Long périple d'un jeune perdu dans les ruelles de la vie en forme d'impasse. Long trip of a young man lost in the narrow streets of life in the form of a blind alley
Fuyez Fuyez Vieux monde dépassé Fuyez Que jamais le futur Qui aujourd’hui est né A la crèche de nos cœurs Ne vous rattrape de son glaive Et ne tire un vaste trait sanglant Sur l’addition trop lourde De vos crimes normalisants (La lumière peu à peu s’éteint sur un Julien qui s’assoit sur ses talons et s’écroule très lentement au sol, mort de n’avoir pas vécu.)
Ouverture avec musique classique. Katchatourian, La danse du sabre. SCENE UN (Simone et Silvère. Chez Simone.) SIMONE: Parle toujours. I'en reste pas moins qu'tu fais rien. SILVERE: Je ne fais rien, je ne fais rien.. Et mon bac l'an dernier, je l'ai bien eu. SIMONE: Ouais, tu l'as eu. Mais à quel prix d'nuits blanches pour moi. J'dormais plus la dernière semaine tellement j'm'faisais du mauvais sang. SILVERE: T'avais qu'à pas! SIMONE: C'étot facile à dire. Tu t'levais à des heures impossibles, plutôt midi que décent, et tu te couchais à trois ou quatre heures du matin. SILVERE: Mais ça ne te regardais pas. Tu n'as qu'à faire confiance. [...]
Partir c'est mourir un peu Un peu de tout pour faire un monde Mais mourir à petit feu Au fond des veines qui vous ronge C'est trop partir comme un leu Au coeur de la forêt qui gronde Je garde au fond de ma gibecière De lumière Une autre cartouche en bandoulière De première Quand on ne répond plus aux prières. (Final musical. Musique religieuse forte et violente comme le Dies Irae du Requiem de Mozart.)
Par les cris des enfants Par le chant des oiseaux Monsieur le Président. Seuls les petits garçons Et les petites filles Viendront dans la forêt Douze phénix sacrés Les y transporteront Les quatre phénix bleus Au soleil du matin Les quatre phénix blancs Dans l'après midi blond Les quatre phénix rouges Dans le soir assombri PRESIDENT : Madame, vous êtes bien une femme. Vous ne pensez qu'aux enfants et vos combinaisons sentent la cuisine. ZORA: Soyez en sûr, Monsieur le Président, je ne serai jamais votre bonne. Et maintenant la forêt peut en revenir à la paix du bonheur.
URL : http://www.frl.uoa.gr/fileadmin/frl.uoa.gr/uploads/ergastirio/EKPAIDEYTIKO_YLIKO/La_chanson_francaise_au_XXe_siecle_CN2_CA.pdf Partant de l’affirmation de Nietzsche que « sans musique la vie serait une erreur », nous avons entrepris l’élaboration de cette partie du livret consacrée à la chanson française du XXe siècle et, plus particulièrement, aux grandes figures de la chanson française du siècle dernier qui ont marqué la scène musicale internationale (Édith Piaf, Léo Férré, Charles Aznavour, Michel Sardou, Françoise Hardy, Georges Brassens et autres), ainsi qu’aux artistes les plus célèbres jusqu’à la fin des années 1990 (quelques chanteurs francophones importants y sont inclus). Pour les artistes, et ils sont nombreux, dont la carrière couvre plusieurs décennies, nous avons choisi de les situer dans la période où ils ont obtenu leur premier succès, connu le premier événement marquant de leurs carrières respectives ou fait leurs premiers pas musicaux. Concernant les chansons interprétées par ces artistes, nous avons dégagé les plus connues dans toute leur carrière et en même temps celles que nous pouvons trouver facilement, écouter et/ou voir sur YouTube, Dailymotion, Vimeo, etc. Cette partie peut également être destinée aux enseignants et futurs enseignants de FLE qui veulent utiliser la chanson dans leur classe de langue aussi bien pour la distraction des élèves et leur implication dans le cours d’une façon motivante et ludique que pour l’amélioration de leur compétence phonologique, d’abord, lexicale et/ou grammaticale ensuite. Elle vous permettra, enfin, d’apprendre à vous servir des logiciels de sauvegarde/téléchargement des vidéos afin de faire, entre autres et si vous le souhaitez, du karaoké chez vous ou dans votre classe de FLE.
Ce travail d’écriture avec des enfants de cinq ans est fortement intéressant car il révèle chez ces enfants une qualité qu’ils vont rapidement perdre, ne serait-ce que parce que l’école primaire va exiger qu’ils la perdent, et cette qualité c’est la capacité d’accepter qu’une chose puisse être de deux couleurs à la fois, puisse avoir deux caractéristiques absolument contradictoires. La sorcière peut-être petite et grande à la fois car quand elle se penche en avant pour s’appuyer sur sa cane elle est petite, et quand elle se dresse les bras levés vers le ciel pour jeter un sort elle est immense, et quand elle se cache sous un lit elle est minuscule. Les enfants de Tourcoing disaient d’ailleurs qu’elle se muchait C’est d’ailleurs probablement cela qui a fait le succès du sorcier le plus célèbre du monde, Harry Potter, car avec lui rien n’est jamais toujours la même chose. Bonne aventure.
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
JEAN-PIERRE
A vous tous
Gens de la terre
A vous tous
Qui avez désiré
A vous tous
Qui avez été frustrés
A vous tous
Au désir insatisfait
A vous tous
Qui avez noyé
Votre amour désiré
Qui avez été noyés
Dans le flot parlé
Le flot parlé des mots
Des mots sans cesse répétés
Des mots sans cesse rencontrés
Des mots sans cesse assénés
A vos désirs rejetés
Des mots jamais dénoncés
De leur crime insensé
De leur assassinat perpétré
Au nom de Dieu ou de l’Homme
D’un Dieu de la normalité
D’un Homme de l’historicité
A vous tous
Gens de la terre
A vous tous
Je vous dédie
Ce long poème
Cette longue histoire d’un calvaire
Le chemin de croix
De l’innocent Jean-Pierre
Gros Jean comme devant
A la fin de la fable
Dur comme Pierre
La pierre du chemin
De Golgotha
Mais aux deux noms unis
Comme le seraient deux amis
Comme le seraient deux pôles aimantés
Comme le seraient les deux faces d’une pièce argentée
Deux amis aujourd’hui découplés
Deux pôles aujourd’hui sectionnés
Deux faces aujourd’hui séparées
A vous tous
Gens de la terre
Je dédie
L’histoire de Jean-Pierre
L’histoire d’une mort assassinée
686
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
oOo
Non
Non
Non
Tu ne partiras pas
Non
Tu resteras
Non
Tu dois rester
Que deviendrais-je
sans toi
Sans
le flot de tes mots lactés
Sans
le son de ta voix crémeuse
Sans
le regard de tes yeux rieurs
Sans
le oui
sans
le non
de ton doigt nieur
ou acquiesceur
Sans
la certitude à la nuit
de ne pas me réveiller seul
la certitude au matin
de ne pas me rendormir seul
la certitude au turbin
de ne pas rentrer le soir seul
la certitude dans le train
de ne pas attendre le lendemain seul
Non
Tu ne peux pas partir
Tu dois rester
Tu le dois
TU LE DOIS
Mais hélas
Te voilà partie
Et c’est moi
Moi qui reste
Seul et triste
De t’avoir laissé partir
Seul et triste
De n’être plus seul en pensée
D’être obsédé par ton souvenir
Par ton spectre
immatériel
mais inhumainement cruel
Et ma vision se trouble
687
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
D’une pénétration rageuse
Du souvenir tant et tant honni
Du passé tant et tant haï
De l’espoir de ne plus être
De ne plus me souvenir
oOo
Je me souviens
Je me souviens
D’un long jour au goût de fraise
D’un jour au goût de fuite
Le sable glacé de la plage d’hiver
Gisait inerte au pied de la dune
La vague glacée de la mer d’hiver
Battait violente à la lèvre du littoral
Le vent glacé du ciel gris de l’hiver
Cognait mordant au front bas de l’horizon
Et tu te pelotonnais au creux de la dune
Et tu soufflais dans tes doigts glacés
Et tu parlais d’une lèvre givrée
Et tu causais d’une langue raidie
Tes yeux flambaient d’une belle passion
Car ton sujet t’incendiait
D’un feu sans égal ni pareil
Le feu de la conviction
Qui s’enracine à la terre profonde
De ton passé et de ta vie loupée
oOo
Quand je sens les genêts battre dans la nuit
Je ne peux que revoir la vieille maison sur la lande
La vieille mère la mère d’autrefois
Hurlant et causant
Moralisant d’un verbe inutile
De ses « Il faut »
De ses « Y a ce qui est bien et le reste est mal »
De ses « Je ne comprends pas
« avec tes désirs de fuite »
« Il n’y a que le pain que l’on gagne
« A la sueur de son front
« Il n’y a que la maison bâtie pierre à pierre
sou à sou
heure à heure
jour à jour
« Il n’y a que ces objets si utiles
« Que l’on a désirés vingt ans »
et qui tombent en panne le troisième jour
comme Jésus qui ressuscite
Langage absurde d’un passé désuet
Mais je tremble du cœur
688
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
papillote des paupières
me trémousse de la tripe
Nostalgie bleue
tendre
infinie
Nostalgie insaisissable
D’une chaleur de feu de bois
D’une horloge de grand-mère
Qui tique taque au mur de la salle à manger
D’un plancher ciré
Parce que c’est joli
D’un vestibule qui sent bon la lavande
Et des chambres qui embaument le thym
L’hiver on s’oubliait
on s’effaçait
Devant la cheminée revigorante
Derrière la froideur glaçante
La vie saisie
A ce contraste de faces
Le devant du plaisir
de la jouissance
Le derrière de la souffrance
de la peur
Peur d’aller aux cabinets dehors la nuit
Peur de monter l’escalier dans l’ombre le soir
Peur d’ouvrir les yeux plus tard au fond du lit
De peur de voir quelque génie menaçant
Grimacer dans l’ombre insondable de la chambre
De peur de perdre l’autre peur
La peur appréhensive de la main griffue
Qui une nuit se posera sur l’épaule
Lacèrera la chair frémissante
Et un hurlement
de douleur
exquise
S’enflera dans mes poumons
J’ai peur de perdre à jamais
Cette beauté divine du passé
qu’il faudra bien un jour oublier
De perdre à jamais le souvenir
Des circonstances sécurisantes
De la mère qui accourt de l’au-delà de l’ombre
Et de ne plus alors avoir
Que la peur panique
Du parachutiste qui s’aperçoit
Que le parachute est bloqué
Faites Seigneur
Que ce souvenir demeure
survive
Mais je le haïs
Je le déteste
Comme on haït
689
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Un goût de soupe aigre
Comme on déteste
Une odeur d’humidité moisie
J’ai peur aujourd’hui
De la perdre en souvenir
Et de la garder en mémoire
J’ai peur aujourd’hui
De la souffrance de l’avoir en tête
De la souffrance de la perdre peut-être
Quand je sens les genêts battre dans la forêt
Je hurle au soleil
J’entonne les louanges de la lune
Je brandis les étoiles
Mais je veux oublier
perdre
Mais je veux garder
me souvenir
Et le passé me hante
De sa présence lancinante
De son absence menaçante
Et je hurle aux loups
A la grand-mère du petit chaperon rouge
Ah si ce souvenir avait de grandes dents
« Pour mieux te manger mon enfant »
Je me perdrais dans le ventre goulu
De la bête frémissante
Du souvenir omnipotent
Ah si ce souvenir avait de grands yeux
« Pour mieux te regarder mon enfant »
Je me perdrais dans les prunelles avides
De la bête jouissante
Du souvenir lancinant
Comme une vision voyeuriste
Ah si …
Mais avec des si …
Les si sont lassants
et tristes
Et ils laissent la bouche amère
Ils laissent la langue pâteuse
Ils vous laissent sur votre faim
Et ils souffrent de n’être que des pis aller
De la masturbation intellectuelle
ou sentimentale
Non
J’ai horreur des souvenirs
Je ne veux voir et entendre
que la réalité
Je refuse le passé
Et comme un bœuf au joug de la charrette
Je tire la flèche sans même y penser
Machinal et automatique
Sentant le flanc de l’autre
690
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Se gonfler de la peine d’être enchaîné
Mon bonheur est dans les chaînes
Pourvu qu’on les habille de papier crépon
Coupez
Les rubans multicolores
Et entortillez-les aux maillons inscindables
Et souhaitez retrouver votre liberté
Dans la pensée transcendantale
Du bonze qui flambe dans son essence
Priant d’une main carbonisée
Que demain soit différent d’aujourd’hui
Et je danse de joie
Avec les genêts de la forêt
Je danse et je ris
Du plaisir d’avoir exorcisé
La peur et l’enchaînement
Dans la peur
Par l’enchaînement
Il faut trouver dans le joug
La force finale de la joie
oOo
Le sable glacé de la plage d’hiver
Gisait inerte au pied de la lande
La vague glacée à la mer d’hiver
battait violente les deux lèvres littorales
Le vent glacé du ciel gris de l’hiver
Cognait mordant le front bas de l’horizon
Et le creux de la dune s’enfonçait
Les doigts glacés se raidissaient
Et tu n’étais même pas une présence
Pour tes lèvres givrées
ta langue raidie
tes yeux illuminés
D’un discours visionnaire
Tout à coup brisé
D’un silence si triste
Que même la rumeur de la nature vitale
Semblait s’extravaser
D’une tombe en une autre
De linceul en cercueil
De mort en mort
Sans amour ni sans fin
La mort régnait
Sur ce visage crispé
Par la peur à tout jamais
De n’être qu’un appendice
Disgracieux et inutile
A la chair froide et moite
D’une histoire ensevelie
Vaste drap mortuaire
691
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Glacé et mal lissé
Gris de putrissure
Bistre de salissure
Qui te tenait de son étreinte
Indesserrable parce qu’indésirable
Non
N’aie pas peur de l’avenir
Copule avec le passé honni
Et tu le tueras d’un coup de verge
Tu l’enterreras d’un coup de rein
Le bonheur est dans la mort
La mort des amours anciennes
La mort en premier lieu
Et avant tout
De la pieuvre tentaculaire
Qui t’a nourri d’un amour empoisonné
« Tu m’aimes parce que c’est interdit
« Tu m’aimes parce que je t’interdis
« Tout autre amour toute autre femme
« Je te veux tout à moi
« Et j’en ai le droit
« Puisque je suis
ta mère
« Et si tu dis non
« Je te tuerai ton plaisir
« D’un souvenir lancinant
« D’un interdit moral »
oOo
Et la bête informe
Rit dans l’ombre de la nuit tombante
Rit de son triomphe en forme de joug
De sa violence en forme d’amour
La bête immonde
Qui vous prive du monde
Et son narcissisme mamellique
Tue sa propre progéniture
Plutôt que de la céder à autrui
Véritable truie possessive
Qui ne veut jamais partager
Ce qu’elle a enfanté
Avec le moindre étranger
oOo
Et le rire ébranla les fondations du temple
Le rire secoua les murs de pierre de la famille
La société toute entière s’en trouva convulsée
Et les yeux des témoins en furent révulsés
oOo
692
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Hurlez
Hurlez
Mes amis
Mes amours
Jean-Pierre va mourir
Par la faute d’une mère possessive
Chassez la bête
Tuez le monstre
Rendez-lui la vie
D’un mot tendre
D’un geste doux
D’une embrassade copine
D’un baiser de frère
Tout de chaleur chargé
Et le violet tourmenté
Du passé barbarique
A peine de l’éclair jaune zébré
Du malheur maternel
Cède la place à un rose léger
Qui illumine en un instant
La voûte immense des cieux
Les fougères en forme crossée
Murmurent et s’entrouvrent
Pour laisser le bonheur passer
D’un pas hésitant
Du pas de l’ami incertain
Du pas du peut-être désiré
Du peut-être pas encore assumé
Et Jean-Pierre revit
D’une lueur nouvelle
Au creux de la dune
Il retrouve l’appel de la vie
Et se reprend d’un pas incertain
Dans la carrière suicidaire
C’est le moment magique
De la rencontre prophétique
oOo
Elle était belle
Il était beau
Elle était très belle
Il était très beau
Et tous les deux forts de leur beauté
oOo
D’emblée il lui posa la main sur l’épaule
D’emblée il lui parla au creux de l’oreille
D’emblée il lui baisa les lèvres tendres
D’emblée la retenue n’exista plus entre eux
693
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
La chair se rencontrait comme de naturel
Et de bébé en bébé du bébé au bébé
Ils retrouvèrent leur bonheur enfantin
frustré
par une mère raisonneuse
et un père insignifiant
Ils jouèrent sur la plage
Ils dansèrent dans le soleil
Ils grimpèrent aux dunes
Et l’azur bleu du ciel
Fut leur horizon
déjà leur décor
et puis leurs coulisses
Ils se perdirent d’un bond
Dans l’infini brûlant du cosmos
L’amour était leur univers
Le contact de la chair leur monde
Baiser sur baiser
Embrassade sur embrassade
oOo
Rassure-moi de ton bras
Assure-moi de tes caresses
Renforce-moi de tes lèvres
Endors-moi au creux du bonheur
Du bercement de tes jambes
Ouvertes comme la coque d’un navire
Emporté au gré dansant
De la communion paradisiaque
Le suc lacté de l’amour
Se mêlant aux flots agités
puis calmés
De la jouissance découverte
Au détour d’un chemin creux
Jusqu’alors rêvé mais inconnu
A tout jamais connu
Et qui ne sera jamais plus rêvé
oOo
Et l’amour dura l’espace d’une lune
Ils dansèrent des nuits entières
La musique les berça de ses rythmes violents
ou de sa langueur enivrante
Perdu aux senteurs d’un cou parfumé
Il ne pensait qu’au plaisir de cette chair caressée
de sa chair caressante
Elle ne pensait qu’au plaisir d’être consommée
d’en être rassurée
d’en retrouver des racines
d’être terreau à cette racine prodigieuse
694
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
qui pourtant le premier jour
l’effraya tant
Et le temps volait comme un vaste oiseau bleu
A travers le rose diffus de l’aurore phallique
Et le temps volait comme un vaste oiseau bleu
Que déjà teintait le rose diffus de l’aurore phallique
Et le temps volait comme un vaste oiseau bleu
Dont le bleu se fanait au rose diffus de l’aurore phallique
Et le temps avait volé
Comme un vaste oiseau ci-devant bleu
Que l’aurore phallique au rose diffus
Avait maintenant envahi de son emprise
Et l’oiseau bleu se retrouva
N’être plus qu’une volaille
Incapable de voler
oOo
Moi
Mon désir le plus cher
Moi
C’est d’pouvoir m’installer
Moi
D’avoir un appart’ment
Moi
C’est d’avoir de beaux meubles
Moi
Et d’avoir du beau linge
Moi
C’est d’avoir des torchons
Moi
Et d’avoir un’ voiture
Moi
Enfin d’avoir un’ femme
Moi
Qui me serait un’ tendr’ et douce femme
Qui me réveillerait le matin
Qui me préparerait le déjeuner
Qui m’embrasserait avant que je parte
Qui m’attendrait tout le jour durant
Qui m’accueillerait le soir avec joie
Qui me fêterait au lit retrouvé
Qui me borderait dans un sommeil repu
Qui me regarderait rêver la nuit durant
Qui m’adulerait
et me servirait
Avant d’enfin m’offrir le bonheur
suprême
D’être le père d’un fils merveilleux
D’un fils tout de lumière
Capable de me ressembler
de me dépasser
695
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
de réaliser mes rêves gâchés
Par tant de malheur et de rêve frustré
Moi
Mon désir le plus cher
Moi
C’est de rire à la vie
Moi
Dans mon fauteuil profond
Moi
Ma petit’ femm’ bébé
Me tétant de plaisir
Moi
Pendant qu’à la télé
Moi
Leurs conneries me s’raient
Moi
Des sujets d’ discussion
Moi
Le lendemain matin au boulot
Moi
Mon désir le plus cher …
oOo
Non
Je le refuse
Je refuse cette servitude
Je veux être
Je veux pouvoir penser
Je veux pouvoir rêver
Je veux lire Boris Vian
Me perdre dans le surréalisme
M’enivrer au nouveau de la vie
Fuir les odeurs de la cuisine
Rejeter les obligations de souillons
Non
Je refuse
Je refuse de me laisser aller
Je refuse de me réduire
à une robe de chambre et à un balai
à des bigoudis et des produits de beauté
Je refuse de n’avoir à choisir
Qu’entre le laisser aller des laisser pour compte
Et le chic parfumé de l’objet sexuel à monsieur
Je veux sentir le vent de l’au-delà
De l’au-delà des mers
De l’au-delà des mots
Je veux construire un couple inoui
Dont chaque instant sera une perle divine
Dans l’amas de fumier de la vie d’autrui
Je veux vivre la poésie
Je veux découvrir le monde
696
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Je veux partir
partir à deux
vers les horizons fumeux
de l’inconnu lointain
Je veux voir la vallée
La vallée du bonheur
Dont on raconte l’histoire
Celle qui là-bas rayonne
Comme le soleil au levant
Avant de montrer son nez
Celle qui là-bas s’enivre
D’une vie sans frein
D’une créativité sans limite
D’une beauté sans définition
Tu m’emmerdes avec ton bonheur bourgeois
Ton bonheur d’ouvrier parvenu
Qui accepte les limites
les aliénations de la vie
Car on les lui sert sur un morceau de sucre
Le morceau de su-sucre
Au chien-chien à sa mé-mère
oOo
T’es une vieille conne
Tu comprends rien à la vie
Tous les ouvriers sont des bourgeois alors ?
oOo
Et le monde se désagrégea
Elle voulult voir le théâtre
Il refusa
Elle voulut lire la poésie
Il s’en écarta
Elle voulut visiter la peinture
Il s’en retira
Elle voulut avoir des amis
Il s’en fit jaloux
Elle voulut prendre ses distances
Il s’en fit possessif
Et le piège se referma
Et la mouche fut prise au vinaigre
Et elle rêva de l’homme idéal
Un homme parfait et sublime
Mais un homme interdit
oOo
Grand svelte souple élancé
Tout en lui n’était que finesse
Il ne reste plus à la déesse du rêve
697
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Qu’à ajouter d’un coup de baguette magique
La tête de l’homme enfant qu’elle crée
Une tête souriante
fine
et mystérieuse
Mais qui cède sans cesse la place
Au doute inavoué
A l’appel à l’aide inassouvi
C’est donc ainsi qu’il vint
L’homme qu’elle avait cherché en vain
Sans un mot
Sans un geste
Sans un bruit
Mais tout en mots
tout en gestes
tout en bruits
Et l’aventure commença
oOo
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Module bétonné
Résonne cristallin
D’un gong de visiteur
Double déclic de clé
Auto-sécurisante
Ouvre la lourde porte
Au discret auditoire
Qui envahit la cage
Super-capitonnée
De petits cris perçants
Simples rires complices
Caresses d’un timide
Ou adieux d’une vierge
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Je m’ennuie de l’absence
D’auditoire humain
Je n’suis que rossignol
Mais aussi un peu clown
J’ai besoin des enfants
Qui rient sur les gradins
Et je ne suis que seul
Alors mon auditoire
Je me vous l’imagine
Au rebord du divan
Perché et attentif
Et tout attentionné
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Beau rossignol qui chante
698
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Qui compose ses trilles
Burine ses accords
Vaste pont aérien
Envol d’éternité
De pieds et de voyelles
Heureux ou malheureux
Du bonheur de ses branches
Du bonheur de la feuille
Qui s’entombe à l’automne
Promise aux beaux massifs
Du printemps à venir
Aux frondaisons fertiles
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
oOo
Il y a là-bas
Au-delà des mers
Des pays pleins de lumière
Où des nègres dansent nus
Sous les safoutiers verdissants
Il y a là-bas
Au-delà des montagnes
L’inconnu de l’aventure
Le goût du partir
à tout jamais
Vers un demain
toujours nouveau
toujours plus beau
toujours plus loin
D’un demain qui n’en finira pas
de se renouveler
D’un demain qui sera toujours
Un nouveau départ
Un point d’arrivée
Il faudra tous les matins
Tuer le jour de la veille
Pour pouvoir atteindre le soir
Un soir nouvellement créé
Par un esprit impatient
un esprit debout
un esprit toujours en marche
Un soir nouvellement créé
Et que demain il faudra tuer
Et chaque soir sera mort
Dès que la nuit nous enveloppera
Dès que nos jambes se mêleront
Dès que je poserai mes lèvres sur ton front
Ma langue sur tes lèvres
Ma bouche sur tes seins
Mes doigts sur tes chairs frissonnantes
699
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Ma main sur ton beau sexe boisé
Dès que nos corps se mêleront
En une union fuguée et concertée
En une sympathie palpitante
De deux poitrines enivrées
De deux ventres enserrés
Dans l’étreinte bouillonnante
De nos désirs autocollants
L’amour
vois-tu
ce sera pour nous
La recherche de la pente permanente
De la roue libre incessante
Visant pourtant
A prendre d’assaut les cimes enneigées
Les cimes ensoleillées
Où la neige est si froide
Où le soleil est si chaud
Que l’on gèle en plein soleil
Que l’on s’évapore comme une eau qui bout
A l’étreinte du névé glacé
Viens
viens
viens faire l’amour
L’amour qui nous mènera là-haut
Pour ensuite redescendre dans la vallée
Pour ensuite repartir à l’assaut
Des montagnes enneigées
Viens connaître la jouissance
Viens que je te chatouille ton clitoris
Viens que je t’embrasse tes mamelons
Viens faire l’amour
comme on prie la Vierge
comme on prend l’hostie de la communion
Pour ensuite jouir d’avoir joui
jouir de pouvoir réjouir
Viens jouir
Pour connaître le plaisir de l’après
Viens jouir de l’arrivée
Pour pouvoir connaître le partir
Pour pouvoir jouir du retour
oOo
Mais
Tout à coup
Il fronce le sourcil
Un rien
Un peu plus
D’une dureté certaine
Il fronce le sourcil
Qu’est-ce ?
700
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Qu’est-ce qui lui traverse l’esprit ?
A-t-il ressenti tout à coup
Une bouffée de vertige
Et s’est-il repris d’un coup de rein vif
A la roche d’où il dévissait ?
oOo
Mais
Crois-tu
Mais
Sais-tu
ce que tu dis
Pourquoi
sans cesse partir
Pourquoi
ne pas rester ici
Et imaginer l’au-delà
Je me vois ici ou là
Elever mes enfants
Dorloter mon époux
Et raconter des histoires
des histoires de fée
au bébé
des histoires d’amants
à mon amant
Apprends à rester ici bas
Et tu sauras le bonheur heureux
Le bonheur qui commence
Mais ne finit jamais
Apprends à connaître
Le plaisir du toujours
Le plaisir du stable
oOo
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
A l’instant à l’instant
Doucement je pédale
Mon oreille engourdie
Par le ronronnement
Du gravier qui crissait
Et mon œil allangui
Par le picotement
De la brise d’avril
Je voyaix dans la nuit
Au ciel noir griffonné
Un bel oiseau de Chine
Au plumage doré
Mais elle a refermé
D’une main boudinée
701
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Les deux battants de bois
De mon rêve éveillé
Et je retombe triste
Au bitume noirâtre
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Au bitume noirâtre
Noirâtre tu as dit
Mais pourquoi dis-moi donc
Rime-t-il ce noirâtre
Avec le noir marâtre
O mon indigne mère
D’une main épointée
tu piquais tu brûlais
Pour punir le rappel
De ton phallus manqué
Ce pénis éclaté
A la nuit de tes noces
D’un aria éraillé
De cet homme effaré
D’avoir cherché sa mère
D’avoir trouvé marâtre
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
oOo
Viens
Au cinéma au restaurant
Nous irons manger
Des douceurs sans prix
Puis nous nous tiendrons la main
Dans l’ombre de la salle
Nous rêverons des beautés colorées de l’écran
Et puis je t’enlèverai
D’une main infaillible
inflexible
Et puis je t’emmènerai
Au cœur de la ruche
Là où les abeilles bourdonnent
Là où les abeilles travaillent
Je t’emmènerai au cœur du monde
Là où chaque geste tue le précédent
Et annonce le suivant
Là où chaque mot assassine la phrase
Et prépare la prochaine
Viens dans mon monde
De vie sans fin ni début
Parce que chaque instant en est
Une fin et un début
Viens conjuguer ton verbe
A mon sujet
702
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Viens accorder ton adjectif
A mon substantif
oOo
Mais Jean-Pierre
Je vais donc me fâcher
Je vais donc te fesser
Comme la maman que tu n’as jamais eue
Je vais donc te forcer
A régler tes désirs à ceux des autres
Je vais t’apprendre à donner
Je t’inderdis de prendre
Nous
femmes
ne sommes pas
Ta chair à canon
Mais plutôt
et comprends-le vite
Nous sommes
Une fleur délicate
Que l’on doit savoir charmer
Avant de jamais pouvoir
En respirer le parfum
Nous sommes une fleur timide
Dont la corolle est toujours fermée
Et ne s’ouvre qu’au matin
Quand le soleil la caresse
De ses doigts immatériels
Mais puisque tu n’es
Qu’un vilain garçon
Capricieux et pervers
Je refuse de te parler
de te voir
de t’écouter
Vas au diable
Et fais l’amour avec Belzébuth
oOo
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Le corbeau famélique
Qui hurle à la tour noire
De nos rêves perdus
De nos rêves tués
De deux mains fatales
La main de la misère
La main de la morale
Et si mon rêve est mort
Tué assassiné
Il n’en survit pas moins
703
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
L’enfant à tout jamais
L’enfant qui voudrait rire
Mais qui serre les dents
Car il a trop grandi
Lui qui voudrait pleurer
Mais qui serre les dents
Car il a trop grandi
Lui qui voudrait mourir
Mourir d’une mort molle
Comme d’un rire jaune
Mais qui serre les dents
Car il a trop grandi
L’enfant qui voudrait vivre
Des bourgeons qui éclatent
Des feuilles qui s’étirent
Des feuilles qui s’étalent
Fleurs qui s’épanouissent
Puis fleurs qui se flétrissent
Se fanent et s’effacent
Comme larmes qui sèchent
A la joue enfiévrée
De l’amour interdit
L’enfant qui voudrait vivre
Mais qui serre les dents
Car il a trop grandi
Demain j’irai cracher
Sur les murs de l’école
Où s’ennuient les potaches
De leurs maîtres vieillots
Qui compensent leur âge
Toutes leurs dents serrées
Du silence imposé
Par leur pédagogie
Du silence poli
Demain j’irai cracher
Sur les murs de l’école
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Mon histoire d’enfant
Qui comme une roue roule
Rapide rotative
Et ronde et rayonnante
Au gravier qui crissait
Sable de la chaussée
Emportant avec elle
Les senteurs de la ville
Les rumeurs de la foule
Demain j’irai pisser
Sur les files d’attente
Devant l’ANPE
Demain j’irai pisser
Sur les souliers luisants
704
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Des ministres heureux
Qui beuglent de plaisir
Et bêlent de bonheur
Quand tous les prix se barrent
Quand les jeunes s’emmeurent
Des pensées interdites
Des rêves rejetés
Demain j’irai pisser
Sur le beau chapeau claque
Du grand clown président
Qui nous godille l’âme
D’un fin fouet aveuglant
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Une amour retrouvaille
Que l’on rêve arrêtée
Au versant de la vie
Que l’on rêve nichée
A la chaleur douillette
D’un bras qui vous enserre
Chair recroquevillée
D’un continu sans borne
Sans source ni naissance
L’éternel du jamais
Jamais né éternel
Jamais mort pré-charnel
Demain j’irai chier
Sur le singe du cirque
Monsieur Loyal d’usine
Demain j’irai chier
Sur la hyène du cirque
Vieil Auguste d’usine
Demain j’irai chier
Sur toutes vos maximes
La vie vois-tu jeune homme
C’est apprendre à mourir
C’est apprendre à souffrir
C’est apprendre à se taire
C’est apprendre à mentir
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
La mort assurément
Puisque vivre est fini
oOo
Jean-Pierre
Ne dis pas cela
Jean-Pierre
Ne te laisse pas aller au désespoir
Notre destin
vois-tu
705
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
C’est
Etre pris
Au pendulement
pendule qui ment
pendu qui ment
Au pendulement ivre
Entre l’arbrisseau
qui végète
Et la hache
qui rejette
Entre l’arbrisseau
qui se bat
Et la hache
qui abat
Aussi Jean-Pierre
Au revoir
A toujours
Pour toujours
Pleure mais survis
Pleure et oublie-moi
Car je suis indigne
De ton souvenir
oOo
Non
Non je le refuse
Je refuse ton arbrisseau
et ta hache
Je veux croire
A autre chose
A un autre destin
A une autre vie
Notre destin
vois-tu
C’est la liberté grande ouverte
Hantés que nous sommes
Du spectre menaçant
mugissant
De la conscience blessée
Du reproche inutile
Du piège flasque
De la domesticité
Paralysie végétative
Qui tue l’initiative
De son rachitisme d’esprit
De son corps amoindri
Arbrisseau qui s’en-nuit
Sans succomber
non plus
Au tournis fou
De la fuite
706
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
enfiellée
Du refus de l’autrui
de l’autre huis
De l’huis calfeutré
à l’échec tropique
De l’huis largement ouvert
béant de son cri
inassouvi
inavoué
in-appris
De l’oiseau blessé
Dans la vie limitée
Qui souhaite se jeter
Au grand vent illimité
De l’espoir cosmique
De deux airs
Qui l’un l’autre
sans jalousie
sans envie
sans hérésie
sans maladie
sans nombril aigri
Se répondent
par avance
Des questions
qui devancent
L’imagination même
De deux êtres
De deux pigeons
Qui s’aimeraient
d’un amour tendre
oOo
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Arrête cette roue
Cette roue qui s’enroule
Tourne et s’en retourne
Dans cette tête folle
Il ne reste qu’attendre
La fin ou le début
L’avion le train la mort
Mort de l’inachevé
Mort de la vie absente
A la gare du vide
Ou au port du néant
Du désir satisfait
Satisfait de l’attente
Désir insatisfait
Frustré de son objet
Demain j’irais vomir
707
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Sur la famille heureuse
Sur ces enfants gâtés
De ne plus frissonner
Du vent du ciel de l’eau
Demain j’irai vomir
Dans le grand bénitier
Des parents possessifs
Demain j’irai vomir
Dans la gueule ouverte
Des moralisateurs
Bien plus que bien pensants
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Les profondeurs aqueuses
Et leur verdeur marine
Et leurs algues dactyles
Retour à mon océan
Mère qui me fascine
Et mère qui m’ennuie
Fœtale aqua-marine
Je rêve d’un soleil
Au plus profond de l’ombre
Et il ne me reste plus
Que silence des mots
Brouhaha de la foule
Et il ne me reste plus
Que chaînes du passé
Que les cases trop pleines
Les vides désirés
Qu’on désire remplis
O soleil de mes rêves
Abreuve-moi soleil
Sature-moi soleil
De ta liqueur sauvage
Ton vin capitonné
Et tue en moi ce reste
De survie inutile
Et donne-moi enfin
Le sommeil silencieux
De l’absence suprême
Des êtres désirés
Demain j’irai souiller
Le charnier silencieux
Tout juste découvert
La nuée bleu acier
Des mouches dévorantes
Policière et fasciste
Sucent les chairs noircies
Des grandes mandibules
Qui bourdonnent voraces
Sur les os dénudés
Et blanchis de leur chair
708
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
Qu’allais-tu y trouver ?
Qu’allais-tu y chercher
Et ainsi dans la nuit
La vermine inutile
Claqua de ses deux dents
Exigea et obtint
Qu’un talon de fer vînt
Et d’un petit bruit sec
L’écrasât au bitume
De noirâtre marâtre
oOo
En fait c’est lui
Lui qui est toujours le baisé
Baisé par le système
Qui le force à prendre
Telle ou telle route
Et il s’y engouffre
Tête baissée
comme taureau renâclant
fonçant sur l’épée du torero
pour quoi
pour rien
pour le sang
pour la frime
Pour le fracas de la foule
Pour le frimas de la fin
de la mort
de la nuit de toujours
le calme retrouvé
la paix
même si c’est de la tombe
Tête baissée
Les yeux clos et fermés
A double tour de paupières
et il se fait méchant
le taureau torero
le taureau picador
éventre d’une lance vengeresse
le cheval ignoble de la foule
des autres
des cons
oOo
Et le bitume noirâtre
Clôt cette chute fatale
fœtale
D’une flaque rougeoyante
puis brunissante
et puante
709
Jacques COULARDEAU – LES CONTES DE LA MONTAGNE LIVRADOISE
D’un sang versé
Pour ne plus l’entendre couler
D’un sang renversé
A la chaussée feutrée
D’un monde sale et fade
Retour à l’éternel noirâtre
Mais
pourquoi
dis-moi donc
ce mot
rime-t-il
avec marâtre
Pourquoi
dis-moi donc
Pourquoi
dis-moi
Pourquoi
dis
pourquoi
POURQUOI ?
oOo
Et le poème se clôt
Sur un dernier cri
A vous tous
Gens de la terre
Pour que vous vous souveniez
A tout jamais
De l’histoire dramatique
De Jean-Pierre
Ce loup qui ne savait pas donner
qui ne savait que prendre
Ce loup qui hurlait
Dans la nuit de la vie
Faute de savoir trouver
Le soleil resplendissant
De la musique immortelle
de l’amour généreux
Qui refuse la fuite
710