Dossier
perspectives c h i n o i s e s
L’implication des acteurs chinois à
l’étranger dans le secteur du recyclage
des déchets
Y VA N S C H U L Z
RÉSUMÉ : Cet article s’intéresse au caractère protéiforme de l’implication de la Chine, à l’étranger, dans le secteur du recyclage des
déchets. À partir de sources primaires et d’entretiens menés par l’auteur, il recense les facteurs qui, à différentes époques, ont conduit
les entreprises de récupération et de recyclage chinoises à étendre le champ de leur activité professionnelle au-delà des frontières de
leur pays d’origine. En s’appuyant sur de récents travaux de recherche consacrés aux déchets, l’auteur soutient qu’il est nécessaire d’aller
au-delà du discours sur le dumping environnemental afin de mieux comprendre la politique nationale chinoise et ses conséquences. Ce
discours constitue la principale justification officielle de l’interdiction d’importer des déchets recyclables prononcée par le gouvernement
central au cours des dernières années. Cependant, tout porte à croire qu’en adoptant une politique restrictive en matière de commerce
international des déchets, le gouvernement central a cherché d’abord et avant tout à soutenir le secteur de la gestion des déchets solides
au niveau des municipalités chinoises. Par ailleurs, le soutien officiel aux acteurs industriels nationaux permet à certaines entreprises
chinoises d’émerger en tant que prestataires de services de collecte et de recyclage des déchets au niveau international. La tendance
décrite dans cet article n’en est qu’à ses débuts ; elle marque la transition d’une mondialisation par le bas vers une mondialisation par le
haut.
MOTS-CLÉS : déchets recyclables, dumping environnemental, commerce international, discard studies , Chine mondialisée.
Introduction
Depuis la fin des années 2010, les débats sur le commerce transnational
des déchets recyclables se concentrent souvent sur la Chine. L’annonce
en juillet 2017 par le gouvernement central chinois de l’interdiction
d’importer 24 catégories de déchets, en particulier, a suscité l’attention
du monde entier. Elle a mis en exergue le rôle prédominant joué par la
Chine dans le commerce contemporain ainsi que la transformation des
objets mis au rebut, un secteur qui s’est mondialisé à la fin du XXe et au
début du XXIe siècle.
S’il a rarement fait les gros titres de la presse internationale jusqu’à
récemment, le rôle de la Chine dans le commerce mondial et la
transformation des déchets recyclables n’est pas récent. Pourtant, des
informations détaillées et complètes sur ce phénomène font défaut (à
l’exception notable de Minter 2013). Plus précisément, il n’existe aucune
étude systématique sur la présence des acteurs socio-économiques
chinois à l’étranger. Le présent article comble cette lacune. Il révèle, dans
une perspective historique, ce qui a conduit les entreprises chinoises
de récupération et de recyclage à étendre le champ de leur activité
professionnelle au-delà des frontières de leur pays d’origine, et décrit le
caractère protéiforme de leurs activités.
Sur le plan méthodologique, cet article s’appuie sur des conclusions
tirées en partie du travail ethnographique de terrain que j’ai mené
dans la province du Guangdong entre 2014 et 2018, et en partie de la
perspectives chinois e s
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recherche documentaire que j’ai effectuée à partir d’un large éventail
de sources, y compris des publications scientifiques et non scientifiques,
des articles de presse et des documents juridiques ou autres documents
officiels. J’examine plus particulièrement deux catégories d’objets, à
savoir les matériaux plastiques mis au rebut et les déchets d’équipements
électriques et électroniques (DEEE ou « e-déchets », dianzi laji ou
dianzi feiqiwu 電子垃圾, 電子廢棄物). Cette dernière catégorie
comprend, entre autres, les smartphones obsolètes, les climatiseurs et
les machines à laver hors d’usage, ainsi que leurs pièces ou composants.
Les plastiques usagés et les DEEE sont qualifiés de scrap ou recyclables
(« déchets recyclables »), car ils sont recyclables, du moins dans une
certaine mesure ; pourtant, ils sont souvent désignés comme waste ou
rubbish (« déchets », « débris », « ordures »). Il n’y a pas de distinction
ontologique entre le premier ensemble de termes et le second. Comme
le dit l’expression, les déchets des uns sont les trésors des autres (voir
Reno 2009). Le fait qu’un objet ou un matériau donné possède encore
une certaine valeur dépend de nombreux facteurs, notamment des
technologies disponibles, des réseaux sociaux, des calculs économiques
et des valeurs morales (Gille 2007). Cet article porte essentiellement sur
les déchets recyclables au sens large, en l’occurrence des déchets solides
susceptibles de se transformer (à nouveau) en une ressource, c’est-à-dire
en une source de matières premières (secondaires).
Sur le plan théorique, cet article s’inspire de récentes recherches en
sciences sociales consacrées aux déchets (discard studies ), en particulier
article évalué anonymement 53
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de travaux qui décrivent les rouages du commerce transnational des
déchets et l’économie du recyclage à l’échelle mondiale. Jusqu’à présent,
les débats sur ce sujet s’inscrivent largement dans le paradigme de la
justice environnementale (voir Mohai et al . 2009 ; Pellow 2010) qui voit
le fait de déverser les déchets des riches sociétés de consommation du
Nord sur les populations et les environnements du Sud comme une forme
de néocolonialisme. Selon ce paradigme, les coûts environnementaux des
sociétés de consommation du Nord sont externalisés par l’exploitation
illimitée de la nature dans le Sud. Toutefois, comme le font observer les
géographes économiques Nicky Gregson et Mike Crang (2015 : 153), des
recherches plus récentes sur le recyclage mondial remettent en question
cette présentation des faits qui laisse dans l’ombre un commerce mondial
complexe de ressources secondaires récupérées à des fins de fabrication.
Selon Gregson et Crang, si « des cas très médiatisés de déversement de
déchets toxiques continuent de faire la manchette des journaux », ils
relèvent plus de l’exception que de la règle. Ces chercheurs expliquent
en effet que la plupart des déchets sont en réalité collectés dans des
pays développés par des réseaux d’acheteurs et de commerçants de pays
en développement, puis expédiés vers le Sud, où ils sont transformés et
recyclés sous forme de nouveaux produits manufacturés encore plus
nombreux, dont beaucoup reviennent sur les étals du Nord (ibid . : 161).
Au milieu des années 2010, le commerce mondial des déchets
recyclables était devenu une activité pesant plusieurs millions de dollars –
dans laquelle, il est à noter, la Chine jouait un rôle prépondérant. Comme
Gregson et Crang le font remarquer à juste titre, le paradigme de la justice
environnementale ne rend pas pleinement compte de ce phénomène : s’il
y a bien des déplacements de la pollution sur l’ensemble de la planète,
l’échange transnational d’objets et de matériaux mis au rebut à l’échelon
international représente un enjeu plus important (Iles 2004 ; Rivoli
2005 ; Alexander et Reno 2012). En outre, le paradigme de la justice
environnementale accrédite généralement l’hypothèse selon laquelle les
déchets sont transportés du Nord vers le Sud, ce que reflète, notamment,
l’imaginaire géographique de la Convention de Bâle, le principal traité
régissant le commerce international des déchets. Cependant, les flux
de matériaux sont plus complexes et multidirectionnels (Lepawsky et
McNabb 2010 ; Furniss 2015 ; Lepawsky 2015b), ce qui soulève des
questions sur la pertinence des instruments juridiques actuels (Lepawsky
2015a).
Dans ce contexte, je soutiens que l’adhésion du gouvernement central
chinois au discours sur le dumping environnemental est sujette à caution.
Non seulement elle donne une image trompeuse du rôle crucial que les
importations de déchets ont joué dans le développement du pays par le
passé, mais elle occulte également les enjeux actuels d’ordre national, qui
sont sans doute plus importants que la pollution imputable aux déchets
importés (Liebman 2018). Parmi ceux-ci, l’expansion et la modernisation
du secteur de la gestion des déchets solides municipaux (DSM) en Chine,
caractérisées par une étroite collaboration entre les gouvernements
locaux et les grandes sociétés, revêt une importance majeure. Comme
nous le verrons, cette coopération a des incidences sur la nature actuelle
de la participation chinoise au monde du recyclage.
Chacune des trois parties suivantes correspond plus ou moins à une
période donnée et aborde plus particulièrement la présence à l’étranger
d’un type particulier d’acteur socio-économique chinois : la première
(des années 1980 aux années 2000) traite des acheteurs de déchets, la
seconde (2010-2018) des transformateurs de déchets, et la troisième
(2018-2020) des prestataires de services, fabricants d’équipements et
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constructeurs d’installations dans le domaine des déchets.
Achat de déchets à l’étranger
Depuis le début des années 1990, des citoyens de Chine continentale
partent à l’étranger pour gagner leur vie grâce aux objets mis au rebut. Ils
cherchent à s’approvisionner en marchandises susceptibles de servir de
matières premières une fois recyclées, afin de les expédier dans leur pays.
La première vague de Chinois s’étant installés ou ayant investi à l’étranger
pour vivre du commerce des déchets était principalement composée
d’entrepreneurs privés, souvent autodidactes, qui dirigeaient des micro,
petites ou moyennes entreprises (MPME). Ils peuvent être considérés
comme faisant partie d’un phénomène plus large qualifiés par certains
de « mondialisation par le bas » (Mathews et al . 2012), par opposition
à la circulation des marchandises, des personnes et des capitaux induite
par l’activité des gouvernements, des grandes sociétés et des institutions
financières.
Les Taïwanais ouvrent le bal
En se rendant à l’étranger, les hommes d’affaires chinois ont largement
suivi une tendance amorcée par leurs homologues taïwanais, une ou deux
décennies plus tôt. Dans son récit sur la mondialisation du commerce des
déchets au début du XXe siècle, Adam Minter relate l’histoire de plusieurs
Taïwanais s’étant aventurés aux États-Unis et dans d’autres pays lointains
pour se procurer des matériaux recyclables. L’un d’eux, Joe, a commencé
à sillonner les États-Unis en 1971 dans l’intention d’acheter des déchets
de qualité inférieure, que la hausse des coûts de main-d’œuvre et les
mesures de protection environnementale strictes rendaient peu attrayante
pour les recycleurs américains. En l’espace de dix ans, il a réussi à créer
son propre parc à ferraille à Taiwan1. John Seabrook mentionne un autre
homme d’affaires taïwanais, un certain Yaw Bin (Tony) Huang, qui a d’abord
acheté des débris d’aluminium et de cuivre à des fournisseurs aux ÉtatsUnis pour les vendre à Taiwan, avant de retourner sur l’île 15 ans plus tard
pour créer Sigma, qui deviendra selon Seabrook « la plus grande entreprise
de recyclage d’aluminium en Chine » au milieu des années 20002.
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, une
combinaison de facteurs de répulsion et d’attraction a conduit de
nombreux entrepreneurs taïwanais, à l’instar de Joe et Tony, à délocaliser
leurs activités en Chine. On peut citer parmi ces facteurs l’augmentation
des coûts de main-d’œuvre à Taiwan, une tolérance de plus en plus faible
du public et des autorités à l’égard de la combustion et de la mise en
décharge sauvage associées à l’industrie des déchets, et une interdiction
des importations de « débris métalliques mélangés » à Taiwan (Terao
2005) – une situation qui préfigurait les mesures prises plus récemment
par le gouvernement chinois. À cette époque, la Chine n’imposait aucune
réglementation environnementale relative à l’importation de déchets
recyclables et très peu d’agents des douanes étaient en mesure de fixer
le montant des droits sur ces déchets recyclables. Si cette situation a
globalement facilité les affaires, il en a résulté certains problèmes. Les
entreprises créées par des hommes d’affaires taïwanais en Chine ont
1. Adam Minter, « How China Profits From Our Junk », The Atlantic , 1er novembre 2013, https://www.
theatlantic.com/china/archive/2013/11/how-china-profits-from-our-junk/281044/ [reproduit
dans Minter 2013] (consulté le 15 juillet 2020).
2. John Seabrook, « American Scrap: An Old-School Industry Globalizes », The New Yorker , 6 janvier
2008, https://www.newyorker.com/magazine/2008/01/14/american-scrap (consulté le 15 juillet
2020).
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Yvan Schulz – L’implication des acteurs chinois à l’étranger dans le secteur du recyclage des déchets
connu une croissance rapide, grâce essentiellement à l’appétit insatiable
du pays pour les produits recyclables, en particulier les métaux.
Les Chinois prennent le train en marche
À l’instar des Taïwanais – et suivant dans une certaine mesure leur
exemple – de nombreux Chinois du continent ont rapidement commencé
à se déplacer à travers le monde à la recherche de déchets à expédier
dans leur pays. La plus célèbre d’entre eux est sans doute Cheung Yan,
qui s’est fait connaître en Chine, et au-delà, comme l’une des femmes
les plus riches du monde au milieu des années 2000. Dans un entretien
publié par The New Yorker en 2009, Cheung se souvient de ses débuts
modestes comme comptable dans le nord-est de la Chine et explique
comment elle et son mari ont fait fortune grâce au commerce des
vieux papiers3. Le couple a fondé la société America Chung Nam qui
se procurait de vieilles boîtes en carton ondulé aux États-Unis et les
expédiait en Chine, où elles étaient utilisées dans la production de carton
d’emballage. « En 2001, l’entreprise de Cheung avait franchi une étape
majeure », écrit l’intervieweur Evan Osnos, « elle avait dépassé des géants
mondiaux comme DuPont et Procter & Gamble pour devenir le plus grand
exportateur, en volume, de fret en provenance des États-Unis. Autrement
dit, aucune société en Amérique n’expédiait autant de marchandises
chaque année dans le monde entier ». L’activité s’est développée encore
davantage, faisant de Cheung à la fin des années 2000 la patronne de
Nine Dragons Paper (Jiulong Zhiye 玖龍紙業), le plus grand fabricant de
papier chinois.
Véritable modèle de réussite commerciale, America Chung Nam n’est
pas représentative de toutes les entreprises chinoises liées aux déchets
installées à l’étranger. Toutefois, les conditions favorables constatées
et exploitées par Cheung et son mari lorsqu’ils vivaient et travaillaient
aux États-Unis résultent de circonstances plus générales, notamment
(1) le volume considérable de matières recyclables engendré par la
consommation en Amérique du Nord et les systèmes de collecte
relativement efficaces dans cette partie du monde ; (2) la délocalisation
des activités manufacturières vers la Chine, qui a créé une forte demande
chinoise pour des matériaux tels que le carton ondulé ; et (3) le coût
du transport des marchandises de l’Amérique du Nord vers la Chine,
considérablement réduit pour éviter que les navires porte-conteneurs
reliant les deux régions ne repartent à vide. D’autres circonstances telles
que l’émergence du consumérisme en Chine et la disponibilité limitée
des ressources dans ce pays ont également joué un rôle important. En
dernier lieu, Joshua Goldstein mentionne également « l’externalisation de
la main-d’œuvre, l’abaissement des barrières commerciales, les avancées
dans le domaine de la conteneurisation et du transport maritime, et une
urbanisation galopante » (Goldstein 2012 : 342).
Dans le cadre du commerce mondial des déchets, la relation entre
la Chine et l’Amérique du Nord était particulièrement emblématique,
en grande partie parce qu’elle impliquait des quantités colossales de
matériaux (voir Brooks et al . 2018). Toutefois, on a pu observer plus
ou moins le même type de relation entre la Chine et d’autres régions
industrialisées du monde, notamment l’Europe occidentale (voir Velis
2014 sur les déchets plastiques) et l’Asie du Nord-Est (voir Terazono et al .
2004 ; Meng et Yoshida 2012).
Au cours de mon travail de terrain en Chine au milieu des années 2010,
j’ai interrogé plusieurs commerçants chinois dans le secteur des déchets
ayant des activités à l’étranger ou qui voyageaient très fréquemment
hors de Chine pour des raisons professionnelles. J’ai rencontré l’un
perspectives chinois e s
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d’entre eux, Dave Zhuang4, à Singapour en novembre 2014 lors d’une
visite guidée d’une usine de recyclage. Zhuang a bâti sa carrière sur le
commerce transfrontalier des déchets et a consacré sa vie à cette activité
professionnelle. Il m’a confié au cours de notre conversation que gagner
sa vie grâce au commerce des déchets était son « rêve » (mengxiang
夢想) depuis toujours, et qu’il avait travaillé dur pour le réaliser. Au
milieu des années 2000, Zhuang a fondé ce qui est devenu l’une des
principales plateformes chinoises en ligne fournissant des informations
sur les prix et le commerce des déchets. Plus tard, il a lancé sa propre
entreprise, qui s’approvisionnait en déchets dans le monde entier et
fournissait essentiellement des clients résidant en Chine. Elle exportait
des marchandises, y compris des DEEE, depuis l’étranger et les importait
parfois en Chine également. Sur ce dernier point, Zhuang a insisté sur le
fait que son entreprise n’importait que des marchandises autorisées, ce
qui excluait les DEEE, mais il n’a pas fait mystère du fait que ses clients
introduisaient des DEEE en Chine en « contrebande » (zousi 走私). Son
entreprise, qui avait son siège à Ningbo (province du Zhejiang), possédait
des bureaux et des sites de démantèlement de tri dans de nombreux pays,
dont la Chine, mais également en Espagne, au Pakistan et aux États-Unis.
Il n’était présent à Ningbo qu’un tiers du temps, et passait les deux autres
tiers dans des sites de démantèlement de tri à l’étranger et dans des
hôtels, des avions ou des voitures de location. Sa famille ne savait jamais
où il était, a-t-il confié sur le ton de la plaisanterie.
En mai 2015, alors que je faisais du terrain à Qingyuan, j’ai fait la
connaissance de deux frères spécialisés dans les câbles contenant du
cuivre et les « métaux mixtes » (zahuo 雜貨). Hu Ge et Hu Di, comme
je les appellerai ici, achetaient des marchandises à l’étranger auprès
de certaines des plus grandes entreprises de recyclage au monde
(telles que SIMS Recycling et One Steel), les expédiaient à Qingyuan
et les transformaient dans leurs propres parcs à ferraille, en recourant
principalement au travail manuel et à quelques machines rudimentaires.
Ils se rendaient fréquemment à l’étranger et possédaient des visas d’affaires
pluriannuels pour plusieurs pays, notamment les États-Unis, l’Australie
et le Royaume-Uni. Hu Ge, environ 55 ans, avait des activités dans ce
domaine depuis 20 ans. Ayant voyagé de par le monde, il ne manquait pas
d’anecdotes sur ses voyages d’affaires et ses visites touristiques. Pendant
notre discussion, il m’a montré des photos qu’il avait prises de l’autre
côté de la planète. Les deux frères ne parlaient pas anglais, mais ils étaient
manifestement cosmopolites et se considéraient comme membres d’une
grande famille mondiale de commerçants dans le secteur du recyclage.
Les pays en développement deviennent une destination
Jusqu’au début du siècle, les établissements et les particuliers chinois
qui achetaient des déchets à l’étranger pour les expédier en Chine
s’installaient ou investissaient principalement dans des régions du monde
telles que l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale. À partir des années
2000, certains d’entre eux se sont également aventurés dans des régions
moins développées industriellement et économiquement, y compris en
Afrique, en Asie du Sud-Est, en Asie du Sud et au Moyen-Orient. Rien que
pour les DEEE, on trouve au milieu des années 2010 des hommes d’affaires
chinois dans un certain nombre de pays africains, notamment au Ghana
3. Evan Osnos, « Wastepaper Queen: She’s China’s Horatio Alger Hero. Will Her Fortune Survive? »,
The New Yorker , 23 mars 2009, https://www.newyorker.com/magazine/2009/03/30/wastepaperqueen (consulté le 15 juillet 2020).
4. Les noms ont été anonymisés.
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(Fernández-Font Pérez 2014), au Kenya (Reboux 2017) et au Nigeria
(Sala, à paraître). Ils y rachetaient le plus souvent des cartes de circuits
imprimés et des fils ou câbles collectés par des travailleurs indépendants
et les expédiaient en Chine. Ce type d’activité économique était viable
du fait que les pays africains possédaient très peu d’entreprises capables
d’extraire et d’affiner les métaux précieux (par exemple l’or, l’argent, le
cuivre) de ce type de marchandises, tandis qu’elles étaient nombreuses en
Chine, notamment dans les grands centres de recyclage ruraux situés le
long de la côte (Tong et Wang 2012).
Transformation des déchets à l’étranger
La seconde vague de l’implication à l’etrancer du secteur chinois des
déchets recyclables se caractérise par le même type d’acteurs socioéconomiques que la première, à savoir des entrepreneurs privés et
indépendants dirigeant des entreprises familiales ou des MPME. Par
conséquent, tout comme la première, elle peut être décrite comme une
mondialisation par le bas.
Au début du XXIe siècle, nombre d’entre eux, spécialistes des DEEE et
des matières plastiques, ont décidé de délocaliser leurs opérations de
démantèlement et/ou de traitement hors de Chine, ce qui s’explique
principalement par un changement radical et soudain de la politique
nationale chinoise en matière d’importation de déchets. En effet, en 20
ans seulement, cette politique, à l’origine relativement permissive et peu
appliquée est devenue extrêmement restrictive et strictement appliquée.
La partie suivante passe en revue certains des effets de ce rapide
durcissement.
Les DEEE interdits à l’importation
Datant du milieu des années 19905, les premières mesures visant
à réglementer l’afflux de déchets vers la Chine ont été rapidement
appliquées aux DEEE. Le gouvernement central a promulgué une
interdiction d’importation de ce type de marchandises en février 20006
et l’a étendue au cours des années suivantes7. À la fin des années 2000,
55 catégories de DEEE étaient interdites d’entrée sur le territoire chinois.
Toutefois, l’interdiction ne s’appliquait pas à toutes les catégories de
DEEE : les autorités gouvernementales ont considéré que certaines d’entre
elles étaient des sources de matières premières utiles ne posant pas de
problème, et les ont donc autorisées sous certaines conditions8. Tout porte
à croire que le principal objectif poursuivi par l’interdiction d’importer a
été redéfini au fil des ans. Dans un premier temps, il s’agissait peut-être
de mettre des bâtons dans les roues de l’économie de réutilisation, un
secteur dynamique dans la Chine de l’ère des réformes (Minter 2013), afin
d’aider les marques chinoises à se développer et à gagner des parts de
marché9. Puis, à la suite d’un scandale lié à une grave pollution à Guiyu,
une ville située dans la partie orientale de la province du Guangdong,
le gouvernement central a essentiellement cherché à mettre fin à la
pollution causée par les ateliers de démantèlement et de traitement
des DEEE10. Depuis lors, la protection de l’environnement constitue la
principale justification officielle – bien que le protectionnisme demeure
certainement un facteur explicatif valable.
Malgré les mesures réglementaires décrites ci-dessus, les flux de
DEEE vers la Chine se sont poursuivis avec plus ou moins d’intensité
jusqu’au début des années 2010, comme l’indiquent mes entretiens (voir
également Grossman 2007 : 199), ce qui s’expliquait principalement par
une mise en œuvre et une application imparfaites des réglementations (Ni
56
et Zeng 2009 : 3993 ; Chung et Zhang 2011 : 2639 ; Wang et al. 2013 :
31). En outre, les importations étaient tolérées dans certains cas, même
si ce n’était pas de façon officielle. Ainsi, les autorités chinoises ont fermé
les yeux sur le commerce de déchets de cartes de circuits imprimés et de
DEEE d’occasion destinés à la réexportation entre le Vietnam et la Chine
au milieu des années 2000 (Yoshida 2005 ; Shinkuma et Huong 2009 :
27). Enfin, des failles ont également permis aux DEEE de se frayer un
chemin jusqu’en Chine. Par exemple, les expéditions de débris métalliques
mélangés destinées au recyclage contenant une faible proportion de DEEE
étaient toujours considérées comme conformes.
Des mesures répressives ferment les vannes
Au début des années 2010, les autorités centrales et provinciales ont
pris des initiatives afin de mieux contrôler et surveiller les importations
de déchets. En août 2011, cinq ministères ont conjointement publié
de nouvelles mesures administratives11 dans le but de lutter contre les
pratiques devenues courantes dans le secteur du recyclage en Chine
malgré leur caractère illégal, en particulier l’emprunt, la location ou
la vente de licences d’importation, la revente de déchets importés et
l’importation de déchets non considérés comme des matières premières.
Ce texte juridique indiquait clairement que les infractions donneraient lieu
à des sanctions et précisait les amendes encourues. Ce faisant, il a donné
le ton de ce qui allait suivre.
À partir de 2013, le ministère de la Protection de l’environnement,
’l Administration générale des douanes et l’Administration générale de la
supervision de la qualité, de la quarantaine et des inspections ont lancé
plusieurs « actions spéciales conjointes » à l’échelle nationale (lianhe
zhuanxiang xingdong 聯合專項行動), pour surveiller plus étroitement les
importations de déchets et accroître la fréquence, l’ampleur et l’efficacité
des contrôles officiels, notamment dans les ports. Ces politiques ont été
5. Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, « 中華人民共和國固體廢物污染環境防
治法 » (Zhonghua renmin gongheguo guti feiwu wuran huanjing fangzhi fa, Loi sur la prévention
et le contrôle de la pollution environnementale par des déchets solides), 1995 [modifié en 2004,
2013 et 2016], http://en.pkulaw.cn/display.aspx?cgid=826df5acc275f7d7bdfb&lib=law (consulté
le 15 juillet 2020).
6. Administration nationale de la protection de l’environnement, « 關于進口第七類廢物有
關問題的通知 » (Guanyu jinkou diqi lei feiwu youguan wenti de tongzhi, Notification sur
l’importation de la septième catégorie de déchets), 2000, http://www.law-lib.com/LAW/law_view.
asp?id=108786 (consulté le 15 juillet 2020).
7. Ministère du Commerce extérieur et de la coopération économique et al . « 禁止進口貨物目錄 »
(Jinzhi jinkou huo mulu, Catalogue des marchandises dont l’importation en Chine est interdite),
2002, http://www.mee.gov.cn/gkml/hbb/gwy/200910/t20091030_180691.htm (consulté le 29
septembre 2019). SEPA, « 禁止進口固體廢物目錄 » (Jinzhi jinkou guti feiwu mulu, Catalogue
des déchets solides dont l’importation en Chine est interdite), 2008, http://www.mep.gov.cn/gkml/
zj/gg/200910/t20091021_171792.htm (consulté le 15 juillet 2020). Ministère de la Protection
de l’environnement, « 關于調整進口廢物管理目錄的公告 » (Guanyu tiaozheng jinkou feiwu
guanli mulu de gonggao, Annonce sur la rectification apportée au catalogue relatif à la gestion des
déchets importés), 2009, http://www.mee.gov.cn/gkml/hbb/bgg/200910/t20091022_174566.
htm (consulté le 15 juillet 2020).
8. Voir « 進口七類廢物標準 » (Jinkou qilei feiwu biaozhun, Normes pour l’importation
de déchets de la septième catégorie), Mymetal.net , 6 juillet 2016, http://www.mymetal.
net/16/0706/11/87FC754217FADD3A.html (consulté le 15 juillet 2020).
9. Robin Ingenthron, « Why We Should Ship Our Electronic “Waste” to China and Africa »,
Motherboard , 31 mars 2011, https://motherboard.vice.com/en_us/article/d77w9 m/e-wasterecycling-exports-are-good (consulté le 15 juillet 2020).
10. Voir Jim Puckett et al ., « Exporting Harm: The High-Tech Trashing of Asia », Basel Action
Network and Silicon Valley Toxics Coalition, 25 février 2002, http://www.ban.org/E-waste/
technotrashfinalcomp.pdf (consulté le 15 juillet 2020).
11. Ministère de la Protection de l’environnement et al ., « 固體廢物進口管理辦法 » (Guti feiwu
jinkou guanli banfa, Mesures administratives pour l’importation de déchets solides), 2011, http://
www.lawinfochina.com/display.aspx?lib=law&id=8862&CGid=#menu1 (consulté le 15 juillet
2020).
perspectives chi noi ses
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Yvan Schulz – L’implication des acteurs chinois à l’étranger dans le secteur du recyclage des déchets
baptisées « Clôture verte » (Lüli 綠籬)12 et « Épée nationale » (Guomen
lijian 國門利劍)13. Elles ont placé la barre très haut pour ce qui est de la
qualité des déchets, et ont permis de réprimer la contrebande et d’autres
activités illégales, rendant pour ainsi dire les frontières chinoises plus
étanches.
Au milieu des années 2010, certains indices laissaient penser que
la contrebande de DEEE n’était pas tout à fait enrayée14. De fait, j’ai
remarqué en février 2016 qu’un compte public WeChat appelé « source
de produits électroniques » (dianzi huoyuan 電子貨源) offrait plus ou
moins ouvertement aux acheteurs de Chine continentale une grande
variété d’appareils électroniques, de pièces et de composants provenant
de l’étranger. La plupart des marchandises étaient neuves ou usagées,
mais certaines étaient décrites comme des « détritus » (laji 垃圾).
L’entreprise qui se cachait derrière ce compte fournissait également des
services pour faciliter l’expédition vers la Chine. Toutefois, le programme
« Épée nationale » a fait son apparition peu après et pourrait bien avoir
mis fin à la contrebande de DEEE. Vers la fin de mon séjour en Chine, le
sujet était devenu très sensible et je me heurtais à la forte réticence des
commerçants ou des recycleurs à s’exprimer à ce propos.
Parallèlement aux mesures de répression, la terminologie officielle
relative à l’importation de déchets a évolué de façon spectaculaire. De
fait, ce type d’objets, désormais appelé « ordures étrangères » (yang laji
洋垃圾), était décrié comme sale et dangereux, et présenté comme une
menace pour le pays. Les autorités se sont érigées en défenseurs agissant
pour protéger le peuple chinois et son environnement. Cette position
officielle, qui marque l’adhésion de l’État-parti chinois au discours sur
le dumping environnemental, est à mille lieues de celle des années
2000. Pour comprendre le passage de l’une à l’autre, on doit garder à
l’esprit le contexte plus large d’adhésion du Parti communiste chinois
(PCC) au discours sur la défense de l’environnement dans les années
2010. Confronté à une dégradation environnementale grave et toujours
croissante, il a non seulement cherché à l’atténuer, mais également à
dissiper l’inquiétude et le mécontentement qu’elle suscitait chez les
citoyens chinois, et qui représentait une menace pour sa légitimité
politique. Afin de dépolitiser la question, le pouvoir en place a imaginé
une forme d’environnementalisme profondément nationaliste et technoutopique. Cette position, résumée par le mot d’ordre « civilisation
écologique » (shengtai wenming 生態文明), a été mise en avant grâce
à un recours massif à la propagande verte (Hubbert 2015 ; Goron 2018).
La rhétorique des yang laji , rejetant sur les puissances étrangères la
responsabilité des problèmes environnementaux qui touchent la Chine et
donnant l’impression que les dirigeants chinois font partie de la solution
plutôt que du problème, en est une bonne illustration : elle est construite
autour d’arguments reposant sur l’autodéfense, la prévention de la
pollution et la fierté nationale (voir Liebman 2018).
La politique nationale chinoise en matière d’importation est devenue
encore plus restrictive en juillet 2017, lorsque le gouvernement central a
imposé une interdiction totale sur pas moins de 24 catégories de déchets,
dont les vieux papiers, les pneus, les textiles et le verre non triés, ainsi que
la majeure partie des plastiques post-consommation15. L’interdiction de
ces plastiques a ajouté une restriction supplémentaire aux importations
de DEEE, car à ce moment-là, les plastiques que contenaient les déchets
électroniques étaient encore collectés à l’étranger et envoyés en Chine
en grandes quantités. Cette interdiction, couvrant une grande diversité
de déchets, a suscité l’étonnement général et a rapidement fait la une
des journaux du monde entier16. Elle a envoyé un message radical : la
perspectives chinois e s
• N˚ 2020/4
Chine ne sera plus la solution pour se débarrasser des déchets – ou la
« poubelle » du monde, pour reprendre un terme plus fréquemment
utilisé dans les médias. En conséquence, des quantités considérables de
déchets recyclables seront déplacées vers d’autres pays : une estimation
fait état de 111 millions de tonnes de déchets plastiques d’ici 2030 (Brooks
et al . 2018 : 2). Lorsque l’interdiction est entrée en vigueur en janvier
2018, même les non-spécialistes ont réalisé que l’État-parti chinois
avait fondamentalement transformé le commerce mondial des déchets.
Et Pékin ne s’est pas arrêté là. À la mi-2019, huit autres catégories de
déchets ont été interdites d’importation, y compris les principaux métaux
industriels, et 16 autres catégories connaîtront prochainement le même
sort17. Devant cette évolution de la situation, les observateurs prévoient
que très peu de matériaux de rebuts ou de déchets seront expédiés en
Chine à l’avenir18.
Effondrement de l’économie rurale du recyclage en Chine
Parallèlement au durcissement progressif de la politique nationale
chinoise en matière d’importation de déchets recyclables à partir du
début des années 2010, la position officielle à l’égard des centres de
recyclage ruraux a également évolué de manière spectaculaire. Ces petites
villes et villages spécialisés dans le tri, le démantèlement et le traitement
de divers types de déchets ont joué un rôle clé dans les réseaux industriels
de l’ère des réformes en Chine. Pourtant, ils ont eux aussi commencé à
subir une pression croissante des autorités de l’État au niveau des districts
et au-delà.
Au cours de la conversation que j’ai eue avec les frères Hu à Qingyuan
en 2015, j’ai réalisé à quel point ils étaient préoccupés par l’image que
j’allais donner d’eux et de leur profession dans ce qu’ils ont appelé mon
« rapport » (baodao 報道). Très vite, ils m’ont précisé qu’ils avaient
accepté de me fournir des informations sur leurs activités commerciales,
car ils espéraient que je mettrais l’accent sur les choses positives et non
négatives – en particulier sur la pollution. Le plus important, selon eux,
était que des mesures avaient déjà été adoptées pour moderniser l’industrie
du recyclage à Qingyuan et limiter son impact sur l’environnement. Hu
Ge et Hu Di avaient à cœur de se distinguer des autres recycleurs installés
dans la même région, exerçant plus ou moins les mêmes activités, mais
à une plus petite échelle. Ils m’ont bien précisé que leur parc à déchets
12. Voir par exemple Patty Moore et Sally Houghton, « An Inside Look at Operation Green Fence »,
Resource Recycling , 18 octobre 2013, https://resource-recycling.com/recycling/2013/10/18/
inside-look-operation-green-fence/ (consulté le 15 juillet 2020).
13. Voir Administration générale des douanes, « 全國海關部署“國門利劍2016”打私行動 »
(Quanguo haiguan bushu “Guomen lijian 2016” dasi xingdong, Les douanes nationales déploient
le programme « Épée nationale 2016 » pour lutter contre la contrebande), [non daté], http://
www.gov.cn/xinwen/2016-3/11/content_5052289.htm (consulté le 15 juillet 2020).
14. Voir par exemple, « Police Bust “E-trash” Smugglers, Seize 72,000 Tons of Goods », Global Times ,
26 février 2014, http://www.globaltimes.cn/content/844788.shtml (consulté le 15 juillet 2020).
15. Conseil des affaires de l’État, « 禁止洋垃圾入境推進固體廢物進口管理制度改革實施方
案 » (Jinzhi yang laji rujing tuijin guti feiwu jinkou guanli zhidu gaige shishi fang’an, Plan de mise
en œuvre pour interdire l’introduction de déchets étrangers et faire progresser la réforme du
système d’administration des importations de déchets solides), 18 juillet 2017, http://www.gov.
cn/zhengce/content/2017-07/27/content_5213738.htm (consulté le 15 juillet 2020).
16. Voir par exemple « A Chinese Ban on Rubbish Imports is Shaking up the Global Junk Trade »,
The Economist , 27 septembre 2018, https://www.economist.com/special-report/2018/09/27/
a-chinese-ban-on-rubbish-imports-is-shaking-up-the-global-junk-trade (consulté le 15 juillet
2020).
17. « Additional Scrap Grades Now on China’s Restricted List », Recycling Today , 8 janvier 2019,
https://www.recyclingtodayglobal.com/article/china-adds-scrap-metal-restricted-list-2019/
(consulté le 15 juillet 2020).
18. Colin Staub, « China Reiterates Total Ban and Tries to Define “Solid Waste” », Resource Recycling ,
9 avril 2019, https://resource-recycling.com/recycling/2019/04/09/china-reiterates-total-banand-tries-to-define-solid-waste/ (consulté le 15 juillet 2020).
57
Dossier
recyclables, où je les avais rencontrés par hasard, était situé dans une
zone industrielle créée de longue date, gérée par une société d’État
relevant directement du gouvernement central et possédant toutes
les autorisations nécessaires. Selon eux, cela conférait à leurs activités
une supériorité incontestable par rapport à ceux situés à l’extérieur de
cette zone, dans la campagne environnante. Autre motif de légitimité à
leurs yeux, ils ont souligné que la zone industrielle était équipée d’une
installation de traitement des eaux usées.
Afin de mieux comprendre les déclarations des frères Hu, nous devons
les replacer dans le contexte de la transformation profonde du secteur
chinois du recyclage qui s’est opérée au milieu des années 2010 (voir
Schulz 2018). À ce moment-là, les gouvernements locaux adoptaient
dans toute la Chine des mesures de répression visant à fermer la grande
majorité des petits ateliers des centres de recyclage ruraux (Goldstein
2017 ; Lora-Wainwright 2017 ; Schulz 2019 ; Schulz et Lora-Wainwright
2019). Si l’entreprise dirigée par les frères Hu était bien positionnée
et relativement prospère, elle était également de taille moyenne (elle
employait environ 50 travailleurs) et donc potentiellement vulnérable à
des mesures étatiques aussi drastiques. En décrivant leurs activités comme
« formelles » (zhenggui 正規), « légales » (hefa 合法) et « propres »
(qingjie 清潔), Hu Ge et Hu Di ont tenté de se placer du bon côté de
l’Histoire. Ils ont compris qu’en tant qu’entrepreneurs privés ayant des
activités dans le domaine des déchets, ils devaient se mettre au diapason
des autorités, ou du moins adhérer au discours officiel, sous peine d’avoir
à mettre la clé sous la porte.
Toutefois, les efforts des frères Hu ont peut-être été vains. En janvier
2017, en visitant le compte de Hu Ge sur les réseaux sociaux, j’ai
découvert qu’il avait créé une nouvelle entreprise de vente en gros
d’articles décoratifs en céramique, ce qui donne à penser qu’il a peut-être
dû renoncer, comme nombre de ses collègues, au commerce des déchets
(voir Schulz et Lora-Wainwright 2019).
Transfert du traitement des déchets à l’étranger
La nouvelle politique nationale chinoise sur les importations de déchets
recyclables et la forte pression officielle exercée sur les ateliers et les
petites entreprises de recyclage des régions rurales chinoises ont eu pour
effet une réorientation des flux19 (Brooks et al . 2018) et une redistribution
des activités de démantèlement, de tri et de traitement au niveau
mondial.
N’étant plus autorisés à exporter, nombre d’exportateurs de déchets
établis à l’étranger, autrefois tributaires des expéditions vers la Chine,
ont cherché d’autres débouchés. La haute disponibilité des déchets sur
le marché mondial a incité certains pays à jouer un rôle plus important
en tant qu’importateurs. Les importations de déchets plastiques en
Thaïlande, en Malaisie et au Vietnam notamment, ont augmenté de
façon spectaculaire, en grande partie parce que ces pays avaient instauré
moins de réglementations en matière d’importation et des contrôles
moins stricts, voire aucun. Durant quelques années au moins, l’Asie du
Sud-Est a absorbé une part importante du volume de déchets plastiques
qui entraient autrefois sur le territoire chinois20. Dans le même temps,
la capacité de tri et de traitement de cette région s’est renforcée : des
localités comme Minh Khai, un village situé au nord du Vietnam spécialisé
dans le traitement des déchets plastiques, ont connu une forte expansion
du recyclage, ce qui a eu pour conséquence d’accroître sensiblement la
prospérité, mais aussi la pollution au niveau local (Le Meur 2019 : 336).
De même, dans l’impossibilité désormais d’importer, certaines
58
entreprises chinoises de traitement des déchets qui dépendaient autrefois
des importations de produits étrangers ont délocalisé leurs activités hors
de Chine. Cette tendance s’est sans doute manifestée plus tôt chez les
recycleurs spécialisés dans les DEEE que chez ceux spécialisés dans les
plastiques ou autres matériaux, les DEEE ayant été interdits d’entrée
en Chine relativement tôt. En menant des recherches dans la province
du Guangdong, j’ai entendu de nombreux récits d’habitants locaux qui
s’étaient installés à l’étranger, notamment en Asie du Sud-Est, pour y
commencer une activité de recyclage. Selon les informations d’un média
sur la situation en Thaïlande, « des hommes d’affaires chinois ont tenté
d’ouvrir une centaine d’usines de recyclage de déchets plastiques et
électroniques » depuis janvier 201821.
Ce sujet revient sans cesse dans les entretiens que j’ai menés à Guiyu
en avril 2018. Toutes les personnes avec lesquelles j’ai échangé dans cette
ville et dans les localités voisines semblaient connaître personnellement
quelqu’un qui résidait maintenant dans un pays d’Asie du Sud-Est et qui
gagnait sa vie grâce au recyclage. Yang Liu, un jeune commerçant dans le
secteur des déchets plastiques installé tout près de Guiyu, m’a ainsi confié
que plusieurs de ses amis recycleurs de plastique avaient déménagé à
l’étranger, dont un au Vietnam et un en Malaisie. Ce dernier a tenté de
convaincre Liu de s’associer à son projet, en vain. Il était prévu au départ
que quatre partenaires seraient partie prenante et investiraient chacun 10
millions de yuans. Ce chiffre élevé m’ayant surpris, Liu a précisé : « Il faut
environ cinq millions uniquement pour l’équipement. Ensuite, il y a encore
beaucoup d’autres dépenses à couvrir ». Ma réaction a été de demander :
« Si c’est si coûteux, à quoi bon ? », ce à quoi Liu a répondu :
Le recyclage des plastiques est une affaire lucrative. On peut gagner
beaucoup d’argent. Quel que soit le montant de l’investissement,
on peut être sûr de commencer à faire des bénéfices en l’espace
de quatre ou cinq mois. C’est pourquoi beaucoup de gens ici [c’està-dire à Guiyu et dans les villes voisines] se sont lancés dans le
recyclage du plastique.
Les bénéfices étaient certes potentiellement considérables, mais
nombre de personnes ayant investi dans le secteur du recyclage à Guiyu et
dans ses environs ont été contraintes de cesser cette activité économique
ces dernières années, en raison du durcissement progressif de la politique
chinoise d’importation des déchets et des mesures de répression qui
ont touché les ateliers de recyclage et les petites usines (Schulz 2019).
Selon Liu, certaines personnes s’étaient tournées vers d’autres domaines
d’activité, notamment le commerce électronique (voir également Schulz
et Lora-Wainwright 2019), tandis que d’autres étaient parties s’installer à
l’étranger.
Liu a souligné que même des nouveaux venus avaient investi dans
le recyclage des plastiques à l’étranger. Ainsi, sa sœur cadette et son
mari avaient récemment construit des installations de traitement des
matières plastiques en Thaïlande, alors qu’ils ne possédaient que peu de
compétences et d’expertise dans ce domaine. Comme l’ami de Liu, son
19. Leslie Hook et John Reed, « Why the World’s Recycling System Stopped Working », Financial
Times , 25 octobre 2018, https://www.ft.com/content/360e2524-d71a-11e8-a85433d6f82e62f8 (consulté le 15 juillet 2020).
20. Ibid .
21. Hannah Ellis-Petersen, « Deluge of Electronic Waste Turning Thailand into “World’s Rubbish
Dump” », The Guardian , 28 juin 2018, https://www.theguardian.com/world/2018/jun/28/delugeof-electronic-waste-turning-thailand-into-worlds-rubbish-dump (consulté le 15 juillet 2020).
perspectives chi noi ses
• N˚ 2020/4
Yvan Schulz – L’implication des acteurs chinois à l’étranger dans le secteur du recyclage des déchets
beau-frère avait également tenté de le convaincre de se joindre à eux
dans ce projet, sans succès. L’une des raisons pour lesquelles Liu n’a pas
souhaité collaborer avec le couple est qu’il estimait que les entreprises
dans des pays comme la Thaïlande, le Vietnam et la Malaisie n’offraient
que de faibles perspectives :
Ce type d’investissement est trop risqué. Ces pays sont très
touristiques, on peut donc être sûr que leurs gouvernements
effectueront aussi bientôt des inspections environnementales.
Liu avait une expérience directe de l’impact environnemental
du recyclage des plastiques. Dans le passé, lui et sa famille avaient
« transformé » (jiagong 加工) des déchets plastiques en utilisant un
« broyeur » (fensuiji 粉碎機), une machine très bruyante qui consomme
de grandes quantités d’électricité, et un « granulateur par extrusion » (jiya
zaoli ji 擠壓造粒機) qui produit des fumées toxiques. Lorsque ce type
d’activité est devenu trop dangereux en raison de la fréquence accrue
des « inspections environnementales » (cha huanbao 查環保) à Guiyu
et ses environs, ils y ont renoncé et se sont consacrés exclusivement au
« commerce » (maimai 買賣).
Une autre personne interrogée qui, à l’instar de Liu, exerçait son activité
dans le domaine des déchets plastiques, pensait également que les
recycleurs chinois seraient bientôt mal accueillis dans les pays d’Asie du
Sud-Est en raison des effets néfastes de cette activité sur l’environnement :
Un trop grand nombre de Chinois s’y sont installés et ont créé
des centres [de recyclage]. Si cette tendance se poursuit, les
gouvernements de ces pays se rendront compte que ces installations
polluent et ils commenceront à les contrôler plus strictement.
Il se trouve que la position officielle à l’égard des recycleurs chinois,
et plus généralement de la croissance rapide du secteur du recyclage en
Asie du Sud-Est, avait déjà évolué lors de ma dernière visite à Guiyu (en
avril 2018). Citons par exemple la descente très médiatisée par le service
des douanes et les forces de police thaïlandaises dans les locaux d’un
grand centre de démantèlement et de traitement, situé à la périphérie de
Bangkok, appartenant à un ressortissant chinois spécialisé dans les DEEE
(y compris les plastiques contenus dans ces derniers)22. Les photographies
de l’établissement et de sa zone de stockage à l’extérieur montrent des
milliers de sacs d’expédition en vrac remplis à ras bord et empilés les
uns sur les autres, ce qui semble indiquer que le centre fonctionnait à
grande échelle malgré l’absence d’autorisation officielle. Peu de temps
après, le gouvernement thaïlandais a annoncé qu’il allait endiguer la
vague des matières recyclables qui affluaient en Thaïlande en décrétant
une interdiction d’importation, s’inscrivant ainsi dans la même démarche
que le gouvernement chinois. Plus ou moins au même moment, les
gouvernements de plusieurs autres pays d’Asie du Sud-Est, dont la
Malaisie, le Vietnam et l’Indonésie, se sont joints au mouvement en
annonçant leurs propres interdictions d’importation23. L’Inde a emprunté
la même voie24, faisant peut-être figure d’exemple pour les autres pays
d’Asie du Sud.
Par conséquent, investir en Asie est désormais sans doute exclu pour
les entreprises de recyclage chinoises qui cherchent à se délocaliser hors
de Chine. Les entités plus grandes et solidement établies, qui peuvent
investir dans des infrastructures, mais ne le feront que dans un climat
plus prévisible pour le commerce, envisagent de s’installer dans d’autres
perspectives chinois e s
• N˚ 2020/4
régions, par exemple en Amérique latine et aux Caraïbes25. Pour ces
entreprises, la proximité de la source abondante de matières recyclables
que représente l’Amérique du Nord est un facteur clé. D’autres évaluent
également la possibilité de construire elles-mêmes des installations de
recyclage aux États-Unis26. Quant aux entreprises de taille plus modeste,
elles semblent attacher plus d’importance à la proximité du marché
destinataire – la Chine dans une large mesure –, car la majorité d’entre
elles ont choisi de s’installer en Asie du Sud-Est.
Si une partie des capacités de traitement des déchets plastiques de la
Chine a été transférée vers l’Asie du Sud-Est, le principal marché pour les
plastiques recyclés de cette région reste la Chine elle-même. Wang Lei et
sa femme, qui achètent et vendent des déchets plastiques « de qualité
inférieure » (diduan 低端) et les trient manuellement près de Guiyu, m’ont
expliqué en avril 2018 que les granulés produits par le recyclage pouvaient
toujours être importés en Chine, car ils n’étaient pas considérés comme
des déchets, contrairement aux déchets plastiques non triés et non
traités. Ils ont souligné que le traitement effectué à l’étranger n’entraînant
aucune pollution en Chine, il était par conséquent peu probable, selon
eux, que le gouvernement chinois interdise l’importation de ce type de
matériau.
Il convient de noter que la délocalisation d’une partie des capacités
de transformation de la Chine vers les pays en développement n’a pas
commencé avec l’interdiction annoncée en juillet 2017, quoiqu’elle se
soit progressivement accélérée depuis lors. C’est un phénomène qui
remonte, dans une certaine mesure, à une période antérieure. En Afrique,
notamment, la présence d’un nombre important de Chinois spécialisés
dans la transformation des déchets plastiques est attestée dans plusieurs
pays depuis la fin des années 2000 et le début des années 2010 (voir
Furniss 2015 sur l’Égypte ; Bräutigam et al . 2018 sur la Tanzanie, le Ghana,
l’Éthiopie et le Nigeria ; et Xia 2019 sur la Tanzanie). Les facteurs clés
ayant incité ces spécialistes de la transformation à quitter leur pays à
cette époque comprennent notamment la forte concurrence entre les
entreprises de recyclage et la hausse des coûts de main-d’œuvre, tandis
que l’Afrique offrait une disponibilité croissante de déchets recyclables et
un coût de main-d’œuvre bon marché.
Offre de solutions pour les déchets à l’étranger
Comme il ressort de ce qui précède, en quelques années seulement, la
Chine est passée du statut de principal importateur mondial de produits
recyclables à celui de pays dont les frontières sont pour ainsi dire
imperméables à ce type de marchandises. Néanmoins, le pays continue
de devoir traiter des quantités massives de déchets. En 2017, l’économie
chinoise se classait au deuxième rang mondial en termes de PIB nominal
et enregistrait une croissance bien plus rapide que celle des dix meilleures
22. Voir par exemple, ibid .
23. Colin Staub, « Import Restrictions Ripple Across Southeast Asia », Resource Recycling , 5 juin
2018, https://resource-recycling.com/recycling/2018/06/05/import-restrictions-ripple-acrosssoutheast-asia/ (consulté le 15 juillet 2020).
24. Harry Cockburn, « India Bans Imports of Waste Plastic to Tackle Environmental Crisis », The
Independent , 7 mars 2019, https://www.independent.co.uk/environment/india-plastic-wasteban-recycling-uk-china-a8811696.html (consulté le 15 juillet 2020).
25. Steve Toloken, « China’s Recyclers Look at Latin America, Caribbean », Plastic News , 3 avril 2019,
https://www.plasticsnews.com/article/20190403/NEWS/190409967/china-s-recyclers-look-atlatin-america-caribbean (consulté le 15 juillet 2020).
26. Lindsey Jacobson, « Why Chinese Companies are Investing in American Recycling », CNBC ,
1er mars 2020, https://www.cnbc.com/2020/02/28/why-chinese-companies-are-investing-inamerican-recycling.html (consulté le 15 juillet 2020).
59
Dossier
économies mondiales, à l’exception de l’Inde. L’industrialisation rapide,
l’urbanisation généralisée et l’émergence du consumérisme que connaît
la Chine depuis des décennies ont entraîné la production de quantités
considérables de déchets (Goldstein 2012 : 342)27 à un rythme qui devrait
s’accélérer encore dans les années à venir, étant donné la perspective de
croissance économique soutenue.
Cette profusion de déchets doit être traitée, d’une manière ou d’une
autre. Conscient du problème, le pouvoir actuel l’a attaqué de front en
cherchant notamment ces dernières années à améliorer la gestion des
déchets ménagers. Cette volonté est particulièrement visible pour la
collecte des DSM dans les zones urbaines, devenue une priorité nationale
défendue par le président Xi Jinping en personne28. Entre 2017 et 2019,
le Conseil des affaires de l’État et des organismes nationaux ont adopté
une série de mesures29 visant à mettre en place, une fois pour toutes, des
systèmes contrôlés par l’État pour le tri des DSM dans l’ensemble des
grandes villes chinoises. Sur le papier, de tels systèmes étaient établis
depuis les années 2000, mais ils sont demeurés inopérants (voir, par
exemple, Zhang 2015 pour Canton, et Tong et Tao 2016 pour Pékin). Les
activités liées aux déchets dans les grandes villes étaient dominées par les
mécanismes de marché et les migrants internes appartenant au secteur
dit « informel » (fei zhenggui jun 非正規軍, à savoir les travailleurs
indépendants, les entreprises familiales et les MPME ; voir Zhang 2019),
qui faisait obstacle aux projets de « formalisation » (zhengguihua 正規化)
du gouvernement. Les gouvernements municipaux d’un bout à l’autre de
la Chine étaient aux prises avec ce problème depuis plus d’une décennie,
suite à l’intervention du gouvernement central imposant, entre autres,
un objectif de taux de recyclage de 35 % d’ici 2020. Les villes ont dû
redoubler d’efforts en très peu de temps ; la municipalité de Shanghai, par
exemple, a instauré le tri obligatoire des DSM, d’abord pour les agents des
services d’assainissement30, puis pour tous les habitants de la ville31.
Les restrictions du gouvernement central sur les importations de
déchets doivent être interprétées à la lumière de ce qui précède. Tout
porte à croire que le renforcement de l’industrie chinoise de la collecte et
du recyclage des déchets ménagers et de son autonomie en matière de
gestion des ressources pesait plus lourd dans les considérations officielles
que la lutte contre le dumping environnemental, ne serait-ce que parce
qu’au moment où l’interdiction d’importation mise en place en 2017
avait été annoncée, les déchets provenant de l’étranger étaient en fait
« immaculés » selon Adam Minter32. L’interdiction d’importer a peutêtre été motivée par la volonté de créer une pénurie, de réorienter les
prix sur le marché intérieur à la hausse et de faciliter la récupération
(désormais plus rentable) des matières recyclables. Cette mesure faisait
incontestablement partie d’un plan plus vaste visant à faire passer
l’industrie chinoise du recyclage du stade artisanal au stade industriel, et
à soutenir les systèmes gérés par l’État.
L’ambition du gouvernement central de transformer radicalement
l’industrie chinoise des déchets ménagers se manifeste non seulement
dans ses efforts pour augmenter les taux de collecte, mais aussi dans son
programme visant à améliorer la gestion et le traitement de divers types
de déchets recyclables, en particulier les DEEE. Au début des années 2010,
les autorités ont confié le démantèlement et le broyage des DEEE à des
entreprises qui possèdent de vastes installations, utilisent une technologie
de pointe, et sont capables de traiter des procédures administratives
complexes. En favorisant les grandes entités socio-économiques, y
compris par le biais de subventions, elles visaient à exclure les petites,
notamment les recycleurs « informels », jugés problématiques en
60
raison de leur taille (trop « petits », xiao 小), de leur répartition spatiale
(trop « dispersés », san 散), de leur mode de fonctionnement (trop
« désordonné », luan 亂), et de leur impact environnemental (trop
polluant ou « sale », zang 髒) (Schulz 2015). Le succès sur ce plan se fait
attendre – de fait, l’objectif n’est pas encore pleinement atteint dix ans
plus tard – mais les autorités de Pékin sont toutefois parvenues à créer
rapidement un nouveau sous-secteur composé de plus d’une centaine
de grandes entreprises spécialisées dans le recyclage des DEEE (Schulz
2018). Nombre d’entre elles appartiennent à de grands groupes chinois
spécialisés dans l’électronique, comme TCL Technology – l’un des plus
grands fabricants de téléviseurs au monde – et seule une poignée de ces
entreprises sont rattachées à des groupes étrangers.
Les grandes entreprises spécialisées dans le recyclage des déchets
connaissent actuellement une croissance rapide en Chine grâce à l’occasion
unique offerte par la politique officielle, le soutien de l’État et l’argent
public largement disponible. Aussi, certaines d’entre elles ont décidé de
diversifier leurs activités à l’étranger. La société GEM Co. Ltd, cotée à la
bourse de Shenzhen, en est un bon exemple : spécialisée dans le recyclage
des DEEE, elle développe des technologies et des équipements connexes,
et a récemment investi dans la construction de parcs industriels en Afrique
du Sud, en Indonésie et en Corée du Sud. Selon son site internet33, GEM
s’efforce de « devenir une entreprise verte de renommée internationale »
en « participant activement à la coopération mondiale dans le secteur
du recyclage des déchets ». Il est fait explicitement référence à la
stratégie globale de développement du gouvernement central : « GEM
[…] va développer l’industrie verte pour s’associer à l’Initiative Belt and
Road ». La société GEM considère que sa mission est de mettre en œuvre
le « concept de développement vert du gouvernement chinois » et de
« montrer au monde la responsabilité des entreprises chinoises en matière
de protection environnementale ». En d’autres termes, elle se présente
comme un ambassadeur des projets étatiques de promotion de la Chine
en tant que futur chef de file des solutions durables aux problèmes
environnementaux à l’échelle mondiale.
La plupart des grandes entreprises de gestion des déchets qui se
développent à l’étranger appartiennent à l’État. Le domaine d’activité
principale de ces entreprises est le traitement et l’élimination des
déchets – Capital Environment Holdings Limited (CEHL) et Everbright
International, par exemple, sont toutes deux reconnues comme
27. Banque mondiale, « Waste Management in China: Issues and Recommendations »,
Urban Development Working Papers , 9 mai 2005, https://siteresources.worldbank.org/
INTEAPREGTOPURBDEV/Resources/China-Waste-Management1.pdf (consulté le 15 juillet
2020).
28. « Xi Jinping Stresses Habit of Garbage Sorting », CGTN , 3 juin 2019, https://news.cgtn.com/news
/3d3d774d3459444d35457a6333566d54/index.html (consulté le 15 juillet 2020).
29. Pour une liste détaillée, voir Chang Jiwen, « 推進垃圾分類要保持歷史耐心 » (Tuijin laji fenlei
yao baochi lishi naixin, La pression en faveur du tri des déchets exige une patience historique),
Kexue wang , 18 juin 2019, http://news.sciencenet.cn/htmlnews/2019/6/427512.shtm (consulté
le 15 juillet 2020).
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perspectives chi noi ses
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Yvan Schulz – L’implication des acteurs chinois à l’étranger dans le secteur du recyclage des déchets
des acteurs majeurs dans le secteur de l’incinération (« valorisation
énergétique des déchets ») en Chine –, mais elles possèdent aussi des
départements ou des filiales spécialisés dans la collecte, le tri et le
traitement des déchets. Elles investissent et fournissent un large éventail
de solutions et de services relatifs aux déchets et construisent des
installations à l’étranger, notamment dans les pays membres de l’Initiative
Belt and Road. Ce faisant, ces entreprises deviennent des acteurs
internationaux et commencent à concurrencer des entreprises non
chinoises établies de longue date sur la scène mondiale, telles que Waste
Management Inc. et Veolia Environmental Services.
En bref, nous assistons à une troisième phase du commerce chinois
des déchets avec l’étranger. À la différence des deux précédentes, celleci met en scène de grandes sociétés dont la plupart entretiennent des
liens étroits avec les autorités chinoises. Il s’agit de la conséquence
directe de la croissance et de la modernisation de l’industrie chinoise de
la gestion des déchets ménagers au cours des dernières années et de la
stratégie officielle visant à encourager les sociétés chinoises à investir et à
développer des activités à l’étranger, que ce soit dans le cadre de l’Initiative
Belt and Road ou de la plus ancienne politique dite de « sortie » (zouchuqu
走出去).
Conclusion
Cet article a présenté un aperçu historique de l’implication des
acteurs chinois dans le commerce et la transformation des déchets
recyclables à l’étranger ainsi qu’une description des tendances actuelles.
Portant essentiellement sur les plastiques et les déchets d’équipements
électriques et électroniques (DEEE), il a mis en évidence trois vagues (ou
phases) et décrit leurs caractéristiques respectives. Comme nous l’avons
vu, la portée, les formes et les modalités du rôle des acteurs chinois dans
le commerce international des déchets ont varié en fonction de la région
et de l’époque considérées.
Durant de nombreuses années, les entités socio-économiques chinoises
exerçant leur activité à l’étranger se sont exclusivement consacrées
au commerce. Ce n’est qu’après 2010 que certaines d’entre elles ont
également commencé à trier, démanteler et traiter des déchets dans
des pays étrangers. Cette forme d’implication de la Chine à l’étranger
a longtemps concerné principalement les travailleurs indépendants,
les entreprises familiales et les MPME, à savoir ceux qui tiraient
leur subsistance ou leur profit du commerce, du transport et de la
transformation des déchets, notamment pour ce qui est des plastiques
et des DEEE. Mon compte rendu de ces deux premières vagues a mis en
lumière les calculs effectués, les risques pris et les obstacles rencontrés
par les acteurs en question dans le cadre de leur présence à l’étranger,
dressant ainsi un portrait (partiel) de l’économie chinoise capitaliste à
petite échelle et du rôle qu’elle joue à l’étranger à la fin du XXe et au
début du XXIe siècle. Aujourd’hui, une nouvelle forme de la présence
chinoise à l’étranger se dessine. À en juger par les développements
qui remontent à quelques années seulement, ce sont plus les grandes
sociétés que les petits entrepreneurs qui en sont les principaux acteurs.
Toutes tirent un profit considérable de leur collaboration directe avec
les gouvernements nationaux, provinciaux et municipaux en Chine, qui
leur fournissent soutien, investissements et subventions, sans oublier le
traitement de faveur occasionnel obtenu grâce à la corruption. Nombre
de ces entreprises appartiennent d’ailleurs à l’État chinois, ce qui, d’une
certaine manière, n’est pas sans rappeler le système de gestion des
perspectives chinois e s
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déchets mis en place par l’État-parti en Chine durant l’ère maoïste
(voir Goldstein 2005). Sans l’appui de l’État, il est peu probable que ces
entreprises aient pu s’aventurer à l’étranger.
En résumé, si les deux premières vagues de l’implication de la Chine
à l’étranger dans le commerce des déchets peuvent être qualifiées de
« mondialisation par le bas », la troisième correspond à la conception
classique de la mondialisation en tant que phénomène principalement
impulsé par les gouvernements, les grandes sociétés et les institutions
financières, autrement dit, comme provenant « d’en haut ». Elle se
caractérise également par une transition entre un secteur de la collecte
et du recyclage des déchets majoritairement constitué d’acteurs privés
et indépendants vers un secteur où les acteurs publics jouent un rôle
prédominant. Cette évolution est révélatrice de la mainmise qu’exerce le
pouvoir chinois actuel sur l’économie.
En déplaçant le curseur d’une échelle à l’autre, cet article a mis
en lumière les liens qui existent entre les politiques nationales et
internationales de la Chine. Il a montré, en particulier, que la rhétorique
des yang laji ne doit pas être prise pour argent comptant, mais qu’elle
s’inscrit plutôt dans le cadre d’un plus vaste effort déployé par le
gouvernement central visant à moderniser le recyclage des déchets
ménagers et faire en sorte qu’il relève à nouveau des compétences de l’État.
La mise en place de systèmes de recyclage formels représente certes
un grand défi pour la Chine, mais également pour toutes les économies
« émergentes », et plus encore pour les pays en développement dont les
taux de production de déchets explosent. Derrière chaque défi se cache
une opportunité à saisir. Du point de vue des autorités chinoises et des
sociétés avec lesquelles elles collaborent, cette opportunité consiste à
tirer pleinement profit de l’expérience qu’elles ont acquise et continuent
d’acquérir dans leur pays pour exporter leur savoir-faire et leurs solutions
à l’étranger. Le fait qu’elles aient entrevu cette occasion et s’en saisissent
est manifeste dans le discours sur la durabilité qui accompagne la mise
en œuvre de l’Initiative Belt and Road, ainsi que dans l’émergence d’un
certain nombre de sociétés chinoises comme acteurs internationaux
majeurs, malgré une concurrence féroce.
I Traduit par Cécile Boussin.
I Yvan Schulz est titulaire d’un doctorat en anthropologie de
l’Université de Neuchâtel. Il est actuellement chargé de cours à
l’Université de Fribourg. Yvan Schulz, Marronniers 19, 1800 Vevey,
Suisse (yvan.schulz@yahoo.com).
Manuscrit reçu le 12 décembre 2019. Accepté le 14 septembre 2020.
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