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ISSN: 0189 – 9360 VOL. 15 NO. 1 (April, 2009) CALABAR STUDIES IN LANGUAGES Published by: Department of Modern Languages and Translation Studies University of Calabar Calabar ISSN: 0189 – 9360 VOL. 15 NO. 1 (April, 2009) CALABAR STUDIES IN LANGUAGES Published by: Department of Modern Languages and Translation Studies University of Calabar Calabar MANIFESTATION DE LA DICTATURE DANS EN ATTENDANT LE VOTE DES BETES SAUVAGES D’AHMADOU KOUROUMA Abang, Gloria Mayen Résumé L’époque post-indépendante était, en Afrique, caractérisée par l’injustice politique; la corruption, l’inégalité, le mensonge, la pauvreté, l’égoïsme, l’analphabétisme s’y faisaient voir. Nous constatons aussi que c’était une situation où la masse était opprimée par la classe des dirigeants. Alors, notre présentation vise à jeter la lumière sur les maux des leaders africains de l’époque. Cette étude aboutira aussi à dénoncer ce système administratif qui ne tient pas compte de la dignité humaine comme présentée par Ahmadou Kourouma dans En Attendant le Vote des Bêtes Sauvages. Introduction Chaque société est bâtie sur la littérature, soit écrite soit orale. Néanmoins, les écrivains deviennent le porte parole de la société et utilisent ainsi la littérature comme un moyen pour tirer l’attention de la masse populaire sur les problèmes socio-politiques, culturels, religieux de leur époque. La littérature africaine est donc une conséquence directe de la colonisation; elle se veut aussi, au bout de quelques années, une littérature engagée. Elle cherche tour à tour à prophétiser un meilleur avenir pour le continent noir. Avant l’indépendance, la littérature négro-africaine était dressée sur les activités des maîtres coloniaux en Afrique. Ngugi Wa Thiong’o et Micere Mụgo dans Trials of 9 Dedan Kimathi (1976) , décrivent la littérature de l’Afrique de l’est comme ". . . Portraying the anti-colonial struggles for independence to post-independence struggle against neo-colonialism” (7). En parlant aussi de cette lutte des noirs pour la libération du continent, Duke montre que la littérature contemporaine africaine est devenue une littérature révolutionnaire qui cherche à transformer et à résoudre les vices dans la société africaine. Ce chercheur maintient que les citoyens doivent venir ensemble, avec une voix et une langue commune, combattre ces régimes militants et oppressants: Let us stand together, let us with one voice tell the new Government . . . We want our homes, we love them. Unless the city council shows us another place to go, where we can earn our bread, we shall not lift a finger to demolish our homes. . . we must defend our own (14). La tâche de la littérature négro-africaine, considérant les thèmes communs des écrivains contemporains, qu’il s’agisse de la poésie, du conte, du roman, du théâtre, consiste donc à dévoiler la vraie image de la situation politique actuelle en Afrique. Alors, des écrivains comme Ahmadou Kourouma tournent leur regard sur l’image de la situation politique actuelle en Afrique en mettant l’accent sur la situation déplorable qui aboutit à une condition misérable du peuple. En Attendant le Vote des Bêtes Sauvages est une saga politique de l’Afrique contemporaine qui met en scène 10 le feu président togolais, Etienne Gnassingbé Eyadema; à travers la figure du héros, Koyaga, le feu président ivorien Houphouët-Boigny affablé du surnom de Tiékoroni, le feu empereur Bokassa alias totêm léopard. Avec la complicité et la bénédiction des forces occultes ou divines, ceux-ci ont accédé au pouvoir politique et s’y maintiennent par la violence, le sang, les tueries, les sacrifices humains, les mensonges etc. Pour Koyaga, le héros du roman, la politique est un véritable champ de bataille où la limite entre l’art de gouverner et l’art martial n’a pas de pertinence. Alors, pour rester au pouvoir, et avec les conseils des autres, il commet des atrocités monstrueuses avec une délectation voluptueuse. Nous constatons, dans ce roman, que le milieu politique apparaît comme un milieu où priment la force brutale et l’absence de la morale normative. Cet auteur nous fournit une chronique de l’état sauvage de la vie politique africaine. Examinant les thèmes principaux dégagés dans ce roman, nous allons avoir une vraie peinture de l’image politique en Afrique que le romancier essaie de nous faire voir. La Dictature dans l’œuvre Quand on parle de dictature, on a l’image d’un gouvernement tyrannique qui opprime ses citoyens. Dans ce roman, Kourouma nous présente une féroce satire des chefs des juntes militaires africaines. Le roman raconte l’histoire de Koyaga qui accède au pouvoir par la force et par la brutalité. Il nous présente aussi une situation brutale où les présidents tirent du plaisir en emprisonnant et en torturant leurs citoyens. Il nous montre aussi que pour ces chefs, il n’y a pas de différence entre la richesse de l’état et 11 la richesse personnelle. Ils ramassent tous pour leur seul intérêt. Nous voyons qu’une fois au pouvoir, Koyaga reçoit non seulement la visite et les encouragements des autres dictateurs, mais aussi des conseils pour gouverner. Donc, pour lui permettre d’entrer dans ce que Alioum Fantouré appelait Le cercle des Tropiques il est aussi invité par d’autres (dictateurs) et cette visite est vue comme une vraie visite initiatique où Koyaga vient apprendre l’art d’être dictateur. Cependant, c’est lors de ces voyages initiatiques que nous découvrons tous les cours des dictateurs africains. Nous rencontrons Téhomi, le maître de la République d’Ebènes, qu’ on l’appelle le dictateur au totêm caïman, qui croit en Dieu, aux féticheurs et à la sorcellerie. Nous voyons aussi le dictateur Mobutu du Congo Kinshasa. Dans ce cas, ce n’est pas seulement Mobutu qui est dénudé, mais les nombreux membres de sa cour comme Sakombi, son ministre de l’orientation, ses métis (kengo) et aussi ses marabouts. L’auteur fait ouvrir aussi l’origine de son pouvoir et même ses méthodes de gestion du pouvoir. On l’appele l’homme au totêm léopard. En plus, l’œuvre présente une histoire dégoûtante de Bokassa au nom de Bossouma, l’homme du pays aux deux fleuves. Bossouma, lui qui prend des femmes à chaque visite officielle dans un pays étranger, et qui pouvait faire revenir l’avion en plein vol pour rechercher une belle femme qu’il épouse immédiatement. Lui aussi, qui a accédé au pouvoir avec 12 le grade de colonel, surprenant, le mardi matin, il attribua le titre de général. En remarquant que sur le continent, quatre autres dictateurs avaient déjà ce titre, il se proclama Maréchal le jeudi soir. Et quand deux généraux le rejoignirent dans le maréchalat, il demanda à son peuple de le couronner Empereur (199). Kourouma décrit ces présidents dictateurs comme des barbares, des menteurs et des criminels qui font souffrir la masse populaire et prennent seul la richesse et le bonheur de l’indépendance. Ahmadou Kourouma, une bibliographie critique Certes, la littérature nègro-africaine ne cesse de parler de la confiscation du pouvoir politique, de l’oppression politique et idéologique, de la dictature du parti unique et de la répression des opposants ainsi que de l’asservissement ou de la domestication du peuple. Voilà pourquoi, selon Kourouma dans Les soleils des indépendances, La politique n’a ni yeux, ni oreilles, ni cœur. En politique, le vrai et le mensonge portent le même pagne, le juste et l’injuste marchent de pair, le bien et le mal s’achètent ou se vendent au même prix (164). 13 Angrey soutient que si les nouvelles autorités n’abusent pas du pouvoir en torturant, en arrêtant et en faisant emprisonner des citoyens comme Fama et Bakary dans ce roman de Kourouma, il y aura peut-être de la justice dans le système politique en Afrique. Gbanoua remarque que En attendant le vote des bêtes sauvages est une autre illustration du projet annoncé par Les soleils des indépendances de fournir une chronique de l’état sauvage de la politique africaine. Considérant le défilé des figures bien connues telles que Eyadéma, Mobutu, le feu Houphouët-Boigny, Bokassa et leurs activités politiques dans le continent noir, nous acceptons, comme ce commentateur que la frontière entre le fictif et le réel dans l’œuvre est mince. Nous constatons aussi que de Les soleils des indépendances à En attendant le vote des bêtes sauvages, les personnages de Kourouma n’ont rien de nouveau a nous offrir. Nous observons aussi, comme remarqué par ce commentateur, que l’auteur nous présente toujours des figures de cynisme et de sadisme pulsionnels qui cherchent, de manière également obsessionnelle, à se confondre avec la nation. Dans sa contribution, Comi, un autre critique, voit Kourouma fondamentalement comme un moraliste et un engagé politique qui se dissimule derrière une écriture prodigieuse et incisive du réel, auquel son art narratif de maître-conteur donne une densité plus réelle. Nous observons donc que depuis la parution de Les soleils des indépendances dans les années 1960, le message de l’écrivain reste le même car pour lui, Les dirigeants africains ne sont pas drôles. Regardez ce 14 qu’ils font. Regardez-les se comporter, ce sont des mọnstres abominables! On ne peut pas et on ne doit pas suivre des individus qui ont perdu le sens des valeurs humaines. Cette critique constate aussi que Kourouma n’incite pas ces lecteurs à la révolution; au contraire, Kourouma laisse à chacun le libre choix de ses opinions et, éventuellement, de ses modes d’action. Conclusion En guise de conclusion, nous avons remarqué que la dictature comme présentée dans le roman est devenue l’ordre du jour et un problème majeur de la politique de l’Afrique post-indépendante. L’auteur nous présente des personnages autoritaires et aussi tyranniques. Il nous montre comment ces despots accèdent au pouvoir politique et le manipulent. Cette étude nous rappelle donc que dans un gouvernement dictatorial et despotique, l’opinion des masses populaires ne compte pas, l’administration ne représentant pas l’intérêt des masses populaires. Nous voyons aussi que ces dirigeants ne considèrent pas comme étant important le sentiment de leur compatriotes et c’est la raison pour laquelle ils gaspillent les fonds publics. C’est évident aussi que ces dictateurs dirigent avec la force, ils infligent la misère et la souffrance sur leurs compatriotes. Pour eux, le vote des citoyens n’est pas important car ils peuvent accéder au pouvoir avec ou sans eux comme. Koyaga déclare “si d’aventure les hommes refusent de voter 15 (pour lui) les animaux sortiront de la brousse, se muniront de bulletins et le plébisciteront” (388). Les dirigeants politiques de l’Afrique post indépendante, comme présentés dans le roman, sont des tyrans sauvages comme nous l’avons déjà signalé. Nous constatons à travers cette étude qu’ils sont des individus qui ont perdu le sens des valeurs humaines. En fin de compte, le roman de Kourouma est un plaidoyer contre cette perte d’humanité où les bêtes sauvages peuvent voter à la place des hommes. Références Aire, Victor, La littérature francophone africaine aux quatre vents. Plateau: St Stevens Book House, 2003. Angrey, Francis Unimna, “Les Lettres Philosophiques de Voltaire et le développement national: des leçons pour le Nigéria, La Revue des Etudes Francophones de Calabar 1 -2 (2002) 115. Duke, Orok Otu, Agitation and Propaganda as a trend in Modern African Drama. A study of This time Tomorrow, The Barbed Wire and Rhythm of Violence (Masters thesis) Calabar. University of Calabar, 1986. Kourouma, Ahmadou, Les soleils des indépendances, Paris: Editions du Seuil, 1970. Kourouma, Ahmadou, En attendant le vote des bêtes sauvages, Paris: Editions du Seuil, 1998. Le Petit Larousse Illustré, Paris: Larousse, 2004 Umukoro, Gloria Mayen; La politique dans En attendant le vote desbêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma et Une aube si frafile d’Ibrahima signaté. (Thèse de maîtrise) Calabar, Université de Calabar, 2007. Wa Thiong O’ Ngugi et Mugo, Micere, Trials of Dedan Kimathi, Nairobi: Heinemann, 1976. 16