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Aux marges de l’ancienne agglomération antique
du Camp de César : Saint-Jean de Todon
alias Saint-Jean de Rousigue (Laudun-L’Ardoise, Gard)
Yann ARDAGNA*, Delphine BLANCHARD**,
Elie PÉLAQUIER***, LAURENT VIDAL****
avec la collaboration de Maxime SEGUIN**
Depuis 2002, l’église du prieuré rural clunisien de Saint-Jean de Todon fait l’objet d’une fouille programmée. Cet
édifice cultuel est situé sur un plateau calcaire surplombant la vallée du Rhône et constitue la dernière occupation d’une
agglomération gauloise puis romaine nommée le Camp de César. Il comprend une nef fermée par une abside et mesure
24,8 m de long pour 8 m de large. Les dix campagnes de fouille ont montré que l’édifice aujourd’hui ruiné est construit
en plusieurs étapes et qu’il possède une histoire complexe qui peut plonger ces racines dans les Ve-VIIe s. et se termine
à l’époque moderne. Un cimetière utilisé entre la seconde moitié du IXe s. et la fin du XIIIe s. (douze datations par le
radiocarbone) se développe au Sud et à l’Ouest du bâtiment. Depuis quelques années sa fouille exhaustive est devenue
une priorité en raison de son articulation avec les différentes phases de construction et de la conservation exceptionnelle
des dispositifs de signalisation. L’effectif total est évalué à 200 tombes, et pour le moment 141 coffrages
anthropomorphes et 81 dépôts secondaires ont été étudiés.
Since 2002, the church of the Clunisian rural prieuré of Saint-Jean-de-Todon is the subject of programmed
excavations. This religious building on a calcareous plateau overlooking the Rhone valley constitutes the most recent
occupation of a Gallic then Roman town named the Camp of Caesar. It includes a nave closed by an apse and is 24,8 m
long by 8 m wide. Ten excavation campaigns showed that the existing construction was built in several successive stages
and possesses a complex history which may plunge its roots in the Vth or VIIth centuries and ends in the modern period.
A cemetery in use between the second half of the IXth century and the end of the XIIIth century (twelve radiocarbon
datings) extends to the South and West of the building. In recent years, exhaustive excavation became a priority because
of its links with the various building phases and the exceptional preservation of tomb signalizations. The estimated total
is about 200 graves and for the moment 141 anthropomorphic coffers and 141 secondary deposits have been studied.
Mots-clés : Prieuré rural clunisien, église prieurale, cimetière médiéval, signalisation, coffrage anthropomorphe,
sarcophage, enfeu, dépôt secondaire, anthropologie biologique.
Key words: rural Clunisian prieuré, prieuré church, medieval cemetery, signalisation, anthropomorphic coffers,
sarcophagus, recess tomb, secondary deposit, biological anthropology.
CONTEXTES
Cadre géographique, insertion du lieu de culte dans
le paysage bâti
L’édifice de la commune de Laudun-L’Ardoise
(Gard) que les traditions érudites et populaires nomment
« Saint-Jean de Rousigue », surplombe la vallée du
Rhône. Il se trouve à l’extrémité nord-est d’une sorte de
promontoire se détachant de la partie est du plateau
calcaire de Lacau (Fig.1). Cette particularité morpholo-
gique a reçu sur le plan cadastral le nom de « Camp de
César » (Fig. 2) en raison de la présence à cet endroit
d’une vaste agglomération protohistorique et romaine
s’étendant sur une superficie de 18 ha environ (Goury
1997a, 126). De 1990 à 1999, une fouille programmée
dirigée par D. Goury (1) a surtout porté sur un secteur,
situé à 380 m au sud de l’église, comprenant des édifices
publics antiques (forum/basilique, enceinte) occupés
jusqu’au VIe siècle ou au début VIIe siècle époque à
laquelle toute l’agglomération serait abandonnée (Goury
* AI, CNRS, UMR.6578 Anthropologie bioculturelle, CNRS - Université Aix-Marseille 2
** VIA (VIA est l’association Vestigia Imago Atavorum gestionnaire administrative et financière qui regroupe les membres de l’équipe dont les non
institutionnels).
*** DR. CNRS, FRE3016, CNRS-Université Paul-Valery, Montpellier III
**** Chargé d’opérations et de recherches INRAP Méditerranée, UMR.6578
1
Ancien conservateur du patrimoine de Laudun-l’Ardoise
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL, TOME 28 - 2010, 161-180
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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
Fig 1 : Localisation sur extrait de carte au 1/25000e
1997a). En l’absence de fouille, l’église était traditionnellement rattachée à une occupation romane ponctuelle
sans lien avec le devenir de l’agglomération romaine.
Depuis 2002, avec l’appui de la municipalité, une
équipe (2) coordonnée par L. Vidal a entrepris l’étude du
bâtiment connu par la tradition populaire et la tradition
savante sous le nom de chapelle Saint-Jean de Rousigue,
dans le cadre du programme d’étude de l’occupation
médiévale de l’agglomération gauloise et romaine du
« Camp de César ». Les objectifs étaient de s’assurer par
des fouilles de la nature et de la fonction de l’édifice
(bâtiment antique réutilisé au Moyen Age ou bâtiment
médiéval), de dater de façon objective ces étapes de
construction bien visibles tout en mettant en lumière
d’éventuels liens avec les occupations antérieures.
Documentation écrite et figurée
Les recherches menées depuis 2002 par Elie
Pélaquier (CNRS, FRE3016), sur les sources médiévales
et modernes concernant l’édifice de culte et son
environnement ont montré très tôt que l’appellation de
Rousigue était de formation relativement récente et que
le toponyme qu’il convenait de repérer dans la
documentation était celui de Todon. C’est le nom d’un
prieuré dépendant du prieuré conventuel de Saint-Pierre
de Pont-Saint-Esprit lui-même rattaché à l’abbaye de
Cluny. Ledit prieuré conventuel est implanté sur la
bordure sud du plateau de Lacau, dont fait partie le
« Camp de César », autour de deux pôles : la chapelle
Saint-Jean et la chapelle Saint-Pierre de Castres.
L’inventaire des sources découvertes à ce jour sur le nom
de Todon et sur le prieuré de Saint-Jean est accompagné
d’une proposition de chronologie.
1. Testament de Guillaume de Laudun, 1258
[Archives des Laudun de Montfaucon (inédit
appartenant à Mme de Pins, au château de Montfaucon).
Information communiquée par M. Gérard Marquié].
Guillaume de Laudun désigne pour ses héritiers ses
petit-fils Guillaume et Raymond, et fait un certain
nombre de donations à des monastères ou à des églises.
Parmi ces dernières, il lègue 30 sols à l’église de Todens
(« ecclesie de Todens... pro ornamentis »). Dans une
clause de substitution en faveur de sa fille Guillelma, il
précise que si cette dernière venait à hériter, la donation
en faveur de Todons (sic) serait portée à 100 sols.
2. Charte de construction du pont Saint-Esprit sur le
Rhône, 1265
[Gallia Christiana, Instrumenta, t. 6, Ecclesia
Uceticensis, col. 308, n° XIX]
Parmi les signataires, on trouve : « Guillelmus
Illaris prior de Todone ».
En 2010, l’équipe est constituée de Yann Ardagna (CNRS Université), Adeline Barbe (VIA), Delphine Blanchard (E.N.), Marcelle Boyer (VIA),
Thibaut Chazel (VIA), Denis Lallemand (Mairie de Laudun), Elie Pélaquier (CNRS), Jacky Pantel (VIA), Maxime Seguin (VIA), Hervé Petitot
(INRAP), Claire Terrat (VIA).
2
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AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
10
785600
785400
9
Saint-Jean de Todon
205200
CAMP DE CESAR
15
16
17
205000
falais
e
20
Forum/basilique
18
204800
N
19
785200
100 m
Fig. 2 : Localisation sur extrait du plan cadastral.
3. Dans son ouvrage L. Bruguier-Roure (BruguierRoure 1889-1895) note l’existence d’une transaction du
18 mars 1347 concernant « Guillelmo de Planis,
monacho Cluniacense, priore Sancti Petri de Chodons ».
Ce Saint-Pierre ne peut être que Saint-Pierre de Castres
et Chodons une mauvaise lecture pour Thodons. Les
documents suivants semblent en tout cas le confirmer.
4. Le livre Sommaire des lettres pontificales concernant
le Gard (Grange 1922) permet d’accéder à une série de
documents conservés aux Archives vaticanes.
163
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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
N° 2490. 23 août 1348. Collation du prieuré S. Petri
de Theodonis par résignation d’Isnard Bermond de
Vénéjan en faveur de Guillaume Bernard de Vénéjan
(permutation avec le prieuré de Saint- Gabriel
Cremonensis = de Crémone ?).
N° 2748. 3 avril 1362. Grâce expectatoire sur le
prieuré de Todonis, vacant par démission de Guillaume
de Venciano (= Vénéjan ?), en faveur d’Amalvin de
Lanconia.
N° 3003. 4 juin 1374. Commission à l’official de
Viviers, à propos du prieuré S. Petri de Thodonis alias de
Bolacio, rendu vacant par le décès d’Amalvin de
Lanconia, en faveur de Simonet de Saint-Aman, moine
de Crudacio ( = Cruas ?).
N° 3009. 18 septembre 1374. Commission à l’évêque
de Saintes (Xanctonensis), à propos du prieuré S. Petri
de Thodonis alias de Bolatio, rendu vacant par le décès
d’Amalvin de Lanconia, en faveur de Guillaume Nietti,
prieur de Linaresio, au diocèse de Limoges
(Lemovicensis).
Peu de temps après cette dernière mention de Saint
Pierre de Todons, apparaît la forme actuelle, Saint Pierre
de Castres :
N° 3117. 7 février 1381. Indulgence de cent jours
pour les fidèles visiteurs de l’église S. Petri de Castris.
À la même époque dans un registre des décimes du
diocèse d’Uzès conservé au Vatican (Grange 1922,
N° 2757 et suivants). Le bénéfice de Todonis figure pour
20 sous, alors que celui de Laudun n’y figure que pour
6 sous, celui d’Orsan pour 20 sous.
5. Histoire du prieuré de St-Saturnin-du-Port par
Dom Marc Antoine de Pinière de Clavin (manuscrit écrit
à la fin du XVIIIe siècle) [Musée de Pont-Saint-Esprit,
manuscrit 144]
p. 41. « Le premier titre que l’on trouve de l’office
claustral de réfecturier est un arrentement de l’année
1440 du prieuré de Todon, autrement de Bolacio, annexe
de la réfecturerie faite par Albert de Pierre, réfecturier,
pour la rente de vingt-et-un moutons d’or valant douze
gros, devant Mallet ?, notaire [Masset ?, notaire, fol.
84. Arch. du prieuré]. Le prieuré de Thodon n’était pas
encore uni à la réfectorerie en l’année 1374, puisque
l’on en trouve une nomination en collation faite par Dom
Guillaume Jocon, vicaire du prieur devant Pons
Colombi, notaire [au cotet de Pons Colombi, notaire,
fol. 29]. »
p. 60. « Le prieuré de Thodon de Boulas, situé dans
le territoire de Laudun ayant été ruiné par les Anglais
lors de leur invasion dans cette province au milieu du
14e siècle ne consistait plus qu’en quelques directes lors
qu’il fut uni à la réfecturerie, office claustral de ce
monastère et cette union était consommée avant 1440,
puisqu’on a fait voir que le réfecturier l’afferma en cette
année, mais le 21 9bre 1580 Etienne Barthelot, réfecturier,
vendit les directes de son prieuré de St Jean de Thodon à
Mr le Maréchal de Joyeuse, pour le prix de 300 livres,
somme qui fut placée le même jour sur la communauté de
164
Piolenc, dans le Comtat, sous la rente annuelle et
inextinguible de vingt-et-une livres... [1580. Arch. des
Religieux, réfecturerie, n° 33]. »
Il s’agit de la première mention de Saint-Jean de
Todon. Jusque-là, le toponyme Todons était associé à
Saint-Pierre, mais jamais à Saint-Jean.
6. Arrentement du prieuré de Saint- Jean de Todone,
ou du Bolas, 6 janvier 1522
(Arrendamentum prioratus sancti johannis de
thodons sive del bolas juridictionis de laudunio pro
provido ? viro francisco veguti dicti loci) [A. D. Gard, 2
E 15/100, François Vincent, notaire de Bagnols, f° 111112]. Par cet acte, Jean Sanemeron, procureur de
Bertrand Colombier, réfectorier du monastère de SaintPierre de Pont-Saint-Esprit et prieur de Saint-Jean de
Thodons ou du Bolas, arrente le bénéfice du prieuré à
François Veguti de Laudun, pour trois ans à partir de la
fête de Noël, moyennant le paiement de 6 livres 10 sous
tournois et deux carterées d’huile d’olive.
La même année, on rencontre dans les registres du
même notaire une vente de fonds à Laudun, relevant du
prieuré de Saint- Jean de Bolas.
7. La Recherche de 1550 livre dans les cahiers
concernant Laudun St Jehan de dons, probablement une
mauvaise écriture pour Saint-Jean de Todons. On
rencontre aussi dans ce document Font audon, peut-être
pour Font Taudon [A.D. Gard, C 1326, pièce C].
8. À la même époque, on trouve une mention du
« chemin de Loudun à St Jehan de Thoudons » dans
un fragment de registre de reconnaissances en faveur
d’Imbert et Jean d’Angères, père et fils, seigneurs du
Mein (en Vivarais) et de Gajan, du 1er février 1554
(1555) [communiqué par M. Gérard Marquié].
9. Le compoix de Laudun de 1653 ne donne que les
deux toponymes, Saint-Jean et Fontaudon [Archives
communales de Laudun].
10. Enfin, le dénombrement des biens et droits des
communautés de 1687 cite « 2066 cestiers de
garrigues scituées dans le terroir dudit Laudun et
cartiers appellés de Roussignac, de St Jean, et de St
Pierre de Castres, laquelle quantité de garrigue n’est
utille que pour de pasturage communaux et pour y
prendre du petit bois pour le chaufage des habitants,
estans aussy roturiers et taillables comme se justifie de
l’alivrement au cadastre general du dioceze fait en
l’année 1550 » [A.D. Hérault, C 2993]. Le Roussignac
dont il est question ici est-il à l’origine du toponyme
Rousigue qui a été affecté plus tard à la chapelle SaintJean ? C’est improbable car il y a, à Laudun, un
toponyme Roussigna au sud-est du terroir, déjà présent
dans la Recherche de 1550 et dans le compoix de 1653,
qui correspond, lui aussi, à un espace de garrigues.
Il importe d’accorder la plus grande attention aux
termes qui sont associés à Todon. En 1258 et 1265, on
trouve Todon seul. À partir de 1347, ce toponyme
apparaît seul ou associé à Saint-Pierre, et cela jusque
vers 1380, date à laquelle on trouve la première mention
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AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
de Saint- Pierre de Castres. Dès lors, il n’est plus jamais
question de Saint-Pierre de Todon. De 1374 à 1522, à
plusieurs reprises, Todon est associé au nom de Boulas.
C’est seulement après 1522 que Todon (et Boulas) sont
associé(s) à Saint-Jean.
Sur cette base, une chronologie peut être établie. En
1258 et 1265, Todon constituait un prieuré suffisamment
important pour que Guillaume de Laudun le fasse figurer
parmi les bénéficiaires de ses donations et que son
titulaire, Guillaume Illaire, moine du prieuré conventuel
de Saint-Pierre du Saint-Esprit, figure parmi les
signataires de la charte de fondation du pont. Son
importance est toujours attestée au XIVe siècle si l’on en
croit la qualité des prieurs, réfectoriers du monastère, et
le montant élevé des décimes, comparable ou supérieur à
ceux des paroisses voisines. L’impact des difficultés
générales de la deuxième moitié du XIVe siècle est
difficile à évaluer. En 1374, le prieuré de Todon existait
encore matériellement puisqu’il avait un prieur et même
un vicaire, Guillaume Jocon, pour le desservir. Selon
Dom Pinière de Clavin, qui vivait cinq cents ans plus
tard et ne donne aucune preuve de son affirmation, il
aurait été ruiné par les Anglais. C’est justement à cette
époque que le vocable de Saint-Pierre cesse d’être
associé à Todon pour devenir Saint-Pierre de Castres.
Plusieurs actes, non cités ici, permettent alors de tracer
l’histoire du domaine de Saint-Pierre de Castres jusqu’au
XVIIe siècle (Leclaire, Leclaire 1989).
Dans l’acte de 1440 cité par Dom Pinière de Clavin,
il est question de Todon ou Bolacio, mais pas de SaintPierre ni de Saint-Jean. Le nom de Todon ne sera associé
à Saint-Jean qu’en 1522. Le bénéfice est alors arrenté
pour une somme relativement faible et, la même année,
on trouve un acte de vente concernant des biens du
prieuré. Tout cela donne l’image d’un abandon
progressif. Les directes de Todon pouvaient porter sur
des terres de la plaine, au pied du plateau du « Camp de
César », en particulier sur le domaine de Boulas, dont le
nom est associé à plusieurs reprises à Todon comme un
synonyme, mais le fait que la redevance de 1522 soit
partiellement en huile d’olive n’exclut pas qu’une partie
du plateau soit également cultivée. Après 1522, on
n’entend plus parler du prieuré de Todon mais seulement
du toponyme Saint-Jean de Todon, lié à un chemin, à des
garrigues servant de pâturage et de bois communaux…
En 1580, toujours selon Dom Pinière de Clavin, le
réfectorier du monastère, Etienne Barthelot, aurait vendu
les directes de Todon au maréchal de Joyeuse pour 300
livres, ce qui ne pouvait qu’affaiblir encore le prieuré,
qui perdait ainsi l’essentiel de ses revenus.
Le domaine de Boulas est cité dans les
dénombrements de la seigneurie de Laudun (voir par
exemple le dénombrement de 1634 donné par Henriette
Catherine de Joyeuse, Archives de l’Hérault, B 23.392).
3
La chapelle a pu résister quelque temps encore.
D’après Gérard Marquié, « en 1650, un Laudunois
revenant de Nîmes où courraient des bruits de peste fut
obligé d’aller faire sa quarantaine à Saint-Jean :
quelques jours après, des gens du village lui portant sans
doute des vivres et allant voir où il était le trouvèrent
mort ». Peut-être était-il encore possible de s’abriter
dans la chapelle ou dans une de ses annexes à cette
époque.
L’un des aspects les plus troublants de la
documentation portant sur Todon est le glissement qui
s’opère entre 1380 et 1522 de Saint-Pierre à Saint-Jean.
L’existence du prieuré de Todon sur l’espace de trois
siècles (de 1258 à 1580) ne fait pas de doute. Mais c’est
l’attribution des vocables aux deux édifices existants
aujourd’hui qui reste problématique. Saint-Pierre
apparaît dès 1347 et Saint-Jean à partir de 1522. Avant
cette dernière date, l’église Saint-Jean jouait-elle un rôle
mineur par rapport à Saint-Pierre (succursale, oratoire ?).
Après 1380, Saint-Pierre est associé à un nouveau
toponyme, Castres, et après 1522 c’est Saint-Jean qui
porte le nom de Todon. Il serait étrange que ce dernier se
soit déplacé d’une église à l’autre dans l’espace d’aussi
peu d’années. À l’évidence, Todon désigne un prieuré
considéré dans son ensemble, quelles qu’en soient les
limites, mais ces dernières ont pu varier à l’intérieur du
complexe plus vaste que forment les dépendances du
prieuré conventuel de Saint-Pierre de Pont-Saint-Esprit.
Reste le problème du Boulas. Ce toponyme était déjà
associé à Todon en 1374, quand Saint-Pierre dominait, et
il le reste ensuite sous le vocable de Saint-Jean en 1522,
où l’on rencontre même un Saint-Jean de Bolas, sans
Todon. Peut-être le nom de Bolas désignait-il
spécifiquement Saint-Jean dès avant 1380 ? La ferme
située au pied du plateau aurait alors tiré son nom de
l’église la plus proche.
Historique des recherches
L’histoire des recherches portant sur l’édifice se
confond avec celle concernant l’agglomération même
dite « Camp de César ». En 1764, Esprit Calvet,
correspondant avec le Comte de Caylus (3) (Ms Calvet
f° 314, Bibliothèque Seccano), lui écrit qu’à l’occasion
d’une de ces visites de médecin à Laudun un habitant lui
a alors montré une série d’inscriptions antiques en
remploie à divers endroits du village puis il lui a indiqué
que « sur la montagne qui domine le village, appellée la
montagne Saint-Jean, on voyoie les restes d’un ancien
édifice dans lesquel étoit une inscription qui contenoit,
[…], des mots extraordinaires ». Rendu sur place, le
savant note en arrivant que la « plateforme qu’on trouve
au sommet de la montagne présente beaucoup de débris
antiques : on y voie de grands tas de pierres, d’anciens
fondemens de murailes, et des fragments de briques en
grand nombre de plusieurs formes ; le païsan de Laudun
est persudé qu’il y a une chêvre d’or enfoüïe au milieu de
Ms Calvet fo314, Bibliothèque Ceccano
165
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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
ces décombres, ce préjugé a pris même dans l’esprit de
quelques habitans moins grossiers, il n’y a pas
longtemps que des gens qu’on aurois crû sages
entreprirent avec beaucoup de dépense d’y faire
foüiller ». C’est plus loin « à deux ou trois cent pas du
bord du rocher en tirant vers le nord », qu’il trouva
l’édifice que nous étudions. Le bâtiment « est presque
entièrement rasé, les décombres remplissent en plusieurs
endroits l’intérieur de ce qui reste de l’édifice, et n’en
laissent apercevoir que la forme. A la première vüe on le
prendroie pour un petit temple de l’espèce de ceux qu’on
appelloie sacella ou edicula, ce fut aussi l’impression que
j’en reçus d’abord, et dans cette idée je pris la peine d’en
lever le plan joint ici ; cependant après un examen plus
tranquille je jugeais que ce pourroie être plûtot une très
ancienne chapelle de chrêtiens bâtie à la vérité de débris
antiques ». Il observe alors : « Au fond de l’édifice, on
trouve une pierre taillée dans toutes ses faces, bien entière,
parfaitement conservée, mais sans aucune espèce
d’ornement, elle a trois pied de haut, un pied-quatre pouces
de large, et treize pouces d’épaisseur. Cette pierre quoique
dérangée de sa place, porte encore des marques qu’elle
étoie enfoncée dans la terre et placée debout, il y a sur la
face supérieure un trou quarré dont le côté est de trois
pouces et demi et la profondeur de six pouces. Ce trou est
creusé dans un autre plus grand et fort peu profond ». C’est
sur cet élément que se trouve une inscription aujourd’hui
perdue OM/M.DATOVIR/L.GIRRATVSVS/LM (CILXII
n° 2770) (Calvet 1764, class. C. Richard). Devant
l’impossibilité de résoudre l’interprétation de la première
ligne de cette inscription votive, E. Calvet se demande
s’il ne faudrait pas la mettre en rapport avec une
« superstition qui règne encore dans le païs ». Ainsi
« les femmes de Laudun qui ont un enfant malade ont
coutume de le porter dans ce lieu ruiné, elles les placent
sur l’autel de l’inscription, et là elles le dépouïllent de
ses haillons pour le couvrir de nouveau habits qu’elles
ont porté dans cette vüe. Cette cérémonie, suivant leur
croyance, est presque toujours suivie d’un prompt
rétablissement. J’ay vü par mi les débris de cette
chapelle beaucoup de ces haillons à moitié détains. On
m’assure encore que les femmes stériles faisoient
volontiers cette espèce de pèlerinage pour obtenir des
enfans ».
Plus de soixante-quinze ans plus tard, en 1842,
H. Rivoire remarque au sujet de Laudun, dans la partie
historique de son dictionnaire des communes, qu’une
« tradition populaire suppose qu’une ville a existé sur la
montagne de St-Jean-de-Rosigue ». Il note aussi qu’à
« l’extrémité du camp se trouve un temple dont les murs
s’élèvent encore à 3 ou 4 mètres. L’intérieur est
encombré de ruines qui ont été partiellement fouillées
par des villageois qui espéraient découvrir un trésor. Ces
fouilles, faites au hasard et quelquefois de nuit,
n’amenèrent aucune découverte, et le temple n’en est
resté que plus encombré ; il est probable qu’aucun des
fouilleurs n’arriva même aux dalles du pavé. M. Merle,
de Laudun, antiquaire, encouragé par M. Pelet de Nîmes,
a poursuivi ces fouilles avec activité ». En 1846,
Auguste Mallet (Mallet 1847) présente un mémoire où il
166
décrit les ruines et les nombreux objets découverts sur ce
qu’il nomme le « Camp de César » et semble
correspondre au plateau de Lacau. Un peu plus loin, il
livre la clef de ce toponyme en rapportant la lecture de
l’inscription complétée, signalée par E. Calvet, réalisée
par J.-F. Séguier, avec lequel ce dernier correspondait :
C.C./I.O.M/M.DATHOVIR/ L.CIRATVS/V.S.L.M. lu
Castra Caesaeris jovi optimo, maximo, etc. Plus
particulièrement, il souligne l’importance des vestiges
sur la partie est, sur le « plateau de Saint-Jean » auquel
il donne le nom de Saint-Pierre de Castre à la fin de son
mémoire, pour rendre compte de l’hypothèse d’un camp.
Sur la partie est, il note à l’extrémité nord « les ruines
d’un petit édifice » qui serait un « saullum (sic) ou une
simple chapelle ? ». L’état de ruine de l’édifice rendant
l’identification impossible.
Plusieurs documents conservés dans un fond
d’archives privé nous renseignent sur les découvertes et
les destructions réalisées, dans ces années-là, au sein de
l’édifice. Les observations ont été consignées par le
capitaine Penchenier de Pont-Saint-Esprit, ami de Léon
Alègre avec lequel il allait souvent au « Camp de
César » où Merle officiait (Alègre 1836). Les différents
croquis annotés (Fig. 3) du capitaine Penchenier font le
bilan des découvertes occasionnées par les travaux. Le
plus complet est intitulé « Description de la chapelle de
Saint-Jean des Castres sur la montagne du Camp de
Caesar entre Orsan et Laudun avec toutes les curiosités
et antiquités qui y furent trouvées en 1842 quand
M. Merle de Laudun la fit déblayer entièrement »
(Penchenier, folio 122). Il s’agit d’un plan de l’édifice et
d’une représentation sous plusieurs angles des éléments
architecturaux découverts. Les dessins sont annotés par
des lettres qui renvoient à une légende détaillée mais
dans laquelle toutes les lettres ne sont pas documentées.
On reconnaît bien l’édifice avec son contrefort carré et
ces contreforts semi-circulaires. Il est décrit depuis l’est
jusqu’à l’ouest. Le second document (Fig. 3, B) intitulé
« Chapelle de Saint-Jean dite des Castres » représente
seulement l’abside et la partie de l’édifice qui possède
des contreforts.
Sur le premier croquis, dans l’abside, que Penchenier
nomme le « chœur ou le sanctuaire », est placé en A un
« autel trouvé à côté ». Il s’agit peut-être d’une stèle
funéraire antique, là anépigraphe, semblable à celle qu’a
étudiée E. Calvet. Le second croquis situe dans l’abside,
à droite de « l’autel du chœur » deux « tombeaux […]
détruits en 1842 ». Ils semblent correspondre aux deux
rectangles dessinés au sud de l’ « autel » dans le
premier croquis. Le second document représente encore,
toujours dans l’abside, une troisième sépulture « qui
était sous l’autel placée dans une crevasse du roc ». Elle
est dessinée en oblique par rapport à l’axe de l’édifice.
En ce qui concerne l’ « autel » Penchenier note à la
suite : « de cette manière il y avait deux tombeaux sous
l’autel s’il touchait le fond du mur surtout si la pierre qui
le portait était grande comme elle a semblé brisé en 1842
lors des fouilles premières ».
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 167
AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
Fig.3 : Croquis et plan antérieurs à 2002.
167
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 168
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
Dans le premier croquis, la lettre B est attachée au
« temple principal » mesurant « 6 m de longueur et
5,5 m de large ». Il s’agit d’après le croquis de l’espace
compris entre le départ de l’abside à l’est et un mur de
refends barrant l’édifice à l’ouest (noté G). Dans la
moitié est de cet espace se trouve en C un « bassin carré
de deux mètres en tout sans recevant les eaux et autres
choses provenant du nettoyage des offrandes et libations,
il était recouvert de grandes pierres de taille portant un
autel. Elles étaient percées en plusieurs endroits pour
faciliter le nettoyage et la propreté ». En dehors du plan
de l’édifice, il note en D « Autel de forme antique trouvé
à côté dans les décombres, il devait être placé sur le
bassin en C. Il a un mètre quarante de haut, sur soixante
centimètres de largeur, il est tronqué dans sa base ».
D’après le second document, ce « bassin » a été détruit,
par Merle, en 1844.
À l’ouest, contre le « bassin » C ce trouve en E un
aménagement barrant l’espace du nord au sud. Il s’agit
d’une « rigolle et égout servant de conduite à l’autel, il
avait trente centimètres de largeur, il n’était conservé en
entier qu’à la droite de l’autel ». Cet aménagement est
représenté sur les deux croquis, mais il n’est décrit que
dans le premier. Dans ce dernier, en F se trouve un
« grand espace devant le bassin où étaient deux
enfoncements ou étaient des autels ou niches à placer des
divinités dans diverses fêtes de l’année ». Avec l’aide du
second croquis, on comprend que Penchenier a
représenté dans le premier document les bases des autels
ou des statues à la place que ces éléments devaient
occuper selon lui. Ces « enfoncements » sont en fait
constitués par la portion des murs gouttereaux qui se
trouvent entre les piliers engagés et un massif de
maçonnerie occupant de chaque côté les angles formés
par l’articulation des murs gouttereaux et du mur G.
Ce dernier est décrit comme fermant « le bas de
l’église laissant au milieu une grande ouverture de plus
d’un mètre et demi qui devait donner passage pour aller
au second temple on y descendait par trois marches.
Elles avaient pas vingt centimètres de largeur ». Là
s’arrête le second croquis, le mur G n’y est d’ailleurs pas
représenté.
À partir du mur G en allant vers l’ouest, le premier
document défini l’espace H qui s’arrête à l’escalier
ouvert dans le mur gouttereau sud. C’est « le second
temple il n’était pas couvert, il avait six mètres de
longueur, au milieu était un bassin de la même forme
qu’au premier temple un peu plus grand de
25 centimètres en tout sans. Il avait son conduit et sa
rigole comme le premier ; il était recouvert de grandes
pierres de taille sur lesquelles était aussi un autel en
pierre plus large que celui en D ».
Plus loin, à l’occasion de la rédaction de la note L,
Penchenier décrit un peu plus la partie ouest de cet
espace : « cette partie du bas du temple était en partie
fermée par un mur de chaque côté dont le milieu avait un
escallier conduisant à une cave basse servant aux
sacrifices expiatoires où l’on se placait pour recevoir le
sang des victimes sur le corps. Cette partie recevait le
168
jour par ces escalliers et cette porte, cette voute avait
environ deux mètres de hauteur ».
La légende note en J « autel en pierre sur lequel l’on
plaçait les victimes qui devaient être brûlées il est cassé
dans sa base l’on pense qu’il fesait partie de la grande
pierre il a été trouvé à coté du second bassin ». Bien que
la lettre J ne soit pas reportée sur le croquis, on comprend
qu’il s’agit de l’élément dessiné au centre du « bassin »
de ce « second temple ». À l’ouest de ce dernier, en K,
est représentée une « rigolle et conduit du second temple
pour l’écoulement des eaux ». Elle est dans le
prolongement d’un massif mais dans celui de l’escalier
noté L. décrit comme un « petit escallier venant de
l’extérieur conduisant au second temple il etait très
etroit à peine une personne y passant, il etait en pierre
brutes, la rigolle etait à coté ».
À l’extrémité ouest du bâtiment, en M, Penchenier
définit une « troisieme partie du temple elle etait aussi
grande que les autres parties, audessus de la voute était
une terrasse ayant vue sur le second temple une gallerie
a collonade devait y faire face portant une toiture pour
abritter les spectateurs sur cette terrasse l’on devait y
avoir placé un autel ou autres grosses pierres a y
attacher les victimes en les immolant ». En N, se trouve
la « grande entrée de cette troisieme partie du temple
elle devait alle à la terrasse de la troisième partie du
temple ».
Les annotations des croquis montrent que Penchenier
mélange allégrement les observations, les restitutions et
les interprétations abusives. C’est seulement en 1865,
que L. Alègre dans une note, lue à la Sorbonne, portant
sur le Camp de César indique avoir suivi les fouilles de
M. Merle et étudié « les tracés et les fondements des
débris restés debout » (Alègre 1866, p. 118). Ainsi, il a
pu dresser un plan de la chapelle Saint-Jean et dessiner
l’élévation du mur le mieux conservé (Alègre 1865,
pl. XIII, Bibliothèque Municipale de Bagnols- sur- Cèze)
(Fig. 3, C). D’après ses observations, elle aurait été
élevée au XIe s. « avec les pierres antiques » et il
considère que « la forme de cet oratoire roman » a été
empruntée à celle de « quelque édicule du camp ».
« Des médailles, des bases de colonnes, une petite croix
en argent avec une inscription espagnole, des restes
d’ossements » lui font présumer que « pendant le
moyen âge c’était une chapelle sépulcrale » (Alègre
1866,120-121).
Léon Honoré Labande reprend le dossier en 1902
dans un article en s’appuyant sur sa parfaite
connaissances de l’architecture romane régionale
(Labande 1902), pour lui c’est une des chapelles les plus
anciennes de la région. Elle peut être mérovingienne ou
bien ne pas remonter plus haut que le IXe s. La partie la
plus ancienne serait celle dotée de l’abside. La présence
des assises en forme d’arête de poisson est notée pour la
partie ouest. Il s’appuie sur le manuscrit (texte et
iconographie) de L. Alègre « vérifier autant qu’il est
possible » pour décrire l’intérieur de l’édifice. La
transcription en gravure du plan aquarellé est dans
l’ensemble assez fidèle mais le texte n’apporte pas
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 169
AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
d’éléments nouveaux ou bien propose des interprétations
architecturales erronées.
Après le début du XXe siècle, même si l’agglomération
protohistorique et romaine reste un sujet d’étude pour les
érudits et les archéologues, il faut attendre les années
1972-1974 pour une production de nouvelles données
(Goury 1997a, 167-168, Fig.48). Plus récemment, de
1989 à 1999, D. Goury a mené des fouilles programmées
de grandes envergures sur l’agglomération antique qui
ont surtout portées sur un secteur monumental réunissant
des remparts et un complexe forum-basilique (Goury
1997a).
Cependant, cette activité archéologique a favorisé un
regain d’intérêt pour la chapelle Saint-Jean de Rousigue
qui a fait l’objet d’un dégagement mécanique et d’une
notice dans le mémoire de maîtrise de C. Missonier
(Missonier 1997, vol.2, 36, plan IX, planche VI à
VIII.). À cette occasion, elle a dressé un plan des restes
du bâtiment (Fig. 3D) et fourni une description détaillée
de l’architecture. Elle note qu’il a été « vraisemblablement édifié sur les bases encore assez importantes en
élévation d’un bâtiment antique ». Cependant, en l’absence d’éléments architecturaux de datation, elle
remarque à la fin de sa notice que « la datation de cet
édifice reste aléatoire même si nous pouvons avancer
qu’à partir de vestiges gallo-romains, il a toujours plus
ou moins été utilisé ».
PRÉSENTATION DES VESTIGES
ARCHÉOLOGIQUES
Chronologie générale de l’occupation
La fouille se déroule depuis 2002. Elle n’a pas permis le
dégagement exhaustif de l’environnement de l’édifice :
ainsi pour le moment seuls des sondages d’ampleur limitée
ont concerné les côtés nord et est.
Les fouilles réalisées autour de la chapelle ont permis
de mettre au jour des lambeaux plus ou moins tronqués et
remaniés des occupations antérieures. L’étude du mobilier,
même s’il est trop souvent en position secondaire, a
permis d’établir une chronologie de l’occupation
s’étendant de la Protohistoire au Moyen Âge.
Les anfractuosités du rocher ont livré du mobilier de
la fin du Ier âge du Fer. Le mobilier des IIe-Ier s. av. n.è. est
plus particulièrement présent dans la partie ouest de la
fouille. Cependant, des niveaux en place sont conservés
à la fois à l’ouest, à l’est, et au nord en périphérie du
cimetière, là où les sépultures sont moins serrées. Alors
que le mobilier typique du Haut-Empire est présent
parmi le mobilier archéologique recueilli (céramique
sigillée sud gauloise et amphore G1, mais aussi des
poteries datables du IIIe s.), aucun niveau d’occupation
n’a été découvert pour le moment. En revanche quelques
lambeaux de couche de l’Antiquité tardive ont été
fouillés vers le sud et l’est (au nord la fouille doit être
poursuivie). Quelques bords de vase en céramique
kaolinitique attestent une occupation au VIe s. et d’une
façon générale un mobilier récurrent peut être rattaché de
façon typologique à des formes qui caractérisent le haut
Moyen Âge et le Moyen Âge médian (VIIe-XIIe siècles).
Quelques fragments de vase à bord évasé à lèvres
arrondies, signeraient une occupation des XIIe-XIIIe
siècles. Les vases trouvés dans les sépultures se
rattachent à cette dernière période. Toutefois une
datation radiocarbone d’un individu montre que ce type
de vase peut remonter aux IXe-XIe siècles.
La création et les transformations de la chapelle et du
cimetière semblent essentiellement s’étendre sur quatre
siècles, en partant d’un bâti antérieur qu’il reste encore à
dater.
Plan et architecture de(s) l’église(s)
et des bâtiments attenants
Au terme de huit années de fouille, bien que la
totalité de la périphérie de l’édifice ne soit pas encore
fouillée, il est possible de proposer une première
chronologie relative des différentes étapes de
construction. Son élaboration est rendue difficile par les
nombreuses destructions de liens stratigraphiques
imputables à l’installation et au développement du
cimetière. En outre, quelques endroits « clés » demeurent
inaccessibles, en raison de l’accolement de structures
bâties d’époques différentes mais aussi de la présence
d’un périmètre de protection autour d’un arbre
centenaire fiché sur l’angle nord-ouest de la nef. Pour le
moment, la fouille a permis de définir 10 phases de
construction au sein desquelles il réside encore des
incertitudes quant à la stricte contemporanéité des
structures.
La première phase (Fig. 4) est constituée par un
bâtiment composé de plusieurs pièces. Son plan est très
lacunaire : toutes les articulations entre les murs ne sont
pas conservées. En outre, un mur (MR21086) est restitué
grâce aux maigres restes de sa fondation mais surtout par
les limites qu’il a imposées au développement d’autres
éléments. Ainsi, ce mur est restitué par plusieurs
observations : la limite ouest d’un sol de mortier de
chaux, son arrêt vers l’est du mur 2446 et surtout deux
« coups de sabre » qui témoignent d’une articulation
avec les murs 1070 et 2058. Ceux-ci ont été mis en place
plus tard et ont peu duré dans l’histoire du bâtiment.
Les quelques assises d’élévation conservées montrent
qu’un mortier de chaux jaune orangé est utilisé comme
liant. Les assises de fondation sont constituées de
cailloux et de moellons parfois posés de chant sans liant.
Bien que certains murs n’aient pas conservé leur largeur
initiale et que d’autres soient partiellement accessibles, il
semble que le mur nord (MR4009-MR4010, large de
0,53m) soit plus étroit que la plupart des autres. (il
mesure 0,53 m de large). Cela pourrait signifier une
hétérogénéité chronologique de la construction ou bien
une fonction architecturale différente : mur de galerie
plus que mur périmétral.
L’ensemble restitué par les différents tronçons de murs,
mesure 16 m d’ouest en est et 16,80 m du nord au sud. La
169
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 170
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
X=785560
X=785550
X=785540
9
MR400
0
MR401
Y=205230
MR2812
Y=205230
MR2684
MR1070
PCE2
1588
Y=205220
MR2683
MR2446
87
MR210
Y=205220
PCE2
297
MR2694
%
!"#$%&
N
0
5m
PHASE 1
X=785540
X=785550
X=785560
X=785540
X=785550
X=785560
Fig.4 : Phase phase 1.
Y=205230
MR1046
Y=205230
?
E1091
MR1045
PC
9
MR106
90
0
MR107
%
!"#$%&
99
94
US 2619 sol)
de
(niveau
US 2620i)
(rembla
104
122
A
(101)
Y=205220
Y=205220
PHASE 2
'
%
()
X=785560
170
X=785550
X=785540
Fig.5 : Phase 2.
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 171
AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
partie sud est constituée de six pièces délimitées par des
murs de refends qui ne sont pas strictement
perpendiculaires aux murs périmétraux. À l’Ouest, une
interruption située au milieu du mur MR2694 permet
d’envisager la présence d’un accès à l’emplacement duquel
une sépulture sera installée plus tard.
L’état de la construction ne permet pas de connaître
le développement de son élévation. Cependant, pour le
mur sud, la fouille des effondrements a permis de
découvrir des éléments de deux fenêtres étroites dont le
couvrement est constitué par un linteau rectangulaire
monolithe dans lequel l’arc en plein cintre est creusé.
Les destructions réalisées par la mise en place des
tombes ont laissé peu de couches archéologiques en lien
avec les murs. Le mobilier recueilli dans les lambeaux
conservés s’inscrit dans un intervalle de datation
s’étendant du Ve au VIIe siècle. Pour le moment rien ne
permet de distinguer une fonction particulière.
La salle a été entièrement vidée au XIXe siècle et ses
aménagements internes ont été très endommagés.
Aussi, comme l’installation du cimetière oblitère la
plupart des couches archéologiques antérieures, il n’est
pas permis de donner une datation précise à cette
deuxième phase. La construction doit trouver sa place
entre le VIIe et les IXe-Xee siècles. Parmi le mobilier
recueilli, dans diverses unités stratigraphiques
(comblement de fosses de sépulture, lambeaux de
couche entre deux coffrages de sépultures) se trouvent
quelques éléments caractéristiques des IXe-Xe s. C’est
donc plus probablement vers cette borne de l’intervalle
qu’il faut la situer. Pour le moment rien ne permet de
trancher entre une fonction civile ou religieuse.
Au cours de la deuxième phase (Fig.5) est mise en
place une pièce (PCE1091) qui oblitère toute la partie
nord du bâti précédent mais qui s’articule avec la partie
sud restante. La forme de la partie est se trouve déduite
de la conformation du terrain géologique et de
l’articulation des constructions postérieures. Une
particularité de son implantation est l’appui du nouveau
mur nord (MR1041) sur la face interne du mur MR40094010 alors que le parement ouest du mur pignon 1046 est
construit à l’aplomb du parement ouest du mur
(MR2812) formant retour du mur 4010. En outre, un
« coup de sabre » dans le mur 1041 suggère l’articulation
de ce dernier avec un mur (MR21087) de l’état
précédent. Cette nouvelle construction (PCE1091)
reprend donc l’orientation de ce dernier et s’aligne même
sur la façade ouest. Les murs du bâtiment sont à deux
parements et mesurent en moyenne 0,80 m d’épaisseur.
Ils sont construits entièrement avec des moellons taillés
et des pierres plates de remploi disposés en assises assez
irrégulières. Parfois, sur quelques mètres, les pierres
plates sont posées en oblique. Le seul angle du bâtiment
conservé est solidement bâti avec des grands blocs
disposés en besace. Des trous de boulin perforent de
place en place la maçonnerie qui utilise comme liant un
mortier de chaux blanc assez friable. La salle est de plan
rectangulaire et mesure 7,75 m hors œuvre du nord au
sud et probablement 17,25 m d’est en ouest. Elle est
dotée de trois portes : l’une axiale à l’ouest, une autre
dans l’angle nord-est dont le piédroit ouest est seul
conservé et la dernière proche de l’angle sud-ouest. La
porte axiale mesure 1,66 m de large et dispose d’un seuil
taillé dans un bloc de calcaire gris en remploi. Les autres
accès devaient probablement être de dimension plus
importante. L’espace de la salle est partagé vers l’est par
un probable mur de refend dont il ne reste que des
amorces au sud et au nord.
Au Sud, l’articulation avec la partie plus ancienne est
marquée par un sol de mortier de chaux blanc, rubéfié à
un endroit où il repose directement sur le rocher et dont
la lisière est conservée à un point contre le mur MR1069.
De son altitude et de celle de la maçonnerie sur laquelle
repose le seuil de la porte axiale, il faut déduire que le
niveau de circulation à l’intérieur de la salle était plus
haut d’une quarantaine de centimètres que celui
d’aujourd’hui.
La troisième phase (Fig. 6) regroupe plusieurs
modifications qui ne sont peut-être pas ni totalement, ni
strictement synchrones. Elle est marquée par
l’installation des premières sépultures dont l’une
(SP2707) à l’emplacement de la probable porte ouverte
dans le mur 2694, deux autres de part et d’autre du mur
MR21087, l’une le long du mur 2446. Elles constituent
le groupe des datations les plus anciennes
(intervalle 859-1046).
À l’est, une pièce est créée en lieu et place de la pièce
de la première phase (PCE21588). Elle est légèrement
plus grande et les murs ne sont pas liés au mortier. Le
mur est resté dans le prolongement du mur de la grande
salle PCE1091 à laquelle il doit se raccorder. Si la partie
est de l’édifice ancien est profondément remaniée, la
partie ouest ne semble pas avoir été touchée. Les
premières sépultures peuvent accompagner la mise en
place du lieu de culte, le nouvel état de la pièce
PCE21588 pouvant être un bâtiment de service.
Une quatrième phase (Fig. 7) est marquée par des
reconstructions partielles. Au sud-ouest, la pièce
PCE2197 est reconstruite presque sur le même plan,
mais avec un élargissement des murs et un déplacement
vers le sud du mur MR2058. Le mur MR2062 recouvre
la sépulture SP2707 puisque la probable porte est alors
bouchée. Le mur MR2058 recouvre quant à lui la
sépulture SP2886, mais un « coup de sabre » dans la
construction montre qu’il s’appuie toujours sur le mur
MR21087.
À l’est, la construction du mur MR2008 et du mur
MR2009 qui prend appui sur le mur MR2500, réduit de
plus de la moitié la pièce PCE21588 dont la majeure
partie doit être détruite. Cette nouvelle pièce peut
toujours être limitée à l’ouest par le mur MR2476 et au
nord par le mur sud de la grande salle PCE1091.
Une cinquième phase (Fig. 8) est constituée par le
développement du cimetière (voir plus loin). Celui-ci
171
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 172
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
X=785560
X=785550
X=785540
Y=205230
Y=205230
?
91
PCE10
SP2397
2/2476
MR207
SP2486
87
MR210
MR2694
SP2707
Y=205220
SP2370
0
MR250
SP2556
Y=205220
8
158
PCE2
MR2446
SP2186/2214
SP2886
57
N
PHASE 3
SP2465
0
5m
Fig. 6 : Phase 3.
X=785560
X=785550
X=785540
Y=205230
Y=205230
7
MR2108
MR2008
Y=205220
15
88
PC
Y=205220
7
SP2707
E2
19
MR2062
PC
E2
15
89
MR2009
PC
E1
0
91
?
PHASE 4
0
Fig. 7 : Phase 4.
172
5m
SP2886
MR2593
57
MR2058
PC
SP2186/2214
N
E2
MR2594
!"
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 173
AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
s’intègre, en partie, dans l’organisation spatiale régie par
les murs de la quatrième phase, mais au détriment des
murs les plus anciens qui ne sont plus fonctionnels. Au
nord-ouest, deux murs (MR2484 et MR2483) sont
construits au moment de l’installation d’une sépulture
permettant la construction d’un enfeu probable. Le mur
MR2483 se situe dans le prolongement du mur MR1046,
et s’appuie contre le mur MR1041. Ces deux murs
constituent pour le moment la seule limite matérielle de
l’extension de l’espace funéraire. Un autre enfeu situé au
Sud-Ouest, est construit une fois le mur MR21087
détruit et la porte sud de la pièce PCE1091 réduite. Un
sarcophage est installé à la droite de l’entrée axiale et
contient les restes incomplets d’un individu.
Pour le moment, les datations radiocarbones
montrent que le cimetière peut fonctionner au plus tard
jusqu’à la fin du XIIIe s.
Au cours de son utilisation, des modifications
importantes sont apportées au bâtiment principal. En
effet dans une sixième phase (Fig. 9) la salle PCE1091
est prolongée vers l’Est par ajout d’un chevet contreforté
à abside. L’édifice obtenu a donc une longueur de 24 m
pour une largeur de 7,80 m. La mise en place du mur
gouttereau sud et celle du mur de l’abside recoupent au
moins deux sépultures dont l’une est datée par le
radiocarbone des années 891-1046. Les murs de 1 m de
largeur, sont percés de trous de boulin, et sont bâtis en
assises régulières de moellons, de calcaire et de grès,
retaillés et soigneusement appareillés. La fourrure entre
les deux parements est constituée de cailloux et de
pierres plates soigneusement disposés en épis, noyés
dans un mortier de chaux blanc. Les contreforts sont
semi-circulaires et s’intègrent dans l’appareillage. Les
chaînages d’angle et les claveaux des baies sont taillés
dans un grès fin jaune ou dans un calcaire tendre gris
marneux. Lorsqu’ils sont conservés, les joints extérieurs
sont beurrés et tracés en creux par un coup de truelle. La
fouille de l’effondrement extérieur du mur MR2005 a
livré les éléments d’une fenêtre à double ébrasement et
couvrement en arc plein cintre constitué de claveaux de
grès jaune.
L’articulation de la salle PC1091 et du nouveau
chevet ne devait pas être satisfaisante du point de vue
architectonique puisque dans une septième phase (Fig. 9)
le raccordement est modifié entre nef et nouveau chevet.
En effet, désormais des piliers soigneusement liés aux
murs gouttereaux du chevet sont bâtis. À l’extérieur, ils
forment des contreforts de plan carré (seul celui du nord
CF1079 est conservé dans cette forme) et à l’intérieur
des piliers engagés doivent supporter un arc doubleau.
L’installation du contrefort sud a bouleversé des
sépultures dont une partie des ossements a été
soigneusement rassemblée dans un petit coffrage.
Par la suite, dans une huitième phase (Fig. 9), le
contrefort sud (CF2006) est reconstruit et il devient
semi-circulaire mais avec un diamètre supérieur à ceux
du chevet. La reprise de la maçonnerie a nécessité
l’ouverture d’une tranchée qui a bouleversé plusieurs
sépultures. Certains ossements disloqués ont été
simplement remis au fond de cette dernière. Toutefois,
on note à l’est du contrefort sud, la présence d’un
coffrage (SP 2397) partiellement rouvert pour le dépôt
d’un véritable ossuaire dont le NMI est estimé à 5 adultes
et 3 immatures. Ce réemploi témoigne du soin apporté
aux pièces osseuses remaniées.
La neuvième phase (Fig. 10) est marquée par
l’intégration de l’enfeu SP2036 dans une pièce
(PCE2297) dont l’espace est délimité par les murs
MR2062, MR2058, MR1069 et par un nouveau mur
(MR2154), l’ensemble était accessible par une porte
équipée d’un seuil. Le raccordement avec le mur sud de
la salle 1091 se fait par un mur (MR2061) un peu plus
étroit en raison de la présence de l’enfeu. Dans ce nouvel
espace fermé, l’ensevelissement doit perdurer mais avec
un traitement funéraire que l’on ne retrouve pas ailleurs.
En effet, outre l’enfeu, la pièce comprend quatre
coffrages. La fouille de la couche de sédiment qui les
recouvrait a mis au jour un amas d’ossements que l’on
peut considérer comme un ossuaire peu aménagé. Il
semble que cet amas doit être mis en relation avec la
vidange de plusieurs tombes dont les restes ne sont pas
réduits en fagot mais rejetés. De plus, l’un des quatre
coffrages de la pièce (SP2469) a été ouvert pour y
déposer des restes de cinq individus.
Dans la dixième phase (Fig. 10) sont regroupées les
dernières modifications sans que leur totale
concomitance soit assurée. Elles touchent seulement la
partie ouest de la chapelle. Au sud-ouest, la pièce
PCE2297 se trouve équipée d’un escalier droit installé
contre le mur 2062. Il prend appui sur la partie ouest de
l’arc de l’enfeu en se dirigeant vers le mur 1070. Il n’est
pas possible de savoir s’il s’agit d’une simple volée
permettant d’accéder sur le dos des voûtes de la nef, ou
bien à une pièce à l’étage. Il pourrait encore s’agir du
départ d’un escalier desservant un clocher dont la pièce
PCE2297 serait devenue le rez-de-chaussée. Le sol
fonctionnant avec l’escalier est constitué par des pierres
plates jetées çà et là. Il a livré du mobilier datable au plus
tôt des XIIe-XIIIe siècles.
Dans la partie ouest de la nef, le sol est abaissé
jusqu’au rocher : le toit de ce dernier est simplement
régularisé par un radier de maçonnerie lorsqu’il est trop
irrégulier. Un lambeau de sol conservé a livré du
mobilier datable au plus tôt du XIVe siècle. La porte sud
est réduite et dotée d’un escalier droit, et la porte axiale
est bouchée. Enfin des voûtes d’arête sont mises en place
dans la nef. Il ne reste plus de ces dernières que la partie
basse des massifs de maçonnerie constituant les départs
des arcs des berceaux.
Organisation du cimetière
Les objectifs primitifs de la fouille étaient d’étudier
l’édifice et d’en restituer son histoire mais l’articulation
de l’espace sépulcral et des constructions s’étant avérée
une clef de la compréhension et de la datation des
173
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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
MR2483
X=785560
X=785550
X=785540
MR2484
Y=205230
Enfeu
-112
-104
-104
-82
-90
-78
-94
-101
-107
-96
-104
-84
-92
-98
-95
-104
Enfeu
E
&'()$* +
,-
?
SP2707
Y=205220
Y=205220
!"
SP2186/2214
!
57
N
Sépulutre
PHASE 5
0
5m
X=785560
X=785550
Fig. 8 : Phase 5.
PHASE 6
X=785560
X=785550
X=785540
PHASE 7
N
PHASE 8
CF1078
5m
0
CF1079
MR1039
PL1049
MR1060
-112
Y=205230
-104
-104
-82
-90
-101
-78
-94
-107
-96
-104
-84
-92
-98
-95
-104
?
CF2007
MR2005
,-
&'()$* +
CF2006
&'()$"
.
Y=205220
Y=205220
!"
CF2006
X=785560
174
X=785550
X=785540
Fig. 9 : Phase 6, phase 7, phase 8.
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AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
X=785560
X=785550
X=785540
-73
-109
-107
-104
-61
-114
Y=205230
Y=205230
-112
-104
-104
-82
-90
-101
-106
-78
-102
-94
-104
-107
-96
-104
-84
-92
-98
-95
-104
.$
/
&/
!"#*%(
A
!"#*%&-
%
!"#$%&
Enfeu
B
)%
*)
Y=205220
PHASE 10
X=785560
X=785550
5m
X=785540
0
$%
PHASE 9
N
**
'(
1$*
0
*
Y=205220
Fig. 10 : Phase 9 et phase 10.
différentes étapes de cette dernière, l’étude intégrale (4)
du cimetière est devenu une partie très importante de la
problématique.
L’intérieur de la chapelle n’a livré aucune sépulture,
en raison soit de leur destruction au cours des « fouilles »
du milieu du XIXe siècle., soit de leur quasi absence en
conformité avec certaines prescriptions religieuses
médiévales. Le cimetière s’étend du sud à l’ouest
(fig. 11). Au nord-ouest, il est limité par un mur mis en
place lors de l’édification d’un enfeu, alors qu’ailleurs
aucune limite matérielle n’a été découverte. Vers l’est,
une tombe rupestre recoupée par la mise en place de
l’abside constitue l’élément le plus oriental. L’effectif
total pourrait atteindre les 200 tombes. Les douze
datations par le radiocarbone (fig. 11 et fig. 12) réalisées
à ce jour montrent que son utilisation s’inscrit dans un
intervalle allant de la seconde moitié du IXe siècle à la fin
du XIIIe siècle avec deux groupements principaux de
dates l’un de la seconde moitié du IXe siècle au début du
XIe siècle, et l’autre du début du XIe siècle au milieu du
XIIe siècle.
Le cimetière est particulièrement bien conservé à
proximité de l’édifice. En effet, les tas de gravats qui
4
résultent à la fois de la ruine des parties hautes du
bâtiment et de l’accumulation des déblais des « fouilles »
de l’intérieur de l’édifice ont quasi scellé l’état de
surface du cimetière au moment de sa désaffection. Cette
dernière est située, par le rare mobilier découvert dans
les derniers niveaux de sol, au plus tard vers le
XIVe siècle.
La conservation de l’état de surface du cimetière sur
environ 360 m2 permet de rendre compte d’une certaine
variété des dispositifs de signalisation d’une grande
partie des sépultures (fig. 13). Trois sépultures font
l’objet d’une monumentalisation : l’une par le remploi
d’un sarcophage, et deux autres par l’édification d’un
enfeu. Pour les autres, quatre types sont les plus
représentés. Les plus discrets, pour l’archéologue, sont
d’une part le cordon de moellons de remploi en calcaire
local, disposé autour de l’emprise de la fosse, ou du
tumulus, formant un rectangle, et d’autre par la stèle
constituée par un moellon, ou une dalle, de remploi, de
forme régulière ou non, installée dans le remplissage de
la fosse. Cette dernière est placée aux pieds ou à la tête
et parfois aux deux extrémités de la fosse. Deux autres
modes de marquage sont plus remarquables. L’un est
constitué par la « pierre tombale » constituée d’une
Étude et fouille archéo-anthropologique en cours réalisées par l’un des auteurs Y. A.
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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
Fig. 11 : Localisation des sujets datés par le radiocarbone.
176
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AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
Fig. 12 : Les dates obtenues par le radiocarbone (sigma 2).
dalle, de calcaire marneux gris, placée au niveau du sol
de circulation et recouvrant l’emprise de la fosse. L’autre
est le massif de maçonnerie quadrangulaire construit en
plusieurs assises avec deux parements. Il est installé sur
le remplissage de la fosse ou parfois même il s’appuie
sur les dalles de couverture du coffrage. Les massifs les
mieux conservés sont couronnés par une dalle de calcaire
marneux gris, et l’un d’eux est recouvert d’un enduit de
chaux blanc. Ce type de signalisation que nous avions
pris, dans les premiers sondages d’ampleur limitée, pour
des murs, semble récurrent dans les cimetières du Moyen
Age médian : Olivier Passarius et Richard Donat en ont
mis au jour dans les Pyrénées orientales (Passarius, Donat,
Catafau 2008). Une nouvelle interprétation s’impose pour
un certain nombre de tronçons de murs mis au jour dans
les fouilles de cimetières médiévaux - par exemple le
cimetière de la villa de la Mérindole (Bellamy, Hitchner
2000).
L’organisation en rangée assez régulières notamment
à proximité de l’édifice et la bonne signalisation des
tombes sont les facteurs principaux qui doivent expliquer
le faible taux de recoupement des coffrages et la rareté
des superpositions.
Pour le moment, 141 tombes ont été fouillées. Il
s’agit exclusivement de coffrages anthropomorphes de
moellons qui renferment en grande majorité (100 sur
Fig. 13 : Quelques modes de signalisation des tombes (cliché
Y. Manniez, INRAP).
141) un seul sujet en position primaire. Il faut y ajouter
un total de 81 dépôts secondaires : le NMI du cimetière
approchant alors pour l’heure les 200 sujets.
Parmi les 141 coffrages, 41 ont été utilisés pour des
inhumations successives selon un schéma évoquant un
réemploi en contexte de concession familiale,
correspondant à 2 ou 3 décès (Passarius, Donat, Catafau
177
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 178
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
Fig. 14 : Adultes, immatures et dépôts de vase.
2008). Ce fonctionnement semble appartenir plus
particulièrement à l’une des phases d’utilisation du
cimetière qu’à un secteur topographique spécifique. En
effet, on retrouve autour de l’entrée axiale autant de
tombes à inhumations successives que de coffrages à
inhumation primaire.
Dans l’échantillon fouillé, la diagnose sexuelle
réalisée in situ montre une prédominance des sujets
masculins. En outre, les enfants sujets immatures (18)
sont en faible nombre (fig. 14). Les sols de circulation
étant bien préservés, cela peut témoigner d’une sélection
des sujets inhumés.
Quelques sépultures font l’objet d’un traitement
particulier. Ainsi le sarcophage en réemploi jouxtant
l’entrée axiale qui a livré des restes osseux disloqués et
incomplets. Parmi les deux enfeux, l’un (SP2036) a livré
un homme et une femme tous les deux âgés. Enfin, un
cas (SP21330) peut être qualifié de sépulture secondaire
dans une zone privilégiée. En effet, là, la fouille a mis au
178
jour contre le seuil de la porte latérale de la nef, les
ossements d’un sujet adulte déposé dans une fosse
fermée par une dalle. Cette sépulture reste très isolée
d’un point de vue des pratiques funéraires.
Les sépultures livrent peu de mobilier archéologique
significatif. Onze coffrages ont livré un vase (de type
pégau) (fig. 14) déposés de façon variée tantôt aux pieds,
tantôt sur les membres inférieurs (fig. 15) ou parfois à
côté de la tête (fig. 16). Un vase était posé sur la
couverture de dalles d’un coffrage et deux autres dans le
remplissage de la fosse de deux autres sépultures. Enfin,
trois sujets étaient accompagnés d’une valve perforée de
Pecten Maximus (fig. 17) (études V. Forest, Inrap).
À terme, l’étude fine de la répartition spatiale des
sépultures sera tentée en intégrant les caractères propres
au sujet inhumé (âge, sexe, état sanitaire) au coffrage
(forme, présence de logette céphalique, mode de
construction, réutilisation) à la signalisation (cordon,
stèle, dalle, massif) et à la situation par rapport au lieu de
07 DS ARDAGNA_Mise en page 1 14/09/2011 09:32 Page 179
AUX MARGES DE L’ANCIENNE AGGLOMÉRATION ANTIQUE DU CAMP DE CÉSAR SAINT-JEAN DE TODON
ALIAS SAINT-JEAN DE ROUSIGUE (LAUDUN- L’ARDOISE, GARD)
culte et à ses accès. Toutefois, il faut remarquer dès
aujourd’hui que l’organisation soignée du cimetière
semble témoigner de la volonté d’une gestion globale de
l’espace funéraire.
au moins jusqu’à la fin du XVIIIe s. puisque l’autel ou sa
base (élément inscrit antique en remploi) est le support
d’une pratique thérapeutique féminine destinée à faire
recouvrir la santé aux enfants mais aussi à remédier à la
stérilité.
Autres aménagements
Pour le moment la fouille est resserrée autour de la
chapelle et elle n’a mis au jour aucun aménagement qui
ne soit directement lié à cette dernière.
DISCUSSION SUR LE MODE D’ABANDON
DU SITE
Le site est abandonné en tant que lieu de culte
probablement à partir du XIVe siècle., Dom Pinière de
Clavin attribue sa destruction aux Anglais sans donner
ses sources mais cette abandon s’inscrit certainement
dans le cadre des difficultés qui touchent Cluny au
XIVe s. Les derniers niveaux de sol du cimetière livrent
quelques rares fragments de céramique de l’Uzège
datables du XIVe siècle. Les sources montrent que le
prieuré est dépecé graduellement mais apparaît encore au
XVIe siècle. Cependant, Esprit Calvet rapporte que
l’édifice reste un lieu de mémoire et de piété populaire
CONCLUSION
Au terme de huit campagnes de fouilles (représentant
11 mois de terrain), toute la périphérie de l’édifice et la
totalité du cimetière n’ont encore été fouillées.
Cependant, les travaux sont assez avancés pour
permettre une première restitution de l’histoire du lieu de
culte du prieuré Saint-Jean de Todon. La mise en
évidence de 10 phases, révèle la complexité de cette
dernière qui s’étend de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen Âge jusqu’au XIVe siècle. Les éléments de
chronologie absolue font souvent défaut et les
observations stratigraphiques ont souvent parfois une
valeur spatiale restreinte. Cependant l’étude du
cimetière, en dehors de l’importante approche
anthropologique, permet d’obtenir quelques jalons
chronologiques grâce aux articulations entre le complexe
funéraire et les évolutions architecturales notamment par
l’utilisation de datation par le radiocarbone.
Fig. 15 : Un vase déposé dans le coffrage aux pieds du sujet.
Fig. 16 : Un vase déposé à côté de la tête.
Fig. 17 : Une coquille de Pecten Maximus déposée dans une
tombe.
179
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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 28- 2010
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