurès: 1 : graine de melon; 2: main; 3 : décor anthropomorphe; 4 : circulaire; 5 : évolution vers le croissant. En bas, Grande Kabylie: 1 : tikkefist; 2 : tabuqalt; 3 : graine de melon (izes ufeqqus); 4: tabuhem set; 5 : feuille de chêne (ifrawen ukerruîï; 6: pendeloque circulaire itasrurt tuzzigt tmerëarà; 8 : étoile (itri. ) (dessins Y. Assié). la véritable orfèvrerie en émail cloisonné. Ce mode de décoration intervient une fois seulement que toute les pièces ont été soudées entre elles. Les poudres d'émaux jaune, vert et bleu en Grande Kabylie sont tour à tour rincées abondamment dans l'eau. Dans chaque interstice limité par le filigrane, les émaux sont déposés à l'aide d'une curette, petit instrument à tête triangulaire légèrement incurvée. Après avoir laissé sécher les émaux durant quelques minutes, le bijou était placé dans le foyer de charbon, aujourd'hui remplacé par le four électrique. Les émaux prennent alors une teinte uniformément rougeoyante. C'est seulement lorsqu'ils auront refroidi qu'ils retrouveront leur couleur définitive et deviendront brillants. La surveillance de la cuisson est une question d'habitude, car le degré de cuisson de l'émail est très proche de celui de l'argent (961°). C'est un tour de main que possédaient admirablement les artisans kabyles, marocains ou tunisiens. Le traitement et le montage du corail (Grande Kabylie), des perles de verroterie (Aurès, Tunisie) ou de pierres de couleur (Maroc) sont les dernières opérations qui parachèvent le bijou. Tout fragment de corail doit être meulé, limé et poli avant qu'il ne soit placé, à l'aide de cire ramollie au feu, dans la sertissure qui a été préalablement soudée. 1504 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux Le m ontage des bijoux L'assemblage des différentes parties d'un bijou ne fait pas appel seulement à la soudure. Le rivetage est utilisé pour fixer l'ardillon de certaines grandes fibules triangulaires de Grande Kabylie et quelquefois pour fixer les plaques décoratives sur un bracelet. Les anneaux constituent quelquefois des chaînes qui peuvent être doubles dans certains colliers et agrémentées de décors. Elles servent aussi de fermeture dans certains bracelets: fixée d'une part à l'anneau de la goupille de fermeture qui passe dans la charnière et d'autre part à la bélière soudée sur le corps du bracelet, elle retient la goupille, au cas où celle-ci sortirait de la charnière. Dans l'Aurès les chaînes sont toujours plus fines qu'en Grande Kabylie et y tiennent une très grande place. La longueur des chaînes de l'Aurès est considérable: on les trouve non seulement accrochées aux boucles d'oreilles, aux jugulaires mais aussi aux fibules. Alors que la chaîne n'est qu'un élément de montage en Grande Kabylie par exemple, elle est devenue ornement dans l'Aurès et contribue à donner cette impression de légèreté, de finesse aux bijoux chaouïas. Les bélières et anneaux de fixation assurent en Grande Kabylie l'assemblage des différentes pièces des diadèmes, tibzim in, pendeloques, idwiren. Certaines de ces bélières sont très discrètes sur les diadèmes par exemple, mais sur les tibzim in et idwiren, la bélière est formée par la torsion de l'extrémité d'une petite plaque d'argent soudée à l'envers du bijou et qui est simplement repliée sur l'endroit. Les pendeloques sont ainsi accrochées, aux colliers boucles d'oreilles, diadèmes et fibules. Elles sont, à elles seules, de véritables petits bijoux en Grande Kabylie et peuvent revêtir des formes variées: tikkefist, tabuqalt, graine de melon, tabuhem sei, feuille de chêne, plaque ronde ornée d'une sertissure de corail en son centre, afus*, étoile. Des pendeloques associant des éléments empruntés à l'un ou l'autre de ces types essentiels et traditionnels conduisent à des formes buissonnantes qui sont sûrement plus récentes. Les noms simples désignant ces pendeloques montrent l'intégration complète de l'artisan à la vie quotidienne: le bijoutier n'est pas un étranger mais un enfant du pays. Dans l'Aurès et au Maroc, les pendeloques sont plus simples: il peut s'agir d'enroulement de simples fils d'argent en S, en cercle ou en cercle surmonté d'un double crochet, de très fines feuilles d'argent atteignant à peine un mm d'épaisseur et découpées en forme de langue d'oiseau, de graine de melon, de main, de peigne ou de cercles qui, incisés et découpés, peuvent aboutir à la représentation de croissants ou de motifs anthropomorphes. Parmi les pendeloques, la main joue un rôle considérable partout au Maghreb. Le plus souvent associées sous forme de pendeloques de styles très variés, les mains sont rarement portées seules mais accrochées aux diadèmes, aux jugulaires, aux boucles d'oreilles, aux bracelets, aux colliers comme le sxab ou plus rarement gravées à l'intérieur de chevillères. Mis à part la Grande Kabylie où le terme d'afus désigne la main pendeloque, partout ailleurs au Maghreb et au Sahara est utilisé le mot arabe kham sa. On le retrouve même dans l'Ahaggar oû le Khom essa est un pendentif porté par les femmes blanches ou noires, et formé de cinq losanges à quatre facettes, fixés sur un support de cuir. L'argent des losanges peut être remplacé par de l'os ou par des cauris. La taille des mains est très variable: c'est dans l'Aurès qu'on trouve les plus grandes (14 cm) mais aussi les plus légères et les plus petites (1 cm). La pérennité du symbole chiromorphe à travers les millénaires est attestée par le maintien dans tout le monde berbère de ce désir conscient ou inavoué, quelquefois oublié, de se prémunir contre le mauvais œil en portant en permanence des bijoux épousant la forme de la main. BIJoux Femme kabyle portant L e s d iffé r e n ts ty p e s /zyxwvutsrqponm 1505 diadème, boucles d'oreilles colliers, bracelets, bagues (photo A. Bozom).MLKJIHGFEDCBA diadèmes, jugulaires, boucles d'oreille, fibules, chevillères qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFED d e b ijo u x : colliers, bagues, ceintures, Les diadèm es Le diadème (taessabt) est une parure devenue très rare aujourd'hui en Grande Kabylie. De grandes dimensions, sa longueur moyenne est de 54 centimètres et sa hauteur de 15 à 16 centimètres. Il est constitué de cinq plaques d'argent agrémentées de pendeloques et reliées entre elles par des anneaux et des calottes hémis- 1506 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux phériques creuses non décorées. La plaque centrale se présente sous la forme d'un rectangle surmonté d'un triangle, lui-même rehaussé d'un quadrilatère losangique. Les deux plaques latérales sont aussi taillées d'une seule pièce en forme de rectangle de moindres dimensions, surmonté soit d'un losange soit d'un appendice semi circulaire. Deux autres plaques triangulaires sont disposées symétriquement à chaque extrémité et pourvues d'un petit anneau soudé à une bélière qui assure la fermeture. La surface interne de chaque plaque est décoré d'émaux filigranés vert, bleu et jaune, le filigrane étant disposé en figures géométriques simples, au centre desquelles apparaissent des sertissures circulaires de corail. Le verso des plaques du diadème est toujours émaillé. Dans l'Aurès, les diadèmes sont constitués de 13 plaques d'argent ajouré au centre de chacune est sertie une perle de verroterie rouge. Chaque plaque peut être surmontée d'un motif trilobé garni de verroterie en son centre. Des pendeloques en argent moulés en forme de poignards sont accrochés à la base des plaques. Les jugulaires La jugulaire portée par la femme chaouïa n'est pas connue en Grande Kabylie. Elle est constituée de deux éléments réunis sous le menton par des barrettes. A quelques rangs de chaînettes sont accrochées des pièces de monnaies elles-mêmes suspendues à de courtes chaînettes de 3 à 4 centimètres de longueur. Ce bijou accroché de part et d'autre de la coiffure, est fixé au niveau des oreilles par des plaques triangulaires. Les boucles d'oreilles Ces bijoux sont de différents types et se portaient soit sur le lobe supérieur de l'oreille, soit sur le milieu du pavillon, soit le plus souvent dans le lobe inférieur de l'oreille. En G rande Kabylie Les grandes boucles d'oreilles constituées d'un anneau de 7 cm de diamètre offrent à l'une des extrémités une perforation destinée à maintenir les boucles par un fil pour leur éviter de tourner. L'autre extrémité préalablement aplatie est décorée d'émaux bleus et verts: une calotte émaillée surmontée d'une sertissure de corail et plusieurs boules d'argent diversement disposées. Ces bijoux anciens (letrak) étaient déjà très rares au début du siècle et se portaient, vu leur grande taille, sur le haut du pavillon de l'oreille. Un simple anneau de 3 mm de diamètre est sectionné net à l'une des extrémités, l'autre préalablement aplatie porte sur chacune des faces une sertissure de corail piriforme ou circulaire agrémentée de boules d'argent soudées (ilvan). Lorsque l'anneau porte sur l'extrémité d'une face en vis-à-vis de la sertissure de corail une plaque émaillée, on la nomme : tigioedmatin. Les crochets d'oreilles (taelluqin] sont constitués d'une petite plaque d'argent circulaire pourvue d'appendices festonnés auxquels sont soudés de petites granulations. Le centre de la plaque est occupé par une sertissure de corail, plus rarement cette plaque est seulement émaillée ... Au verso, est soudé un épais fil d'argent recourbé à son extrémité en forme de crochet destiné à passer dans le lobe inférieur de l'oreille. A la base de la plaque sont accrochées trois pendeloques. D ans l'Aurès Dans l'Aurès, les tchoûchânat constituent les exemplaires les plus anciens mais l'anneau circulaire pouvait atteindre 9 ou la centimètres de diamètre. Ces anneaux étaient insérés dans le haut du pavillon de l'oreille que le poids rabattait vers l'avant. Fragments de corail, tubes creux, éléments fuselés ou sphériques étaient enfilés dans Bijoux / 1507 Gïande boucle d'oreille de l'Aurès Main de l'Aurès (photo A. Bozom).qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA (iimcherreft) (photo A. Bozom). } Boucle d'oreille d'un type très ancien de l'Aurès (photo A. Bozom) l'anneau. Aux tubes s'accrochaient des pendeloques légères. Ces bijoux étaient encore portées en 1930 par quelques femmes âgées et sont aujourd'hui tombés en désuétude. Il en est de même d'ailleurs pour les timcherreft ou lancerreft qui étaient portées de la même manière: il s'agissait de plaques de très grand diamètre dont la partie inférieure dont la partie inférieure tout en argent peut être constituée de motifs triangulaires à sommet lobé. Plus récentes sont les boucles garnies d'un cabochon circulaire soudé à I'extrê- 1508 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux mité d'un anneau de faible diamètre et décoré de filigrane. Au centre de la partie décorée dans un cabochon est serti une pierre rouge ou verte. Les bracelets Les bracelets se portent toujours par paires et, dans la vie courante, pour vaquer à leurs occupations, les femmes berbères en conservent toujours une paire, un bracelet passé autour de chaque poignet. Mais, à l'occasion des fêtes et des mariages, elles en portent plusieurs paires, côte à côte, sur les poignets et l'avant-bras. Presque toujours en argent, les bracelets peuvent être en corne teintée en noir dans l'Aurès ou en Petite Kabylie. Bracelets de l'Aurès , obtenus en haut par moulage et en bas par découpage (photo A. Bozom). La largeur des bracelets est très variable: elle peut aller de 1/2 à 10 centimètres pour les spécimens les plus grands de Grande Kabylie (les ddlJulJ). En revanche, les bracelets modernes sont toujours allégés en poids, taille et décor. Les techniques de décoration sont diverses. Les ddhuli de Grande Kabylie aujourd'hui abandonnés, étaient décorés par la technique du matissage sur plomb. Les bracelets peuvent être de simples anneaux fermés; mais, la plupart d'entre eux, sont pourvus d'une charnière simple ou double qui assure l'articulation du bracelet autour du poignet: une goupille mobile est introduite dans les charnerons. Bijoux / zyxwvutsrqpon 1509 Bracelet de Grande Kabylie (dessin Y. Assié). Ces charnières sont quelquefois bordées d'une plaque émaillée dans les exemplaires de Grande Kabylie. Mais le plus généralement, cette plaque recouvre la charnière qu'elle dissimule. Les modes de décorations des bracelets répondent aux styles de chaque région et souvent de chaque artisan; les bracelets des Ouled - Naïl sont à la fois ornements de bras et moyens de défenses, avec leurs clous rectangulaires débordant largement la surface du bracelet et qui s'agencent de manière régulière. Les motifs reconnus sur les bracelets moulés de l'Aurès et des régions méridionales de l'Algérie sont relativement peu variés et stéréotypés: les bracelets à découpage ajouré sont constitués de décors géométriques ou floraux plus diversifiés que les précédents, il existe des bracelets décorés de cabochonsôùsont insérées des perles de verroteries rouges et vertes dans l'Aurès et dans certaines régions du Maroc. Dans cette dernière région et plus précisément dans la région de Draa on reconnaît des décors d'émaux verts et jaunes mais dans ces cas là les bracelets sont dépourvus de cabochons de verroterie. En revanche, en Grande Kabylie, les bracelets sont souvent émaillés et garnis de cabochons soudés dans lesquels sont fixées à l'aide de cire ramollie, des éléments de corail. Les fibules Les fibules peuvent être circulaires ou triangulaires. Elles présentent toutes un ardillon permettant l'accrochage selon le principe de la fibule en oméga. Les grosses fibules circulaires de Grande Kabylie (tibzim in) n'ont pas leur équivalent ailleurs. L'adwir* est une petite fibule ronde de Kabylie portée le plus souvent sur le foulard de tête. Les grandes fibules triangulaires (ibzim en) se présentent sous la forme de plaques triangulaires portant à leur base deux appendices triangulaires ou circulaires en Grande Kabylie. Le sommet est généralement surmonté d'une plaque arrondie, flanquée de deux volutes symétriques. En Grande Kabylie elles sont émaillêes èt décorées de cabochons de corâil ovales ou circulaires. Le verso en est souvent orné avec soin de décor émaillé filigrané. En Petite Kabylie, elles sont dépourvues d'émaux. Une chaîne intercalaire reliait les deux fibules: elle était constituée d'éléments divers, crochets en S, anneaux circulaires, calottes creuses émaillées ou décorées de corail. Au centre de cette chaîne était accrochée une boîte-porte-amulettes. Les fibules de l'Aurès sont toujours de plus petite taille que celles de Grande et de Petite Kabylie ou du Maroc. L'akhlâlêt ou abzim t est constituée d'une plaque d'argent de forme triangulaire ou arrondie ajourée au ciseau. L'am essak plus récente. 1510 1 Bijoux Tabzim t zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA de Grande Kabylie. Décor du verso (dessin Y. Assié). est une broche circulaire constituée soit de motifs filigranés soudés entre eux soit d'une plaque d'argent moulée. A ces plaques sont accrochées de très nombreuses chaînettes de longueur variable agrémentées de fragments de corail brut ou de pendeloques découpées dans de fines lamelles d'argent. Le centre est perforé comme sur la tabzim t de Grande Kabylie et le système d'accrochage et de fixation au vêtement identique. Fibules de l'Aurès (akhlâlet ou abzim t), de forme arrondie (photo A. Bozom). ajourée au ciseau Bijoux / zyxwvutsrqponm 1511 Généralement parallélépipédiques les boîtes émaillées de Grande Kabylie portent toujours en leur centre un petit cabochon de corail. . Les femmes berbères portent souvent ces boîtes intégrées à une grande parure constituée de deux fibules; multiples, elles constituent un collier (taglit) comme dans le Mzab. Dans l'Aurès, l'étui d'argent est généralement de grande taille (6 x 8 cm) et muni d'un couvercle. Il porte un décor mati sur plomb et renferme le plus souvent des écrits sur papier, souvent indéchiffrables, pliés et conservés précieusement. Le tereout est un grand pendentif pectoral chez les touareg. A une pièce triangulaire de 10 à 14 cm de côté sont suspendues trois autres pièces triangulaires plus petites. Le grand triangle est toujours décoré de sept clous d'argent. Grande parure de l'Aurès: aux extrémités, deux fibules circulaires (amessak) reliées par de simples chaînes où sont intégrés d'autres éléments circulaires décorés, comme les fibules, en leur centre d'une sertissure de perle de verroterie rouge ou verte et où sont accrochées des chaînes de même longueur (photo A. Bozom). Les colliers Les colliers sont, dans la plupart des régions, portés en plusieurs exemplaires. Qu'ils soient simplement constitués d'une chaîne à un, deux, voire trois rangs d'anneaux circulaires auxquels s'accrochent des pendeloques variées émaillées en Grande Kabylie ou qu'ils soient formés de boîtes émaillées au nombre de trois, cinq ou sept reliées entre elles par trois rangs de grains de corail intercalés. Les pièces peuvent être utilisées sans autre aménagement que la soudure d'une bélière permettant leur accrochage à une chaîne; elles peuvent être accrochées à trois rangs de chaînes et fixées à quatre rangées de perles en argent séparées par des fragments de cuir. Des colliers de clous de girofle, de plaques émaillées sont aussi connus en Grande Kabylie. Dans l'Aurès, l'élément le plus original est la présence de chaînes très longues en argent disposées côte à côte et accrochées soit à un seul fil et intercalées avec des perles d'argent, soit à des plaques rectangulaires réunies par une charnière pour épouser la forme du cou. Ces plaques sont filigranées. Quelquefois, il s'agit de rosaces 1512 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux Collier de pâte parfumé (sxab) avec éléments creux en argent et, au centre, un pendentif circulaire (photo B. Lesaing). au centre desquels sont serties des perles de verroterie qui peuvent être fixées entre elles sur un ou deux rangs. A chaque chaînette est accrochée une pendeloque en argent découpé et quelquefois dans les modèles les plus anciens des fragments de corail peuvent s'y intégrer. Mais le collier traditionnel en Afrique du Nord fut longtemps le sxab : il est aujourd'hui tombé en désuétude. Il s'agit d'un collier de pâte parfumée dont les agencements peuvent être variables. Mais la base est constituée par l'enfilage de grains de pâte parfumée, pétrie et séchée (la qemIJa) auxquels s'intègrent des éléments fuselés en argent. Il en est de même en Petite Kabylie; en Grande Kabylie, il s'y ajoute des pendeloques émaillées. La qemha est fabriquée par les femmes: des graines odoriférantes sont broyées dans un mortier (clous de girofle, safran, nard indien, musc, benjoin, etc.). L'ambre gris entrait aussi dans la composition de cette pâte en Tunisie (Camps-Fabrer, 1987). Quand la pâte est à demi-sèche elle est divisée en petits fragments auxquels est donnée une forme pyramidale; une fois durcis, ces éléments sont perforés et enfilés. La qemha conserve très longtemps une odeur forte et pénétrante. Les bagues Les bagues sont constituées d'un anneau d'argent qui, en Grande Kabylie, porte soit une calotte, soit une petite plaque circulaire émaillée et dans l'Aurès l'anneau Bijoux Collier de l'Aurès fait de plusieurs rangs de perles de corail tubulaires est accrochée une main (photo A. Bozom). filigrané est décoré après moulage d'une sertissure de verroterie. femme berbère porte plusieurs bagues à chaque main. 1 1513 zyxwvutsrq au centre desquelles Généralement la Les ceintures Les ceintures traditionnelles en Grande Kabylie, comme ailleurs dans le monde berbère, sont en laine de différentes couleur retenues à intervalles réguliers par des fils d'argent savamment noués et se terminent par de volumineux pompons. Toutefois, les femmes leur ont quelquefois préféré les ceintures en argent. Il s'agit d'assemblage de plaques rectangulaires en argent ajouré coulé dans un moule pour l'Aurès et la Petite Kabylie et de plaques émaillées en Grande Kabylie. Les différents éléments sont réunis entre eux par des charnières. Les chevillères Le port de chevillères toujours par paires était très répandu dans la campagne berbère. Qu'elles soient très hautes comme en Grande et Petite Kabylie ou constituées de simples anneaux comme dans les régions méridionales. Parmi les chevillères les plus anciennes de Grande Kabylie qui ne sont jamais émaillées, notons la forme assez particulière de ces bijoux montés à partir d'une feuille épaisse de plané d'argent dans laquelle a été aménagée une échancrure de la partie centrale par découpage des deux bords inférieur et supérieur. Les autres chevillères, tant dans l'Aurès sur les très rares exemplaires connus, qu'en Grande et Petite Kabylie, sont généralement cylindriques. Les décors sont soit incisés sur enclume soit matis sur plomb et les plaques de fermeture portent quelquefois en Grande Kabylie des applications d'émaux. Les anneaux de cheville peuvent être plus ou moins massifs; ils sont toujours ouverts, de section circulaire et les deux extrémités affectent le plus souvent la forme d'une tête de serpent. Dès les temps protohistoriques, en Afrique du Nord, des 1514 /qponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Bijoux bracelets ou anneaux de chevilles trouvés dans les dolmens, sont ainsi décorés à leurs extrémités (Camps, 1961). Dans l'Antiquité et jusqu'à nos jours, perdure ce culte du serpent, animal à la fois vénéré et redouté. Chevillère L 'o r ig in e de Grande d e l'o r fè v r e r ie Kabylie (Ahelhalen) (photo A. Bozom).MLKJIHGFEDCB berbère Les bijoux de l'Aurès et des régions méridionales souvent moulés et décorés de perles de verroterie qui ont remplacé le corail, s'ornent de longues chaînettes qui évoquent les parures de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer, tandis que les bijoux découpés dans des feuilles de plané d'argent incisées et ajourées rappellent les techniques antiques de l'opus interrasile du monde gréco-romain. Toutefois, il s'y ajoute une forte imprégnation de l'apport bédouin. La grande originalité des bijoux de Grande Kabylie comme de ceux de Moknine en Tunisie ou de l'Anti Atlas marocain vient de la présence d'émaux colorés. Cette technique, urbaine à l'origine, semble bien être imputable à une influence étrangère. L'orfèvrerie émaillée connue à l'époque vandale et byzantine, aurait complètement disparu des pays méditerranéens, si l'Afrique du Nord n'avait, à l'orée des temps modernes, servi de refuge aux artisans juifs, andalous et morisques chassés d'Espagne, où cette technique s'était maintenue pendant toute la durée du Moyen Age. L'orfèvrerie émaillée fut alors transmise à certaines cités maghrébines qui l'ont oubliée depuis. Elle s'est maintenue dans quelques cantons montagneux isolés, véritables conservatoires de techniques anciennes, d'origines et d'âges très divers. Ces bijoux de Grande Kabylie, comme ceux de l'Atlas marocain, par leur massivité, leur mélange de raffinement et de rudesse barbare, demeurent, en plein xx- siècle, des œuvres médiévales. Il peut paraître cependant étrange que cet art soit devenu un art entièrement berbère, très différent de celui de l'Aurès, issu lui, de traditions antiques. La présentation comparative des deux orfèvreries moulée et émaillée permet de montrer, sur une production précise, comment se manifeste ce qu'on appelle généralement la permanence berbère qui est, en fait, le plus souvent l'art d'accommoder ou de s'approprier les techniques étrangères, mais avec tant de finesse et de maîtrise qu'elle s'intègre parfaitement dans les cultures du Maghreb rural et paraît autochtone. BIBLIOGRAPHIE BAYEJ. de, «Bijoux vandales des environs de Bône (Afrique)», M ém . de la Soc. Nat. des Antiq. de France, 1887, t. XLVII, pp. 187-192. BIJoux /zyxwvutsrqponm 1515 Rev. arch., 1888, 1, pp. 341-347. 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