Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Academia.eduAcademia.edu

Cours

S1. Les juridictions civiles du premier degré

-Ces juridictions sont appelées à connaître un litige pour la première fois. Elles possèdent à ce titre un pouvoir d'investigation et d'appréciation illimité.

-Deux types de juridictions coexistent ici :

--une juridiction de droit commun, encore appelée « juridiction ordinaire » ( §1) --de nombreuses juridictions spécialisées, encore appelées « juridictions d'exception » ( §2). §1. La juridiction civile de droit commun : le tribunal de grande instance -Nous analyserons successivement l'organisation du tribunal de grande instance (A), puis sa compétence (B).

A. L'organisation du tribunal de grande instance

-L'appellation « tribunal de grande instance » a été introduite par la loi du 22 décembre 1958. Le tribunal de grande instance est l'ancêtre du « tribunal de district » créé en 1790 par l'Assemblée Constituante, lui-même rebaptisé « tribunal civil » sous le Consulat.

-En principe, il existe au moins un tribunal de grande instance par département, mais cette règle n'est pas absolue. En effet, depuis 1958, le tribunal de grande instance n'est plus rattaché à une circonscription administrative déterminée (avant 1958, il était rattaché à l'arrondissement : un tribunal de grande instance par arrondissement). Ainsi, certains départements n'ont aucun tribunal de grande instance. D'autres en ont plusieurs en raison de l'activité judiciaire ou encore de la densité de la population.

-Nous étudierons successivement la composition du tribunal de grande instance (1), puis son fonctionnement (2).

La composition du tribunal de grande instance

-La loi prévoit une composition minimum pour chaque tribunal de grande instance. Au minimum, chaque tribunal de grande instance est composé : --de trois magistrats du siège (1 président et 2 assesseurs) ;

--d'un ministère public comprenant 1 procureur de la République ainsi que 1 ou plusieurs substituts ;

--un secrétariat-greffe tenu par un greffier en chef et de 1 ou plusieurs greffiers.

-Encore une fois, il ne s'agit ici que d'une exigence minimale posée par la loi. Certains tribunaux de grande instance importants (Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux) comprennent bien évidemment un nombre beaucoup plus important de magistrats tant du siège que du parquet. A titre d'exemple, le tribunal de grande instance de Paris comprend plus de 230 juges répartis en quelque 31 chambres.

Le fonctionnement du tribunal de grande instance

-Le tribunal de grande instance se compose de formations ayant une fonction juridictionnelle (a) et de formations ayant une fonction purement administrative (b).

a. Les formations juridictionnelles du tribunal de grande instance -

Elles sont au nombre de trois : la formation collégiale (a), le juge unique (b) et la juridiction présidentielle (c).

a. La formation collégiale

-La formation collégiale est la formation juridictionnelle de principe. Elle est composée d'un minimum de trois membres (1 président et 2 assesseurs qui forment ensemble une « chambre » du tribunal de grande instance).

-Cette formation rend des jugements.

-Elle se réunit en principe en audience publique. Mais, dans plusieurs hypothèses, elle peut également se réunir en « chambre du conseil », c'est-à-dire à huis clos (hors la présence du public) :

--en matière gracieuse (dans laquelle il n'existe, par hypothèse, aucune contestation -art. 435 CPC. Ex. changement de prénom ; demande de nationalité française, adoption, divorce par consentement mutuel, disparition, absence...).

--en matière contentieuse :

---dans les hypothèses prévues expressément par la loi (filiation, divorce, mineurs...).

---sur décision du président du tribunal de grande instance. En effet, le président du tribunal de grande instance peut prononcer le huis clos dans trois hypothèses différentes :

----lorsqu'il existe un risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée ;

----lorsqu'il existe un risque de désordre de nature à troubler la sérénité de la justice ;

----lorsque les parties, d'un commun accord, le demandent.

-Rappelons que, même si l'audience est tenue à huis clos, le jugement quant à lui sera toujours prononcé publiquement.

b. Le juge unique

-La loi prévoit la possibilité pour le tribunal de grande instance de statuer à juge unique. Il s'agit là d'une formation juridictionnelle qui doit être considérée comme étant exceptionnelle, le principe demeurant la collégialité.

-Ici, un seul magistrat va trancher le litige. Tel sera le cas dans deux hypothèses bien particulières :

--le juge unique en vertu d'une décision du président du tribunal de grande instance :

---le président du tribunal de grande instance peut en effet attribuer une affaire à un juge unique, pour des raisons de célérité, notamment lorsque la solution de l'affaire est simple.

---cela est possible dans toutes les matières relevant de la compétence d'attribution du tribunal de grande instance, sauf en matière disciplinaire ainsi que dans le domaine de l'état des personnes où la collégialité s'impose toujours. d'attribuer une affaire à un juge unique, les plaideurs disposent toujours de la possibilité de demander le renvoi à la collégialité.

--le juge unique en vertu de la loi. En effet, il existe des hypothèses dans lesquelles la loi ellemême attribue une affaire à un juge unique.

Exemples :

---le juge aux affaires familiales ;

---le juge de l'expropriation qui a pour mission de fixer le montant des indemnités ;

---le juge de l'exécution crée par la loi du 5 juillet 1972 qui a pour mission de statuer sur les titres exécutoires en cas de difficultés ; ---le juge des accidents de la circulation crée par la loi du 5 juillet 1985. Cette loi précise cependant que les parties pourront demander le renvoi à la juridiction collégiale.

c. La juridiction présidentielle

-Le président du tribunal de grande instance a des pouvoirs juridictionnels qui lui sont propres. En effet, la loi lui donne le pouvoir de statuer, tantôt de manière définitive, tantôt de manière provisoire :

--il statue définitivement pour la matière de louage d'immeuble à usage commercial, artisanal ou industriel, et uniquement pour les litiges portant sur la fixation du prix d'un bail renouvelé ou révisé.

--il statue de manière provisoire dans deux hypothèses :

---en référé. Il s'agit d'une procédure d'urgence qui permet au président d'ordonner immédiatement les mesures provisoires qui s'imposent (art. 808 et 809 CPC). Cette procédure est contradictoire.

---sur requête. Il s'agit d'un recours commandé par la nécessité d'obtenir une décision à l'insu de son adversaire. En effet, pour être efficace, certaines mesures supposent un effet de surprise. Contrairement à la procédure en référé, la procédure sur requête n'est pas contradictoire.

b. Les formations administratives du tribunal de grande instance

-Au sein d'un tribunal de grande instance, les fonctions administratives sont exercées :

--tout d'abord par le Président. Celui-ci :

---assure le bon fonctionnement de la juridiction ;

---répartit les affaires entre les différentes chambres de la juridiction ;

---surveille la détermination des jurés en Cour d'assises ;

---tient les registres de l'état civil.

--ensuite par l'Assemblée générale du tribunal de grande instance, laquelle comprend l'ensemble des membres du tribunal de grande instance. Celle-ci : ---détermine le contenu du règlement intérieur de la juridiction ; ---détermine les jours et heures d'audience ;

---répartit les matières entre les différentes chambres de la juridiction.

B. La compétence du tribunal de grande instance -Le tribunal de grande instance est la seule juridiction civile de droit commun. Aussi, elle a vocation à statuer sur tous les litiges qui ne relèvent pas expressément de la compétence d'une autre juridiction.

-Les choses sont toutefois un peu plus compliquées. En réalité, même si le tribunal de grande instance est une juridiction de droit commun, il a, outre une compétence de principe (1), une compétence exclusive (2).

La compétence de principe du tribunal de grande instance

-Le tribunal de grande instance a une compétence de principe pour connaître, en première instance, de tous les litiges de nature privée non attribués à une autre juridiction et dont le montant en cause est supérieur à 10.000 euros.

-Quatre remarques :

--premièrement : cette compétence de principe concerne tous les litiges de nature privée, et donc les litiges en matière personnelle, mobilière et immobilière.

--deuxièmement : cette compétence de principe ne concerne que les litiges de nature privée. Ne relèvent donc pas de sa compétence les litiges de nature publique qui relèvent de l'ordre administratif.

--troisièmement : parmi les litiges de nature privée, ne relèvent de la compétence de principe du tribunal de grande instance que ceux qui n'ont pas été expressément attribués à une autre juridiction. Sont ainsi exclus de la compétence de principe du tribunal de grande instance les affaires en droit du travail, les affaires commerciales, les affaires rurales ou encore les affaires de la sécurité sociale.

--quatrièmement : seuls les litiges de nature privée présentant une certaine importance relèvent de la compétence du tribunal de grande instance. En effet, seuls les litiges d'un montant supérieur à 10.000 euros sont traités par le tribunal de grande instance. Ce seuil constitue le « taux du ressort » du tribunal de grande instance.

Plusieurs observations concernant le taux du ressort du tribunal de grande instance :

---ce montant de 10.000 euros a été fixé par la loi du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance (V. aussi son décret d'application n°2005-460 du 13 mai 2005), Cette loi est entrée en vigueur le 27 avril 2005. Signalons qu'avant cette loi, le taux du ressort du tribunal de grande instance était fixé à 7.600 euros.

---ce montant de 10.000 euros correspond au montant minimal de la demande. Ce montant est déterminé directement par la partie demanderesse. Pour les demandes d'un montant indéterminé (p.e. demande de destruction d'un mur), elles relèvent toujours de la compétence du TGI (art. 40 CPC).

---les jugements rendus par le tribunal de grande instance sont toujours susceptibles d'appel et de pourvoi en cassation. Le tribunal de grande instance juge donc en premier ressort uniquement.

---enfin, quant est-il des litiges de nature privée dont le montant n'est pas supérieur à 10.000 euros ? Ces litiges relèvent de juridictions spécialisées, et notamment du juge de proximité (pour les demandes d'un montant compris entre 1 et 4.000 euros) et du tribunal d'instance (pour les demandes d'un montant compris entre 4.001 et 10.000 euros).

Les compétences exclusives du tribunal de grande instance

-On appelle « compétences exclusives » les compétences qui appartiennent toujours au tribunal de grande instance, quel que soit le montant de la demande (donc même pour les demandes d'un montant inférieur à 10.000 euros).

-Ce sont des matières dans lesquels le tribunal de grande instance dispose d'un monopole, ce monopole pouvant s'expliquer par l'existence d'un parquet permanent ainsi que par la collégialité de la formation de jugement. --le tribunal des affaires de la sécurité sociale (F).

A. Le tribunal d'instance

-Une remarque préalable s'impose : le tribunal d'instance est parfois qualifié de juridiction de droit commun, aux côtés du tribunal de grande instance. Pourtant, il s'agit bel et bien d'une juridiction spécialisée puisque la loi limite expressément les matières relevant de sa compétence.

-Nous étudierons successivement l'organisation du tribunal d'instance (1) puis les règles qui fondent sa compétence (2).

L'organisation du tribunal d'instance

-Le tribunal d'instance a remplacé en 1958 les juges de paix qui avaient été créés par l'Assemblée Constituante.

-En principe, il existe aujourd'hui un tribunal d'instance par arrondissement. Cette règle n'est cependant pas absolue. Il peut en effet exister plusieurs tribunaux d'instance dans un même arrondissement. A l'inverse, certains arrondissements ne sont le siège d'aucun tribunal d'instance.

-Cinq observations :

--premièrement, le tribunal d'instance est composé d'un ou plusieurs juges qui statuent seul. C'est donc une juridiction à juge unique.

--deuxièmement, les juges qui composent le tribunal d'instance sont des magistrats du tribunal de grande instance nommé pour trois ans renouvelables pour assurer le service du tribunal d'instance. On dit que le tribunal d'instance est « dans la mouvance » du tribunal de grande instance. En effet, il n'a aucun effectif propre.

--troisièmement, il n'existe aucun parquet permanent au sein du tribunal d'instance. Aussi, lorsque cela est nécessaire, le tribunal d'instance pourra faire appel au procureur de la République du tribunal de grande instance.

--quatrièmement, le juge d'instance peut également siéger dans deux autres juridictions :

---il préside régulièrement le tribunal paritaire des baux ruraux ;

---il intervient ponctuellement au sein du conseil de prud'hommes en qualité de juge départiteur lorsqu'il existe un partage des voix entre conseillers prud'homaux employeurs et salariés.

--cinquièmement, il entre traditionnellement dans les attributions du juge d'instance une mission de conciliation. En effet, l'un des rôles du juge d'instance est de concilier les parties avant de trancher le litige en droit. Cette mission lui est dévolue par les articles 840 et 847 CPC. Plusieurs remarques concernant la mission de conciliation du juge d'instance ---tout d'abord, la tentative préalable de conciliation est en principe menée par le juge (art. 831 CPC). Cependant, en raison de l'augmentation du contentieux devant le tribunal d'instance, le juge d'instance n'est plus toujours à même de remplir convenablement son rôle de conciliateur. Pour lui venir en aide dans cette tâche, le législateur a alors institué des conciliateurs de justice (Décret du 20 mars 1978 modifié par le décret du 22 juillet 1996). Ces conciliateurs ne possèdent pas la qualité de magistrat. Ils exécutent leur mission de conciliation bénévolement. Ils sont nommés, pour une période d'un an, par ordonnance du premier président de la Cour d'appel sur proposition du juge d'instance.

α. Compétences spéciales en matière contentieuse

-En matière contentieuse, le tribunal d'instance connaît essentiellement cinq compétences spéciales :

1°. Compétence spéciale en matière de louage d'immeubles à usage d'habitation

-Le juge d'instance est spécialement compétent pour les actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation est l'objet. Cette compétence spéciale est issue de la loi du 26 janvier 2005.

-Plusieurs remarques :

--le tribunal d'instance détient en cette matière une compétence spéciale et, pour être exacte, exclusive puisqu'il connaît des litiges en matière de louage d'immeuble même si la valeur de la demande est inférieure à 4.001 euros ou supérieure à 10.000 euros. Le montant du litige est ici indifférent.

--toutefois, signalons que le tribunal d'instance intervient en cette matière en premier et dernier ressort lorsque la demande est inférieure ou égale à 4.000 euros. Il intervient en premier ressort lorsque la demande est supérieure à 4.001 euros.

--ensuite, signalons que la compétence spéciale du tribunal d'instance porte ici sur les baux d'habitation, et uniquement sur eux. Les litiges relatifs aux baux commerciaux ou encore aux baux ruraux ne relèvent donc pas de la compétence spéciale du juge d'instance.

--depuis la loi du 26 janvier 2005, la compétence spéciale du tribunal d'instance porte également sur les actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles d'habitation (expulsion des « squatteurs »).

--depuis la loi du 26 janvier 2005, le juge d'instance peut également intervenir en référés pour ordonner l'expulsion d'un locataire. Auparavant, ce pouvoir n'était reconnu qu'au président du tribunal de grande instance.

2°.

Compétence spéciale en matière de protection des consommateurs.

-Depuis la loi du 26 janvier 2005, le tribunal d'instance a encore compétence spéciale pour les litiges nés de l'application de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs en matière de crédit à la consommation.

-Plusieurs remarques, là encore :

--le tribunal d'instance détient en cette matière une compétence spéciale et, pour être exacte, exclusive puisqu'il connaît des litiges en matière de crédit à la consommation même si la valeur de la demande est inférieure à 4.001 euros ou supérieure à 10.000 euros. Le montant du litige est ici indifférent.

--toutefois, signalons que le tribunal d'instance intervient en cette matière en premier et dernier ressort lorsque la demande est inférieure ou égale à 4.000 euros. Il intervient en premier ressort lorsque la demande est supérieure à 4.000 euros.

3°. Compétence spéciale dans les matières prévues aux articles R. 321-6 à R. 321-8 COJ.

-Le juge d'instance est encore spécialement compétent dans les matières prévues aux articles R. 321-6 à R. 321-8 COJ. Ces matières sont, notamment : --le tribunal d'instance n'est compétent dans ces matières que pour autant que la demande porte sur une somme supérieure à 4.000 euros. En deçà, ces matières relèvent de la compétence du juge de proximité.

--le tribunal d'instance est compétent dans ces matières dès lors que la demande porte sur une somme supérieure à 4.000 euros. Ainsi, même si la demande porte sur une somme supérieure à 10.000 euros, sera compétent toujours le tribunal d'instance et jamais le tribunal de grande instance.

--dans ces matières, le tribunal d'instance rend toujours des jugements à charge d'appel.

4°. Compétence spéciale dans les matières prévues à l'art. R. 321-9 COJ.

-Le juge d'instance est encore spécialement compétent dans les matières prévues à l'art. R. 321-9 COJ. Ces matières sont, notamment : --actions en bornage. Le bornage consiste à délimiter deux fonds de terre contigus en plaçant des bornes sur les limites des propriétés. De manière plus précise, le bornage consiste à déterminer définitivement la ligne divisoire entre deux fonds contigus appartenant à des propriétaires différents par des signes matériels que l'on appelle des bornes.

--actions relatives aux plantations d'arbres. Selon l'art. 671 C. civ., il n'est permis d'avoir des arbres près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements ou, à défaut de règlements, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux propriétés pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi mètre pour les autres plantations. Selon l'art. 672 C. civ., le voisin peut exiger que les arbres plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés ou réduits à la hauteur légale.

--actions relatives à élagage des arbres.

-Plusieurs remarques :

--le tribunal d'instance est compétent dans ces matières quelle que soit la valeur du litige (même inférieure à 4.000 euros ou supérieure à 10.001 euros).

--dans ces matières, le tribunal d'instance intervient toujours à charge d'appel.

5°. Compétence spéciale en matière d'injonction de payer et d'injonction de faire (art. 1406 et 1425-1 CPC).

-Qu'appelle-t-on, en procédure civile, « injonction de payer » et « injonction de faire » ?

-En 1988, le législateur a voulu donner aux particuliers une procédure simple et rapide qui leur permette d'obtenir soit la livraison de ce qui leur est dû, soit le paiement de la somme qui leur est due (décret du 4 mars 1988).

-Il suffit d'adresser une simple requête au juge d'instance avec les pièces justificatives :

--le juge d'instance peut rejeter la demande et le demandeur pourra alors encore agir par la voie ordinaire ; --le juge d'instance peut également recevoir la demande est prononcera alors, par ordonnance, une injonction de faire ou de payer.

Dans cette hypothèse, le défendeur pourra s'opposer à l'ordonnance pendant un mois :

---s'il ne le fait pas, l'ordonnancement pourra alors acquérir force de chose jugée.

---s'il le fait, le tribunal examinera alors la demande contradictoirement lors d'une prochaine audience.

-Le contentieux des injonctions de faire ou de payer relève de la compétence spéciale du tribunal d'instance.

-Plusieurs remarques :

--en matière d'injonction de payer, le tribunal d'instance est compétent dès lors que la créance due au demandeur est supérieure à 4.000 euros (art. 1406 CPC). En deçà de ce seuil, la demande d'injonction de payer doit être adressée au juge de proximité. Au delà de ce seuil, le juge d'instance sera toujours compétent, même si la demande d'injonction de payer porte sur une créance d'un montant supérieur à 10.000 euros.

--en matière d'injonction de faire, le tribunal d'instance ne peut être saisi que si la valeur de la prestation dont l'exécution est demandée est comprise dans les limites de la compétence générale du tribunal d'instance, c'est-à-dire entre 4.001 euros et 10.000 euros (art. 1425-1 CPC). En deçà de ce seuil, la demande d'injonction de faire doit être adressée au juge de proximité. Au-delà de ce seuil, seul le tribunal de grande instance aura compétence pour connaître du litige β. Compétences spéciales en matière gracieuse -En matière gracieuse, le juge d'instance est spécialement compétent en matière :

B. La juridiction de proximité

-La juridiction de proximité est la plus jeune des juridictions judiciaires françaises. Elle a été créée par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002.

-Deux observations préalables s'imposent :

--la première observation préalable porte sur les raisons d'être de la juridiction de proximité : C'est la campagne de l'élection présidentielle d'avril à mai 2002 qui est à l'origine des juridictions de proximité créée par la loi du 9 septembre 2002. Deux des principaux candidats (M. Jospin -M. Chirac) avaient en effet prévu de créer de telles juridictions, plus exactement d'instituer des juges non professionnels pour juger les petits litiges civils ou encore certaines contraventions de police. Le candidat élu en a fait l'une des priorités de son action gouvernementale. C'est ainsi que, quelques mois à peine après les élections, a été votée la loi du 9 septembre 2002 instituant dans le ressort de chaque cour d'appel, des juridictions dénommées « juridictions de proximité » (art. L.331-1 COJ).

Les objectifs affichés de ces nouvelles juridictions ont été : ---tout d'abord, désengorger les tribunaux d'instance ;

---ensuite, permettre une justice plus rapide et moins coûteuse ;

---enfin, rapprocher, pour les petits litiges, la personne appelée à juger des parties.

--la deuxième observation préalable porte sur l'hostilité manifestée par les juges professionnels à l'égard de la juridiction de proximité :

Il est vrai que des incompréhensions, pour ne pas dire une profonde hostilité, se sont manifestées à l'encontre de cette nouvelle juridiction, hostilité venant essentiellement du corps judiciaire et notamment des juges d'instance.

Les raisons de cette hostilité sont connues :

---le juge de proximité n'est pas nécessairement un professionnel du droit. Or les litiges, quelle que soit leur valeur, pose des problèmes juridiques et techniques qui ne peuvent être résolues que par une personne spécialisée. Il s'agit là d'un contentieux difficile que la faiblesse du montant du litige n'atténue en rien.

---le juge de proximité statue en premier et dernier ressort. Il n'existe donc contrôle sur les décisions qu'il rend, si ce n'est que le contrôle de la Cour de cassation, contrôle fort illusoire puisque les plaideurs renoncent souvent à se pourvoir en cassation dans les litiges de faible valeur.

L'hostilité farouche des magistrats professionnels vis-à-vis des juges de proximité se manifeste de différentes manières, encourageant ainsi la démission des juges de proximité : participation imposée à des commissions non rétribuées, calcul mesquin des vacations, pas d'association à la vie de la juridiction, fixation des audiences sans aucune concertation etc.

Cette hostilité n'est pas totalement justifiée :

---d'une part, l'idée d'une participation de simples citoyens à l'oeuvre de la justice existe dans tous les Etats européens ; ---d'autre part, en France, les citoyens participent déjà à l'oeuvre de la justice dans certaines juridictions spécialisées, sans que cela nuise au bon fonctionnement de ces juridictions ou encore à la qualité de la Justice qui y est rendue (cours d'assises, tribunaux paritaires des baux ruraux, tribunaux des affaires de la sécurité sociale, tribunaux de commerce, conseil des prud'hommes...).

Soulignons, pour terminer, que le 18 janvier 2008, le Ministre de la Justice Rachida Dati a installé une Commission de réflexion sur la répartition des contentieux dite « Commission Guinchard » du nom de son président Serge Guinchard. Cette commission, composée de professionnels du droit et d'universitaires, a rendu son rapport au Garde des Sceaux le 30 juin 2008. Elle préconise la disparition pure et simple de la juridiction de proximité (proposition n°22).

L'organisation de la juridiction de proximité

-Deux points seront ici abordés : tout d'abord, l'organisation générale de la juridiction de proximité (a), puis ses liens avec le tribunal d'instance (b). a. L'organisation générale de la juridiction de proximité -L'organisation générale de la juridiction de proximité repose sur deux règles essentielles : c'est une juridiction qui est administrée par le tribunal d'instance (a) ; comme le tribunal d'instance, elle est elle aussi à juge unique (b).

a. Une juridiction administrée par le tribunal d'instance

-Le siège et le ressort des juridictions de proximité sont fixés par décret pris en Conseil d'État :

--en principe, le juge de proximité siège dans les locaux du tribunal d'instance. A termec'est-à-dire en 2008 -, il devrait exister au moins un juge de proximité par tribunal d'instance.

--par exception, il est possible au juge de proximité de tenir des audiences foraines en « tout lieu public approprié ». Certaines conditions fixées par décret doivent toutefois être respectées. Ainsi, le juge de proximité peut tenir son audience dans les mairies avec l'accord du maire ou encore, de manière plus générale, dans tout local ouvert au public et aménagé à cet effet.

-La loi n°2003-153 du 26 février 2003 portant statut des juges de proximité précise que c'est le magistrat du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance qui organise l'activité et les services de la juridiction de proximité. C'est donc lui qui fixe, par ordonnance annuelle, la répartition des juges de proximités dans les différents services de la juridiction. Pour cela, il doit recueillir l'avis du président du tribunal de grande instance concerné.

-Par ailleurs, c'est le greffier du tribunal d'instance qui est chargé d'assurer le greffe de la juridiction de proximité.

-Enfin, les juges de proximité sont inspectés annuellement par le président et le procureur du tribunal de grande instance.

b. Une juridiction à juge unique

-La juridiction de proximité statue à juge unique. Le recrutement (1°) ainsi que le statut (2°) de ce juge unique sont très précisément réglementés par le Code de l'organisation judiciaire.

1° Le recrutement du juge de proximité -Les juges de proximité sont recrutés par nomination ministérielle. Peuvent être nommés juges de proximité par le Ministre de la justice différentes catégories de personnes, dont :

--les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;

--les personnes âgées de 35 ans au moins. Ces personnes doivent satisfaire à une double condition :

---être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat (Master I).

---pouvoir justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique.

--les personnes justifiant de 25 années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires ; --les anciens fonctionnaires de catégorie A, les anciens militaires et autres anciens agents de l'État que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires.

-Le recrutement ne suppose aucun examen, aucun concours. Leur recrutement se fait par nomination ministérielle. En effet, un dossier de candidature doit être déposé auprès de la Cour d'appel qui le transmettra au Ministre de la justice. Ce dernier décidera de la suite à donner à la candidature après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature.

-Plusieurs observations :

--les juges de proximité prêtent serment lors de leur entrée en fonction ;

--les juges de proximité suivent une formation de cinq jours à l'ENM de Bordeaux. Ils prendront essentiellement connaissance, pendant ces 5 jours, des règles déontologiques qui leur sont applicables ;

--les juges de proximité sont nommés pour 7 ans, non renouvelables. Bien évidemment, un juge de proximité peut librement démissionner pendant son mandat ; Plusieurs remarques relatives aux vacations :

--tout d'abord, les vacations de ce juge unique sont précisément fixées par les textes. Ainsi, ces derniers énoncent qu'un juge de proximité ne peut accomplir qu'un maximum de 15 vacations par mois et 132 par an sur onze mois, ce qui correspond environ à une audience par semaine ;

--ensuite, chaque vacation donne bien évidemment droit à une indemnité, appelée « indemnité forfaitaire de vacation » ; --enfin, puisqu'il n'exerce ses fonctions qu'à temps partiel, le juge de proximité peut donc poursuivre une activité professionnelle. Il existe cependant quelques incompatibilités. Notamment, les membres des professions libérales juridiques et judiciaires ne peuvent pas exercer les fonctions de juge de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel ils ont leur domicile professionnel.

-Ce juge unique, qui ne porte pas la robe de magistrat, porte cependant un insigne autour du cou. Le Code de l'organisation judiciaire précise par ailleurs que le juge de proximité qui exerce encore une autre activité professionnelle ne peut pas faire état de sa qualité de juge dans sa vie professionnelle. Par exemple, il ne peut pas le mentionner sur ses cartes de visites professionnelles.

b. Les liens avec le juge d'instance

-Il existe plusieurs liens entre le juge de proximité et le juge d'instance. Nous savons déjà que la juridiction de proximité siège en principe dans les locaux du tribunal d'instance. Nous savons également que le greffe de la juridiction de proximité est celui du tribunal d'instance.

-D'autres liens doivent encore être mentionnés. Ils correspondent à deux hypothèses bien distinctes :

--d'une part, lorsqu'un juge de proximité a été nommé, la collaboration entre le juge de proximité et le juge d'instance se manifeste de deux manières différentes :

---le juge de proximité peut être remplacé temporairement par le juge d'instance. Ce remplacement doit être justifié par l'absence momentanée ou l'empêchement momentané du juge de proximité. Le remplacement est ordonné par le président du tribunal de grande instance, par ordonnance ;

---le juge de proximité peut renvoyer l'affaire au juge d'instance qui statuera alors en tant que juge de proximité. Ce renvoi est possible lorsque le juge de proximité est saisi d'une affaire dans laquelle il se heurte à une difficulté juridique sérieuse portant soit sur l'application d'une règle de droit, soit sur l'interprétation du contrat liant les parties. Ce renvoi est possible soit d'office, soit sur la demande d'une partie.

--d'autre part, lorsque aucun juge de proximité n'a encore été nommé, la loi du 9 mars 2004 prévoit alors que les fonctions de juge de proximité seront exercées, jusqu'à cette nomination, par le juge d'instance. Ici, nul besoin d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance. Le juge d'instance exercera les fonctions de juge de proximité de plein droit.

La compétence de la juridiction de proximité

-Initialement, la juridiction de proximité était compétente au civil pour les actions personnelles ou mobilières portant sur un montant inférieur ou égal à 1.500 euros.

-La loi du 26 janvier 2005 revoit la compétence du juge de proximité. Plusieurs modifications ont été apportées par ce texte:

--première modification : le juge de proximité est désormais compétent au civil pour toutes les affaires personnelles ou mobilières portant sur un montant inférieur ou égal à 4.000 euros (art. L. 231-3 al. 1 er COJ). Ses décisions sont toujours rendues en premier et dernier ressort. L'appel n'est donc pas possible. Seul un pourvoi en cassation -fort illusoire en raison de son coût et de sa longueur -est possible.

Pour un exemple de cassation d'un jugement rendu par un juge de proximité : dans une récente affaire, plusieurs personnes avaient saisi le juge de proximité de Toulon. Elles avaient réservé par internet un mobil home de 20m2 pour la période du 19 juillet 2003 au 9 août 2003 pour 1365 euros.. Or, arrivées sur place, ces personnes déchantent : fuites de gaz ; panné de réchaud ; fourmis dans les placards ; toilettes bruyantes, cassées et scotchées ; chasse d'eau déficiente ; congélateur hors service ; douche non raccordée ; moustiques et frelons ; mauvaises odeurs ; compteur d'électricité disjoncté ; serrure cassée... Elles saisissent le juge de proximité e Toulon et demande le remboursement du prix de la location. -Le juge de proximité de Toulon leur donne satisfaction. En outre, il condamne le bailleur à une amende civile de 1500 euros. Les termes du jugement étaient les suivants : « le bailleur n'a pas craint d'exclure du champ d'examen du litige ici soumis, ce dont la juridiction de céans se devra de tirer les conséquences légales applicables à ces agissements là encore volontaires, d'une grossière déloyauté et révélateurs de la mauvaise foi aiguë et du grave manquement au respect dû à la Justice, ensemble d'éléments qui démontre la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici le bailleur dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que l'est la surface habitable de sa caravane dont la satisfaction des clients qu'il parvient à séduire en les trompant sur les qualités substantielles du bien loué ne figure absolument pas au nombre de ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie ». -Le bailleur, qui ne pouvait interjeter appel, s'est pourvu en cassation. Par un arrêt rendu le 14 septembre 2006, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation casse le jugement rendu par le juge de proximité de Toulon sur le fondement de l'art. 6 §1 Conv. EDH aux termes duquel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ». Or le juge de Toulon ne l'était absolument pas ! (V. JCP G 2006, Actualités, n°537).

--deuxième modification : le juge de proximité connaît également, mais cette fois ci à charge d'appel, des demandes indéterminées qui trouvent leur origine dans l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4.000 euros (art. L. 231-3 al. 2 COJ). Par exemple, une action en garantie des vices cachés peut être portée devant le juge de proximité si le prix de vente de la chose vendue ne dépasse pas 4.000 euros. Plus généralement, cette hypothèse concerne toute action en nullité ou en résolution d'un contrat dont l'obligation n'excède pas 4.000 euros.

--troisième modification : la loi du 26 janvier 2005 accorde désormais compétence expresse au juge de proximité pour connaître en dernier ressort des actions relatives à l'application de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 sur l'amélioration des rapports locatifs, c'est-à-dire des demandes concernant le dépôt de garantie par le locataire et, notamment, sa restitution, mais seulement dans la limite de 4.000 euros. Au delà de ce seuil, on retrouvera la compétence du tribunal d'instance.

--quatrième modification : le juge de proximité peut également connaître, dans la limite de sa compétence, des demandes d'injonction de payer (art. 1406 CPC -donc de 1 à 4.000 euros) et des demandes d'injonction de faire (art. 1425-1 CPC -donc pour les créances d'une valeur comprise entre 1 et 4.000 euros). Ces compétences lui ont été attribuées par le décret du 23 juin 2003 pris en application de la loi du 9 septembre 2002.

--cinquième modification : le juge de proximité peut dorénavant être saisi tant par une personne physique que par une personne morale, ce qui n'était pas possible sous l'empire de la loi du 9 septembre 2002.

--sixième modification : le juge de proximité peut également être saisi à présent par une personne physique pour ses besoins professionnels. --d'autre part, le tribunal de commerce n'est seulement l'une des plus anciennes juridictions de l'ordre juridique français. C'est également la seule juridiction qui ait été maintenue à la Révolution de 1789. En effet, la plupart des juridictions ont été abolies par l'Assemblée constituante. Seuls les tribunaux de commerce ont survécu aux réformes révolutionnaires.

-Actuellement, les tribunaux de commerce fonctionnent toujours sur le même modèle. Ils sont notamment composés de commerçants élus appelés « juges consulaires ».

-Ce modèle ancestral est aujourd'hui critiqué:

--Plusieurs propositions de réformes ont ainsi été faites. Toutes visent à introduire au sein du tribunal de commerce des magistrats de carrière rémunérés, aux côtés des juges consulaires bénévoles.

--Ces derniers ont cependant toujours été hostiles à ces propositions de réforme, et l'ont exprimé en démissionnant massivement, compromettant pendant un temps le bon fonctionnement des tribunaux de commerce. C'est pour cette raison qu'aucune proposition de réforme n'a jamais aboutie.

-Nous étudierons successivement l'organisation du tribunal de commerce (1), puis sa composition (2) et, enfin, sa compétence (3).

L'organisation du tribunal de commerce

-En principe, il existe aujourd'hui environ un tribunal de commerce par arrondissement (soit 191 tribunaux de commerce pour la France entière). Tel est cependant le principe. En effet, la création et la suppression d'un tribunal de commerce se font en fonction de l'activité commerciale de chaque région.

Lorsqu'il n'existe aucun tribunal de commerce dans une région géographique, les affaires commerciales sont alors jugées par le tribunal de grande instance statuant commercialement, c'est-àdire en appliquant les règles de procédure commerciale (art. L. 721-2 C. com.).

La composition du tribunal de commerce

-Le tribunal de commerce est composé de juges titulaires et de juges suppléants dont le nombre est fixé par décret. Ce nombre varie en fonction de l'importance de l'activité du tribunal. Par exemple, le tribunal de commerce de Paris compte à lui seul 166 juges.

-Deux observations :

--les juges du tribunal de commerce sont des juges occasionnels, dans la mesure où ils exercent leurs fonctions judiciaires tout en maintenant leur activité professionnelle. Pour cette raison, ils bénéficient d'une grande expérience professionnelle très utile au règlement des litiges commerciaux.

Notons par ailleurs qu'ils remplissent leurs fonctions bénévolement (art. L. 722-16 C. com.). Ils n'ont droit qu'à certaines indemnités en raison des frais qu'ils ont personnellement engagés pour l'accomplissement de leur mission.

--les juges du tribunal de commerce sont également des juges élus. Trois questions se posent alors :

---première question : comment ces juges sont-ils élus ? En réalité, l'élection est à deux degrés (Art. L. 723-2 et L. 723-3 C. com.) :

----tout d'abord, les commerçants de l'arrondissement élisent un collège électoral. Les membres élus de ce collègue sont appelés « délégués consulaires ». Le nombre de délégués varie en fonction de l'importance de la circonscription.

----puis, le collège électoral élit, avec les membres en exercice du tribunal de commerce ainsi que les anciens membres du tribunal de commerce ayant demandé à être inscrit sur la liste, les nouveaux membres du tribunal de commerce, c'est-à-dire les juges consulaires. Le scrutin est plurinominal majoritaire à deux tours (art. L. 723-9 s. C. com.). Sont déclarés élus au premier tour les candidats ayant obtenu un nombre de voix au moins égal à la majorité des suffrages exprimés et au ¼ des électeurs inscrits. Si aucun candidat n'est élu ou s'il reste des sièges à pourvoir, l'élection est acquise au second tour à la majorité relative des suffrages exprimés. Si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de voix au second tour, le plus âgé est proclamé élu.

---deuxième question : qui peut élire, c'est-à-dire participer au vote ? Pour être électeur, il faut être commerçant (commerçant personne physique ou commerçant personne morale), de nationalité française, remplir des conditions de bonne moralité et exercer le commerce dans l'arrondissement (art. L. 723-2 C. com.).

---troisième question : qui peut se faire élire, c'est-à-dire poser sa candidature aux fonctions de juge consulaires ? Pour être éligible, il faut être français, avoir 30 ans au moins, remplir des conditions de bonne moralité et avoir exercé la profession de commerçant pendant au moins 5 ans dans ou hors arrondissement. La loi n'exige aucune formation particulière (art. L. 723-4 s. C. com.).

La compétence du tribunal de commerce

-Cette compétence est inscrite aux articles L. 721-3 s. C. com. Ces textes distinguent nettement la compétence du président du tribunal de commerce (b) de celle du tribunal lui-même (a).

a. La compétence du tribunal de commerce

-Sauf dispositions contraires, les jugements du tribunal de commerce sont rendus par trois juges statuant en formation collégiale (art. L. 722-1 C. com.).

b. La compétence du Président du tribunal de commerce

D. Le conseil de prud'hommes

L'organisation du conseil de prud'hommes

a. La composition du conseil de prud'hommes

-Chaque conseil de prud'hommes comporte au minimum 40 conseillers. Sa composition est paritaire. En effet, le conseil de prud'hommes est composé pour moitié d'employeurs, et pour moitié de salariés.

a. Les élections des conseillers prud'homaux

b. Le statut des conseillers prud'homaux

La compétence du conseil de prud'hommes

-La compétence d'attribution (a) doit être distinguée de la compétence territoriale (b).

a. La compétence d'attribution

-Les conseils de prud'hommes sont compétents pour statuer sur tous les litiges individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail ou d'apprentissage. Ils possèdent une compétence exclusive (art. L. 511-1 C. trav.). Ils sont compétents quel que soit le montant en jeu.

-Toutefois, il existe ici un taux du ressort :

--certaines décisions du conseil de prud'hommes ne peuvent pas faire l'objet d'un appel : celles relatives à un litige portant sur un montant inférieur ou égal à 4.000 euros ;

--certaines décisions du conseil de prud'hommes peuvent faire l'objet d'un appel : celles relatives à un litige portant sur un montant supérieur à 4.000 euros.

-Les litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail peuvent être de deux sortes :

--d'une part, les litiges entre employeurs et salariés :

---il faut qu'il s'agisse d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage ;

---il doit s'agir d'un litige entre personnes privées. Cependant, on admet la compétence des conseils de prud'hommes pour les litiges qui opposent employeurs et salariés de certains organismes publics ayant un statut de droit privé (p.e. les banques) ou entre les membres du personnel enseignant et certains établissements privés qui sont sous contrat avec l'État ;

---il doit s'agir de litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, ce qui englobe les litiges nés en cours de contrat, mais aussi certains litiges nés après l'expiration du contrat (p.e. litiges relatifs à l'exécution d'une clause de non concurrence) ; ---le litige doit avoir un caractère individuel, c'est-à-dire opposer un employeur à son salarié à l'occasion de la conclusion, de l'exécution ou de la dissolution du contrat de travail ou d'apprentissage du secteur privé. En aucun cas, le conseil de prud'hommes ne peut trancher un conflit collectif du travail (grève).

--d'autre part, les litiges entre salariés : le litige doit ici être né de la relation contractuelle de travail (ex. harcèlement moral ou sexuel).

b. La compétence territoriale

-Le Code du travail fixe plusieurs règles qui sont d'ordre public :

--en principe, le conseil de prud'hommes territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est effectué le travail (art. R. 517-1 al. 1 er C. trav.).

--ce principe connaît cependant deux exceptions :

---premièrement, si le travail est effectué en dehors de tout établissement ou à domicile, la demande doit être portée devant le conseil de prud'hommes du domicile du salarié ; ---deuxièmement, dans tous les cas, le salarié peut toujours saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté par lui ou celui du lieu où l'employeur est établi (art. R. 517-2 C. trav.). Seul le salarié bénéficie de cette option de juridiction, et jamais l'employeur.

E. Le tribunal paritaire des baux ruraux

-Le tribunal paritaire des baux ruraux est une juridiction spécialisée -d'exception -ayant reçu compétence exclusive de la loi pour juger le contentieux rural, et plus précisément le contentieux entre bailleurs ruraux et preneurs ruraux (art. L. 441-A C. rur.).

L'organisation du tribunal paritaire des baux ruraux

-Le tribunal paritaire des baux ruraux siège au sein du tribunal d'instance. Aujourd'hui, il en existe 476 en France.

-Le tribunal paritaire des baux ruraux a une composition échevinale de 5 membres, à savoir :

--2 représentants des bailleurs ;

--2 représentants des preneurs ;

--1 président, le juge d'instance.

-Les représentants des bailleurs ainsi que les représentants des preneurs (encore appelés encore « assesseurs ») sont des magistrats élus pour 6 ans. Ils prêtent serment devant le tribunal d'instance. Les élections ont lieu par collèges distincts : le collège des bailleurs dans lequel votent les propriétaires terriens et le collège des preneurs dans lequel vote le locataire.

-Les règles d'élection sont les mêmes, quel que soit le collège considéré. Elles sont définies par le Code de l'organisation judiciaire. Ainsi : --pour être électeur, il faut être âgé de 18 ans au moins, être français ou ressortissant d'un État de l'Union Européenne, jouir des droits civils, civiques et professionnels, être domicilié ou résider dans le ressort du tribunal paritaire des baux ruraux et être propriétaire de biens immobiliers faisant l'objet d'un bail rural.

--pour être éligible, il faut être âgé d'au moins 26 ans, être français ou ressortissant d'un État de l'Union Européenne, jouir des droits civils, civiques et professionnels, être domiciliés ou résider dans le ressort du tribunal paritaire des baux ruraux et posséder depuis 5 ans au moins la qualité de bailleur ou de preneur.

Le fonctionnement du tribunal paritaire des baux ruraux

-S'agissant du fonctionnement du tribunal paritaire des baux ruraux, plusieurs observations s'imposent :

--le tribunal paritaire des baux ruraux siège par session, en fonction du nombre des affaires à trancher. Ce n'est donc pas une juridiction permanente ; --le tribunal paritaire des baux ruraux comporte deux sections : la section des baux à ferme (la section est alors composée, en plus du juge d'instance, de deux bailleurs et de deux preneurs à ferme) et la section des baux à métayage (la section est alors composée, en plus du juge d'instance, de deux bailleurs et de deux preneurs métayers) ; --sauf dispositions contraires, les audiences du tribunal paritaire des baux ruraux sont publiques ;

--le tribunal paritaire des baux ruraux peut siéger à juge unique (le juge d'instance seul) s'il est impossible de réunir les assesseurs au complet. Dans ce cas, il recueille l'avis des assesseurs présents ;

--le président du tribunal paritaire des baux ruraux peut statuer sur requête et en référé.

La compétence du tribunal paritaire des baux ruraux

-S'agissant de sa compétence d'attribution : le litige doit opposer un propriétaire immobilier à son preneur métayer ou fermier pour l'application des dispositions du Code rural relatives au bail rural. Le tribunal paritaire des baux ruraux statue en premier et dernier ressort pour les litiges portant sur un montant inférieur ou égal à 4.000 euros. Au-delà, il statue à charge d'appel. L'appel sera examiné par la chambre sociale de la Cour d'appel.

-S'agissant de sa compétence territoriale : le tribunal paritaire des baux ruraux compétent est celui du lieu de situation de l'immeuble donné à bail rural (art. 880 CPC).

F. Le tribunal des affaires de la sécurité sociale

-Le contentieux juridique qui oppose les organismes de sécurité sociale aux assurés (assujettissement, cotisation, droit aux prestations...) est confié depuis une loi du 3 janvier 1985 au tribunal des affaires de la sécurité sociale.

-Nous étudierons successivement l'organisation du tribunal des affaires de la sécurité sociale (1) puis sa compétence (2).

L'organisation du tribunal des affaires de la sécurité sociale

-Le ressort territorial du tribunal des affaires de la sécurité sociale correspond à tout ou partie de la circonscription d'un organisme de sécurité sociale. Il est fixé par arrêté ministériel. Aujourd'hui, il existe 116 tribunaux des affaires de la sécurité sociale.

-Le tribunal des affaires de la sécurité sociale est également une juridiction échevinale, tout comme le conseil de prud'hommes et le tribunal paritaire des baux ruraux. En effet :

--il est présidé par un magistrat du tribunal de grande instance, désigné pour 3 ans par le premier Président de la Cour d'appel ;

--celui-ci est assisté par deux assesseurs, 1 représentant des travailleurs salariés et 1 représentant des travailleurs non salariés (employeurs et travailleurs indépendants).

Les assesseurs, juges non professionnels, ne sont pas élus mais nommés pour 3 ans par le premier Président de la Cour d'appel, après avis du président du tribunal des affaires de la sécurité sociale, sur une liste établie par le directeur régional de la sécurité sociale après proposition des organisations patronales et ouvrières les plus représentatives. Ne peuvent être nommées assesseurs que des personnes majeures, de nationalité française jouissant de tous leurs droits civils, civiques et professionnels.

Tous les assesseurs sont bénévoles. Seuls les frais de déplacement sont remboursés, ainsi que les indemnités pour perte de salaires ou de gains.

Les assesseurs prêtent serment devant le Cour d'appel.

La compétence du tribunal des affaires de la sécurité sociale

-S'agissant de la compétence d'attribution : le tribunal des affaires de la sécurité sociale statue sur tout litige relatif à l'application du droit de la sécurité sociale. Le tribunal des affaires de la sécurité sociale statue en premier et dernier ressort pour les litiges dont le montant est inférieur ou égal à 4.000 euros. Au-delà, un appel peut être interjeté contre ses jugements. L'appel sera alors examiné par la Chambre sociale de la Cour d'appel.

-S'agissant de la compétence territoriale : le tribunal des affaires de la sécurité sociale compétent est celui dans le ressort duquel se situe le domicile du bénéficiaire des prestations ou de l'employeur (art. R. 142-12 C. séc. soc.).

Le tribunal des affaires de la sécurité sociale connaît du contentieux général en matière de sécurité sociale. Il existe, à côté de ce tribunal, d'autres juridictions d'exceptions qui ont vocation à connaître du contentieux technique en matière de sécurité sociale (contentieux de nature médicale, c'est-à-dire les questions relatives à l'invalidité, à l'incapacité de travail, à l'inaptitude au travail, aux cures, aux soins...). Ces juridictions sont appelées « juridictions de l'incapacité ». Réglementées par les articles 190 à 239 du Code de la sécurité sociale, il s'agit notamment :

--les tribunaux du contentieux de l'incapacité composés, depuis une loi du 17 janvier 2002, d'un président magistrat de l'ordre judiciaire et d'assesseurs qui sont des employeurs, travailleurs indépendants ou salariés. Ils ont pour ressort territorial une direction régionale de Sécurité sociale.

--la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail située à Amiens. Elle est seule compétente pour recevoir les appels des jugements rendus par les tribunaux du contentieux de l'incapacité. Il s'agit d'une dérogation à la compétence exclusive de la cour d'appel. La composition de cette cour est la même que celle des tribunaux du contentieux de l'incapacité. Ses arrêts peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

S2. La juridiction civile du second degré

-Il n'existe qu'une seule juridiction civile du second degré : la Cour d'appel. Celle-ci succède aux parlements de l'Ancien Régime et aux tribunaux d'appel du Consulat.

-Rappelons qu'une bonne justice impose qu'une affaire puisse être réexaminée au fond et rejugée par une juridiction hiérarchiquement supérieure, composée de magistrats chevronnés qui jouissent d'une grande expérience dans l'art de dire le droit. La Cour d'appel exerce cette fonction en vertu du principe du double degré de juridiction.

-La Cour d'appel est une juridiction du second degré. A ce titre, elle examine et rejuge l'ensemble de l'affaire qui lui est soumise, c'est-à-dire analyse une nouvelle fois les faits de l'espèce et les questions de droit qu'ils posent. Elle rejuge l'affaire en fait et en droit.

-Nous allons voir successivement l'organisation de la Cour d'appel ( §1), puis son fonctionnement ( §2). §1. L'organisation de la Cour d'appel -C'est un décret en Conseil d'État qui détermine le siège, le ressort territorial, le nombre de chambres et la composition de chaque Cour d'appel. Il en existe 30 en France métropolitaine et 5 en Outre-mer.

Leur ressort couvre généralement plusieurs départements :

--en principe, le siège de la cour d'appel est fixé dans une grande métropole régionale. Chaque ressort couvre souvent entre deux et quatre départements, sauf pour la Cour d'appel de Paris et de Versailles.

--par exception, le siège de la cour d'appel peut être fixé dans une autre ville pour des raisons historiques (notamment, en Alsace, le siège de la Cour d'appel est fixé à Colmar, ce qu'avait souhaité Napoléon Bonaparte).

-La Cour d'appel comporte des magistrats de carrière appelés les « conseillers ». Leur nombre varie en fonction de l'étendue du ressort. Le plus souvent, la cour d'appel est divisée en chambres, chacune d'elles étant composée d'un président et de deux conseillers assesseurs.

-La cour d'appel est présidée par un premier Président. Elle comporte un Ministère public permanent représenté par un Procureur général assisté d'avocats généraux et de substituts généraux. §2. Le fonctionnement de la Cour d'appel -Nous étudierons successivement la juridiction de la Cour (A) puis celle du premier Président (B).

A. La juridiction de la Cour

-La Cour d'appel a vocation à connaître de tous les appels (1). Ces derniers sont examinés par des chambres spécialisées (2).

La compétence de la Cour

-Juridiction de droit commun du second degré, la Cour d'appel est compétente pour tous les appels rendus contre une juridiction de l'ordre judiciaire, qu'elle soit civile ou pénale.

Cette règle connaît cependant quelques exceptions dans lesquelles l'appel n'est pas examiné par la Cour d'appel, mais par une autre juridiction :

--ainsi, les appels interjetés contre les jugements rendus par les tribunaux du contentieux de l'incapacité (contentieux technique de la sécurité sociale) sont examinés non par la Cour d'appel, mais par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; --ainsi, les appels interjetés contre les décisions rendus par le juge des tutelles près le tribunal d'instance sont examinés non par la cour d'appel, mais par le tribunal de grande instance ; --ainsi, les appels interjetés contre les décisions rendus par le juge-commissaire près le tribunal de commerce sont examinés non par la cour d'appel, mais par le tribunal de grande instance.

-En dehors de ces exceptions, la Cour d'appel examine tous les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal d'instance, le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce, le conseil de prud'hommes, le tribunal paritaire des baux ruraux et le tribunal des affaires de la sécurité sociale. Chaque appel est examiné par la chambre spécialisée de la Cour d'appel.

-Lorsqu'elle connaît d'un appel, la Cour d'appel doit examiner et rejuger l'ensemble de l'affaire qui lui est soumise, c'est-à-dire analyser les faits de l'espèce et les questions de droit. Comme le premier juge, elle statue sur le fond de l'affaire. On dit que l'appel produit un « effet dévolutif » (art. 561 CPC) : la cour doit examiner le litige dans son intégralité, en fait et en droit. L'affaire est tout simplement « transportée » des juges de première instance au juge d'appel. Néanmoins, il existe deux limites à cet effet dévolutif : d'une part, la cour ne doit juger que les questions contestées du jugement ; d'autre part, les parties ne peuvent soumettre à la cour des demandes nouvelles, c'est-àdire qui n'avaient pas été formulées en première instance.

-Trois remarques finales :

--premièrement, il faut rappeler que toutes les décisions rendues par ces juridictions ne peuvent pas faire l'objet d'un appel. Seuls les jugements rendus en premier ressort peuvent être frappé par un appel. Les jugements rendus en premier et dernier ressort ne sont pas susceptibles d'appel. Dans cette hypothèse, un pourvoi en cassation reste cependant possible.

--deuxièmement, dix Cours d'appel ont une compétence exclusive -sur un plan national -en matière de propriété industrielle (brevets, dessins, modèles, marques...) pour juger des appels formés contre les décisions du directeur de l'institut national de la propriété intellectuelle.

--troisièmement, la Cour d'appel de Paris a une compétence exclusive -sur un plan national -pour examiner des appels formés contre les décisions rendues par le Conseil des Bourses de valeurs, du Conseil de la concurrence ou encore du Conseil du marché à terme.

L'existence de chambres spécialisées

-Chaque Cour d'appel est subdivisée en plusieurs chambres spécialisées : une chambre sociale, une chambre de l'instruction (anciennement chambre d'accusation), une chambre des appels correctionnels, une chambre des mineurs, une chambre commerciale et plusieurs chambres civiles.

-En principe, chaque chambre connaît des appels relevant de sa spécialité. Cependant, le principe vaut que chaque chambre à vocation à connaître de n'importe quels appels.

-Chaque chambre peut siéger soit en audience ordinaire (3 conseillers), soit en audience solennelle (5 conseillers).

La Cour d'appel statue en audience solennelle dans plusieurs hypothèses limitativement énumérées :

--lorsqu'elle statue sur renvoi après cassation ;

--lorsqu'elle statue sur les recours contre les décisions du Conseil de l'ordre des avocats ; --lorsqu'elle statue sur le contentieux des élections des barreaux.

B. La juridiction du premier Président

-En tant que chef de la Cour, le premier Président a des attributions importantes. Celles-ci sont non seulement administratives (1) mais également juridictionnelles (2).

Les attributions administratives du premier Président

-Pour les juridictions de son ressort, le premier Président :

--exerce un pouvoir de direction et de contrôle ;

--veille à la discipline des magistrats du siège des juridictions du ressort de la Cour d'appel ;

--est chargé de les noter tous les ans dans le cadre de leur avancement ;

--nomme les magistrats chargés de présider les Cour d'assises.

Les attributions juridictionnelles du premier Président

-Les attributions juridictionnelles du premier Président sont au nom de quatre :

--première attribution juridictionnelle : le premier Président statue seul sur les contestations d'honoraires des avocats. En première instance, le contentieux des contestations d'honoraires des avocats est attribué au bâtonnier de l'ordre des avocats auquel appartient l'avocat dont les honoraires sont contestés ; --deuxième attribution juridictionnelle : une nouvelle mission a été dévolue au premier président par les lois des 15 juin et 30 décembre 2000. Il lui incombe désormais de se prononcer sur les demandes d'indemnisation des personnes ayant été placées en détention provisoire et bénéficiant d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement (art. 149 à 149-4 CPP), ainsi que les montants des réparations des personnes ayant fait l'objet d'une révision de leur condamnation pénale par la chambre criminelle de la Cour de cassation (art. 626 CPP). Les décisions du premier président peuvent, dans les 10 jours de leur notification, faire l'objet d'un recours devant une commission nationale de réparation des détentions provisoires, placées auprès de la Cour de cassation (art. 149-3 CPP) ; --troisième attribution juridictionnelle : le premier Président rend encore des ordonnances sur requête (art. 958 CPC). Il s'agit là d'un pouvoir propre du premier Président qui suppose l'urgence à sauvegarder les droits d'une partie ou d'un tiers. Ici, les circonstances exigent que les mesures ne soient pas prises contradictoirement ; --quatrième attribution juridictionnelle : le premier Président rend également des ordonnances de référé.

Il existe deux types de référés :

---le référé pur et simple (art. 965 CPC) : le premier Président peut prendre toute mesure commandée par l'urgence, à condition qu'elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

---le référé en matière d'exécution provisoire (art. 523 à 526 CPC) : le premier Président peut soit arrêter l'exécution provisoire, soit l'ordonner :

----arrêter l'exécution provisoire : les premiers juges ont ici rendu une décision assortie d'une exécution provisoire. Cela signifie que la décision rendue par les premiers juges doit être exécutées immédiatement, même si les délais pour exercer une voie de recours ne sont pas encore écoulés ou, si une voie de recours a déjà été exercée, même si la juridiction nouvellement saisie ne s'est pas encore prononcée. Le plaideur peut alors s'adresser au premier Président pour lui demander d'arrêter l'exécution provisoire. Le plaideur ne peut cependant saisir le premier Président à cette fin que dans trois hypothèses : lorsque l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge est incompatible avec la nature de l'affaire ; lorsque l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; lorsque l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge est interdite par la loi.

----ordonner l'exécution provisoire : les premiers juges ont ici oublié de se prononcer sur l'exécution provisoire.

Chapitre 2 : Les juridictions pénales

S1. Les juridictions pénales d'instruction

-Les juridictions pénales sont chargées de réprimées les personnes ayant commises des infractions, en leur infligeant des peines. On les appelle aussi « juridictions répressives ».

-Il existe bon nombre de juridictions répressives. Il est possible de classer de deux manières différentes :

--première classification possible : on peut distinguer les juridictions pénales de droit commun qui ont une vocation de principe pour juger toutes les infractions, et les juridictions pénales spécialisées qui ne sont compétentes que dans les hypothèses strictement énumérées par la loi (en fonction de la nature de l'infraction ou de la qualité du délinquant -Exemples : les juridictions pour mineurs, les juridictions militaires ou encore les juridictions politiques).

--deuxième classification possible : on peut également distinguer les juridictions d'instruction et les juridictions de jugement. Avant d'être jugée, une affaire pénale doit être instruite. Il est en effet nécessaire de rassembler les preuves, d'entendre les témoins, de procéder le cas échéant à des perquisitions et d'apprécier finalement s'il y a lieu de déférer le délinquant à la juridiction de jugement compétente. C'est notamment le travail du juge d'instruction.

C'est cette deuxième classification que nous allons retenir. Nous verrons donc tout d'abord les juridictions pénales d'instruction (S1), puis les juridictions pénales de jugement (S2).

-Nous allons étudier successivement les juridictions pénales d'instruction de droit commun ( §1), puis les juridictions pénales d'instruction spécialisées ( §2). §1. Les juridictions pénales d'instruction de droit commun -L'instruction d'une affaire pénale a lieu à deux degrés : au premier degré, elle est assurée par le juge d'instruction (A) ; au second degré, elle est assurée par la Chambre de l'instruction (B).

A. La juridiction pénale d'instruction du premier degré

-Au premier degré, l'instruction d'une affaire est réalisée par un juge spécialisé appelé « juge d'instruction ». Voyons successivement l'organisation de cette juridiction pénale du premier degré (1), puis sa saisine (2) et, enfin, ses attributions (3).

L'organisation de la juridiction d'instruction du premier degré

La saisine de la juridiction d'instruction du premier degré

-Dans un premier temps, il nous appartient d'étudier les modes de saisine du juge d'instruction (a) puis, dans un deuxième temps, l'étendue de sa saisine (b).

a. Les modes de saisine du juge d'instruction

a. La saisine du juge d'instruction par le procureur de la République

b. La saisine du juge d'instruction par la victime de l'infraction

b. L'étendue de la saisine du juge d'instruction

-L'étendue de la saisine du juge d'instruction repose sur deux règles :

--premièrement : le juge d'instruction est saisi in rem (quant à la chose), c'est-à-dire qu'il ne peut instruire que sur les faits qui lui ont été soumis dans le réquisitoire introductif d'instance ou l'acte de constitution de partie civile.

Si, lors de ses investigations, le juge d'instruction constate l'existence d'autres faits répréhensibles, il ne pourra les instruire qu'en vertu d'un réquisitoire supplétif émanant du Procureur de la république.

--deuxièmement : le juge d'instruction n'est pas saisi in personam (quant à la personne). Aussi, il doit rechercher tous les auteurs de l'infraction sur laquelle il instruit. Il peut donc poursuivre une instruction contre toute personne dénommée ou non dénommée, c'est-à-dire contre X (art. 80 al. 2 CPP).

Les attributions de la juridiction d'instruction du premier degré

-La mission du juge d'instruction est d'instruire l'affaire pénale, c'est-à-dire de rassembler les informations nécessaires sur les faits dont il a été saisi.

-Pour que le juge d'instruction puisse instruire une affaire, deux conditions doivent cependant être cumulativement réunies :

--d'une part, le juge d'instruction doit avoir été valablement saisi (soit par le procureur de la République, soit par la victime de l'infraction) ; --d'autre part, l'instruction ne peut cependant être menée contre une personne que dans l'hypothèse où il apparaît des indices graves et concordants laissant présumer que cette personne nommément désignée a participé à l'infraction (art. 80 s. CPP) :

---si tel est le cas, le juge d'instruction, pour pouvoir instruire, devra « mettre » cette personne « en examen » ; ---la mise en examen suppose nécessairement un interrogatoire, dit de première comparution (art. 116 CPP) ; ---dès la mise en examen, il pourra instruire, c'est-à-dire recherche s'il existe ou non des charges suffisantes contre la personne mise en examen pour la renvoyer devant la juridiction de jugement.

-Lorsqu'il instruit, le juge d'instruction dispose de deux catégories d'attributions :

--le juge d'instruction est tout d'abord investi de pouvoirs d'information afin de pouvoir constituer un dossier sur les faits et charges qui pèsent sur la personne mise en examen (a).

--le juge d'instruction est également investi de pouvoirs de juridiction. Pendant l'instruction, il peut être amené à trancher certains incidents au moyen d'un acte juridictionnel appelé « ordonnance ». Et à l'issue de l'instruction, il devra décider s'il y a lieu ou non de renvoyer la personne mise en examen devant une juridiction de jugement (b).

a. Les pouvoirs d'information du juge d'instruction

-Contrairement à une opinion largement répandue, le rôle du juge d'instruction ne consiste pas à rechercher exclusivement et systématiquement tous les faits de nature à accuser la personne mise en examen. Il doit également retenir tous les éléments de preuve qui la disculpent. On dit qu'il instruit « à charge et à décharge ».

-A cette fin, le juge d'instruction dispose de différents moyens d'investigation pour accomplir les actes d'instruction : audition de témoins, interrogatoire de la personne mise en examen, confrontation, transport sur les lieux, perquisition, saisie de documents, expertise, interception de communications téléphoniques, reconstitution...

-Souvent, il y procède en personne. Mais ces actes d'investigation peuvent également être délégués par lui à un officier de police judiciaire. Dans ce cas, l'acte d'investigation sera exécuté par l'officier de policier judiciaire sous le contrôle du juge d'instruction. On dit alors que le juge d'instruction donne « commission rogatoire » à l'officier de police judiciaire.

-

Signalons que la mission d'information du juge d'instruction risquerait d'être inefficace s'il n'avait pas le pouvoir d'obliger certaines personnes, au besoin par la contrainte, à se mettre à la disposition de la justice. Aussi, le législateur a-t-il doté le juge d'instruction de pouvoirs coercitifs au moyen de décisions que l'on appelle des « mandats ».

En effet, le juge d'instruction peut délivrer quatre types de mandats (art. 122 CP) :

--le mandat de comparution : il s'agit de la mise en demeure adressée à une personne de se présenter devant le juge à la date et à l'heure indiquées ; --le mandat d'amener : c'est l'ordre donné à la force publique de conduire telle personne désignée dans le cabinet du juge d'instruction afin qu'elle soit soumise à un interrogatoire ; --le mandat d'arrêt : c'est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne mise en examen qui est en fuite ou résidant hors du territoire national, de la conduire dans la maison d'arrêt indiquée sur le mandat où elle sera reçue et détenue. On dit que la personne sera « écrouée » (mise sous écrous). La personne sera entendue par le juge d'instruction dans les 24 heures et il sera statué sur sa détention provisoire ; --le mandat de recherche : crée par la loi du 9 mars 2004 (appelée Perben II), le mandat de recherche est décerné contre toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction qualifiée de crime flagrant ou de délit flagrant puni au moins de 3 ans d'emprisonnement (art. 70 CPP). Il s'agit d'un ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné, et de la placer en garde à vue (art. 122 CPP). Ce mandat peut être décerné à l'égard d'une personne ayant fait l'objet d'un réquisitoire, d'un témoin assisté ou d'une personne mise en examen.

-Notons que, avant la loi du 15 juin 2000, il existait un cinquième mandat : le mandat de dépôt qui était l'ordre donné au surveillant en chef d'un établissement pénitentiaire d'incarcérer telle personne nommément désignée, déjà présente devant le juge d'instruction en vertu d'un mandat de comparution ou d'amener. Depuis la réforme, c'est un nouveau juge, le « juge des libertés et de la détention », qui peut désormais délivrer un tel mandat. Le mandat de dépôt a pour effet de placer en détention provisoire la personne poursuivie, soit pour sa protection, soit -et c'est l'hypothèse la plus courante -pour éviter sa fuite ou pour qu'elle égale les poursuites en communiquant certaines informations à des tiers ou en sollicitant des faux témoignages.

Pour terminer, il faut souligner que le juge des libertés et de la détention dispose, comme le juge d'instruction, de certains pouvoirs d'information :

--il peut autoriser les perquisitions sans l'assentiment de la personne ou en dehors des heures légales pour les actes de terrorisme (art. 706-24 CPP) et la délinquance organisée, le trafic de stupéfiants (art. 706-28 CPP), en matière fiscale, douanière, de concurrence et de prix (V. loi Perben II du 9 mars 2004) ; --il peut statuer sur la validité de la saisie sur perquisition opérée au cabinet d'un avocat (art. 56-1 CPP) ; --il peut accorder des prolongations exceptionnelles de la garde à vue au-delà des 48 heures de droit commun pour certaines infractions touchant au terrorisme et à la délinquance organisée (art. 706-88 CPP) ; --il peut autoriser certaines mesures de rétention des étrangers ;

--il peut autoriser les interceptions de communications téléphoniques.

b. Les pouvoirs de juridiction du juge d'instruction

-L'activité du juge d'instruction ne sa cantonne pas à des investigations. Il exerce un réel pouvoir juridictionnel, ce qui fait dire de lui qu'il est « le magistrat le plus puissant de France ».

-En effet, le juge d'instruction dispose de pouvoirs de juridiction dans deux hypothèses bien distinctes : au cours de l'instruction (a) et en fin d'instruction (b).

a. Au cours de l'instruction

b. En fin d'instruction

B. La juridiction pénale d'instruction du second degré

-Elle est unique. Il s'agit de la Chambre de l'instruction qui siège au sein de la Cour d'appel. Avant la loi du 15 juin 2000, on ne parlait pas de Chambre de l'instruction mais de « Chambre d'accusation ».

-Voyons successivement l'organisation de la Chambre de l'instruction (1) puis ses attributions (2).

L'organisation de la Chambre de l'instruction

-La Chambre de l'instruction est une chambre spéciale de la Cour d'appel chargée de l'instruction au second degré (art. 191 CPP). Il s'agit d'une formation collégiale composée de 3 conseillers et présidée par l'un d'eux.

-Le président de la Chambre de l'instruction est désigné par décret du président de la République après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature:

--il surveille le bon fonctionnement des cabinets d'instruction du ressort de la Cour d'appel (art. 220 CPP). Il contrôle notamment la durée raisonnable de l'instruction (art. 179 CPP). A cette fin, les juges d'instruction du ressort doivent lui adresser périodiquement un état des instructions en cours ;

--il exerce une mission de surveillance sur les détentions provisoires afin de déceler éventuellement celles qui pourraient être abusives (art. 221-1 CPP). Pour exercer cette mission, il procède périodiquement à des visites dans les maisons d'arrêt du ressort (art. 222 CPP) et, si un délai de plus de 4 mois s'est écoulé depuis le dernier acte d'instruction, il peut saisir la Chambre d'instruction (art. 221-1 CPP)

2.

Les attributions de la chambre de l'instruction -La Chambre de l'instruction exerce un contrôle juridictionnel au second degré sur les instructions menées au premier degré par le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction.

-En réalité, la Chambre de l'instruction exerce un double contrôle: son contrôle porte non seulement sur les actes d'instruction réalisés par le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction (a), mais également sur les ordonnances que ces derniers ont rendues (b).

a. Contrôle des actes d'instruction

-Le contrôle de la Chambre de l'instruction porte tout d'abord sur les actes de l'instruction réalisés par le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction, soit directement, soit par le biais d'une commission rogatoire.

-Encore faut-il que ces actes aient été contestés par un appel interjeté devant la Chambre de l'instruction.

-

Lorsqu'un appel a été valablement interjeté, il appartient à la Chambre de l'instruction de vérifier la régularité en droit des actes accomplis par le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction, ainsi que sur leur opportunité en fait.

Ainsi, par exemple, la Chambre de l'instruction peut décider que l'interrogatoire de la personne mise en examen n'a pas été effectué conformément aux règles légales (régularité en droit) ou que telle perquisition aurait dû avoir lieu (opportunité en fait).

b. Contrôle des ordonnances

-La Chambre de l'instruction est également le juge d'appel des ordonnances rendues par le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction.

La personne mise en examen peut, par exemple, interjeter appel contre une ordonnance par laquelle le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction retient sa compétence ou déclare recevable une constitution de partie civile.

Signalons que pendant longtemps, la loi exigeait que l'instruction en matière criminelle soit soumise obligatoirement à un double degré de juridiction :

--si le juge d'instruction estimait que les faits reprochés étaient constitutifs d'un crime, il ne pouvait renvoyer directement l'affaire devant la Cour d'assises ;

--il devait rendre une ordonnance de transmission de pièces au procureur général, lequel saisissait ensuite la Chambre d'accusation pour qu'elle procède à une nouvelle instruction au second degré ; --il appartenait à la Chambre d'accusation, à l'issue de cette nouvelle instruction, de décider du renvoi ou non de la personne poursuivie devant la Cour d'assises. Les arrêts rendus par cette dernière n'étaient à l'époque pas susceptibles d'appel ;

--aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Depuis la loi du 15 juin 2000, les arrêts de la Cour d'assises peuvent faire l'objet d'un appel ; --le législateur en a tiré la conséquence logique qu'un double degré obligatoire au niveau de l'instruction ne s'imposait plus. Désormais, si le juge d'instruction estime que les faits sont constitutifs d'un crime, c'est lui qui ordonne directement le renvoi de la personne poursuivie devant la Cour d'assises, au moyen d'une ordonnance de mise en accusation (art. 181 CPP).

§2. Les juridictions d'instruction spécialisées

A. L'instruction des affaires des mineurs

-Les personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits sont soustraites aux juridictions pénales de droit commun. Ils échappent à l'application du droit commun et sont soumis à des règles particulières.

-L'idée maîtresse qui a présidé à l'instauration des juridictions pour mineurs a été le souci de prendre en considération le jeune âge du délinquant pour doser la peine et faciliter sa réinsertion.

-Les juridictions pour mineurs ont été créées par la loi du 22 juillet 1912. Celle-ci a subi d'importantes réformes au fil des années, notamment par une ordonnance du 2 février 1945, une loi du 24 mai 1951, une loi du 8 février 1995 et, enfin, une loi du 10 août 2007 tendant à lutter contre la récidive des majeurs et des mineurs.

-L'instruction des infractions pénales commises par un mineur présente plusieurs particularités :

--tout d'abord, les délits et les crimes commis par un mineur doivent toujours donner lieu à une instruction (alors qu'en droit commun, l'instruction des délits est facultative). S'agissant d'un mineur, il est en effet indispensable de procéder d'abord à une enquête de personnalité, tant du point de vue social que du point de vue médical ; --ensuite, l'instruction des délits commis par un mineur peut être confiée soit à un juge d'instruction, soit à un juge des enfants. Le choix appartient au ministère public. Quant à l'instruction des crimes commis par un mineur, elle est au contraire obligatoirement confiée à un juge d'instruction ;

--enfin, si l'instruction est confiée à un juge des enfants (uniquement en matière délictuelle), la procédure d'instruction obéit à des règles plus souples. Surtout, contrairement à la règle habituelle qui interdit à un juge d'instruction de participer au jugement de l'affaire qu'il a lui-même instruite (art. 49 CPP), le juge des enfants qui a instruit le dossier peut participer lui-même à la juridiction de jugement car il est réputé être le mieux à même d'apprécier la mesure qu'il convient de prendre. En d'autres termes, dans certains cas, le juge des enfants est à la fois juge d'instruction et juridiction de jugement !

B. L'instruction des affaires militaires

-Pendant longtemps, les infractions commises par des militaires étaient jugées par des juridictions militaires permanentes. Pour ces affaires, les juridictions pénales de droit commun n'avaient ainsi aucune compétence.

-Les juridictions militaires permanentes étaient nombreuses. Aussi, une unification et une simplification devaient être opérées. Elle a débutée par la loi du 8 juillet 1965 portant création d'un Code de justice militaire. L'évolution a été achevée en 1982 par l'accession de la Gauche au pouvoir, laquelle marquait une volonté de supprimer tous les tribunaux d'exception parmi lesquels les juridictions militaires permanentes.

-On remarquera que toute l'évolution en matière de justice militaire a tendu à un certain rapprochement du procès militaire avec les règles applicables devant les juridictions de droit commun.

-Pour autant, quelques particularités subsistent :

--d'une part, tout le contentieux militaire n'a pas été confié aux juridictions de droit commun. En effet, malgré les réformes successives, il subsiste quelques juridictions militaires.

--d'autre part, lorsqu'une juridiction pénale de droit commun a compétence à connaître d'une affaire militaire, les règles procédurales applicables ne sont pas les mêmes que celles applicables dans une procédure ordinaire. Notamment, l'instruction des affaires militaires obéit à des règles particulières même si, dans son ensemble, elle est soumise aux règles communes du Code de procédure pénale. Les particularités de cette instruction sont énoncées tant aux articles 698-1 à 698-9 du Code de procédure pénale que par le Code de justice militaire.

C. L'instruction des affaires politiques

-Il existe, dans l'organisation juridictionnelle française, deux juridictions politiques : la Haute Cour (1) et la Cour de justice de la République (2). Devant ces juridictions, les affaires sont instruites selon une procédure dérogatoire de la procédure d'instruction de droit commun. --quatrièmement : la Haute Cour ne peut prononcer qu'une seule sanction : la destitution du Président de la République.

L'instruction devant la Haute Cour

-C'est le Parlement qui compose la Haute Cour, à savoir l'ensemble des députés et l'ensemble des sénateurs.

-La Haute Cour est présidée par le Président de l'Assemblée Nationale.

-Pour mettre en accusation le Président de la République et provoquer ainsi l'intervention de la Haute Cour, il faut un vote identique au sein des deux assemblées composant le Parlement. Une telle décision est prise par chaque assemblée à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée.

-

Si la mise en accusation est votée dans les deux assemblées, l'instruction sera alors confiée à une Commission d'instruction dont la composition et le fonctionnement ne sont pas encore connus à l'heure actuelle. Ils devraient être fixés prochainement par une loi organique (ce que prévoit l'art. 68 Const.).

L'instruction devant la Cour de justice de la République

Mais ici, la plainte doit d'abord être examinée par une Commission des requêtes composée de trois conseillers à la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de deux conseillers à la Cour des comptes. Ces magistrats sont élus pour 5 ans par la juridiction à laquelle ils appartiennent. Cette commission fera un filtrage des plaintes afin d'écarter les plaintes abusives. Lorsque la plainte est déclarée recevable, la Commission la transmettra alors au Procureur général près la Cour de cassation. La décision de la Commission est sans recours.

-Dans tous les cas, le Procureur général près la Cour de cassation saisira la Commission d'instruction composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation afin qu'elle instruise l'affaire. Elle peut procéder à tout acte utile à la manifestation de la vérité et a seule compétence pour entendre, interroger ou confronter un membre du Gouvernement.

-A l'issue de l'instruction, la Commission d'instruction peut rendre deux types d'arrêts :

--un arrêt de non-lieu, si les charges ne lui paraissent pas suffisantes. L'affaire est alors terminée ;

--un arrêt de renvoi devant la Cour de justice de la République, laquelle doit juger le membre du Gouvernement, lorsque les charges lui paraissent suffisantes.

-Les arrêts rendus par la Commission d'instruction peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, portés devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation.

S2. Les juridictions pénales de jugement

-Les juridictions pénales de jugement sont des juridictions qui sont appelées à se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence de la personne poursuivie :

--lorsque ces juridictions reconnaissent la culpabilité de la personne poursuivie, elles « infligent » à cette dernière une « peine ».

--lorsque ces juridictions ne reconnaissant pas la culpabilité de la personne, on dit qu'elles « acquittent » ladite personne (en matière criminelle) ou qu'elles la « relaxent » (en matière correctionnelle ou contraventionnelle). Dans les deux cas, aucune peine ne sera bien évidemment infligée à la personne poursuivie.

-Ces juridictions pénales de jugement appartiennent à deux catégories différentes : les juridictions pénales de jugement de droit commun ( §1) et les juridictions pénales de jugement spécialisées ( §2). §1. Les juridictions pénales de jugement de droit commun -Le législateur a adopté une classification tripartite des infractions selon leur gravité, c'est-àdire selon la peine encourue par l'auteur de l'infraction (et non la peine prononcée par le juge). Toute infraction constitue : --soit une contravention (aucune peine d'emprisonnement n'est encourue).

V. Art. 322-1 CP : le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3.750 euros d'amende.

--soit un délit (lorsque la peine d'emprisonnement encourue est inférieure ou égale à 10 ans).

V. Art. 222-33-2 CP : le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou morale ou de compromettre son avenir professionnel (harcèlement moral) est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

V. Art. 222-37 CP : le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicite de stupéfiants sont punis de 10 ans d'emprisonnement et de 7.500.000 euros d'amende. V. Art. R. 621-1 CP : la diffamation non publique envers une personne est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 1 ère classe.

--les contraventions de la 2 ème classe (150 euros) V. Art. R. 632-1 CP : est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2 ème classe le fait de déposer, d'abandonner ou de jeter, en un lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet, des ordures, déchets, matériaux ou tout autre objet, de quelque nature qu'il soit.

--les contraventions de la 3 ème classe (450 euros) V. Art. R. 623-2 CP : les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 3 ème classe.

--les contraventions de la 4 ème classe (750 euros) V. Art. R. 314-1 C. route : le fait de circuler avec un véhicule à moteur dont les pneumatiques ne présentent pas sur toute leur surface de roulement des sculptures apparentes est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

V. Art. R. 624-4 CP : l'injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 4 ème classe.

--les contraventions de la 5 ème classe (1.500 euros -3.000 euros en cas de récidive).

V. Art. R. 625-1 CP : les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale du travail d'une durée inférieure ou égale à huit jours sont punies de l'amende prévue pour les contraventions de la 5 ème classe.

V. Art. R. 635-2 CP : le fait d'adresser à une personne, sans demande préalable de celle-ci, un objet accompagné d'une correspondance indiquant que cet objet peut être accepté contre versement d'un prix est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5 ème classe (vente forcée par correspondance).

-En matière contraventionnelle, deux juridictions pénales de jugement sont compétentes : le juge de proximité et le tribunal de police. La répartition de la matière contraventionnelle entre le juge de proximité et le tribunal de police s'opère de la manière suivante :

--le juge de proximité a compétence pour juger les contraventions des quatre premières classes (a).

--le tribunal de police a compétence pour juger les contraventions de la cinquième classe (b).

a. Le juge de proximité

-Depuis la loi du 26 janvier 2005, le juge de proximité s'est vu reconnaître une compétence en matière pénale. Plus précisément, il a compétence pour juger les contraventions des quatre premières classes (art. 706-12 CPP).

-Il s'agit donc d'une juridiction à juge unique dont le siège et le ressort territorial correspondent à ceux de la juridiction de proximité. De manière plus précise, la juridiction de proximité compétente est celle du lieu de commission ou de constatation de la contravention ou encore de résidence du prévenu.

-Plusieurs observations :

--tout d'abord, notons que le juge de proximité est assisté d'un greffier. Le ministère public est lui aussi représenté, et notamment par le Commissaire de police de la ville dans laquelle siège le juge de proximité ; --ensuite, en la matière, le juge de proximité statue en principe en premier et dernier ressort. Un appel ne peut donc être interjeté (art. 546 CPP). Un pourvoi en cassation peut cependant être formé ; --ensuite, lorsqu'il se heurte à des difficultés juridiques sérieuses, le juge de proximité peut renvoyer l'affaire devant le tribunal de police ; --enfin, le juge de proximité est également compétent pour recevoir l'action civile accessoire à l'action pénale, et ce, quel que soit le montant de l'indemnisation demandée par la victime de l'infraction.

b. Le tribunal de police

b. Le tribunal correctionnel pour les délits

-Vous successivement la compétence du tribunal correctionnel (a), puis son fonctionnement (b).

a. La compétence du tribunal correctionnel

b. La composition du tribunal correctionnel

-Le tribunal correctionnel n'est en réalité que le tribunal de grande instance qui, lorsqu'il statue en matière de délit, prend le nom de « tribunal correctionnel ».

-Pour cette raison, le tribunal correctionnel, qui est en principe présidée par le président du tribunal de grande instance lui-même, est une juridiction collégiale qui comprend trois juges assistés d'un greffier.

Tel est du moins le principe. Celui-ci connaît une exception : en effet, l'art. 398 al. 3 CPP prévoit la possibilité d'audience correctionnelle à juge unique, mais uniquement pour les délits énumérés à l'art. 398-1 CPP (en matière de chèque, de carte bancaire, d'infractions au Code de la route, abandon de famille, vol ordinaire, recel, outrages...).

-Au sein du tribunal correctionnel, le ministère public est représenté par le procureur de la République ou l'un de ses substituts.

-S'agissant d'une émanation pénale du tribunal de grande instance, il existe au moins un tribunal correctionnel par département. Celui-ci aura ainsi le même siège et le même ressort territorial que le tribunal de grande instance.

-Dans les tribunaux des grandes villes, il existe par ailleurs une ou plusieurs chambres spécialisées au sein de chaque tribunal correctionnel. Ces chambres spécialisées sont appelées « chambres correctionnelles ».

-Enfin, il est à noter que certains tribunaux correctionnels sont seuls aptes à juger certains délits particulièrement complexes et techniques. Il s'agit notamment des infractions de nature économique, financière, bancaire, boursière ou encore fiscale. Compte tenu de la haute technicité de ces affaires, ces dernières ne peuvent alors être jugées que par des magistrats expérimentés. Il existe donc dans le ressort de chaque Cour d'appel une chambre correctionnelle spécialisée dans les affaires de ce type.

-Les jugements rendus par le tribunal de police peuvent faire l'objet d'un appel (art. 556 CPP).

La juridiction du second degré

-Tout appel formé contre un jugement rendu soit par un tribunal de police, soit par un tribunal correctionnel est porté devant une Chambre spécialisée de la Cour d'appel appelée « Chambre des appels correctionnels ». L'appellation est trompeuse car, encore une fois, cette juridiction ne connaît pas uniquement des appels en matière correctionnelle, mais également des appels en matière contraventionnelle (5 ème classe uniquement puisque, pour les quatre premières classes, le juge de proximité intervient en premier et dernier ressort).

-En réalité, la Chambre des appels correctionnels est une chambre spécialisée de la Cour d'appel qui a reçu une compétence spéciale en matière pénale. Pour cette raison, elle est composée de 3 conseillers. Elle a le même siège et le même ressort que la Cour d'appel à laquelle elle appartient.

B. Le jugement des crimes

La Cour d'assises du premier degré

-Voyons tout d'abord l'organisation de la Cour d'assises (a), puis sa compétence (b).

a. L'organisation de la Cour d'assises

-Deux questions doivent être abordées : le fonctionnement de la Cour d'assises (a) et sa composition (b).

a. Le fonctionnement de la Cour d'assises

-La Cour d'assises fonctionne par sessions, c'est-à-dire de manière intermittente. En effet, à la différence des autres juridictions pénales de droit commun qui siègent de façon continue, les Cours d'assises ne sont pas permanentes mais tiennent des sessions encore appelées des « assises ».

-En principe, il existe une session tous les trois mois, sauf si le volume des affaires criminelles à juger exigent des sessions plus fréquentes, auquel cas le premier président de la Cour d'appel pourrait ordonner une session supplémentaire au cours du même trimestre.

-Chaque session dure le temps nécessaire pour épuiser la liste des affaires inscrites au rôle, sans que cette durée puisse excéder quinze jours. Ce particularisme tient au fait que la Cour d'assises est composée pour partie par des jurés, c'est-à-dire par de simples particuliers que l'on ne peut pas distraire de leurs occupations professionnelles pour une trop longue durée.

b. La composition de la Cour d'assises

-L'originalité majeure de la Cour d'assises est d'être une juridiction à composition hétérogène qui comprend, d'une part, des magistrats de carrière qui composent la cour proprement dite (1°) et, d'autre part, un jury populaire (2°).

1°. La Cour

2°. Le jury populaire

-Le jury populaire est composé d'hommes et de femmes tirés au sort sur des listes électorales, puis sélectionnés en fonction de critères légaux. Leur nombre est aujourd'hui fixé à 9 jurés, considérés comme étant l'expression de la souveraineté nationale. --ne pas être frappé des incompatibilités prévues à l'art. 257 CPP (membres du gouvernement, du parlement, du conseil constitutionnel, magistrats, fonctionnaires, militaires...).

-La formation du jury suppose plusieurs étapes successives, toutes ces étapes reposant sur le principe du tirage au sort. Trois étapes successives doivent être distinguées --première étape :

---chaque année, chaque maire de chacune commune du département tire au sort plusieurs noms sur la liste électorale de la commune. Le nombre de noms tirés au sort par chaque maire est fonction de l'importance de la population de la commune considérée.

Pour Paris, le nombre de jurés tirés au sort par le maire est de 1 juré pour 1.800 habitants. Pour les autres communes, le nombre est fixé à 1 juré pour 1.300 habitants (art. 260 CPP).

---cette liste, appelée « liste préparatoire », sera ensuite examinée par une commission composée de quatre magistrats, du procureur général près la Cour d'appel ou du procureur de la République près le tribunal de grande instance, du bâtonnier de l'ordre des avocats et de cinq conseillers généraux. Cette commission exclut les noms des personnes qui tombent sous le coup d'une incompatibilité ou d'une incapacité.

---les noms qui n'ont pas été exclus forment la « liste annuelle définitive ».

--deuxième étape :

---à partir de la « liste annuelle définitive » sera établie la « liste de session ». Il s'agit de la liste des personnes qui peuvent être susceptibles d'être jurés au cours de la session d'assises. Comment y parvient-on ?

---trente jours avant l'ouverture des assises, le président de la Cour d'assises tire une nouvelle fois au sort 40 noms dans la liste annuelle définitive. Quinze jours avant l'ouverture de la session d'assises, le préfet notifie aux 40 personnes ainsi retenus leur désignation et leur fait sommation de se présenter aux jours, heures et lieux indiqués. Cette liste est également notifiée à l'accusé en vue d'une éventuelle récusation.

--troisième étape :

---à partir de la « liste de session » sera établie la « liste de jugement ».

---pour chacune des affaires, en début de session et en audience publique, le président de la Cour d'assise procède tire au sort 9 noms parmi les 40 qui composent la liste de session, ainsi que des jurés supplémentaires pour suppléer aux éventuelles défaillances.

---ce seront en principe les jurés pour telle affaire considérée. En principe seulement, car le Code de procédure pénale offre la possibilité tant au ministère public qu'à l'accusé de récuser un juré ainsi tiré au sort, ce droit de récusation pouvant être exercé de manière parfaitement discrétionnaire. Le juré récusé sera alors remplacé par un suppléant.

---lorsque les noms des 9 jurés sont définitivement arrêtés, le président de la Cour d'assises leur fera alors prêter serment après avoir indiqué aux jurés leurs devoirs.

Une personne nommée juré ne peut refuser. Elle est tenue de remplir ses fonctions. Toutefois, peuvent être dispensées: les personnes âgées de plus de 70 ans, les personnes n'habitant plus le département ou encore les personnes pouvant justifier d'un motif grave (maladie justifiée par un certificat médical, impératifs professionnels, impératifs familiaux...). Les jurés sont appelés à signaler à la cour ou au Président les maladies ou affections incompatibles avec la fonction de juré (surdité, impossibilité de maintenir une position assise prolongée...) ou encore les autres circonstances qui ne permettraient pas au juré de remplir convenablement ses fonctions (mauvaise compréhension du français, analphabétisme...). En cas d'absence non justifiée, le juré s'expose à des sanctions pénales. Dès l'ouverture de la session, le greffier procède à l'appel des jurés. Si une absence est constatée, la cour examine si la personne dispose d'une excuse légitime. Dans le cas contraire, elle prononce une amende de 3 750 euros en application de l'article 288 du Code de procédure pénale.

Le juré a droit à des indemnités, en vertu du Code de procédure pénale. Il y en existe 4 sortes: une indemnité journalière de session, une indemnité journalière de séjour, une indemnité de transport et une indemnité pour perte de revenu professionnel. Cependant, ces indemnités ne sont pas versées d'office, elles doivent être demandées au greffe du tribunal de la Cour d'assises. En aucun cas, l'employeur ne peut pas s'opposer à ce que son employé, tiré au sort, participe à la session d'assises. Il ne peut pas le licencier pour cette raison. Il pourrait même encourir une sanction pénale pour obstruction au bon fonctionnement de la Justice. En revanche, il n'est pas tenu de verser le salaire pour la période couvrant la session d'assises.

-Dans la conception initiale du Code d'instruction criminelle de 1810, la Cour d'assises et les jurés avaient des rôles bien distincts. Le jury se prononçait exclusivement sur les faits et rendait un « verdict » sur la culpabilité. Et, en fonction de la réponse fournie par le jury, la Cour se chargeait alors d'appliquer le droit en décidant de la peine à infliger au coupable.

Cette conception avait le désavantage de déresponsabiliser les jurés qui ne mesuraient pas toujours les conséquences de leur décision.

Aussi, une réforme est-elle intervenue par la loi du 25 novembre 1941. Celle-ci a instauré une étroite collaboration entre la Cour et les jurés qui, désormais, doivent se prononcer ensemble à la fois sur la culpabilité et sur la peine à infliger.

A quelle majorité la Cour d'assises prend-t-elle sa décision ? --s'agissant de la décision sur la culpabilité de l'accusé, le législateur a posé une minorité de faveur afin d'éviter toute influence excessive des magistrats de carrières (art. 359 CPP). En effet, toute décision concernant la culpabilité de l'accusé implique obligatoirement l'adhésion de la majorité des jurés. En d'autres termes, cette décision suppose une majorité de 8 voix sur 12. Si cette majorité n'est pas atteinte, l'accusé est acquitté car reconnue non coupable.

--s'agissant de la décision sur la peine à infliger à l'accusé, le Code de procédure pénale pose un principe qu'il assortit d'une exception :

---en principe, la décision sur la peine à infliger à l'accusé reconnu coupable ne suppose qu'une majorité simple (7 voix sur 12).

---par exception, si la Cour veut prononcer le maximum de la peine prévue par le Code pénal, une majorité de 8 voix sur 12 est requise (art. 362 CPP). -La compétence de la Cour d'assises pour juger un crime ne cesse que si elle est attribuée expressément à une juridiction spécialisée :

b. La compétence de la Cour d'assises

--tel sera le cas du crime commis par un mineur âgé entre 16 ans et 18 ans puisque alors, ce sera la Cour d'assises des mineurs qui sera exclusivement compétente.

--tel sera encore le cas du crime commis par un mineur âgé de moins de 16 ans puisqu'alors, ce sera le tribunal pour enfants qui sera exclusivement compétent.

--ce sera encore le cas du crime commis par un militaire, de ceux commis contre les intérêts de la nation, des crimes terroristes ou encore des crimes commis en matière de stupéfiants puisque, dans toutes ces hypothèses, ce sera une Cour d'assises spéciale qui sera exclusivement compétente.

-Notons pour finir que la Cour d'assises est également compétente pour traiter de l'action civile, c'est-à-dire déterminer le montant de la réparation accordée à la victime de l'infraction (appelée « la partie civile »). Cependant, le montant de la réparation est déterminé par la seule Cour, c'est-à-dire les trois magistrats professionnels (et non les jurés).

La Cour d'assises d'appel

-Jusqu'à une époque récente, les arrêts rendus par les Cours d'assises n'étaient susceptibles d'aucun appel. Le principe du double degré de juridiction était écarté en matière criminelle. Les Cours d'assises statuaient en premier et dernier ressort. Seul un pourvoi en cassation était possible.

Or une telle exclusion avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme puisque, d'après l'article 2-1 du protocole additionnel n°7, « toute personne déclarée coupable d'une infraction par une juridiction pénale a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation ».

-Une réforme s'imposait. Elle a été concrétisée par la loi du 15 juin 2000 qui a, pour la première fois en France, organisé un appel contre les arrêts rendus en matière criminelle (art. 380-1 à 380-15 CPP). Cet appel est examiné par une Cour d'assises d'appel.

-Voyons tout d'abord la désignation de la Cour d'assises d'appel (a), puis sa composition (b).

a. La désignation de la Cour d'assises d'appel

-Tout accusé condamné par une Cour d'assises statuant en premier ressort peut demander à ce que l'affaire soit jugée à nouveau, aussi bien en fait qu'en droit, par une autre Cour d'assises qui se prononcera souverainement au second degré. Le même droit appartient au ministère public.

-Le législateur a mis en place un système original pour la désignation de la Cour d'assises d'appel. Ce système ressemble fort à l'appel circulaire qui était en vigueur sous la période révolutionnaire. Ici, la Cour d'assises chargée de statuer en appel n'est pas à proprement parler une juridiction hiérarchiquement supérieure, mais une autre Cour d'assises désignée au niveau national par la chambre criminelle de la Cour de cassation (art. 380-1 CPP).

-Il appartient à la Chambre criminelle de la Cour de cassation de désigner la Cour d'assises d'appel.

b. La composition de la Cour d'assises d'appel

-La Cour d'assises ainsi désignée obéit en principe aux mêmes règles que celles applicables à la Cour d'assises du premier degré. Il existe toutefois deux différences importantes : --d'une part, le nombre de jurés est de 12 au lieu de 9 (art. 296 CPP) ;

--d'autre part, la décision sur la culpabilité de l'accusé doit être prise à la majorité de 10 voix sur 15 -minorité de faveur -, au lieu de 8 (art. 362 CPP). §2. Les juridictions pénales de jugement spécialisées -Le législateur a donné expressément compétence à certaines juridictions pénales pour juger certaines affaires eu égard :

--soit à la nature de l'infraction ;

--soit à la personnalité de son auteur.

-

Ainsi en est-il des juridictions pour les mineurs (A), des juridictions pour les militaires (B) et des juridictions politiques (C)

A. Les juridictions pour les mineurs

-Les juridictions pour mineurs sont des juridictions pénales spécialisées qui sont composées de juges spécialisés dans le domaine de l'enfance. Ces derniers statueront selon des règles procédurales simplifiées.

-Trois juridictions pénales de jugement traitent les infractions commises par des mineurs, c'està-dire les personnes âgées de moins de 18 ans : le tribunal pour enfants qui est la principale juridiction en la matière (1), le juge des enfants (2) et la Cour d'assises des mineurs (3).

Le tribunal pour enfants

-Deux questions seront abordées : la composition du tribunal pour enfants (a) et sa compétence (b).

a. La composition du tribunal pour enfants

-Le tribunal pour enfants est une juridiction échevinale composée :

--d'un président, qui est le juge des enfants. C'est un magistrat du tribunal de grande instance spécialement désigné pour exercer ces fonctions.

--de deux assesseurs, qui sont de simples particuliers de nationalité française, âgés de 30 au moins et qui ont été nommés à cette fonction pour 4 ans par arrêté du ministre de la Justice. Ce dernier les a choisis en raison de l'intérêt qu'ils portent aux problèmes de l'enfance. Le choix se fait, pour chaque tribunal pour enfants, sur une liste de candidats établie par le premier Président de la Cour d'appel.

Deux assesseurs suppléants sont également choisis par le ministre de la Justice, lesquels pourront intervenir en cas d'empêchement d'un ou plusieurs assesseurs titulaires.

Les fonctions d'assesseurs sont indemnisées en fonction de la participation effective aux audiences (une journée de traitement d'un juge du tribunal de grande instance pour chaque audience à laquelle l'assesseur participe).

On notera que, dans le cas où ils ne défèrent pas à plusieurs convocations successives, ces assesseurs peuvent être déclarés démissionnaires d'office par délibération de la première Chambre civile de la Cour d'appel.

Dans les mêmes formes, ils peuvent être déchus pour faute grave entachant l'honneur ou la probité.

-Le ministère public est représenté, à l'audience du tribunal pour enfants, par le procureur de la République.

-En règle générale, il existe un tribunal pour enfants par département. Il a alors son siège au tribunal de grande instance et a le même ressort territorial que lui. Toutefois, dans certains départements et compte tenu de l'importance de la population, il peut y avoir plusieurs tribunaux pour enfants au sein d'un même département. Dans ce cas, chacun d'eux a son siège à l'un des tribunaux de grande instance de ce département. Il existe aujourd'hui 154 tribunaux pour enfants en France. --les contraventions de cinquième classe commises par les mineurs de moins de 18 ans au moment des faits.

b. La compétence du tribunal pour enfants

Quant aux contraventions des quatre premières classes commises par un mineur, elles relèvent de la compétence de droit commun du juge de proximité. En effet, en raison de la modicité des peines encourues, ces infractions n'impliquent pas l'intervention d'un juge spécialisé.

--les délits commis par les mineurs de moins de 18 ans au moment des faits.

--les crimes commis par des mineurs de moins de 16 ans au moment des faits.

-Trois remarques :

--tout d'abord, pour ces infractions, il importe peu que le mineur ait la qualité d'auteur, de coauteur ou encore de complice.

--ensuite, le tribunal pour enfants n'est pas compétent pour juger les complices ou les coauteurs majeurs. Une « disjonction » des procédures est ici obligatoire.

--enfin, concernant la compétence territoriale du tribunal des enfants, ce dernier compétent est celui du lieu :

---soit du lieu de résidence du mineur ou de ses représentants légaux ;

---soit du lieu où le mineur a été arrêté ;

---soit du lieu où le mineur a été placé

b. Les sanctions pouvant être prononcées par le tribunal pour enfants

-Les sanctions qui peuvent être prononcées par le tribunal pour enfants sont diverses (1°). Toutes ne se cumulent cependant pas (2°). --admonestation --remise à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance.

1°. La diversité des sanctions

--placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d'éducation ou de formation professionnelle habilité.

--placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité.

--remise au service de l'assistance à l'enfance.

--placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants.

--deuxièmement, le tribunal pour enfants peut prononcer une ou plusieurs sanctions éducatives (art. 15-1 Ord. 2 février 1945) : --confiscation de l'objet ayant servi à la commission de l'infraction.

--interdiction de paraître, pour une durée qui ne peut excéder un an, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise.

--interdiction, pour une durée qui ne peut excéder un an, de rencontrer ou de recevoir le ou les coauteurs ou complices éventuels.

--interdiction, pour une durée qui ne peut excéder un an, de rencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l'infraction.

--obligation de suivre un stage de formation civique, d'une durée qui ne peut excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi.

--un stage de citoyenneté : cette nouvelle sanction est applicable aux mineurs de plus de 13 ans, auteurs d'infractions. Prévu par la loi du 9 mars 2004 dite Perben II, le stage de citoyenneté a été mis en place par le décret du 27 septembre 2004 et la circulaire du 11 avril 2005. Cette nouvelle peine consiste dans l'obligation pour le condamné de suivre un stage de sensibilisation aux valeurs de la République, notamment à la tolérance et au respect de la dignité de la personne.

--troisièmement, le tribunal pour enfants peut prononcer la mise sous protection judiciaire du mineur (art. 16 bis Ord. 2 février 1945 -V. D. n°76-1073 du 22 novembre 1976). La durée de la mise sous protection ne peut cependant excédée 5 ans. La mise sous protection suppose toujours le placement du mineur dans une institution ou un établissement habilités.

--quatrièmement, le tribunal pour enfants peut encore prononcer une véritable peine pénale (amende et/ou emprisonnement) si les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent (art. 2 Ord. 2 février 1945).

2°. Le cumul des sanctions

-Les sanctions qui peuvent être prononcées par le tribunal pour enfants ne peuvent pas toujours se cumuler. En réalité, tout dépend de l'âge du mineur délinquant. Quatre hypothèses doivent être distinguées : dans la première, le mineur délinquant est âgé de moins de 10 ans (I) ; dans la seconde, il est âgé entre 10 et 13 ans (II) ; dans la troisième, il est âgé entre 13 et 16 ans (III) ; enfin, dans la dernière, il est âgé de 16 à 18 ans (IV).

I. Le mineur délinquant est âgé de moins de 10 ans

II. Le mineur délinquant est âgé entre 10 et 13 ans

III. Le mineur délinquant est âgé entre 13 et 16 ans

IV. Le mineur délinquant est âgé entre 16 et 18 ans

-Si le mineur délinquant est âgé de 16 à 18 ans, il est en principe traité de la même façon que le mineur âgé de 13 à 16 ans. Ainsi, il peut faire l'objet soit d'une mesure d'éducation ou d'assistance, soit d'une sanction éducative, soit d'une protection judiciaire, soit d'une peine pénale.

-Si le tribunal pour enfants décide de sanctionner le mineur par une peine :

--en principe, le mineur bénéficie de l'excuse de minorité ;

--par exception, le mineur âgé de 16 à 18 ans ne bénéficie pas de l'excuse de minorité dans les hypothèses suivantes (V. art. 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 modifiée par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs) :

--par un jugement spécialement motivé, le tribunal pour enfants peut refuser de faire bénéficier le mineur délinquant âgé de 16 à 18 ans de l'excuse de minorité lorsque : 1. les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient ; 2. lorsqu'un crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne a été commis en état de première récidive légale.

--par un jugement motivé, le tribunal pour enfants peut refuser de faire bénéficier le mineur délinquant âgé de 16 à 18 ans de l'excuse de minorité lorsqu'un délit de violences volontaires, un délit d'agression sexuelle, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de première récidive légale. Ici, nul besoin d'un jugement spécialement motivé.

--de plein droit, le mineur délinquant âgé de 16 à 18 ans ne bénéficie pas de l'excuse de minorité lorsque les infractions suivantes ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale (deuxième récidive) : 1. crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne ; 2. délit de violences volontaires, un délit d'agression sexuelle, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences. Ici, le mineur perd automatiquement le bénéfice de l'excuse de minorité. Nul besoin d'une motivation spéciale dans le jugement.

Toutefois, la juridiction de jugement peut en décider autrement par une décision spécialement motivée.

Exemple : un mineur âgé de 17 ans commet une agression sexuelle : --il est arrêté une première fois. En principe, il bénéficie de l'excuse de minorité. Mais celle-ci peut lui être refusée par un jugement spécialement motivé rendu par le tribunal pour enfants.

--il est arrêté une deuxième (état de première récidive légale). En principe, il bénéficie de l'excuse de minorité. Mais celle-ci peut lui être refusée par un jugement simplement motivé rendu par le tribunal pour enfants.

--il est arrêté une troisième fois (état de deuxième récidive légale). Le bénéfice de l'excuse de minorité lui est retiré automatiquement. Mais, par un jugement spécialement motivé, le tribunal pour enfants peut décider de retenir l'excuse de minorité.

Quid de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ?

--elle prévoit une peine minimale dès la première récidive pour les crimes et délits passibles d'au moins 3 ans d'emprisonnement (V. art. 132-18 et 132-19-1 CP). Cette peine est d'au moins un tiers de la peine maximale prévue. Le juge peut toutefois, en première récidive seulement, prononcer une peine inférieure à condition de la motiver spécialement en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de l'auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion (V. art. 132-18 et 132-19-1 CP). La marge d'appréciation du juge est plus faible en cas de deuxième récidive. Notamment, en cas de deuxième récidive, la peine minimale ne peut alors être atténuée que sur la base de garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion (V. art. 132-18 et 132-19-1 CP).

--dans certains cas, le juge n'a plus le choix de la peine à prononcer. En effet, selon l'art. 132-19-1 CP, le juge ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement lorsqu'est commis une nouvelle fois en état de récidive légale un des délits suivants : violences volontaires, délits commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle, délit puni de 10 ans d'emprisonnement.

--le principe de l'atténuation de peine pour les mineurs entre 16 et 18 ans (réduction de moitié de la peine encourue) est maintenu en cas de première récidive. Elle ne s'applique cependant plus en cas de deuxième récidive pour les crimes ou délits avec violences ou les agressions sexuelles, sauf décision particulièrement motivée du juge art. 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945).

--un suivi judiciaire comportant une injonction de soins psychiatriques ou de suivi psychologiques est en principe obligatoire pour les condamnés reconnus par un expert accessibles à une psychothérapie . Les détenus refusant les soins proposés pendant leur détention par le juge de l'application des peines ne pourront bénéficier ni de réductions de peine supplémentaire, ni d'une libération conditionnelle.

Le juge des enfants

-Le juge des enfants, qui fait partie du tribunal des enfants, peut statuer seul sans être assisté de ses assesseurs. Dans ce cas, il constitue à lui seul une juridiction autonome que l'on appelle précisément « la juridiction du juge des enfants ».

-Le juge des enfants est choisi parmi les juges du tribunal de grande instance, compte tenu de l'intérêt qu'il porte aux questions de l'enfance et de ses aptitudes. Il est nommé dans cette fonction pour trois ans renouvelables.

-Le juge des enfants est compétent pour juger :

--les contraventions de cinquième classe commises par les mineurs de moins de 18 ans au moment des faits.

V. Les contraventions des quatre premières classes commises par un mineur relèvent de la compétence de droit commun du juge de proximité. En effet, en raison de la modicité des peines encourues, ces infractions n'impliquent pas l'intervention d'un juge spécialisé.

--les délits commis par les mineurs de moins de 18 ans au moment des faits.

-Sur deux points, la compétence du juge des enfants diffère de la compétence du tribunal pour enfants : --d'une part, contrairement au tribunal pour enfants, le juge des enfants n'est pas compétent pour juger les crimes commis par les mineurs âgés de moins de 16 ans.

--d'autre part, lorsqu'il statut sur une contravention de la 5 ème classe ou sur un délit commis par un mineur de moins de 18 ans, le juge des enfants ne détient pas les mêmes pouvoirs que ceux détenus par le tribunal pour enfants statuant en la même matière. En effet, contrairement au tribunal pour enfants, le juge des enfants, lorsqu'il statue seul, ne peut jamais infliger aucune peine pénale. Son pouvoir se limite à des mesures d'assistance ou d'éducation énumérées à l'art. 8 de l'ordonnance du 2 février 1945 (il peut ainsi, depuis la loi du 8 février 1995, prononcer le placement du mineur en institution), à des sanctions éducatives ou une protection judiciaire.

-En principe, c'est le juge des enfants qui décide si, concernant l'infraction commise par le mineur, l'affaire doit lui revenir seule ou si elle doit être soumise au tribunal pour enfants. Il décidera de statuer seul s'il estime qu'une peine pénale n'est pas nécessaire pour sanctionner efficacement le jeune délinquant. Au contraire, si le juge des enfants estime qu'une peine pénale est nécessaire pour sanctionner convenablement le jeune délinquant, il doit alors renvoyer l'affaire au tribunal des enfants.

-Par exception, les délits commis par un mineur délinquant sont obligatoirement soumis à la compétence du tribunal pour enfants lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à 7 ans d'emprisonnement et que le mineur est âgé d'au moins 16 ans (art. 8 in fine Ord. 2 février 1945).

-Pour terminer, il faut souligner que le juge des enfants dispose encore d'autres attributions :

--sur un plan civil, il décide des mesures d'assistance éducative prévues aux articles 375 s. C. civ. lorsque l'enfant, sans avoir commis une infraction pénale, est simplement en danger ; --il exerce les fonctions de juge de l'application des peines à l'égard des mineurs pénalement sanctionnés ; --il surveille les établissements publics ou privés qui accueillent des mineurs.

La Cour d'assises des mineurs

-Sur le plan de son organisation, cette juridiction ne se distingue en rien de la Cour d'assises de droit commun, celle des majeurs. Son siège, son ressort, son fonctionnement intermittent et sa composition sont identiques à ceux de la Cour d'assises des majeurs.

-Elle est ainsi composée d'un président, de deux assesseurs et de 9 jurés. Où est alors la différence ? La différence se limite en réalité à de simples nuances, mais qui ont toutefois leur importance :

--les deux assesseurs du président de la Cour d'assises sont généralement choisis parmi les juges pour enfants, en raison de leur spécialité dans les affaires de mineurs ; --les débats ont lieu à huis clos. Cela est essentiel afin de soustraire le mineur à une publicité qui pourrait se révéler malsaine. Néanmoins, si le mineur au moment des faits est devenu majeur au jour de l'ouverture des débats, ceux-ci pourront être publics à sa demande (art. 306 CPP) ; --la Cour d'assises des mineurs peut juger les majeurs co-auteurs ou complices des crimes commis par les mineurs, sauf si la Chambre de l'instruction décide la disjonction des procédures et le renvoi des majeurs devant la Cour d'assises de droit commun.

-Par ailleurs, notons que la Cour d'assises des mineurs ne connaît que des crimes commis par des mineurs de 16 à 18 ans. Sa compétence d'attribution est donc très limitée.

-A l'égard de ces mineurs, la Cour d'assises des mineurs peut prononcer n'importe quelle peine, mais également certaines mesures de garde ou de placement ou de sanctions éducatives (art. 20 in fine Ord. 2 février 1945 issu de la loi Perben I du 2 septembre 2002).

Si la Cour décide de prononcer une peine, les règles de l'excuse de minorité s'appliquent une nouvelle fois.

-Bien évidemment, les arrêts rendus par la Cour d'assises des mineurs peuvent être frappé d'un appel. Dans ce cas, l'affaire sera entièrement rejugée, en droit et en fait, par une Cour d'assises d'appel dans les conditions du droit commun (notamment 12 jurés).

B. Les juridictions militaires

-Les juridictions militaires sont compétentes pour connaître des infractions commises par un militaire dans l'exercice de son service (art. 697 CPP).

-Cette définition appelle plusieurs observations :

--premièrement, l'infraction doit avoir été commise par un militaire, c'est-à-dire à une personne faisant partie des forces armées. Ces personnes sont énumérées aux articles 61 à 63 du Code de justice militaire. Ce n'est que par exception que certaines infractions commises par des civils relèvent de la compétence des juridictions militaires (Par exemple art. 428 CJM).

--deuxièmement, toutes les infractions commises par les militaires relèvent de la compétence des juridictions militaires (art. 697-1 CPP), que ces infractions soient des infractions de droit commun ou des infractions spécifiquement militaires.

Les infractions militaires correspondent à celles énumérées par le Code justice militaire promulgué le 8 juillet 1965 (V. notamment les articles 397 à 476 CJM) :

atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation -Comment ces infractions sont-elles alors jugées ? En réalité, elles sont jugées différemment selon qu'elles aient été commises en temps de paix (1) ou en temps de guerre (2).

La justice militaire en temps de paix

-Il convient de distinguer selon que les infractions ont été commises sur le territoire de la République ou en dehors du territoire de la République.

-En effet, les infractions commises en temps de paix par des militaires sur le territoire de la République sont soumises à des juridictions de droit commun spécialisées (a). En revanche, les infractions commises en temps de paix par des militaires en dehors du territoire de la République sont soumises, quant à elles, à une juridiction militaire (b).

a. Les infractions commises par des militaires sur le territoire de la République

-Ces infractions relèvent de la compétence de deux juridictions de droit commun spécialisées : une chambre spécialisée du tribunal correctionnel qui à compétence pour juger les délits commis par les militaires en temps de paix sur le territoire de la République (a) et la Cour d'assises spécialisée qui a compétence pour juger les crimes commis par les militaires en temps de paix sur le territoire de la République (b).

Les contraventions commises par un militaire relèvent de la compétence du juge de proximité (quatre premières classes) ou du tribunal de police (cinquième classe) statuant dans les formes du droit commun.

a. La chambre spécialisée du tribunal correctionnel

-Il existe, dans le ressort de chaque Cour d'appel, un tribunal correctionnel comportant une chambre spécialisée, laquelle a compétence exclusive pour juger les délits commis par des militaires (art. 697 CPP).

-Cette chambre spécialisée est composée de magistrats professionnels de droit commun. Ces derniers sont cependant spécialisés dans les affaires militaires.

-Par ailleurs, cette chambre spécialisée applique les règles ordinaires de la procédure pénale (art. 698 CPP). Tel est le principe. Il comporte néanmoins quelques exceptions énumérées aux articles 698-1 à 698-5 CPP. Ces exceptions procédurales sont les suivantes : --premièrement, la poursuite d'un militaire suppose nécessairement l'intervention de l'autorité militaire. Ainsi, dans l'hypothèse n'a pas elle-même dénoncée l'infraction au ministère public, le procureur de la République doit demander l'avis du ministère chargé de la Défense (sauf en cas d'infraction flagrante).

V. Depuis le 1 er janvier 2002, la constitution de partie civile de la victime est possible. Elle déclenche alors l'action publique dans les conditions du droit commun.

--deuxièmement, les autorités policières ou judiciaires qui veulent mener des investigations dans un établissement militaire ne peuvent le faire qu'après avoir adressé à l'autorité militaire un réquisitoire pour obtenir l'entrée dans cet établissement. L'autorité militaire est tenue de s'y soumettre et de s'y faire représenter (art. 698-3 CPP).

--troisièmement, la chambre spécialisée du tribunal correctionnel peut bien évidemment prononcer à l'encontre des militaires toutes les peines de droit commun. Elle peut également prononcer des peines spécifiquement militaires comme la perte du grade ou la destitution (art. 698-8 CPP).

b. La Cour d'assises spécialisée

-Il existe, dans le ressort de chaque Cour d'appel, un cour d'assises spécialisée, laquelle a compétence exclusive pour juger les crimes commis par des militaires (art. 697 CPP).

Une restriction est cependant posée à l'art. 698-7 CPP. En effet, ce texte précise que les crimes commis par des militaires ne seront jugés par la cour d'assises spécialisée que s'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Si ce risque n'existe pas, les crimes commis par des militaires seront jugés par la Cour d'assises de droit commun. C'est la chambre de l'instruction qui constatera dans son arrêt de renvoi si ce risque existe et s'il y a lieu de saisir la Cour d'assises spécialisée.

Enfin, il faut noter que la compétence de la Cour d'assises spécialisée a été étendue aux infractions de terrorisme visées aux articles 706-16 et 706-25 CPP.

-La Cour d'assise spécialisée siège sans jury. En effet, elle uniquement est composée d'un président et de 6 assesseurs désignés selon les formes habituelles par le premier président de la Cour d'appel. Lorsque cette juridiction siège en appel, elle est composée de 8 assesseurs.

-Devant cette cour s'appliquent les règles procédurales du droit commun. On notera simplement une règle défavorable à l'accusé puisque les décisions sont prises à la majorité simple alors que la Cour d'assises ordinaire connaît la règle de la minorité de faveur.

b. Les infractions commises par des militaires en dehors du territoire de la République

-Ces infractions sont jugées par les tribunaux militaires aux armées. En effet, lorsqu'en temps de guerre des troupes stationnent ou opèrent en dehors du territoire de la République, des tribunaux militaires aux armées peuvent être établis par décret en Conseil des ministres. A défaut de création, ce sont les tribunaux territoriaux des forces armées qui sont compétents (art. 49 et 50 CJM).

-La compétence de ces tribunaux est celle des tribunaux territoriaux des forces armées (art. 68 à 72 CJM). Y sont donc jugés les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation commis par des militaires en dehors du territoire de la République.

-Les tribunaux militaires aux armées sont composés de 5 membres, tous militaires.

La justice militaire en temps de guerre

-En temps de guerre, les juridictions militaires sont rétablies de plein droit. Elles peuvent également l'être par décret en Conseil des ministres en cas d'état de siège ou d'état d'urgence (art. 700 CPP).

-Il convient à nouveau de distinguer selon que les infractions ont été commises sur le territoire de la République ou en dehors du territoire de la République.

-En effet, les infractions commises en temps de guerre par des militaires sur le territoire de la République sont soumises soit au tribunal territorial des forces armées, soit au haut tribunal des forces armées (a). En revanche, les infractions commises en temps de guerre par des militaires en dehors du territoire de la République sont soumises, quant à elles, au tribunal militaire aux armées (b).

a. Le tribunal territorial des forces armées

-En temps de guerre, les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation (et les infractions qui leur sont connexes), commis par un militaire sur le territoire de la République, sont jugés par des tribunaux territoriaux des forces armées. Ces derniers sont rétablis par décret en Conseil d'État. Leur ressort territorial s'étend sur tout ou partie d'une ou plusieurs régions militaires.

-Chaque tribunal territorial des forces armées est composé de la manière suivante :

--2 juges judiciaires (magistrats du siège) ; --3 « juges militaires » (art. 28 CJM). Ce sont des militaires désignés pour 6 mois par l'autorité militaire. Il faut au moins deux officiers dont un officier supérieur, et un juge du même grade que le prévenu mais ayant une ancienneté supérieure.

b. Le haut tribunal aux armées

-Cette juridiction unique siège à Paris. Elle est compétente pour juger les maréchaux, amiraux et généraux (art. 26 CJM) qui, en temps de guerre, ont commis sur le territoire de la République des crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation (et les infractions qui leur sont connexes).

-Le haut tribunal aux armées est composé de 5 membres :

--un président, magistrat de la Cour de cassation ;

--un assesseur, magistrat de Cour d'appel ;

--trois assesseurs, militaires ayant un grade identique à celui du prévenu.

C. Les juridictions politiques

-Il est parfois nécessaire de juger certains responsables politiques de l'État (Président de la République, membres du Gouvernement) pour des infractions graves dont ils se seraient rendus coupables dans l'exercice de leurs fonctions.

-Les juridictions de droit commun sont ici mal placées pour se prononcer sur des infractions de cette nature qui risque de soulever des problèmes de responsabilité politique relevant normalement de la compétence des assemblées parlementaires. Aussi a-t-on eu l'idée de mettre en place des juridictions pénales spécialisées.

-L'histoire des juridictions politiques connaît plusieurs étapes importantes :

--jusqu'à la Constitution du 4 octobre 1958, les membres du Gouvernement ainsi que le Président de la République étaient couverts par une immunité pénale absolue. Il n'existait alors aucune juridiction politique.

--les Constituants de 1958 ont voulu changer cela. Aussi ont-ils inséré un article 67 dans la Constitution du 4 octobre 1958. Ce texte institua la « Haute Cour de Justice » qui, en 2007, devint la « Haute Cour ». Initialement, cette juridiction avait compétence pour juger tant le Président de la République que les membres du Gouvernement.

--mais, au fil des années, il est apparu nécessaire de différencier clairement les juridictions appelées à connaître des infractions commises par le Président de la République de celles appelées à connaître des infractions commises par un membre du Gouvernement. On ne juge pas le Président de la République de la même manière qu'un membre du Gouvernement ! Les enjeux sont fondamentalement différents.

--une réforme est alors intervenue par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993. Cette réforme fait notamment suite à l'affaire dite du « sang contaminé ». Cette réforme a porté sur deux points essentiellement : ---tout d'abord, elle a restreint la compétence de la Haute Cour de Justiceactuellement Haute Cour -au seul Président de la République (1) ; ---ensuite, elle a crée une nouvelle juridiction politique chargée de juger les infractions commise par les membres du gouvernement : la Cour de Justice de la République (2).

La Haute Cour

-La Haute Cour est compétente pour juger les manquements par le Président de la République à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Malheureusement, ni la Constitution, ni le Code pénal ne définissent cette notion de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec son mandat ».

-Comment fonctionne alors la Haute Cour ?

--la Haute Cour est composée par l'ensemble des députés et des sénateurs ;

--elle est présidée par le Président de l'Assemblée Nationale ;

--elle ne peut prononcer qu'une seule sanction : la destitution du Président de la République ;

--encore, pour pouvoir prononcer cette sanction, la Haute Cour doit réunir la majorité des deux tiers des membres qui la composent. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la destitution ; --le vote sur la destitution se fait par bulletins secrets ;

--enfin, la Haute Cour doit statuer dans un délai d'un mois à compter de sa saisine ;

--en principe, ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours.

-Par bonheur, et pour l'honneur de la France, cette juridiction n'a jamais eu l'occasion de siéger.

La Cour de Justice de la République

-Cette juridiction, instituée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, est chargée de juger les crimes et délits dont se serait rendu coupable un membre du Gouvernement (ministre, secrétaire d'état) dans l'exercice de ses fonctions (pas les contraventions. Ici, les membres du Gouvernement sont couverts par une immunité pénale). Elle est prévue et réglementée par les articles 68-1 et 68-2 de la Constitution du 4 octobre 1958.

-Un membre du Gouvernement peut donc aujourd'hui être poursuivi en justice sans qu'il y ait nécessairement crime de haute trahison. Une simple infraction (crime ou délit) peut justifier des poursuites devant cette juridiction.

-Cette Cour de justice est une juridiction échevinale car elle est composée de 15 juges : --6 députés ;

--6 sénateurs ;

--3 magistrats du siège de la Cour de cassation dont l'un d'eux est désigné par le Président de la République pour assurer la présidence de cette juridiction.

-Cette Cour est saisie soit d'office par le Procureur général près la Cour de cassation, soit par toute personne par le biais d'une plainte. Cette plainte doit cependant avoir été examinée par une Commission des requêtes.

-L'arrêt de la Cour de justice de la République est susceptible de recours devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation. Si l'arrêt est cassé, la Cour de Justice de la République, entièrement recomposée, juge à nouveau l'affaire.

Sous titre 2 : La Cour de cassation

-Une bonne justice exige que l'interprétation et l'application du droit par les magistrats soient contrôlées afin que soient évitées les contradictions de décisions.

Ce contrôle est exercé en France par une haute juridiction appelée « Cour de cassation ».

Celle-ci a précisément pour mission de contrôler l'application des règles de droit et d'unifier leur interprétation. Il s'agit là d'une mission extrêmement technique et délicate.

Chapitre 1 : Le rôle de la Cour de cassation

-La Cour de cassation exerce un double rôle : d'une part, un rôle juridictionnel (S1) ; d'autre part, un rôle non juridictionnel (S2).

S1. Le rôle juridictionnel de la Cour de cassation

-La Cour de cassation est la « gardienne de l'unité du droit ». L'idée qui présida à sa création fut d'unifier l'interprétation des règles de droit sur l'ensemble du territoire de la République. Sa vocation initiale était d'être une Cour régulatrice afin qu'une même règle de droit soit interprétée et appliquée de la même façon dans toutes les juridictions du territoire français.

-Ce rôle a été maintenu à travers les époques. On dit que la Cour de cassation est à la fois juge du droit ( §1) et juge de cassation ( §2). §1. La Cour de cassation, juge du droit -La Cour de cassation n'est pas un troisième degré de juridiction dans la mesure où elle ne traite pas le fond de l'affaire (les faits de l'espèce). Elle n'est pas juge du fait, mais exclusivement juge du droit. Tel est le principe (A), lequel est cependant assortit d'une exception (B).

A. Le principe : la Cour de cassation ne juge que le droit -En principe, la Cour de cassation ne juge que le droit. En d'autres termes, elle n'a pas à s'occuper des éléments de fait du procès ! Son rôle consiste à contrôler la rectitude juridique des décisions de justice rendues par une juridiction de l'ordre judiciaire. Elle se prononce sur la légalité de la décision rendue par les juges du fond. On dit que la Cour de cassation « juge les jugements et non les affaires ».

Prenons un exemple : un automobiliste a causé un accident de la circulation. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable en raison de l'excès de vitesse qu'il a commis, et le puni à une peine d'amende et à l'annulation définitive de son permis de conduire. Cet automobiliste ne pourra pas arguer devant la Cour de cassation les faits (excès de vitesse). Mais il pourra soulever devant elle la méconnaissance d'une règle de droit (interdiction pour le juge répressif de prononcer une annulation définitive du permis de conduire).

-La fonction principale de la Cour de cassation est donc de contrôler la bonne application des règles de droit par les juridictions du fond. La Cour de cassation est compétente pour contrôler la totalité des décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de l'ordre judiciaire (tribunal d'instance, tribunal de grande instance, cour d'assises, juge de proximité, Cour d'assises, tribunal de police, tribunal correctionnel, conseil des prud'hommes, tribunal paritaire des baux ruraux, tribunal des affaires de la sécurité sociale, tribunal de commerce).

-Elle est saisie par le moyen d'un pourvoi en cassation. Ce pourvoi est formé par la partie qui estime que la décision prononcée en dernier ressort par les juges du fond viole une règle de droit. Sauf disposition contraire, le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois. Il commence à courir à compter de la notification de la décision contestée.

-Trois observations s'imposent :

--première observation : selon l'art. 604 CPC, le pourvoi en cassation « tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement à la règle de droit ».

Selon la doctrine, cette « non-conformité à la règle de droit » peut revêtir plusieurs réalités, lesquelles sont appelées en procédure civile les « cas d'ouverture à cassation ». En d'autres termes, un pourvoi en cassation ne peut être formé que si un cas d'ouverture à cassation peut être invoqué. Ces cas d'ouverture sont les suivants : ---la violation de la loi : le terme « loi » ne doit pas être entendu strictement. Toute méconnaissance d'une règle juridique est susceptible de justifier un pourvoi en cassation. A la violation de la loi est assimilée la mauvaise interprétation de la loi ; ---le défaut de motif : le défaut de motif consiste, pour les juges du fond, de ne pas avoir motivé leur décision (absence de motivation) ; ---le manque de base légale : le manque de base légale consiste, pour les juges du fond, de ne pas avoir motivé suffisamment leur décision (insuffisance de la motivation) ; ---l'incompétence : la méconnaissance des règles de compétence constitue un cas de pourvoi ; ---l'excès de pouvoir : il s'agit de l'hypothèse d'empiètement sur d'autres pouvoirs ; ---la contrariété de jugements rendus entre les mêmes parties : l'art. 618 CPC dispose qu'un pourvoi peut être formé à l'encontre du jugement second en date lorsque la fin de nonrecevoir tirée de l'autorité de chose jugée a été en vain opposée devant les juges du fond ; ---l'inobservation des formes : l'inobservation des formes prescrites à peine de nullité est un cas d'ouverture à cassation ; ---la perte de fondement juridique : il faut supposer une décision parfaitement légale au jour de son prononcé, mais qui perd son fondement juridique en raison d'un acte qui lui est postérieur, par exemple l'intervention d'une nouvelle loi déclarée applicable aux instances en cours devant la juridiction de cassation, ou encore l'annulation d'un acte administratif ou juridictionnel qui servait de base à la décision.

--deuxième observation : il existe des hypothèses dans lesquelles la Cour de cassation ne juge pas le droit (V. Th. Le Bras, Droit judiciaire privé, 3 ème éd., Montchrestien, n°799 s, p. 640 s.) :

---elle ne contrôle pas l'application de la loi étrangère, des coutumes locales ou professionnelles ou encore des contrats ;

---elle ne contrôle pas certaines qualifications juridiques (ex. : le caractère réel et sérieux du prix de la vente, la faute dans le mariage, l'urgence en matière de référé...).

--troisième observation : pour vérifier la légalité de la décision rendue par les juges du fond, la Cour de cassation est toujours appelée, non pas à juger les faits, mais à les contrôler (V. Th. Le Bras, Droit judiciaire privé, 3 ème éd., Montchrestien, n°805 s, p. 645 s.).

En effet, pour que la Cour de cassation puisse se livrer à un examen de l'affaire en pur droit, il faut qu'elle trouve dans la décision des juges du fond tous les éléments de faits qui lui sont nécessaires pour opérer son contrôle de la légalité de la décision qui lui est déférée.

En d'autres termes, pour opérer son contrôle de la légalité, la Cour de cassation a besoin de connaître la motivation retenue par les juges du fond, laquelle repose exclusivement sur des éléments de fait.

Mais attention : ce faisant, la Cour de cassation ne juge pas les faits dans la mesure où elle ne se prononce pas sur leur existence. Elle ne fait que les contrôler pour vérifier s'ils sont suffisants pour permettre un contrôle de la légalité.

Le contrôle des faits par la Cour de cassation est bien évidemment quantitatif. Elle recherche si les éléments de faits retenus par les juges du fond sont suffisants en nombre pour justifier en droit leur décision. Mais ce contrôle est également qualitatif : les éléments de fait sur lesquels les juges du fond fondent leur décision doivent être cohérents et satisfaisants. Est ainsi cassée la décision qui repose sur des motifs d'ordre général, sur des motifs dubitatifs, sur des motifs hypothétiques ou encore sur des motifs contradictoires.

B. L'exception : la Cour de cassation juge également les faits

-Dans une hypothèse très particulière, la Cour de cassation juge également les faits.

-Il faut savoir que, en matière pénale, la Cour de cassation a compétence pour connaître des recours en révision. Le recours en révision qui a pour objet de réparer une erreur judiciaire commise lors d'une condamnation correctionnelle ou criminelle (art. 622 s. CPP).

-Dans ce cas, une question de fait doit par exception être examinée par la Cour de cassation qui doit statuer sur le fond. Cela constitue une exception notable à la règle selon laquelle la Cour de cassation n'est juge que du droit.

-Le condamné, mais également sa famille s'il est décédé ou encore le ministre de la Justice, peuvent saisir la Cour de cassation d'un pourvoi en révision. Il faut prouver qu'un fait important n'a pas été examiné par la juridiction du fond, et que, s'il l'avait été, la solution eut été différente.

-Le recours en révision est adressé à une Commission de révision chargée d'instruire l'affaire. Cette Commission est présidée par un conseiller à la Chambre criminelle, assisté de 4 conseillers à la Cour de cassation. Son rôle consiste à contrôler la véracité des faits nouveaux susceptibles de remettre en cause l'autorité de la chose jugée.

-Au regard de ces éléments, la Commission de révision accepte ou refuse la révision dans un arrêt motivé insusceptible de recours. Dans l'hypothèse où il y a effectivement matière à révision, la demande est alors transmise à la Chambre criminelle qui, en qualité de cour de révision, doit juger l'affaire en droit et en faits.

Deux issues sont alors possibles : --si la demande lui paraît mal fondée, la cour la rejette ;

--si la demande lui paraît fondée, la cour annule la condamnation. La Chambre criminelle peut statuer elle-même sur le fond de l'affaire. Elle peut également décider de renvoyer l'accusé ou le prévenu devant une juridiction de même ordre et de même degré, mais autre que celle dont émane la décision annulée (art. 625 CPP).

-Lorsque le condamné est reconnu innocent, deux conséquences se produisent :

--lui ou sa famille s'il est décédé peuvent obtenir de l'État une indemnité en raison du préjudice que la condamnation annulée a engendré. C'est la Commission nationale d'indemnisation en matière de détention provisoire qui se prononcera sur le montant de l'indemnisation. Cette Commission, créée par une loi du 17 juillet 1970, est composée de 3 magistrats du siège de la Cour de cassation ; --la décision qui l'innocente fait l'objet d'une publicité en mairie, dans des journaux et au journal officiel. Les cas de révision demeurent rarissimes. §2. La Cour de cassation, juge de cassation -Pour pouvoir unifier l'interprétation de la règle de droit sur l'ensemble du territoire de la République, la Cour de cassation dispose d'une arme redoutable : comme son nom l'indique, elle peut « casser » les décisions qui lui sont déférées, c'est-à-dire les annuler.

-Ce faisant, elle peut imposer l'interprétation du texte qui lui paraît correcte et l'imposer à toutes les juridictions inférieures. Par ce biais se réalise l'unification de l'interprétation du droit.

-Quand elle est saisie d'un pourvoi, la Cour a alors le choix entre deux solutions : elle peut rejeter le pourvoi (A) ou casser la décision qui lui est déférée (B).

A. La décision de rejet

-Lorsque la Cour de cassation estime que les juges du fond n'ont commis aucune erreur de droit, qu'ils ont interprété et appliqué correctement la règle juridique, elle ne peut alors que rejeter le pourvoi. La décision attaquée devient irrévocable. L'affaire est terminée.

B. La décision de cassation

-Lorsque la Cour de cassation constate une erreur d'interprétation, elle casse la décision contestée, c'est-à-dire l'annule. Une option s'offre alors à la Cour de cassation : elle peut casser avec (2) ou sans renvoi (1) devant une autre juridiction de la même nature et du même degré.

La cassation sans renvoi

-La cassation sans renvoi se pratique quand l'affaire est simple et qu'il n'y a plus rien à juger.

Exemple n°1 : l'arrêt est cassé sans renvoi pour avoir déclaré recevable l'appel formé hors délai.

Exemple n°2 : l'arrêt est cassé sans renvoi pour avoir fixé une sanction pénale au regard d'un texte abrogé ou pour des faits amnistiés.

Exemple n°3 : l'arrêt est cassé sans renvoi lorsque la Cour dispose des éléments de faits lui permettant d'appliquer directement la règle de droit appropriée. C'est le cas, par exemple, lorsque la cour d'appel ayant refusé à tort le paiement des intérêts, la Cour de cassation casse l'arrêt et en ordonne le paiement.

-La cassation avec renvoi est décidée quand l'affaire doit être rejugée en faits. En effet, ne pouvant elle-même appliquer sa propre décision aux faits de l'espèce (puisqu'elle n'est juge que du droit), la Cour va alors confier à une juridiction du fond le soin d'appliquer la décision de droit qu'elle vient de rendre aux faits de l'espèce. Encore une fois, lorsqu'elle décide de renvoyer l'affaire, les parties sont renvoyées devant une juridiction de même nature et de même degré que celle qui a initialement jugé.

Exemple n°1 : si un arrêt de la cour d'appel de Colmar est cassé avec renvoi, l'affaire peut être renvoyée devant la cour d'appel de Lyon.

Exemple n°2 : si un jugement rendu en premier et dernier ressort par le tribunal d'instance de Strasbourg est cassé avec renvoi, l'affaire peut être renvoyée devant le tribunal d'instance de Paris.

-La juridiction de renvoi examine alors l'affaire dans son intégralité, c'est-à-dire en fait et en droit. Elle dispose ici d'une liberté parfaite quant à la décision à prendre. En principe, elle n'est pas tenue de retenir l'interprétation de la Cour de cassation. Deux issues sont alors possibles : --si la juridiction de renvoi statue dans le même sens que la Cour de cassation, l'affaire sera terminée ; --en revanche, si la juridiction de renvoi ne statue pas dans le même sens que la Cour de cassation -on dit qu'elle refuse de « s'incliner » -et adopte la même solution que la juridiction dont la décision a été contestée à travers le pourvoi en cassation, le plaideur pourra former un deuxième pourvoi. Celui-ci sera alors jugé par l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation.

Deux issues sont à nouveau possibles : ---si l'Assemblée Plénière donne raison à la juridiction de renvoi, la décision contestée devient irrévocable. Il s'agit alors d'un revirement jurisprudentiel dû à la résistance des juges du fond ; ---si l'Assemblée Plénière ne donne pas raison à la juridiction de renvoi, elle casse la décision rendue par celle-ci et renvoie les parties devant une deuxième juridiction de renvoi. Celle-ci apprécie alors les faits en toute liberté. En revanche, elle sera tenue d'adopter l'interprétation juridique retenue par l'Assemblée Plénière.

S2. Le rôle non juridictionnel de la Cour de cassation

-La Cour de cassation remplit également une mission consultative. En effet, depuis la loi du 15 mai 1991, elle peut simplement être saisie pour avis.

-Depuis cette loi, les juridictions de l'ordre judiciaire, peuvent, à l'occasion des litiges dont elles sont saisies, saisir la Cour de cassation afin d'obtenir d'elle un avis sur une question de droit qui leur est posée.

-Plusieurs remarques :

--première remarque : la très grande majorité des juridictions de l'ordre judiciaire peuvent saisir pour avis la Cour de cassation. Initialement, seules les juridictions civiles pouvaient le faire. Depuis une loi du 25 juin 2001, les juridictions pénales de jugement peuvent également le faire. Leur nature et leur degré importent peu (tribunal d'instance, juge de proximité, tribunal de grande instance, cour d'appel...).

En revanche :

---les parties au litige n'ont pas ce droit ;

---de même, le recours pour avis reste fermé aux juridictions pénales d'instruction ainsi qu'aux Cour d'assises ;

---enfin -bien évidemment, le recours pour avis reste fermé aux juridictions de l'ordre administratif.

--deuxième remarque : le recours pour avis suppose que soient réunies trois conditions cumulatives :

---il faut une question de droit nouvelle, c'est-à-dire une question non encore résolue par la Cour de cassation ; ---la question doit présenter une difficulté sérieuse : elle doit raisonnablement pouvoir donner lieu à des solutions divergentes de la part des juridictions de fond ; ---la question doit se poser dans de nombreux litiges : il faut un vaste mouvement contentieux.

--troisième remarque : la Cour de cassation dispose d'un délai de 3 mois pour rendre son avis. Pendant ce délai, le juge qui a sollicité l'avis doit surseoir à statuer.

--quatrième remarque : l'avis de la Cour n'a aucune autorité de chose jugée. Le juge demandeur de l'avis est libre de le suivre ou non. L'avis ne lie pas la Cour de cassation elle-même.

--cinquième remarque : lorsqu'elle rend un avis, la Cour de cassation est composée du premier Président, des présidents de chambres et de deux conseillers de chaque chambre spécialement concernée Nous examinerons successivement la composition de la Cour de cassation (S1) puis ses formations (S2).

Chapitre 2 : L'organisation de la Cour de cassation S1. La composition de la Cour de cassation -La Cour de cassation réunit des magistrats du siège ( §1) et des magistrats du parquet ( §2). §1. Les magistrats du siège de la Cour de cassation -La Cour de cassation compte actuellement 167 magistrats du siège. Ces derniers appartiennent à différentes catégories bien distinctes :

--le premier Président : la Cour de cassation est présidée par un premier Président. C'est le plus haut magistrat de l'ordre judiciaire (son nom : Vincent Lamanda, depuis le 30 mai 2007. Il a succédé à Guy Canivet qui, lui-même, avait succédé à Pierre Truche). Le premier Président n'a aucun pouvoir juridictionnel propre. Toutefois :

---il est le chef de la plus prestigieuse juridiction de l'ordre judiciaire. A ce titre, il exerce des fonctions administratives importantes ;

---il décide du renvoi en Chambre mixte ou en Assemblée Plénière ;

---il préside la Chambre mixte ainsi que l'Assemblée Plénière. Il préside également la formation spéciale pour avis, ainsi que le Conseil Supérieur de la Magistrature se réunissant en formation disciplinaire contre les magistrats du siège.

--6 présidents de Chambre : ils répartissent les dossiers entre leurs conseillers, animent les débats et siègent dans la Chambre mixte, dans l'Assemblée Plénière et dans la formation spéciale pour avis.

--88 conseillers, appelés « Hauts conseillers » : ce sont des magistrats de carrière confirmés. Ils appartiennent à deux catégories : la plupart sont des Hauts conseillers en service ordinaire ; certains sont des Hauts conseillers en service extraordinaire. Ces derniers sont des personnes qui, sans être magistrats, sont recrutées pour 5 ans en raison de leur expérience professionnelle antérieure d'au moins 25 ans. Ces Hauts conseillers en service extraordinaire exercent des fonctions juridictionnelles, tout comme les Hauts conseillers en service ordinaire.

--54 conseillers référendaires : ce sont des jeunes magistrats qui sont momentanément affectés à la Cour de cassation pour une durée non renouvelable de 10 ans. Après quoi, ils regagnent leur juridiction d'origine. Leur rôle est d'assister les Hauts conseillers et notamment d'alléger leur charge. En effet, ils ont pour mission principale de « rapporter » les affaires de la Chambre à laquelle ils sont affectés, c'est-à-dire de les présenter synthétiquement aux Hauts conseillers afin de faciliter et accélérer leur prise de décision. Initialement, les conseillers référendaires n'avaient qu'une voix consultative. Depuis la loi du 12 juillet 1978, ils ont voix délibérative. De plus, ils peuvent désormais être appelés à compléter la Chambre à laquelle ils appartiennent, lorsque le nombre exigé de 5 conseillers n'est pas atteint.

--18 auditeurs : ils exercent des attributions administratives au sein de la Cour de cassation. Par ailleurs, grâce à leurs recherches, ils jouent un rôle d'aide à la décision. §2. Les magistrats du parquet de la Cour de cassation -Le parquet de la Cour de cassation est placé sous l'autorité du Procureur général près la Cour de cassation (Jean-Louis Nadal) assisté de 4 premiers avocats généraux (Régis De Goutte, Cécile Petit, André Gariazzo et Alexandre Benmakhlouf) et de 28 avocats généraux. Répartis dans les différents Chambres de la Cour de cassation.

-C'est le Procureur général qui préside la formation disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature se réunissant en formation disciplinaire pour les membres du parquet.

S2. Les formations de la Cour de cassation

A. Les formations en Chambres

La Cour de cassation est divisée en 6 Chambres, chacune ayant des attributions spécifiques. A la tête de chaque Chambre est placé un président de Chambre :

--la première Chambre civile (encore appelée la « grande Chambre ») : droit des personnes, contrats, assurance, droit international, droit de la famille ; --la deuxième Chambre civile : procédure civile, responsabilités ;

--la troisième Chambre civile (encore appelée la « Chambre immobilière ») : droits réels, propriété, urbanisme ; --la quatrième Chambre civile (encore appelée la « Chambre commerciale et financière ») : droit des affaires, droit commercial, droit boursier ; --la cinquième Chambre civile (encore appelée la « Chambre sociale ») : droit du travail, droit de la sécurité sociale ; --la Chambre criminelle : droit pénal.

-Chaque année, dans la première quinzaine du mois de décembre, l'affectation des magistrats à chaque Chambre est effectuée par le premier Président et le Procureur Général.

-Ces Chambres peuvent se réunir de différentes manières (1). Elles ont pour mission d'examiner, à travers un mécanisme particulier, les pourvois qui leur sont soumis (2).

Les différentes Chambres

-Ces Chambres peuvent se réunir de différentes manières. En effet, les pourvois peuvent être examinés soit par l'une des Chambres en formation ordinaire (a) ou restreinte (b), soit par une Chambre mixte (c), soit par l'Assemblée Plénière (d).

a. La Chambre en formation ordinaire -En principe, le pourvoi est examiné par la Chambre compétente qui siège en formation ordinaire. La Chambre en formation ordinaire ne peut siéger régulièrement que si elle comprend au moins 5 membres ayant voix délibérative (l'obligation de juger en nombre impair ne s'applique pas à la Cour de cassation).

-Ce chiffre ne date que de la loi du 6 août 1981. Auparavant, la Chambre ordinaire comprenait au moins 7 membres ayant voix délibérative.

-Mais pour que le pourvoi puisse être examiné par la Chambre compétente, encore faut-il que son admission ait été retenue par une formation de trois juges appartenant à la Chambre à laquelle le pourvoi a été distribué. En effet, une loi du 25 juin 2001 a organisé une procédure préalable d'admission des pourvois devant les Chambres civiles entendues lato sensu (art. L. 131-6 COJ). En revanche, cette procédure préalable d'admission ne concerne pas les pourvois en matière criminelle.

Ainsi, lorsqu'un pourvoi parvient à l'une des Chambres civiles entendues lato sensu, celle-ci ne pourra l'examiner au fond que si une formation de trois juges l'a déclaré « admis ». Cette formation joue ainsi le rôle d'une formation de filtrage des pourvois en cassation.

Cette formation se réunie de plein droit. Toutefois, le premier Président ou le Président de la Chambre concernée peuvent décider de renvoyer directement une affaire à l'audience de la Chambre, sans que le pourvoi ne passe par le filtre de la formation de trois juges. Ils peuvent le faire d'office, ou à la demande du procureur général ou de l'une des parties. Leur décision n'a pas à être motivée (art. L. 131-6 al. 3 COJ).

L'admission sera refusée par la formation de filtrage si le pourvoi est « jugé irrecevable » ou s'il « n'apparaît pas fondé sur un moyen sérieux de cassation » (art. L. 131-6 COJ).

Si l'admission est acceptée, il appartient à la formation de filtrage de renvoyer l'examen du pourvoi à l'audience de la Chambre.

-Pour chaque affaire, il appartient au président de Chambre de déterminer la composition de la Chambre en formation ordinaire (nombre de membres, noms des membres). La Chambre en formation ordinaire constitue la formation normale de la Cour de cassation. Il faut cependant remarquer que, de plus en plus, la Chambre interviendra en formation restreinte. Enfin, lorsqu'elle intervient, la chambre ordinaire peut rendre deux sortes de décisions :

--elle peut rejeter le pourvoi. L'affaire est alors terminée ;

--elle peut casser la décision qui lui est déférée, avec ou sans renvoi devant une juridiction du fond de même nature et de même degré.

b. La Chambre en formation restreinte

-Toutes les Chambres de la Cour de cassation peuvent siéger en formation restreinte lorsque la solution du pourvoi s'impose (art. L. 131-6 al. 2 COJ).

-Ainsi, lorsqu'un pourvoi a été admis par la formation de filtrage (sauf pour les pourvois présentés à la Chambre criminelle), il pourra être examiné non par la Chambre ordinaire composée d'au moins cinq conseillers, mais par une formation restreinte composée de trois conseillers.

-Il pourra en être ainsi lorsque la solution du pourvoi s'impose.

• -La décision de juger telle affaire en formation restreinte appartient au Premier président ou au président de la Chambre concernée.

-Lorsque la formation restreinte est saisie, il lui appartiendra de statuer sur le fond de l'affaire. Elle peut ainsi rendre trois sortes de décisions :

--elle peut rejeter le pourvoi. L'affaire est alors terminée ;

--elle peut casser la décision qui lui est déférée, avec ou sans renvoi devant une juridiction du fond de même nature et de même degré ; --elle peut encore renvoyer l'examen du pourvoi à l'audience ordinaire de la Chambre concernée, notamment dans l'hypothèse où elle s'aperçoit que la solution du pourvoi ne s'impose finalement pas. Ce renvoi peut être prononcé par la formation restreinte à la demande du Procureur général ou de l'une des parties. Le renvoi est de droit dès lors que l'un des magistrats composant la formation restreinte la demande.

c. La Chambre mixte

-La Chambre mixte est un instrument de régulation interne de la jurisprudence des diverses Chambres de la Cour de cassation. Elle permet d'éviter au sein de la Cour de cassation la naissance de jurisprudences divergentes entre les diverses Chambres. La Chambre mixte ne siège pas plus de 5 à 6 fois par an.

-La Chambre mixte a une compétence tantôt facultative, tantôt obligatoire :

--la Chambre mixte a tout d'abord une compétence facultative dans deux hypothèses :

---lorsqu'une affaire pose une question de droit relevant normalement des attributions de plusieurs Chambres ;

---ou lorsque la solution de la chambre concernée est susceptible de provoquer des solutions divergentes au sein des autres Chambres.

Dans ces deux hypothèses, le renvoi devant la Chambre mixte peut être ordonné. Il peut l'être :

---avant l'ouverture des débats : par le premier Président agissant d'office ou sur proposition du président de la Chambre normalement compétente ; ---après l'ouverture des débats : par un arrêt non motivé de la Chambre qui a été saisie.

--la Chambre mixte a également une compétence obligatoire dans deux hypothèses limitativement énumérées par le Code de l'organisation judiciaire :

---lorsque se produit devant la Chambre compétente un partage égal des voix (ce qui peut arriver puisqu'une Chambre peut statuer en nombre pair). Le renvoi devant Chambre mixte se fera obligatoirement par ordonnance du premier Président ; ---lorsque le procureur général le requiert avant l'ouverture des débats. Le renvoi devant la Chambre mixte se fera obligatoirement par ordonnance du premier Président.

• -Lorsqu'elle intervient, la Chambre mixte doit réunir au moins trois Chambres différentes de la Cour. Elle comprend, outre le premier Président qui la préside, les présidents et doyens des Chambres qui la composent, ainsi que deux conseillers de chacune de ces Chambres. Elle peut ainsi avoir entre 13 et 25 membres.

d. L'Assemblée Plénière

-L'Assemblée Plénière est la formation la plus solennelle de la Cour de cassation. Elle est une version moderne des anciennes Chambres réunies (disparues en 1967).

-L'Assemblée Plénière est un instrument de régulation externe de la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, elle intervient lorsqu' existe un conflit entre la Cour de cassation et les juges du fond.

-Comme la Chambre mixte, l'Assemblée Plénière a tantôt une compétence obligatoire, tantôt une compétence facultative :

--elle a tout d'abord une compétence obligatoire lorsque, après une cassation d'un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens que ceux qui avaient fondé le premier pourvoi (donc second pourvoi fondé sur les mêmes moyens). Il s'agit ici des cas de résistance d'une juridiction de renvoi à la décision de la Cour de cassation. Dans ce cas, l'Assemblée Plénière interviendra obligatoirement pour déterminer la solution qui s'imposera, en cas de nouvelle cassation, à la deuxième juridiction de renvoi. -Le renvoi devant l'Assemblée Plénière se fera obligatoirement par ordonnance du premier Président ; --elle a ensuite une compétence facultative lorsqu'il existe des solutions divergentes, soit entre des juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation. On veut, dans ces éventualités, éviter un conflit qui rendrait obligatoire la saisine de l'Assemblée Plénière.

Ici, le renvoi devant l'Assemblée Plénière peut être ordonné. Il peut l'être :

---avant l'ouverture des débats : par le premier Président agissant d'office ou sur proposition du président de la Chambre normalement compétente ; ---après l'ouverture des débats : par un arrêt non motivé de la Chambre qui a été saisie.

-Lorsqu'elle se réunit, l'Assemblée Plénière se compose de 19 personnes :

--le premier Président, qui préside l'Assemblée plénière ;

--les présidents de Chambres ;

--les doyens des Chambres ;

--un conseiller de chaque Chambre.

V. On remarquera que l'Assemblée Plénière peut comprendre moins de personnes que la Chambre mixte.

Le mécanisme du pourvoi en cassation

-Le déroulement d'un pourvoi en cassation, qui suppose qu'une juridiction du premier ou du second degré ait rendu une décision en premier et dernier ressort, se présente selon le schéma suivant (5 étapes successives) :

Première étape -Ce pourvoi est porté, en fonction de la nature de l'affaire devant l'une des six Chambres de la Cour de cassation ou devant la Chambre mixte ou devant l'Assemblée plénière.

Deux observations :

--la Chambre compétente statue normalement en formation ordinaire. Elle peut cependant aussi statuer en formation restreinte ;

--si le pourvoi est porté devant l'une des cinq Chambres civiles entendues lato sensu, celle-ci ne pourra l'examiner au fond que si une formation de filtrage a déclaré l'admission du pourvoi.

Deuxième étape

-Après examen du pourvoi, la Chambre compétente (ou la Chambre mixte lorsqu'elle a été saisie ou encore l'Assemblée plénière lorsqu'elle a été saisie) peut adopter l'une des positions suivantes :

--elle peut rejeter le pourvoi. L'affaire est alors terminée ;

--elle peut casser sans renvoi. L'affaire est alors terminée ;

--elle peut casser la décision qui lui est déférée et renvoyer devant une juridiction de même nature et de même degré (première juridiction de renvoi).

Troisième étape

-En cas de cassation avec renvoi, il appartiendra à la juridiction de renvoi de statuer à nouveau sur l'affaire, en fait et en droit. Deux solutions sont possibles : --si la juridiction de renvoi se range à la position de la Cour de cassation (elle « s'incline »), l'affaire est terminée ; --si la juridiction de renvoi refuse de s'incliner, l'affaire pourra, sur un second pourvoi, être à nouveau portée devant la Cour de cassation.

Quatrième étape

-Si la juridiction de renvoi refuse de s'incliner et qu'un second pourvoi fondé sur les mêmes moyens est formé, celui-ci sera alors obligatoirement examiné par l'Assemblée Plénière. Cette formation peut, à son tour, rendre trois solutions différentes :

--elle peut rejeter le pourvoi. L'affaire est alors terminée ;

--elle peut casser sans renvoi. L'affaire est alors terminée ;

--elle peut casser la décision qui lui est déférée et renvoyer devant une deuxième juridiction de même nature et de même degré (deuxième juridiction de renvoi).

Cinquième étape

-En cas de cassation avec renvoi, il appartiendra à la seconde juridiction de renvoie de statuer à nouveau sur l'affaire. Mais elle sera obligée, sur la question de droit débattue, de juger dans le sens indiqué dans l'arrêt de l'Assemblée Plénière. Certes, un nouveau pourvoi sur le même moyen est irrecevable. Mais il n'est pas interdit de former un pourvoi fondé sur un autre moyen de droit qui n'avait pas encore été discuté auparavant.

B. Les formations en Commissions

-Il existe, au sein de la Cour de cassation, plusieurs Commissions qui exercent elles aussi des fonctions juridictionnelles. Ces Commission sont notamment les suivantes :

--la Commission nationale de réparation des détentions : cette Commission est composée du premier Président de la Cour de cassation qui la préside, et de deux magistrats du siège de la Cour. Elle est compétente pour statuer en appel sur les décisions prises par le premier président de la Cour d'appel en matière de réparation soit du préjudice résultant d'une détention provisoire injustifiée, soit du préjudice subi par une personne condamnée puis reconnue innocente à la suite d'une procédure de révision.

--la Commission juridictionnelle concernant les officiers de police judiciaire : cette Commission est composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation. Elle est chargée de statuer sur les recours formés par les officiers de police judiciaire ayant fait l'objet d'une décision de suspension ou de retrait d'habilitation.

--la Commission de réexamen des décisions pénales intervenues en violation de la Convention européenne des droits de l'Homme : cette Commission a été créée par une loi du 15 juin 2000. Elle vise à effacer les conséquences de la violation, par une juridiction pénale française, de la Convention européenne des droits de l'Homme. Ainsi, lorsque la France est condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour une violation de la Convention ayant entraîné des conséquences dommageables, le réexamen de la décision pénale peut être réclamé dans un délai d'un an à compter de la décision par le ministre de la Justice, le procureur général près la Cour de cassation et le condamné. La Commission de réexamen est composée par 7 magistrats de la Cour de cassation. Il y a un représentant de chaque Chambre de la Cour ainsi que deux représentants de la Chambre criminelle dont l'un assure la présidence de la Commission (art. 626-5 CPP). §2. Les formations non juridictionnelles de la Cour de cassation -Plusieurs formations de la Cour de cassation ne rendent aucune décision juridictionnelle. Il s'agit :

--de la formation consultative (cf. supra) ;

--de l'Assemblée Générale de la Cour de cassation : cette Assemblée joue un rôle exclusivement administratif. Elle traite des questions intéressant directement le fonctionnement interne de la Cour. L'Assemblée Générale est composée de tous les magistrats de la Cour et est présidée par le premier Président. Elle se réunie à huis clos ; --du bureau de la Cour de cassation : il est constitué par le premier Président, les présidents de Chambre, le Procureur général, les premiers avocats généraux et le greffier en chef. Le bureau assiste le premier Président et fixe le nombre et la durée des audiences. Il désigne également les conseillers appelés à siéger dans la Commission nationale de réparation des détentions, ainsi que ceux chargés de l'instruction de la Haute Cour de Justice. Il dresse la liste des magistrats proposés au premier Président pour siéger au Conseil Supérieur de la Magistrature ; --le service de documentation et d'études de la Cour de cassation : placé sous l'autorité du premier Président, ce service est assuré par les auditeurs. Il assure notamment deux missions :

---d'une part, il établit deux bulletins mensuels : un bulletin criminel pour les décisions de la Chambre criminelle et un bulletin civil pour celles des cinq Chambres civiles. N'y sont publiés que les arrêts dont la publication est proposée par le président de la Chambre qui les a rendus ;

---d'autre part, il établit le rapport annuel de la Cour de cassation. En effet, la Cour de cassation adresse un rapport au Garde des Sceaux relatif à l'état d'avancement des procédures et à leur délai d'exécution.

D'autres informations figurent encore dans ce rapport :

----les décisions les plus importantes rendues par la Cour durant l'année passée ;

----les défectuosités législatives et réglementaires constatées ;

----des propositions de réformes qu'il serait souhaitable que le législateur entreprenne ;

----une analyse complète sur un thème juridique donné.

Titre 2 : Les juridictions de l'ordre administratif -Pour des raisons historiques, le contentieux de droit public a été confié à des juridictions administratives, lesquelles sont aujourd'hui extrêmement nombreuses. Au sommet de la pyramide de l'ordre administratif se trouve le Conseil d'État (Chapitre 1) sous l'autorité duquel sont placées toutes les autres juridictions administratives (Chapitre 2).

-Mais avant d'entrer dans l'étude de ces différentes juridictions administratives, il est nécessaire de rappeler quelques généralités :

--on appelle « juridictions administratives » les organes juridictionnels qui, sous le contrôle éventuel du Conseil d'État, tranchent les litiges de droit public qui opposent un administré à l'Administration (État, collectivités territoriales...).

Quelques exemples : les litiges entre un contribuable et l'administration fiscale, les litiges en matière de travaux publics, les litiges en matière d'expropriation, les litiges entre un administré et une commune, les recours en annulation contre un décret ou un arrêté estimé illégal, les demandes en réparation formées contre une administration en raison des dommages causés par le fonctionnement défectueux d'un service public etc.

--les juridictions administratives sont de création relativement récente. Elles sont apparues dans la seconde moitié du XIXème siècle. C'est en effet à cette époque que l'on a déduit pour la première fois que le principe de la séparation des autorités administratives et des autorités judiciaires imposait que l'Administration échappe à l'autorité des juges judiciaires pour n'être soumise qu'au seul contrôle du chef de l'exécutif.

--le Conseil d'État a toujours été la clé de voûte du contentieux administratif. Durant tout le XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle, il était l'unique juridiction appelée à connaître des litiges concernant l'administration. On centralisait tout le contentieux autour d'une seule et unique juridiction ! Cela présentait un avantage certain : permettre l'élaboration d'une jurisprudence à la fois ferme et homogène.

Mais l'emprise sans cesse grandissante de l'administration dans les domaines les plus variés a entraîné une prolifération considérable des litiges auxquels, seul, le Conseil d'État ne pouvait plus faire face. Après la deuxième Guerre Mondiale, on observa un inquiétant engorgement du Conseil d'État, avec pour conséquence une lenteur accrue de la justice administrative.

Des réformes s'imposaient inévitablement, afin de désencombrer le Conseil d'État :

---on a tout d'abord opéré une régionalisation de la justice administrative. C'est ainsi qu'en 1953 ont été institués les tribunaux administratifs puis, en 1987, les Cours administratives d'appel. Ces nouvelles juridictions ont libéré le Conseil d'État d'un important contentieux qui est désormais traité, au premier et au second degré, par des juridictions administratives régionales.

---on a ensuite multiplié les juridictions administratives spécialisées chargées de statuer dans des domaines très particuliers.

Chapitre 1 : Le conseil d'Etat  S1. L'organisation du Conseil d'Etat

-Le Conseil d'État est la plus haute juridiction de l'ordre administratif. Il est, pour ainsi dire, l'homologue de la Cour de cassation dans l'ordre judiciaire.

-Toutefois, il existe une distinction fondamentale entre le Conseil d'État et la Cour de cassation. Si toutes deux exercent les plus hautes fonctions juridictionnelles, la mission principale du Conseil d'État n'est pas de rendre des décisions de justice, mais de conseiller le Gouvernement, notamment dans le domaine législatif et réglementaire.

-

La raison est historique. Rappelons ici que le Conseil d'État trouve son origine sous l'Ancien régime, à la fin du XIIIème siècle, dans le Conseil du Roi, lequel donnait ses avis au Roi sur les affaires administratives et judiciaires réservées à la justice royale. Subissant diverses modifications successives, il traversa les siècles pour atteindre sa forme définitive par une loi du 24 mai 1872. Par cette loi, le Conseil d'État accéda au statut de véritable juridiction, indépendante du pouvoir. Elle rend depuis des décisions au nom du peuple français, comme le font les juridictions judiciaires.

-Nous étudierons successivement l'organisation du Conseil d'État (S1), puis sa compétence (S2). --troisièmement, à la différence des magistrats de la Cour de cassation qui sont inamovibles, ceux du Conseil d'État sont amovibles et peuvent être révoqués par décret. Mais eu égard au prestige de l'institution, ils jouissent d'une inamovibilité de fait.

S1. L'organisation du Conseil d'État

A. Les auditeurs

-Au bas de la hiérarchie se trouvent placés les auditeurs, qui sont issus de l'école Nationale d'Administration (E.N.A.). Ce nom curieux vient de ce que, normalement, ce sont des novices qui s'instruisent en « écoutant » les anciens.

-Les auditeurs, aujourd'hui au nombre de 21, sont divisés en deux classes :

--les élèves classés dans les premiers lors de leur sortie de l'E.N.A. choisissent en général le Conseil d'État où ils sont intégrés comme auditeurs de 2 ème classe ; --après une ancienneté de 18 mois, l'auditeur accède à la 1 ère classe.

-Les auditeurs jouent un rôle très actif : ils participent à l'instruction des dossiers, c'est-à-dire procèdent à l'étude approfondie d'une affaire afin de pouvoir la présenter à la formation collégiale qui devra statuer.

B. Les maîtres des requêtes

-Cette appellation traditionnelle et un peu anachronique est la survivance du temps où les requêtes étaient présentées au Conseil du Roi par un personnage que l'on appelait précisément « maître des requêtes ».

-Les maîtres des requêtes, aujourd'hui au nombre de 67, proviennent pour partie des auditeurs promus eu égard de leur ancienneté et, pour partie, des fonctionnaires âgés d'au moins 30 ans et jouissant d'au moins 10 ans de service public. Ces derniers sont recrutés au « tour extérieur ».

-Leurs fonctions sont tout à fait similaires à celles exercées par les auditeurs.

C. Les commissaires du Gouvernement

-Une fonction bien particulière est assumée par les commissaires du Gouvernement choisis généralement parmi les maîtres des requêtes ou les auditeurs ayant une ancienneté suffisante.

-L'appellation ne doit pas prêter à confusion. Il ne s'agit absolument pas d'un représentant du Gouvernement comme on pourrait le croire. Son rôle consiste, en toute indépendance, à rédiger des conclusions dans lesquelles il doit présenter l'affaire, les arguments des parties, analyser les questions juridiques et donner son avis quant à la solution juridique à retenir. Cette activité requiert donc une grande expérience du contentieux administratif.

-20 membres du Conseil d'État exercent ces fonctions importantes. Les conclusions du commissaire au Gouvernement sont prononcées en public. Elles sont capitales pour le règlement du contentieux puisque la formation de jugement va pouvoir bénéficier d'une réflexion juridique approfondie. Mais cette présidence est de pure forme : elle est exercée de façon protocolaire à l'occasion de certaines cérémonies. Elle est donc purement symbolique. Cette situation n'en est pas moins révélatrice : dans la mesure où le chef théorique du Conseil d'État est le chef du gouvernement luimême, elle fait clairement apparaître l'idée que la juridiction administrative procède de l'administration.

D. Les conseillers d'État

A. Les formations administratives

-Nous verrons successivement l'organisation des formations administratives (1), puis son fonctionnement (2).

L'organisation des formations administratives

-Le Conseil d'État est le consultant juridique du Gouvernement. Pour remplir cette fonction, il comporte 6 sections administratives qui jouent un rôle consultatif : elles donnent des avis : --soit sur les projets de loi ou projets de décrets du Gouvernement ;

--soit sur toute difficulté de nature juridique que peut rencontrer le Gouvernement dans le cadre de son action. Le Conseil d'État peut ainsi être consulté par le Gouvernement sur toute autre question de société comme, par exemple, l'affaire dite du « foulard islamique ».

-Ces sections, qui correspondent « aux Chambres » de la Cour de cassation, sont : la section des finances, la section de l'intérieur, la section des travaux publics, la section sociale, la section du rapport et des études et -enfin -la section de l'administration.

V. La section de l'administration a été créée par le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État (RFDA 03-04/2008 p. 213 s.).

-Les sections administratives sont composées des personnels de tous les grades du Conseil d'État : d'un président de section, de plusieurs présidents-adjoints, de conseillers d'État en service ordinaire, de conseillers d'État en service extraordinaire, de maître de requêtes et d'auditeurs.

V. Le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État (RFDA 03-04/2008 p. 213 s.) a prévu la possibilité, pour chaque président de section mais également pour le Vice-président du Conseil d'État, d'appeler des personnes extérieures à prendre part, avec voix simplement consultative, aux séances d'une section administrative (V. art. R. 123-26 CJA).

Le fonctionnement des formations administratives

-En principe, l'avis est donné par la section administrative réunie en « formation ordinaire », laquelle comprend au moins 7 membres désignés par le président de la section.

-Ce principe connaît deux exceptions :

--d'une part, lorsque l'importance de l'affaire le justifie, l'avis peut être donné par la « formation plénière » de la section administrative compétente. Il appartient au président de la section d'en décider ;

--d'autre part, lorsque la question relève de la compétence de plusieurs sections, l'avis est alors donné par des « sections réunies » ou par une « commission commune » composée de représentants des différentes sections concernées. Dans ce rapport, elle peut, de sa propre initiative, appeler l'attention des pouvoirs publics sur les réformes d'ordre législatif ou réglementaire qui lui paraissent conformes à l'intérêt général ;

--deuxièmement : le Gouvernement n'est pas la seule autorité à pouvoir saisir le Conseil d'État pour avis. Les Cours administratives d'appel ont également ce pouvoir. En effet, l'art. L. 113-1 CJA dispose expressément que la Cour administrative d'appel est en droit de saisir pour avis le Conseil d'État lorsqu'elle se trouve saisie d'une « question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges ». Si elle décide de la faire, la Cour doit alors surseoir à statuer et transmettre le dossier à la section du contentieux du Conseil d'État pour qu'il formule un « avis » dans un délai de 3 mois. La Cour n'est cependant pas obligée de suivre cet « avis ». L'avis ne la lie pas. Mais en fait, l'avis est pratiquement toujours suivi par la Cour demanderesse. On rappellera que le système de la saisine « pour avis » a été étendu à la Cour de cassation par la loi du 15 mai 1991.

B. Les formations contentieuses

-Voyons à nouveau l'organisation des formations contentieuses (1), puis leur fonctionnement (2).

L'organisation des formations contentieuses

-Le Conseil d'État ne compte qu'une seule section à vocation juridictionnelle. Il s'agit de la section du contentieux, qui rend des avis mais des arrêts. C'est au travers de cette section que le Conseil d'État est une véritable juridiction.

-La section du contentieux est celle qui compte le plus grand nombre de membres (environ 140 membres). Les conseillers d'État en service extraordinaire ne sont pas autorisés à y siéger.

-La section du contentieux est elle-même divisée en 10 sous-sections spécialisées.

-La section du contentieux est dirigée par un président de section, assisté de trois présidents adjoints et de dix présidents de sous-sections.

Le fonctionnement des formations contentieuses

-Chaque sous-section est chargée d'instruire les dossiers. L'affaire est ensuite jugée par l'une des quatre formations compétentes pour statuer, à savoir : --la sous-section, si l'affaire ne pose pas de difficultés sérieuses ;

--les sous-sections réunies, si l'affaire est plus technique ou relève de la compétence de plusieurs sous-sections se réuniront alors deux ou trois sous-sections, dont celle qui a instruit l'affaire ; --la section du contentieux en formation de jugement, si l'affaire est particulièrement difficile et délicate. Cette section est composée de 15 membres dont son président, les trois présidents adjoints, les 10 présidents de sous-sections et le rapporteur qui a instruit l'affaire. La section du contentieux connaît plus précisément des affaires qui, par les problèmes juridiques qu'elles soulèvent ou ses implications politiques qu'elles peuvent avoir, exigent que la décision soit prise par une formation suffisamment étoffée pour que son autorité morale soit indiscutable ;

V. Le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État (RFDA 03-04/2008 p. 213 s.) a légèrement modifié la composition de la section du contentieux en formation de jugement. En effet, avant son entrée en vigueur, cette section comprenait également deux conseillers d'État appartenant aux sections administratives. La section du contentieux en formation de jugement comprenait ainsi 17 membres.

--l'Assemblée du contentieux, pour les affaires graves qui posent une question de principe. Il s'agit là de la formation la plus solennelle du Conseil d'État. L'Assemblée du contentieux comporte 17 membres (contre 15 pour la section du contentieux) : elle est présidée par le viceprésident du Conseil d'État, comprend les présidents des six sections administratives, le président de la section du contentieux, les trois présidents adjoints de la section du contentieux, le président de la sous-section ayant instruit l'affaire, le rapporteur et quatre autres présidents de sous-section (les plus anciens dans leurs fonctions).

V. La composition de l'Assemblée du contentieux a été légèrement modifiée par le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État (RFDA 03-04/2008 p. 213 s.). La principale innovation a été de faire siéger à l'Assemblée du contentieux « quatre autres présidents de sous-section » (art. R. 122-20 CJA), ce qui n'était pas le cas auparavant.

• -Pour conclure sur les formations contentieuses, il faut noter que le président de la section du contentieux dispose d'attributions juridictionnelles propres:

--il joue un rôle pour régler les difficultés de compétence entre les tribunaux administratifs, les Cours administratives d'appel, le Conseil d'État et les autres juridictions administratives afin que, quelle que soit l'erreur du justiciable, son dossier soit aiguillé vers le juge compétent par une procédure interne au système juridictionnel administratif. Ce système d'aiguillage, qui a été mis en place par la loi du 22 février 1972, a été réformé par la loi du 19 avril 2002 : pour accélérer le règlement des procédures de compétence entre les juridictions administratives, cette loi permet aux présidents des tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel de transmettre directement les dossiers dont ces juridictions ont été selon eux saisies à tort à la juridiction qu'ils estiment compétente. Elle rend ainsi exceptionnelle l'intervention du président de la section du contentieux.

--il est juge du référé administratif quand cette procédure est engagée devant le Conseil d'État.

S2. La compétence du Conseil d'État

-Le Conseil d'État a des attributions juridictionnelles bien différentes de celles de la Cour de cassation. Sa compétence est beaucoup plus étendue : il est à la fois juge de première instance ( §1), juge d'appel ( §2) et juge de cassation ( §3).

-En tant que juridiction, le Conseil d'État présente donc cette particularité de pouvoir être juge, selon les cas, à tous les degrés de la hiérarchie des juridictions de l'ordre administratif. Rien de tel pour la Cour de cassation qui est uniquement juge de cassation. En effet, la Cour de cassation n'intervient jamais en qualité de juridiction de première instance ou encore de juridiction d'appel. §1. Le Conseil d'État, juge de première instance -En première instance, certaines matières relèvent exclusivement de la compétence du Conseil d'État. Ici, le Conseil d'État doit être saisi directement parce qu'il est seul compétent. Il juge en premier et dernier ressort, c'est-à-dire sans possibilité de recours.

-Les cas où le Conseil d'État peut être saisi de cette manière sont exceptionnels, dans la mesure où ils constituent une dérogation au droit commun de la compétence des tribunaux administratifs. Mais ces cas sont assez nombreux quantitativement puisque environ 15% des arrêts du Conseil d'État sont rendus à ce titre.

-Dans la mesure où, depuis 1953, le Conseil d'État n'est plus la juridiction administrative de droit commun (ce sont aujourd'hui les tribunaux administratifs), sa compétence exclusive en première instance est limitée à des actes de portée nationale.

-La portée nationale d'un acte, justifiant la compétence directe en première instance du Conseil d'État, peut se rattacher à trois critères :

--le premier critère réside dans la personnalité de l'auteur de l'acte contesté. Ici, compte tenu de la notoriété du signataire de l'acte contesté, il n'est pas possible d'envisager un recours devant une juridiction inférieure. Le Conseil d'État est par conséquent seul compétent. Sont concernés les recours en annulation contre :

---les décrets du Président de la République ou du Premier ministre (qu'il s'agisse d'un décret réglementaire ou individuel) ; ---les ordonnances et décisions présidentielles adoptées en vertu de l'art. 16 de la Constitution ;

---les actes réglementaires des Ministres (décrets, arrêtés...) ;

---les actes administratifs des Ministres (qui sont obligatoirement pris après avis du Conseil d'État) ; ---les décisions des organismes collégiaux à compétence nationale, tels que les jurys de concours nationaux, les ordres professionnels, les autorités administratives indépendantes ou encore les fédérations sportives.

--le deuxième critère réside dans le statut de l'agent public intéressé par la mesure contestée. Ainsi : ---le Conseil d'État peut juger en première instance les situations conflictuelles relatives à la nomination individuelle de hauts fonctionnaires par décret du Président de la République. Cela concerne les membres des corps recrutés par la voie de l'E.N.A. (membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes, préfets), les magistrats de l'ordre judiciaire, les professeurs des universités, les recteurs d'académie, les officiers, les membres des grands corps d'ingénieurs, etc.

---il en est encore de même concernant les élections des représentants français au Parlement européen, les élections des Conseils régionaux, ou celles au Conseil économique et social. -En tant que tel, il veille à la bonne application et à la bonne interprétation de la règle de droit. Ainsi est assurée la rectitude de l'application du droit administratif à l'intérieur de l'ordre administratif. Pour cette raison, le Conseil d'État n'est pas « une troisième degré de juridiction ».

-Pour provoquer ce contrôle, le Conseil d'État, comme la Cour de cassation, le Conseil d'État doit être saisi d'un pourvoi en cassation.

-C'est le mécanisme de ce pourvoi que nous allons maintenant présenter. Deux étapes peuvent être distinguées : dans un premier temps, le pourvoi est filtré (A) ; puis, dans un second temps, il est examiné par la formation compétente du Conseil d'État (B).

A. Le filtrage des pourvois en cassation

-Devant la Cour de cassation, seuls les pourvois adressés à l'une des Chambres civiles entendues lato sensu font l'objet d'un filtrage par une formation de trois juges. La Chambre compétente ne pourra examiner le pourvoi que si l'admission de celui-ci a été déclarée par la formation de filtrage. En revanche, les pourvois adressés à la Chambre criminelle ne font l'objet d'aucun filtrage.

-Devant le Conseil d'État, tous les pourvois font l'objet d'un filtrage préalable. En effet, il existe au sein du Conseil d'État une Commission d'admission des pourvois en cassation. Cette Commission est composée de trois membres du Conseil d'État. Son rôle consiste à écarter les pourvois dilatoires ou encore abusifs.

-Cette Commission peut donc prendre deux types de décisions :

--si le pourvoi lui paraît irrecevable ou non fondé sur un moyen sérieux, la Commission prend alors une décision de refus d'admission qui rejette ce recours. L'affaire est définitivement terminée ;

--si le pourvoi lui paraît recevable et qu'il comporte des moyens sérieux, la Commission transmet le pourvoi à la sous-section compétente de la section du contentieux, laquelle procède alors à son instruction et l'affaire sera jugée selon la procédure classique.

-Force est de constater que la technique de filtrage du Conseil d'État, très expéditive, n'a aucune commune mesure avec la formation de trois juges de la Cour de cassation.

B. L'examen des pourvois en cassation

La décision de rejet

-Bien évidemment, le Conseil d'État peut rendre un arrêt de rejet lorsque le pourvoi ne lui paraît pas convainquant. L'affaire sera définitivement terminée.

La décision de cassation

-Le Conseil d'État peut également rendre un arrêt de cassation s'il estime que la décision qui lui est déférée n'est pas conforme à la loi. Comme la Cour de cassation, le Conseil d'État peut casser avec ou sans renvoi :

--en principe, la cassation s'opère avec renvoi puisqu'il est impossible pour le Conseil d'État, juge du droit, d'appliquer lui-même aux faits de l'espèce la solution juridique qu'il vient d'adopter. Le renvoi s'opère devant une juridiction de même nature et de même degré. Il peut aussi s'opérer devant la même juridiction que celle ayant rendue la décision contestée, mais composée autrement. Tel sera le cas lorsque cette juridiction est unique (Cour des comptes, Cour de discipline budgétaire et financière...).

--par exception, la cassation s'opère sans renvoi dans trois hypothèses distinctes :

---tout d'abord, lorsque l'annulation de la décision contestée est pleinement satisfaisante dans la mesure où elle met fin au contentieux et qu'il n'y a plus rien à juger ; ---ensuite, lorsque le Conseil d'État décide de trancher lui-même m'affaire au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. En effet -et la règle est remarquable -, le Code de l'organisation judiciaire autorise le Conseil d'État à juger, outre le droit, les faits dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Cette possibilité lui a été reconnue par une loi du 31 décembre 1987. Cet intérêt sera notamment le souci de parvenir plus rapidement à une décision de justice définitive ;

---enfin, lorsque le Conseil d'État a été saisi par un second pourvoi fondés sur les mêmes moyens. Dans cette hypothèse, il lui appartient de trancher lui-même l'affaire au fond.

Il faut en effet savoir que, comme la Cour de cassation, le Conseil d'État peut être saisi d'un second pourvoi fondé sur les mêmes moyens lorsque, après un premier pourvoi, la juridiction de renvoi refuse de s'incliner à la décision rendue par le Conseil d'État.

Mais, dans cette hypothèse et contrairement au mécanisme du pourvoi devant la Cour de cassation, le Conseil d'État intervenant à nouveau ne pourra plus renvoyer l'affaire devant une seconde juridiction de renvoi. Lorsqu'il examine le second pourvoi, il est légalement tenu de trancher l'affaire tant en droit qu'en faits. L'affaire est alors terminée.

Chapitre 2 : Les juridictions administratives subordonnées au Conseil d'Etat

-De nombreuses juridictions sont subordonnées au Conseil d'État. Certaines sont des juridictions de droit commun (S1), d'autres des juridictions d'exception (S2).

S1. Les juridictions administratives de droit commun

-Elles sont encore appelées « juridictions administratives à compétence générale ».

-Il s'agit des juridictions appelées à connaître de toutes les contestations de nature administrative à l'exception de celles pour lesquelles la loi désigne une juridiction administrative à compétence spéciale.

-Le Conseil d'État a été pendant longtemps l'unique juridiction administrative de droit commun qui connaissait de tout le contentieux administratif, aussi bien en fait qu'en droit.

C'est pour remédier à l'engorgement du Conseil d'État que, dans le cadre d'une politique de déconcentration, il a fallu se résigner à disperser le contentieux au niveau régional, tant au premier degré en créant en 1953 les tribunaux administratifs ( §1) qu'au second degré en instituant en 1987 les Cours administratives d'appel ( §2). Ces deux catégories de juridictions constituent aujourd'hui les juridictions administratives de droit commun.  §1. Le premier degré : le tribunal administratif -Le tribunal administratif est l'homologue du tribunal de grande instance dans l'ordre judiciaire. Il est, au premier degré, la juridiction de droit commun en matière administrative. Il connaît, en règle générale, de tous les litiges administratifs à l'exception de ceux qui sont expressément dévolus par un texte à une juridiction spéciale.

-Le tribunal administratif est une juridiction locale dont le ressort territorial s'étend à un nombre de départements qui varie entre 2 et 5. Il existe 38 tribunaux administratifs en France. Leur siège est fixé au chef-lieu de l'un des départements de leur ressort.

A. L'organisation du tribunal administratif

-Le tribunal administratif est composé de juges que l'on appelle traditionnellement des « Conseillers », bien qu'il s'agisse d'une juridiction de premier degré.

-Dans chaque tribunal, le nombre de conseillers varie selon l'importance de ce tribunal. Les conseillers sont recrutés en principe parmi les élèves de l'école Nationale d'Administration. Mais depuis quelques années, d'autres filières de recrutement ont été organisées parallèlement pour faire face aux besoins en personnel. Ils sont nommés par décret du Président de la République. A leur tête se trouve un président.

-La formation de jugement comprend trois Conseillers dont l'un exerce les fonctions de commissaire du Gouvernement. Tel est le principe. Toutefois, une loi du 8 février 1995 a apporté une exception au principe du jugement en formation collégiale en instituant un système de juge unique pour une série de litiges limitativement énumérés (art. R. 222-13 CJA). Dans cette liste très disparate, on peut citer, à titre d'exemples, les litiges relatifs aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle, ou encore les actions en responsabilité contre une collectivité publique lorsque le montant de l'indemnité demandée est inférieur à un certain seuil fixé par décret en Conseil d'État (actuellement, 8.000 euros). A tout moment de la procédure, le juge unique peut décider que l'affaire sera jugée en formation collégiale.

-Les petits tribunaux administratifs ne disposent que d'une seule Chambre. En revanche, les tribunaux importants sont composés de plusieurs Chambres.

-Lorsque l'affaire est simple, celle-ci est jugée par la Chambre. Lorsqu'elle est complexe, le tribunal administratif statue en formation plénière, c'est-à-dire toutes les Chambres réunies.

B. Les attributions du tribunal administratif

-Le tribunal administratif connaît deux catégories d'attributions : certaines sont propres au tribunal (1) ; d'autres sont propres au président du tribunal (2).

Les attributions du tribunal

a. Les attributions consultatives du tribunal

-Il existe une relative similitude entre le tribunal administratif et le Conseil d'État. Ce dernier, nous l'avons vu, joue un rôle très important de conseil auprès du Gouvernement pour l'élaboration des textes. De même, le tribunal administratif exerce cette mission de conseil à l'échelon local au profit du préfet du département qui peut lui demander des avis concernant des questions juridiques (art. R. 212-1 CJA).

b. Les attributions juridictionnelles du tribunal

-La compétence matérielle du tribunal administratif est très étendue dans la mesure où, depuis 1953, il est juge de droit commun au premier degré. Il connaît ainsi de tous les litiges administratifs, quelle que soit leur valeur, dès lors qu'ils ne sont pas confiés à une juridiction administrative spécialisée. Le jugement est toujours susceptible d'appel devant la Cour administrative d'appel.

-S'agissant de la compétence territoriale permettant de définir le tribunal administratif apte à trancher un cas particulier, il faut reconnaître qu'elle est assez complexe. Le principe peut se résumer ainsi : le tribunal administratif compétent est celui du lieu dans le ressort duquel se trouve le siège de l'autorité administrative qui a pris la décision attaquée ou signé l'acte litigieux.

Mais il existe différentes exceptions à cette règle. Par exemple, peut être compétent le tribunal administratif du lieu d'exécution du contrat, du lieu de situation du bien, du lieu du fait dommageable, du lieu de situation d'organismes publics ou encore du lieu d'affectation des agents publics.

Les attributions du président

a. Les attributions administratives du président

-Il entre dans les attributions du président d'assurer l'administration générale du tribunal. Ainsi, il dirige, supervise et contrôle l'organisation interne de la juridiction, affecte le personnel dans les chambres ainsi que les affaires, procède à la notation des conseillers et formule des avis quant à leur avancement.

-Le Code de justice administrative lui impose de dresser un rapport annuel d'activité avec les statistiques concernant les affaires jugées et les affaires en instance.

b. Les attributions juridictionnelles du président

-Le président du tribunal administratif est investi d'attributions juridictionnelles qui lui sont propres.

-Il est juge du référé administratif. En cas d'urgence, il est donc possible d'obtenir rapidement une décision, en saisissant directement le président du tribunal administratif.

-Il peut également dispenser d'instruction une affaire s'il apparaît que la solution s'impose, et régler les conflits de compétence entre différentes juridictions administratives.  §2. Le second degré : la Cour administrative d'appel -Jusqu'en 1987, les appels formés contre les jugements rendus par les tribunaux administratifs étaient portés directement devant le Conseil d'État qui était ainsi la juridiction de droit commun du second degré. En d'autres termes, la réforme de 1953 avait « régionalisé » la justice administrative au premier degré, mais non au second.

-Mais la prolifération du contentieux administratif à partir de 1975 entraîna un nouvel encombrement du Conseil d'État comparable à celui qui avait justifié la création des tribunaux administratifs en 1953. En 1987, on avait dénombré près de 26.000 affaires en attente et, de ce fait, la durée des instances d'appel était de l'ordre de deux années. Une nouvelle réforme s'imposait.

-Pour décharger le Conseil d'État, le législateur a été contraint d'introduire un deuxième degré de juridiction dans l'ordre administratif, en créant par la loi du 31 décembre 1987, les Cours administratives d'appel.

-

Voyons tout d'abord leur organisation (A), puis leurs attributions (B).

A. L'organisation de la Cour administrative d'appel -A l'origine, 5 Cours furent créées. Elles entrèrent en fonction le 1 er janvier 1989. Chacune d'entre elles jouissait d'une compétence territoriale étendue. Il s'agissant des Cours administratives d'appel de Paris, Bordeaux, Lyon, Nancy et Nantes. L'idée première était de ne pas les multiplier à l'excès afin d'éviter une dispersion de la jurisprudence administrative qui aurait pu nuire à son homogénéité. Mais finalement, il a fallu se résigner à en créer deux nouvelles, à Marseille et à Douai.

-Chaque Cour est présidée par un Conseiller d'État en service ordinaire qui assume les pouvoirs de chef de juridiction. Elle est par ailleurs composée de « Conseillers » dont le nombre varie selon l'importance de la chambre. Les conseillers émanent du corps des Conseillers de première classe des tribunaux administratifs, justifiant de 6 ans de service au tribunal administratif dont 4 dans la section du contentieux.

-La Cour est divisée en Chambres spécialisées dont le nombre est fixé par décret. A la tête de chaque Chambre est placé un président.

-La Cour statue en formation restreinte, ordinaire ou en formation plénière :

--la formation restreinte comprend trois conseillers (le président de la Chambre, un Conseiller extérieur à la Chambre et le Conseiller rapporteur). Elle intervient, sur décision du président de la Chambre, dans les affaires simples, dans laquelle la solution est évidente ; --la formation ordinaire comprend cinq conseillers (le président de la Chambre, deux Conseillers de la Chambre, un Conseiller d'une autre Chambre, le Conseiller rapporteur ; --la formation plénière comprend au minimum sept Conseillers (le président de la Cour, les présidents des Chambres, plusieurs Conseillers choisis par ordre d'ancienneté). Elle intervient dans les affaires portant une question de principe.

-Les séances ont lieu en audience publique. Seul le délibéré est à huis clos.

-Rappelons ici que, en cas de violation de la loi, l'arrêt peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État, après être passé au travers du filtre de la Commission d'admission des pourvois.

B. Les attributions de la Cour administrative d'appel

-Il convient de distinguer les attributions de la Cour (1) et celles de son président (2).

Les attributions de la Cour

-Deux types de missions ont été confiés à la Cour : des missions d'ordre administratif (a) mais aussi -et surtout -des missions d'ordre juridictionnel (b).

a. Les attributions administratives

-La Cour est compétente pour donner des avis sur les questions juridiques qui leur sont soumises par les préfets de région (art. R. 212-1 CJA).

-En qualité de chef de juridiction, il assume des fonctions administratives et veille au bon fonctionnement de la cour. Il entre donc dans ses attributions d'assurer l'administration générale de la Cour : la direction des services, la discipline intérieure, l'organisation des audiences ou encore la répartition des requêtes entre les Chambres.

b. Les attributions juridictionnelles

-Les Cours administratives d'appel connaissent des appels interjetés contre les jugements et ordonnances rendus par les tribunaux administratifs de leur ressort.

V. Les Cours administratives d'appel connaissent des appels interjetés contres les jugements et ordonnances rendus par les tribunaux administratifs de leur ressort en matière de plein contentieux, de contravention de grande voirie et sur l'ensemble des recours pour excès de pouvoir. Depuis le 1 er janvier 2005, elles connaissent également de l'appel du contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.

-En la matière, leur compétence est limitée :

--d'une part, les Cours administratives d'appel n'ont pas une compétence générale comme les Cours d'appel de l'ordre judiciaire, dans la mesure où, à l'égard de certains contentieux, le Conseil d'État demeure juge d'appel (Cf. supra). C'est le cas des recours en appréciation de légalité, des recours pour excès de pouvoir des actes réglementaires ou encore des litiges relatifs aux élections municipales ou cantonales.

--d'autre part, leur compétence se limite à l'appel formé contre les jugements rendus par les seuls tribunaux administratifs, à l'exclusion des décisions qui émaneraient d'une autre juridiction administrative, et notamment d'une juridiction administrative à compétence spéciale.

-En sa qualité de juge, le président participe à l'élaboration des décisions et préside une formation de jugement.

-Il assure également des fonctions juridictionnelles autonomes en matière de référé ou de procédures d'urgence (art. R. 521-1 CJA).

-Il peut encore prendre par ordonnance des décisions concernant la dispense d'audience compte tenu de la simplicité d'une affaire.

Les attributions du Président

-Le président de la Cour administrative d'appel dispose lui aussi d'attributions à la fois administratives (a) et juridictionnelles (b).