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UNIVERSITE DE LA MEDITERRANEE, AIX-MARSEILLE II FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION CRET-LOG Centre de Recherche sur le Transport et la Logistique EVALUATION-CONSTRUCTION DE PROJETS DE DEVELOPPEMENT LOCAL A PARTIR DE LA VALORISATION DES PRODUITS FORESTIERS DE L´AMAZONIE BRESILIENNE: LE CAS DE LA NOIX DU BRESIL Thèse présentée et soutenue publiquement pour l´obtention du titre de DOCTEUR EN SCIENCES DE GESTION (Section C.N.U. nº 06 – Mention Management Logistique et Stratégie) Le 24 Octobre 2008 par Janaína Deane de Abreu Sá DINIZ JURY Directrices de Thèse : Nathalie FABBE-COSTES Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II, CRET-LOG Magda Eva Soares de Faria WEHRMANN Universidade de Brasília, Centro de Desenvolvimento Sustentável Rapporteurs: Karim MESSEGHEM Université de Montpellier I, ERFI Jean-Louis RASTOIN Montpellier Sup-Agro, UMR MOISA Suffragants: Jacques COLIN Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II, CRET-LOG Jean-François TOURRAND GIP INRA-CIRAD – Montpellier 2 La faculté n´entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. 3 4 REMERCIEMENTS C'est étonnant le nombre de personnes qu'on croise pendant la réalisation d´une thèse! A tous ces « acteurs », cités ci-dessous, mais aussi à ceux omis involontairement, j´adresse mes remerciements : Aux communautés extractivistes et aux équipes locales des projets, avec lesquelles j´étais en relation tout au long de la recherche-action. Elles ont été plus que des objets de recherche, elles ont été des « co-acteurs », et aussi des « co-auteurs ». A mes deux directrices de thèse : Madame Nathalie Fabbe-Costes, pour sa patience à lire tous les textes écrits bizarrement en français, pour ses encouragements à réfléchir et à écrire de façon critique. Madame Magda Werhmann pour la confiance qu´elle a accordée à mon projet de recherche-action, m´ayant même accompagnée lors de deux missions. Aux Professeurs Karim Messeghem, Jean-Louis Rastoin, Jacques Colin et JeanFrançois Tourrand, pour avoir accepté de faire partie de mon Jury. Un merci spécial à Jean-François Tourrand, pour son appui dès le début de la thèse. Au Professeur Jacques Colin aussi, pour m´avoir orienté vers le CRET-LOG. Au Professeur Antonio Brasil, de l´Université de Brasília, pour m´avoir admise dans l´équipe du Projet Poraqué. A la Professeure Adelaide Figueiredo, de l´Université Catholique de Brasília, qui m´a toujours soutenue pour faire ce doctorat. A mes camarades du DEA – Nelly, Doline, My, Nina, Btissam et Alvim, pour leur amitié et leur soutien dans l´avancement de la thèse. A mes camarades de l´Université de Brasília, notamment Rudi, Josiane et Teca, pour leur participation active au projet de recherche-action. Un grand merci à Brigitte, pour le constant soutien et pour son amitié. Elle a la meilleure maison en France pour se concentrer dans la rédaction d´une thèse ! Je tiens à remercier aussi les institutions qui ont financé une grande partie de ma recherche, notamment le Conseil National de Recherche Scientifique et Technologique (CNPq), le Programme « Amérique Latine Formation Académique » (ALFA) de l´Union Européenne et le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), ainsi que les autres acteurs institutionnels qui ont été interviewés et consultés. Je remercie, enfin, ma famille, pour son soutien constant, et sa foi opiniâtre dans l´aboutissement de ma thèse. Je remercie spécialement ma mère, pour m´avoir soutenue de près pendant toutes ces années de doutes et de difficultés. Je dédie cette thèse à ma famille, particulièrement à mes parents, Tatiana et Humberto, et à mon grand-père (“Vovô B. Sá”), qui serait fier de voir ce travail achevé. 5 6 SOMMAIRE Introduction Générale.................................................................................................. 9 Partie I - Contexte du terrain, problématique et évaluation des stratégies de développement local au sein de la filière noix du Brésil ............................................ 17 Chapitre 1 - De cycles prédateurs aux projets de conservation à partir de la valorisation des produits: le rôle des produits forestiers dans le développement de l’Amazonie ..... 21 Chapitre 2 - Reconnaissance d’un problème et recherche d’un chemin pour le comprendre et provoquer des changements ................................................................. 85 Chapitre 3 - Proposition d´une évaluation de projets menés au sein des six coopératives extractives................................................................................................................. 151 Conclusion de la Partie I ......................................................................................... 223 Partie II - Un cadre théorique pour agir dans un projet nouveau ........................... 225 Chapitre 4 - Approfondir le cadre théorique pour appliquer et adapter au contexte du terrain ....................................................................................................................... 229 Chapitre 5 - Recherche-action pour la construction d´une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil ......................................................................................... 293 Chapitre 6 - Réflexion sur les expériences d´évaluation et de construction collective des projets de développement local ................................................................................. 335 Conclusion Générale................................................................................................ 359 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................. 365 ANNEXES............................................................................................................... 381 INDEX DES FIGURES .......................................................................................... 401 INDEX DES TABLEAUX ...................................................................................... 403 INDEX DES ENCADRES ...................................................................................... 405 LISTE DES ABREVIATIONS............................................................................... 406 7 8 Introduction Générale « Dans son essence, le développement durable est un processus de changement, dans lequel l´exploitation des ressources, la direction des investissements, l´orientation du développement technologique et le changement institutionnel sont tous en harmonie et embrassent les potentiels d´aujourd´hui et futurs pour atteindre les besoins et les aspirations humaines » (Rapport Brundtland, 1987). Notre thèse concerne les stratégies de développement local associées à la conservation de la nature, menées au sein des organisations collectives formées par des extractivistes – des travailleurs qui exploitent les ressources naturelles de la forêt, dont la noix du Brésil (Bertholletia excelsa). La recherche a commencé à être construite à partir d´un constat de terrain lors d´une étude exploratoire au sein d´une filière de produits forestiers non-ligneux dans l´Amazonie brésilienne et qui est le suivant: celui de que la plupart des projets mis en oeuvre jusqu´à l´époque de la recherche n´ont pas réussi à promouvoir le développement attendu au sein des communautés locales concernées, malgré les investissements et les infrastructures introduits localement. Dû à leur propre nature, ces projets de développement local ont un caractère pluridisciplinaire, ce qui demande une association d´éléments de différents domaines. Toutefois, nous nous sommes concentrée dans des concepts plutôt liés aux Sciences de gestion - comme la supply chain - , passant aussi par ceux liés aux Sciences économiques – comme la filière et les systèmes productifs locaux - et aux Sciences sociales – comme l´empowerment et l´auto-organisation. 1. Contexte de la recherche Les produits forestiers non-ligneux sont depuis longtemps responsables pour une partie importante des revenus des populations amazoniennes. Notamment après le Sommet de la Terre tenu à Rio de Janeiro en 1992, il y a eu une augmentation des préoccupations concernant la préservation des ressources naturelles de la planète. Il était alors naturel que des tentatives pour garantir cette préservation fussent proposées à partir de la valorisation des produits ayant une importance pour les populations locales, mais aussi pouvant garantir l´exploitation durable de ces ressources. De nombreux projets de développement local ont été alors mis en oeuvre au sein d´organisations collectives groupant les extractivistes, dans plusieurs états de l´Amazonie brésilienne. La plupart de ces organisations ont été créées de façon à 9 garantir l´implantation de ces projets, puisqu´une condition pour recevoir les financements était celle que les groupes d´extractivistes devraient être organisés. Cependant, divers obstacles ont empêché la réussite de ces projets. La problématique de notre recherche a été élaborée principalement autour de ces difficultés. 2. Problématique La «situation-problème » de la recherche est celle des obstacles et échecs des projets de promotion du développement durable des communautés extractivistes par la valorisation des produits de la forêt. Des questions préliminaires ont été posées, pour orienter la compréhension des obstacles à la réussite de ces projets : • quels étaient les vrais objectifs de ces projets ? • pourquoi y a-t-il eu de nombreux échecs dans ces types de projets ? • comment ces projets ont-ils été conduits? C’est-à-dire, quelle était la méthodologie d’intervention ? • pourquoi les extractivistes continuent-ils à être très dépendants des agents intermédiaires ? • quels étaient les points forts des projets? Quels aspects pourraient, dans une certaine mesure, être gardés ? • quels étaient leurs points faibles? Quels aspects devraient, en principe, être évités dans les prochaines initiatives ? Ces questions exploratoires ont aidé à formuler la problématique de la recherche, qui voulait comprendre les principaux obstacles des projets de promotion des produits forestiers au sein des communautés d´extractivistes, ainsi que savoir s´il était possible de proposer et de construire de nouvelles configurations de ces filières. Notre problématique est alors constituée par les quatre questions suivantes: Q1 - “Pourquoi les projets de promotion du développement durable de communautés extractivistes à partir de la valorisation de leurs produits, malgré les investissements et la stimulation à leur organisation collective, ne sont-ils pas parvenus aux changements initialement prévus dans la configuration locale de ces filières?” 10 Q2 - “L´absence d´une représentation de la gestion intégrée de la filière noix du Brésil par les acteurs locaux représente-t-elle un facteur déterminant pour le succès (ou l´échec) des projets de développement à partir de la valorisation des produits de la forêt?” Q3 - “Comment est-il possible de proposer et de construire une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, en partant des éléments dégagés des expériences précédentes?” Q4 - “Quelles connaissances, à partir de l’expérience dans un projet de recherche-action, peuvent être apportées au sein d´un groupe de chercheurs-acteurs afin de permettre la construction des configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux?” Une position aménagée a été prise par rapport aux choix épistémologiques et méthodologiques de la recherche, où les questions Q1 et Q2 demandent plutôt une approche interprétativiste, tandis que les questions Q3 et Q4 font appel à une approche constructiviste. Les méthodologies proposées pour travailler ces questions ont consisté d´une étude de cas multiple, où une évaluation autour des cas de projets avec six coopératives extractives a été menée dans les états brésiliens de l´Acre et de l´Amapá, et d´une recherche-action pour promouvoir des changements au sein d´une filière locale d´un produit forestier, aussi dans l´état de l´Amapá. Les méthodes qui ont été utilisées pour la collecte de donnés au sein de l’étude de cas sont la méthode historique, les entretiens semi-directifs, les observations et l’analyse des données secondaires concernant les évaluations précédentes sur les cas des mêmes coopératives choisies pour cette recherche. Pour la conduite de la recherche-action, un projet de développement local a été proposé et mis en oeuvre par un groupe de chercheurs et d´acteurs locaux. Avant et durant son implémentation, des séminaires, des ateliers, des cours, entre autres types de rencontres ont été promus, afin de garantir la mobilisation et la participation d´un nombre important d´extractivistes et d´autres acteurs locaux. 11 Pour les études de cas des projets et pour la recherche-action, nous nous sommes servie des éléments théoriques associés au management des organisations collectives et à l´environnement dans lequel elles sont insérées. 3. Des concepts et des champs mobilisés Notre recherche est située dans le domaine des Sciences de Gestion, avec une interface avec les Politiques et la Gestion de l´Environnement, concernant notamment les stratégies de développement (durable) local. La Théorie des Organisations, la Stratégie, la Logistique et le Supply Chain Management, de même que la Complexité, participent aussi des grands champs théoriques mobilisés. Afin de mieux comprendre le contexte du terrain de la recherche, la thèse mobilise tout au début des notions très précises liées aux cycles extractifs, notamment ceux de produits forestiers non-ligneux, comme le caoutchouc et la noix du Brésil. Les notions de extractivisme, patronage et aviamento sont introduites afin de présenter les spécificités du milieu choisi. Ensuite, des aspects stratégiques pour lier conservation de la nature avec développement local sont introduits, à partir du concept de développement durable. Sans vouloir diviser la notion de développement durable, en plus des dimensions associées (l´écologique, l´économique et la sociale), nous l´élargissons à trois dimensions – la spatiale, la politico-institutionnelle et la culturelle. Les éléments théoriques choisis pour comprendre le fonctionnement et le management des coopératives extractives sont liés, plus précisément, aux notions d'empowerment, d'auto-organisation et d'autogestion des acteurs locaux au sein de ces structures collectives, ainsi qu´à la gestion du changement. Pour identifier des aspects concernant l'environnement externe aux coopératives, les structures au sein desquelles les coopératives ont été étudiées sont la filière, la supply chain et le réseau, avec une attention particulière aux systèmes productifs locaux, celui-ci étant un exemple de réseau. 4. Résultats attendus Notre objectif est de mener une recherche-action pour provoquer un changement dans la configuration locale d´une filière de produit forestier, à partir des éléments dégagés 12 d´évaluations précédentes et en appliquant et/ou adaptant des éléments théoriques liés au management des organisations collectives d´extractivistes, ainsi qu´à leur environnement organisationnel. En plus des résultats de l´évaluation des projets et de l´expérience de recherche-action, nous voulons adapter des concepts liés aux contextes internes et externes au contexte du terrain. Notre thèse veut notamment fournir des réponses sur comment construire une stratégie pour l´usage viable de la nature avec les acteurs locaux, à partir de l´évaluation des expériences précédentes. 5. Organisation de la thèse Notre thèse est organisée en deux parties, chacune ayant trois chapitres. Le schéma de la figure 1 représente la structure proposée pour la recherche. Figure 1. Structure de la thèse. Partie I – Contexte du terrain, problématique et évaluation des stratégies de développement local au sein de la filière noix du Brésil Contexte du terrain Chapitre 1 Problématique et Méthodologie Chapitre 2 Evaluation des projets Chapitre 3 Partie II – La construction du cadre théorique pour agir dans un projet Cadre Théorique Chapitre 4 Recherche-action Chapitre 5 Apports, limites et perspectives Chapitre 6 Source : Elaborée par l´auteure. 13 Le premier chapitre présente les contextes historiques et actuels de l´extractivisme en Amazonie, les limites et les perspectives autour du concept de développement durable, l’historique de création des aires protégées et la situation actuelle des populations traditionnelles, ainsi que les projets pour ajouter de la valeur aux produits forestiers non-ligneux comme une alternative pour éviter la destruction de la forêt et le fonctionnement de la filière noix du Brésil dans un état de l´Amazonie brésilienne. Cette analyse a été menée dans le but de préciser la problématique de recherche. Le chapitre 2 reprend les problèmes identifiés lors de l´étude exploratoire de cette recherche, auxquels s´ajoutent des éléments identifiés aussi par d´autres auteurs dans les cas spécifiques du terrain choisi – les états amazoniens de l´Acre et de l´Amapá – et des organisations étudiées – les coopératives extractives de collecteurs de la noix du Brésil. Pour répondre aux questions de recherche, la démarche proposée et présentée dans ce chapitre a été celle de d’abord de comprendre le contexte du terrain pour ensuite changer une situation existante. Le chapitre 3 présente les informations concernant les projets de promotion des produits forestiers évalués au sein de six coopératives extractives – trois dans l’état brésilien de l’Acre et trois dans l’état de l’Amapá – et les éléments centraux dégagés de ces évaluations. Les principaux aspects retenus de ces évaluations ont été utilisés pour formuler les réponses aux questions Q1 et Q2. De l'étude exploratoire et de l'analyse des projets présentées dans les chapitres 2 et 3, diverses pistes de cadres théoriques pour traiter la problématique du terrain ont émergées. Les trois premiers chapitres décrivent le contexte du terrain, la problématique et l´évaluation des expériences précédentes. Les chapitres composant la partie II concernent plus précisément la construction du cadre théorique qui doit orienter un projet de développement local au sein des groupes d´extractivistes, plus ou moins organisés. 14 Dans le chapitre 4, le cadre théorique est développé, afin d´être appliqué et/ou adapté au contexte du terrain, à partir des éléments associés au management des organisations collectives d´extractivistes, ainsi qu´à leur environnement organisationnel. Le chapitre 5 contient la description d´un projet de recherche-action qui a été conçu et conduit par une équipe de chercheurs et d´acteurs locaux. Les acteurs locaux sont les communautés extractivistes et leur organisation sociale, ainsi que d´autres participants à la filière locale de la noix du Brésil et/ou associés aux institutions locales, publiques et privées. La réponse à la question Q3 a été formulée à partir de la description des principales actions menées le long de la recherche-action avec les extractivistes du PAE-Maraca. Dans le dernier chapitre, nous faisons une réflexion autour des étapes menées le long de la recherche, afin de présenter les principaux apports, limites et perspectives de notre thèse, en réponse à Q4, la dernière question posée au début de la recherche. En conclusion, nous résumons que la participation des acteurs locaux dépend d´une stratégie de formation et d´information adaptée au contexte local, et la participation des communautaires dès la conception contribue à l´empowerment des organisations collectives. Nous avons conclu aussi que l´exercice de compréhension d´expériences précédentes contribue au design d´une recherche-action au sein des communautés et que l´action influence l´évaluation et l´évaluation oriente l´action. Plusieurs pistes de recherches futures ont été identifiées. Elles concernent notamment l´application de notre méthodologie dans des contextes similaires, l´exploration et confirmation des liens entre les aspects des dimensions évaluées et des nouvelles entrées et cadres théoriques pour penser et agir autour des problématiques de projets de développement à partir de la valorisation des produits locaux. 15 16 Partie I - Contexte du terrain, problématique et évaluation des stratégies de développement local au sein de la filière noix du Brésil 17 18 Introduction de la Partie I Cette première partie, organisée en trois chapitres, propose de fournir des éléments essentiels à la mise en contexte et à la compréhension des cadres et chemins pris au long de la recherche. Elle abordera les origines et les motivations de la recherche, les choix épistémologiques et méthodologiques, ainsi qu´une évaluation d´expériences menées précédemment. Le chapitre 1 présente le contexte de la recherche. Les sections 1.1 à 1.4 s´appuient sur la littérature consacrée à l’extractivisme de produits forestiers (section 1.1), les discussions sur le développement durable (section 1.2), la création des aires protégées et les populations traditionnelles (section 1.3), ainsi que les projets de promotion du développement de communautés extractivistes à partir des stratégies de valorisation de leurs produits (section 1.4). La section 1.5 décrit une filière actuelle d´un important produit forestier et relate les premiers constats sur le terrain, prises au moment de la conduite d’une étude exploratoire, menée entre septembre et novembre/2003. Cette étude a été le point de départ de la construction d’une problématique autour des obstacles rencontrés par des organisations visitées – les coopératives d´extractivistes de la noix du Brésil. Le chapitre 2 présente, en trois sections, la problématique et la proposition d’un design méthodologique qui formalise la démarche suivie au long de la recherche. Dans la section 2.1, les éléments théoriques déjà appliqués dans des projets de valorisation de produits forestiers sont présentés, mais aussi d´autres pistes sur de possibles approches théoriques, suivies cette fois à partir de l´expérience sur le terrain. La problématique et les ambitions de la recherche sont présentées dans la section 2.2. En section 2.3, une méthodologie pour répondre aux questions de la section précédente est proposée. Dans le chapitre 3 nous présenterons les informations concernant les projets de valorisation des produits forestiers évalués, ainsi que les éléments centraux dégagés de ces évaluations. Dans la section 3.1, nous présentons la méthode construite pour évaluer les coopératives. La section 3.2 fournie les résultats de ces évaluations et la section 3.3 identifie les principaux aspects à retenir. 19 20 Chapitre 1 - De cycles prédateurs aux projets de conservation à partir de la valorisation des produits: le rôle des produits forestiers dans le développement de l’Amazonie Ce chapitre, à tonalité descriptive, a pour but d´introduire le contexte où la recherche a été développée. Le contexte est simultanément celui de l’extractivisme1 des produits de la forêt, de l’émergence d’une approche théorique différente et plus durable pour le développement de la planète ainsi que celui de la création d´aires protégées pour garantir la conservation des écosystèmes naturels de forêts tropicales, plus précisément en Amazonie. Pour articuler les trois sujets – l’extractivisme de produits de la forêt, le développement durable et la création des aires protégées – les projets de valorisation des produits de la forêt sont présentés comme une stratégie pour la conservation de ces espaces protégés et aussi au développement durable des populations qui dépendent directement de ces ressources naturelles. Les contributions possibles et les préoccupations concernant ces stratégies sont discutées. La fin du chapitre propose la description du fonctionnement d’une filière actuelle de produit forestier, ainsi que quelques comparaisons entre la situation de cette filière, dans le passé et actuellement. Parmi les problèmes identifiés, les difficultés des projets de développement, conduits au sein de ces communautés, apparaissent comme un sujet à approfondir. L’objectif de cette recherche n’est pas de présenter une revue exhaustive des thèmes abordés dans ce chapitre introductif, dans la mesure où il existe déjà de nombreuses revues de littérature très détaillées, notamment sur l´extractivisme2, le développement durable et la création des unités de conservation au Brésil. Le chapitre 1 propose de décrire le contexte de la recherche. 1 Version française emprunté au brésilien «extrativismo» et qui désigne «la cueillette érigée en système de production incluant tous les modes de collecte et de commercialisation des produits de la forêt et des eaux» (Droulers, 2004, p.71). Pour cet auteur, l´activité sous-entend l´insertion dans l´économie de marché contrairement à la cueillette qui est pratiquée principalement dans le cadre de l´économie de subsistance. 2 Pour un approfondissement sur le thème drogues du Sertão et extractivisme, voir notament Homma (1992, 1993), Emperaire (2000) et Filocreão (2002). Pour un débat sur le concept de développement durable, voir Sachs (1997), Leff (2001) et Veiga (2004). Le chemin jusqu´à la création d´Unités de Conservation brésiliennes est relaté en détails par Allegretti (1990) et Arnt (1994). 21 La section 1.1 présente les contextes historique (§1.1.1) et actuel (§1.1.2) de l’extractivisme en Amazonie, notamment celui de produits forestiers non-ligneux (PFNL), ainsi que des aspects importants sur l’exploitation de ressources naturelles par les populations traditionnelles et les principales caractéristiques des filières des produits extractivistes. La section 1.2 présente les limites et perspectives autour du concept de développement durable, ainsi qu´une discussion sur les préoccupations les plus récentes en ce qui concerne l´évaluation du développement. Des précisions sont apportées sur les dimensions du développement durable les plus considérées (§1.2.1). L’Amazonie dans le contexte du développement durable est abordée avec les objectifs et les actions mises en oeuvre pour arriver à ce développement dans la région (§1.2.2). L’historique de création des aires protégées et une description de la situation actuelle des populations traditionnelles installées dans les Assentamentos agroextrativistas3 et dans les Unités de Conservation d’Usage Direct fait l´objet de la section 1.3. Les objectifs de ces aires protégées sont analysés en §1.3.1. La définition de populations traditionnelles et leur rôle dans la conservation de ressources naturelles sont présentés en §1.3.2. La section 1.4 articule les sujets des trois sections précédentes, en présentant des projets pour ajouter de la valeur aux produits forestiers non-ligneux comme une alternative pour éviter la destruction de la forêt. Les premières stratégies et les premiers acteurs à les soutenir, avec quelques explications sur ce qui a été considéré dans la notion de «valorisation», sont présentés en §1.4.1. Les principales difficultés jusqu’à présent sont discutées en §1.4.2. La section 1.5, la seule à avoir des éléments empiriques dans le chapitre, décrit, d’après une étude exploratoire pour connaître le terrain et ses principaux acteurs, le fonctionnement de la filière noix du Brésil dans un Etat de l´Amazonie brésilienne. 3 Les assentamentos agroextrativistas sont des aires de concession, cédées par l´ancien Ministère Brésilien de la Réforme Agraire – aujourd'hui Ministère du Développement Agraire - aux familles d´agriculteurs ou d´extractivistes. Ils sont gérés par l´Institut National de Colonisation et Reforme Agraire (INCRA), qui a été créé par le Décret 1.110 du 09/07/1970. 22 Cette étude a été menée dans le but de construire une problématique de recherche, mais aussi pour répondre à des questions posées par une équipe du Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), intéressée à développer un projet d´amélioration de la qualité du produit dans la région. Au §1.5.1, le choix pour la filière noix du Brésil est justifié à partir d´une description du contexte de projets de valorisation4 des produits de l’extractivisme en Amazonie. Enfin, au §1.5.2, les principaux points de blocages de la filière et de projets de promotion de la filière noix du Brésil dans l’Etat de l’Amapá sont décrits. La figure 1.1 présente les liens entre les éléments du contexte de la recherche. Il s´agit de se concentrer sur les actions et résultats des projets de développement local par la valorisation des produits de l´extractivisme exploités par des populations traditionnelles amazoniennes. Figure 1.1. Les éléments associés au contexte du terrain de la recherche. Aires Protégées Projets de valorisation des produits de l´extractivisme Actions des projets Pour la promotion de l´extractivisme (notamment végétal) Développ. (durable) local Les impacts sur les populations traditionnelles extractivistes - Délimitation géographique : Aires Protégées (Unités de conservation et Aires de concession) - Secteur d´activité : Extractivisme (notament végétal) - Acteurs concernés : Populations traditionnelles extractivistes - Objet de recherche : Projets de valorisation des produits de la forêt - Objectif des projets : Développement (durable) local (socioéconomique de la population, en garantissant la conservation des ressources naturelles) Source : Elaborée par l´auteure. 4 Le terme « valorisation » a été utilisé par la première fois dans le vocabulaire économique lors de la Convention de Taubaté (1906), sur la politique de valorisation du café. Celso Furtado présente trois caractéristiques, parmi d’autres, pour décrire cette politique de valorisation : achat des excédents, financement à partir des capitaux étrangers et mesures pour décourager l’expansion des plantations. Dans le contexte des projets de développement de communautés extractivistes, le terme « valorisation » veut désigner les stratégies de promotion des produits forestiers à partir de l’introduction des innovations technologiques au sein des processus productifs/extractifs, associée à la mise en valeur de l’origine et des modes d’exploitation de ces produits. 23 1.1) Les cycles extractifs en Amazonie : apogée, décadence et nouvelles perspectives «De tous temps l´extractivisme a joué un rôle dans la naissance et la renaissance des régions amazoniennes» (Droulers, 2004, p. 80). «L´histoire de l´Amazonie est indissociable de l´histoire de l´extractivisme» (Aubertin, 2000, p. 23). L´extractivisme peut être défini comme «système d´exploitation de produits de la forêt destinés à la vente dans les marchés régionaux, nationaux ou internationaux» (Lescure et al., 1996, p. 434), se situant dans la frontière entre l´écologie et l´économie. Ce n´est pas une pratique exclusive de la région amazonienne, dans la mesure où elle peut être observé dans d´autres régions ayant des climats, sociétés et environnements technologiques bien distincts5. Le terme extractivisme est généralement utilisé pour désigner les activités de cueillette de produits naturels, tant d’origine minérale, qu´animale ou végétale. Les processus liés à l´extractivisme dans la région Nord du Brésil sont classés en deux grands groupes par rapport à sa forme d’exploitation (Homma, 1993). Le premier groupe est celui de l’extractivisme par anéantissement ou déprédation, quand l’extinction de la source est atteinte ou quand la vitesse de régénération est inférieure à celle de l’exploitation - c’est le cas de l’extractivisme minéral, de l’extraction du bois ou du cœur de palmier et de la chasse et de la pêche quand il n’y a pas une gestion des ressources. Le deuxième groupe, celui de l’extractivisme de collecte, consiste dans la cueillette de produits extractifs obtenus de certaines plantes et animaux et qui, si une productivité immédiate est forcée, peut aussi amener à l´anéantissement des ressources dans le moyen et long terme. La plupart des produits forestiers non-ligneux (PFNL) exploités dans les forêts peuvent être placés dans ce deuxième groupe. Une autre classification (Lescure et al., 1996) place les pratiques d’extraction de produits forestiers en quatre catégories6 : 1) abattage - quand les arbres sont abattus pour servir de source de bois, combustible ou d´autres substances ; 2) sélection et coupe 5 Un nombre important des références sur l’extractivisme dans les pays latino-américains, africains et asiatiques peut être consulté notamment dans les travaux menés par le CIFOR (Center for International Forestry Research) et disponibles sur le site http ://www.cifor.cgiar.org/. 6 Cette classification divise la catégorie de cueillette proposée par Homma (1993) en trois pratiques: selection et coupe, incision et ramassage ou cueillette. 24 – quand une partie de la plante est extraite ; 3) incision – utilisée pour collecter des produits comme les gommes, le caoutchouc et les résines ; et, enfin, 4) cueillette – quand les fruits ou semences sont ramassés. Cette recherche se concentrera sur les cycles liés à l’extractivisme végétal, notamment celui de produits forestiers non-ligneux (PFNL), classés pendant longtemps parmi les drogues du Sertão7. L´extractivisme de produits ligneux, c´est-à-dire celui de produits où le bois est directement utilisé8, ne sera pas approfondi dans cette recherche, mais il faut aussi mentionner l´importance de produits ligneux dans l´économie de l´Amazonie brésilienne. Il est important de reconnaître aussi les héritages laissés par les cycles liés à l’extractivisme minéral en Amazonie, comme le cycle de l’or dans divers Etats de la région9, l’exploitation du manganèse dans l´Amapá10, de la bauxite au Pará et d´autres minéraux. Les PFNL représentent seulement une partie des produits et services dérivés de forêts tropicales. Il existe encore d’autres éléments qui contribuent aussi à la valeur potentielle totale de forêts, comme la production de bois, la régulation du climat, les processus écologiques et atmosphériques, la prévention de l’érosion ; l´habitat de populations qui dépendent de leurs ressources pour vivre ; les sources d’information scientifique et technologique ; les expériences esthétiques, les valeurs culturelles et religieuses ; et la valeur d’option, c´est-à-dire, la possibilité qu’un produit ait valeur dans le futur (Broekhoven, 1996). Pourtant, les ressources biologiques ont une valeur d’usage de consommation quand elles sont directement consommées par les producteurs, et une valeur d’usage de production (valeur d’échange dans l’économie standard) quand elles sont commercialisées. La valeur d’usage non économique est vérifiée dans la régulation du climat, la protection des bassins hydrographiques, la photosynthèse et la protection des sols (Mori, 1992), ainsi que dans la valeur d’option et dans la valeur d’existence, pour laquelle il suffit de savoir seulement que telle espèce existe (Sachs, 1997). 7 Le Sertão désignait une région loin des peuplements ou des terres peuplées. Au Brésil, c´était l´intérieur peu peuplé. Les drogues du Sertão étaient les produits exploités de ces régions, dont l´Amazonie. 8 Principalement pour la pâte à papier, le scieries,etc. 9 L'exploitation de l'or dans la région de la frontière entre l'actuel état de l'Amapá et la Guyane Française a été l'une des raisons de la dispute pour ces terres entre le Brésil et la France au début du XXe siècle, démontrant l'importance de l'extractivisme minéral dans la région (Drummond et Pereira, 2007). 10 Initiée en 1957 et arrêtée en 1997, à cause d'une exploitation industrielle à large échelle et qui a vite épuisé les réserves de ce minéral (Drummond et Pereira, 2007). 25 Cette première section est divisée en deux paragraphes, le premier (§1.1.1), traitant de l´historique de l´exploitation des drogues du Sertão, et le second (§1.1.2), du fonctionnement des principales filières actuelles de PFNL. Une recherche historique sur l´exploitation de produits de la forêt est très importante et nécessaire pour une compréhension de la structure et des rapports socioéconomiques toujours existants parmi les principaux agents des filières actuelles, qui gardent jusqu´à aujourd'hui beaucoup d'aspects du cycle des drogues du Sertão et du cycle du caoutchouc, comme les systèmes d´aviamento11 et de patronage12, ainsi que les divers maillons intermédiaires pour l´achat des produits. 1.1.1) De drogues du Sertão jusque à la décadence du caoutchouc : des héritages laissés « [...] la découverte des drogues du Sertão, et son intense exploitation à partir du XVIIIe siècle, a fait de la ville13 une ville et de l´Amazonie la source immédiate de sa subsistance, de sa richesse et de son expansion » (Salles, 2005, p. 250). Le premier cycle de produits extractivistes en Amazonie couvre la période entre les années 1641 et 1700. Cette période est connue comme le cycle des drogues du Sertão, en référence à l’exploitation des ressources de la forêt, comme le clou de girofle (Eugenia caryophyllata), la cannelle (Cinnamomum verum), le cacao (Theobroma cacao), la vanille (Vanilla planifolia), ainsi que les racines aromatiques et les plantes médicinales, qui ont été les premiers produits demandés par les marchés européens. Les huiles, résines, peaux, poissons et viandes séchés faisaient aussi partie des drogues du Sertão. Selon Aubertin (2000), son exploitation était associée «à l´espoir d´un enrichissement rapide, à la chasse aux indiens, à la conquête du territoire par la voie fluviale» (p. 24). Les conquérants européens ont alors trouvé en Amazonie un grand nombre d’espèces d´intérêt commercial, à commencer par le cacao. Au début du XVIIIe siècle, le cacao était le principal produit extractiviste de la région et, au milieu du XIXe siècle, avec la naissance des industries de pneumatiques et 11 L´aviamento est défini par Filocreão (2002) comme «rapport économique qui se donne entre un commerçant qui fournit précédemment les marchandises essentielles à la vie des extracteurs de caoutchouc et de la noix du Brésil, en échange de leur production» (p. 38). 12 Le terme patronage employé dans le contexte de l´extractivisme, principalement en Amazonie brésilienne, veut désigner plutôt la relation de pouvoir existant entre le patron, celui qui a « la maîtrise du fleuve » et l´extractiviste, « isolé et perpétuellement reconduit dans sa dette » (Aubertin et Pinton, 2006). La notion de patronage comme une protection accordée par une personne puissante est moins évidente dans le contexte amazonien, même si elle demeure également applicable. 13 La ville citée est Belém, la capitale de l´état du Pará, qui était le plus important port d´exportation de produits issus de l´extractivisme de la forêt, notamment le cacao, le caoutchouc et la noix du Brésil. 26 automobiles aux États-Unis et en Europe (Daou, 2000, Filocreão, 2002), le caoutchouc (Hevea brasiliensis) surpasse l’importance économique du cacao en Amazonie (Silva, 2003). L´organisation de la région en fonction de l´exploitation du caoutchouc a introduit des innovations comme la navigation à vapeur et l´internationalisation du fleuve Amazone (Aubertin, 2000). À cette époque, environ 400.000 familles du Nordest brésilien, à cause de la sècheresse dans cette région, se sont installées en Amazonie, à la recherche du caoutchouc, connu à l´époque sous le nom «d’or blanc ». L’exploitation du caoutchouc est devenue la seule alternative pour ces familles. Pinheiro (2005), confirme qu´entre 1880 et 1920 de nombreuses familles14 du Nord-est ont migré vers l´Amazonie et que l´accumulation des richesses parmi les «barons du caoutchouc» a transformé Manaus, la capitale de l´état de l´Amazonas, en une ville dynamique et fortement commerciale, attirant et concentrant un grand nombre d´émigrants nationaux et étrangers et créant de forts contrastes sociaux. C´était la belle époque amazonienne15. C´était aussi une époque où les processus de production et d´appropriation des richesses se sont consolidés dans un modèle spécifique de financement, connu comme le système d´aviamento. La décadence du cycle du caoutchouc date du début du XXe siècle, quand l´Amazonie a perdu le monopole au profit des plantations asiatiques, qui ont trouvé des conditions idéales et plus productives que le «primitif» extractivisme pratiqué en Amazonie. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, après l'occupation des plantations asiatiques par l'armée japonaise (Coslovsky, 2006), la commercialisation du caoutchouc a vécu encore une brève récupération16, ce qui a envoyé en Amazonie de nouveaux groupes de nordestinos, appelés à l´époque les soldados da borracha (soldats du caoutchouc), puisqu´ils devaient s’occuper de l´extraction du caoutchouc pour la préparation des matériaux à envoyer aux combattants alliés des États-Unis. Après la guerre, la demande pour le caoutchouc connaît une autre chute et, avec l´apparition des produits synthétiques, elle ne s´est jamais redressée. En Amazonie, le gouvernement national a fait des efforts pour maintenir les prix du caoutchouc au travers de subsides aux extractivistes, mais, dans les années 1980, ces prix ont encore connu une forte chute. 14 Selon Allegretti (1990), la première vague de migration vers l´Amazonie en fonction du caoutchouc a envoyé environ 500 mille familles nordestines. 15 Période décrite comme « l´expression de l´euphorie et l´atout de la société bourgeoise au moment où elle parvenait à de grandes conquêtes matérielles et technologiques, où les réseaux de commercialisation se sont étendus et insérés à la dynamique de l´économie internationale » (Daou, 2000, p. 7). 16 Cette période est connue dans l’Histoire du Brésil comme le deuxième cycle du caoutchouc. 27 L´aviamento et le patronage : des rapports (socio)économiques complémentaires Les produits de l´extractivisme étaient achetés par le «patron17», qui était le fournisseur exclusif de produits manufacturés et d´équipements aux extractivistes. Le collecteur de caoutchouc contractait une dette envers le patron quand celui-ci finançait son voyage du Nord-est vers l´Amazonie ainsi que les équipements nécessaires à l´exploitation de produits de la forêt. En s´approvisionnant exclusivement dans les baraques du patron, il est devenu son « client ». Le terme patronage est aussi employé pour qualifier ce type de relation de clientèle (Aubertin, 2000). Le système d´aviamento était donc soutenu par le système de patronage, car il établissait en même temps un rapport économique entre un commerçant et un client, mais aussi entre un patron et un employé. Ce système s´est diffusé en Amazonie pendant le cycle du caoutchouc et il a formé plusieurs maillons intermédiaires, qui commençaient dans les maisons d´importation et d´exportation jusqu´aux travailleurs extractivistes. Selon Aubertin (2000), l´aviamento existait avant le cycle du caoutchouc, mais c´est en fait dans cette période qu´il s´est fortifié et généralisé dans la région. C´est par ce système que les barons du caoutchouc ou les patrons de la noix du Brésil pouvaient étendre leurs richesses et investir dans l´infrastructure des filières afin de garantir la qualité des produits demandés par le marché international. Ils étaient dépendants des maisons d´importations européennes, qui pratiquaient elles aussi l´aviamento en envoyant en avance les ressources nécessaires pour financer la cueillette. Sans l´entrée de capitaux étrangers, la structure de filières extractives n´aurait jamais pu être envisagée. 17 Propriétaire de terres où étaient exploités les produits de l’extractivisme. Le paiement des extractivistes normalement était fait par l’échange de marchandises, qui étaient sur-valorisées et que les extractivistes n’arrivaient pas à payer avec leur travail. 28 La structure logistique à l´époque des colonels et des patrons : les bases d´une organisation régionale Après la crise du caoutchouc, l´exploitation de la noix du Brésil se présente comme la principale alternative, en profitant de l´infrastructure laissée par les colonels du caoutchouc (Aubertin, 20000 ; Filocreão, 2002). Dans certaines régions, comme dans l´état de l´Amapá, le travail d´exploitation de la noix du Brésil commençait en octobre, quand les hommes de confiance des patrons étaient envoyés aux seringais ou castanhais18 pour faire la prévision de la production. Ils amenaient aussi des équipes de travailleurs pour commencer les traitements nécessaires à la cueillette dans les castanhais. Après le retour de ces équipes, connues comme «équipes d´avant-garde», on envoyait les équipes de collecteurs et les troupeaux d´animaux nécessaires au transport des produits. Elles étaient formées en fonction du volume de cueillette estimé par l´équipe d´avant-garde (Filocreão, 2002). Les équipes de cueillette, formées par environ trois collecteurs chacune, séjournaient pendant plusieurs mois dans les castanhais. Après la cueillette, les fruits étaient conservés dans de petits abris qui servaient d´entrepôts, jusqu´à ce que les premières équipes démarrent l´expédition des produits vers des entrepôts plus grands ou directement vers les usines. Pendant longtemps, le transport terrestre entre les abris installés en forêt et les entrepôts de reception et expédition a été fait par des troupeaux d´animaux. Une fois arrivés dans les principaux centres d´exportation, les fruits étaient alors sélectionnés, séchés et pelés par des femmes embauchées à chaque saison exclusivement pour ces activités. La dernière étape était le chargement des navires qui partaient vers l´Europe, notamment l´Angleterre et le Pays-Bas. Un schéma représentant le système d´aviamento dans les filières du caoutchouc et de la noix du Brésil à l´époque des patrons est présenté dans la figure 1.2. La compréhension de la structure ancienne s'avère également importante pour l'analyse de difficultés actuelles de cette filière. 18 Les seringais sont des aires dans la forêt où il existe une grande concentration de seringueiras, les arbres à caoutchouc, et les castanhais sont les aires où il existe une grande concentration de castanheiras, les arbres de la noix du Brésil. On peut trouver des seringais et des castanhais dans une même région de la forêt. 29 Figure 1.2. Fonctionnement de l'aviamento dans les filières extractives. Marché international B+ $ PE Maisons d´aviamento et exportatrices B+ $ PE Aviadores de 1er niveau De grands commerçants ou de grands propriétaires de seringais et/ou castanhais B+ $ PE Aviadores de 2ème niveau Des propriétaires de seringais et/ou castanhais et des castanheiros B+ $ PE Extractivistes Des collecteurs de caoutchouc et des castanheiros - B + $ = Biens de consommation, outils de travail et argent PE = Produits extractifs collectés Source : Vilhena (2004, p. 17) Il existe évidement des variations entre les structures, en fonction des caractéristiques de chaque région en Amazonie. Cependant, il est surprenant que depuis plus de cent ans peu de changement ait eu lieu dans cette filière. Les trajets plus récents de l’extractivisme Actuellement, les plantations de caoutchouc introduites dans le Sud-est brésilien au début du XIXe siècle sont plus productives que l’exploitation de l´hévéa dans la forêt amazonienne19. La seringueira20 a trouvé dans la région Sud-est de très bonnes conditions de culture, notamment dans l´état de São Paulo, où il y a de la main-d´oeuvre spécialisée et un volume de capitaux plus important pour des investissements en technologie. De plus, la grande majorité des industries consommatrices y sont installées, ce qui réduit les coûts logistiques relatifs au transport de la matière première. 19 La production amazonienne de caoutchouc est de 6 à 8 Kg/ jour, tandis que dans l´état de São Paulo elle atteint environ 30 Kg/jour (Droulers, 2004). 20 Hevea brasiliensis – l´arbre à caoutchouc. 30 Un nombre important de familles émigrées vers l´Amazonie pendant les deux cycles du caoutchouc n’est plus retourné au Nord-est. Ces travailleurs ont aussi appris avec les caboclos21 à (sur)vivre en exploitant les ressources de la forêt, à partir de nombreuses techniques de cueillette de végétaux, ainsi que de la chasse et de la pêche, ou encore d´autres activités extractives. Le cycle du caoutchouc est une période très étudiée dans la littérature historique de la région, surtout parce qu´il a laissé des marques profondes dans la vie des habitants et dans le paysage de la région, mais aussi dans la structure productive et les relations commerciales. Une activité qui a toujours été associée à l’extractivisme du caoutchouc était la cueillette de la noix du Brésil, dans la mesure où les deux cultures se déroulent dans des périodes différentes. Pendant la période sèche (juin à novembre), les extractivistes se dédiaient à l’exploitation du caoutchouc et pendant la période humide (décembre à mai), à la cueillette de la noix du Brésil (Mori, 1992). Son exploitation a été, de fait, dans certaines aires, l´activité qui a le plus contribué au maintien de l´économie amazonienne, notamment après la perte du monopole brésilien du caoutchouc (Filocreão, 2002 ; Droulers, 2004). En remplaçant l´extractivisme du caoutchouc, l´exploitation de la noix du Brésil a profité de toute l´infrastructure et du système d´aviamento installé dans les seringais, là où il y avait aussi des castanhais. L´extractivisme de ces deux produits a utilisé les mêmes techniques et infrastructure physique, financière et sociale pour leur exploitation et leur commercialisation (Coslovsky, 2006). À l´époque des gouvernements militaires (1964-1985), l´extractivisme a perdu de l´espace pour d´autres activités productrices (Filocreão, 2002) qui se sont révélées souvent prédatrices22 de la forêt, comme l´élevage, l´agriculture extensive et l´exploitation minérale. Le développement de l´agriculture moderne, qui exige la déforestation, était alors considéré comme le seul modèle de valorisation économique pour l´Amazonie (Aubertin, 2000). La conscience de la complexité et de la fragilité de l'écosystème de l'Amazonie est assez récente ; elle a commencé après les résultats 21 Caboclo : celui qui est né du métissage entre indien et européen. Bursztyn (2004) affirme que le cycle des drogues du Sertão a été moin prédateur que les formes actuelles d’occupation humaine et économique dans la région amazonienne. Selon l’auteur, ce fait est justifié par les conditions technologiques de l’époque, qui ne permettaient pas l’épuisement des ressources exploitées. 22 31 négatifs de divers plans d'occupation de la région stimulés par le gouvernement fédéral et après les pressions nationales et internationales contre la déforestation (Barbosa, 2001). Cette nouvelle importance gagnée par l´extractivisme végétal est justifiée surtout parce qu´il peut garantir la non destruction de la biodiversité de la forêt, la principale source de matière première pour l´industrie de la biotechnologie (Aubertin, 2000 ; Filocreão, 2002 ; Droulers, 2004). La plus importante banque génétique d´espèces se trouve en Amazonie, avec environ 30% du stock de la planète, d´où l´importance de la préservation de la forêt pour les pays qui dominent la recherche en biotechnologie (Becker, 2001). Leurs préoccupations sont en accord avec celles des écologistes (préserver la biodiversité) et des populations amazoniennes, même si pour ces dernières ce sont d´autres questions qui sont en jeu. Sur le potentiel des produits issus de l´extractivisme végétal, Droulers (2004) affirme : « même s´il s´agit d´une activité précaire, en déclin et dont la poursuite ne tient qu´à un fil, l´extractivisme végétal, inséparablement lié au patrimoine culturel, fait partie de la banque de savoir populaire qui intéresse tous les pays amazoniens» (p. 78). 1.1.2) De produits mineurs à des protagonistes de stratégies de conservation : les nouvelles perspectives pour les filières de PFNL Les produits forestiers non ligneux (PFNL) étaient connus autrefois comme « produits forestiers mineurs, autres produits forestiers, produits forestiers secondaires, produits forestiers spéciaux, produits mineurs, autres produits forestiers économiques ou encore comme produits forestiers non industriels » (Tabuna, 2000). L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO/ONU) définit ces produits comme «les biens d'origine biologique autres que le bois procurés par les forêts, les autres terres boisées et les arbres hors forêts»23. Wickens (1996) donne plus de détails sur les principales fonctions présentées par les PFNL. Selon cet auteur, les PFNL sont «tous les matériaux biologiques (à part les produits ligneux24) qui sont extraits d´écosystèmes naturels et de plantations contrôlées qui peuvent être utilisés par les 23 http ://www.fao.org/forestry/site/11486/fr/page.jsp. Page accédée le 10/07/04. Les produits ligneux listés par le même auteur sont le bois rond, le bois scié (sciage), les panneaux dérivés du bois, le bois en morceaux et la pulpe de bois. Ces types de produits concernent fréquemment des entreprises commerciales. 24 32 ménages, être commercialisées ou qui ont une valeur sociale, culturelle ou religieuse» (p. 56). L’importance actuelle des PFNL : changement de nomenclature et stratégies de conservation Si les définitions des PFNL restent toujours divisées, l´avis sur leur importance historique pour l´humanité est unanime. Le terme PFNL a été mis en avant au cours des discussions du Sommet de la Terre – Rio 1992. C´est lors de cette conférence que, selon Tabuna (2000), le signal d´une «prise de conscience réelle des liens entre l´environnement, les sociétés et le développement» (p. 13) a été donné. De ce fait, la valorisation des PFNL, des produits utilisés depuis des siècles par l´humanité, se confirme comme une possible stratégie de conservation de ressources naturelles de la planète à partir de la promotion du développement des régions où l´occurrence de PFNL se montre encore considérable, ainsi que l´usage par les communautés locales comme une source importante de revenus. La conservation des PFNL devient alors une stratégie des nations pour garantir un développement plus consistant et moins prédateur : « Le défi des nations aujourd´hui ne se concentre plus sur la question de savoir si la conservation est une bonne idée, mais plutôt sur la façon dont elle peut être conforme à l´intérêt national par rapport aux moyens disponibles dans chaque pays » (World Commission on Environment and Development, 1987, p. 147). Au niveau local, le défi consiste à construire des stratégies de valorisation des PFNL pour leur conservation et développement local, avec les acteurs – individuels et institutionnels – concernés. Notre thèse veut aider à répondre à cette question. Lescure (2000) fait référence à l´utilisation commerciale des PFNL comme une stratégie pour valoriser, tout en conservant, la biodiversité des forêts tropicales. La commercialisation de PFNL, dans ces démarches, est envisagée comme un élément du développement des régions forestières : «c´est par la valorisation économique que nous défendrons la forêt et c´est par l´intermède du commerce que nous améliorerons le niveau de vie de populations [...] et les commerçants, pointés dans les rues par les contestataires d´hier, deviendront aujourd'hui les protecteurs de la conservation et de la justice sociale» (Lescure, 2000, p. 192). 33 Parmi les intérêts concernant les PFNL et l´extractivisme, notamment en Amazonie, Lescure (2000) cite leur grande contribution dans la vie quotidienne, par la fourniture des produits alimentaires, pharmaceutiques, matériaux de construction d´habitations, meubles et ustensiles. Si ces produits ont une telle importance quand ils sont utilisés directement par les populations locales, ils présentent aussi un énorme potentiel de commercialisation. Leur vente, dans de nombreux cas, est la principale source de revenu de familles rurales en Amazonie et peut être le seul accès aux biens de consommation. Cependant, les transactions commerciales sont difficilement quantifiables, car elles utilisent des échanges non monétaires, c´est-à-dire, l´échange d´une quantité d´un PFNL contre une autre d´un certain produit, généralement manufacturé. L´approvisionnement local et régional est aussi cité par l´auteur, même si une partie de ces produits est plus valorisée à l´étranger, ce qui est le cas de la noix du Brésil. De toutes façons, les exportations de la plupart des PFNL restent encore en nombre assez limité. Selon Tabuna (2000), sur le plan international, «seuls quelques PFNL font l´objet d´échanges depuis plusieurs années [...] Il s´agit des produits alimentaires comme le rotin (Calamus rotang), les champignons, les épices, le sagou (Cycas revoluta) et les noix du Brésil (Bertholletia excelsa)» (p. 20). Les principaux pays producteurs de PFNL sont la Chine, l´Inde, l´Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et le Brésil et 60% des importations sont effectuées par la Communauté Européenne, les États Unis et le Japon. L´auteur classe les PFNL en 17 groupes : les produits alimentaires, les épices, les condiments et les herbes culinaires, les gommes végétales, les pigments naturels, les résines, les fibres et soies, les matières végétales de tannage, le latex, les produits liés aux insectes, l´encens, les huiles essentielles, les plantes médicinales, les plantes sauvages, les animaux et produits animaux, et les noix. Dans toute l´Amérique du Sud, les PFNL les plus exportés sont le cœur de palmier et la noix du Brésil (Broekhoven, 1996). L’exploitation de ces produits fournit un nombre significatif d'emplois et d’activités économiques aux niveaux local et régional, car les activités de cueillette demandent un travail intensif. Néanmoins, très peu de PFNL ont un marché assuré, faute de pouvoir garantir un approvisionnement régulier et crédible. Ces exigences du marché peuvent se montrer très menaçantes du point de vue culturel et biologique. Pour garantir un approvisionnement régulier de produits ayant le standard 34 de qualité exigé par les marchés, les structures de transport, stockage et processus sont nécessaires, ainsi que la disponibilité de capital, de connaissance et de technologie. La distribution et la commercialisation de ces produits sont encore un problème, notamment à cause de la distance des marchés et de la nécessité d’avoir de nouveaux circuits de commercialisation et de nouvelles règles de fonctionnement entre les différents acteurs. S´ajoutent à ce fait les difficultés rencontrées par les coopératives et les associations qui ont été créées, notamment après l´origine des aires protégées. Ces organisations, dans la plupart des cas, ont tendance à reproduire les relations sociales et économiques instituées par les anciens patrons (Pinton et Aubertin, 2000). La plupart d´organisations collectives créée, même si elles s´agissaient des mouvements légitimes des extractivistes, n´ont pas eu le temps nécessaire de former et d´informer leurs membres quant aux principes de l´associativisme et principalement sur la gestion de ces organisations, qui est très particulière. L´urgence était pour garantir les financements de projets de conservation, qui n´étaient disponibles que pour des organisations collectives. Homma (1992) considère que, dans le long terme, la disparition de l´extractivisme est inévitable ; mais il reconnaît la valorisation de ses produits comme une stratégie pour ralentir l´expansion de la frontière agricole dans le court et moyen terme25. Dans cette prévision réside un enjeu : si pour garder la forêt debout, il faut ajouter de la valeur à ses ressources naturelles et stimuler leur commercialisation, il est évident qu´il sera nécessaire que le marché soit étendu. Mais comment augmenter la commercialisation sans que les stocks de ressources naturelles ne soient épuisées, notamment quand il n´est pas possible de cultiver certaines espèces au sein des systèmes de plantation ? La plupart des projets dernièrement entrepris dans la région essayent de répondre à cette question. De nouveaux acteurs au sein d’une structure traditionnelle ? Le système d´aviamento est un des héritages d´autres cycles, et il est encore très présent dans les activités extractives, notamment dans les régions où il n'existe pas d´accès par la route (Abrantes, 2002). Il est très difficile d´éliminer un rapport traditionnellement pratiqué depuis de nombreuses générations, surtout quand la structure de la filière subit 25 Pour cet auteur, les conditions possibles pour maintenir l’activité extractive sont un marché limité, l’élévation des stocks de ressources et l’impossibilité de cultiver certains espèces végétales (Homma, 2002). 35 très peu de changements depuis des années. La participation de l'agent intermédiaire était la seule opportunité d'affaire pour les familles qui vivent et font la cueillette dans des sites très éloignés des centres urbains26. Actuellement le personnage du patron traditionnel n´existe plus. Cependant, Mattoso et Fleischfresser (1994) remarquent que cela ne signifie pas que le patronage a disparu ou a été remplacé par une autre relation socioéconomique. Les travailleurs extractivistes se considèrent parfois «abandonnés» par les patrons et ils associent une partie des difficultés actuelles de la filière à l´absence de cet acteur. Une des justifications peut résider dans le fait que le patron était un entrepreneur qui possédait toute l´infrastructure d´exploitation (la terre, les moyens de transport, les entrepôts et les usines), tandis que les atravessadores, les agents intermédiaires actuels, ne possèdent pas la terre et ne maîtrisent pas tous les processus industriels. Après le deuxième cycle du caoutchouc, l´économie amazonienne était de nouveau en crise et c´est seulement sous les gouvernements militaires, entre les années 1960 et 1980 qu´elle allait passer par de nouvelles grandes transformations, quand les dits «Grands Projets»27 ont été initiés. Filocreão (2002) observe qu´avec la généralisation de ces grands projets en Amazonie, commencent à émerger aussi des forces qui veulent réagir aux effets dévastateurs de ces projets sur l´environnement. Les populations d´extractivistes commencent alors à s´allier aux mouvements écologiques nationaux et internationaux, pour lutter en faveur de la préservation de la forêt. Les pressions des mouvements écologiques étaient liées à deux facteurs : d´un côté au futur de l´humanité et, de l´autre côté, au capital, représenté par la principale banque génétique de la planète, base de la biodiversité pour le développement de la biotechnologie. De ces deux faits importants, résultent le questionnement du modèle de développement par les grands projets et l´annulation de l´ancienne politique de stimulation fiscale par le gouvernement pour ce type de projets dans la région. Commence alors la recherche d´alternatives de production pour garder la forêt debout, c´est-à-dire, une forme d’exploitation où ses ressources naturelles puissent être conservés (Filocreão, 2002). «L´extractivisme est re-découvert comme une activité non prédatrice, une voie possible 26 Même aujourd´hui, dans de nombreuses régions rurales des pays en développement, le fonctionnement de certaines filières n´est pas possible sans la présence des agents intermédiaires. 27 Parmi les objectifs de ces projets, Bursztyn (2004) cite le défrichage et l’occupation le l’Amazonie, l’implantation des grandes infrastructures et l’expansion de la frontière des activités agricoles (Fronteira agrícola). 36 de valorisation économique de l´Amazonie, parfois entrevue comme une panacée utopique» (Aubertin, 2000, p. 28). L´encadré 1.1 résume les principaux aspects historiques et actuels concernant les cycles de l´extractivisme en Amazonie. Encadré 1.1. Les principaux cycles extractives : évolution jusqu´à l´importance stratégique de l´extractivisme pour la conservation des forêts Cycle des drogues du Sertão – exploitation prédatrice, mais le niveau technologique de l’époque n’a pas permis l’épuisement des ressources forestières. Cycle du caoutchouc – transformation et développement des grandes villes amazoniennes. N´a pas pu faire face aux exploitations plus productrices en Asie. Cycles minéraux – exploitation intensive et prédatrice des ressources naturelles. Développement limité de la région, dans la mesure où les minéraux sont exportés dans l´état brut. Cycle des PFNL – au début du XXe siècle a profité de l´infrastructure d´exploitation du caoutchouc (notamment la filière noix du Brésil); après le Sommet de la Terre, la valorisation de l´extractivisme apparaît comme une stratégie viable de conservation des ressources naturelles de la forêt. Dans la section 1.2 il sera présenté une brève revue de la littérature sur l´origine du concept de développement durable, ses limites et ses perspectives. Quelques références sur la façon de mesurer ou d´évaluer ce développement seront aussi présentées (§1.2.1), ainsi qu´une adaptation du concept au contexte de l´Amazonie (§1.2.2). 1.2) Le substantif « développement » et l´adjectif « durable »: une antinomie? La genèse du concept de développement durable ayant fait l´objet d´un grand volume de publications scientifiques et non scientifiques28, notre revue de littérature se focalisera essentiellement sur les aspects du développement durable qui peuvent avoir un intérêt dans la conduite de la recherche. L´intérêt principal se concentre dans les diverses dimensions (§1.2.1) que le concept peut comporter et qui peuvent contribuer à la planification et l´évaluation des projets actuels de développement régionaux et locaux. Enfin, il sera présentée une revue sur le type de développement actuellement défendu 28 Parmi les nombreux auteurs (et acteurs) participant aux débats (fondateurs et actuels) sur le développement durable, les lectures de Capra (1982, 2003), Sachs (1997) et Veiga (2004), en particulier, ont été fondamentales pour la compréhension du concept et des thèmes associés. Les deux premiers auteurs ont été pionniers dans la discussion autour du thème, rendant possible une lecture pluridisciplinaire. Le troisième auteur a permis une réflexion critique sur l’origine et sur la vulgarisation du concept. 37 pour l´Amazonie (§1.2.2), en considérant les spécificités physiques et socioéconomiques de la région. L´approche basée sur l´harmonisation des objectifs sociaux, écologiques et économiques, avant d´être appelée développement durable, a été nommée l´écodéveloppement (Sachs, 1997), mais c´est la première expression qui a été légitimée pour nier l´incompatibilité entre la croissance économique continue et la conservation de l´environnement (Veiga, 2005). Dans le rapport « Brundtland » (World Commission on Environment and Development, 1987), déjà exhaustivement cité dans la littérature, le concept d´harmonisation est également valorisé, lorsque, dans le document, il est dit que la stratégie pour atteindre le développement durable doit promouvoir l´harmonie parmi les êtres humains et entre l´humanité et la nature. C´est une proposition universelle, mais en même temps vague. «Au sein de la multiplication des concepts, le développement durable est approprié par la classe politique, devenant le drapeau représentant des intérêts divers» (Becker, 1993, p. 133). Veiga (2005) considère le développement durable comme un concept politique et institutionnalisé. Quand ce concept a été caractérisé lors de l´Assemblée Générale de l´ONU, dans le rapport «Our common future»29, il a été montré intentionnellement comme un document politique, afin de garantir des alliances avec les pays périphériques pour la préparation de la Conférence des Nations Unies sur l´Environnement et le Développement, le Sommet de la Terre ou la Conférence «Rio-1992». Le concept n´est pas clair, dans la mesure où il englobe plusieurs interprétations et diverses intentions, qui se déclinent dans différentes propositions et scénarios de développement, notamment dans les pays périphériques (Becker, 1993). Sachs (2004) le considère comme un concept transitoire et en évolution. Pour Leff (2001), il représente une antinomie, c´est-à-dire, une contradiction entre deux principes – le substantif « développement » et l´adjectif « durable » – qui, individuellement peuvent être cohérents, mais difficiles à penser ensemble. 29 Dans le rapport, le développement durable est défini comme “le développement qui satisfait aux nécessités du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres nécessités” (World Comission on Environment and Development, 1987, p. 43). 38 Quand l´écodévelopement a été proposé, Ignacy Sachs parlait des nouveaux types de développement, des nouveaux modes de production et styles de vie, fondés à partir des conditions et potentialités des écosystèmes et de la gestion prudente des ressources, adaptés à chaque région, diversité ethnique et capacité des populations pour une gestion participative des ressources (Leff, 2001). Becker (1993) comprend que l´écodéveloppement ne doit pas «écologiser l´économie», mais plutôt le système social, par l´obtention des synergies dans la planification des processus de production en mimétisme avec les écosystèmes, notamment en ce qui concerne l´énergie efficiente, l´information et la culture. Pour l´auteur, le développement durable constitue «la version contemporaine de la théorie et des modèles de développement régional» (Becker, 1993, p. 135) et il est fondé sur trois principes de base : la nouvelle rationalité dans l´usage de ressources ; la diversité ou la valorisation sélective des différences ; et la décentralisation, où le pouvoir local est privilégié comme la base du développement. Amartya Sen émet une critique du concept de développement durable, en ce qui concerne les «nécessités» des générations actuelles et futures. Pour cet auteur indien, l´humanité a aussi des valeurs et elle valorise principalement ses capacités de penser, d´évaluer et d´agir. «Voir les humains exclusivement en termes de nécessités est une idée insuffisante de l´humanité» (Sen, 2004, cité par Veiga, 2005, p. 166). Cette affirmation contient l´idée implicite que les personnes ne demeurent pas seulement dans l´attente passive d´une prise en compte de leurs besoins. Les personnes ont aussi une capacité à exécuter et la liberté de décider quelle valeur elles doivent attribuer aux choses. Pour Becker (1993), le développement durable se définit comme un développement qui reconnaît, dans les limites de la durabilité, des origines non seulement naturelles, mais aussi structurelles. L´auteur considère encore que c´est dans les processus historiques par lesquels l´environnement est transformé que la relation entre l´humanité et la nature est confirmée. À partir de ce constat, «la durabilité sera le résultat d´une connexion entre les mouvements sociaux, la transformation sociale et, par conséquent, d´une possibilité des politiques plus effectives» (Becker, 1993, p. 133), avec des impacts qui dépassent la croissance économique à partir de l´exploitation de l´environnement physique. 39 Veiga (2005), en faisant référence aux rapports du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sur le développement humain30, observe que le développement – sans adjectif - veut désigner ainsi la possibilité qu´ont les gens de vivre le type de vie qu´elles-mêmes ont choisi, avec des instruments et des opportunités pour faire leurs choix. Selon l´auteur, ces rapports du PNUD essayent de démontrer que le développement humain est une idée qui relève autant de la politique que de l´économie, dans la mesure où les personnes moins favorisées doivent influencer les actions politiques – au niveau local et national – pour avoir un accès équitable aux services sociaux. Une définition synthétique du développement est celle de Celso Furtado, quand il le considère comme le projet social sous-jacent à la croissance économique: «Avoir des ressources pour investir est loin d´être une condition suffisante pour préparer un meilleur avenir pour la masse de la population. Mais quand le projet social rend prioritaire une effective amélioration des conditions de vie de cette population, la croissance se métamorphose en développement» (Furtado, 2004, p. 484). Pour Leff (2001), la notion de durabilité a été diffusée et vulgarisée jusqu´à ce qu’elle puisse faire partie du discours officiel et du langage commun, mais sans définir un sens théorique et pratique capable d´unifier les voies de transition pour la durabilité. En ce qui concerne le passage des pays périphériques et semi périphériques au nouveau modèle de développement, Becker (1993) souligne qu´il faut éviter les risques d´importations automatiques, représentées par :  L´importation d´un «paquet» indifférent aux particularités de chaque culture, savoir et ressources, aux échelles nationales, régionales et locales, capables de défavoriser l´innovation ;  L´adoption d´une philosophie small is beautiful et des techniques traditionnelles, qui peut réduire la vélocité de transformation, ou encore, l´option par des technologies avancés inadéquates ou qui réduisent le besoin de main-d´oeuvre, ce qui peut renforcer le chômage.  La transformation de la décentralisation dans un processus de transfert des charges pour la société au lieu de décision et d´action ; 30 Les rapports sur le développement humain peuvent être consultés sur le site du PNUD: http://hdr.undp.org/. 40  L´incitation à une compétition agressive, aggravant les inégalités sociales et spatiales ;  Le privilège de la fragmentation de la société et du territoire national, à partir des articulations directes avec les forums internationaux ;  La réduction du rôle de l´État, affaiblissant son action politique sur le plan interne et dans les négociations externes. 1.2.1) Combien de dimensions pour évaluer le développement durable et la durabilité? «Le développement est un processus ouvert qui crée de la complexité et de la diversité» (Veiga, 2005, p. 52). La représentation la plus diffusée du développement durable fait référence à l’intégration des dimensions environnementale, sociale et économique. Au sein des organisations, les consultants ont inventé un mot pour décrire ce triptyque, soit la Triple Bottom Line (TBL) ou approche des trois piliers (Aggeri et al., 2005), qui correspond au Triple « P » (People, Planet, Profit) dans l´évaluation de la performance de l´entreprise. Ces trois « P » correspondent aux dimensions sociale, écologique et économique du développement durable. Le caractère multidimensionnel du concept de développement durable, au lieu d´un atout, peut s´avérer être aussi un désavantage, car il peut banaliser ou déconsidérer la dimension écologique. Par rapport à cet enjeu, Veiga (2005) rappelle que «le développement n´est pas un ensemble de choses, mais un processus qui produit des choses» (p. 54) et que beaucoup de gouvernements et d´agences d´aide au développement continuent à considérer que le développement économique est la résultante d´une accumulation des choses classées généralement comme infrastructure – des industries, des écoles, des équipements, etc. Il est alors nécessaire d´avoir de nouveaux systèmes d’évaluation pour mesurer le bienêtre de l’homme. «Leur mise au point divise les économistes en deux écoles de pensée : l’une recherche un indicateur synthétique, l’autre préfère garder séparées les comptabilités économique, écologique et sociale. Cette dernière méthode est moins élégante car elle exclut l’optimisation d’une fonction aux objectifs multiples, mais elle transmet davantage d’informations aux planificateurs, aux décideurs et à tous les acteurs sociaux impliqués, permettant une discussion plus transparente sur les options 41 disponibles» (Sachs, 1997, p. 23). Depuis que le concept de développement durable a été créé, nombreux ont été les efforts pour l´opérer en termes d´indicateurs et de systèmes d´indicateurs. L´Indice de Développement Humain (IDH)31 est encore très utilisé pour comparer le développement entre nations, états ou municipalités, même s´il existe de nombreuses critiques à l´égard des dimensions qui forment l´indice, ainsi qu´à l´égard de la méthodologie de calcul et de sa forme de présentation (Favareto et al., 2005). Sachs (1997) a proposé les dimensions de l´écodéveloppement – environnementale, économique, sociale, spatiale et culturelle - dans les années 1980, même avant que le concept actuel de développement durable ne soit défini. En 2004, ce même auteur considère qu´il existe toujours cinq dimensions constitutives du développement durable. Ne faisant plus référence directement à la dimension culturelle, il requiert cette fois une attention à la dimension politique. Les cinq dimensions initialement proposées, auxquelles s´ajoute la dimension politico-institutionnelle se présentent comme suit: a) Durabilité écologique La dimension de la durabilité environnementale ou écologique s´ajoute à celle de la durabilité sociale dans le concept de développement durable (Sachs, 2004). La durabilité environnementale est basée sur l´impératif éthique de solidarité synchronique avec la génération actuelle et de solidarité diachronique avec les générations futures, nous amenant à travailler avec des échelles multiples de temps et d´espace. b) Durabilité économique Veiga (2004), en faisant référence aux dimensions proposées par Sachs, affirme que la viabilité économique est la condition sine qua non pour arriver à quelque chose, mais il faut évaluer l’efficacité économique en termes macro-sociaux plutôt qu’à travers les seuls critères micro-économiques de profit de l’entreprise. 31 Mesure le niveau de développement humain à partir des indicateurs distribués en trois dimensions: éducation (alphabétisation d´adultes et taux d´inscriptions scolaires), revenu (PIB per capita) et longévité (expectative de vie et taux de mortalité infantile). Source : www.undp.org.br. Consulté le 13/05/2006. 42 c) Durabilité sociale Ce terme recouvre la mise en œuvre d’un processus de développement fondé sur une autre croissance et alimenté par une autre vision de la société. Le but est de construire une civilisation de l’«être» fondée sur un partage plus équitable afin d’améliorer effectivement l’accès aux richesses et de réduire l’écart de niveau de vie entre les riches et les pauvres (Sachs, 1997, p. 28). Son évaluation peut cependant se montrer complexe, en fonction non seulement de la difficulté à trouver des indicateurs pertinents, mais aussi des conditions de mesure faisables (en termes de collecte des données et des coûts). d) Durabilité spatiale ou territoriale Cette dimension est liée à la distribution spatiale des ressources. Il faut assurer un meilleur équilibre villes-campagnes et une meilleure répartition spatiale des établissements humains et des activités économiques, avec un accent mis sur les problèmes tel que la promotion d’une agriculture moderne régénératrice et de l’agrosylviculture auprès des petits paysans, en leur fournissant les moyens techniques appropriés, du crédit et un accès au marché ; et l’établissement d’un réseau de réserves naturelles pour protéger la biodiversité (Sachs, 1997). e) Durabilité politico-institutionnelle Un instrument nécessaire pour promouvoir les choses, c´est la gouvernance démocratique (Sachs, 2004). C'est elle qui peut permettre une liberté en ce qui concerne les demandes de la société et des communautés locales, en particulier. f) Durabilité culturelle Cherchant des racines endogènes aux modèles de modernisation et aux systèmes intégrés de production, il s’agit de promouvoir le changement dans la continuité culturelle, traduisant le concept normatif d’écodéveloppement en une pluralité de solutions locales, propres à chaque écosystème, à chaque contexte et à chaque site (Sachs, 1997). Au Brésil, diverses formules d´indices capables de capter l´état et l´évolution du développement ont été développées pour différentes échelles du territoire. Favareto et al. 43 (2005) citent l´Indice de Développement Humain Municipal (IDHM)32, une adaptation de l´IDH pour l´échelle municipale. Ces mêmes institutions ont proposé l´Indice des Conditions de Vie (ICV)33, où le nombre des dimensions a été élargi, considérant vingt indicateurs. Cependant, selon les auteurs, l´ICV n´a pas la même application que l´IDH dans les recherches et dans la planification de politiques publiques. Quatre grands défis liés aux futurs essais de définition des indicateurs sont listés :  Les lacunes dans la dimension écologique : les difficultés pour accéder à des données consistantes, représentatives et fiables. Etant donné leur nature assez récente, les thèmes environnementaux ne comptent pas encore avec une large tradition de production des indices statistiques (Veiga, 2005).  Il existe encore très peu de tentatives pour mesurer le capital social et la performance institutionnelle.  Les indices sont très synthétiques. Les contrastes entre les différentes dimensions sont négligés et dilués dans une moyenne arithmétique réductrice.  Difficultés de légitimation des indicateurs, c´est-à-dire, en faire effectivement la base pour la planification de politiques publiques, de suivi et d´évaluation. Pour Veiga (2005), la conciliation entre croissance économique et conservation de la nature ne doit pas aboutir dans le moyen terme, ni de façon isolée, dans seulement quelques activités ou lieux spécifiques. De ce fait, les projets et initiatives conçus pour arriver à cette coordination, ne peuvent pas être pensés ni évalués à partir des paramètres de court terme. L´Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) a développé un système d´évaluation de la durabilité, mais il se concentre seulement sur les indicateurs nationaux et régionaux (par état). Pour les projets locaux très limités géographiquement, des évaluations locales du développement, bien adaptées à chaque contexte, peuvent se montrer plus pertinentes. 32 Indice National développé par l´Institut de Recherche Économique Appliquée (IPEA), la Fondation João Pinheiro, l´Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). L´IDH mesure les mêmes phénomènes que l´IDH, mais avec des indicateurs adaptés aux conditions des groupes sociaux plus petits. 33 Les indicateurs de l´ICV sont distribués en cinq dimensions, dont trois sont les mêmes de l´IDH (éducation, revenu et longévité) et deux autres – enfance et habitation - ont été ajoutées pour capter le développement socioéconomique d´une forme plus pertinente. 44 1.2.2) Quel développement (durable) pour l’Amazonie? Au début des années 1990 Sachs listait déjà quelques domaines prioritaires pour garantir la durabilité des écosystèmes d'Amazonie. Le contact avec l´Amazonie et les échanges avec les chercheurs et les praticiens du développement travaillant dans la région ont enrichi la réflexion théorique de Sachs sur l´écodéveloppement. Pour l´auteur, «en quelque sorte, l’écodéveloppement est donc lié au contact avec l’Amazonie» (Sachs, 1990, p. 4). Il a alors proposé une liste de priorités pour la région : a) la préservation et la valorisation de la diversité biologique (ou biodiversité) demandant un effort pluridisciplinaire ; b) l´agroforesterie ; c) la valorisation des ressources aquatiques ; d) la production décentralisée et la recherche de sources d´énergie renouvelable, pour réduire la dépendance de l´énergie électrique produite à partir des grands barrages (mais aussi pour permettre l´accès à l´énergie par les populations isolées, où le réseau arrive difficilement) ; e) la protection de l´environnement dans les opérations minières et dans l´extraction de l´or par les orpailleurs ; f) la gestion de l´environnement urbain, dans la mesure où la majorité de la population amazonienne vit déjà dans des agglomérations de type urbain aux conditions sanitaires précaires ; g) la lutte contre les maladies endémiques, à commencer par le paludisme. De la liste de Sachs, les items a,b,d et f sont davantage liés au contexte de projets de valorisation des produits forestiers. S´il faut résoudre la majeure partie des priorités au sein des communautés extractivistes, cela aura certainement des impacts importants sur la dimension sociale. Néanmoins, l´auteur ne mentionne pas ces impacts attendus. Becker (1993) considère qu´en Amazonie, il existe un fort potentiel de générations de nouvelles réalités, justifié par sa condition spatiale, où les structures n´ont pas encore atteint un niveau d´organisation trouvé dans d´autres régions. Ces nouvelles réalités nécessitent d´être mieux connues. Parmi les potentiels cités se distinguent la biodiversité – la base des ressources naturelles - et la sociodiversité – des modes de vie qui correspondent à différentes relations avec la nature. Une application généralisée des 45 stratégies uniformes de développement est impraticable, étant donnée l´énorme diversité des configurations socioéconomiques et culturelles, ainsi que les dotations de ressources dans chaque région. «Pour qu´elles soient efficaces, elles doivent répondre aux principaux problèmes et aspirations des communautés» (Sachs, 2004, p. 61) et garantir la participation de tous les acteurs concernés (travailleurs, employeurs, l´État, la société civile organisée) dans le processus de développement. Les mouvements sociaux apparus dans les dernières années, notamment dans les pays en développement, sont en train de contribuer à la construction d´une «autre rationalité productive», sur les bases de la durabilité écologique, l´équité sociale et la diversité culturelle. En réaffirmant les droits à l´autogestion de leur patrimoine de ressources naturelles et culturelles, les communautés cherchent à introduire les conditions pour leur développement (durable). Dans ce sens, elles revalorisent les processus écologiques et les valeurs culturelles intégrées dans le savoir et les pratiques traditionnelles d´usage de leurs ressources (Leff, 2001). La conciliation de l´économie sociale avec la gestion viable de la nature implique un état des lieux et l´usage de ressources naturelles à partir du développement des technologies appropriées requérant certes des études scientifiques mais aussi l´utilisation du savoir local (Becker, 2001). La création des aires protégées en Amazonie vise à permettre que la durabilité écologique soit atteinte par la conservation de ressources de la forêt. Elle vise aussi une durabilité économique, à partir de l´usage durable de ces ressources et une durabilité sociale, en permettant de meilleures conditions de vie à ces populations (éducation, santé, transport, énergie,etc). La durabilité territoriale est aussi poursuivie lorsque ces aires d´exploitation donnent le droit d´usage aux populations qui y vivent depuis des générations. Les durabilités culturelles et politiques, même si elles sont prises en compte dans les projets de création des aires protégées, dépendent encore de plusieurs conditions de base. De la littérature sur le développement durable, l´encadré 1.2 met en évidence des aspects à retenir pour la proposition et la conduite d’une recherche au sein d’une organisation d’extractivistes dans un état de l’Amazonie brésilienne. La section 1.3 renforcera le contexte de la recherche en présentant les spécificités des aires destinées aux populations extractivistes. 46 Encadré 1.2. Mise en contexte du concept de développement durable - Les impacts des actions de promotion de développement (durable) à partir de l´exploitation des ressources naturelles dépassent la croissance économique (Sachs, 1997). Ils touchent aussi d´autres dimensions, telles que la sociale, l´environnementale, la spatiale, la culturelle et la politique. - Les actions de promotion du développement durable doivent être adaptées à chaque contexte local. « Valorisation sélective de différences » (Becker, 1993). - Pouvoir local (Becker, 1993) et gouvernance démocratique (Sachs, 2004) comme la base du développement. - En Amazonie, la (socio)biodiversité va demander des approches particulières, voire uniques. Potentiel de génération de « nouvelles réalités » (Becker, 1993). 1.3) Les aires protégées et les populations traditionnelles au Brésil: la conservation de notre avenir? Cette section traitera du contexte des aires protégées au Brésil, notamment des unités de conservation34 d´usage durable – les Réserves de Développement Durable et les Réserves Extractives – créées à partir de la fin des années 1980 dans l´Amazonie brésilienne. Un bref historique sur la trajectoire parcourue par les principaux mouvements sociaux et organisations jusqu´à la création des premières unités de conservation (UC), sera présenté en §1.3.1. Aujourd’hui les aires protégées brésiliennes sont régies par le Système National d´Unités de Conservation (SNUC), créé plus de dix ans après la création de la première Réserve Extractive du pays. Un autre thème qui sera discuté est celui des populations traditionnelles, les principaux habitants des UC en Amazonie dont la source la plus importante réside dans l´exploitation des ressources naturelles de ces aires protégées. Les conditions d´exploitation des ressources de la forêt par ces populations seront discutées en §1.3.2. 1.3.1) Le chemin jusqu’au «Système National d’Unités de Conservation» (SNUC) Les mouvements qui ont eu lieu en Amazonie pour la création des aires protégées doivent d´abord être considérés comme des mouvements sociaux, et pas uniquement comme des mouvements écologiques, dans le sens couramment perçu en Europe et en Amérique du Nord. Ces mouvements, qui ont donné naissance à de nombreuses aires protégées par l´État brésilien, voulaient répondre aux menaces immédiates envers leurs populations, et leurs espaces sociaux dont dépendent leur identité culturelle et leur 34 Les différentes catégories d´Unités de Conservation sont listées et décrites dans l´Annexe 1. 47 survivance économique (Browder, 1992). Dans la mesure où ces mouvements ont eu, au début, le soutien d´organismes de pays développés, où la vision prédominante était l´écologie, les questions sociales n´ont pas été mises au même niveau de priorité, notamment après que les aires protégées fussent déjà garanties. Le caractère socio-environnemental des aires protégées a donné naissance à une autre modalité de conservation, qui associe les mouvements sociaux et les préoccupations environnementales, notamment dans les pays moins développés. Le mouvement des seringueiros35 en Amazonie est un exemple d´«écologisme social», aussi appelé «écologisme paysan», car il critique l´écologisme importé des pays industrialisés, lequel ne reflète pas les aspirations et les concepts dans la relation homme/nature dans les pays du Sud (Diegues, 1996). Lors de la première Rencontre Nationale des Seringueiros, qui a eu lieu à Brasília, en août 1985, le Conseil National des Seringueiros (CNS) a été créé. C´était la première fois que ces travailleurs extractivistes se réunissaient pour discuter des conflits fonciers et de la conservation de la forêt. La création de réserves extractives a aussi été demandée. Les droits d´usage de ces aires protégées, transférés aux associations locales, devaient être désignés en accord avec les standards traditionnels d´usage de la terre, sans copier les modèles classiques d´occupation (Allegretti, 1990), puisqu´au contraire des projets de colonisation, les réserves extractives étaient déjà peuplées par des communautés traditionnelles familières des conditions locales. Leurs principaux objectifs étaient de créer des garanties légales pour l´extractivisme de produits forestiers et améliorer leur qualité de vie (Butler, 1992). Des réserves indigènes déjà existantes à l´époque, le CNS a emprunté l´idée d´une aire protégée par l´État, où les populations locales pouvaient pratiquer leur culture traditionnelle et leurs activités économiques. Mais ils se sont rendu compte que l´extractivisme, une activité économique très spécifique, devrait être officiellement reconnue comme l´activité principale de ces populations traditionnelles, afin de la distinguer d´autres activités rurales, comme celles de paysans installés dans des aires de concession, qui étaient surtout agricoles (Allegretti, 1990, p. 260). Dans le cas de réserves extractives, les termes «réserve» et «extractive» prennent des connotations très particulières. L´usage conventionnel pour «extractif/(ve)» dérive du 35 Les collecteurs de caoutchouc. 48 mot «extraction», qui, dans le contexte des travailleurs extractivistes, fait référence à une activité économique très spécifique qui dépend du maintien des aires de la forêt dans le long terme. En ce qui concerne le terme «réserve», qui veut désigner une aire où il y a des limites pour l´usage humain, dans le cadre des seringueiros ou castanheiros36, il indique une aire ayant la protection de l´État, où le droit d´usage est concédé gratuitement et collectivement aux populations concernées (Pinton et Aubertin, 2000). Dans les réserves extractives, les colocações (concessions individuelles de terre), les unités de production des familles extractivistes ne sont pas définies par rapport aux formes géographiques traditionnelles. «Dans le monde des travailleurs extractivistes, ce sont les ressources naturelles de la terre et pas la terre per se qui définissent les limites entre les colocações» (Allegretti, 1990, p. 259). L´ «extractivisme soutenu» a été institutionnalisé comme un instrument de la Politique Nationale de l´Environnement à partir de la Loi nº 7.804, de 24/07/89, quand le gouvernement brésilien a été obligé de protéger les réserves extractives, une fois qu´elles étaient devenues des aires de conservation environnementales. Le Pouvoir Public passait alors «de la condition de sujet passif à celle de sujet actif», responsable pour ces UC (Gomes et Felipe, 1994, p. 73). Le fondement de ce devoir tutélaire est exprimé dans la construction du concept «intérêt écologique et social», à partir duquel sont établies les finalités de l´acte fondateur, ayant pour conséquence la destination et l´utilisation de l´aire. La légitimité et le maintien des réserves extractives sont conditionnés par la compréhension de cette configuration légale, c´est-à-dire, que «l´aire destinée à l´extractivisme soutenu gardera, seule, le statut de réserve extractive, protégée par l´État, si elle est créée et maintenue dans les limites de l´intérêt écologique et social » (Gomes et Felippe, 1994, p. 79). En 1992 le Centre National de Développement Soutenu des Populations Traditionnelles (CNPT) est créé. Ses objectifs se définissent comme suit: a) Implanter, consolider, gérer et développer les Réserves Extractives en collaboration avec les populations traditionnelles qui les occupent ; 36 Les collecteurs de la noix du Brésil. Actuellement, dans la majorité des cas, les seringueiros sont aussi des castanheiros, car ils profitent des saisons de cueillette qui se déroulent dans des périodes différentes. 49 b) Promouvoir et financer des études nécessaires au développement de ces réserves, ainsi que les bases économiques, sociales et culturelles des populations traditionnelles qui les gèrent ; c) Promouvoir et financer des technologies qui visent le développement durable des populations traditionnelles ; d) Appuyer, promouvoir et financer l´industrialisation et la commercialisation des produits et ressources naturelles exploités par les populations traditionnelles. Plus de dix ans après la création des réserves extractives, la Loi nº 9.985, du 18/07/2000 crée le Système National d´Unités de Conservation (SNUC). Browder (1992), en faisant une analyse plus critique sur les Réserves Extractives, considère que ce format n’est pas la panacée contre la déforestation, car, contrairement à beaucoup d’avis, ces aires protégées n’atteignent pas immédiatement une «compétitivité économique»37 ou, selon lui, ne peuvent pas garantir la durabilité dans le long terme. L’auteur soutient que d’autres configurations sont aussi possibles et que les gouvernements devraient aussi penser à ces alternatives38. Le développement des réserves extractives ne dépend pas exclusivement des Pouvoirs Publics. Il est conditionné à «l´implémentation de projets sociaux et économiques spécifiques, à une articulation réussie entre les différents acteurs engagés et à la capacité d´organisation de la population bénéficiaire de la création de ces aires» (Mattoso et Fleischfeisser, 1994, p. 116). On observe encore d´autres difficultés telles que l´absence d´instruments de planification appropriés et le nombre insuffisant de fonctionnaires par unité. 37 L’objectif essentiel des Réserves Extractives, selon le SNUC, est celui de protéger les moyens de vie et la culture des populations traditionnelles, ainsi que d’assurer l’usage durable des ressources naturelles. L’exploitation commerciale des produits, sous-produits ou services de ces unités de conservation dépend d’une étude de viabilité économique préparée par l’organisme responsable de sa gestion, après avoir entendu le conseil de gestion de l’unité (MMA, 2004). 38 Dans le SNUC, il existe aussi une modalité d´Unité de Conservation appelée Réserve Privée du Patrimoine Naturel (RPPN), qui a comme objetif la conservation de la diversité biologique. Dans les RPPN, seule la recherche scientifique et les visites avec des finalités touristiques, récréatives ou éducationnelles sont permises (MMA, 2004). Des concessions des forêts publiques à des entreprises privées pour l´exploitation durable des ressources ont été autorisées à partir de la Loi nº 11.284, du 02/03/2006. L´objectif de ces concessions est celui de transférer fonctions et responsabilités de l´État en ce qui concerne les aires de domaine public aux entreprises ou consortium d´entreprises (dont les étrangères), visant la gestion durable des forêts nationales et la réduction des coûts gouvernementaux d´administration et surveillance. La première concession forestière a été autorisée dans la Forêt Nationale du Jamari, dans l´état amazonien de Rondônia. 50 L´ordre du jour du mouvement de création des UC qui privilégie la promotion sociale et économique de ces populations et devient un défi à la fois théorique et pratique ; théorique, à cause des divergences quant à la viabilité économique de l´extractivisme et des réserves extractives ; et pratique, à cause des difficultés qui existent pour trouver de nouvelles formes d´utilisation de la forêt, sans oublier la préoccupation avec la durabilité de ce modèle. 1.3.2) Les populations traditionnelles et l’exploitation des ressources naturelles dans les UC d’Usage Direct Dans le document règlementant le SNUC, l’extractivisme est défini comme «système de production basé sur la cueillette et l´extraction durable de ressources naturelles renouvelables» (MMA, 2004). Parmi les groupes intéressés par la conservation et par l´usage rationnel de la forêt, il y a les populations locales qui exploitent ces ressources naturelles - les seringueiros, les castanheiros, les riverains, les quilombolas39 et les indigènes. Ces populations dépendent directement de la forêt pour survivre et jouent un rôle très important pour sa conservation ; pourtant elles ont eu historiquement une très petite importance démographique, économique et politique dans la région. Une grande partie de ces populations vit dans des communautés très dispersées et isolées, qui subsistent à la marge des marchés économiques, et sont politiquement désorganisées (Allegretti, 1990). La définition officielle de population traditionnelle a été récemment établie dans la Politique Nationale des Peuples et Populations Traditionnelles : « Des groupes ayant des cultures différentiées, qui se reconnaissent euxmêmes comme faisant partie de ces groupes, ayant leur formes particulières d´organisation sociale et qui occupent et utilisent des territoires et des ressources naturelles comme une condition pour leur reproduction culturelle, sociale, religieuse, ancestrale et économique, en utilisant des connaissances, de l´innovation et des pratiques générées et transmises traditionnellement » (BRASIL, 2007). Quinze ans avant la Politique Nationale, la création en 1992 du Centre National de Développement Soutenu de Populations Traditionnelles (CNPT), dans le Ministère de 39 Des communautés descendantes des anciens esclaves qui résidaient dans les refuges nommés « quilombos ». Comme pour toute autre population traditionnelle, pour qu’un individu ou communauté soit considéré comme quilombola, il/elle doit se reconnaître et/ou être reconnu comme tel. Aujourd´hui il existe plus de 2 mille communautés « quilombolas » réparties dans le territoire brésilien (http://www.cpisp.org.br/comunidades/index.html). 51 l’Environnement a été la première politique publique visant à favoriser ces populations, qui occupent près d´un quart du territoire brésilien. La Loi Nº 9.985/2000, qui crée le SNUC, mentionne explicitement les «populations traditionnelles» (Art. 17) ou les «populations extractivistes traditionnelles» (Art. 18) et se concentre sur la relation entre ces populations et les UC (BRASIL, 2006)40. Si l’expression communauté ou population traditionnelle, même au Brésil, paraît récente, le questionnement sur le thème a commencé dans le contexte de création des UC, pour appuyer les populations résidentes dans ces espaces, comme les indigènes, les extractivistes et les pêcheurs artisanaux. La fonction économique des réserves extractives est mentionnée par divers auteurs, même si la principale fonction de ces aires protégées n´est pas économique. Allegretti (1990), tout au début de la création des réserves extractives en Amazonie, affirmait déjà qu´une condition pour que ces aires protégées deviennent des cas de succès, était l´installation de petites usines et de coopératives pour garantir la production et la vente des produits issus de l´extractivisme. L´auteure suggérait que les produits devraient être rationnellement exploités et que, pour cela, il fallait rechercher des marchés nationaux et internationaux capables d´acheter directement les produits des réserves. Browder (1992) considère que le succès des réserves extractives doit être évalué par leur performance économique, et pas seulement sur la base de la capacité à protéger des écosystèmes menacés. Pinton et Aubertin (2000), plus concentrées sur le rôle des populations habitants dans ces aires de conservation, estiment qu´elles ne peuvent pas être conçues efficacement sans avoir la participation active de communautés locales, tandis que Becker (2001) prévoit aussi l´usage des aires protégées pour les recherches avancées en biotechnologie. Cependant, pour réussir à exploiter différentes espèces présentes dans la forêt, ayant un intérêt commercial, il est nécessaire de mettre en place des systèmes de gestion adaptés, ainsi que différents matériaux et équipements pour garantir l´exploitation dans les diverses périodes de l´année. Plusieurs produits forestiers demandent des conditions spécifiques de transport et d´emballage, ainsi que différentes stratégies d´accès aux marchés. L´exploitation de produits de la forêt présente en effet des obstacles 40 BRASIL (2006), Comunidades tradicionais e as políticas publicas, Brasília : Ministère du Développement Social et de la Lutte contre la Famine. (http://www.mds.gov.br). Consulté le 24/09/2006. 52 logistiques importants, favorisant les acteurs les plus capitalisés. Le fait que beaucoup de produits soient périssables et sensibles au transport oblige parfois qu´ils soient commercialisés seulement au niveau local. Un nombre réduit est commercialisé dans les marchés internationaux (Browder, 1992). L´auteur affirme encore qu´avec toutes ces difficultés, il est peu probable que des entreprises privées soient à l´avant-garde des stratégies de valorisation de produits forestiers non-ligneux visant la conservation de forêts tropicales, sans que des politiques publiques soient créées pour proposer des subventions, des crédits et des stimulations à ces initiatives. Aggeri et al. (2005) remarquent, pourtant, que l’engagement d’entreprises privées dans des projets ou actions visant le développement durable peut être motivé pour répondre aux exigences des marchés ou minimiser leurs risques, développer de nouveaux produits, construire des relations plus sereines et durables avec les parties prenantes, conforter une identité et une image de groupe ou encore s’imposer dans son secteur comme pionnier du développement durable. L’organisation concernée, dans le cas des projets de valorisation des produits de l’extractivisme, peut être une ou plusieurs coopératives et les stakeholders seraient tous les acteurs participants ou engagés dans les projets. La régulation des réserves est faite par une relation contractuelle41 entre les Pouvoirs Publics et ces populations, reconnues comme les gardiennes du patrimoine naturel (Pinton et Aubertin, 2000). La gestion des réserves doit être faite par les populations locales, représentées par un groupe élu et pouvant être organisé sous forme d´association ou de coopérative. Cette forme d´organisation dépend des conditions locales de chaque unité de conservation (Allegretti, 1990). La politique publique en faveur des populations traditionnelles a beaucoup changé depuis la création des Réserves Extractives et Réserves de Développement Durable42. Même si la situation s´est améliorée pour la plupart des communautés traditionnelles, des difficultés pratiques et bureaucratiques persistent encore. Une grande partie de ces 41 Contrat de concession de droit réel d´usage, signifiant que les terres continuent à appartenir au gouvernement (municipal, régional ou fédéral), mais les populations résidantes peuvent exploiter les ressources naturelles selon un plan de gestion. 42 Le Décret (S/N) du 27/12/2004 a créé la Commission Nationale de Développement Durable des Communautés Traditionnelles (CNPCT), avec l´objectif «d´établir une politique nationale spécifique pour ces segments de la société, en appuyant, proposant, évaluant et harmonisant les principes et lignes de politiques publiques liées au développement durable de populations traditionnelles, dans le contexte national, régional et municipal» (BRASIL, 2006). Ce décret a été remplacé par le Décret (S/N), du 13/07/2006, qui a remplacé le nom du Comité par Commission Nationale de Développement Durable des Peuples et Communautés Traditionnelles. Le 07/02/2007 est créé le Décret Nº 6040 – Politique National de Développement Durable des Peuples et Communautés Traditionnelles est crée. 53 communautés se trouve toujours dans «l’invisibilité», menacées par des pressions économiques et foncières, qui les excluent socialement. Parmi ces difficultés, nous pouvons citer les suivantes : • • • • • Faible représentation dans les forums de discussion : ce problème a au moins deux raisons – l´insuffisance de personnes capables de traiter les intérêts de ces groupes et, par conséquent, la concentration des informations dans les mains d´un petit nombre d´acteurs, qui parfois ne les partagent pas. Financement : c´est un problème qui a été vécu aussi par l´équipe d´un des projets décrits dans cette recherche, qui avait proposé un projet pour promouvoir la participation d’une communauté d’extractivistes, mais qui a eu beaucoup de difficultés pour mobiliser les sources de financement disponibles. De nombreuses équipes travaillant avec les populations traditionnelles ont également pris du retard dans le financement de leurs projets. Mais le plus grave problème de financement est lié à la promotion et valorisation de produits de populations traditionnelles. Très peux parmi elles ont réussi à l’obtenir. Manque d’articulation entre les gouvernements fédéral, régional et municipal : dans très peu de cas, il existe des coopérations entre les différentes sphères publiques, résultant d´actions superposées et obtenant peu de résultats effectifs et durables. Manque d’organisation de populations traditionnelles : comme il est prévu dans le SNUC, les populations traditionnelles habitant dans les aires protégées doivent être représentées par les associations de leurs résidents et/ou travailleurs. Cependant, le processus de création de ces organisations a été fortement accéléré par les agents et institutions qui ont participé à la création des aires protégées, afin de légitimer leur droit d´usage43. Avec le temps, beaucoup de ces organisations ont éprouvé des difficultés et se trouvent aujourd'hui dans une situation fragile. Manque d´actions de base pour les inclure dans les politiques sociales: afin de garantir la participation de ces populations dans les politiques publiques, il est encore nécessaire que les conditions de base soient aussi atteintes, comme la distribution des papiers d´identité pour les enfants et parfois même pour leurs parents, qui, dans ces conditions sont inexistants devant les institutions publiques44 et ne peuvent pas participer aux programmes sociaux disponibles. Parmi les actions du Ministère de l´Environnement prévues jusqu´en 2010 pour les réserves extractives en Amazonie, est citée comme prioritaire la création des nouvelles organisations collectives, à partir de la formation en gestion et le renforcement de la structure des institutions locales (MMA, 2002). Cette nécessité a été identifiée au long des divers projets d´industrialisation des produits issus de l´extractivisme (notamment le 43 Entretien avec M. Pedro Ramos, leader extractiviste, le 19/10/2003. Curieusement, pour avoir le titre d´électeur, il n´est pas obligatoire d´avoir la pièce d´identité (seulement l’acte de naissance). Il est donc courant que des politiques manouevrent pour confectionner le titre d´électeur quand les élections s´approchent. Après cette période, une partie de la population adulte de ces communautés continue seulement avec l’acte de naissance et le titre d´électeur. 44 54 caoutchouc et la noix du Brésil) qui ne sont pas encore arrivés à une situation satisfaisante. Ce problème d´ordre administratif-managérial est déterminé notamment par les limitations éducationnelles et par le manque de formation spécifique pour l´exercice de la fonction. Pour Allegretti (1990), la viabilité du modèle de développement des réserves extractives peut être considérée à partir de deux perspectives : celle de provoquer dans le court et moyen terme des impacts socioéconomiques et écologiques et celle de contribuer à la connaissance scientifique. A partir de cette connaissance générée, de nouvelles orientations pour le développement de la région pourraient être dégagées. Parmi les lignes de recherche suggérées par Allegretti (1990) lors de la création des réserves extractives, deux thèmes liés au sujet de notre recherche ont étés cités : l´analyse de canaux non conventionnels de commercialisation et l´analyse de produits forestiers traditionnels qui, par leur participation dans des niches de marchés, pouvaient réduire la dépendance des travailleurs extractivistes vis-à-vis d´agents intermédiaires, les atravessadores. Dans ce sens, des innovations technologiques et de gestion devaient être introduites afin d´augmenter les opportunités économiques, tout en conservant la qualité de l´environnement. L´encadré 1.3 met en évidence les principaux aspects retenus de cette sous-section. Encadré 1.3.Unités de conservation des ressources naturelles et socioculturelles - Unités de conservation : modèle non conventionnel de réforme agraire, émergé à partir d´un écologisme social ou paysan (Allegretti, 1990). - L´analyse de canaux de commercialisation non conventionnels et de produits forestiers permet l´introduction d´innovations technologiques et de gestion, augementant les opportunités économiques de populations traditionnelles (Allegretti, 1990). Dans la section 1.4, le contexte présenté est celui des projets de valorisation des produits issus des populations traditionnelles, notamment celles de travailleurs extractivistes de l´Amazonie brésilienne. 55 1.4) Les projets pour ajouter de la valeur aux PFNL en Amazonie Selon l´Organisation des Nations Unies pour l´Alimentation et l´Agriculture (FAO/ONU)45, la promotion du développement durable à partir de l’exploitation de PFNL vise les objectifs suivants: • • • Ecologique : le maintien des ressources, le fonctionnement de l’écosystème et de la biodiversité; Economique : une balance positive des coûts et bénéfices; Social, culturel et politique : la distribution des bénéfices, l’organisation de l’exploitation, les arrangements légaux, etc. Reprenant les six dimensions du développement durable proposées par Sachs (1997, 2004), la dimension spatiale se montre aussi très importante dans le développement des projets de valorisation des PFNL, puisque c´est à partir de celle-ci que la distribution des ressources sera faite, le choix pour les moyens techniques les plus adaptés à chaque région, ainsi que les formes de crédit et d´accès aux marchés. Les communautés bénéficiaires de ces projets concernent alors les populations traditionnelles, les indiens et d´autres producteurs résidant dans des aires de concession publiques, et qui rencontrent encore de nombreuses difficultés pour que ces projets produisent vraiment les résultats attendus, notamment l´amélioration du niveau de vie de ces populations. Une question complexe de ces projets est que, parmi les communautés traditionnelles dans les différents états de l'Amazonie, il y a différents niveaux de scolarité, d´infrastructure sociale, d´expériences de gestion et d´accès aux moyens de transport et d´autres infrastructures de base (Butler, 1992). Le commerce des PFNL ne faisant pas partie des statistiques ni des politiques de développement, comment alors donner de l´espace à l´impalpable ? La subsistance, la dispersion des activités dans le temps et dans l´espace, ainsi que le caractère souvent informel des rapports commerciaux, deviennent des obstacles pour l´évaluation des flux physiques de produits et financiers (Lescure, 2000). Et ces informations deviennent fondamentales pour le maintien et l´évaluation des stratégies de valorisation des PFNL au sein des communautés extractivistes. En ce qui concerne les politiques européennes de coopération pour le développement46, la promotion de filières de PFNL en Amazonie est en accord avec les objectifs de 45 http ://www.fao.org/forestry/site/11486/fr/page.jsp. Page accédée le 10/07/04. Depuis le Traité de Maastricht (07/02/1992), les objectifs de coopérations européennes pour le développement vers la réduction de la pauvreté ont été intensifiés. Le même traité reconnaît que la 46 56 réduction de la pauvreté, associés à la protection de l’environnement, ainsi qu´à la conservation de forêts (Newing et Harrop, 2000). Des supports importants ont déjà été donnés par l´Union Européenne (UE) aux systèmes extractivistes, en particulier la filière noix du Brésil. 1.4.1) Les objectifs et les principaux acteurs institutionnels des premiers projets conçus La promotion de partenariat entre les initiatives communautaires et les organisations étrangères et nationales a privilégié les activités économiques où l´Amazonie a des avantages concurrentiels, afin d´éviter qu´elles soient reprises de la même façon dans d´autres régions du Brésil, ou du monde, dans des conditions plus favorables. C´est le cas de la noix du Brésil et d´autres gammes de produits basées sur la biodiversité, comme le bois, les cosmétiques, les fragrances, etc (Becker, 2004). L'auteur classe en trois différents types les partenariats formés pour la mise en oeuvre de programmes et projets de développement en Amazonie : a) Relations locales-globales : existence d’une forte organisation locale qui fait l´intermédiaire entre les partenaires externes et les producteurs locaux. b) Partenariats bien distribués : réseau de partenaires plus complexe, avec l´engagement des collaborateurs internationaux, nationaux et régionaux. c) Relations régionales-locales : prédominance de l´action du gouvernement local au sein des groupes de producteurs, ayant aussi des relations avec des institutions nationales. Parmi les stratégies de conservation développées en Amazonie dernièrement, se détache le Programme Pilote pour la Protection des Forêts Tropicales Brésiliennes (PPG7). Financé par l´UE, le Canada, la France, l´Allemagne, l´Italie, le Japon, les États-Unis et le Royaume Uni et administré par la Banque Mondiale, c´est le plus grand programme environnemental implanté dans un seul pays. Tous les projets du PPG7 ont étés conduits selon un modèle endogène, c´est-à-dire, recentrés sur les populations locales, afin de tirer profit des ressources locales. Au début, le but principal était de préserver les forêts, mais il a été changé pour la promotion du développement durable de populations locales concernées par le projet (Becker, 2004). Les problèmes plus communs au programme sont le manque de stratégie commune aux acteurs, le niveau de pauvreté est étroitement liée à la protection de l’environnement (Article 130r2), c´est-à-dire, que plus le pays ou la région est pauvre, moins il y aura de protection de l´environnement. 57 management, un design et un plan de financement complexes, ainsi que des responsabilités mal définies et difficilement assumées par les participants. Becker (2004) note encore qu´en raison des réseaux de partenaires très complexes et de la dispersion de projets, il est très difficile d´obtenir des informations sur les processus conduits au sein du programme. Les projets de l'ONG Amis de la Terre (Friends of the Earth) ont choisi aussi la thématique de valorisation des produits de la forêt. Cette organisation a lancé en 2000 le projet «Eco-finances», en partenariat avec la Fondation Getulio Vargas (FGV), de São Paulo, ce qui a fait du Brésil le troisième pays, après les États-Unis et le Pays-Bas, à développer un projet où les thèmes écologiques sont insérés dans le monde financier. La tendance des «écobusiness» est lancée. Le leitmotiv est d´ajouter de la valeur aux produits issus de l´extractivisme et/ou de systèmes agroforestiers (Becker, 2004). 1.4.2) Les difficultés pour garantir le développement (durable) des populations extractivistes à partir de ces projets Sur ces projets et actions visant à associer développement et conservation de ressources naturelles en Amazonie, Droulers (2004) considère que «les tensions entre les logiques de court, moyen et long terme alimentent les contradictions entre les politiques publiques de développement et de protection, constituant un défi pour les chercheurs» (p. 196). Pour l´auteur, le développement durable de la région et les exigences du marché ne se conjuguent pas selon la même temporalité. Becker (2004) considère que les projets développés dans un modèle socio-environnemental ont réussi au niveau social et politique, mais pas au niveau économique, dans la mesure où «l´inadéquation de la gestion, le manque de canaux de distribution et les exigences de qualité, de prix compétitifs et d´une offre régulière rendent difficile leur accès au marché» (p. 50). La commercialisation de PFNL dans le marché international demande une grande quantité d´activités complexes et, même si les profits sont plus intéressants quand le produit est exporté, pour les castanheiros, les marchés national et locaux peuvent aussi être développés. Butler (1992) considère que ces marchés seront toujours plus faciles à être compris par les communautés extractivistes et suggère qu’elles soient d´abord convaincues que de nouvelles relations commerciales peuvent vraiment signifier de meilleurs bénéfices, au lieu de croire que les «nouveaux agents intermédiaires sont 58 mieux que les anciens » (Butler, 1992, p. 92). L´auteur considère les ONG et d´autres organisations intéressées par l´insertion aux marchés de produits de communautés extractivistes, comme une nouvelle catégorie d´agents intermédiaires47, et préconise que ces organisations doivent s´intéresser aux opportunités commerciales de ces produits, mais aussi qu´elles fassent attention à la culture traditionnelle et aux contraintes de ces communautés. Si les équipes au sein des ces initiatives de valorisation de produits de l´extractivisme ne retiennent pas les complexités existantes et ne renforcent pas les valeurs locales, le rythme d´introduction de nouvelles technologies risque d´être trop rapide ou les formations fournies peuvent être floues ou inutiles, pouvant déboucher sur de nombreux échecs. Pour Carrara (2003, p. 399), les principaux problèmes rencontrés dans ce type de projet se définissent de la façon suivante: • Les investissements sont concentrés seulement sur l´étape de la production, avec peu d’attention aux questions de recherche de marché et aux stratégies de commercialisation, • Le manque d’études plus approfondies sur le marché et sur la viabilité des projets, • La qualité, le volume et la périodicité de l’offre, en général, ne satisfait pas les nécessités du marché, • La faible capacité de gestion des responsables de projets, • Le manque de financement pour les fonds de roulement48 de ces organisations. Azevedo (2003) considère les politiques de prix comme l'un des principaux points de blocage au fonctionnement des coopératives extractivistes, dans la mesure où elles proposent de maintenir un prix d'achat supérieur à la moyenne du marché, ce qui entraîne une augmentation des coûts de production et, par conséquent, du prix de vente du produit, qui devient alors moins compétitif par rapport aux prix du marché. Mais, si cette politique de prix est inévitable, la solution passe par l´identification de niches de marchés. L'auteur cite encore parmi les défis au maintien du modèle d'exploitation commerciale au sein des UC, le manque d'une infrastructure logistique de base, 47 Malgré la vision polémique de l´auteur, certaines ONG peuvent en effet promouvoir le rapprochement entre communautés et les marchés plus développés, car elles font le lien entre les extractivistes et les marchés, situés assez loin des aires d'exploitation des ressources extractives 48 Les fonds de roulement, dans le cas des organisations d´extractivistes, servent plutôt aux activités saisonnières, dépendantes de périodes de cueillette, que pour les activités pérennes, comme dans une entreprise plus conventionnelle. 59 notamment pour le transport et le stockage, les problèmes d'écoulement des produits, le manque de soutien technique spécialisé, les difficultés des extractivistes pour obtenir les financements des organismes publics, une faible organisation locale de la production et une capacité limitée de gestion. Butler (1992) observe encore que les projets où il y a très peu d´exigences sur les contreparties en ce qui concerne la présentation de comptabilités fiscales et sociales sont en train de compromettre la durabilité des changements introduits. Selon l´auteur, les communautés doivent être préparées pour les comptabilités bancaires, les audits et les évaluations du «monde réel». Zaoual (2006) remarque qu´un problème central d´une grande partie de projets de développement est que, durant longtemps, «les populations ont étés considérées comme des cibles de projets et non comme des sujets de leurs propres situations [...] le développement, tel qu´il est habituellement compris, n´a pas de racines dans les sites considérés/concernés» (p. 126), parce que dans ce développement ne sont pas incorporés les moteurs symboles (les valeurs, les croyances, etc) qui peuvent amplement motiver les acteurs locaux. Une grande partie des modèles de développement sont considérés par l'auteur comme destructeurs de l´autonomie des acteurs sociaux, parce qu´ils étaient le résultat de décisions prises par des agents aliénés et aliénants, pouvant éliminer un savoir technique traditionnel, voire toute une culture49. Pardiñas (2002) considère que l'un des principaux obstacles à la durabilité des UC d'usage direct est la gestion des structures collectives. Mais de nombreuses propositions de projets considèrent à tort que ces populations ont une culture collective et essayent de proposer la création d´organisations collectives avant que cette question ne soit résolue. Depuis la fin des années 1980, il y a eu un grand effort institutionnel dans la création de divers types d'organisations collectives, afin de représenter politiquement les extractivistes et de promouvoir l'organisation de la production au sein de ces aires. Cependant, la plupart de ces organisations ont du mal à se maintenir, ayant leur représentativité mise en question par leurs propres membres. Selon l'auteur, deux 49 Un exemple de choc culturel peut être le cas des actions menées auprès des indigènes Kaiapos, financées par l´entreprise britannique The Body Shop, où le choix d´individus plus jeunes pour être les responsables de la gestion de l´organisation de la production et commercialisation n´a pas été accepté par l´ensemble du groupe, ce qui a causé de nombreux conflits. Un autre changement qui a eu des impacts dans la culture locale a été le fait que dans certaines familles indigènes, afin d´augmenter les revenus à partir de la cueillette de la noix du Brésil, la culture du manioc pour la préparation de la farine avait été abandonnée et elles devaient acheter le produit. Dans certaines sociétés indigènes, le fait d´acheter de la farine de manioc a une signification symbolique de la pauvreté, associée aussi à la paresse (Ribeiro, 2006). 60 problèmes critiques se posent quand la structure organisationnelle est créée au sein d'une UC : 1) la fragilité des institutions en Amazonie, dont les communautés dépendent énormément ; 2) la communauté n'est pas suffisamment informée sur le rôle de cette organisation et son attente dépasse celle que l'organisation pourra offrir. Il existe un conflit relationnel entre les diverses personnalités juridiques qui rend difficile la compréhension de la structure par les communautés, dans la mesure où les responsables de la mise en oeuvre de ces organisations ont, d'une manière générale, «mis tout l'éventail différencié d'organisations dans un même paquet » (Pardiñas, 2002, p. 69). Le tableau 1.1 regroupe l’ensemble des principaux obstacles des projets de valorisation des produits issus de l’extractivisme. Tableau 1.1. Principaux obstacles aux projets de valorisation des PFNL. Catégorie Principaux problèmes identifiés dans la littérature sur les projets de valorisation des produits de l´extractivisme Echange d´informations - Inattention aux spécificités locales, sans renforcer les valeurs locales entre équipe des projets et - Manque d´une identité des communautaires avec les objectifs et méthodes des communautaires projets - Manque d´(in)formation sur les rôles des organisations collectives - Rythme trop rapide d´introduction des nouvelles technologies - Faible disposition des équipes de projets à garantir l´indépendance des communautaires Gestion organisationnelle - Faible capacité de gestion des responsables de projets et gestion des ressources - Faible tradition de gestion de structures collectives - Investissements concentrés principalement dans les étapes de production Qualité des produits - Exigences du marché en décalage par rapport aux capacités de production - Infrastructure précaire Disponibilisation des - Difficultés pour garantir les volumes demandés produits - Difficultés pour garantir une offre régulière - Insuffisance de canaux de distribution Viabilité des projets - Manque d´études de marché et de stratégies de commercialisation - Manque de financement - Prix peu compétitifs Source : Elaboré par l´auteure. 1.5) Description d´une filière actuelle de PFNL Parmi les filières de PFNL les plus importantes dans l´histoire de l´Amazonie, celles du caoutchouc et de la noix du Brésil ont suscité longtemps un fort intérêt de la part du marché international. Le caoutchouc garde aujourd'hui une importance secondaire dans la région et à l´étranger. Son commerce national est considéré très actif, mais la majorité de la production brésilienne est enregistrée dans la région Sud-est du pays. Quant au 61 commerce de la noix du Brésil, l´intérêt majeur concerne le marché international, dans la mesure où au niveau national, il est considéré actif, mais que la région amazonienne ne lui confère qu´un statut occasionnel (Lescure et al., 1996). Nonobstant, même si les revenus des castanheiros sont en fort décalage par rapport aux gains des principaux exportateurs, l´exploitation de la noix du Brésil représente encore la principale source de revenus pour de nombreuses familles d´extractivistes de la région. Au niveau national, la visibilité que le produit commence à avoir concerne notamment l´industrie cosmétique et alimentaire. Quelques initiatives ont aussi été expérimentées pour améliorer la participation du produit dans le marché local, comme l´introduction de produits dérivés de la noix du Brésil – notamment la farine - dans l´alimentation des élèves des écoles publiques. Toutefois, de nombreux obstacles rendent difficiles l'implantation de ces projets. Ces barrières sont représentées par des problèmes de base, comme les conditions précaires de transport et entreposage, qui compromettent la qualité des produits, ou encore par le manque d´intégration entre les actions de différents acteurs participants à ces stratégies. Ces éléments préliminaires sur le contexte des projets de développement menés au sein des filières extractivistes, liés à l´objectif de proposer une transformation dans la structure locale d´une filière amazonienne, ont influencé le choix pour la filière noix du Brésil. Les organisations collectives des castanheiros sont parmi les groupes des populations traditionnelles les plus concernés par les projets de valorisation des produits de la forêt, ce qui représente un avantage pour le démarrage de notre recherche : un terrain riche de documents (propositions et rapports de projets), ainsi que des acteurs et enjeux à explorer. Cette section apportera des informations concernant la filière noix du Brésil, choisie comme objet de recherche après la réalisation d´une étude exploratoire. L´étude a été faite dans l´état de l´Amapá, où plusieurs acteurs directement et indirectement liés à la filière ont été contactés. En ce qui concerne les organisations locales représentatives des extractivistes, trois coopératives ont été visitées : la Coopérative Mixte des Agroextrativistes de Laranjal do Jarí (Comaja), la Coopérative Mixte des Producteurs et Extractivistes de la Rivière Iratapuru (Comaru) et la Coopérative des Producteurs de Noix du Brésil du Haut Cajari (Cooperalca)50. 50 Comaja (fondée en 1986), Comaru (fondée en 1997) et Cooperalca (fondée en 2001). Une description plus détaillée de ces coopératives, les trois situées dans la région sud de l´état de l´Amapá, sera fournie 62 La section est organisée de la façon suivante : premièrement une description de la filière noix du Brésil est proposée (§1.5.1), avec les informations sur ses localisations en Amazonie et quelques particularités du produit, comme ses principaux usages, ainsi que les volumes commercialisés et la description de la structure de la filière. Enfin, les principales difficultés des acteurs au sein de cette filière sont présentées, ainsi que les obstacles à la réussite des différentes initiatives de promotion de ses produits (§1.5.2). 1.5.1) La noix du Brésil : un produit (encore) exclusif de la forêt amazonienne51 Le fruit de la castanheira (Figure 1.3) est appelé ouriço (Figure 1.4), qui signifie oursin en portugais, en référence à la bogue épineuse de la châtaigne (Castanea sativa), très populaire en Europe (Emperaire et Mitja, 2000). Dans chaque ouriço il y a 15 à 25 amandes de la noix du Brésil. La castanheira appartient à la famille des Lecythidaceas, étant la seule espèce de cette famille capable d´offrir un produit d´extraction ayant une importance économique pour une grande partie de la population amazonienne (Pinton, 2000). Figure 1.3. La castanheira chargée de ouriços. Photo : Projets Poraqué et Maracastanha (2006). dans le chapitre 3, qui concerne l´évaluation des projets et où sont ajoutées trois autres coopératives extractives, cette fois de l´état de l´Acre, afin de permettre une comparaison entre les résultats et impacts des projets dans les deux états. 51 Mori (1992) relate l´existance d´un nombre très réduit de “forêts plantées” de castanheiras dans d´autres régions en dehors de l´Amazonie, comme au Ghana et au Kuala Lumpur, mais une productivité qui permet leur commercialisation n´a pas encore été confirmée. 63 Figure 1.4. Des ouriços accumulés dans la forêt pour la retraite de la noix du Brésil. Photo : Délégation Fédérale de l´Agriculture / État du Pará (2003). La noix du Brésil peut être trouvée dans une grande partie de l´Amazonie brésilienne, ainsi que dans les portions amazoniennes de la Bolivie, Pérou, Colombie, Venezuela, Guyane, Guyane Française et Surinam (Figures 1.5 et 1.6), mais elle constitue un produit commercial seulement en Bolivie, au Brésil et au Pérou. L’arbre peut pousser aussi dans d’autres régions tropicales, mais le fruit n’est produit qu´en présence de la faune et de la flore amazonienne, qui contribue à sa pollinisation52 (Soldan, 2003). Le nom le plus connu sur le marché international est noix du Brésil, mais aujourd'hui il est contesté par les autres pays producteurs, qui trouvent l´appellation «noix de l´Amazonie» plus juste et correcte, principalement la Bolivie et le Pérou, les plus importants exportateurs, avec le Brésil. Il existe des questionnements sur l´origine de ces concentrations de castanheiras, on se demande si elles étaient naturelles ou anthropiques53, étant sciemment plantées par les indiens (Emperaire et Mitja, 2000 ; Droulers, 2004). «Des indices convergent pour démontrer qu´il y a eu une véritable gestion de la castanheira» par les anciens indiens » (Droulers, 2004, p. 79). C´est une thèse aussi défendue par Posey (1992), après ses observations au sein des indiens de l´ethnie Kayapó54, qui plantent la castanheira dans des frîches forestières. 52 Du fait que les arbres peuvent prendre entre 10 et 30 ans pour commencer à donner des noix, la culture dans des plantations ne se montre pas profitable (ONU, 2005 :18). 53 A partir de l'interférence humaine. 54 Les Kayapós habitent jusqu'à aujourd'hui le Sud de l'état du Pará et le Nord de l'état du Mato Grosso. 64 Figure 1.5. Les régions d´occurrence de la noix du Brésil. Source: Peres et al. (2003, p. 2114). Figure 1.6. Carte du Brésil. Source : http://www.routard.com/. Prise le 20/11/2007. C´est au XVIIe siècle que les premiers échanges commerciaux de la noix du Brésil ont débuté, entre le Brésil et les Pays-Bas. Mais sa commercialisation est devenue importante seulement après les expéditions de Von Humboldt et Bonpland55, quand l’extraction régulière du produit a commencé. En 1810, les échanges s'étendent aux États-Unis. Enfin après 1866, le fleuve Amazone est ouvert au commerce international et dès lors, l´exploitation de la noix du Brésil prend plus d'importance pour le pays et ses collecteurs (Emperaire et Mitja, 2000). 55 L´appellation scientifique complète de la noix du Brésil est Bertholletia excelsa Humboldt & Bonpland. L'origine de Bertholletia fait référence à Claude Louis Berthollet, chimiste français (1748-1822). Le complément “Humboldt & Bonpland” corresponde aux explorateurs et botanistes Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland qui ont publié par la première fois la description sur la castanheira et de ses fruits, après les expéditions au “Nouveau Monde” entre 1799 et 1804. (http ://www.eoearth.org/article/Brazil_nut_(Bertholletia_excelsa). Consulté le 13/08/2007. 65 L’état du Pará a été pendant longtemps le plus important exportateur de la noix du Brésil, même si une partie de cette production venait d’autres états producteurs, comme l’Acre, l’Amapá et l´Amazonas. Durant soixante ans – 1920 à 1980 – la production du Sud-est du Pará a bénéficié à des milliers d´extractivistes et à une oligarchie qui s’est enrichie en exploitant cette ressource (Homma, 2004). Les autres régions productrices de la noix du Brésil ont commencé à gagner de l'importance seulement après le déclin de la production au Sud-est du Pará56 au début des années 1980, pour donner lieu aux grands projets de «modernisation», stimulés par le gouvernement fédéral, qui considérait les aires comme «des vides», c´est-à-dire, sans une population significative et ayant une très faible productivité57. Les projets finançaient notamment l’élevage, l’industrie du bois et l’industrie sidérurgique (Wambergue et Guerra, 1991 ; IDESP, 1992), promouvant le renforcement de la structure oligarque régionale et ignorant toute sorte de stimulation aux petits producteurs et collecteurs de la noix du Brésil et d’autres PFNL dans le Sud-est du Pará. Les principaux exportateurs de la noix du Brésil, eux aussi, ont eu des financements pour développer l’élevage dans la région et aujourd’hui l´exportation de la noix n´est plus l'activité la plus importante pour eux, mais l’élevage dans leurs fazendas58. L’extraction de la noix du Brésil reste encore très primitive, surtout à cause des difficultés d’application des innovations technologiques dans les activités de cueillette, de transport et de stockage59. Même dans les opérations industrielles, il y a eu très peu d´innovations technologiques (Pereira, 2000). Puis l´apparition d´autres activités économiques, comme celles installées dans la Zone Franche de Manaus60, dans l´état de l´Amazonas, ou encore les activités agricoles et l´élevage, ont réduit les nombres d´usines manufacturières de produits de l´extractivisme. Les castanheiros, se trouvent 56 Région connue comme «Le Polygone de Castanhais». A la fin des années 1990, plus de 70% des aires de production de la noix du Brésil dans cette région avaient été déboisées (Homma, 2004). 57 Cette productivité est liée plutôt à la main-d'oeuvre – la relation “production” et travail, car la relation production et terre n'est pas nécessairement controlée dans l'extractivisme. 58 Latifundiums, généralement destinés pour les monocultures ou l’élevage. 59 Une situation similaire a été constaté dans la filière de la noix de cajou dans l´état du Ceará (Bastos, 2006), où les propriétaires d´usines n´introduisent pas des innovations technologiques et gestionnaires depuis longtemps et où les agents intermédiaires sont liés aux petits producteurs par un cercle vicieux qui résulte dans des pratiques commerciales qui ne priment pas les produits de qualité supérieure et ne contribuent pas au renforcement de la filière. 60 Créée en 1967 (décret-loi n° 288) pour être une zone de libre commerce d'importation et d'exportation et d'incitations fiscales spéciales, afin de soutenir l´installation des investissements industriels urbains, (Nunes, 1990), notamment de production des biens de consommation durables. Aujourd´hui le Pôle industriel de Manaus comporte plus de 500 industries, la plupart des produits électroniques. 66 encore parmi les secteurs les plus pauvres de la société dans une région ayant l’un des plus hauts taux de biodiversité du monde. Elle est la seule noix commercialisée dans le marché international qui soit exclusivement collectée dans des forêts naturelles, étant, parmi les PFNL, l’un des produits les plus soutenus depuis les années 1980 dans le double but de conservation des forêts et de réduction de la pauvreté (Newing et Harrop, 2000). Une filière typiquement amazonienne61 Une caractéristique des filières comme celle de la noix du Brésil ou du caoutchouc est que les extractivistes doivent se déplacer sur de grandes distances afin de faire la cueillette. Les arbres sont largement dispersés, ce qui demande un temps important pour le déplacement et la recherche de produits (Shanley et al., 2002). En général ils habitent loin des colocações, les portions de terres partagées entre eux pour l´exploitation des castanhais. Ce déplacement peut être fait par camions (Figure 1.7), tracteurs, à dos d´animaux, ou, le plus souvent, par voie fluviale, dans des batelões62 (Figure 1.8). Il existe aussi une grande difficulté pour obtenir des informations fiables sur le commerce de la noix du Brésil, notamment le commerce local et national (Mori, 1992, Padoch, 1992), ce qui rend la filière très vulnérable (Coslovsky, 2006). La matière première est achetée à des extractivistes autonomes, normalement payés en liquide et sans reçu fiscal. Et, comme la commercialisation est enregistrée seulement lors du paiement des impôts, il est commun que le produit apparaisse comme production de la région où l´impôt a été payé. Les exportateurs préfèrent acheter la noix dans l´état brut, directement au collecteur ou à l´agent intermédiaire. Les processus industriels sont alors faits dans leurs usines, ce qui permet l´enregistrement de la production dans les lieux ayant un meilleur contrôle fiscal – dans les villes et capitales des états (IDESP, 1987). 61 Mais dans certains aspects, elle a beaucoup de similarités avec les filières extractives asiatiques et africaines. Pour plus d´informations sur d´autres filières de PFNL dans d´autres pays américains, asiatiques ou africains, consulter Neumann et Hirsch (2000) et Walter et al. (2003). 62 Sortes de pirogues, généralement utilisées avec un moteur ajouté. 67 Figure 1.7. Le transport de la noix du Brésil par la route. Photo63 : Projet Poraqué (2005). Figure 1.8. Le transport de la noix du Brésil par le fleuve. Photo : Projet Maracastanha (2006). La noix en coque a été pendant longtemps plus connue des consommateurs européens que la noix pelée, puisqu´elle est très demandée dans les fêtes de fin d´année. Cependant, elle a une valeur inférieure, parce qu´elle est généralement utilisée dans des mixtures, ce qui la rend très facilement remplaçable64. La participation de la noix du Brésil au marché mondial de fruits à coque est de 1,5% seulement, avec une valeur annuelle commercialisée d’environ US$30 million (Broekhoven, 1996, p. 82). Un fait remarquable est la rapide montée des exportations des noix pelées par la Bolivie65. Coslovsky (2006) confirme le passage entre les années 1998 et 1999 comme le moment critique d´apparition du produit bolivien dans le marché international de noix pelées, qui est aussi le moment où l´UE a adopté des standards sanitaires plus rigides. Actuellement 63 Les projets Poraqué et Maracastanha ont des banques d´images. Nous en avons prélevé quelques photos pour illustrer la réalité du terrain. 64 La noix du Brésil est aujourd'hui facilement remplaçable parce que les autres fruits à coque ont des offres plus régulières, et des coûts et qualité plus maitrisés. 65 Graphique d´exportations dans l´Annexe 2. 68 la Bolivie est en posture dominante par rapport au volume, à la technologie et aux produits ayant davantage de valeur agrégée dans le marché international66. La noix pelée peut avoir de meilleures valeurs de marché, car elle est déjà passée par un processus primaire d´industrialisation, pouvant être mieux conservée et rendant plus facile et économique son utilisation dans d´autres produits alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques. Le marché le plus rentable et en même temps le plus exigeant est pourtant celui des noix pelées, aujourd'hui dominé par la Bolivie, même si les meilleurs prix sont payés pour les noix exportées par le Brésil et le Pérou67. Le prix de la noix pelée a augmenté considérablement depuis 2004, peu après l´entrée de la Bolivie et du Pérou dans le marché. Cependant, une plus grande quantité de produits offerts n´a pas diminué son prix. Cela peut s´expliquer par la valorisation du produit, notamment au sein des consommateurs concernés par la consommation de produits plus sains comme les produits biologiques68 et, en même temps, engagés dans les actions ayant pour but la préservation (des ressources naturelles) de la planète. Depuis les dernières années, de nombreuses entreprises qui présentent des labels écologiques69, biologiques70, du commerce équitable71 ont commencé à payer des prix supérieurs pour acheter le produit directement aux communautés extractivistes ou par l´intermédiaire des organisations locales. Le principal emploi de la noix du Brésil réside dans l´industrie alimentaire, mais, plus récemment, l’huile est de plus en plus utilisée en cosmétique. La coque est aussi utilisée comme matériau inflammable, notamment dans les industries qui utilisent les chaudières. L´ouriço ou oursin (l´écorce extérieure), est un combustible encore plus efficace, mais très peu utilisé pour cette finalité, puisque le transport est cher et difficile pour les castanheiros. Néanmoins, il existe une petite demande dans les marchés locaux 66 Il faut remarquer que les prix d’exportation de la Bolivie, ainsi que du Pérou, sont plus bas que ceux payés pour les exportations brésiliennes. Un avantage de ces pays est la facilité d’exporter le produit à partir des ports du Chili, qui ont des tarifs portuaires moins chers et permettent d’atteindre plus facilement la côte ouest des Etats-Unis, le principal acheteur (DESER, 2005). 67 Graphique des prix d´exportation de ces trois pays dans l´Annexe 2. 68 La noix du Brésil est exclusivement originnaire de la cueillette dans la forêt amazonienne, pouvant être considérée comme un produit 100% biologique. 69 Écolabels – Forest Stewardship Council (FSC). Le label FSC peut aussi être classé comme un label écosocial. 70 Fournis, parmi d´autres organismes, par l´International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM)/ IMO – Instituto de Mercado Ecológico, IBD, Ecocert. 71 Organismes les plus connus à fournir ce label : Fair Trade Labelling Organizations (FLO)/Max Havelar en France, Network of Europeen Wordshops (NEWS), European Fair Trade Association (EFTA), International Federation for Alternative Trade (IFAT)/ Alter Eco, Artisans du Monde, Solidar Monde. 69 ou pour la confection de pièces artisanales. Le schéma de la figure 1.9 présente les principaux dérivés de la noix du Brésil, identifiés lors des entretiens avec les acteurs de la filière et à partir de la consultation des documents des organisations locales. Figure 1.9. Les principaux produits dérivés de la noix du Brésil. Artisanat Coque Noix déshydraté Noix brute Noix pelée Biscuits Pâte Combustible Oursin Charbon Huile brute Huile alimentaire Huile pour les cosmétiques Farine Légende Produits obtenus de l´industrialisation de la noix du Brésil Principaux produits dérivés . Source : Elaborée par l´auteure. Dans l´état de l´Amapá, lieu choisi pour l´étude exploratoire sur la filière noix du Brésil, l´influence des agents intermédiaires le long de la filière a diminué de façon générale, mais dans certaines régions de cet état, le nombre d´extractivistes qui vendent leurs produits à ces agents est encore élevé. Cela peut être justifié par le fait que les intermédiaires offrent d´avancer l´argent nécessaire à la réalisation de la cueillette, mais aussi parce qu´ils se sont montrés moins exigeants que les coopératives par rapport aux critères de qualité pour les produits achetés72. Ce fait peut être l´une des principales causes d'une insuffisante qualité de la noix du Brésil le long de la filière. Divers travaux 72 La différence entre les niveaux d´exigence cités n´a pas été vérifiée lors de la réalisation de l´étude, par le fait qu´elle a été faite en dehors de la période de cueillette. Cependant, dans les entretiens réalisés avec quelques castanheiros, notamment ceux de la Réserve Extractive du Cajari, ces travailleurs ne considéraient pas comme un avantage de travailler avec les coopératives car les agents intermédiaires payaient la même valeur que ces organisations, mais avec une préoccupation mineure quant aux éventuels problèmes de qualité du produit. 70 récents confirment que l´exploitation de la noix du Brésil continue dans de nombreux cas à être pratiquée dans les mêmes conditions qu´au début du XXe siècle, où le castanheiro ne reçoit pas une rémunération juste, la plupart des profits restant dans les mains des agents intermédiaires et des exportateurs (Instituto de Estudos da Amazônia, 1993). Le schéma de la figure 1.10 représente le fonctionnement de la filière noix du Brésil dans l´état de l´Amapá, établi lors de l´étude exploratoire. Dans les autres états brésiliens producteurs, la configuration de la filière se rapproche de celle de l'Amapá. Mais c'est dans l'état de l'Acre où le scénario est le plus proche. Les états de l'Amazonas et du Pará gardent encore beaucoup de vestiges de la structure d'exploitation ancienne. Les usines traditionnellement gardées depuis des générations sont encore responsables du grand volume de commercialisation et d´exportation. Figure 1.10. Les rapports entre les différents agents au sein de la filière de la noix du Brésil. Source : Elaborée par l´auteure. 71 Mais même dans l'état de l'Amapá, si l’exploitation de la noix du Brésil est passée par différents patrons ou responsables depuis ses débuts, elle n´a pas encore apporté beaucoup de transformations en ce qui concerne le niveau de vie des familles extractivistes. Les changements sont plutôt des reflets de facteurs externes, comme la création des Unités de Conservation ou Assentamentos agroextractives, qui ont donné aux collecteurs le droit d’usage des espaces de la forêt pour exploiter des ressources pour leur survie. Mais l’exploitation de produits de la forêt requiert une structure assez complexe, notamment en ce qui concerne le financement et la gestion de l’écoulement de la cueillette, condition difficile à garantir pour ceux qui ne sont pas du secteur. La plupart des tentatives des différents projets de développement pour réduire, voire éliminer, l´influence des agents intermédiaires dans la filière se sont avérées être des échecs, en raison de divers obstacles communs à d´autres filières dans la région. Dans le paragraphe 1.5.2, les principaux points de blocage au développement de la filière de la noix du Brésil, identifiés lors de l´étude exploratoire menée dans l´état de l´Amapá, seront présentés. Certains de ces éléments sont complémentaires des obstacles cités dans la littérature des projets de promotion des PFNL, déjà listés en § 1.4.2. 1.5.2) Des problèmes de base dans une réalité complexe73 Les premiers auteurs consultés en ce qui concerne les projets de promotion de produits de l´extractivisme ont fourni des éléments importants pour la définition d´une problématique de recherche au sein d´une organisation collective dans le milieu rural74. Cependant, il nous paraissait également nécessaire d´avoir des « impressions sur place », non seulement pour confirmer ce qui avait été lu, mais principalement pour établir un premier contact avec les acteurs du terrain et faire émerger d´autres pistes, voire inspirations pour notre recherche. Au moment de la réalisation de l'étude exploratoire, entre septembre et novembre/2003, les principaux points de blocage à la commercialisation, dont les difficultés pour 73 La complexité peut être attribuée non seulement aux relations existantes entre les différents agents de la filière, mais aussi entre eux et l´écosystème local, demandant des constantes adaptations (Cf. Morán, 1990). 74 Notre objectif de recherche dès la rédaction du mémoire pour l´obtention du diplome d´études approfondies en Logistique et Organisations. Le mémoire a consisté en une revue de littérature sur le rôle d´un système de gestion logistique-qualité dans le développement des coopératives agricoles, avec le but de contribuer à la préparation d´une recherche-action au sein d´une organisation rurale. Le terrain de recherche a seulement été confirmé après l´étude exploratoire à l´Amapá, où la décision de travailler non plus avec une organisation de producteurs agricoles, mais avec des travailleurs extractivistes a été prise. 72 garantir la qualité du produit, ont été identifiés. La collecte d'informations sur les projets de promotion des produits forestiers mis en place dans un état amazonien a été faite à partir de rapports et évaluations, mais aussi à partir d´entretiens semi-structurés. Nous présentons les éléments qui ont été les plus évoqués, dans les entretiens exploratoires et dans les documents consultés. Ils ont été divisés en trois catégories : a) Structure traditionnelle de la filière, b) Problèmes de qualité des produits et c) Exigences de nouveaux marchés. Cette division est nécessaire pour aider à la lecture des problèmes, sans avoir l´intention de les simplifier. A la fin du chapitre, les éventuels liens qui peuvent exister entre ces problèmes seront évoqués, afin de soutenir la construction d´une problématique de recherche. a) Des structures et rapports socioéconomiques qui persistent La filière de la noix du Brésil se situe parmi les filières qui sont passées par très peu de changements depuis le début de leur exploitation. Rodrigues (2004), faisant référence aux filières extractives, rappelle que durant l'apogée des cycles extractivistes – notamment du caoutchouc et de la noix du Brésil, il existait une division du travail très organisée, avec des fonctions diverses pour appuyer l'exploitation de ces produits. Si le problème foncier est surmonté, d’autres persistent encore, parmi eux la difficulté de trouver des financements pour les périodes de cueillette et de s’organiser pour garantir le transport de produits. Auparavant, le patron était responsable de la planification de toute cette structure. Aujourd’hui, sans le patron, les agents intermédiaires ont pris en charge le financement de la cueillette, mais la planification des processus inhérents à l´exploitation de la ressource reste très loin de celle pratiquée à l’époque des patrons. Même après la création des coopératives, les castanheiros vendent encore une grande partie de leur cueillette aux intermédiaires. A l'époque de l'étude, le montant vendu aux coopératives variait entre 45 et 53% de leur cueillette (Diniz, 2003). Les figures 1.11 et 1.12 présentent la destination des produits collectés dans la Réserve Extractive Cajari et dans la Réserve de Développement Durable Iratapuru, deux sites visités où des coopératives extractives avaient été créées. Dans la première, 45% des noix collectées étaient vendues aux agents intermédiaires et dans la deuxième, plus de 50% étaient achetées par eux. Ces organisations de collecteurs créées après l’apparition des aires protégées, ont vécu de nombreux problèmes managériaux, ayant beaucoup de difficultés pour garantir l’anticipation du financement nécessaire aux processus associés à la 73 cueillette. La plupart des castanheiros préfèrent encore recevoir cette anticipation des agents intermédiaires, qui revendent les produits à d’autres acheteurs, jusqu´à ce qu’ils arrivent aux entreprises exportatrices. Figure 1.11. Estimation des débouchés des noix du Brésil collectées par les communautés de la Réserve Extractive du Cajari pour l´année 2003. Source : Entretiens de terrain. Figure 1.12. Estimation des débouchés des noix du Brésil collectées par les communautés de la Réserve de Développement Durable Iratapuru pour l´année 2000. Source : Gonçalves et al. (2000). Les agents intermédiaires ne sont pas bien vus, ni par les travailleurs extractivistes ni par les organismes publics et par les chercheurs, qui fréquemment émettent des critiques et recherchent des stratégies qui puissent les éliminer. De même, des efforts sont faits pour garantir que les extractivistes puissent commercialiser leurs produits directement auprès des acteurs en bout de filière (Padoch, 1992). Cependant, cet auteur considère 74 que l´élimination de tous les agents intermédiaires n´est pas faisable, voire souhaitable comme une action immédiate, tant qu´ il n'y a pas d´autre acteur, au moins dans le moyen terme, capable de faire le lien entre les extractivistes et le marché, et de remplacer l'absence d´institutions publiques. Ces avis différents justifient le fait d´essayer de mieux comprendre le fonctionnement de ces filières avant de proposer des changements dans leurs configurations. Les raisons pour lesquelles les castanheiros - malgré l'existence des coopératives dans la région préfèrent vendre leurs produits aux agents intermédiaires ne sont pas évidentes. Elles dépassent le raisonnement réducteur, selon lequel, avec l'apparition de coopératives, les problèmes des communautés seraient résolus et les agents intermédiaires allaient réduire leur influence. Depuis longtemps ces acteurs ont été le seul «espoir» des familles, fournissant les articles nécessaires à leur survie, quand il n'y a aucune autre source. Dans l'état de l'Amapá, où l´étude exploratoire a été menée, les castanheiros maintiennent des rapports plus solides et durables avec les agents intermédiaires qu´avec les coopératives. L'infrastructure actuelle de la filière dans l'état continue à favoriser les agents intermédiaires et les entreprises exportatrices. Les coopératives font face à des difficultés assez complexes du secteur, même pour les agents dominants de la filière. La différence est que ces agents connaissent bien le marché et l´écosystème local et ont davantage de ressources financières. A cause de ses spécificités, qui requièrent une forte connaissance du secteur et un investissement constant pour garantir un approvisionnement certain du produit par les castanheiros75, la filière de la noix du Brésil est gérée par un oligopsone, un type de concurrence imparfaite, où il y a très peu d´acheteurs pour un produit, notamment dans les phases plus en amont et où, en général, «les produits bruts se présentent en vrac et/ou sont périssables et, par conséquent, avec des coûts de transport élevés» (Sexton, 1990, p. 709). Cette particularité de la filière limite l'écoulement de la production seulement aux acheteurs localisés proches des aires de collecte et/ou capables de payer le transport jusqu'aux usines d'industrialisation ou d´exportation (Rogers et Sexton 1994). De plus, dans le système d´aviamento, au moment de recevoir le produit de 75 Les castanheiros assument une dette envers les agents intermédiaires et par conséquent avec les entreprises exportatrices lorsqu´ils “achètent” des marchandises chez les atravessadores. Il est pourtant très difficile de commencer une période de cueillette sans être déjà endetté, ce qui maintient les castanheiros constamment dépendants des atravessadores. 75 l´extractiviste, la mesure officielle du volume du produit, en hectolitre76, n´était pas respectée par le patron. Jusqu´à aujourd’hui la plupart des agents intermédiaires appliquent le corte ou quebra (coupe ou casse) pour défalquer les produits sans qualité du volume entier. Durant la mesure du volume, ils attribuent à une barrique le volume de 120 à 130 litres, au lieu de 100 litres. Une autre pratique toujours adoptée dans ce système est celle d´avoir le prix dicté par l´acheteur. Aujourd’hui ce sont les agents intermédiaires qui annoncent le prix à payer, après avoir reçu des entreprises exportatrices les informations concernant les prix prévus par le marché international. Les actions d'appui de la part de l'État ou d'autres organismes privés et/ou nongouvernementaux ne paraissent pas changer cette situation, au moins dans le court et le moyen terme. Les difficultés de transport, les produits périssables, les variations de productivité entre les périodes de cueillette et le déclin de l'abondance des PFNL, à cause de l'exploitation du bois et de l´utilisation du feu pour la déforestation, peuvent se montrer comme des obstacles insurmontables aux stratégies de développement par les organisations nationales et internationales, même si elles sont bien intentionnées et semblent être les plus adéquates au contexte de la région (Shanley et al., 2002). Entre le système de l´aviamento pratiqué à l´époque du caoutchouc et les rapports actuels entre les extractivistes et les agents intermédiaires, la différence est qu´aujourd'hui les castanheiros ne sont plus employés par des intermédiaires, mais il y a toujours la dépendance financière, qui est entretenue par les produits que les familles extractivistes prennent auprès des intermédiaires en anticipation de leur cueillette. Et si, à l´époque du caoutchouc, le patron n´était pas intéressé par l´amélioration de la productivité du travail et des espèces exploitées, mais exclusivement par l´augmentation du nombre de clients (Aubertin, 2000), aujourd'hui, les agents intermédiaires ne sont pas non plus intéressés par l´amélioration de la qualité des noix à exporter, mais ils le sont par l´accroissement de leurs volumes et des profits dans la filière. Il y a très peu d´engagement, de la part des agents intermédiaires et entreprises exportatrices, dans 76 1 Hectolitre (hl) correspond à 100 litres, mesuré en général dans 5 boîtes de capacité de 20 litres. Curieusement, les agents intermédiaires, contrairement aux lois naturelles, pratiquent parfois l´hectolitre de 120 litres, c´est-à-dire, ils payent par 100 litres, mais reçoivent 120 litres. Cela est justifié pour des raisons de pertes liées à la moindre qualité du produit, notamment à la fin de la période de cueillette. Cette protège livre l´intermédiaire des pertes financières face à leurs acheteurs. 76 toutes sortes d´actions – publiques ou privées – visant l´amélioration de la qualité de la noix du Brésil. Butler (1992) a vérifié que les agents intermédiaires et les exportateurs arrivent à avoir de hauts profits entre les achats et les ventes de la noix du Brésil, malgré la grande quantité de produits de mauvaise qualité, seulement parce qu´ils continuent à payer aux castanheiros des prix très bas par rapport aux prix payés dans les marchés national et international. Encore, selon Browder (1992, p. 37), «c´est le contexte social de l´activité extractive qui détermine le comportement du collecteur et non leur caractère inhérent ou leurs connaissances sur la forêt» , c´est-à-dire que, même si ces populations connaissent les techniques traditionnelles de préservation des ressources naturelles de la forêt, elles ne vont pas empêcher que des actions compromettant l´environnement soient choisies si leur survie est en jeu. Ces pratiques ont été observées au sein des communautés d´extractivistes visitées lors de l´étude exploratoire. Il a été possible d´identifier que pour éliminer le pouvoir des entreprises exportatrices, il était nécessaire d'investir dans le développement de la gestion de la production et de la distribution au sein des coopératives, ainsi que dans une adaptation de l’infrastructure locale. Un aspect à approfondir dans la recherche était, par conséquent, celui de mieux expliciter comment arriver à pérenniser cette nouvelle structure. b) Des risques à la santé des consommateurs, mais aussi à la survie des extractivistes et de l´extractivisme Le Brésil était le principal pays exportateur de la noix du Brésil – en coque et pelée jusqu´à la fin des années 1990. Depuis cette date, il demeure le seul pays à exporter un volume médiocre et régulier du produit en coque77 tandis que la Bolivie est devenue le leader des exportations du produit pelé78. La Bolivie, pendant longtemps, exportait de la noix brute vers le Brésil, qui enregistrait les produits dans leurs exportations. Après les années 1980, les entrepreneurs boliviens ont eu accès à des capitaux qui ont rendu possible la structuration et l´essor de son industrie (Coslovsky, 2006). 77 78 Graphique dans l´Annexe 2. Graphique dans l´Annexe 2. 77 Du fait des problèmes liés à la contamination de ses amandes par l’aflatoxine79, les barrières à l’exportation de la noix du Brésil ont augmenté depuis 1998, quand l’UE80, le principal importateur du produit, a réduit de 20 pour 4 ppb81 le taux permis pour cette toxine82. Cette décision a été prise par un secteur de politiques de l’UE qui, selon Newing et Harrop (2000), se concentre sur un contrôle progressif de qualité des aliments et s’est développé à part des préoccupations environnementales. La préoccupation de ces auteurs est justifiée par la forte influence qu'une perte des parts du marché international par les entreprises exportatrices peut avoir dans le maintien des activités extractives par les castanheiros. D´autres professionnels défendent aussi le fait qu'un standard de qualité si rigide se montre impraticable dans le court terme par une grande partie des acteurs de cette filière83. Les organismes publics représentant des pays exportateurs et faisant partie du Comité de discussion sur les normes de qualité pour les produits alimentaires commercialisés sur les marchés internationaux sont actuellement en train de négocier une nouvelle révision du niveau maximum de contamination microbiologique acceptée dans les noix issues des arbres84, comme la noix du Brésil. De toutes façons, même si le taux maximum autorisé pour la contamination par aflatoxine revient aux 20 ppb, c'est encore très difficile pour les coopératives de garantir la qualité des produits dans les processus de cueillette, transport, entreposage et emballage sans qu'elles aient des conditions adéquates – financières et techniques. En ce qui concerne les entreprises exportatrices, rares sont les efforts pour améliorer les conditions en dehors de leurs usines, même si le problème de contamination commence bien avant que le produit arrive dans leurs établissements. 79 Quand il existe des quantités supérieures à celles établies par la loi, l’aflatoxine est considérée comme un agent qui peut causer le cancer, des problèmes aux bébés et des mutations génétiques. Elle est associée à une haute incidence de cancer du foie, surtout dans les pays tropicaux (Quillien, 2002). 80 L’UE est le plus grand importateur et exportateur de produits alimentaires. Par conséquent, les régulations sur la qualité des aliments ont un effet majeur dans le commerce global. 81 Parties par billion (µg/Kg).Comme exemple, le taux accepté au Brésil est de 20 ppb et aux États-Unis, de 14 ppb. 82 CE n° 1525/98, de 16/07/98, en vigueur depuis le 01/01/1999. 83 Cf. les discussions menées dans les dernières réunions de la Commission du Codex Alimentarius concernant les fruits à coque issues des arbres (voir www.codexalimentarius.net/). 84 Dans la 68ème réunion tenue à Genève (19-28/06/2007), de la Comission des Aditifs d'Aliments de la FAO, la possibilité d'augmenter le taux maximum d'aflatoxine dans les noix issues des arbres a été discutée (http ://www.fao.org/ag/agn/agns/jecfa_index_en.asp). Pour les arbres à noix, à part la pistache, la présence d'un niveau maximum n'a pas d'effet dans l'exposition journalière d'aflatoxine. La Comission a conclu que le fait de faire respecter un niveau maximum de 15,10,8,ou 4 µg/kg aurait très peu d'impact additionnel dans l'exposition totale à l'aflatoxine, en comparaison avec le niveau maximum de 20 µg/kg. 78 Un travail pour améliorer la qualité sanitaire du produit se montrait prioritaire. L´absence de mycotoxines, les toxines produites par les fongus, pourrait maintenir les ventes, notamment pour le marché européen, le principal acheteur du produit. c) Nouveaux marchés, nouveaux enjeux La participation de la filière dans des marchés différenciés, comme celui du commerce équitable, s´est avérée un projet devant être encore mieux étudié, car il dépendait aussi d’une meilleure gestion de la qualité des produits. Pour participer à la filière commerce équitable, il fallait que la noix ait une qualité supérieure et que les organisations collectives de collecteurs arrivent à garantir les demandes dans les quantités et délais prédéfinis. Pour les coopératives de l’Amapá, satisfaire à ces exigences signifiait un nouveau problème. Après autant de générations avec des rapports fortement individualisés de soumission au patron, les extractivistes, sans accès au système d´éducation, n´ont pas eu beaucoup d´expériences de luttes collectives et d´exercice de la démocratie ; «commercialiser actuellement les nouveaux produits, avec une redistribution plus équitable dans ces endroits très éloignés des marchés, est très problématique, il s´agit de créer de nouveaux circuits de commercialisation, ainsi que de nouvelles règles de fonctionnement parmi les différents acteurs» (Pinton et Aubertin, 2000, p. 152). Avant d'introduire les organisations des castanheiros dans le circuit du commerce équitable ou encore dans d'autres marchés spécialisés, comme ceux de produits biologiques, des conditions de base doivent être garanties, en passant par la réduction de l'endettement des castanheiros avec les agents intermédiaires. Tant que cette situation reste inchangée, une partie des quantités négociées avec les clients de ces filières spécialisées ne pourra pas être accomplie en fonction des dettes antérieures des castanheiros et même des coopératives. Quelques castanheiros ont encore l'habitude de meiar (faire la moitié), ce qui signifie diviser le volume qui, avant, était promis à un autre client. Ils prennent cette décision pour plusieurs raisons, mais principalement parce qu´ils sont déjà endettés envers un agent intermédiaire et veulent avoir un avancement de marchandises chez un autre, ou parce qu´ils ont obtenu une meilleure offre de prix pour leur produit. Cette dernière raison est plus rare, sachant que les agents intermédiaires s´accordent entre eux sur une même échelle de prix. 79 En ce qui concerne la recherche de nouveaux marchés pour les produits de la filière noix du Brésil, très peu avait été fait jusqu´à l´époque de l´étude pour augmenter l'intérêt des marchés locaux et nationaux pour le produit, mais il a été possible de vérifier la multiplication de nouveaux produits dérivés dans le marché national, notamment dans l'industrie cosmétique. Les difficultés de la filière noix du Brésil identifiées dans l'état de l'Amapá sont intrinsèquement liées à une espèce de «cercle vicieux» (Figure 1.13), ne pouvant pas être traité de façon isolée. Figure 1.13. Le « cercle vicieux » des difficultés de la filière noix du Brésil à l’Amapá. Structure traditionnelle => Dépendance financière des agents intermédiaires Pas d´investissement en infrastructure Les dettes avec les intermédiaires ne permettent pas l´envoi des quantités demandées par les coopératives Bas prix, castanheiros endettés entre deux périodes de cueillette Produits réfusés Problèmes de qualité Exigences de nouveaux marchés Source : Elaborée par l´auteure. Les solutions envisagées doivent considérer ces interfaces lors de leurs propositions. La structure traditionnelle de la filière est maintenue par le manque d´investissements en infrastructure, mais aussi par les dettes prises par les castanheiros entre chaque saison de cueillette. Ces dettes, ajoutées aux problèmes de qualité des produits, ne permettent pas l´approvisionnement des nouveaux marchés. Le tableau 1.2 résume les principaux problèmes identifiés dans la filière, d´après les trois catégories proposées. 80 Tableau 1.2. Les principaux problèmes identifiés dans l´étude exploratoire concernant la filière noix du Brésil. Nature du problème Constats - Une partie importante du financement de la cueillette passe encore par les Structure agents intermédiaires, d´où la dépendance financière des extractivistes. traditionnelle - Absence d´un acteur, à part les agents intermédiaires, dans le court et moyen terme, capable de faire le lien entre les extractivistes et le marché et de remplacer les institutions publiques. - Les extractivistes, même après la création des coopératives, choisissent de fournir une quantité encore importante de produits aux agents intermédiaires. - Oligopsone : écoulement de la production limité aux acheteurs ayant une certaine infrastructure locale. - Barrières à l´exportation, en fonction de la réduction du taux permis Problèmes de qualité d´aflatoxine dans le produit. - Manque de conditions financières et techniques pour garantir les processus de cueillette, transport, entreposage et emballage de façon à ne pas compromettre la qualité des produits. - Peu d´effort de la part des principales entreprises exportatrices pour garantir la qualité des processus antérieurs à l´arrivée des produits dans les usines. Exigences de - Accès limité aux nouveaux marchés à cause des problèmes de qualité - Difficultés des coopératives pour garantir les volumes demandés par les nouveaux marchés nouveaux clients, à cause des compromis déjà pris par les extractivistes avec les agents intermédiaires. Source : Elaborée par l´auteure. Il doit être précisé que, dans le cas des coopératives groupant les extractivistes de l'Amapá, leur création était due plutôt à des nécessités politiques que concurrentielles. Il était nécessaire d'organiser les extractivistes en coopérative pour avoir les financements divers qui commençaient à être proposés pour garantir la conservation de la forêt, mais aussi pour prouver que les extractivistes étaient organisés collectivement. Les syndicats et les associations devaient lutter pour les demandes sociales des communautés, tandis que les coopératives pouvaient apporter des solutions aux difficultés des extractivistes en participant au marché de façon plus équitable, car ces travailleurs, étant organisés en groupes, avaient un peu plus de pouvoir pour faire concurrence aux agents intermédiaires. L'organisation des extractivistes en coopératives a été alors, dans l´Amapá, une stratégie développée en dehors des communautaires, avec très peu de participation de leurs membres. Même le choix des leaders des coopératives était conduit par des agents extérieurs à ces organisations. Par conséquent, très peu des communautaires étaient préparés pour assumer la gestion des coopératives. Un autre fait qui a rendu difficile le fonctionnement de ces coopératives a été le manque de fond de roulement pour garantir l'achat anticipé des produits collectés par les 81 extractivistes. Sans l'avancement du capital nécessaire pour garantir le déplacement des castanheiros vers les castanhais, les collecteurs étaient obligés à s'endetter avec les intermédiaires, car la présence de l'Etat et d'autres agents économiques et sociaux est insuffisante pendant toute l'année. Le rôle important de ces intermédiaires dans les communautés extractivistes est reconnu par des spécialistes divers et des acteurs du terrain, mais il est plus fréquent de trouver des références sur les aspects négatifs de la permanence de ces agents/acteurs au sein des filières des pays en développement. La relation qui existe entre les extractivistes et les agents intermédiaires est très complexe et ne peut pas être considérée seulement du point de vue économique, où des situations d'exploitation sont souvent identifiés. La solution face à l´exploitation des extractivistes par les agents intermédiaires, passe par la création des coopératives, mais aussi par des structures ou organisations alternatives, plus adaptées aux contextes locaux. Pour que les coopératives donnent « des résultats », il serait nécessaire de garantir la formation des acteurs locaux, notamment les jeunes85, dans les processus et procédures formels. Mais, dans le court et moyen terme, les autres types de relations entretenus par les extractivistes et les intermédiaires n'auraient pas disparus. Dans ce contexte, il doit être possible de garantir ces relations, mais avec une moindre exploitation des intermédiaires. Pour arriver à cela, est aussi nécessaire de développer l´(in)formation des extractivistes quant à leurs alternatives de commercialisation, c'est-à-dire, les extractivistes doivent avoir des formations et être plus informés sur le fonctionnement et les possibilités des filières de produits de la forêt. Ils doivent commencer à penser aux impacts de leurs produits et de leurs activités dans toute les chaînes et réseaux auxquels leurs produits participent. Une autre solution à ces dettes serait de promouvoir l´accès à des financements pour la cueillette. Mais très peu de castanheiros l´obtiennent. Selon les conditions de la Compagnie Nationale d´Approvisionnement (CONAB), la demande de financement pour la cueillette – appelé l´achat anticipé86 - doit être faite par un groupe organisé et sans aucun empêchement légal. Padoch (1992) propose, pour éviter les erreurs du passé, 85 Veiga et Fonseca (2002) confirment que dans la plupart des coopératives, c'est sont plutôt les leaders plus âgés qui prennent le contrôle, montrant qui ils peuvent un important point de blocage pour le développement et l'entrée de l'innovation dans les coopératives. 86 Le financement appelé «achat anticipé » a été disponible pour les travailleurs extractivistes seulement à partir de l’année 2004. 82 qu´il soit nécessaire d´apprendre le fonctionnement des canaux de commercialisation de PFNL, avec leurs inefficiences, leurs particularités et leurs injustices. Mais comment étudier ces filières, si les statistiques – quand elles existent - ne sont pas fiables? En ce qui concerne les informations obtenues à partir des entretiens avec les principaux acteurs, comment être sûr qu´ils auront donné des informations valides? Les extractivistes se rappellent difficilement les prix et volumes commercialisés après deux ans et les agents intermédiaires, même s´ils ont un contrôle plus systématique de leurs opérations, ne vont jamais confirmer qu´ils exploitent leurs fournisseurs. Même si, au début de l´étude, l´objectif était celui d´identifier les problèmes qui empêchaient les coopératives extractivistes d´atteindre une meilleure qualité de leur produit, avec une plus grande insertion dans les niches de marchés nationaux et internationaux, la continuation d´une tentative de compréhension de ces difficultés ne pouvait pas être faite sans que les conditions des projets ou d'autres actions/stratégies menés au sein de ces coopératives ne soient évaluées. De nombreux projets ont été initiés dans la région sans que des études précédentes consistantes fussent réalisées et sans une discussion plus large avec les acteurs bénéficiaires, générant des crises et des conflits. L'appropriation indue des projets, par les leaders communautaires ou d'autres institutions, a été aussi la cause de nombreux conflits. «Les limitations trouvées au moment de mettre en oeuvre ces initiatives originales et pionnières surprennent les bonnes intentions» (Barbosa, 2001). Des actions diverses au sein de projets ont été proposées, mais qui, après la libération des ressources, ont étés abandonnées. 83 Conclusion du Chapitre 1 - Principaux aspects concernant le contexte du terrain Ce chapitre descriptif nous a permis de présenter le contexte de la recherche, qui concerne les projets de valorisation des produits forestiers comme des stratégies viables de conservation des ressources naturelles. D´abord, nous avons précisé l´activité extractive en Amazonie (section 1.1), le concept de développement durable (section 1.2) et les notions d´aires protégées et de populations traditionnelles (section 1.3). Et enfin, nous avons fourni des précisions sur ces projets de valorisations des produits de la forêt (section 1.4) et sur une filière typique d´un produit forestier non-ligneux, la noix du Brésil (section 1.5). De l´ensemble d´éléments mobilisés pour introduire le contexte de la recherche, nous retenons ceux considérés comme cruciaux en conclusion du chapitre 1 : • Les PFNL jouent toujours un rôle très important dans le développement de la région amazonienne, mais ils sont encore méprisés par rapport aux investissements dans l´agriculture et l´élevage, en général plus productifs ; • Les héritages des structures et relations socioéconomiques historiques de filières extractives ne peuvent pas non plus être négligés ; • Les limites des modèles de développement précédents sont aujourd´hui bien connues, mais les chemins pour atteindre un développement plus durable sont encore en expérimentation. • Des changements au niveau structurel ont été observés au sein des filières de PFNL, principalement de la noix du Brésil, mais la durabilité des actions et des projets peut être questionnée, puisqu´il n´y a pas eu de préparation, voire de formation, des acteurs locaux pour garantir la continuité de ces projets. Ils doivent aussi être considérés comme des sujets de leurs actions, et non seulement des cibles. • La résolution des problèmes de qualité doit figurer parmi les priorités de ces projets. De ce fait, l´(in)formation des extractivistes s´avère très importante sans pour autant négliger les savoirs traditionnels des extractivistes; • L´introduction de nouveaux acteurs-acheteurs peut apporter des changements favorables à la structure de la filière seulement si les extractivistes ont effectivement d´autres alternatives pour choisir leurs clients. Ce n´est pas le cas quand ils peuvent seulement compter sur les agents intermédiaires. 84 Chapitre 2 - Reconnaissance d’un problème et recherche d’un chemin pour le comprendre et provoquer des changements L´étude exploratoire, au sein des trois premières coopératives visitées dans l´état de l´Amapá, a permis d´identifier des problèmes concernant les stratégies de conservation à partir des projets de promotion de produits forestiers locaux. Pour compléter les éléments participant à la construction d´une problématique, certains thèmes récurrents ont également été identifiés dans des évaluations de projets déjà réalisées par différents auteurs, non seulement à propos des coopératives de l´état de l´Amapá, mais aussi de l´Acre, un autre état amazonien. Les questions de recherche posées ont été alors formulées à partir de deux sources : étude exploratoire en Amapá – faite entre septembre et novembre 2003 – et lecture des évaluations sur la mise en oeuvre et les résultats des projets de développement au sein des coopératives extractives de l´Acre et de l´Amapá– réalisée entre octobre 2003 et août 2005. La démarche proposée pour répondre aux questions de recherche sera, d’abord, de comprendre le contexte du terrain pour, ensuite, changer une situation existante. Le chapitre est organisé en quatre sections. Dans la Section 2.1, la problématique de la recherche sera abordée. Plus précisément, cette section concerne les questions de recherche (§2.1.1), les hypothèses de travail et des pistes de solution aux problèmes identifiés (§2.1.2), ainsi que les ambitions de la recherche (§2.1.3). La problématique de recherche s´attachera par conséquent, dans un premier temps, à essayer de comprendre les obstacles à la conduite et à la réussite de ces projets dans deux états amazoniens ayant des caractéristiques similaires pour, ensuite, proposer une nouvelle configuration au sein d'un groupe d'acteurs participant à la filière noix du Brésil dans l'état de l'Amapá. La Section 2.2 est divisée en quatre paragraphes. Le premier présente et justifie le cadre épistémologique (§2.2.1), le deuxième justifie le terrain choisi (§2.2.2). Les deux autres paragraphes présentent les méthodes choisies pour les première (§2.2.3) et deuxième (§2.2.4) étapes de la recherche, en cohérence avec le choix épistémologique. 85 La Section 2.3 présente une description succincte du contexte des coopératives évaluées dans les états de l´Amapá (§2.3.1) et de l´Acre (§2.3.2), ainsi qu´un état des diagnostics déjà produits sur ces coopératives (§2.3.3). La Section 2.4 aborde les orientations suivantes de la recherche, avec une brève discussion autour des possibles référentiels théoriques (§2.4.1) et la formulation des propositions de recherche (§2.4.2). 2.1) Problématique et ambitions de la recherche A partir des problèmes des projets identifiés lors d´une étude exploratoire et de la lecture d´analyses faites par d´autres auteurs, la problématique de recherche a émergée. Cette section reprendra la « situation-problème » pour ensuite présenter les questions de recherche, formuler quelques hypothèses de travail, fournir quelques pistes de solution, et présenter les ambitions de la recherche. Identification d´une « situation-problème » La «situation-problème» constatée est celle des obstacles et échecs des projets de promotion du développement durable des communautés extractivistes par la valorisation des produits de la forêt. Des questions préliminaires ont été posées, pour orienter la compréhension des obstacles à la réussite de ces projets : • quels étaient les vrais objectifs de ces projets ? • pourquoi y a-t-il eu de nombreux échecs dans ces types de projets ? • comment ces projets ont-ils été conduits? C’est-à-dire, quelle était la méthodologie d’intervention ? • pourquoi les extractivistes continuent-ils à être très dépendants des agents intermédiaires ? • quels étaient les points forts des projets? Quels aspects pourraient, dans une certaine mesure, être gardés ? • quels étaient leurs points faibles? Quels aspects devraient, en principe, être évités dans les prochaines initiatives ? Après l'appréciation de ces projets, une action pour provoquer le changement d'une situation précise devrait être proposée. Le cadre de l’action est celui d’un projet de 86 développement local mené par une équipe interdisciplinaire avec des chercheurs, des communautaires et quelques institutions locales. Une des situations à changer est celle d'une participation restreinte des acteurs locaux dans les choix liés à l’infrastructure et à la gestion de leurs organisations, avec les communautaires restant dépendants des acteurs plus puissants et des institutions intervenantes. La transformation proposée est la construction d’une nouvelle configuration de la filière de la noix du Brésil, à partir de la stimulation à la participation des acteurs locaux – communautaires et institutionnels – dans toutes les étapes du projet en question. Une telle situation, même sans aucune intervention du groupe de chercheurs, après un certain temps, ne serait plus la même. L´objectif principal au sein de la problématique n’était pas d’arriver à trouver une solution idéale, mais de promouvoir un exercice collectif de compréhension sur un contexte précis et de construction d’une nouvelle configuration, en reconnaissant les spécificités locales. Dans les paragraphes suivants les questions, hypothèses de travail et ambitions de la recherche seront exposées. 2.1.1) Questions de recherche Un constat sur le contexte du terrain – dans l´étude exploratoire avec les coopératives de l´Amapá – et des études précédentes – les analyses de différents auteurs concernant les trois mêmes coopératives de l´Amapá, mais aussi les trois organisations de l´état de l´Acre – est le fait que la plupart des actions mises en place dans les deux états pendant les deux dernières décennies n´ont pas garanti les objectifs initiaux des projets. Il paraissait alors intéressant de savoir le pourquoi de ces résultats non aboutis ou des résultats non prévus – y compris d´éventuels résultats positifs. La première question de recherche est formulée à partir de ces éléments : Q1 - “Pourquoi les projets de promotion du développement durable de communautés extractivistes à partir de la valorisation de leurs produits, malgré les investissements et la stimulation à leur organisation collective, ne sont-ils pas parvenus aux changements initialement prévus dans la configuration locale de ces filières?” La proposition était d’évaluer quelques expériences existantes pour trouver des pistes de réponses pour Q1. Dès le début de l’étude exploratoire, nous voulions focaliser notre attention sur le fonctionnement de l’ensemble des acteurs et des organisations. C’était un aspect préalablement choisi pour être abordé dans le cadre théorique. Le choix n’a 87 pas été aléatoire, car il existait déjà l’intuition de que cette approche pouvait dégager une compréhension sur les problèmes vécus par les acteurs du terrain. De ce fait, l´intérêt était de savoir aussi, et plus précisément, jusqu´à quel point les aspects liés à la gestion intégrée de ces structures ont été pris en considération dans les projets antérieurs et comment ils pouvaient être considérés dans la conduite d’autres projets similaires. Si les évaluations précédentes sont prises en compte, très peu d´auteurs ont fait référence aux problèmes de gestion intégrée de la filière comme point de blocage des projets de promotion des coopératives de la noix du Brésil. Cependant, plusieurs aspects cités comme promoteurs ou contraintes à la réussite des projets de développement peuvent être liés à la gestion intégrée de la filière, notamment au niveau local et régional. L´absence d´une mention explicite à ce type de problème au sein de la filière peut être justifiée par le fait que les moyens d´analyse utilisés par les auteurs précédents étaient plutôt issus des approches économiques, mais aussi parce que les participants à ces projets eux-mêmes n´avaient pas une représentation de la gestion intégrée de la filière. Cette deuxième raison, liée à l´absence d´une approche intégrée de la filière ou chaîne, pourrait alors influencer les actions et stratégies des équipes participant aux projets de promotion des produits de communautés locales. De la situation exposée, la question Q2 est alors proposée : Q2 - “ L´absence d´une représentation de la gestion intégrée de la filière noix du Brésil par les acteurs locaux représente-t-elle un facteur déterminant pour le succès (ou l´échec) des projets de développement à partir de la valorisation des produits de la forêt? ” Cette question s´avère importante, notamment parce que, rarement, les documents citant les obstacles à la réussite de projets de promotion des produits extractivistes ont abordé l´existence ou l´absence d´une gestion intégrée des filières extractives, particulièrement par les notions de Supply Chain ou de Supply Chain Management. Ces analyses se sont plutôt concentrées sur des approches économiques ou sociologiques, où la vision intégrée de la gestion de la filière n´est pas forcément prise en compte. Pour répondre aux deux premières questions, une évaluation plus approfondie sur les projets concernés a été menée sur le terrain. Partant des questions qui demandent une investigation des origines de la non réussite des projets étudiés, dont on attendait quelques réponses, la question Q3 a aussi été proposée. Cette question est complémentaire à Q1 et Q2 : si ces deux premières 88 questions veulent savoir, sur le plan théorique, quels sont les éléments nécessaires à la réussite des projets de développement des communautés extractivistes, la question Q3 veut savoir si, sur le plan pratique ou de l´action, de tels éléments peuvent être appliqués. Nous la formulons ainsi : Q3 - “ Comment est-il possible de proposer et de construire une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, en partant des éléments dégagés des expériences précédentes?” Les éléments qui répondront à Q1 et à Q2 seront utilisés pour la réflexion sur Q3. Le travail de construction d’une nouvelle configuration pour une filière de PFNL ne peut pas être fait à partir des propositions d’un seul acteur, mais à partir d’un «acteur(chercheur)-collectif»87. L’évaluation des expériences précédentes doit être alors réfléchie aussi au sein de ce groupe. Une autre prémisse était alors de savoir comment cet exercice d’évaluation pouvait apporter de nouvelles connaissances, facilitant la proposition d’une nouvelle configuration locale pour la filière. La dernière question s´avère de nature différente des trois questions antérieures, mais elle est appropriée à la problématique si l´on considère l’importance de la compréhension du contexte local et des différences entre les divers projets. La diversité des situations et des relations entre les différents acteurs doit être admise et considérée durant la conduite d’un projet de développement local. De ce fait, la question Q4 concerne l’apprentissage collectif pour un contexte et une problématique communs à un groupe interdisciplinaire de chercheurs(-acteurs) : Q4 – “Quelles connaissances, à partir de l’expérience dans un projet de recherche-action, peuvent être apportées au sein d´un groupe de chercheurs-acteurs afin de permettre la construction des configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux?” Les questions de recherche ont été posées ayant comme base les constats des problèmes des acteurs du terrain présentés dans le chapitre 1. Ces constats nous ont permis aussi de formuler quelques hypothèses de travail, qui ont orienté les choix théoriques, épistémologiques et méthodologiques de notre recherche. Avec ces hypothèses de travail, nous voulons démarrer une discussion sur les solutions viables, ainsi que sur les conditions nécessaires pour garantir leur durabilité. 87 Dans le sens de Barbier (2004). 89 2.1.2) Hypothèses de travail : vers des pistes de solution ? L´échec des stratégies de développement local à partir de la promotion des produits de la forêt a été constaté dans l´étude exploratoire. Les obstacles auxquels les acteurs engagés dans les projets ont dû faire face ont aussi été identifiés en §1.5.2, dans le chapitre précédent. A partir de ces éléments, nous avons formulé les hypothèses de travail suivantes, suivi d´une discussion sur les solutions possibles aux problèmes repérés: • Pour que les stratégies de développement local à partir de la promotion des produits forestiers soient efficaces (et durables), elles doivent faire attention aux principaux problèmes et aspirations des communautés locales, en adoptant une approche systémique dans les démarches d´intervention. Nous sommes d´accord avec Sachs (2004), à qui nous avons fait référence dans le chapitre précédent, quand l´auteur observe qu´une application généralisée des stratégies uniformes de développement est impraticable. En proposant d´abord des solutions aux problèmes et aspirations réelles des communautaires, la continuité et la durabilité des actions peuvent être favorisées, dans la mesure où ces problèmes constituent des points de blocages à toute sorte d´intervention au sein des acteurs locaux. L´idée est alors de bien connaître les configurations socioéconomiques, organisationnelles et culturelles des communautaires avant de proposer des solutions toutes prêtes, seulement parce qu´elles ont été efficaces au sein d´autres groupes. Cette hypothèse nous renvoie aussi au cadre théorique de la stratégie en milieu complexe, dans la mesure où elle prend en compte plusieurs éléments du contexte, sans vouloir se concentrer sur un aspect principal, ce qui serait réducteur, mais aussi parce qu´une stratégie en milieu complexe suppose des capacités d’adaptation rapide à des situations mouvantes et potentiellement imprévues (Avenier, 1997). Seule une connaissance préliminaire des acteurs et organisations locales permettra d´être ouvert et de contribuer à ces adaptations. 90 • Pour que les stratégies de développement local à partir de la promotion des produits forestiers soient efficaces (et durables), la volonté politique d´implanter des unités de transformation au sein des communautés traditionnelles n´est pas suffisante. Elle doit être ancrée dans des systèmes de gestion adaptés à la réalité locale et soutenue par différents acteurs locaux. Comme dans l´hypothèse précédente, une profonde compréhension du contexte local nous semble une condition indispensable pour envisager des stratégies de développement local au sein des communautés traditionnelles. L´imposition des modèles de gestion usuels et efficaces dans d´autres sociétés peut bloquer l´émergence de nouvelles formes d´organisation et/ou de gestion collective au sein des communautés traditionnelles. Ici nous sommes également dans le cadre de la stratégie en milieu complexe, mais le cadre théorique peut encore prendre en compte la gestion du changement et quelques notions liées à la théorie des parties prenantes. • Pour que les stratégies de développement local à partir de la promotion des produits forestiers soient efficaces (et durables), les acteurs locaux ne peuvent pas seulement être considérés comme des cibles, mais ils doivent être sujets de leurs actions. Zaoual (2006) avait observé qu´une quantité importante des modèles de développement sont destructeurs de l´autonomie des acteurs locaux, car ils résultaient de décisions prises sans s´être préoccupés du maintien du savoir traditionnel local. Et les acteurs locaux ne peuvent pas être sujets des actions en acceptant de tels modèles. Ils doivent alors être incités (et respectés) à donner leurs avis et à apporter leur contribution avec leurs expériences et connaissances, tout en discutant des solutions possibles. Ces hypothèses ont guidé notre recherche et les actions de terrain, en complémentarité avec d´autres pistes de solutions qui ont été suivies d´abord à partir de l´exploration du terrain de la conduite du diagnostic des projets (cf. chapitre 3) et renforcées ensuite par le cadre théorique qui sera présenté dans le chapitre 4 (qui approfondit, entre autres, les aspects concernant la théorie des parties prenantes, la stratégie en milieu complexe, la gestion du changement et les stratégies collectives). La problématique ayant été discutée, nos ambitions de recherche seront ensuite présentées. 91 2.1.3) Les ambitions de la recherche Au-delà de l´ambition de trouver des réponses pour les questions posées en 2.1.1, l´ambition de cette recherche, de nature pratique et scientifique, est de fournir des réponses et des changements aux chercheurs-acteurs participant à une recherche collective, ainsi qu´aux acteurs du terrain. En ce qui concerne les ambitions scientifiques, l´objectif est de trouver un cadre référentiel approprié pour travailler les aspects liés à la filière et au supply chain dans la problématique, en faisant une adaptation au contexte des projets de promotion du développement local durable et de l’Amazonie. Un tel cadre était nécessaire dans la mesure où l´on trouve encore peu de références faisant l’association notamment entre les concepts du supply chain et le contexte du terrain, les filières ou chaînes (traditionnelles) de produits forestiers. Sur le plan pratique, pouvant présenter aussi des aspects méthodologiques, la recherche avait l´ambition de changer le mode d’intervention sur le terrain, avec des activités plus flexibles et soumises à des révisions, au fur et à mesure que les membres de l´équipe découvrent le contexte et les demandes locales les plus pertinentes. Pour parvenir à cela, les actions et les changements provoqués doivent arriver dans «le temps de la communauté», c´est-à-dire, au fur et à mesure où les communautaires assimilent chaque étape de travail du projet. Deux autres ambitions, celle d´arriver à une plus grande participation des communautaires et à une meilleure articulation entre les membres d´institutions locales dans les étapes du projet étaient aussi liées aux changements attendus. La dernière ambition était celle de stimuler une réflexion collective du groupe sur les actions menées sur le terrain, afin d’identifier des points importants devant être changés et d’autres devant être conservés dans les prochaines interventions. De façon générale, la recherche veut fournir des nouveaux éléments concernant la conception, la conduite et l’évaluation de projets de promotion du développement local, en ajoutant des indicateurs liés au management des filières et chaînes logistiques concernées par ces projets, ainsi que les systèmes productifs locaux. 92 Après avoir présenté la problématique et les ambitions de notre thèse, l´objectif de recherche est de comprendre les obstacles à la réussite de projets promouvant la valorisation des produits de la forêt. Cependant, même si l’objet ne change pas son essence durant le déroulement de la recherche, il peut être influencé par les étapes successives. Cette recherche a commencé par chercher à connaître les raisons des échecs des projets de promotions de produits de la forêt et, au fur et à mesure que la recherche avançait, il a aussi été proposé d´étudier, à partir de réponses à la première question de recherche, s’il était possible de proposer une nouvelle configuration pour un groupe au sein d’une filière choisie, ce qui modifie le design, la méthodologie et les résultats attendus de la recherche. La figure 2.1, proposée par Allard-Poesi et Maréchal (1999), décrit ces allers-retours possibles au long du développement d’une recherche. Figure 2.1. Les allers-retours de la recherche. Objet de la recherche Design de la recherche Méthodologie de la recherche Résultats de la recherche Source : Allard-Poesi et Maréchal (1999, p. 36). Dans le schéma précédent il faut souligner que, dans ce cas précis, l’objet de la recherche, par sa nature, pourra être influencé par chaque sujet qui l’interprète, c’est-àdire qu´il dépend de l’observateur et qu´il n’existera pas indépendamment du sujet qui l’étudie. De cette façon, le design et la méthodologie dérivée seront dépendants des observations de l’objet sur le terrain de recherche. La section 2.2 abordera les relations «sujet-objet» et la méthodologie de recherche. 93 2.2) Choix épistémologiques et méthodologiques – position «aménagée88 » « S’agit-il avant tout de changer la réalité sociale pour produire des connaissances sur celle-ci? Ou bien de produire des connaissances en vue de changer cette réalité? » (Allard-Poesi et Perret, 2003, p. 88). Les paradigmes positiviste, interprétativiste et constructiviste sont, selon Girod-Séville et Perret (1999), les trois paradigmes épistémologiques les plus identifiés en sciences de l’organisation. Le choix pour chaque paradigme va dépendre des questions qui sont posées par le chercheur et qui sont étroitement influencées par sa propre vision du monde, c’est-à-dire, quelle est la nature de la réalité pour lui. Pour les auteurs, «tout travail de recherche repose, en effet, sur une certaine vision du monde, utilise une méthode, propose des résultats visant à prédire, prescrire, comprendre, construire ou expliquer» (p.13). Avant de signaler le(s) paradigme(s) épistémologique(s) choisi(s), et en considérant les questions et les ambitions posées précédemment, nous pouvons synthétiser les deux « temps forts »89 de la recherche, qui ont influencé nos choix méthodologiques: • Partir d´un diagnostic de projets précédents pour tirer partie des expériences L´évaluation des projets en soi est important dans le projet/recherche, mais ce sont le(s) moment(s) de discussions avec les acteurs locaux le véritable « temps fort », car la réflexion collective sur les succès et échecs d´expériences précédentes pourra faire émerger de nouvelles stratégies d´action. Même si « l’évaluation s’établit sur ce que l’on appelle une épistémologie constructiviste au sens de Jean-Louis Le Moigne » (Lièvre, 2002, p.13), pour qui évaluation = savoir pour l’action, « la démarche d’évaluation est une opération fortement contrainte […] son seul degré de liberté se situe dans la méthode » (Lièvre, 2002, p. 35). Lièvre (2002) présente aussi une définition de Plante90 sur l’évaluation: « formation d’un jugement de valeur sur une action dans une perspective de prise de décision». 88 Dans le sens de l’aménagement de paradigmes proposé par Girod-Séville et Perret (1999) quand la recherche doit emprunter des éléments aux différents paradigmes. 89 Dans le sens d´Avenier (1997, p. 279), les « temps forts » sont les moments où sont prises collectivement les décisions majeures du projet, ou les dates-clés et les événements-clés par lesquels passe l´aboutissement de tout projet, marquant généralement « la fin d´un processus de préparation de décisions collectives très dense sur le plan des communication entre acteurs» et constituant « des moments privilégiés pour réaliser une évaluation chemin-faisant du projet ». Dans notre recherche, ils représentent les événements-clés pour les discussions collectives qui ont eu lieu. 90 Plante J. (1991). 94 Cette définition peut être liée à l’objectif principal de ce diagnostic, qui est celui de se servir d’une évaluation sur une ou plusieurs actions pour prendre des décisions sur des actions suivantes ou nouvelles, pas forcément au sein du même groupe. • Réaliser une recherche-action pour mettre en acte et en tirer des leçons La recherche-action qui sera proposée est en fait constituée de divers « temps forts », soit les diverses actions entreprises pour provoquer des changements, avec la participation des acteurs locaux. Dans cette section sera présenté le positionnement épistémologique de la recherche (§2.2.1), suivi du justificatif du choix du terrain et de délimitation géographique (§2.2.2). Les méthodes sont choisies en accord avec une interprétation personnelle du réel et avec les propos de la recherche. Les intentions de cette recherche sont complémentaires: «connaître pour agir», c’est-à-dire, comprendre le contexte à transformer, en utilisant une méthodologie d´évaluation des projets précédents (§2.2.3), où le premier « temps fort » est la discussion avec les acteurs locaux sur les résultats des évaluations des projets précédents, et «agir pour connaître», le deuxième « temps fort », autrement dit, créer de nouvelles connaissances à partir de l’action pour changer, conforme à la méthodologie proposée en §2.2.4. La nature des questions de recherche présentées justifie le choix de méthodes qualitatives, dès lors que ces questions veulent savoir «pourquoi» les projets n’ont pas été réussis (Q1), «comment» l´absence d´une représentation de la supply chain dans les projets peut compromettre leur succès (Q2), «comment» il est possible de construire et proposer une nouvelle configuration partant des expériences précédentes (Q3) et encore « quelles » connaissances peuvent être apportées (et, d´une certaine manière, «comment»), à partir des expériences d’évaluation des actions précédentes et de construction collective au sein d´un groupe intervenant (Q4). Les études de cas s´intéressent à ce type de questions : « pourquoi » et « comment », en général pour identifier une relation ou un effet, non pour décrire un effet moyen ou représentatif, mais plutôt pour décrire un effet exemplaire (Stuart et al., 2002). 95 2.2.1) Cadre épistémologique Dans la mesure où le choix méthodologique est directement lié à l’orientation épistémologique du chercheur, c’est-à-dire, à son interprétation du réel (Girod-Séville et Perret, 1999), il peut être justifié en partie par les ambitions de la recherche, mais aussi par l´engagement personnel avec les alternatives de développement des communautés extractivistes en Amazonie. Ce n’est pas parce qu´un chercheur doit être neutre qu´il ne va pas se sentir responsable des conséquences et impacts d’une telle étude. Il n’est pas impossible de penser le monde et en même temps de le transformer (Resweber, 1995)91. Dans le paradigme positiviste, la réalité est immuable, extérieure à l’individu et indépendante du contexte d’interactions des acteurs. Chez les constructivistes radicaux, la réalité est une invention et pour les constructivistes modérés et les interprétativistes, «la réalité ne sera jamais indépendante de l’esprit, de la conscience de celui qui l’observe ou expérimente [...] la réalité (l’objet) est dépendante de l’observateur (le sujet). Elle est appréhendée par l’action du sujet qui l’expérimente» (Girod-Séville et Perret, 1999, p.19). Et puis, à l´inverse des sciences naturelles, où l´instrument est extérieur au chercheur, dans les sciences humaines, l´instrument ne lui est pas extérieur (Mucchielli, 1994). «Pour les interprétativistes et les constructivistes, le monde social est fait d’interprétations. Ces interprétations se construisent grâce aux interactions entre acteurs, dans des contextes toujours particuliers» (Girod-Séville et Perret, 1999, p. 19). Dans cette recherche, une complémentarité des paradigmes est proposée, la position aménagée entre l’interprétativisme et le constructivisme. L’interprétativisme pour comprendre comment les acteurs construisent le sens qu’ils donnent à la réalité sociale, ce qui veut dire, dans ce cas précis, quelles représentations ont les acteurs (et les chercheurs) sur les problèmes vécus dans les projets (Q1) et sur la gestion intégrée des filières concernées par les projets, conformément à Q2. Le paradigme constructiviste est proposé pour construire, avec les acteurs, la réalité sociale. Dans le contexte de cette recherche, cette réalité sociale a dû être construite pour ensuite être modifiée. La coexistence d’approches est considérée par Koenig (1993) comme une opportunité permettant un enrichissement de la connaissance. Ces différentes approches, «chacune à 91 Phrase adaptée de Resweber (1995), quand l´auteur affirme que, dans une conception dogmatique de la démarche scientifique, «on ne peut pas à la fois penser le monde et le transformer » (p. 4). 96 leur manière, sont en mesure de rendre compte de certains aspects des réalités complexes auxquelles s’intéressent les sciences de l’organisation» (Koenig, 1993, p. 3). L’interprétativisme Pour les interprétativistes, le terme comprendre veut dire «donner des interprétations aux comportements, et implique nécessairement de retrouver les significations locales que les acteurs en donnent, c’est-à-dire des significations situées (dans l’espace) et datées (dans le temps)» (Girod-Séville et Perret, 1999, p. 24). Mucchielli (1994, p. 12) considère encore que «l´extériorité objective et totalement neutre est difficile sinon impossible [...] toute «explication» d´un phénomène social peut être entachée de nombreux «biais» venant de l´observateur et de l´analyse». Pour l´auteur, «il vaut mieux «comprendre», en acceptant de rentrer dans la logique propre des acteurs sociaux, en prise avec le phénomène, « l´observateur est lui-même une part de l´observation [...] il ne comprend ce qu´il observe que sur le fond d´une analogie par laquelle l´autre a des réactions». « Le chercheur, pour développer une compréhension des réalités sociales qu’il observe, doit s’approprier du langage et des terminologies propres aux acteurs. Il devra développer une capacité d’empathie afin d’atteindre les réalités telles qu’elles sont vécues par les acteurs» (Girod-Séville et Perret, 1999, p. 29). La posture empathique est révélatrice de l’expérience vécue par les acteurs. Mucchielli (1994) rappelle que c´est Carl Rogers qui a défini cette posture empathique comme l´essence de l´attitude non directive de compréhension d´autrui, en faisant la différence entre l´empathie et la sympathie, la première étant la compréhension intellectuelle du vécu de l´autre et la deuxième étant une identification quasi émotionnelle. L´empathie, selon Rogers et Kinget92, indique «la capacité de s´immerger dans le monde subjectif d´autrui, de participer à son expérience dans toute la mesure où la communication verbale et non verbale le permet» (Mucchielli, 1994, p. 37). 92 C. Rogers et G.M. Kinget, Psychothérapie et relations humaines, 1963, 3e édition, 1966. Ed. Université de Louvain, 1, p. 105-108. 97 Le constructivisme En prenant l’idée de Glasersfeld93, Giordano (2003) déclare que le choix d’une posture constructiviste suppose que la réalité est une construction active du sujet dans son expérience quotidienne partagée avec autrui. «Le constructivisme admet la possibilité d’une pluralité des critères de validité de connaissance et suggère la nécessité d’une discussion continue entre les différentes communautés de savoir […] il suggère une approche de la connaissance en terme de validité éthique» (Girod-Séville et Perret, 1999, p. 26). Notre positionnement épistémologique aménagé considère deux paradigmes: l’interprétativisme et le constructivisme. Ces paradigmes seront utilisés, respectivement, pour comprendre et pour construire la réalité telle qu´elle est perçue dans le contexte de cette recherche. A la différence des recherches quantitatives, où le plan de la recherche peut davantage être programmable, les processus dans les projets qualitatifs se développent à partir d’une construction itérative, avec des cadres plus ouverts et moins structurés (Giordano, 2003). «On recherche des procédures, mais on ne sait pas lesquelles, on recherche une «forme» mais on se sait pas laquelle car elle sera nouvelle» (Mucchielli, 1994, p. 88). Ce n´est qu´après une analyse du problème en général, qui permet de cerner le contexte du terrain, c´est-à-dire une compréhension sur les limites et les aspects les plus propices à travailler avec les différents acteurs rencontrés au long de la recherche, qu’il a été possible de ratifier la méthodologie choisie. Comme la problématique de la recherche a été construite en faisant référence à deux cadres épistémologiques, avec des questions et propositions attachées, elle se déroulera au sein de deux schémas méthodologiques: le premier, des études de cas, pour aider à l’interprétation du contexte de projets étudiés ; et le second, une recherche-action, pour travailler dans la construction d’une nouvelle configuration pour le groupe au sein d’une filière de produits forestiers. 93 Glasersfeld (von) E. (1987), The construction of knowledge, Seaside : Intersystems Publications. 98 Avant de proposer les méthodologies qui seront appliquées dans les deux « temps forts» de notre recherche, nous justifions le choix du terrain, avec sa délimitation géographique. 2.2.2) Justification du terrain choisi et délimitation géographique Le choix initial a été celui d’étudier des évaluations déjà faites sur les cas de l’état de l’Amapá, en partie à cause de la familiarité acquise après l´étude exploratoire menée dans ce même état. Cependant, il s´avérait également nécessaire d´analyser d’autres cas, mais en gardant la similarité du contexte. La décision pour une lecture des évaluations sur les cas des coopératives dans l´état de l´Acre et, plus tard, pour une étude de terrain aussi dans cet état semblait alors très utile et pertinente. Parmi tous les projets ou programmes de développement local en Amazonie concernant la promotion des produits forestiers non-ligneux comme une stratégie de conservation de la forêt, les cas des états de l’Amapá et de l’Acre apparaissent comme les plus proches, offrant les meilleures possibilités de comparaison, tout en gardant leurs particularités en ce qui concerne les résultats et impacts des actions menées. L’analyse des différences entre les actions menées au sein de ces coopératives a permis de comprendre les raisons de certains échecs, ainsi que des cas de succès. Le choix pour ces deux états parmi les autres de l’Amazonie brésilienne est, en partie, justifié par les raisons suivantes : • L’Acre et l’Amapá font partie des états brésiliens ayant les plus grandes zones d´aires protégées ; cela est dû en partie à la très faible densité démographique dans ces deux zones de frontière. Particulièrement en Amapá, dès la période coloniale, l´occupation de l´état consistait à défendre la frontière sans stimuler l´exploitation de ressources naturelles. Ce relatif isolement a empêché en partie la dégradation de l´environnement comme cela peut être vérifié dans d´autres états (Mattoso et Fleischfresser, 1994). • C’est dans ces deux états qu´ont été créées les premières réserves extractives. La date du décret de création de la Resex Chico Mendes, à l’Acre (N° 99.144) et de la Resex Cajari, en Amapá (N° 99.145) est la même : 12/03/1990. Avant ces deux réserves, le décret N° 98.863 du 23/01/1990 avait créé la Réserve do Alto Jurua, également dans l’état de l’Acre. • Les deux états se trouvent dans des régions frontalières qui ont été disputées à la Bolivie, dans le cas de l’Acre et à la France, dans le cas de l’Amapá94. 94 L’Amapá a été intégré au Brésil en 1901, après une longue période de revendication de son territoire par la France (Drummond et Pereira, 2007). L’Acre a été définitivement intégré au Brésil en 1903, 99 • Ces deux états ont été peuplés notamment par les nombreux flux migratoires des familles du Nord-est du pays qui cherchaient des moyens de survivre à la sécheresse, en particulier à la fin du XIXe siècle. Ce sont ces familles qui ont justifié l’incorporation du territoire de l’Acre au Brésil, mais qui sont aussi devenues la principale main d’oeuvre des cycles extractifs. • L’accès de ces états au reste du Brésil reste encore difficile. L’Acre a été lié aux autres états par une autoroute seulement en 1990 et l’état de l’Amapá reste le seul état brésilien n´étant pas accessible par voie terrestre, mais uniquement par voie aérienne ou maritime-fluviale95. • Les gouvernements de ces deux états ont été pionniers dans les propositions de politiques de promotion du développement durable des populations traditionnelles extractivistes. En Amapá, la promotion de la noix du Brésil a été la «pierre de touche» du programme de développement durable de l´administration de João Capiberibe, qui a eu deux mandats, entre 1995 et 2002. Et dans l'état de l'Acre, le gouvernement local, de Jorge Vianna96, élu pour deux mandats, entre 1999 et 2006, surnommé « Le Gouvernement de la Forêt », a proposé un modèle de développement appelé «néoextractiviste». Le terme “néo” veut indiquer une activité plus moderne que l´activité traditionnelle, dès lors qu´il propose d´incorporer la technologie tout en respectant le travailleur et tout en répondant aux exigences du marché (Droulers, 2004). • Les deux états sont les seuls à avoir une législation spécifique concernant l’accès à la biodiversité97. • Pour renforcer les politiques locales, ces deux états ont eu des projets et programmes financés par des organismes nationaux et internationaux, dans le but de promouvoir la conservation de la forêt à partir de la valorisation de ses produits, pas seulement par l´extractivisme traditionnel, mais aussi par l´incorporation des ingrédients économiques à une relation socioenvironnementale adéquate déjà existante (Becker, 2004). • Dans les deux cas, la filière plus travaillée dans les projets de promotion des produits de la forêt a été celle de la noix du Brésil98. également après des années de conflits entre les armées brésilienne, bolivienne et péruvienne. Avant d’être considérés comme des états de la Nation, ils sont restés territoires fédéraux, l’Acre jusqu’en 1962 et l’Amapá jusqu’en 1988, quand la constitution fédérale a modifié la configuration des états brésiliens. Ils peuvent donc être considérés comme des états relativement nouveaux. 95 En ce qui concerne la principale frontière d’accès entre le Brésil et la Guyane Française, qui se trouve dans l’état de l’Amapá, elle doit continuer à être fluviale au moins jusqu’en 2010, date prévue pour la conclusion des travaux du pont sur le fleuve Oyapoque. 96 Cependant, il existe une différence entre ces deux gouvernements, ce qui a pu jouer un rôle décisif dans la concrétisation des politiques publiques : le premier gouverneur n’a pas eu de successeur, tandis que le gouvernement de Jorge Viana a réussi à être réélu. Dans une analyse précipitée, on pourrait conclure que les politiques de développement sont dépendantes des programmes du gouvernement, et non des propositions construites avec une participation solide des populations et institutions locales. 97 Acre: Lei Estadual (Loi Local) nº 1253, de 09/07/1997 (Disponible sur http://www.seiam.ac.gov.br/). Amapá: Lei Estadual (Loi Local) nº 0388, de 10/12/1997 (Diponibles sur http://www.el.ap.gov.br/). 98 L’état de l’Acre a également mis en oeuvre de nombreuses actions pour développer l’industrie locale du bois. Mais la noix du Brésil a été effectivement le produit forestier non-ligneux le plus stimulé dans l’état. 100 Même si les deux états présentent de nombreuses similarités, des différences existent aussi, pouvant influer de façon importante sur la réussite des projets locaux étudiés : • Dans l´Acre, les coopératives ont encore certaines activités liées à l’extraction du caoutchouc ; dans les années 1980 avaient été créées aussi un nombre important de petites coopératives pour l’organisation des extractivistes autour de l’exploitation et la commercialisation de ce produit. Ces formes d’organisation, décentralisées, se sont avérées être des échecs, amenant les acteurs locaux à basculer vers une structure plus centralisée et plus proche de celle du mouvement syndical. Ce n’est qu’en 2005 que le Conseil National des Seringueiros (CNS) a essayé, en Amapá, de reprendre l’exploitation de ce produit, mais le projet n’a pas encore été initié. • Même si les filières de la noix du Brésil dans les deux états ont des clients en commun, notamment les exportateurs de l’état du Pará, chacune a tendance à travailler avec des clients différents. Dans l’état de l’Acre, les principaux clients des coopératives à l’époque de la recherche de terrain étaient les industries boliviennes et certaines entreprises européennes faisant partie des filières du commerce équitable ou des produits biologiques/organiques. Dans l’état de l’Amapá, le plus important volume commercialisé de ce produit se fait encore avec les entreprises exportatrices du Pará. La principale coopérative de l’état est devenu un prestataire de service pour les exportateurs. Une quantité mineure est commercialisée par les autres coopératives, notamment pour une industrie leader des cosmétiques et pour d’autres de l’industrie agro-alimentaire nationale, situées dans les régions sud et sud-est du pays. • L’état de l’Acre a fait des progrès en termes de recherche et de développement concernant les pratiques de l’extractivisme, notamment celui de la noix du Brésil. Basé sur de nouvelles orientations du Ministère de l’Agriculture, mais aussi avec le soutien de nombreuses entités gouvernementales et non-gouvernementales, il a réussi à introduire des transformations importantes au sein de la filière. • Les coopératives de l’Acre ont un nombre beaucoup plus grand de membres que celles de l’Amapá. Le paragraphe 2.2.3 décrit les méthodes choisies pour la réalisation des études de cas. 2.2.3) Méthodologie pour l’évaluation des projets précédents Les méthodes de terrain sont, selon Snow et Thomas (1994), celles qui ont le plus haut niveau de réalisme et qui sont les plus difficiles à contrôler, en comparaison avec les simulations expérimentales, les essais en laboratoire et les simulations informatiques. Au sein du groupe de méthodes de terrain, les auteurs identifient l’observation directe et participante, l’interview, l’application de questionnaires et l’analyse de documents. Ces études ont été menées au sein des six coopératives extractives des états 101 de l´Acre et de l´Amapá et nous nous sommes servie de cette triangulation de méthodes de collecte de données. L’étude de cas a une capacité limitée à généraliser ses résultats. Elle est plus indiquée si le chercheur veut «décrire un phénomène dans toute sa complexité, selon une approche dite «compréhensive», en prenant en compte un grand nombre de facteurs» (Giroux, 2003, p. 43). L’auteur conseille cette méthode dans des cas de pré-recherche ou de postrecherche, c’est-à-dire, quand l’objectif est celui de découvrir les variables à prendre en compte dans une étude plus classique par questionnaire, ou encore, à voir comment les résultats d’une telle recherche se concrétisent dans une situation particulière. «Le choix d’une stratégie de collecte (de données) n’est donc pas neutre : une approche structurée permet d’être systématique ; une approche émergente de faire des découvertes» (Giroux, 2003, p. 61). Cette recherche s´est servie de l’étude de cas pour une évaluation des projets de développement local menés avec six coopératives extractives, dont trois dans l’état de l’Acre et trois dans l’état de l’Amapá. Les résultats de ces études de cas ont servi pour penser le design d’un nouveau projet avec un groupe de travailleurs extractivistes, et aussi pour proposer des indicateurs pour l’évaluation de l’action menée au sein de ce groupe. Dans cette deuxième étape, la recherche-action a été appliquée. Nous constatons que les caractéristiques du terrain – un milieu complexe - et les ambitions de cette recherche - comprendre d’abord les problèmes du terrain pour agir ensuite et provoquer des changements - mais aussi l´apport de connaissances nouvelles, vont à l´encontre de ce que propose Giroux (2003), à savoir « davantage une démarche de découverte qu’une démarche de vérification » (p. 44). Dans les études de cas dans l´Amapá, il a été possible d´être beaucoup plus présent, notamment lors de l’étude exploratoire et d’autres visites pour accompagner les étapes du projet de recherche-action. Dans les études de cas dans l´Acre, deux séjours sur le terrain ont eu lieu, le premier de 10 jours et le deuxième de 7 jours. Mais cela n’a pas empêché que d’autres informations ou entretiens puissent être collectés encore dans d´autres sites et occasions. Dans le paragraphe 2.3.3 nous présentons un bilan de la lecture des évaluations faites par différents auteurs. Ceux-ci ont décrit et analysé au moins un des six cas de coopératives choisies pour une évaluation plus approfondie. 102 L’évaluation des projets, objet du chapitre 3, présente les résultats des 6 études de cas réalisés à propos d´expériences de valorisation de produits forestiers non-ligneux, notamment la noix du Brésil. Trois des démarches étudiées ont eu lieu dans l’état brésilien de l’Acre et les trois autres dans l’état de l’Amapá. La localisation de deux états est montrée dans la figure 2.2, ainsi que les sites où ces expériences ont été menées. Dans l’état de l’Acre, deux coopératives sont situées dans la Réserve Extractiviste Chico Mendes (Caex et Capeb) et une dans la municipalité de Rio Branco (Cooperacre)99, la capitale de l’état100. Dans l’état de l’Amapá, deux coopératives se trouvent dans des aires protégées : la Comaru dans la Réserve de Développement Durable Iratapuru et la Cooperalca dans la Réserve Extractiviste Cajari. La troisième coopérative, la Comaja, se situe dans la municipalité de Laranjal do Jari, la troisième ville en importance de l’état de l’Amapá. Nous donnerons des informations plus détaillées sur les 6 coopératives choisies à la section 2.3. Figure 2.2. Localisation des états brésiliens où ont été menées les études de cas. Amapá Laranjal do Jari Réserve Extracti viste C ajari Acre Source: Adapté de Peres et al., Science Magazine, Déc/03. Ré se rve Extracti viste Chico Me nde s Ré se rve de Dé ve loppe me nt Durabl e Iratapuru Rio Branco Source: Adaptée de Peres et al. (2003). 99 En réalité la Cooperacre est une Congrégation des Coopératives et des Associations, aussi appelée Centrale de Coopératives ou Coopérative Centrale. 100 La Réserve Chico Mendes occupe des terres de trois municipalités (Xapuri, Brasiléia et Epitaciolândia). C'est dans ces trois municipalités où l'extractivisme de la noix du Brésil est encore plus pratiqué (1322 familles à Xapuri et 1253 familles entre Brasiléia et Epitaciolândia). Mais dans l'état de l'Acre, l'extractivisme de la noix du Brésil est encore pratiqué dans d'autres municipalités, comme Placido de Castro (844 familles), Capixaba (570 familles), Assis Brasil (120 familles), Acrelândia (52 familles) e Bujari (42 familles) (Rodrigues, 2004). 103 Les méthodes utilisées Les méthodes qui ont été utilisées pour la collecte de donnés au sein de chaque étude de cas sont la méthode historique, les entretiens semi-directifs, les observations et l’analyse des données secondaires concernant les évaluations précédentes sur les cas des mêmes coopératives choisies pour cette recherche. Il est important de préciser que ces méthodes n’ont pas été utilisées séparément. Elles se montrent complémentaires dans la plupart des étapes de l’étude de cas. L’étude historique et l´analyse des données secondaires se sont appuyées sur des analyses des documents et n’ont pas nécessairement été conduites sur le terrain. Les entretiens et les observations, même s´ils ont été réalisés, dans la plupart des cas, dans les états de l’Acre et de l’Amapá, ont été des exceptions quand les acteurs interviewés étaient liés à des organisations régionales ou même nationales. Durant les travaux de terrain dans les étapes de la recherche-action, de nouveaux éléments sur les évaluations de projets ont aussi été collectés, soit lors des observations, soit lors de la découverte de nouveaux faits historiques ou documents importants. Les acteurs contactés sont listés dans l´Annexe 5. a) Etude historique Giroux (2003) conseille l’étude de cas, car cette méthode «se prête bien à des études longitudinales ou historiques [...] Elle fournit aussi beaucoup d’éléments d’informations concernant les circonstances dans lesquelles se produisent les phénomènes observés» (p. 45). Pour l’auteur, afin de comprendre ce qui s’était passé, il est nécessaire de remonter dans le temps, dans une démarche «généalogique». La recherche historique sur les projets menés dans les états de l’Acre et de l’Amapá s’est concentrée sur les principaux faits et contextes qui ont conduit les acteurs locaux, nationaux et internationaux à proposer de telles initiatives, afin de comprendre les motivations et les difficultés de chaque étape de ces projets. b) Entretiens semi-directifs D’après Giroux (2003, p. 64), «le cas doit présenter les divers points de vue des différents acteurs et signaler les données manquantes ou ambiguës». Pour cette raison, il était très important d’utiliser aussi des données primaires sur les étapes de conduite de projets évalués. 104 La plupart des entretiens ont été semi-directifs, mais il n’a pas été possible de les enregistrer, car l’appareil, au début, intimidait la plupart des interviewés. De ce fait, de nombreux entretiens ont été réalisés sans enregistrement, afin de les mettre plus à l’aise. De la même manière, le fait de devoir répondre à un questionnaire les dérangeait. Pour quelques questions plus fermées, les questionnaires ont été utilisés, mais pour les plus ouvertes, les réponses des extractivistes ont été surtout obtenues dans des conversations d’apparence informelles car on peut alors obtenir davantage de détails et de spontanéité des interviewés. Pour les entretiens semi-directifs, Quivy et Van Campenhoudt (1995) confirment l’impossibilité d’interviewer un nombre très élevé de personnes. Les auteurs suggèrent «quelques dizaines», mais à condition de garantir «la diversité maximale des profils en regard du problème étudié» (p.163). En ce qui concerne les études de cas, 23 entretiens ont été conduits dans l´état de l´Acre, 44 dans l´état de l´Amapá et 5 dans l´état du Pará. Les périodes où les entretiens semi-directifs101 de l´étude de cas sont décrits dans le tableau 2.1. D’autres entretiens ont été faits encore à des dates en dehors de ces périodes. Tableau 2.1. Périodes des missions de terrain pour la réalisation des évaluations des projets. Dates de missions de terrain pour Amapá Acre les entretiens sur l’évaluation des projets 20/08 à 30/10/ 2003 18 à 26/07/2005 Mission 1 Mission 2 17/02 à 23/03/2005 10 à 17/07/2006 Source : Elabore par l´auteure. Dans les entretiens et les observations menés au sein des acteurs liés aux projets de développement des coopératives, il y a eu parfois des divergences entre les réponses. Dans ces cas, les doutes ont dû être éclaircis le plus possible, mais parfois il fallait se servir de son intuition ou de son expérience. Pour Houée (2001, p. 152), « le bon diagnostic croise le regard interne porté par les habitants du territoire et l’analyse plus distancée d’experts extérieurs, mais toujours appropriée par les forces locales. Il est affaire de savoir, d’intuition et d’expérience». 101 Les guides d´entretiens sont présentées dans l´Annexe 6. 105 c) Observations participantes La méthode de l’observation participante est beaucoup utilisée par les anthropologues et les sociologues dans le cadre des field research, où elle est souvent combinée avec les entretiens semi-directifs et l’analyse secondaire. C’est une démarche non linéaire (Quivy et Van Campenhoudt, 1995) souvent utilisée pour étudier et comprendre les phénomènes intérieurs à la vie d´une collectivité, où «le chercheur observateur doit d´abord s´intégrer au groupe, participer à sa vie et être assimilé par lui» (Mucchielli, 1994, p. 35), profitant de sa participation pour observer et comprendre, sans oublier sa capacité d´observation objective. Pour mener à bien le travail d’observation, il faut savoir quoi observer, sur qui et comment. Notre objectif était celui d´observer comment les coopératives participantes aux projets de développement fonctionnaient à l’époque de l’évaluation. Il fallait alors se concentrer pour observer les processus déployés et les commentaires présentés par les membres de coopératives et des institutions participantes, dans des moments divers, comme les réunions, entretiens et visites de terrain. Les observations réalisées n´ont pas été systématiques. Elles consistaient notamment en des impressions prises et souvent notées lors des entretiens, réunions, visites et d’autres actions sur le terrain pour essayer de comprendre les relations existantes et les opinions ou réactions sur des aspects précis à évaluer au sein du groupe étudié. Stuart et al. (2002) remarquent qu’une observation est constituée par les expériences précédentes, principalement à partir de la formation scientifique, de la culture et des croyances. Aperçus sur les études de cas Les études de cas se sont servies d’une triangulation des méthodes. Elle a été développée entre Septembre 2003 et Septembre 2006, par la combinaison des observations, la participation a quelques actions de terrain avec les acteurs au centre des projets, les entretiens semi-structurés, la collecte des données et les analyses des documents divers concernant les projets. Les aspects qui ont orienté l’évaluation des projets sont présentés dans le tableau 2.2. Pour analyser les phases de conception des projets, le type d´initiative, les objectifs, les profils des participants et le contexte ont étés considérés. Pour les phases de conduite, les changements pendant les projets, tels que l´entrée de nouveaux acteurs, les principaux problèmes et résultats ont orienté les analyses de projets. 106 Tableau 2.2. Orientations pour l’évaluation des projets. Phases des projets Aspects considérés – Origine des initiatives : top-down ou bottom-up102 Conception – Objectives et principales attentions – Profil des participants (culture, connaissance et savoir-faire, objectifs, compétences en SCM et SCO etc.) – Contextes considérés – Des nouveaux acteurs impliqués durant la mise en oeuvre Conduite – D’autres changements durant les projets et dans la redirection des projets – Principaux problèmes (en particulier ceux liés à la logistique et au SCM), solution et méthodes de solutions proposées – Principaux résultats/Situation actuelle/Prochaines étapes Source : Elaboré par l´auteure. Des éléments retenus dans ces évaluations doivent ensuite servir de matériau pour une «évaluation-construction» au milieu d’un groupe de chercheurs et acteurs exécutant un projet ayant des caractéristiques très proches des expériences précédentes, mais encore dans un état plus embryonnaire que les six cas étudiés. L’objectif est celui d’essayer de tirer des leçons des expériences déjà vécues, mais aussi d’aider le groupe intervenant à construire une nouvelle configuration pour les acteurs concernés à partir de l’évaluation des cas présentés pour faire aussi des (auto)évaluations ex-ante, concomitantes et expost du projet mené par cette équipe. Le cadre méthodologique proposé pour cette action est présenté dans le prochain paragraphe. 2.2.4) Méthodologie pour la participation dans une action particulière : la construction d’une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil Le travail mené avec la participation des acteurs du terrain a suivi la méthodologie de la recherche-action, qui est associée à des formes diverses d’action collective et est “orientée en fonction de la résolution de problèmes ou des objectifs de transformation” (Thiollent, 1992, p. 7). Elle peut avoir aussi pour objectif de produire de la connaissance à partir des transformations (Barbier, 2004), ce qui la rend pertinente par rapport aux intentions de notre recherche. 102 Par rapport au niveau de décision des membres des organisations collectives concernées par les projets. Une initiative top-down veut indiquer que la décision a été prise par un dirigeant ou un autre responsable. Une initiative bottom-up, en général, a été la résultante d´une décision collective d´un groupe de personnes qui partagent un même problème. 107 Camman-Lédi (2000) justifie la complexité des démarches collectives par l’implication des acteurs divers, stratégiquement autonomes et aux objectifs parfois contradictoires. Dans le cas de la recherche-action avec les extractivistes du PAE-Maraca, la complexité du contexte du terrain et de l’action à mener était liée au changement d’une situation de dépendance et d´isolement à partir de la participation des extractivistes dans les étapes de conception, conduite et évaluation d’un projet de valorisation de leurs produits. Selon Thiollent (1999), en plus de la participation des chercheurs, la recherche-action implique aussi une participation d’autres acteurs intéressés par la recherche autour d’une action précise. Nous estimons cet avis de Thiollent pertinent quand il s´agit des recherches-actions pour provoquer des changements dans une structure socioéconomique productive locale où il existe de fortes relations de dépendance entre le groupe concerné et d´autres acteurs locaux. Afin de proposer et d´implémenter une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil au sein d’un groupe d’extractivistes, la recherche-action a été travaillée dans “une permanente confrontation du modèle théorique et méthodologique avec la pratique, de façon à l’adapter à la réalité qu´on veut transformer et afin d’orienter les stratégies et les programmes d’action” (Soriano, 2004, p. 17). Les actions pour provoquer le changement Notre recherche-action s’insère dans un projet d´extension universitaire103 conduit par un groupe de chercheurs, ce que Barbier (2004) qualifie de «chercheur collectif». La fonction du «chercheur collectif» est d´«articuler la recherche et l’action dans un «va et vient» entre l’élaboration intellectuelle et le travail de terrain avec les acteurs» (p. 121), ou des méthodologies qui poursuivent à la fois une action ou un changement et une recherche ou une compréhension (Altrichter et al., 2002). Elle est à la fois qualitative, 103 Thiollent et al. (2002) observent que l’expression « extension universitaire » est très peu utilisée, voire peu connue dans le milieu universitaire en France. En fait, le terme « extension » au sein des activités universitaires est d’origine nord-américaine. Les activités externes qui sont développées par les universités françaises reçoivent d’autres dénominations, telles que transfert de connaissances, formation permanente ou partenariat. Cependant, dans d’autres pays francophones, le terme « extension universitaire » est d’usage commun, comme en Belgique et au Québec et dans certains pays africains. Cette activité a été reconnue légalement dans la constitution fédérale brésilienne de 1988, où elle est considérée comme un processus éducatif, culturel et scientifique, indissocié des processus de recherche et d´enseignement. « L’extension est une voie à double sens, avec un transit garanti à la communauté académique, qui trouve, dans la société, l’opportunité d’élaboration de la praxis de la connaissance académique. En retour à l’université, enseignants et étudiants fournissent un apprentissage qui, soumis à la réflexion théorique, sera ajouté à une telle connaissance » (Plan National d’Extension Universitaire 2000/2001, disponible sur : proex.epm.br/projetossociais/renex/planonacionaldeextensao.doc). 108 par l´implication du chercheur et par certaines des ses analyses, et interprétative par ses références à des théories explicatives (Mucchielli, 1994). Pour Altrichter et al. (2002), la recherche-action peut amener à la réflexion et à l’amélioration des pratiques par les personnes qui y participent, à une liaison étroite entre réflexion et action, ainsi qu´à rendre les expériences publiques pour d’autres personnes concernées et intéressées par les pratiques concernées. Délimitation géographique La décision de savoir quel groupe travaillait dans le cadre de la recherche-action a été prise suite à une invitation d’une équipe qui initiait une action de développement local à partir de l’introduction d’une source d’énergie renouvelable, en association avec une activité productive. La source d’électricité était l’énergie cinétique produite par une chute d’eau (Els, 2008) et l’activité productive était essentiellement l’extractivisme de la noix du Brésil, identifiée comme la principale source de revenu de la communauté. La communauté identifiée était celle qui habitait dans la portion d’une aire de concession de l’Institut National de Réforme Agraire (INCRA) dans l’état de l’Amapá, mais dans une configuration très spécifique par rapport aux autres aires de concession au Brésil. «L’Assentamento Agroextrativista do Maraca», le «PAE Maraca» (Aire de concession agraire et extractiviste du Maraca), situé dans la municipalité de Mazagão, a été fondé en 1988, après les efforts des communautaires et des organisations de la société civile pour garantir le droit d’usage de la terre aux populations traditionnelles, qui risquaient de le perdre au profit de ceux qui étaient intéressés à exploiter les ressources naturelles, notamment le bois et les minéraux. 109 Figure 2.3. Localisation du site où la recherche-action a été menée. Localisation de l´état de l´Amapá sur la carte du Brésil Aire de Concession PAEMaracá Aire Sud de l´état de l´Amapá Source : Projet Poraqué (2008). Dans le projet initial de création du PAE Maraca, d’autres aires avaient aussi été créées, notamment dans l’Amapá et dans l’Acre. Une grande partie de ces aires de concessions a ensuite été transformée en Unités de Conservation. La raison pour laquelle le PAE Maraca n’a pas évolué en une Réserve Extractive ou Réserve de Développement Durable ne sera pas débattue ici. Mais, il se peut que cette raison ait été un des arguments pour ne pas inclure les communautés du PAE Maraca dans les projets menés à partir de la fin des années 1980 avec les autres groupes d’extractivistes de l’Amapá, comme ceux qui participaient aux coopératives Comaja, Comaru et Cooperalca. En fait, il y a eu quelques investissements dans la structure de collecte et la distribution des extractivistes du PAE Maraca, mais à cause de la faible organisation sociale de la communauté, les agents intermédiaires les ont pris pour leur usage exclusif. Aussi, à la différence des autres groupes d’extractivistes de l’état, celui du PAE Maraca n’était pas organisé comme une coopérative, mais comme une association. Si l’association peut travailler pour accéder aux intérêts sociaux de la communauté, la coopérative peut traiter des questions économiques. N´étant pas organisé en coopérative, le groupe a été exclu de la plupart des investissements prévus pour les extractivistes de l’état et restait encore très dépendant des agents intermédiaires. Le groupe identifié comme pouvant participer à une action visant un changement a été celui qui habitait la portion nommée «Alto Maraca» (Haut Maraca), où une turbine 110 hydrocinétique allait être installée, afin d’être utilisée dans les activités liées à l’extractivisme de la noix du Brésil. L’installation de la turbine et de la nouvelle structure productive autour de celle-ci étaient prévues dans le Projet Poraqué104 – Énergie Renouvelable pour le PAE Maraca. Il s´agit d´un projet pilote105 du Programme «Luz para Todos» (Lumière pour Tous), du Ministère des Mines et de l’Énergie, qui a pour objectif de promouvoir l’accès à l’électricité pour deux millions de familles et a été mis en place en 2004 et devrait atteindre son objectif fin 2008. En 2007, le nombre de Brésiliens vivant sans électricité était de plus de dix millions, soit parce que les réseaux d’énergie n’arrivent pas jusqu´à leurs domiciles, soit parce que leurs revenus ne leur permettent pas de payer pour avoir de l’électricité. De ce fait, le programme était considéré comme un déclencheur de développement économique et social des communautés jusque là exclues de l´accès à l´électricité. La démarche proposée pour la recherche-action Une fois identifié le groupe au sein duquel l’action allait être menée, il fallait définir les étapes de la démarche. Une description de ces étapes sera faite ci-dessous, mais il faut considérer que, comme dans la démarche d’évaluation des projets, quelques étapes n’ont pas été développées dans un ordre chronologique prédéfini. Au long de la recherche-action, des retours aux actions ou aux plans définis précédemment ont été récurrents. La première étape était celle de l’identification du groupe qui allait participer à la recherche-action. Après une réunion avec l’équipe responsable du projet qui commençait une action avec la communauté du PAE Maraca, les points susceptibles d’être travaillés ont été examinés, et la participation au sein du groupe a été accordée. La contribution serait liée à la nouvelle configuration que la filière de la noix du Brésil pourrait avoir après les changements provoqués par l’introduction d´un équipement - la turbine hydrocinétique - dans la structure productive de la communauté. 104 Le nom «Poraqué» en portugais correspond à l’anguille électrique (Electrophorus electricus), un poisson très connu en Amazonie, qui possède des organes électriques dans la partie postérieure de son corps. Le Projet Poraqué fait juste une comparaison avec ce poisson, qui, comme la turbine hydrocinétique, génère de l’électricité en pleine eau. 105 Projet financé par une convention entre la Banque Inter américaine de Développement (BID) et le Ministère des Mines et de l’Énergie (MME), et proposé au Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq), dans le cadre de l’appel d´offre n° 03/2003, du Fond Sectoriel d’Énergie Électrique (CTENERG). Un résumé du projet est présenté dans l'Annexe 3. 111 Dans la section 2.3, seront présentées les spécificités de chaque coopérative évaluée, ainsi que l´état sur des diagnostics déjà réalisés par certains auteurs autour de ces organisations. 2.3) Contexte des six coopératives évaluées Dans cette section, descriptive, nous présentons les spécificités de chaque coopérative évaluée. Dans l´état de l´Amapá, deux coopératives se trouvent dans des aires protégées : la Comaru dans la Réserve de Développement Durable de la rivière Iratapuru et la Cooperalca dans la Réserve Extractive de la rivière Cajari. La troisième coopérative de l´Amapá, la Comaja, se localise à Laranjal do Jari, la troisième ville en importance dans l´état. Et dans l´état de l´Acre, deux coopératives sont situées dans la Réserve Extractive Chico Mendes (Caex et Capeb) et une dans la municipalité de Rio Branco (Cooperacre), la capitale de l´état. 2.3.1) Les coopératives de l’état de l’Amapá Le contexte général de l’état de l’Amapá étant déjà présenté en § 2.1.1, il sera fourni ici des informations plus détaillées sur les coopératives extractives concernées par les projets de valorisation des produits forestiers comme une stratégie de développement (durable) local et de conservation106 des ressources forestières. Des informations générales sont présentées dans le tableau 2.3 et leurs localisations sont précisées dans la figure 2.4. 106 La conservation fait référence à la préservation des ressources naturelles, à partir d’un usage rationnel, afin de garantir sa durabilité et son existence pour les générations futures. Le terme préservation est plutôt lié à l’intégrité et à la perpétuation de quelque chose. Il est associé à la protection intégrale et doit être appliqué quand il y a un risque de perte de biodiversité, soit d’une espèce, d’un écosystème ou d’un biome. 112 Tableau 2.3. Informations générales sur les coopératives évaluées dans l’état de l’Amapá. Coopérative Localisation Rural/Urbaine Nombre d’Associés Siège de Laranjal do Urbaine 123 Comaja Jarí RDS Iratapuru107, Municipalité de Rural 23 Comaru Laranjal do Jarí Resex Cajari, Municipalité de Rural 86 Cooperalca Mazagão Source: Elaboré par l´auteure après entretiens et analyse de documents divers. Figure 2.4. Localisation des coopératives de l’Amapá. Coopérative Comaru Coopérative Comaja Coopérative Cooperalca Source: Elaborée par l´auteure à partir de la base cartographique de l´IBGE (www.ibge.gov.br). Les coopératives fondées sur le territoire sud de l’Amapá représentent une tentative de promouvoir la valorisation des produits de l’extractivisme, ainsi qu´une amélioration de la qualité de vie des communautés locales, tout en conservant les ressources naturelles. La localisation de l’état de l’Amapá, sans avoir, jusqu’à présent, aucun accès routier à partir d’un autre état brésilien, rend difficile (et cher) son approvisionnement et l’expédition des produits locaux. Concernant la région sud de l’état, où se trouvent les trois coopératives en question, jusqu’à l’ouverture de la route entre la capitale de l’Etat, Macapa et Laranjal do Jari, la municipalité plus au sud, la voie d’accès était le fleuve et les moyens de transport étaient contrôlés par un nombre réduit de commerçants, dont les agents intermédiaires 107 En fait la coopérative est située à la frontière avec la RDS Iratapuru. Toute la matière première utilisée dans l´usine de la coopérative est fournie par des extractivistes de cette unité de conservation. 113 de la filière de la noix du Brésil. Quand la route a été ouverte, s’est ouvert aussi l’accès à d’autres acheteurs et la dynamique de la région sud de l’état a beaucoup changé. Les coopératives créées dans cette région seront ensuite présentées selon l’ordre chronologique de création, soit Comaja (1986), Comaru (1997) et Cooperalca (2001). Plusieurs projets ont été réalisés au sein de chacune d´entre elles, certains faisant partie de programmes plus vastes, où il y a eu la participation de plus d’une de ces trois coopératives. Les encadrés 2.1 à 2.3 fournissent des informations sur les trois coopératives de l´état de l´Amapá. Encadré 2.1. Coopérative Mixte des Agroextrativistes de Laranjal do Jarí (Comaja) Située dans le siège de la Munícipalité de Laranjal do Jari, où, en 1983, des extractivistes de la région ont commencé à s’organiser pour former une coopérative, fondée trois ans après, en 1986. La coopérative groupe actuellement 45 agriculteurs et 123 castanheiros et embauche à chaque saison de cueillette, environ 150 personnes, notamment des femmes, pour travailler dans le pelage et le séchage des produits. Comme la coopérative est installée dans la zone urbaine de la municipalité, loin des locaux de cueillette, les produits fournis peuvent être originaires de toute la région sud de l´état. L’usine de la coopérative a une capacité de production de 800 Kg/jour de noix déshydratées, 350 litres/jours d´huile et 580 Kg/jour de pâte, un sous-produit du pressage de l’huile. Dans le projet d’installation de la deuxième usine de la coopérative, inauguré en 2000, il était prévu que la coopérative fournisse la pâte de noix pour une autre coopérative (Comaru), responsable de la production de biscuits pour répondre à la demande des écoles publiques. La Comaja aurait dû commercialiser l’huile comestible et des noix pelées et déshydratées. Mais depuis 2003, la coopérative ne fournit plus la pâte à la Comaru et produit un très petit volume d’huile. Son principal produit est vraiment la noix pelée pour l’exportation et elle est devenue un prestataire de services pour une des entreprises exportatrices de l’état voisin du Pará. Parmi les acteurs institutionnels qui ont participé aux projets au sein de cette coopérative, les principaux sont: le Programme Pilote de Protection des Forêts Tropicales (PP-G7), Ministère Brésilien de l’Environnement (MMA), Service d’Appui à la Petite et Moyenne Entreprise (SEBRAE), Institut des Recherches Scientifiques et Technologiques de l’Etat de l’Amapá (IEPA), Secrétariat de Science et Technologie de l´Amapá (SETEC), Organisation des Coopératives Brésiliennes (OCB), Service National d’Apprentissage des Coopératives (SESCOOP), Secrétariat de l’Industrie et Commerce de l’Amapá (SEICOM) et d’autres Secrétariats de l’état, MAPA, Ministère du Travail, ainsi que d’autres institutions du Gouvernement de l’état. 114 Encadré 2.2. Coopérative Mixte des Producteurs et Extractivistes de la Rivière Iratapuru (Comaru) Située dans la communauté de São Francisco do Iratapuru, à la frontière de la Réserve de Développement Durable de la Rivière Iratapuru (RDS-I)108. Dans la réserve et son entourage vivent 130 familles, distribuées en 6 communautés. La principale activité économique de ces communautés est l’extractivisme de la noix du Brésil. L´agriculture et l’élevage sont surtout destinés à leur subsistance (Gonçalves, 1998). La production annuelle de noix est d’environ 8.000 hl, mais il reste encore une grande partie des aires non exploitées, notamment à cause des difficultés de transport. La Comaru a été fondée en 1991. Elle compte 37 membres, qui fournissent des noix exclusivement de la RDS-I. Dans le premier projet, en 1995, a été installée une petite usine artisanale pour la production des biscuits, qui étaient traditionnellement fabriqués par les femmes depuis longtemps. Avant cette date, les familles travaillaient en coopération seulement pour la production de la farine de manioc et les noix étaient vendues aux agents intermédiaires. Actuellement la coopérative est le fournisseur exclusif d’une grande entreprise cosmétique brésilienne109. D’autres appuis institutionnels reçus doivent être mentionnés: Ministère de l’Environnement (MMA), au sein du Projet Démonstratif, Type A – MMA/PD-A, un des composantes du PPG-7. Le Fond Français pour l’Environnement Mondial (FFEM), faisant partie du PP-G7, a aussi été dédié à un projet dans le domaine de la biodiversité, mais il a été abandonné à mi-parcours, en fonction des conflits entre les communautaires et les membres du projet110. La Banque de l’Amazonie, le SEBRAE, les ONG Greenpeace et Conservation International, la Fondation Orsa, les entreprises cosmétiques Natura et Crodamazon, ainsi que les institutions municipales, régionales et fédérales ont participé au sein de plusieurs actions/projets avec les extractivistes de la Comaru. 108 La réserve, qui a 806.184 ha, a été créée pour promouvoir la conservation et l’usage durable de la biodiversité locale, à partir de la Loi Locale n°0392, du 11/12/1997. Elle est une Aire de Conservation d’usage durable, de responsabilité de l’état de l’Amapá. Sa gestion est faite par le Secrétariat de l’Environnement de l’Amapá (SEMA). 109 Cette entreprise a un projet de développement (durable) au sein des communautés de la RDS-I, notamment avec celles qui habitent dans la localité où l’usine est installée. L’action s’appelle « Iratapuru Durable » et a l’appui des ONG locales et nationales. 110 L’Etat d’Amapá, au travers du Secrétariat d'Etat des Sciences et Technologie (SETEC), était le maître d’ouvrage du projet et le signataire de la convention de financement. Il a confié par contrat sa mise en oeuvre à des ONG de développement et des institutions locales ayant une expérience du terrain, l’ONG brésilienne IESA pour l’animation de terrain, l’ONG franco-brésilienne HOLOS pour l’apport méthodologique, l’ONG FUNDAP pour la gestion financière, l’Agence de Promotion du Tourisme de l’Amapá (DETUR) pour l’écotourisme, et le Centre d’Incubation d’Entreprises et des Coopératives (CIETEC) pour l’appui aux coopératives (Texte adapté du site du FFEM : http://www.ffem.net/jahia/webdav/site/ffem/users/administrateur/public/projets%20FFEM/Fiche_Projet_ Bresil_Amapá.pdf). Consulté le 20/11/2007. 115 Encadré 2.3. Coopérative des Producteurs de Noix du Brésil du Haut Cajari (Cooperalca) Fondée en 2001, son usine se situe dans la Communauté de Santa Clara, qui fait partie de la Réserve Extractive de la Rivière Cajari, une UC qui a été établie en 1990. La coopérative possède 99 membres, qui appartiennent à 12 communautés. Le Centre National de Développement Durable des Populations Traditionnelles (CNPT), organisme rattaché à l’Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables (IBAMA)111 fournit assistance technique et appui permanent à la coopérative, tout comme le Conseil National des Collecteurs de Caoutchouc (CNS). L’usine de la coopérative a reçu des ressources du Gouvernement Fédéral et aussi du PP-G7. Avec une capacité de production de 200 ton./mois, elle produit exclusivement la castanha dry (noix séchée en coque). L’origine des noix de la coopérative est exclusive de la Resex Cajari, mais moins de la moitié des noix collectées dans cette UC sont utilisées dans la coopérative. La plus grosse partie du volume est vendue à des agents intermédiaires, dans les marchés de Macapa et Laranjal do Jari et encore utilisée pour la consommation des familles locales. Becker (2004) cite une tentative de partenariat avec une petite industrie de l´État du Pará, mais qui n´a pas abouti à cause des problèmes de gestion dans la coopérative. Dans le § 2.3.2 nous présenterons le contexte de trois autres coopératives extractives, cette fois situées l´état de l´Acre. 2.3.2) Les coopératives de l’état de l’Acre L’Acre, comme l’Amapá, a fait de la valorisation des produits de l’extractivisme végétal une stratégie de conservation de la forêt. Ces actions ont aussi commencé à la fin des années 1980. Au début, les projets consistaient davantage dans des actions externes pour « pousser » le pays à la préservation de ses ressources naturelles, notamment après la mort de Chico Mendes, le leader extractiviste, qui était de Xapuri, dans l´Acre. Mais ce n’est qu’après le « Gouvernement de la Forêt » que ces actions ont été aussi proposées par des institutions locales, voire nationales. A partir de 1999, avec l’entrée de Jorge Viana dans le Gouvernement de l’état, plusieurs acteurs qui participaient déjà à des projets au sein des coopératives extractives ont pris des postes importants dans des organismes liés à l’état. La filière noix du Brésil a été confirmée par cette équipe comme la principale filière d’un produit forestier nonligneux, capable de réduire les activités d’élevage et de déforestation. 111 Au début de 2007 l’IBAMA a été divisé en deux, soit l’Institut Chico Mendes, désormais responsable de l’exécution des actions au sein de la politique nationale d’unités de conservation de la nature et l’Ibama, qui continue à être chargé de la fiscalisation, des autorisations pour l’usage des ressources naturelles et de l’émission des licences environnementales. 116 L’état de l’Acre compte actuellement cinq coopératives qui commercialisent la noix du Brésil in natura. Celles qui commercialisent un volume plus grand et qui ont un nombre supérieur d’associés ont reçu l´appui de plusieurs projets de promotion de leurs produits, dès l´introduction des techniques de gestion forestière et des procédures pour garantir la qualité sanitaire et commerciale jusqu´au renforcement des équipes responsables de la gestion financière et des relations avec les clients et les fournisseurs. Le tableau 2.4 liste les principales coopératives qui commercialisent la noix du Brésil dans l´état de l´Acre. Parmi ces coopératives, seules Caex et Capeb ont des usines pour la semi-industrialisation des noix. Elles ont été installées dans des sites stratégiques, du point de vue productif, car ceux-ci comportent 50% de la production de noix de l’état, mais sont aussi fameux en raison de la lutte des extractivistes pour la création des aires protégées pour la conservation de la forêt. La plus connue est Xapuri, la ville de Chico Mendes où a été fondée la première coopérative extractive en Amazonie, la Caex. Les chiffres concernant les volumes de production de la noix du Brésil dans l’état ont encore beaucoup de divergences, comme, par exemple, ceux du Secrétariat Local de Promotion de la Production Familiale (SEPROF) et l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE). Le volume exploité estimé pour l´année 2005 a été de 1 à 1,2 million de boîtes (160 à 200 mille hl, ou encore 10 à 12 mille tonnes, ou 450 à 500 conteneurs), mais la capacité d’industrialisation a été de 500 mille boîtes. De tout le produit collecté dans l’état, la seule région de Brasiléia est responsable d´environ 60%, soit 700 mille boîtes. Tableau 2.4. Informations générales sur les coopératives analysées dans l’état de l’Acre. Coopérative Localisation Rural / Urbaine Nombre d’Associés Resex Chico Mendes, Urbaine 280 Caex Munícipe de Xapuri Resex Chico Mendes, Urbaine 750 Capeb Munícipe de Brasiléia Munícipe de Rio Branco Urbaine 1.000 Cooperacre Source : Elaboré par l´auteure après entretiens et consultation des documents. 117 La figure 2.5 présente la localisation des trois coopératives évaluées. Les coopératives Caex et Capeb sont situées au sein de la Réserve Extractive Chico Mendes, qui a une aire de 903.203 ha et une population de 1.800 familles (ACRE, 2007). La coopérative Cooperacre est établie dans la région urbaine de Rio Branco, la capitale de l’Acre. Figure 2.5. Localisation des coopératives de l’Acre. Coopérative Cooperacre Coopérative Caex Coopérative Capeb Source : Elaboré par l´auteure à partir de la base cartographique de l´IBGE (www.ibge.gov.br). Les projets de développement au sein des coopératives de l’Acre ont reçu, de façon générale, un plus grand appui de la part des institutions suivantes : Secrétariat de Promotion de la Production Familiale (SEPROF), Secrétariat d´Assistance Technique et Extension en Agroforesterie (SEATER), Institut de Défense Agraire et Forestière (IDAF), Embrapa, MAPA, Agence d´Affaires de l´Acre (ANAC). 118 Encadré 2.4. Coopérative Agroextractiviste de Xapuri (Caex) La Caex est située dans la municipalité de Xapuri et a été fondée en 1988. C´est la première coopérative agroextractive de l’Amazonie, fondée à partir d’un mouvement social mené par le leader extractiviste Chico Mendes. Son histoire s’est développée ensemble avec celle de la Réserve Extractive Chico Mendes, crée en 1990, 14 mois après la mort du leader du même nom. La Caex est née de la nécessité de lier préservation de la forêt et valorisation des produits de l’extractivisme112. La coopérative a eu, depuis sa création, le soutien de nombreux acteurs institutionnels, nationaux et internationaux, comme le Conseil National des Collecteurs de Caoutchouc (CNS) pour l’organisation de base politique, le Service d’Appui aux Micro et Petites Entreprises (SEBRAE), le Syndicat des Travailleurs Ruraux (STR), le Secrétariat de Promotion de la Production Familiale (SEPROF), l’ONG « Centre de Travailleurs de l’Amazonie » (CTA), qui a travaillé pour la certification, ainsi que l’Agence d’Affaires de l’Acre (ANAC) et la Coopérative Cooperacre, qui est une centrale des coopératives. Parmi les institutions internationales, peuvent être citées comme les principales la Fondation Ford, le World Wide Fund for Nature (WWF) et la Coopérative Chico Mendes, de Modena, en Italie. A l’époque de la première visite à la coopérative, en 2005, le produit (noix pelée) était vendu à des entreprises agroalimentaires des régions Sud et Sud-est du Brésil, mais aussi exporté vers l’Argentine, l’Italie, et l’Allemagne. Le produit est normalement transporté par camion jusqu’à Porto Velho, et ensuite au Port de Santos, d’où il est expédié vers l’extérieur. Encadré 2.5. Coopérative des Agriculteurs et Producteurs Extractivistes d’Epitaciolândia et de Brasiléia (Capeb) Située aussi dans la municipalité de Brasiléia, à la frontière avec la Bolivie et dans l’entourage de la Resex Chico Mendes. Elle a été créée plus tard, en 2000, après l’annulation de la coopérative Compaeb, une centrale créée en 1993, groupant 23 entités, notamment des associations de producteurs. Dès son origine, elle se présente comme une coopérative plutôt agricole qu’extractive, mais les plus grands revenus ont toujours été issus de l’extractivisme. Il est estimé que 60% des associés sont des agriculteurs113 et 40% des extractivistes. En Juillet 2006 elle comptait 340 associés, mais, selon l’information de la SEPROF, elle a rassemblé déjà jusqu´à 750 membres. Début juin 2006, l’usine de Brasiléia a été restituée au Gouvernement de l’état, qui a donné la concession à la coopérative Cooperacre. 112 La mission de la coopérative est celle de “créer une nouvelle relation entre les populations agroextractivistes de l’Amazonie et le marché, avec l’objectif d’introduire un modèle de développement durable qui puisse garantir l’amélioration de la vie de ses associés et la conservation de la forêt” (Affiché dans le mur de la coopérative). 113 Notamment de riz, maïs, haricot et café. 119 Encadré 2.6. Coopérative Centrale de Commercialisation Extractiviste de l’Etat de l’Acre (Cooperacre) Fondée le 31/12/2001, la Cooperacre groupe 18 entités juridiques, divisées entre associations et coopératives, dont 15 dédiées à la cueillette de la noix du Brésil. Dans les années suivantes, la coopérative a pu acheter des associés la production collectée à partir de l’achat anticipé114. Mais durant la saison 2004/2005, un autre conflit avec le Gouvernement s’est créé, lorsque ce dernier a décidé d’organiser le « Consortium Castanheira » et que la Cooperacre n’a pas accepté d´en faire partie. La Cooperacre est devenue la « pupille » du Gouvernement de l’état, qui a commencé en 2005 une deuxième étape de développement du Système Productif Local de la noix du Brésil, avec la participation du SEBRAE, des ONG Ecoamazon, WWF, Fondation Avina et du Ministère de l’Environnement. Ce dernier développe un projet pilote de consolidation du SPL de la noix du Brésil, en coopération aussi avec d’autres ministères brésiliens115. Actuellement, la coopérative a comme clients les industries boliviennes et de l’état du Pará. Mais, depuis qu’elle a reçu la certification organique, elle cherche de nouveaux marchés, notamment internationaux. L’achat anticipé a réussi à organiser la coopérative, qui arrive maintenant à payer pour les produits 4 fois plus que dans sa première année. Dans le paragraphe suivant nous avons systématisé des informations des diagnostics produits par différents auteurs sur les coopératives choisies. 2.3.3) Etat des diagnostics déjà produits sur les six coopératives Ce paragraphe traite des éléments qui ont été identifiés pendant la lecture des évaluations ou rapports sur les projets menés avec six coopératives de castanheiros, et qui ont éclairé la construction de la problématique de la recherche. La lecture et la synthèse des diagnostics précédents ont pour but d'identifier les thèmes d´étude susceptibles de faciliter une analyse plus détaillée des résultats et impacts des projets menés au sein des six coopératives choisies dans les états de l'Acre et de l'Amapá, ainsi que dans la proposition d'une nouvelle configuration locale de la filière. Différents types de matériaux ont été consultés sur les cas de coopératives de l´Acre et de l´Amapá, mais il s´agit davantage d´un ensemble de descriptions des principaux aspects de projets que d´évaluations formelles. Giroux (2003) préconise en effet «la 114 Xangai, J. (2006), Quebra essa castanha!, Article Journal électronique « Pagina 20 », disponible sur: http://www2.uol.com.br/pagina20/19112006/especial.htm. Consulté le 24/11/2006. 115 Notamment le Ministère du Développement Agraire (MDA), le Ministère de l’Agriculture, Elevage et Approvisionnement (MAPA), le Ministère de Développement Social (MDS), le Ministère des Mines et de l´Energie (MME), le Ministère du Développement, de l´Industrie et du Commerce Extérieur (MDIC), et le Ministère des Sciences et Technologie (MCT). 120 constitution d’un corpus composé d’une multitude de cas déjà publiés traitant d’un phénomène semblable, soit pour induire une théorisation […] soit encore pour appliquer à la banque de cas une grille d’analyse conçue au préalable» (p. 52). C´est donc davantage pour construire cette grille d'analyse que la recherche s´intéresse à l´étude des évaluations précédentes que pour produire l´évaluation elle-même. Le tableau 2.5 liste les études consultées. Tableau 2.5. Les documents de base de l’analyse des données secondaires. Aspects des documents Auteurs Abrantes (2002) Barbosa (2001) Dantas (2003) Minor (2003) Vilhena (2003) Anderson (2002) Michelotti (2001) Rodrigues (2004) Coslovsky 116 (2006) Coopératives concernées Etat Comaru Comaru Comaru Comaja, Cooperalca, Comaru Amapá Caex, Capeb, Comaru Acre et Amapá Caex, Capeb Caex, Capeb Caex Caex, Capeb Acre Source : Elaborée par l´auteure. Plusieurs thèmes et concepts ont été évoqués par les auteurs, dans la mesure où les travaux analysés ont été produits par des professionnels de différents domaines, mais en utilisant des approches interdisciplinaires. Les thèmes que nous avons retenus sont ceux qui ont un lien plus significatif avec l´intérêt central de la recherche – provoquer un changement au sein d´une filière extractive, même si d´autres points importants ont aussi été observés dans ces évaluations. A partir de ces choix, la revue de littérature sera approfondie dans le chapitre 3, visant à fournir une base à la construction des indicateurs plus pertinents pour l'évaluation des projets – chapitre 3 - et à la proposition d'une nouvelle configuration locale pour la filière en question – chapitre 5. Il est important de préciser que les coopératives évaluées reçoivent encore les interventions de différents acteurs institutionnels et leur état au moment où notre recherche a été conduite, dans la plupart des cas, n'est plus le même que celui constaté lors des évaluations. Au même moment où certains aspects s´amélioraient, d´autres régressaient. Dans cette recherche, même si une évaluation plus détaillée des actions au sein des coopératives sera présentée ultérieurement, le but dans cette section n'est pas 116 Ce texte de Coslovsky avait circulé dans le milieu académique durant l´année 2005. C´était d´abord ce document « non officiel » qui avait été consulté. Pour une question de « traçabilité », la référence indiquée est en fait le document final, présenté comme un Working Paper au sein du Groupe de Développement International du Massachusetts Institute of Technology. 121 d´établir un état des lieux plus actuel de ces coopératives, mais, à partir des diagnostics précédents d´autres auteurs, de constituer une aide à la proposition d'une nouvelle configuration locale de la filière dans un groupe d'extractivistes de l'Amapá, et de construire des critères d'évaluation plus pertinents pour des contextes similaires. Dans les évaluations consultées, les aspects de réussite et de blocage sont traités, dans la plupart des cas, d'après deux situations : les aspects qui ont été vraiment constatés par les évaluateurs dans le cas de chaque coopérative – positifs et négatifs, et les conditions qu'ils considèrent être importantes, mais qui n'ont pas encore été appliquées. La non mise en place de ces conditions peut être aussi considérée comme un point de blocage à la réussite des projets avec les coopératives choisies. Cependant, les éléments retenus de ces évaluations seront ici divisés en deux catégories : a) les aspects de réussite et b) les points de blocage aux projets de valorisation de produits de coopératives extractivistes. Avant de passer aux aspects de réussite et aux points de blocages de projets, nous rappelons que, dans le contexte des aires protégées, d´autres obstacles doivent encore être surmontés (Horowitz, 2003) : les conflits au sein de populations locales, dus aux restrictions pour l´usage des ressources ; l´instabilité des institutions qui gèrent les UC ; une gestion insuffisante et inefficace des UC ; peu de ressources financières pour cette gestion; très peu des revenus générés reviennent aux UC, empêchant le développement des communautés locales. Enfin, il existe un faible soutien de la population en général. Les aires protégées sont encore vues exclusivement comme un endroit plaisant pour les loisirs, mais difficilement comme un élément essentiel au développement durable. Pour Kitamura (1997), «l´implémentation des réserves extractives soulève des problèmes qui peuvent renforcer les arguments contre leur viabilité économique» (p.292), puisqu´il y a eu très peu d´avancement dans le développement de projets ayant pour but l´amélioration des revenus de familles bénéficiaires, mettant ainsi en évidence un problème lié au traitement de la question de leur viabilité économique. Actuellement, «une grande partie des bénéfices économiques provenant de la préservation et de l´usage de la forêt amazonienne, dans le contexte des réserves extractives, est récoltée par les populations qui vivent en dehors de ses limites, alors que tous les coûts de maintien de ces bénéfices sont soutenus par les communautés extractivistes» (p. 295). 122 Les aspects ou conditions favorables à la promotion de coopératives identifiés parmi les évaluations sont liés aux conditions suivantes : • gestion participative (Barbosa, 2001) ; • les réseaux de partenariat (Vilhena, 2004) ou réseaux d'entreprises (Rodrigues, 2004 ; Coslovsky, 2006) ; • l'introduction de la production décentralisée117, considérée comme une innovation technologique génératrice d'emplois (Anderson, 2002) ; • le transfert de technologie à partir des institutions de recherche et de développement locales ou nationales (Vilhena, 2004 ; Rodrigues, 2004) ; • la création d'un avantage concurrentiel par la valorisation des produits et processus (Michelotti, 2001 ; Abrantes, 2002 ; Vilhena, 2004) ; • le développement d'une technologie préconisée (Rodrigues, 2004), c'est-à-dire, l'appui ou l'association du système éducationnel local dans l'implantation des nouvelles technologies. En ce qui concerne les points de blocage, les plus cités sont liés aux aspects suivants : • conflits de pouvoir et d'objectifs (Barbosa, 2001 ; Dantas, 2003) ; • difficultés de familiarisation avec les nouveaux processus administratifs et productifs118 (Barbosa, 2001 ; Michelloti, 2001 ; Anderson, 2002 ; Dantas, 2003; Coslovsky, 2006) ; • dépendance des agents intermédiaires (Barbosa, 2001) ; • coûts de production très élevés (Anderson, 2002 ; Coslovsky, 2006) ; • manque d´information sur les actions menées au sein des communautés (Barbosa, 2001 ; Dantas, 2003); • faible communication entre les différents organismes publics (Barbosa, 2001). Ces aspects seront ensuite discutés plus avant, sachant que, dans certains cas, un même aspect a été évalué comme pouvant promouvoir le développement d'un projet ou bloquer le succès d'un autre. Pour cette raison, ils seront traités dans les deux groupes, 117 La production décentralisée a consisté en une structure productrice installée dans le foyer de chaque famille d´extractivistes participant au projet. Ces « micro-usines » familiales devraient fournir des produits semi-manufacturés à l´usine de la coopérative, où il avait une structure plus grande. 118 Dans le cas de manufacture/production décentralisée, était donné que les « micro-usines » ont été planifiées pour travailler en fonction du ryhtme de l´usine centrale de la coopérative, et pas à partir du rythme de cueillette, Michelotti (2001) considère que l´idée de production décentralisée n´était pas en accord avec la réalité locale. Les « micro-usines » ont été pensées plutôt pour résoudre les problèmes de l´usine centrale que comme un projet émergent et spécifique de (et pour les) communautés concernées. 123 c'est-à-dire, comme élément promoteur quand il s'est montré positif et comme point de blocage quand il est dit que son absence ou même son application a influencé ou n'a pas contribué au succès du projet. a) Conditions favorables aux projets au sein des coopératives de la noix du Brésil Gestion participative Barbosa (2001) mentionne trois aspects favorables à la gestion participative des extractivistes : 1) le fait que le groupe étudié par l'auteur se trouve dans une UC d'usage direct, selon des lois qui décrivent en détail les procédures qui doivent être suivies, afin de favoriser sa gestion ; 2) émergence de membres de générations plus jeunes, qui commencent à contrôler les processus productifs de la noix du Brésil ; et 3) le fait qu'une grande partie de la population soit intéressée à participer à des actions visant l'amélioration de leur niveau de vie. Le premier aspect, même s´il semble pertinent, ne sera pas retenu, car il est appliqué aux communautés habitant dans des UC d´usage direct. Le deuxième et le troisième aspects semblent pertinents et seront retenus pour la proposition d´une nouvelle configuration. Production décentralisée Afin de réduire les coûts de production et élever les revenus des familles, la production décentralisée a été proposée (Anderson, 2002). L'initiative a réussi à augmenter les prix des produits, mais les coûts de production trop élevés ont rendu le projet non-viable. Dantas (2003), en ce qui concerne la génération d'emploi par la participation des extractivistes aux activités de la coopérative, insiste sur la nécessité de vérifier si les autres activités traditionnelles des familles n'ont pas été perturbées, entraînant une réduction des revenus non-monétaires des familles. En fonction de son influence sur les coûts de production, cette stratégie ne sera pas retenue comme piste pour la proposition d´une nouvelle configuration de la filière. Le transfert de technologie et la technologie préconisée Depuis la crise du caoutchouc, l'évolution de la technologie dans l'extractivisme de produits forestiers non-ligneux en Amazonie est devenue très lente (Rodrigues, 2004) ; les dernières stratégies de développement dans la région laissent la priorité à d'autres 124 secteurs, comme l'extraction du bois ou l'élevage et gaspillent les opportunités pour développer l'industrie de PFNL. Par conséquent, les filières de PFNL sont encore en situation de faible compétitivité en comparaison de celles du bois et de l´ameublement, de la pisciculture et du tourisme dans l´Acre (Rodrigues, 2004), et du bois, de l´ameublement et des dérivés de l'açai en Amapá (Amapá, 2005). Dans ce contexte, le transfert de technologie à partir des incubateurs locaux d'entreprises et de coopératives (Abrantes, 2002 ; Vilhena, 2004) apparaît comme une possibilité de reprise de la valorisation des filières de PFNL. Les incubateurs sont définis par Abrantes (2002) comme un centre abritant des entreprises et des coopératives de base technologique, dont le savoir constitue le composant principal de production. Ils caractérisent aussi des liens dans la relation entre les universités et centres de recherche et les entrepreneurs, fonctionnant comme un instrument de transfert de technologie et de consolidation de la bio-industrie. Et le transfert de technologie consiste dans l'étape d'itération entre le développement technologique d'un nouveau produit et sa production commerciale, conçue comme une innovation. La participation des incubateurs locaux semble un élément pertinent à considérer dans la construction d´une nouvelle configuration de la filière locale au sein d´un groupe qui n´a pas encore été considéré par un projet de développement. L´introduction des technologies de gestion par la formation aux bonnes pratiques de production, stockage et transport a fait partie d´une action de l´Etat brésilien intitulée Programme Aliment Sain (PAS)119, mais dans l´état de l´Acre c´était notamment les initiatives conjointes d´institutions locales qui ont pu développer les pratiques liées à l´extractivisme de la noix du Brésil. 119 Le PAS a été conçu à partir d´une convention pour la copération technique et financière entre le Service National d´Apprentisage Industriel (SENAI), le Service d’Appui à la Petite et Moyenne Entreprise (SEBRAE) et l´Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (Embrapa). L´objectif du programme est celui d´instruire les producteurs, les techniciens et les entrepreneurs de la production primaire dans l´adoption des bonnes pratiques agricoles (BPA), en utilisant les principes de l´Analyse des Risques et Maîtrise des Points Critiques (HACCP), afin d´atténuer et éviter les dangers physiques, chimiques et biologiques, visant la sécurité alimentaire des consommateurs. Les points principaux sont la sécurité des aliments et de l´environnement et l´orientation aux producteurs, notamment les familiaux (Embrapa, 2004). 125 Le tableau 2.6 liste les principales technologies développées dans la filière noix du Brésil dans les deux états étudiés. Tableau 2.6. Les principales technologies développées pour la valorisation de la noix du Brésil dans les états de l'Acre et de l'Amapá. Technologie transférée Description État Production décentralisée Processus artisanaux pour sécher et peler les noix dans les résidences ou mini-usines collectives des extractivistes Acre Production de la dry castanha Séchage de la noix en utilisant des équipements industriels Acre et Amapá Production de la noix décortiquée Processus conduits à l'intérieur des usines industrielles. Le pelage de la noix est fait par des femmes embauchées temporairement Acre et Amapá Production de l'huile Processus réalisé à partir du pressage industriel de la noix Amapá Production de la tarte/farine Séchage et emballage des sous produits du pressage de l'huile Amapá Production du biscuit Utilisation de la tarte de la noix dans la recette développée par des spécialistes Amapá Entreposage communautaire Proposition de construction d'entrepôts communautaires pour garantir les meilleures conditions de maintien de la noix avant son arrivage dans les usines Acre Emballages promotionnels Développement d'emballages divers pour présenter les produits lors des expositions et d'autres événements Acre et Amapá Technologies de gestion (Bonnes Développement et enseignement de techniques pratiques) de gestion de l'exploitation, (cueillette, transport et entreposage) de la noix du Brésil Acre et Amapá120 Source : Elaboré par l´auteure d´après des entretiens et lecture de documents concernant les projets de développement. Les technologies doivent être d´un usage simple pour les communautaires et constituer un investissement compatible avec la réalité des organisations extractives (Rodrigues, 2004). La technologie préconisée consiste dans l´introduction d'une proposition pédagogique innovante au sein des communautés participant aux projets de promotion des produits de la forêt, concernant toutes les générations des communautaires et où toutes les disciplines enseignées sont associées à la réalité de la communauté121 120 L'Amapá a à peine commencé à offrir des ateliers de formation aux bonnes pratiques au premier semestre 2007. Les ressources ont émané du Ministère de l'Agriculture, Elevage et Approvisionnement et ont été gérées par l' Organisation des Coopératives du Brésil / Division Amapá. 121 Un exemple serait l'enseignement des mathématiques pour résoudre des problèmes réels de commercialisation de la production extractive, ou encore, dans les cours de portugais, la production, par les étudiants, de textes qui doivent transmettre leur lecture de la réalité, passant par leur relation avec la 126 (Rodrigues, 2004). Dans cette proposition, les écoles ont encore un calendrier et un emploi du temps distincts et diversifiés, sachant qu'ils doivent être compatibles avec la période de cueillette de produits extractivistes. Même si les responsables des écoles locales sont engagés à fournir un enseignement différencié, il y a encore, surtout en Amapá, très peu d'apprenants – notamment les adultes non alphabétisés – qui fréquentent ces types de services publics122. Dans cet état il existe, certes, un réseau « d'écoles-familles » agricoles et agoextractivistes123, mais l'interface avec les actions de promotion des filières extractivistes est encore très limitée. Cet aspect se montre fondamental pour la garantie de la durabilité des projets, dans la mesure où ils rendent possible le retour des jeunes à leurs communautés d'origine avec une formation plus concentrée sur leur réalité. Création d'un avantage concurrentiel par la valorisation des produits La valorisation de la noix du Brésil est une stratégie de différenciation des coopératives de l'Acre et de l'Amapá. Une condition essentielle dans l'offre de ces produits est la qualité supérieure, c'est-à-dire que les produits de ces coopératives ne doivent présenter aucun problème de qualité s'ils veulent trouver des acheteurs intéressés. Cette qualité supérieure dépend d'une gestion adéquate des castanhais, pouvant accroître les coûts de transport, d´emballage et d´entreposage. L'industrialisation des produits dérivés de la noix du Brésil, comme le biscuit et l'huile, apparaissait sans doute comme une opportunité de valorisation du produit, grâce à l´apport des nouveaux facteurs technologiques et de la capacité locale pour entreprendre. En effet, ces actions ont permis une augmentation des prix des produits de forêt, les formes d'occupation sociale et économique de la forêt et leur réflexion sur la relation de l'homme avec cet environnement (Rodrigues, 2004). 122 Dans le chapitre 5, sur la recherche-action, une expérience avec les étudiants d'une école famille sera brièvement relatée. 123 Où la pédagogie de l'alternance est appliquée. Cette pédagogie a été pour la première fois introduite en France, en 1935, dans le Lot et Garonne, où , dans les maisons familiales rurales, ont été expérimentées des solutions aux problèmes d'un enseignement versé sur les activités urbaines, qui forçait les jeunes paysans à mépriser leur terre et celui de la nécessité de faire arriver le développement technologique dans la campagne. Elle est fondée sur un principe présent dans le travail de Jean Piaget; celui de «faire pour comprendre», c'est-à-dire, faire d'abord pour, ensuite, théoriser ou réfléchir sur la pratique. Les étudiants restent deux semaines dans les écoles et, pendant les deux semaines suivantes, ils restent chez eux tirant de nouveaux éléments pratiques pour en débattre à l'école et pour introduire ce qu'ils ont appris sur d'autres thèmes après les discussions dans le dernier séjour à l'école. Au Brésil, ce type d'enseignement a commencé dans les années 1960 dans l'état de l´Espirito Santo. Ce ne sont pas des écoles publiques, mais elles sont gérées par des associations de parents, qui, dans le cadre des réseaux, administrent des fonds publics issus de projets (destinés aux bâtiments, matériaux pédagogiques, cours spéciaux, salaires de professeurs, etc). 127 plus de 85%124 entre 1996 et 2002 (Abrantes, 2002). Mais Rodrigues (2004) considère que, en ce qui concerne la création d'un avantage concurrentiel dans le cas d'une coopérative de l'Acre, la concentration des efforts pour satisfaire aux exigences du marché international a consommé une grande partie du capital investi et n'a pas permis d'identifier le potentiel du marché local, comme dans l'alimentation d'étudiants dans les écoles publiques - municipales et estaduais125. Selon l'auteur, le fait que dans l'exportation la monnaie utilisée soit le dollar américain donne une fausse idée de la réalité, car les prix payés ne sont pas toujours avantageux et les coûts de transport et emballages sont plus chers que pour le marché local ou national. De plus, les marchés internationaux ne se présentent pas comme des grands acheteurs de produits semi-industrialisés. Abrantes (2002) cite le cas des indigènes Kaiapos, dans l'état du Pará, qui étaient les fournisseurs exclusifs de l'huile brute de l'entreprise britannique de cosmétiques Body Shop, mais le volume annuel d´huile achetée ne dépassait pas les six tonnes, une quantité médiocre comparée aux stocks de ressource et au volume potentiel de commercialisation pour ce produit. Barbosa (2001) a aussi constaté que les efforts pour introduire les produits dans le marché international ne sont pas une garantie que les populations locales feront des bénéfices à partir de ces procédures. Ils auront toujours besoin d´agents intermédiaires, même si ces agents ne sont plus représentés par les traditionnels atravessadores. Les thèmes liés à l´avantage concurrentiel par la valorisation des produits des coopératives de castanheiros seront traités, toujours de manière à faire ressortir leur cohérence avec les autres aspects importants. Dans la plupart des cas présentés par les auteurs étudiés, les exigences des marchés - notamment internationaux - pour accepter les produits rendent plus difficile la création d´un avantage concurrentiel par les coopératives extractives. Cet avantage doit aussi être adapté au contexte des coopératives, pouvant profiter des technologies préconisées, par exemple. 124 En 1996 le prix moyen de 1 hl de noix du Brésil était de huit reais et, en 2002, le même volume était vendu à 65 reais. 125 Le Brésil est divisé en 5 régions et 26 états en plus du District Fédéral, où se trouve la capitale du pays, Brasilia. Les écoles publiques, dans chaque état, peuvent être maintenues par le gouvernement municipal ou par le gouvernement estadual, c'est-à-dire, de l'état. 128 Réseaux d'entreprises Rodrigues (2004) propose une structure en réseau, réunissant des entreprises très diversifiées pour composer ce qu'il appelle «l'industrie de l'écosystème126», où l'échelle de production se présente petite, voire familiale, mais avec des clients fidélisés. Un réseau plus étendu est présenté par Vilhena (2004). Ce réseau, organisé entre institutions privées et publiques, fait la promotion des politiques publiques spécifiques aux coopératives et entrepreneurs, visant à offrir un support à l'exécution des activités pour l'usage économique de la biodiversité. Le tableau 2.7 est une synthèse des actions publiques127 proposées par le Programme Noix du Brésil, qui a été conduit dans l'état de l'Amapá entre 1996 et 2001. La proposition émanait d'un réseau des secrétariats de l'état travaillant de façon intégrée pour la promotion de la filière. Tableau 2.7. Les actions proposées par le Programme Noix du Brésil à l'Amapá. Organisme Public / Secrétariat de l'état Industrie et Commerce Tourisme Proposition - Appui à l'industrialisation de la noix du Brésil Machines, équipements, matériaux. - Appui à la promotion commerciale Participation dans les salons, rencontres de négociation, production des matériaux promotionnels. - Renforcement institutionnel de l'organisation des coopératives de l'état Embauche de ressources humaines. - Implantation du tourisme écologique dans la Réserve de Développement Durable Iratapuru Implantion de l'hôtel de forêt ; Formation de ressources humaines en hôtellerie Agriculture - Appui à la cueillette et écoulement de la noix du Brésil Acquisition d'équipements ; préparation et nettoyage des voies terrestres et fluviales ; construction des entrepôts collectifs et individuels. - Légalisations foncières - Assistance technique (agronomique) - Introduction de systèmes agro-forestiers Science et technologie - Recherche et développement de nouveaux produits Incubation des entreprises pour la noix du Brésil ; optimisation de processus de production de la noix décortiquée, de l'huile, du lait et de la farine. Détermination du temps de vie de ces produits ; développement de nouveaux produits dérivés ; analyse de la viabilité économique des projets Environnement - Éducation environnementale - Contrôle et fiscalisation - Exécution de projet pilote de développement environnemental Éducation - Introduction de la noix du Brésil dans l'alimentation scolaire Lutte contre la malnutrition/dénutrition/famine Source : Vilhena, (2004, p. 37). 126 L'auteur considère qu'une industrie est l'ensemble d'entreprises qui fabriquent et/ou fournissent des produits et services similaires. Dans l'industrie de l'écosystème, le premier lien de la filière est l'écosystème forestier de l'Amazonie. Il propose que cette industrie soit organisée dans une structure de cluster. Dans ces définitions il y a une simplification des concepts de filière et industrie, qui devront être mieux expliqués dans le chapitre suivant. 127 L'auteur fait référence à ces actions comme des politiques publiques, mais en fait certaines politiques proposées qui n'ont pas été maintenues après le changement du gouvernement de l'époque, démontrant ainsi qu'elles étaient davantage associées aux intérêts politiques qu'aux vraies demandes des communautés locales. 129 Dans le cas de l'Amapá, Abrantes (2002) rappelle qu´à partir d'un partenariat entre le gouvernement local et les coopératives d'extractivistes – pas seulement de la noix du Brésil – a été constituée une coopérative centrale128 de commercialisation de leurs produits. L'objectif principal était celui de centraliser la commercialisation des produits de coopératives. La plupart des évaluations consultées font référence aux aspects concernant le contexte interne de coopératives, aux acteurs institutionnels pris isolément, ou encore aux situations idéales de la filière, des SPL ou des clusters, et leur impact dans la valorisation des PFNL. Cependant, elles ne parviennent pas à identifier les vraies contraintes à la réussite des projets de promotion de communautés extractivistes. Une étude plus systémique comprenant d'autres relations – à l'intérieur et à l'extérieur - de la filière peut introduire de nouveaux éléments qui pourront aider à comprendre certains insuccès de projets. Ensuite, les aspects problématiques à la réussite des projets de promotion des PFNL sont examinés. b) Points de blocage de projets au sein des coopératives de la noix du Brésil Conflits de pouvoir et d'objectifs au sein et à l'extérieur des coopératives Barbosa (2001) relate que dans la Réserve de Développement Durable de la rivière Iratapuru, après que la production artisanale du biscuit à base de noix du Brésil ait été transférée vers les installations d'une usine semi industrielle de biscuit et huile de la noix, en pleine forêt, «le travail de la coopérative a commencé à provoquer des conflits au sein de la communauté» (p. 4). «L'appropriation de la représentativité des communautés et la concentration du pouvoir dans les mains de certains leaders a marginalisé la plupart des habitants locaux dans le processus participatif» (p. 5). Dans la même coopérative, Dantas (2003) a identifié des conflits de pouvoir à partir de l'absence de soutien à la direction de la part des membres de la communauté. 128 Coopérative Centrale de Produits de la Forêt – Coopflora. L'objectif était de développer une marque commerciale unique pour approvisionner le marché local et national avec les produits de coopératives : l'huile de table de noix du Brésil, biscuit aux noix du Brésil, miel, crevettes, farine de manioc, (Euterpe oleracea) et coeurs de palmier. Les avantages de cette commercialisation centralisée, selon Abrantes (2002), concernent, en plus de la marque unique : a) la canalisation de la production de diverses coopératives, donnant une solution au problème d'échelle pour la réalisation de contrats; b) renforcement d'une structure unique de transport, entreposage, vente et distribution ; c) création d'un groupe des responsables pour les ventes, laissant les extractivistes concentrés sur leurs activités ; d) économie d'échelle dans l'acquisition de matières-premières, emballages, frets, etc. 130 Difficultés dans la familiarisation avec les nouveaux processus administratifs et de production L'introduction des nouveaux processus, jamais pratiqués par les communautaires et très loin de leur réalité, a, semble-t-il, rendu plus difficile la réussite des projets (Michelotti, 2001; Dantas, 2003). L'usine de production de biscuit à l'Iratapuru a dû attendre deux ans après son inauguration pour commencer à fonctionner à cause des déficiences techniques dans la nouvelle formule du biscuit (Barbosa, 2001). Aux problèmes techniques de fabrication, s'ajoutent les difficultés pour l'écoulement de cette production. Même après avoir commencé ces opérations à la fin de 2002, la coopérative subissait de graves contraintes pour transporter les ingrédients et les produits achevés (Diniz, 2003). En ce qui concerne les problèmes de gestion, Barbosa (2001) cite la non-rémunération des travailleurs, l'interruption des cycles saisonniers des plantations de subsistance, en fonction de l'attention exclusive aux activités de l'usine. Pour cette dernière raison, l´argument avancé était la nécessité pour les communautaires de consacrer tout leur temps disponible au travail dans l'usine, une fois que la vente des produits eût offert le retour financier nécessaire à l'achat des produits alimentaires en ville. Les castanheiros sont passés, sur une très courte période, d´activités exclusivement liées à la cueillette à la condition d´ouvriers et administrateurs d'une usine industrielle. La même auteure suggère alors que les initiatives devraient causer des changements moins violents au sein de ces communautés, afin de ne pas compromettre leur culture et leurs habitudes traditionnelles. En plus du manque de familiarisation avec les nouveaux processus administratifs et techniques, la concentration du pouvoir a aussi provoqué des irrégularités dans la gestion, causant une déstabilisation de la communauté. «Dans un premier temps, ils ont initié un travail prometteur, avec des résultats prévus qui les ont remplis d'espoir, dans un deuxième temps, ces personnes ont constaté un échec de leur projet et maintenant, dans un troisième temps, elles se voient sous pression pour gérer une structure qui n'est pas insérée dans leurs histoire de vie, étant contraintes de présenter des résultats dans le court terme» (Barbosa, 2001, p. 94). Dantas (2003) attribue les problèmes de gestion de la coopérative aussi à une faible performance du conseil fiscal. Ce conseil est formé par des représentants de la communauté qui devraient identifier et dénoncer les irrégularités de la direction. Cependant, l'attitude la plus commune dans plusieurs communautés participant à ces 131 types de projets est de laisser toutes les démarches et responsabilités à la charge des dirigeants. Dans certains cas, cette attitude a été expliquée par l'absence d'un esprit d´entreprise par les communautaires en dehors de la direction des organisations collectives, mais, dans d'autres cas, c'est le manque d'information qui n'a pas stimulé la participation et le suivi de la communauté dans les actions des projets de développement. Il est important que les leaders communautaires, précédemment identifiés par les équipes de projets, soient formés pour la direction et la conduite des actions au sein des organisations collectives, mais il est plus important encore que les communautaires ne soient pas exclus du processus. S'ils n'arrivent (ou ne veulent) pas suivre les processus associés aux projets, il faut les maintenir au moins informés des actions et des risques du non-suivi de ces processus pour toute la communauté. Dépendance des agents intermédiaires Barbosa (2001) a reconnu que le rapport des extractivistes avec les agents intermédiaires, que certains considèrent encore comme «les patrons», enlève toute responsabilité de gestion de processus liés à l'extractivisme de la noix du Brésil, les maintenant dans une recherche de transfert de responsabilité. L'auteur considère que la responsabilité des extractivistes par rapport à leurs organisations doit être conquise dans un processus de transition de durée variable. Mais ce processus peut être accéléré par l'introduction d´actions éducatives. L'un des aspects contraignants de la filière de la noix du Brésil est le fait d'être commandée par le capital purement commercial, c'est-à-dire, l'entrée de capital sans qu'il y ait des investissements pour l'amélioration des processus productifs (Rêgo, 2002). De cette façon, il n'y a pas de grands changements dans les relations entre les extractivistes et leurs clients, ni d´innovations dans les processus, tant qu'il n'y a pas de nouveaux acteurs entrant dans la filière. Coûts de production élevés L'un des aspects de réussite de ces projets est celui de développer un avantage concurrentiel des organisations et produits de communautés extractivistes. Cependant, cet avantage ne peut pas être atteint si les coûts de production restent élevés (Anderson, 2002). Rodrigues (2004) remarque qu'il est très difficile pour ces nouvelles 132 organisations d'atteindre des économies d'échelle compatibles à celles d'autres entreprises installées depuis longtemps. Dès lors qu'elles ne peuvent pas commencer avec une grande échelle de production, elles sont obligées de vivre avec certains désavantages de coûts. Dans certaines procédures, notamment celles liées à la production et au transport des produits, les coûts font avorter les initiatives. Même si une infrastructure a été installée, il n'y a pas de capital pour l'achat de combustible pour le fonctionnement des usines et pour le transport. Barbosa (2001) mentionne aussi le problème causé quand il existe peu de ressources prévues pour le transport. Manque d'information sur les actions menées au sein des communautés Dans la plupart des projets de ce type, nous avons observé le manque de discussions menées au préalable pour expliquer et développer les actions qui seraient menées au sein de la communauté. Barbosa (2001) fait remarquer que, dans cette situation, les communautaires conservent un statut de spectateurs, au lieu d'acteurs, voire de protagonistes dans le processus. Un autre constat d´obstacle au succès des projets était la méconnaissance, par une grande partie des communautaires, du fonctionnement des UC d'usage directe129, le principal endroit d'exploitation du produit par la plupart des extractivistes de six coopératives concernées. Le manque d'une participation plus effective de membres de la communauté dans les décisions du Conseil de la réserve et de la coopérative a été observé, cela étant dû en partie au manque d´information. Dans ces cas, les membres de la communauté ne sont pas seulement les habitants locaux, mais aussi les agents de développement et les représentants du gouvernement (Barbosa, 2001 ; Dantas, 2004). La participation est prévue dans la loi, mais, dans la pratique, elle ne représente pas l'ensemble de la communauté. Cette situation se traduit par un isolement d'une grande partie des communautaires par rapport aux décisions et aux actions au sein de la coopérative. 129 Ce constat est en accord avec la déclaration d´un leader extractiviste qui comptait parmi les principaux membres des mouvements pour la création des aires protégées en Amazonie. Il affirme que le contexte d'urgence à l'époque n'a pas permis aux communautaires d´être pleinement informés et formés sur les conditions de fonctionnement et de gestion de ces espaces d'usage collectif. 133 Faible communication et intégration entre les différents organismes publics Il y a très peu de communication entre les différents organismes publics en ce qui concerne la planification des actions, notamment dans l'Etat de l'Amapá. Des équipes de projets spécifiques d'un secrétariat, lequel n´était pas d´ailleurs le seul concerné, n'étaient pas informés à l'époque de l'évaluation du contexte de la coopérative de l'Iratapuru par Barbosa, en 2001. Le tableau 2.8 présente les aspects retenus de l´étude exploratoire et des évaluations précédentes, suivis de la définition des facteurs clés concernant la réussite et/ou l´échec des projets de promotion des produits de l´extractivisme. (+) Conflits (de pouvoir et d´objectifs) Difficultés de familiarisation avec les nouveaux processus Coûts élevés (-) Blocage Réussite Tableau 2.8. Aspects retenus de l´étude exploratoire et des évaluations précédentes. Aspects mentionnés Facteur(s) clé(s) Gestion participative - Emergence des générations plus jeunes - Intérêt de la communauté à participer aux actions Production décentralisée - Stratégie non retenue en fonction des coûts élevés constatés Transfert de technologie et - Participation des incubateurs technologie préconisée - Technologies de simple usage et d´investissement compatible Création d´un avantage - Adapté de façon à mettre en valeur concurrentiel les particularités locales Réseaux d´entreprises - Structures de clusters et SPL Aspects mentionnés Elément(s) critique(s) Manque d´information Faible communication Dépendance intermédiaires des agents - Faible participation - Problèmes pour garantir l´écoulement de produits - Difficulté pour atteindre une économie d´échelle - Peu de discussions pour expliquer les actions et objectifs de projets - Communautaires comme des spectateurs - Manque d´intégration et d´un réseau de partenariats - Transfert de responsabilité des extractivistes Source : Elaboré par l´auteure. Comme résultat de la prise en compte des évaluations précédentes, mise à part la compréhension du contexte et la prise des éléments utiles pour une évaluation, la lecture de ces différents diagnostics a permis aussi de constater que la plupart des évaluations déjà faites sur les expériences en Acre et en Amapá ont été réalisées par des équipes qui avaient un certain type de relation, plus ou moins proche, avec les projets ou les 134 organismes participants. Rares sont les diagnostics faits par des évaluateurs externes aux projets, fournissant un cadre assez différent, voir optimiste de la réalité vécue par les participants engagés dans les projets. La lecture des matériaux concernant les expériences précédentes des projets, menées au sein des coopératives extractives, a été importante, non seulement pour une meilleure compréhension et une plus grande maîtrise du contexte du terrain, mais aussi pour rendre possible une analyse complémentaire – et parfois comparative – de ces six cas. Et si l´on considère qu´une telle association des aspects peut aussi aider d´autres équipes de recherche(-action) ayant l´intention de travailler avec des problématiques similaires concernant des communautés extractivistes, cet assemblage des cas précédents a aussi son utilité, dans la mesure où aucun des auteurs des évaluations précédentes n´a travaillé sur l´ensemble des six coopératives choisies. Notre proposition d´assembler ces évaluations nous permet d´avoir des éléments comparatifs entre les différents cas évalués, qui ne sont plus traités de façon isolée. La section 2.4 essayera de dégager les pistes de réflexion prises à partir de l´étude exploratoire et de la lecture des évaluations précédentes, pour conduire l´évaluation plus approfondie présentée dans le chapitre 3 et surtout pour construire un cadre théorique adapté au contexte de la recherche, qui sera approfondi au chapitre 4. 2.4) Pistes pour un cadre théorique et propositions de recherche 2.4.1) Référentiels théoriques possibles pour orienter la recherche A partir de l´étude exploratoire, des aspects concernant les obstacles de projets de promotion de PFNL ont été identifiés. Certains thèmes peuvent être clairement associés au management des coopératives extractives ou aux éléments de leur environnement, mais d´autres thèmes sont consubstantiels aux deux, car ils surpassent les limites internes et externes d´organisations. C´est le cas de la stratégie en milieu complexe et des stratégies collectives, que nous traiterons avant de passer aux référentiels associés au management des organisations collectives. 135 Stratégies collectives en milieu complexe : le paysage de fond du cadre théorique La complexité du terrain de notre recherche ayant été justifiée par le contexte et l´environnement130 (naturel et sociéconomique)131 des projets de développement local par la valorisation de produits de la forêt, les actions et/ou stratégies menées dans cet environnement peuvent être étudiées et/ou proposées comme des stratégies en milieu complexe, susceptibles d´évolutions imprévues, car la trajectoire et la cible fixées peuvent se révéler inadaptées (Avenier, 1997). Une stratégie en milieu complexe ne pourra pas pourtant être conçue comme une chose immuable, car « des situations mouvantes et potentiellement imprévues » (Avenier, 1997) sont inhérentes à ce contexte, où le processus stratégique devient imprévisible. « L´incertitude et la complexité environnementales rendent compte de l´impossibilité de prévoir et donc d´imaginer l´ensemble des solutions envisageables et d´évaluer leurs conséquences sur l´entreprise » (Camman-Lédi, 2000, p. 87). Et des adaptations ou changements de route doivent être prévus dès le début. Telle que la recherche-action menée par Camman-Lédi (2000) au sein d´une démarche collective de producteurs agricoles, notre recherche s´intéresse à une combinaison de l´approche de la stratégie collective entre délibéré et émergente, c´est-à-dire, entre celle que les dirigeants choisissent pour leur(s) organisation(s) et de celle qui naît des actions conduites dans l´organisation. « La formation de la stratégie n´est plus uniquement du ressort d´un groupe dirigeant et d´un service de la planification, elle naît dans l´action à tous les niveaux de l´organisation » (Camman-Lédi, 2000, p. 92). 130 Ici, comme dans l´ouvrage d´Avenier (1997), les termes environnement, milieu et contexte peuvent être utilisés de façon interchangeable. 131 La complexité de notre terrain peut être confirmée à partir de différentes dimensions : la complexité de l´environnement naturel de l´Amazonie (comme dans les dimensions écologique et spatiale) ; la complexité des populations traditionnelles (comme dans les dimensions sociale et culturelle) ; la complexité des filières extractives (comme dans les dimensions économique et politico-institutionnelle). Bien évidemment, il existe encore des imbrications entre ces complexités/dimensions. 136 Management des organisations telles que les coopératives a) Empowerment132 Dans le contexte interne, un thème qui paraît important est celui de la prise de pouvoir, ou l'empowerment, par les extractivistes. Barbosa (2001) a remarqué le manque de participation à cause de la non-information sur les processus liés aux projets, mais sans arriver à faire une association explicite avec le concept d'empowerment, qui exprime la détermination de ne pas seulement apporter une contribution (comme très souvent par la participation), mais de contribuer de manière à conduire vers un management visible dans les relations de pouvoir. La participation permet aux communautaires de prendre part aux structures de pouvoir, mais c'est à partir de l'empowerment qu'il est possible de changer les relations de pouvoir et les schémas ou configurations socio-économiques. Même les difficultés pour recevoir les nouvelles technologies et les nouveaux processus peuvent être associés au manque d'une stratégie d'empowerment. Développer133 «n'est pas transférer des connaissances, mais créer la possibilité pour sa propre production ou sa propre construction» (Freire, 2006, p. 47). Le concept d'empowerment devra pourtant être mieux approfondi dans le chapitre 4, afin de rendre possible la construction d'une nouvelle configuration locale, où les conditions favorables à l'empowerment par les communautaires soient prises en compte, mais aussi pour trouver des éléments associés au concept qui soient passibles de servir à une évaluation des projets de promotion du développement de communautés à partir de la promotion de PFNL. b) Auto-organisation et autogestion : des concepts complémentaires à l´empowerment ? Si l´empowerment au sein d´un groupe peut avoir une influence dans les stratégies pour provoquer des changements dans leur structure, les concepts d´auto-organisation et d´autogestion paraissent aussi jouer un rôle important en ce qui concerne non seulement 132 Des définitions pour le terme empowerment seront présentées dans le chapitre 3. Mais il est important de mentionner que, dans le vocabulaire francophone – principalement au Québec – la traduction la plus proche pour empowerment est celle d´autonomisation (Cornwall, 2005; Di Castri, 2005). Dans cette thèse, nous utiliserons la version anglophone du terme, plus répandue, même dans d´autres langues. Pour cette raison, le paragraphe qui développe le concept d´empowerment mobilise aussi celui d´autonomie. 133 Dans la phrase originelle de Freire, le verbe utilisé par l'auteur serait intégralement traduit par enseigner ou éduquer. L'adaptation de sa citation a été faite pour qu´elle soit mieux appliquée au contexte du terrain, car le développement est aussi un processus qui passe par la formation et l´apprentissage – individuel et collectif. 137 la durabilité politique, mais aussi la durabilité sociale et économique. Le chapitre 4 doit aussi proposer un lien entre empowerment, auto-organisation et autogestion pour adapter ces concepts au contexte interne des coopératives extractives. c) La gestion du changement Dans le contexte des stratégies pour provoquer les transformations au sein des organisations extractives, il est important de prendre des éléments liés à la gestion du changement, dans la mesure où « toute situation de gestion, y compris le changement, peut être la cible d´une rationalisation gestionnaire » (David, 1998). Une action quelconque pour provoquer des changements peut alors être prise comme une séquence d´étapes qui, malgré leur imprévisibilité dans une grande partie des cas, peut être sujet d´une planification adaptée ou tâtonnante (Avenier, 1997). Dans le chapitre 4, cette notion doit apparaître imbriquée dans les discussions sur empowerment, auto-organisation et autogestion, des concepts qui peuvent être étroitement liés à la conduite des changements au sein des organisations collectives groupant des populations traditionnelles. Environnement autour des coopératives a) L'approche filière L'approche filière, terme d'origine française, utilisé initialement dans l'économie industrielle, est, jusqu'à aujourd'hui, encore très utilisé dans les projets d'aide au développement. Vilhena (2004) et Rodrigues (2004) font référence à des filières diverses pour décrire le contexte d'exploitation de PFNL en Amazonie, notamment celles du caoutchouc et de la noix du Brésil. Cependant, le terme filière n'est pas défini précisément par ces auteurs, qui présentent des schémas et usages distincts du concept pour décrire le fonctionnement de la filière extractive en Amazonie. Dans certaines situations, le terme filière est mal employé, dès lors que sont faits des commentaires sur la création de filières, même si ces filières existent depuis longtemps. Probablement, le terme le mieux adopté serait aménagement ou structuration de la filière. De nombreuses études sur le contexte organisationnel de l'extractivisme de PFNL en Amazonie font souvent référence à un concept plutôt économique, mais sans le définir ou même sans détailler son fonctionnement. Tout de même, à partir de cette approche, il pourra être possible de comprendre les difficultés liées à la valorisation des produits 138 commercialisés par les castanheiros, à partir du moment où le produit ou le service sont les éléments primordiaux de l'approche filière. Pour une évaluation plus effective du contexte actuel de la filière de la noix du Brésil, il est important que l'approche filière soit adaptée aux spécificités de la région et non seulement citée comme dans la plupart des documents consultés. Leurs changements et contraintes, s´ils sont vérifiés à partir de la prise en compte de cette approche, peuvent être mieux compris. Dans les évaluations consultées, le concept de filière normalement accompagne les notions d'arrangements productifs locaux, de systèmes productifs locaux et de cluster. b) La représentation de la filière à partir du Supply Chain Plusieurs auteurs des évaluations précédentes ont aussi fait référence aux difficultés de relations internes et externes des coopératives de castanheiros, identifiant des problèmes de relations intra et inter organisationnelles. Néanmoins, l'approche de la chaîne d'approvisionnement (supply chain), qui considère les flux physiques et d'information, devant être planifiés et suivis par les acteurs participants, et qui valorise l'engagement pour garantir le succès de l'ensemble, n'a pas encore été utilisée pour analyser le contexte des acteurs liés à l'extractivisme et la commercialisation des dérivés de la noix du Brésil ou d'autres PFNL. L'analyse des relations des acteurs au sein de la chaîne peut aider à comprendre les principales difficultés identifiées par les évaluateurs et dans l'étude exploratoire. La dimension logistique au sein de la supply chain est fondamentale pour analyser les problèmes de gestion des flux physiques, particulièrement quand il s´agit de garantir la qualité des produits. Fabbe-Costes et Lemaire (2001) ont discuté l´importance de la gestion des flux (physiques et d´information) autour de la traçabilité totale d´une supply chain agroalimentaire. La traçabilité se présente comme un puissant outil de gestion des filières agroalimentaires, et également comme un système d´information très intéressant sur l´ensemble de la supply chain. c) Les concepts d´Arrangements Productifs Locaux et Systèmes Productifs Locaux ou Clusters et les actions pour leur développement Le concept d'APL ou arrangement productif local a aussi été cité dans certaines évaluations, même si, pour la plupart des auteurs, le contexte d'exploitation de la noix du Brésil n'est pas considéré comme faisant partie d'un APL formel. L'analyse des 139 difficultés des projets de promotion de la filière ou de la chaîne d'approvisionnement de la noix du Brésil pourra aussi être enrichie par l'identification d'éléments qui font obstacle au développement d'un APL de la noix du Brésil ou de PFNL dans les états de l'Acre et de l'Amapá. Une étude du concept d'APL sera aussi proposée dans le chapitre 4, pour essayer de comprendre les relations des acteurs internes aux filières ou supply chains avec d'autres acteurs institutionnels indirectement responsables de la promotion de leurs produits. L'évaluation de Coslovsky (2006) considère les expériences de coopératives de l'état de l'Acre comme des échecs, en comparaison avec la formation d'un cluster compétitif en Bolivie, actuellement formé par une vingtaine d'entreprises, situation qu´aucun état de l'Amazonie brésilienne n´a réussi à atteindre. L'auteur commente encore que la coopération entre les entreprises compte parmi les facteurs de succès d'un cluster. «Ce type de relation entre les entreprises (de la Bolivie), qui ne peut pas être caractérisé comme coopération, puisqu'il est réalisé dans des conditions contractuelles et commerciales, augmente l'interaction entre les entreprises, consolidant le cluster» (Coslovsky, 2006, p. 35). Ainsi, la forme de la coopération a une grande influence dans le succès des initiatives de promotion de PFNL. L'auteur suggère alors que les organisations brésiliennes (privées et publiques) apprennent avec le cas bolivien, et ne restent pas enfermées dans des faux constats, comme celui de penser que coopérer exige une transformation culturelle et que pour cela il faut du temps. Abrantes (2002) fait la distinction entre les Arrangements Productifs Locaux (APL) et les Systèmes Productifs Locaux (SPL). Selon l'auteur, ces derniers équivalent aux agglomérations des agents économiques, politiques et sociaux, - gouvernement, entités de classe, institutions de crédit, d'enseignement et recherche, localisés dans un même territoire, avec des liens consistants d'articulation, interaction, coopération et apprentissage, alors que, dans un Arrangement Productif Local (APL), les articulations locales ne sont pas suffisamment développées. Rodrigues (2004) a utilisé le concept de cluster pour désigner une structure très proche de celle de SPL définie par Abrantes (2002). Le cluster ou encore l'industrie de l'écosystème de Rodrigues concerne tout le territoire de l'état – l'Acre dans son étude – et toute sa gamme d'unité de production, industrialisation et services associés qui sont originaires de l'écosystème forestier. De cette manière, d'autres activités sont aussi 140 envisagées, comme la qualification professionnelle, la recherche et le développement par des instituts de recherche et des universités, ainsi que la promotion de l'infrastructure nécessaire à la production et les séminaires et d'autres événements de promotion des produits locaux. De cette manière, le cluster de l'écosystème signifie tout l'environnement nécessaire à l'usage durable de l'écosystème, où la participation des organismes publics dans sa structuration et sa consolidation est fondamentale. Au sein de ce cluster de l'écosystème, des réseaux en amont et en aval sont mentionnés. Les ramifications en amont dénotent l'existence d'un réseau d'industries inter liées et d'un appui qui commence par le support aux opérations extractivistes à l'intérieur de la forêt. «Un ensemble de moteurs et embarcations, ainsi que des ustensiles de pêche et de cueillette [...] sont nécessaires à la pratique des activités d'exploitation des ressources de la forêt, pour l'offre de matière première et pour la dynamisation du premier lien de la filière extractive» (Rodrigues, 2004, p. 201). En aval, la production doit être dirigée vers l'approvisionnement d'un client spécifique qui, de son côté, fait partie d'un réseau d'acheteurs de ces produits. L'auteur cite aussi la nécessité d'une grande ramification – en amont et en aval – pour cette industrie/cluster. Cette condition doit être mieux analysée en ce qui concerne la filière noix du Brésil au sein d'une telle structure. Si l'une des caractéristiques des clusters est exactement leur spécialisation, l'insertion de la filière noix du Brésil dans un ensemble d'autres filières de l'écosystème doit être mieux évaluée. «Le cluster de l'écosystème commence dès les opérations concentrées sur l'extraction de produits à l'intérieur de l'écosystème et va jusqu'au consommateur final du produit ou service considéré, comprenant les relations existantes au long de toute la filière» (Rodrigues, 2004, p. 493). L'avantage concurrentiel du cluster doit être consolidé à partir des liens de coopération entre ces différents acteurs autour d'un objectif commun: débattre ensemble dans un secteur où ils sont des spécialistes. La structuration de ce cluster, classé par l'auteur comme cluster «informel» ou de «survivance»134, requiert l'effort concentré des divers acteurs engagés : entrepreneurs, extractivistes, gouvernements et, parmi ces acteurs, les responsables pour les 134 Selon l'auteur, les caractéristiques de ces types de clusters sont: grande concentration de petites et très petites entreprises, absence d'un leadership, petite capacité d'innovation, faible spécialisation et coopération inter firmes et concurrence élevée parmi les entreprises. 141 technologies appropriées. Pour lui, le principal de succès de ce cluster est l'organisation institutionnelle. d) La Théorie des Parties Prenantes Même si la traduction française pour le terme stakeholders est considérée comme incomplète par Aggeri et al. (2005)135, la notion des parties prenantes est fortement liée à la problématique de notre recherche136, tantôt dans le « temps fort » de l´évaluation des expériences précédentes, comme dans le « temps fort » de la recherche-action avec un groupe précis d´acteurs locaux. Dans le contexte de notre recherche, notre notion des parties prenantes est en accord avec celle de Grimble et Wellard (1997), qui les définissent comme un groupe de personnes, organisées ou non, qui partagent des intérêts137 ou des enjeux communs dans un sujet ou un système en particulier. Les auteurs présentent l´analyse des stakeholders comme un outil propice à l´analyse et la formulation des politiques, telles les politiques de ressources naturelles et les programmes de développement. « C´est une approche pour identifier un système et des changements138, par l´identification d´acteurs-clés ou stakeholders, en découvrant leurs intérêts respectifs dans ce système. [...] développé en réponse à des intérêts et objectifs multiples, notamment dans la recherche de stratégies de développement qui soient efficientes, équitables et durables dans la dimension environnementale» (Grimble et Wellard, 1997, p. 173). La problématique de la recherche ayant été définie, de même pour les choix épistémologiques et méthodologiques, nous avons ensuite décrit les contextes de six coopératives extractives, suivi des conditions favorables et des points de blocage de projets menés au sein de ces organisations. Nous présenterons ensuite les propositions correspondantes à chaque question de recherche posée en section 2.1. 135 La traduction du terme stakeholders en français, est « parties prenantes », qui selon Aggeri et al. (2005), est incomplète par rapport à toutes les caractéristiques des relations que les stakeholders peuvent avoir avec les entreprises. « Les stakeholders de l’entreprise peuvent recouvrir des groupes aussi divers que les Pouvoirs Publics locaux ou nationaux, les salariés, les riverains, les actionnaires, les communautés locales, les clients, les fournisseurs, etc. La notion de « partie prenante » [...] ne rend que très imparfaitement compte de l´hétérogénéité, la variabilité et la précarité de l´identité de ces stakeholders et de leurs relations avec l´entreprise » (Aggeri et al., 2005, p. 45). Dans le chapitre suivant nous reviendrons sur ce concept. 136 Pour Aggeri et al. (2005), les stakeholders sont « tout groupe ou individu qui peut influencer ou être affecté par l’atteinte des objectifs de l’organisation ». Cette notion peut aussi être appliquée au contexte des projets. 137 Pour les auteurs, le terme « intérêt » veut représenter le niveau d´utilité ou de bien-être aperçu par les stakeholders. 138 Des gains ou des pertes dans les utilités aperçues par les stakeholders. 142 2.4.2) Propositions de recherche Quivy et Van Campenhoudt (1995, p. 109) rappellent que les propositions « constituent en quelque sorte des réponses provisoires et relativement sommaires qui guideront le travail de recueil et d'analyse des données et devront en revanche être testées, corrigées et approfondies par lui ». Dans le cas de cette recherche, l´objectif n´est pas celui de valider ou vérifier avec des outils statistiques si les propositions sont correctes ou fausses. «Ce sont plutôt des «orientations» que des présupposés théoriques à vérifier» (Mucchielli, 1994, p. 95). Il faut d’abord comprendre la situation autour de la proposition pour enfin pouvoir confirmer sa pertinence. Les propositions qui seront présentées sont liées à chacune des questions posées précédemment au § 2.1.1. Elles ont été développées à partir des éléments identifiés dans les évaluations précédentes sur les coopératives concernées et devront être confirmées après l´évaluation menée dans le chapitre suivant. Les propositions P1 à P3 sont liées à la question Q1, la proposition P4 correspond à la question Q2, la proposition P5 à la question Q3 et finalement la proposition P6 correspond à la question Q4. La première proposition liée à Q1 a été construite autour de l´idée que les actions conduites dans les projets n´ont pas réussi à promouvoir la valorisation prévue, principalement à cause des visions réductrices, qui auraient conduit à des décisions trop restrictives. P1 (Q1) – Pour valoriser les produits de l´extractivisme, il est nécessaire de combiner diverses actions. La deuxième proposition concernant la question Q1 veut identifier un lien entre le manque d´empowerment au sein des organisations extractives et les difficultés des projets en question. P2 (Q1) – L´absence des actions pour promouvoir l´empowerment au sein des organisations collectives constitue un risque pour la durabilité des projets de développement. 143 L’empowerment des organisations représentatives des extractivistes devrait être un objectif primordial dans ces projets, afin de leur donner les conditions de développer leur groupe et leur organisation. Les concepts d´autogestion et d’auto-organisation peuvent aussi être appelés pour comprendre le contexte de P2, ainsi que celui de design et conduite de projets de développement, dans la mesure où les objectifs de projets doivent être proposés et révisés, respectivement, dans ces deux étapes de projets. Les éléments théoriques sur le design et la conduite de projets peuvent se montrer pertinents pour étudier aussi le contexte de P1. La dernière proposition liée à Q1 considère qu´une vision réductrice des relations existantes entre les travailleurs extractivistes et les agents intermédiaires peut aussi empêcher ou influencer le développement des actions des projets et, par conséquent, leurs résultats. P3 (Q1) - Les relations socioéconomiques et les processus logistiques liant les collecteurs, les coopératives et les agents intermédiaires peuvent apporter des éléments favorables à la réussite des projets de développement amenés au sein des coopératives extractives. Les relations socioéconomiques, pas nécessairement de pouvoir, entre les extractivistes et les agents intermédiaires datent de longtemps et il faut bien les comprendre – théoriquement et empiriquement - pour savoir dans quelle mesure elles pourraient être préjudiciables aux projets de valorisation de produits issus de l’extractivisme. Des notions sur le fonctionnement des filières et de supply chains de ces produits pourrait aussi aider à cette compréhension. La proposition P4, liée à la question Q2, veut aider à comprendre un aspect précis sur le rôle de l’adoption d’une approche de management intégrée (Supply chain management) dans de tels projets. P4 (Q2) – L´absence d’une représentation de la Supply Chain par les divers acteurs au sein des filières de PFNL peut être un frein à la réussite des projets de valorisation de ces produits. 144 Ici, le cadre théorique associé au supply chain devra être mobilisé. Les concepts de supply chain management et supply chain orientation pourront aussi être exploités. La proposition P5 essaie de répondre à la question Q3, non seulement à partir d’une compréhension externe aux acteurs et au contexte, mais aussi à partir de la participation dans une action précise. Le cadre des relations économiques et sociales entretenues entre les extractivistes et les agents intermédiaires pourra être étudié, ainsi que les concepts liés aux filières, aux supply chains (SCM, SCO) et à celui des réseaux. La méthodologie de la recherche-action est indiquée pour travailler les questions Q3 et Q4, à partir des réponses aux questions Q1 et Q2, qui seront interprétées dans l’évaluation des cas choisis des six coopératives. Rappelant la question Q3 et sa proposition respective, P5 : Q3 - Comment est-il possible de proposer et de construire une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, en partant des éléments dégagés des expériences précédentes? P5 - Une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil peut être proposée visant un groupe précis, après une redéfinition des rôles des acteurs, des circuits de distribution liés à la filière et des relations entre les extractivistes, leurs organisations collectives et d´autres acteurs de la filière. Le couple Q3-P5 correspond au chemin cadre théorique → pratiques de terrain, c’est-àdire, qu´à partir des éléments conceptuels dégagés de Q1 et Q2, Q3 il veut savoir comment proposer et construire, voire provoquer un changement au sein d’un groupe d’extractivistes, avec l’engagement de plusieurs acteurs participant directement ou indirectement à la filière noix du Brésil. La proposition P6, liée à la question Q4, constitue l’un des possibles objectifs de la recherche-action. Ici, l’intention est celle «d’agir pour connaître», c’est-à-dire, «de changer la réalité sociale pour produire des connaissances sur celle-ci». Mais il faut rappeler que, au sein de l´étape d’évaluation de projets, il y a l’intention de «connaître pour agir», ou, «de produire des connaissances en vue de changer cette réalité» (AllardPoesi et Perret, 2003, p. 88). Le processus de production des connaissances à partir de 145 l´action menée représenterait le bouclage de la recherche-action, ou, dans le cas de cette recherche, l´apprentissage de l´équipe de projet par l´action. La question Q4 et sa proposition correspondante, P6 : Q4 - Quelles connaissances, à partir de l’expérience dans un projet de recherche-action, peuvent être apportées au sein d´un groupe de chercheurs-acteurs afin de permettre la construction des configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux? P6 - De l’expérience vécue sur le terrain par les participants à la recherche-action, il est possible de faire émerger de nouvelles connaissances sur la gestion de projets de développement local. Pour le couple Q4-P6, le chemin terrain → création des connaissances a été proposé, ce qui veut indiquer un exercice de réflexion sur les actions spécifiques menées sur le terrain choisi, en identifiant ce qui n’était pas auparavant mentionné dans la littérature sur les projets de promotion du développement (durable) des communautés extractivistes. Ici, les aspects théoriques du design, de la gestion et de l’évaluation de projets de développement pourraient aider dans les premières étapes de la recherche, pour contribuer aussi au diagnostic de projets. Ultérieurement, comme il fallait travailler sur un projet de construction d’une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, ces éléments pourraient être mobilisés, ainsi que l’aspect de la recherche-action qui concerne l’apprentissage d’un groupe à partir de l’expérience au sein d’un projet de développement local. Ainsi, pour travailler les questions et les propositions décrites ci-dessus, il fallait trouver un groupe de travailleurs extractivistes qui n’avait pas encore participé directement à un projet ou programme similaire à ceux déjà menés avec les coopératives étudiées dans les états de l’Acre et de l’Amapá. Cette condition s´avérait importante, puisqu´il était alors possible d´accompagner, dès le début, les changements et les nouvelles connaissances provoquées par l’action menée en coopération avec le groupe choisi. Deux aspects ont dû être précédemment discutés avec les acteurs participant à cette action, notamment les communautaires. Le premier consistait à confirmer avec eux leur 146 avis sur leur condition actuelle au sein de la filière, ce qui a été pris dans un diagnostic participatif. Le deuxième était de connaître leurs attentes sur les changements potentiels provoqués après la conduite de la recherche-action, dans la mesure où la nouvelle configuration à construire pouvait changer la condition d'«équilibre» dans laquelle les acteurs de la filière se trouvaient. Le tableau 2.9 résume les liens entre les questions, les propositions et les thèmes premièrement identifiés pour démarrer la recherche. Ces thèmes seront approfondis dans le chapitre 4. Tableau 2.9. Questions et propositions de recherche. Questions de recherche Q1 - Pourquoi les projets de promotion du développement durable de communautés extractivistes à partir de la valorisation de leurs produits, malgré les investissements et la stimulation de leur organisation collective, ne sont-ils pas parvenus aux changements initialement prévus dans la configuration locale de ces filières? Q2 – L´absence d´une représentation de la gestion intégrée de la filière noix du Brésil par les acteurs locaux représentet-elle un facteur déterminant pour le succès (ou l´échec) des projets de développement à partir de la valorisation des produits de la forêt? Q3 - Comment est-il possible de proposer et de construire une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, en partant des éléments dégagés des expériences précédentes? Q4 – Quelles connaissances, à partir de l’expérience dans un projet de recherche-action, peuvent être apportées au sein d´un groupe de chercheursacteurs afin de permettre la construction des configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux? Propositions Thèmes à développer P1– Pour valoriser les produits de l´extractivisme, il est nécessaire de combiner diverses actions. P2 – L´absence des actions pour promouvoir l´empowerment au sein des organisations collectives constitue un risque pour la durabilité des projets de développement. P3 - Les relations socioéconomiques et les processus logistiques liant les collecteurs, les coopératives et les agents intermédiaires peuvent apporter des éléments favorables à la réussite des projets de développement amenés au sein des coopératives extractives. P4 – L´absence d’une représentation de la Supply Chain par les divers acteurs au sein des filières de PFNL peut être un frein à la réussite des projets de valorisation de ces produits. P5 - Une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil peut être proposée, visant un groupe précis, après une redéfinition des rôles des acteurs, des circuits de distribution liés à la filière et des relations entre les extractivistes, leurs organisations collectives et d´autres acteurs de la filière P6 - De l’expérience vécue sur le terrain par les participants à la recherche-action, il est possible de faire émerger de nouvelles connaissances sur la gestion de projets de développement local Création de valeur / Avantage concurrentiel / Filière Empowerment, Autoorganisation/autogestion, Design, Gestion et Évaluation de projets, Stratégies Collectives, Stratégie en Milieu Complexe Filière, Supply Chain (SC), Réseaux et Système Productif Local (SPL), Théorie des Parties Prenantes Supply Chain (SC), Supply Chain Management (SCM), Représentation du Supply Chain (Supply Chain Orientation – SCO), Théorie des Parties Prenantes Approches filière, SC, SCM, SCO, Réseaux, SPL, Design, Gestion et Évaluation de projets, Gestion du Changement, Stratégies Collectives, Stratégie en Milieu Complexe, Théorie des Parties Prenantes Design, Gestion et Évaluation de projets, Stratégies Collectives, Stratégie en Milieu Complexe, Théorie des Parties Prenantes, Recherche-action139 Source : Elaboré par l´auteure. Les questions Q1 et Q2, avec leurs propositions respectives, proposent la recherche d’une compréhension de problèmes du terrain pour ensuite provoquer des changements sur celui-ci. Les couples «questions-propositions» Q3-P5 et Q4-P6 demandent d’abord 139 La recherche-action n’est pas un élément théorique, mais elle a été positionnée à coté des pistes théoriques parce qu´elle peut être vue comme une méthodologie, mais aussi comme un cadre très particulier qu’il fallait approfondir pour conduire cette recherche. 147 une action qui, même si elle s´appuie sur un cadre conceptuel, sera utilisée comme matière pour une réflexion sur cette expérience collective. Le schéma de la figure 2.6 propose le lien entre les questions et propositions de recherche et le paradigme épistémologique correspondant qui a été justifié à la section 2.2. P1 RECHERCHE P3 Q1 Agir pour connaître Q2 Q3 P5 Q4 P6 P4 CONSTRUCTIVISME ACTION Connaître pour agir P2 INTERPRETATIVISME Figure 2.6. Les questions et propositions et les paradigmes épistémologiques associés. Source : Elaborée par l´auteure. 148 Conclusion du Chapitre 2 - Démarche proposée et chronologie de la recherche L´objectif de ce chapitre était celui de concevoir une problématique de recherche et de bâtir un chemin pour comprendre et agir autour de celle-ci. A partir des éléments pris lors d´une étude exploratoire, nous avons commencé la construction de la problématique dans la section 2.1, en posant les questions de recherche et en présentant les hypothèses de travail et les ambitions de notre thèse. Dans la section 2.2, les choix épistémologiques et méthodologiques ont été justifiés, ainsi que le choix du terrain. Notre recherche se situe entre les épistémologies interprétativiste et constructiviste, car nous proposons d´abord une compréhension approfondie du contexte du terrain comme condition pour démarrer une nouvelle action de développement local. La section 2.3 a fourni des informations concernant le contexte général et spécifique de chacune des 6 coopératives retenues pour conduire une évaluation des projets de valorisation des produits forestiers, ainsi qu´un état des diagnostics déjà produits sur ces coopératives. Et finalement, la section 2.4 nous a permis de retenir de possibles thèmes d´étude à partir des diagnostics discutés dans la section précédente, ainsi que de présenter les propositions de recherche. Les pistes théoriques à approfondir ont été suggérées dans le tableau 2.9. Les éléments développés dans ce chapitre, associés à une évaluation plus détaillée (chapitre 3), concernant les 6 cas de coopératives présentés, veulent permettre la construction d´un cadre théorique pertinent et adapté au contexte du terrain (chapitre 4), susceptible d´orienter une action de changement de la configuration locale de la filière noix du Brésil dans un site différent de ceux précédemment étudiés (chapitre 5). La figure 2.7 propose un schéma chronologique des étapes de la recherche. L´étape d´évaluation et de réflexion sur l´expérience de la recherche-action correspond au chapitre 6, où un retour aux réflexions théoriques et méthodologiques est suggéré. 149 Figure 2.7. Chronologie de la recherche. 2003 Etude Exploratoire Amapá: Premières questions 2004 Construct. Problémat. Revue de Littérature 2005 2006 Evaluation Projets (Etude de 6 cas Acre et Amapá) Diagnostic PAE Maraca 2007 2008 Evaluation et réflexion sur les expériences d´évaluation et de la recherche-action Recherche-Action PAE Maraca Revisites à la littérature Source : Elaborée par l´auteure. 150 Chapitre 3 - Proposition d´une évaluation de projets menés au sein des six coopératives extractives Les lectures concernant les analyses faites par d’autres auteurs ont beaucoup contribué à l'évaluation des cas se rapportant aux six coopératives concernées par notre évaluation. Cette lecture de diagnostics précédents n'a pas voulu restreindre le cadre de référence pour la proposition des indicateurs pour l'évaluation des projets, mais plutôt aider à la compréhension et à la familiarisation du contexte des expériences vécues par les acteurs participants aux projets choisis. Ce diagnostic présente les résultats des six études de cas réalisées auprès de six expériences de valorisation de produits forestiers non-ligneux, notamment la noix du Brésil. Trois des démarches étudiées ont eu lieu dans l’état brésilien de l’Acre et les trois autres dans l’état de l’Amapá. La localisation de ces deux états, ainsi que les noms des coopératives et sites au sein desquels ces expériences ont étés menées ont déjà été montrés dans la figure 2.3, chapitre 2. L’intérêt du diagnostic réside surtout dans de nouvelles associations entre quelques pistes théoriques et les situations vécues sur le terrain. Ces liens doivent nous permettre d´approfondir le cadre théorique, qui doit contribuer à la construction d’un autre projet dans un contexte similaire à ceux des coopératives précédemment évaluées. Ce chapitre est organisé en trois sections. La première section est divisée en deux paragraphes. Le premier paragraphe est dédié aux orientations concernant les principales phases d’un projet : design, conduite et évaluation (§3.1.1). Le deuxième paragraphe propose une grille d’évaluation de projets intégrant des aspects du développement durable et d´autres liés au contexte externe d´organisations (§3.1.2). La section 3.2 concerne l’évaluation de projets menés au sein de six différentes coopératives extractives. Elle est divisée dans trois paragraphes. Les deux premiers présentent d’abord l´évaluation des dimensions du développement durable (§3.2.1) et des aspects organisationnels (§3.2.2). Une évaluation consolidée de ces six cas est présentée en §3.2.3. 151 La section 3.3 propose de dégager les principaux aspects évalués en section 3.2 pour qu’ils puissent servir à la proposition d’un autre projet, qui a dû prendre en compte les aspects positifs et négatifs des projets évalués. La section est aussi organisée en trois paragraphes. En §3.3.1 et §3.3.2 des réponses respectivement pour les questions Q1 et Q2 sont développées. Et en §3.3.3, les éléments dégagés de ces réponses ont orienté une proposition de changement au sein d´une configuration locale de la filière noix du Brésil. 3.1) Construire la méthode d'évaluation des coopératives La génération des revenus visant le développement des communautés locales, associée à la préservation des ressources de la forêt, est une question très complexe, qui demande des efforts multidisciplinaires, non pas seulement d´organisations environnementalistes, mais aussi d’autres, liées à la promotion du développement local (Butler, 1992). Des bases conceptuelles et des repères méthodologiques pour penser et conduire l’action stratégique en milieu complexe ont été proposées par Avenier (1997) et peuvent être utilisées pour réfléchir et évaluer les initiatives et stratégies choisies dans cette recherche. Les actions concernant ces initiatives doivent pourtant être évaluées à partir d’une intégration des aspects pluridisciplinaires. Le défi réside dans le fait qu’il faut trouver l’équilibre entre les diverses disciplines, dans une approche systémique, afin de ne pas avoir une division des aspects disciplinaires au sein de ces évaluations. Dans le même ordre d´idées, au sujet des acteurs intervenants et des acteurs concernés par les projets, Houée (2001) considère qu’un bon diagnostic conjugue savoir, intuition et expérience, car il «croise le regard interne porté par les habitants du territoire et l’analyse plus distancée d’experts extérieurs, mais toujours appropriée par les forces locales» (p.152). En cela, l’auteur veut renforcer l’importance de garantir le fait que, dans une évaluation des projets, les différentes parties concernées soient écoutées, depuis les communautaires jusqu’aux bailleurs des fonds, en passant par les gestionnaires des projets et des institutions (publiques et privées) participantes. Sachs (1997) reconnaît l’importance des scientifiques au sein de ces processus, mais remarque qu’ils ne doivent pas être les seuls responsables pour cette évaluation critique. « Il faut 152 que la société civile établisse dans ce domaine ses propres institutions, en supplément aux mécanismes gouvernementaux et intergouvernementaux » (p. 74). Dès lors que les aspects liés à l’empowerment et à l’autonomie des acteurs seront évalués, il est pertinent de connaître le contexte de proposition du projet, car, parfois, un projet peut, en même temps, avoir été proposé au sein d’un programme, mais avoir aussi émergé d’une initiative locale. Parmi les initiatives qui cherchent à promouvoir le développement durable au sein des communautés extractives en Amazonie, nous pouvons citer les sous-programmes et projets liés au Programme Pilote pour la Conservation des Forêts Tropicales (PP-G7), comme le Sous-programme des Projets Démonstratifs (PDA) et le Projet d’Appui à la Gestion Forestière Durable en Amazonie (Pro-Manejo). En plus des initiatives du PPG7, nous pouvons également mentionner les actions d’implantation de l’Agenda 21 brésilien, qui voit ses principes réunis dans le Plan Pluriannuel (PPA), avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). En réalité, certains programmes locaux ont également été aussi intégrés dans ces initiatives ayant un soutien international. Le Programme Luz para Todos (Lumière pour Tous), géré par le Ministère des Mines et de l’Energie est un exemple. Avec l’appui du PNUD, il promeut des actions et projets aux niveaux locaux et régionaux, avec le partenariat des institutions municipales et de chaque état brésilien, mais aussi avec une participation d’institutions de recherche, notamment en ce qui concerne les solutions à la distribution de l’énergie pour les communautés rurales les plus isolées. Cette section est divisée en deux paragraphes. En § 3.1.1, des éléments conceptuels sur le design, la conduite et les différentes approches possibles pour les évaluations de projets sont discutés. En § 3.1.2, après avoir présenté les principaux objectifs de l´évaluation, nous groupons les aspects à évaluer dans sept dimensions différentes : environnementale (D1), économique (D2), sociale (D3), spatiale ou territoriale (D4), politico-institutionnelle (D5), culturelle (D6) et organisationnelle (D7). 153 3.1.1) Design, conduite et évaluation de projets «...toujours le développement aura un caractère aléatoire [...] les échecs sont beaucoup plus nombreux que les réussites, les progrès sont toujours incertains» (Morin, 1990, p. 282). Design et conduite de projets Nous renforcerons prioritairement ici les aspects concernant la pertinence des méthodes et des actions choisies au sein des projets de développement. Un design adapté au terrain s’avère fondamental pour la réussite des actions collectives. Quand il s’agit des milieux complexes, comme la plupart des problématiques touchant les communautés rurales des pays en développement, Avenier (1997) observe que : « les représentations qu’un individu se forge d’un phénomène qu’il perçoit complexe étant toujours susceptibles de laisser de côté des aspects potentiellement importants, le phénomène peut aussi exhiber des comportements imprévus, c’est-à-dire des comportements que cet individu n’aura pas anticipés mais qui lui seront néanmoins intelligibles a posteriori. Inversement, si un phénomène présente de façon récurrente des comportements imprévus, cela signifie que les représentations que l’on s’en construit ignorent des aspects importants. Complexité va donc de pair avec imprévisibilité » (p.13). Il est souhaité que les décisions prises dans le design d’un projet puissent être révisées « chemin-faisant », au fur et à mesure que certains aspects non prévus commencent à mettre en péril la réussite des projets, ainsi que d’autres aspects ou phénomènes auparavant pensés comme ayant une forte influence, mais pouvant ne pas présenter les résultats ou impacts prévus au début. En ce qui concerne les projets tels que ceux qui seront évalués dans ce chapitre, il est attendu qu’ils n’aient pas exclusivement pour objectifs de promouvoir le développement à partir de la valorisation des produits de l’extractivisme. Ils doivent aussi se fixer des objectifs de développement de la communauté par rapport à d’autres aspects que l’économique, comme le social et le politico-institutionnel. Sachs (2004) contribue aux réflexions précédentes en suggérant que les pays moins développés doivent faire un effort pour augmenter les services de base dans leurs budgets, notamment les services d´éducation et de santé, pour des raisons évidentes, mais aussi parce que, concernant l´amélioration de services de santé, celle-ci peut promouvoir une élévation des budgets familiaux par le fait que beaucoup de travailleurs arrêtent de produire à cause des conditions précaires de santé. Nous pouvons donner pour exemple 154 le nombre élevé de cas de malaria (paludisme) dans une même année parmi les castanheiros. Sachs (2004) aborde aussi l´importance qui doit être accordée aux activités de subsistance, au sein des populations rurales. Cette situation est également observée dans le contexte des communautés extractives. L’auteur souligne qu’un certain niveau de rationalisation et de modernisation de ces activités aurait un effet très positif dans le bien-être de ces populations, si les responsables donnaient davantage d´attention à la dissémination des connaissances et à l´offre de techniques plus efficaces, capables d´économiser des efforts dans des activités telles que la préparation et la conservation des aliments, la génération de l´énergie, la construction des maisons, l´approvisionnement de l´eau potable, etc. Ces aspects sont à prendre en compte, même s´il ne font pas toujours l´objet de projets visant la valorisation des produits des travailleurs ruraux. Les membres du groupe (association, coopérative ou autre type d’organisation) sont en général censés donner la priorité aux activités collectives, généralement au détriment de leurs propres activités familiales, même si ces dernières ont aussi une influence sur leurs revenus individuels. L’origine et l’évolution d’un projet au sein d’une organisation sont très influencées par leurs concepteurs. Quand elles ont été pensées par des acteurs externes et situées à une autre échelle ou un niveau organisationnel, elles consistent en des stratégies « top down », de la même manière que, lorsqu´elles émergent ou ont la participation d´acteurs bénéficiaires ou usagers, il s’agit de stratégies « bottom-ups ». Avenier (1997) reconnaît qu’il peut exister des actions stratégiques menées dans des milieux complexes, sans qu’elles aient été proposées par les directions générales. « Elles ont été élaborées en référence à une certaine politique ou vision stratégique et représentent des ruptures pour l’organisation qui les a mises en oeuvre » (p. 8). Ces actions sont qualifiées «d’actions stratégiques locales », pour les différencier de celles qui ont été conçues de façon « top-down » ou délibérée. Le contexte considéré par l’auteur est celui des organisations, mais il peut aussi être comparé à celui des politiques de l’Etat et des actions locales. Les actions stratégiques locales, dans ce contexte, seraient pourtant celles qui n’ont pas seulement été demandées, mais aussi menées par des acteurs locaux, pouvant aussi représenter des ruptures par rapport aux approches proposées auparavant par les institutions publiques. Ces stratégies peuvent apporter de 155 l’innovation, du changement, donc une rupture par rapport aux interventions habituelles. En ce qui concerne la conduite de démarches collectives, il importe que chaque étape soit gérée et accompagnée, car «plus le temps qui s’écoule entre une idée et sa mise en acte est long, plus un contexte complexe est susceptible d’évolutions importantes et imprévues [...] il importe d’être capable de s’adapter rapidement à des situations qui n’auront pas été prévues» (Avenier, 1997, p. 15). Mais il est important aussi, dans certains cas, d’attendre qu’un processus naturel soit déclenché, et qu’un groupe soit accepté par tous comme étant le leader. Si les choses sont forcées, il y a le risque que le processus ne soit pas légitime, avec des conséquences négatives dans le futur, comme le manque de participation ou d´engagement d’une partie ou de l’ensemble des membres. Evaluation de projets Butler (1992) affirme que dans les projets de développement local, les ONG et les communautaires devraient être conscients dès le début que leur projet pourrait être suivi ou évalué comme faisant partie d´un processus d´apprentissage. Pour cet auteur, le succès des projets ne devrait jamais être évalué en fonction uniquement des aspects productifs – la construction d´un bâtiment, la réalisation d´un cours, etc - mais aussi en fonction du niveau d´apprentissage auquel les responsables et les bénéficiaires sont arrivés. Les résultats d’une démarche d’évaluation ne veulent pas nécessairement apporter des connaissances nouvelles sur un phénomène universel, comme dans une démarche scientifique, mais plutôt contribuer à un processus d’apprentissage des acteurs – évaluateurs et évalués – qui peut aider dans les actions suivantes, concernant la même action ou un nouveau projet ou programme. La démarche d’évaluation sera toujours davantage liée aux problématiques de terrain. Mais, elle peut aussi être vue comme un processus de construction de connaissances à partir de l’interaction de l’évaluateur avec son terrain – les acteurs et/ou les phénomènes à évaluer. Les connaissances sur l’application des méthodes d’évaluation des actions peuvent ainsi être renouvelées. Cela peut représenter un apport dans des domaines très précis et qui dépendent 156 beaucoup des évaluations, comme celui des politiques publiques pour le développement local. En ce qui concerne l’évaluation d’une action sociale, Lièvre (2002) propose trois approches: par les objectifs, par les acteurs et par les moyens ou les résultats. • Approche par les objectifs : elle consiste à « tenter de déterminer si les effets provoqués par l’action sont bien conformes aux objectifs affichés » (p. 38). L’action ne doit pas être innovante – il n’existe pas d’information permettant de concevoir à l’avance des objectifs mesurables qui aient un sens. L’évaluation ne pourra être introduite qu’après le déroulement de l’action (évaluation récapitulative et ex-post). Normalement, elle est mise en oeuvre par des acteurs extérieurs à l’action. • Approche par les acteurs : elle est utilisée dans les cas de mise en place d’actions innovantes, permettant des rétroactions entre les différents acteurs. Elle consiste à rendre compte des modes de coordination, de coopération entre les différents partenaires en fonction de leurs enjeux respectifs, mais aussi des informations nécessaires au déroulement du programme. Elle doit « s’engager avant la fin du déroulement de l’action afin de permettre des rétroactions sur l’action. [...] Il s’agit d’élargir la conscience de chaque acteur vers un point de vue plus collectif » (p. 39). • Approche par les moyens ou les résultats : elle est intermédiaire aux deux approches précédentes. Cette démarche «permet de rendre compte de ce qui s’est passé effectivement au cours du déroulement de l’action» (p. 40), sans se soucier de ce qui était initialement prévu. Elle propose d´évaluer si les moyens utilisés ont permis aux acteurs de mener l’action d’une manière satisfaisante jusqu’à son terme et d´identifier les obstacles au bon déroulement de l´action. Même si nous nous intéressons à analyser aussi ce qui a été considéré dans le design des projets, l’approche adoptée dans l’évaluation des projets de développement au sein des six coopératives a été l’approche par les moyens, pour rendre possible l´identification des obstacles ou situations favorables expérimentées par les acteurs des projets. 157 Revenant au contexte des 6 projets qui seront évalués dans ce chapitre, il est évident que les indicateurs conventionnels ne sont pas suffisants pour répondre aux questions sur la durabilité des projets, ainsi qu´aux questions concernant les objectifs spécifiques dont cette durabilité est également dépendante. De ce fait, en § 3.1.2, nous discuterons des questions et des aspects qui s’avèrent pertinents pour identifier la réussite ou l’échec des projets de développement à partir de la promotion des produits forestiers, en évaluant non seulement les trois dimensions classiques du développement durable (environnementale, sociale et économique), mais aussi en considérant les dimensions (politico-institutionnelle, spatiale et culturelle) proposées par Sachs (1990, 2005) et en accordant une « dimension organisationnelle » pour prendre en compte les aspects liés à la gestion intra et interorganisationnelle des coopératives analysées, encadrés dans les concepts de filière, supply chain et système productif local. 3.1.2) Définition des aspects des projets à évaluer L´évaluation de projets proposée a comme principal objectif l´identification des aspects et situations à garantir ou à éviter dans les actions futures, visant le développement local à partir de la promotion des PFNL, et orientée par les dimensions du développement durable et les dimensions organisationnelles. Cette évaluation doit alors servir comme un outil « d´aide à la construction » de nouvelles actions dans des contextes similaires. Les revues de littérature menées dans les chapitres précédents ont permis de repérer des aspects centraux concernant les projets de développement des communautés extractives à partir de la valorisation de leurs produits et des tentatives de développement de leurs organisations. Pour construire ici une grille d’analyse de ces projets, nous proposerons une tentative de groupement des éléments d’évaluation par rapport aux dimensions usuelles du développement durable, mais aussi d´évaluation des éléments liés à la « dimension organisationnelle » des projets de développement menés au sein des coopératives. En prêtant attention à la remarque de Morin (1990) sur les risques d’une simplification rendant une évaluation mutilante, il est parfois nécessaire de faire des «clôtures provisoires» à partir de «simplifications pertinentes». Ce groupement des items à évaluer doit permettre de faire une synthèse, non pas à partir d’un indicateur 158 synthétique, mais à partir de la prise en compte du contexte de chaque cas évalué et de la comparaison entre leurs résultats. Indicateurs liés aux dimensions du développement durable Dans le chapitre 1 ont été présentées les dimensions du développement durable. Elles ont été listées séparément, mais il est difficile de les appliquer isolément au sein de l´évaluation d’une action de développement. Le risque de prendre chaque dimension séparément est celui de ne pas considérer qu’un résultat souhaité dans une dimension puisse avoir une conséquence négative sur une autre dimension. Nombreux ont été les efforts pour mesurer le développement (durable) à partir des indicateurs et des systèmes d’indicateurs. L’Indice de Développement Humain (IDH) reste encore l’un des instruments les plus acceptés et l’une des meilleures ressources disponibles pour comparer le développement des nations, états ou municipalités, malgré les critiques envers les dimensions de sa formule, la méthodologie de calcul et le format de présentation140 (Favareto et al., 2005). Brasil Junior (2004) considère qu’un grand nombre de discussions et d´évaluations sur le développement durable peuvent présenter un haut niveau d’abstraction quand elles sont appliquées à une échelle locale. Les indicateurs et les autres moyens de mesurer les projets de développement local par la valorisation des produits de l'extractivisme et par la création des coopératives doivent alors être adaptés, car les mesures traditionnelles de performance, telles que le revenu per capita, l´augmentation de paiement des impôts et la croissance du produit interne brut ne sont pas les mieux appropriées pour mesurer la réussite ou l'échec des projets de développement au sein des coopératives. De même, il existe la difficulté de comptabilisation des activités de l'économie locale qui sont largement informelles, saisonnières et non-monétaires. Sawyer (2000) observe que les alternatives plausibles pour mesurer les transformations locales dans le court terme sont encore peu nombreuses. En ce qui concerne les indicateurs sociaux, Jannuzzi (2004) identifie comme principal problème le manque 140 L’IDH comprend trois dimensions : revenu, longévité et éducation. L’indice diffère d’autres utilisés antérieurement pour faire une comparaison entre différents pays, dans la mesure où les possibilités d’une vie longue et saine (longévité) et l’accès à la connaissance (éducation) ont le même poids que le revenu dans son calcul. 159 d’indicateurs municipaux et d’indicateurs adaptés qui puissent permettre d´évaluer les groupes sociaux les plus vulnérables, comme les populations traditionnelles et les indigènes. Santos (2005), en analysant le développement des municipalités dans l’état de l’Acre, conclut que la relation existant entre la dynamique économique et le bien-être social des populations locales n’est pas immédiate, c’est-à-dire qu´il n’y a pas de conversion immédiate des bénéfices dus à la croissance économique dans l’amélioration des niveaux d’IDH des municipalités. Marzall et Almeida (1999) rappellent qu’un indicateur ne peut pas servir comme une évidence de causalité, puisqu’il peut faire juste un constat d’une situation donnée. Il doit être considéré comme une mesure, et non comme un instrument de prévision ou une mesure statistique définitive. « Les causes possibles, conséquences ou prévisions qui peuvent être faites sont un exercice d’abstraction de l’observateur, en fonction de ses connaissances, de ses expériences et de sa vision de monde » (p. 3). Krutman (2004) observe que le chemin d´investigation des outils d´évaluation des projets de développement requiert éventuellement la modélisation d´indicateurs adaptés à l´évaluation des certains concepts intangibles, comme l´estime de soi, le sentiment d´appartenance, le protagonisme communautaire, parmi d´autres. La construction de ces indicateurs se présente comme une tâche artisanale, à être exécuté sur mesure pour chaque projet. Les indicateurs proposés pour l´évaluation des six cas des coopératives seront ensuite présentés en correspondance avec une ou plusieurs dimensions du développement durable : environnementale, économique, sociale, spatiale, politico-institutionnelle et culturelle. Cela signifie qu’il peut y avoir des indicateurs qui vont représenter un aspect évalué des projets ayant une influence sur plusieurs dimensions du développement durable. Pour rendre plus facile la visualisation des relations entre dimensions et indicateurs dans un schéma proposé en fin de paragraphe, ils seront groupés de la façon suivante : • Dimensions du développement durable : Groupes D1 à D6 • Dimension organisationnelle (externe à l´organisation) : Groupe D7 160 Les indicateurs concernant les aspects organisationnels internes des organisations évaluées, liés aux processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion, n´ont pas été groupés dans une dimension organisationnelle interne, car ils ont été considérés dans la dimension politico-institutionnelle du développement durable. Indicateurs concernant la dimension environnementale (Groupe D1) Il faut rappeler que l’un des objectifs des projets qui seront évalués ici est celui de garantir la conservation des ressources naturelles de la forêt par la valorisation de leurs produits. L’idée est que si les extractivistes améliorent leurs revenus en fonction de cette valorisation, le risque de déforestation diminue, car ils auraient moins besoin d’exploiter d’autres ressources qui, malgré leurs valeurs plus élevées, sont plus difficiles à être remplacées. C’est le cas du bois et d’autres produits forestiers nonligneux. Cependant, le fait de valoriser davantage les produits forestiers non-ligneux entraîne le risque d’une demande d´exploitation plus intensive de ces ressources naturelles. Il faut donc des mesures qui puissent équilibrer l’exploitation et la conservation de ceux-ci. Les indicateurs pour cette dimension ne sont pas aisés à déterminer, car, malgré les divers paramètres existants pour mesurer la déforestation ou la conservation des ressources naturelles, il demeure toujours difficile de les faire suivre par les équipes de projets de promotion des produits forestiers. Peres et al. (2003) ont identifié une perte de la régénération des castanhais en fonction de l’augmentation du volume des noix du Brésil collectées. Mais pour arriver à un tel résultat il faut une collecte des données systématique durant une longue période, ce qui n’est pas possible dans les évaluations de court terme. De toutes façons, de telles mesures, si elles ne sont pas suivies systématiquement, ne peuvent pas aider véritablement les équipes de projets, si ce n´est à proposer des actions palliatives. Elles ne peuvent pas éviter que des résultats indésirables soient atteints. Il faut aussi des indices concernant la durabilité écologique qui puissent mesurer exactement les actions qui ont été introduites ou menées pour éviter une telle perte de « productivité » des ressources naturelles. Dans les cas des projets de promotion des produits forestiers, des techniques de gestion forestière leur sont normalement associées. Parmi quelques projets de coopératives en question, la 161 certification Forest Stewardship Council (FSC) a joué un rôle important non seulement pour la conservation des ressources, mais aussi pour la valorisation du produit, dès lors que le fait pour une coopérative d´avoir le label formalise l’engagement de ses membres avec la gestion forestière. Nous proposerons comme indicateurs de la dimension écologique non seulement l´obtention d´un label de gestion forestière, mais plutôt l’attention de leurs membres et responsables de projets par rapport à certains critères nécessaires à l’obtention de ce label (D11). Si la coopérative a été certifiée en gestion forestière, nous considérerons qu’elle répond aux critères de gestion des ressources forestières, dans la mesure où elle doit, pour cela, suivre des cahiers des charges. Mais il peut y avoir aussi des cas où la coopérative n’a pas renouvelé son certificat. Un autre aspect à être évalué sera le renouvellement du label pour la certification en gestion forestière. Pour des raisons similaires, le label des produits biologiques peut aussi être associé à la dimension écologique dans l’évaluation de ces projets. Les mêmes aspects que dans le label FSC peuvent être considérés pour les actions prises par les coopératives ou des responsables des projets autour de ce type de certification (D12). Mais même si la coopérative n’a pas encore de certificats FSC ou biologiques, nous pouvons évaluer si l’organisation ou les projets qui lui sont liés ont implémenté des actions visant effectivement la conservation des sources de produits forestiers (D13). Les indicateurs pour cette dimension du développement durable sont listés : D11 - La coopérative a un label de gestion forestière ? Elle conserve toujours ce label ? D12 - La coopérative a un label produit biologique ? Elle conserve toujours ce label ? D13 - Si la coopérative n’a pas un label écologique, y a-t-il des actions ou l´introduction des techniques visant la conservation des sources de matière première ? Indicateurs concernant la dimension économique (Groupe D2) L’évaluation de la dimension économique dans un projet de développement local ne doit pas se concentrer seulement sur des critères micro-économiques, concernant plutôt 162 le profit des coopératives ou la valorisation des produits, mais aussi sur des critères macro-(socio)économiques, comme la réduction du pouvoir économique qu´exercent les principaux acheteurs, à savoir les entreprises exportatrices et leurs agents intermédiaires associés. Ces aspects seront considérés plus loin dans les indicateurs choisis pour évaluer la dimension organisationnelle (Groupe D7), plus précisément ceux liés à la notion de filière. Toutefois, nous garderons dans la dimension économique un indicateur qui rend compte de l´équilibre dans les relations entre les castanheiros et leurs clients. Cet indicateur vérifie seulement si la coopérative possède un label du commerce équitable (D21). Il s´agit d´un indicateur encore limité, mais très facile à mesurer. La comparaison entre les prix locaux avant et après les actions des projets (D22) ou entre les prix payés par les coopératives et les prix payés par les agents intermédiaires (D23) est nécessaire, mais pas suffisante, car la durabilité financière de ces organisations doit aussi être évaluée. Deux indicateurs peuvent être suggérés pour évaluer cette durabilité financière, mais ils n´ont pas pu être mesurés dans notre recherche de terrain : l´existence de fonds de roulements pour financer les processus de l´extractivisme à chaque saison (D24) et l´existence de dettes vis-à-vis des fournisseurs, associés, institutions financières ou bailleurs de fonds (D25)141. Un problème qui peut être, tantôt la cause, tantôt la conséquence des difficultés financières, est le volume des pertes de produits collectés142 (D26). Comme dans un cercle vicieux, les coopératives ont des pertes de volume en fonction des difficultés de financement pour garantir le transport, l´entreposage et la production dans le temps nécessaire, ce qui diminue la qualité des produits. Mais aussi, en raison de la faible qualité de leurs produits, elles ne parviennent pas à obtenir de meilleurs prix et/ou à accéder à certains circuits de commercialisation, et manquent ainsi de ressources pour financer les prochaines saisons. Pour rester durables, les coopératives ont également besoin de garder une marge de profit : mais pour que les coopératives soient compétitives, les prix de vente de leurs 141 Certains interviewés ont cité l´absence ou la présence de fonds de roulement ou de dettes dans les coopératives, mais nous avons choisi de ne pas approfondir dans cette information, car, malgré son importance pour mesurer la durabilité financière, la demande pour une telle information pourrait limiter l´accès à d´autres informations ou à des réponses à d´autres questions, dans la mesure où nous étions un évaluateur externe aux projets en question. De plus, la gestion financière au sein de certaines coopératives était telle que ces informations n´étaient parfois même pas disponibles. 142 Cf. le «cercle vicieux » cité et représenté à la fin du chapitre 1 dans la figure 1.13. 163 produits doivent normalement être plus bas que ceux pratiqués sur le marché, sauf si la qualité de leurs produits s´avère supérieure ou s’ils ont un autre différentiel, comme un label spécial143. En dehors de ces conditions, la durabilité des coopératives sera difficilement atteinte, à moins qu’elles ne restent toujours dépendantes des aides financières ou des subsides de l’Etat. Les économies d'échelle et de gamme sont directement liées à une meilleure productivité et une plus grande diversification des produits au sein d’une entreprise industrielle. Si ces aspects sont pris en compte dans le contexte des coopératives extractives analysées, la relation n’est cependant pas toujours immédiate. Le fait d’augmenter le volume des produits collectés et commercialisés par les associés d’une coopérative (D27) ou de créer d’autres produits (D28) n’a pas nécessairement pour conséquence que ces organisations atteignent des économies d’échelle et de gamme. Les indicateurs proposés pour cette dimension sont listés comme suit: D21 - La coopérative possède-t-elle un label « Commerce Equitable »? D22 – Y a-t-il une variation des prix du produit depuis le début des projets ? D23 – Y a-t-il une différence entre le prix payé par la coopérative et le prix payé par les agents intermédiaires ? D24 – Y a-t-il des fonds de roulement ? => (Non utilisé) D25 - La coopérative est-elle endettée vis-à-vis des sponsors ou institutions financières? => (Non utilisé) D26 - Le volume des pertes de produit a-t-il diminué ? D27 - Le volume total de produit commercialisé par la coopérative est-il en évolution ? D28 – Y a-t-il une diversification des produits au sein de la coopérative ? Du total de huit indicateurs proposés pour cette dimension, seulement six seront en fait utilisés dans notre évaluation des coopératives. Les indicateurs D24 et D25 n´ont pas pu être utilisés dans une évaluation externe, mais ils peuvent servir aux autoévaluations d´équipes de projets ou de membres de coopératives. 143 FSC, Biologique, Commerce équitable, ou encore appellation d’origine. Cette dernière certification au Brésil est encore peu développée. Jusqu’à aujourd’hui, les seuls produits brésiliens à avoir officiellement une dénomination d’origine sont le vin spumanti de la Vallée des Vinhedos, dans le sud du Brésil, le café du Cerrado de l’état de Minas Gerais, la « cachaça » de Parati, à Rio de Janeiro et le fromage « Minas » de la région de la Canastra, à Minas Gerais. 164 Indicateurs concernant la dimension sociale (Groupe D3) Les changements des aspects sociaux au sein des communautés concernées par les projets ne pouvant pas être associés exclusivement aux actions des projets, l’évaluation de cette dimension renforce le caractère pluridimensionnel et pluridisciplinaire que les projets de développement doivent avoir. Les améliorations possibles au sein de la dimension sociale ne seront pas exclusivement causées par les aboutissements des projets séparément, mais plutôt à partir d’une association d’actions et d’acteurs autour d´objectifs communs et complémentaires. Les aspects sociaux sont en grande partie garantis par les Pouvoirs Publics, d’où l’importance de la participation et de l´engagement de leurs représentants dans les projets de développement des communautés extractives ou des actions complémentaires de soutien. Evaluer les aspects sociaux relatifs à ces projets impose une évaluation des conditions des services publics, tels que l´éducation (D31) et d´autres services de base, comme l´accès à l´eau (D32) et à l´électricité (D33). En ce qui concerne l´éducation, la garantie que les jeunes aient les conditions pour finir leurs études et pour continuer à vivre dans leurs communautés est essentielle pour garantir que les actions de développement introduites au sein des petits producteurs puissent être durables. Si ces projets sont développés avec les générations qui n’ont pas eu d’accès à l’éducation et si elles n’engagent pas les plus jeunes, le risque d’abandon augmente. Deux autres indicateurs peuvent encore être proposés pour évaluer l´impact social des actions des projets à l´échelle municipale : l´IDH Municipal (D34) et le taux de pauvreté (D35). Mais ils n´ont pas non plus été utilisés dans notre évaluation des coopératives, car, même s´il était possible d´obtenir des données concernant des régions censitaires pour les municipalités où les coopératives se trouvaient, les années disponibles ne concernaient pas toute la période d´influence des projets. Sur un mode similaire, le constat de ce que les aspects sociaux n’ont pas évolué peut aider aussi à comprendre les difficultés trouvées par certaines équipes de projets, de telles conditions étant en même temps des pré requis et les résultats des projets de développement. Les indicateurs seront ici proposés, mais dans le cadre de cette recherche ils n’ont pas été évalués, non seulement à cause de la collecte des données, mais aussi parce que l’objectif ici est se concentrer dans les changements introduits par 165 les projets au sein des coopératives et dans la configuration de la filière extractive analysée. Comme Santos (2005) l´avait déjà observé, la relation entre un changement dans la dynamique économique et les conditions sociales des populations locales n´est pas immédiate. Indicateurs proposés (mais non utilisés dans l´évaluation des coopératives): D31 - Taux d’analphabètes parmi les personnes ayant plus de 15 ans=> (Non utilisé) D32 - Taux des foyers ayant de l’eau traitée et des toilettes => (Non utilisé) D33 - Taux des foyers ayant l’électricité144 => (Non utilisé) D34 - IDH Municipal (IDHM) => (Non utilisé) D35 - Taux de pauvreté145 => (Non utilisé) Indicateurs concernant la dimension spatiale ou territoriale (Groupe D4) En ce qui concerne la distribution spatiale des ressources entre les zones urbaines et rurales, cette dimension doit permettre d’accompagner et d’agir sur les contrastes existant parmi les conditions socioéconomiques entre ces deux espaces. La tendance actuelle étant celle d’une augmentation des populations dans les zones urbaines, où les conditions de vie deviennent de plus en plus précaires, l’amélioration du niveau de vie dans les espaces ruraux est un impératif, jouant un rôle central dans la garantie d’un développement durable aussi au sein des zones urbaines. Un indicateur important, lié d´abord à la planification d´actions dans le milieu rural est l´identification des zones ou territoires où les politiques de développement doivent être prioritaires et adaptées à des contextes spécifiques (D41). L´absence d´actions de développement dans « les campagnes » a des relations directes avec un certain nombre de problèmes urbains actuels, sans vouloir dévaluer l’importance des actions concernant précisément les villes146, qui, dans le cas de l’Amazonie, comportent environ 70% de la population de cette région, et, considérant 144 Cela ne veut pas dire qu’ils sont liés à un réseau électrique. Normalement la principale source est l’énergie thermique des générateurs. 145 Le rapport de Développement Humain du PNUD considère qu’une personne est en condition de pauvreté si elle a un revenu mensuel au-dessous de R$75,00 (environ 25€). La condition d’indigence est constaté en référence à un revenu mensuel au-dessous de R$30,00 (environ 10€). 146 L’année 2007 a été marquée comme celle où la population urbaine mondiale est devenue équivalente à la population rurale. Et la tendance est que dans les prochaines années la population urbaine mondiale dépasse vite la population rurale. Même si certains spécialistes considèrent que la principale question n’est pas dans la dispersion de la population, mais dans les standards de consommation, les projets d’amélioration des conditions de vie dans les espaces ruraux restent donc toujours importants. 166 la moyenne brésilienne, plus de 80%147. Un indicateur qui peut évaluer indirectement l´amélioration des conditions dans le milieu rural est le maintien du pourcentage de population rurale (D42). Si ce taux se maintien ou augmente, nous pouvons estimer que des actions pour éviter ou diminuer l´exode rurale ont été menées. Toutefois, l’amélioration des conditions dans les milieux ruraux n’implique pas seulement des changements dans les foyers ruraux, mais aussi l’accès à d’autres services, notamment de santé148 et d´éducation. Le maintien des jeunes en milieu rural (D43) va dépendre énormément des conditions de l´éducation locale. Associé aussi aux aspects spatiaux ou territoriaux, le niveau de participation de la société (D44) locale dans les stratégies de développement local permet d’identifier des contraintes et/ou opportunités pour introduire ou continuer certaines actions. Il est important, dans un projet de développement, de reconnaître ce niveau de participation avant de proposer des actions de changement qui risquent de ne pas avoir l’appui des communautaires. La difficulté, quand il s’agit des communautés rurales, notamment en Amazonie, où les contraintes de transport et de communication sont nombreuses, est de garantir une participation représentative des communautaires dans les forums de discussions et de décisions des politiques et stratégies locales. Comme indicateurs pour la dimension Spatiale, peuvent être suggérés les éléments suivants : D41 - Identification des zones ou territoires ruraux demandant des actions prioritaires et spécifiques D42 - Pourcentage de la population rurale avant et après les projets de développement => (Non utilisé) D43 - Pourcentage des jeunes qui sont restés dans leurs communautés après la fin de leurs études => (Non utilisé) D44 - Participation des communautaires dans les forums pour la définition des politiques publiques locales => (Non utilisé) 147 Selon le census démographique de 2000 fait par l´Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE). 148 Dans la dimension sociale, nous n´avons pas proposé un indicateur pour mésurer l´accès aux services de santé, car aujourd´hui la plupart d´évaluations sont fondées dans des indicateurs tels que l´existance de postes de santé ou de personnes soignées, soit des variables concernant plutôt la médecine corrective que la médecine préventive. Et les conditions des foyers ruraux ont un rôle crucial dans la prévention des maladies. 167 De ces indicateurs proposés, seul le premier pourra être évalué dans cette recherche. Pour que les autres soient évalués, il serait nécessaire de prendre des données plus précises que celles des municipalités. Dans le cadre d’un projet de développement local, si ces indicateurs sont pris en compte dès le début, il est possible d’organiser une structure de collecte des données. Indicateurs concernant la dimension politico-institutionnelle (Groupe D5) Sachs (2004), en faisant référence à la gouvernance démocratique pour promouvoir le développement, souligne l’importance d’avoir des communautés et des organisations participant non seulement comme des spectateurs, mais effectivement comme des protagonistes au sein des processus, et ce en accord avec ce que Barbosa (2001) avait aussi observé. L’empowerment au sein des organisations et au sein des communautaires devient un aspect central de la dimension politico-institutionnelle. Son évaluation s´avère importante tant au niveau individuel que collectif. Mais il s´agit de processus complexes et difficiles à évaluer dans le cadre de notre recherche. Nous proposons alors un indicateur pour évaluer si les projets ont fourni des conditions au développement de ces processus. La proposition est celle d´évaluer si des activités de (in)formation en groupe ont étés prévues et réalisées (D51) dans les projets. Ces activités concernent des ateliers de formation et d´information sur les bonnes pratiques de l´extractivisme ou d´autres questions d´intérêt individuel et collectif, comme l´orientation à la proposition des demandes sociales et/ou des financements. C´est dans les processus d´acquisition des connaissances, où l´individu normalement doit faire partie d´un groupe, que l´empowerment peut émerger et être renforcé entre l´individu et le groupe. Nous proposons aussi d´évaluer si les projets ont fourni des conditions au développement de l´autogestion. Les membres de coopératives ont-ils été orientés vers l´autogestion, en participant à des activités de (in)formation sur le coopératisme ou sur l´économie solidaire (D52) ? Dans la dimension politico-institutionnelle, il est aussi important de considérer l´intégration et le renforcement des institutions locales, qu´elles soient publiques, privées ou non gouvernementales. Le développement d´institutions locales fortes doit 168 être un résultat considéré lors de la conception et de l’implémentation des projets, plutôt que les bénéfices matériaux qu´ils doivent laisser (Butler, 1992). Un aspect qui peut être évalué concernant les institutions locales, est de savoir si elles ont réussi à travailler de façon intégrée autour des actions des projets avec les coopératives (D53). En ce qui concerne les filières des produits forestiers, Busch (1989) rappelle aussi que la science et la technologie, développées en accord avec les politiques publiques ou d'autres décisions officielles, peuvent contribuer à leur développement. Les institutions de recherche149 engagées dans ces projets, qu´elles soient ou non locales, doivent alors faire un effort pour travailler de façon intégrée avec d´autres acteurs et identifier des solutions plus adaptées à la réalité locale150. Le dernier indicateur pour la dimension politico-institutionnelle considère cette question : l´existence des actions pour la promotion de la recherche et du développement technologique au sein des projets (D54). Les indicateurs concernant la dimension politico-institutionnelle sont les suivants: D51 - Les membres de coopératives ont-ils participé à des activités de (in)formation en groupe ? D52 - Les membres de coopératives ont- ils été orientés vers l’autogestion ? D53 - Les institutions locales ont-elles réussi à travailler et à participer de façon intégrée dans ces projets ? D54 - Les actions de promotion de recherche et développement technologique ontelles été stimulées ? Indicateurs concernant la dimension culturelle (Groupe D6) La promotion du changement dans la continuité culturelle, c’est-à-dire, l’introduction du développement sans rejeter les connaissances traditionnelles doit être aussi considérée dans les projets de développement. Elle doit être stimulée, notamment dans le contexte des populations traditionnelles, car leur savoir joue aussi un rôle important, 149 En région amazonienne l’extractivisme reste encore à la périphérie, voire absent de certains programmes de recherche et de développement technologique. Michelotti (2001) affirme que même la recherche agronomique ou en technologie industrielle qui se dédient à la réalité rurale de l’Amazonie accordent peu d’attention à l’extractivisme. 150 Michelotti (2001) fait référence à certains cas de projets industriels développés pour les produits de l’extractivisme, qui normalement, après leurs implémentations, présentent des problèmes de performance dans les conditions amazoniennes. Ces obstacles peuvent être expliqués par les équipements utilisés, qui en général ne sont pas les plus adaptés pour les produits forestiers, mais aussi à cause des conditions environnementales, comme la températures et l´humidités élevées, ainsi que des limitations énergétiques de la région, qui abrite encore de nombreuses communautés sans accès à l’électricité régulière. 169 dans la mesure où ce sont elles qui détiennent, depuis des générations, les processus et les techniques de gestion et d’usage de la plupart des produits forestiers. Même si cela semble paradoxal, cela veut dire que les stratégies de promotion des changements et de l´innovation doivent garder, en quelque sorte, des savoirs traditionnels. Un approfondissement autour de la notion de gestion du changement nous paraît aussi pertinent. Une évaluation de cette dimension dans les projets en question pourrait considérer la prise en compte des aspects culturels avant l’introduction des changements (D61) et aussi dans les efforts pour récupérer et préserver des connaissances et pratiques traditionnelles (D62). Il n’est pas question de nier l’innovation, mais de valoriser ce que la communauté sait déjà faire, en introduisant, progressivement, des informations et processus nouveaux. Autre aspect important pour garantir la durabilité culturelle dans ces projets est la promotion d´échanges entre générations (D63). Indicateurs proposés pour la dimension culturelle : D61 - Les processus introduits ont-ils été compatibles avec la culture des communautés ? D62 – Niveau de récupération des pratiques traditionnelles qui n’étaient pas préjudiciables à l’environnement D63 - Les projets promouvaient-ils des échanges entre générations ? Les projets analysés ont des impacts très forts dans les relations intra et interorganisationnelles des coopératives extractives. Il convient alors de proposer aussi des indicateurs qui puissent prendre en compte les transformations au sein et autour de ces structures. Les prochains indicateurs, rarement considérés dans les projets de développement (durable) local, se montrent aussi importants pour l’évaluation des actions de promotion de développement à partir de la valorisation des produits ou d’autres actions pour provoquer des changements dans les filières extractives, car ils peuvent aider à déterminer si les actions introduites ont réellement provoqué des changements dans les configurations de ces filières et dans les relations entre leurs acteurs. 170 Indicateurs liés aux « dimensions organisationnelles » externes (Groupe 7) Les indicateurs qui seront utilisés pour une évaluation des changements introduits par les projets de développement dans les structures internes et externes aux coopératives seront, comme dans les dimensions précédentes, de nature qualitative. Ces changements attendus par les projets sont liés à une meilleure participation des extractivistes et de leurs coopératives dans la gestion de la filière de la noix du Brésil, avec des transformations dans les rapports de pouvoir entre les acteurs, mais aussi dans les rôles et configurations de certains acteurs – individuels et collectifs, qu’ils soient ou non locaux, directement ou indirectement liés aux coopératives. Que nous considérions une structure de filière, supply chain ou système productif local, le niveau d’intégration entre les processus va dépendre du degré d’engagement existant entre leurs participants. Bialorskoski Neto (1999), faisant référence aux systèmes agroindustriels, considère qu’une meilleure efficacité sera atteinte non seulement à partir des rapports de prix et productivité de divers facteurs, mais aussi par la minimisation des coûts de transaction au long de la chaîne et de l’établissement d’un système efficient de coordination et de gouvernance. Une approche par la théorie des coûts de transaction, s´appuyant sur les notions de coordination et de gouvernance se montre aussi applicable dans le cas de notre recherche. Si des dimensions organisationnelles ne sont pas explicitement identifiables au sein du concept de développement durable, leurs évaluations se montrent fondamentales pour accompagner et évaluer la réussite des projets de développement centrés sur la création et sur l’appui aux organisations collectives représentatives des travailleurs extractivistes, comme les associations et les coopératives. Les aspects organisationnels sont parfois considérés à un niveau « macro-organisationnel » des projets de développement (durable) local151, étant plutôt insérés dans les dimensions économique, politico-institutionnelle ou encore spatiale. À un niveau micro- ou mésoorganisationnel, c’est-à-dire considérant une seule organisation ou un petit groupe ayant des caractéristiques similaires ou encore se trouvant dans une même filière (ou SPL) locale, il est plus rare d’évaluer ces paramètres, à l’exception des projets locaux ou régionaux. 151 Comme dans les statistiques groupant les résultats de l’ensemble d´organisations d´une région. 171 Morana (2002) fait référence à huit thèmes d’indicateurs non financiers : (1) la qualité du produit et des processus, (2) la satisfaction du client, (3) le temps de cycle - de production, de livraison, etc., (4) le potentiel humain, (5) la productivité, (6) la gestion des stocks, (7) l’innovation, (8) la flexibilité. Si ces indicateurs se montrent bien appropriés pour évaluer la performance d’une organisation ou d´une chaîne consolidée, il serait incohérent de les utiliser pour évaluer la performance des organisations qui commencent à être développées, telles les coopératives extractives et les nouvelles configurations des filières extractives, qui ne suivent pas forcément la même logique de performance. Les indicateurs que nous avons choisis pour évaluer la « dimension organisationnelle» externe veulent plutôt identifier la situation des coopératives après les actions des projets, ou encore, si des changements dans les relations entre les acteurs, dans leurs rôles et leur configuration ont été vraiment atteints. Ils ont été proposés à partir des aspects identifiés dans les concepts de filière, supply chain management, supply chain orientation et système productif local. Indicateurs concernant le concept de filière En prenant la structure de la filière comme référence, nous considérons important d´évaluer si les actions de projets ont effectivement réussi à diminuer le nombre d´acteurs intermédiaires, notamment dans les étapes plus en amont, arrivant au raccourci de la filière (D71), comme il a été cité par Nancy et al. (1989). Et si nous considérons qu´une des principales caractéristiques de la filière noix du Brésil est sa structure en oligopsone (cf. Sexton, 1989), un changement parmi les acteurs et organisations locales devrait provoquer des changements dans la structure de l´oligopsone (D72). Ces changements pourraient aussi être atteints à partir de l´introduction des nouveaux modes de transformation et distribution (D73). Les indicateurs considérant la filière sont établis comme suit : D71 - Les actions au sein de la coopérative ont-elles réussi à raccourcir la filière (estelle devenue moins longue) ? D72 - Les projets ont-ils réussi à modifier la structure d´oligopsone de la filière locale et régionale ? 172 D73 - Les projets ont-ils réussi à garantir la transformation des produits au niveau des maillons amont de la filière ? Indicateurs concernant les concepts de supply chain management (SCM) et de supply chain orientation (SCO) Cooper et al. (1997) définissent le SCM comme la gestion de multiples processus opérationnels au sein de la supply chain. Dans le contexte des coopératives évaluées dans notre recherche, l´existence d´une gestion de processus de production et distribution (D74) peut être une évidence des changements provoqués par les projets, dans la mesure où elle considère aussi les processus intermédiaires de cueillette, les diverses phases d´entreposage, transport et industrialisation. Le SCM peut être défini comme une approche par les processus qui gèrent les relations au sein d´une supply chain (Mentzer et al., 2001). La SCO, la représentation de la supply chain que leurs membres construisent, peut indiquer un niveau d´engagement et d´interaction entre ces acteurs et est une condition préalable à sa gestion, soit le SCM. L´engagement des acteurs et d´autres stakeholders (D75), ainsi que l´interaction des flux et processus entre les coopératives (D76) ont été aussi évalués, afin d´identifier le niveau de représentation de la supply chain par les acteurs locaux. Indicateurs considérant le SCM et le SCO : D74 - Quel est l’état de la gestion de la production et de la distribution de la coopérative après les actions des projets ? D75 - Les projets ont-ils réussi à promouvoir l’engagement des stakeholders avec le management de l’ensemble de la SC ? D76 - Les projets ont-ils réussi à promouvoir une interaction des flux et des processus intercoopératives ? Indicateurs concernant le concept de système productif local (SPL) Un SPL est caractérisé par une spécialisation poussée autour d´un métier et/ou d´un produit (Pommier, 2002). Pour évaluer si les projets ont favorisé le développement des 173 SPL, un indicateur proposé est l´existence d´une spécialisation des étapes parmi les différentes coopératives locales (D77). Dans la mesure où un SPL suppose aussi une coopération réelle et durable entre les organisations (Pommier, 2002) et que cette coopération se traduit par un partage de moyens, outils et savoir-faire entre les membres, un deuxième indicateur qui sert à évaluer s´il existe un SPL ou s´il est en évolution, est justement si les projets ont réussi à promouvoir ce partage (D78). D77 - Les projets ont-ils réussi à promouvoir une spécialisation des étapes de production parmi les coopératives locales ? D78 - Les projets ont-ils réussi à promouvoir le partage des moyens, outils, savoirfaire entre les acteurs divers et les coopératives locales? Quelques indicateurs proposés pour les dimensions du développement durable ne seront pas tous utilisés dans l’évaluation, en fonction de l’impossibilité d’avoir des données concernant une période plus longue, mais aussi à cause de la difficulté à recueillir des informations socioéconomiques concernant exclusivement la population d’extractivistes affectée par les projets. Mais ces indicateurs demeurent comme proposition pour des évaluations futures. Dans la mesure où les principaux objectifs des projets menés au sein des coopératives étaient le développement socioéconomique et la conservation des ressources naturelles locales, la prise en compte de certains indicateurs, même si elle paraît prématurée, devrait être prévue dans les évaluations exante et ex-post de ces projets. Dans le tableau 3.1, seulement les indicateurs utilisés dans les évaluations sont listés. Même si certains indicateurs croisent plusieurs dimensions, ils sont restés liés à la plus présente. 174 Tableau 3.1. Indicateurs utilisés dans l’évaluation des dimensions du développement durable. Dimension du Code Développement Indicateur Durable Certification Gestion Forestière D11 Ecologique Certification Biologique D12 (D1) Existence d’actions visant la préservation des sources de matière première D13 Certification Commerce Equitable D21 Variation des prix depuis le début des actions D22 Différence entre le prix payé par la coopérative et le prix payé par les D23 Economique agents intermédiaires (D2) Diminution du volume des pertes D26 Evolution du volume total commercialisé par les coopératives D27 Diversification des produits D28 Identification par les institutions locales des zones qui doivent avoir des Spatiale ou D41 politiques spécifiques pour les filières de PFNL Territoriale (D4) Participation des membres de coopératives dans des activités de D51 (in)formation en groupe PoliticoFormation/orientation à l’autogestion D52 institutionnelle Intégration entre les institutions locales D 53 (D5) Stimulation donnée aux actions de recherche et de développement D54 technologique Compatibilité entre les processus introduits et la culture des communautés D61 Culturelle Niveau de récupération des pratiques traditionnelles qui n’étaient pas D62 (D6) préjudiciables à l’environnement Promotion d’échanges entre générations au sein de la communauté D63 Source : Elaboré par l´auteure. Les indicateurs concernant la dimension organisationnelle, plus précisément la gestion de la filière, de la supply chain (SCM) et le SCO, ainsi que le Système Productif Local sont proposés dans un tableau séparé (Tableau 3.2), mais certains de ces indicateurs pourraient aussi croiser les dimensions du développement durable. Cette liste d’indicateurs n’est pas exhaustive. D’autres listes aussi pertinentes existent152, mais qui demandent plus de temps pour les mesurer et un accès à des données stratifiées pour chaque communauté concernée. 152 Voir Sawyer (2000), Brasil Junior (2004), Favareto et al. (2005) et Santos (2005). 175 Tableau 3.2. Indicateurs utilisés dans l´évaluation de la dimension organisationnelle des coopératives. Dimension Code Indicateur Organisationnelle Raccourci de la filière D71 Filière Maintien de l’oligopsone D72 Transformations du produit au niveau des maillons amont de la filière D73 Gestion de la production et de la distribution par les coopératives D74 Engagement des stakeholders avec le management de l’ensemble de la D75 SCM et SCO SC Interaction/coopération des flux et des processus intercoopératives D76 Spécialisation des étapes de production par les coopératives D77 SPL Partage de moyens, outils et savoir-faire D78 Source : Elaboré par l´auteure. Dû aux limitations pour obtenir quelques données, les indicateurs que nous avons gardé pour l´évaluation des coopératives ont été 25, soit 17 liés aux dimensions du développement durable et 8 liés aux aspects organisationnels. Pour les dimensions du développement durable, les indicateurs sont distribués de la façon suivante : dimension écologique (3), dimension économique (6), dimension spatiale (1), dimension politicoinstitutionnelle (4) et dimension culturelle (3). La seule dimension non évaluée a été la sociale, en fonction des difficultés d´obtention des données locales. Cela met en évidence la problématique de l´évaluation des impacts sociaux des projets de développement. Pour la dimension organisationnelle, les aspects évalués sont distribués en : filière (3), SCM et SCO (3) et SPL (2). Dans la section 3.2 nous présentons les résultats d´évaluations menées au sein des six coopératives extractives. Les résultats seront organisés en deux sections, où les évaluations concernant les dimensions du développement durable (§3.2.1) et organisationnelles (§3.2.2) sont organisées. 3.2) Evaluation des six cas de coopératives extractives Cette section propose une évaluation consolidée des projets menés au sein des six coopératives extractives, en prenant les indicateurs définis en §3.1.2 et effectivement utilisés. Avant de se concentrer dans les évaluations et leurs analyses, le tableau 3.3 propose un résumé des informations concernant les six coopératives. 176 Tableau 3.3. Informations concernant la situation des six coopératives analysées entre septembre 2003 et septembre 2006. Aspects Amapá Acre A B C D E F Principaux produits Principaux clients (Comaja) (Comaru) (Coooperalca) (Caex) (Capeb) (Cooperacre) Noix séchée, pâte de noix, huile comestible et farine de noix Biscuits et huile brute pour l’industrie cosmétique Noix séchée Noix semi séchée et caoutchouc Noix semi séchée et produits agricoles Noix semi séchée, séchée, caoutchouc et d’autres produits forestiers et semences Usines exportatrices de l’état du Pará Industries cosmétiques brésiliennes Pas de label Labels Processus de distribution Processus de production et infrastructure industrielle Gestion forestière Industries alimentaires du Sud et Sud-est du Brésil Pas de label Usines exportatrices de la Bolivie et de l’état du Pará Commerce équitable Vend encore une grande partie de ses produits aux agents intermédiaires Commerce équitable et biologique Appuyée par des ONG qui travaillent pour l’accès au marché Commerce équitable Appuyée par Appuyée par Vend encore Essaie de des ONG qui des ONG qui une grande développer travaillent travaillent partie de ses plus l’accès au pour l’accès produits à des d’autonomie et marché, liées au marché agents d’augmenter à une intermédiaires son pouvoir de entreprise négociation au cosmétique sein des canaux brésilienne de distribution Toutes les coopératives ont très peu d’alternatives concernant les canaux de distribution et n’ont pas de clients fidélisés Partage des processus et usines avec les entreprises Usine de boliviennes Extracteur Usine de séchage, pelage Usine de Usine de d’huile brut A commencé à et d’extraction séchage de la séchage de la séchage de la manuel industrialiser d’huile de noix noix du noix du Brésil noix du propre pour dans la saison du Brésil pour Brésil et du Brésil a été l’industrie 2005 l’industrie caoutchouc, transférée à cosmétique alimentaire mais sans la activité Cooperacre Toutes les coopératives ne sont pas encore capables d’avoir une production stable (à l’exception de F), ainsi qu´une garantie qu’il existe une exploitation cohérente entre les activités industrielles et l’exploitation de la ressource (à l’exception de B) Source: Elaboré par l´auteure (Compilation de documents divers et d’entretiens pris dans la recherche de terrain réalisée entre 2003 et 2006). Les critères choisis pour l’évaluation des cas suivent quatre niveaux d´appréciation sur les items évalués dans chaque coopérative (cf. tableau 3.4). Le choix pour un critère relativement simplifié, mais en même temps très subjectif d’évaluation est justifié par la décision de ne pas appliquer une étude quantitative avec les acteurs du terrain, non seulement à cause des difficultés de collecte de données mais aussi de part notre choix personnel en matière de méthodologie, justifié en § 2.2.1. 177 Tableau 3.4. Critères choisis pour l’évaluation des cas de coopératives. Evaluation Description (+) (+/-) (-/+) (-) Il y a eu un changement significatif Le changement n’a pas été significatif, mais il y a eu plus d’aspects positifs que négatifs, ou bien, malgré les nombreux obstacles, il y a eu des changements importants Le changement n’a pas été significatif et il y a eu plus d’aspects négatifs que positifs, ou bien, malgré les efforts investis sur l’aspect évalué, le changement a été médiocre ou infime Il n’y a eu aucun changement, et même des rétrocessions dans certains cas Source : Elaboré par l´auteure. Dans chaque évaluation, le choix parmi les quatre niveaux d´appréciation a été basé sur une triangulation des méthodes : entretiens semi-directifs, observations participantes, collecte des données et analyse des documents concernant les projets en question, cette dernière déjà présentée dans le chapitre 2 (§2.3.3). Pour mieux organiser la lecture des résultats, la section est divisée en deux paragraphes: le §3.2.1, où les résultats de l´évaluation des dimensions du développement durable sont présentés, et le § 3.2.2, où les aspects organisationnels de coopératives sont évalués. 3.2.1) Evaluation de dimensions du développement durable Parmi les six dimensions du développement durable précédemment étudiées, nous en avons utilisé cinq dans les évaluations de projets (écologique, économique, spatiale, politico-institutionnelle et culturelle). Même en reconnaissant l´importance de la dimension sociale dans ce type de projets, il n´a pas été possible d´utiliser les indicateurs proposés pour cette dimension. Deux principales raisons peuvent être données : 1) le manque de données (et de moyens pour sa collecte sur le terrain) séparées sur les groupes concernés par les projets, et 2) d´autres indicateurs pourraient aussi être proposés, mais nos connaissances sont encore limitées pour une telle tentative. Dans un projet conduit par une équipe pluridisciplinaire, cet effort doit obligatoirement être fait. Dimension écologique En analysant les résultats concernant la dimension écologique des projets, l’un des principaux objectifs des financements reçus depuis deux décennies, il peut être observé que, dans les cas des coopératives de l’Amapá, seule la coopérative Comaru (B) a le 178 label de gestion forestière FSC153 depuis février 2004 (SM-FM/COC-NTFP1134) et a réussi à le renouveler pendant les années 2005, 2006 et 2007, pour la pâte et pour l’huile de noix du Brésil, ainsi que pour la résine de breu branco (Protium heptaphyllum) et pour l’huile de copaiba (Copaiphera Multijuga). Tous les produits sont fournis à différentes entreprises de l’industrie cosmétique. Les autres coopératives (A et C), dans la mesure où leurs clients sont surtout les entreprises exportatrices traditionnelles, n’ont pas encore été contraintes par eux ou cherché à être certifiées154. Aucune des coopératives de l´Amapá a le label biologique et, en ce qui concerne l´existence des actions visant la préservation des sources de matière première, seule la coopérative B a une action plus systématique, car elle doit garantir des procédures minimales pour maintenir le label FSC. En ce qui concerne les coopératives de l’Acre, indépendamment des exigences des clients, une action anticipée a été menée à partir du partenariat de plusieurs acteurs locaux pour promouvoir des recherches et une diffusion technologique non seulement sur la gestion forestière, mais aussi sur les processus liés à la planification et à l’écoulement des produits de façon à garantir leur qualité. Ces actions introduites concernent des formations dans les « Bonnes Pratiques155 », dès la cueillette jusqu’à la sortie des produits des usines, en passant par les processus d’entreposage, de transport et d´emballage, tous critiques pour cette filière. Il est important de noter aussi que le fait de ne pas avoir le label FSC n’est pas obligatoirement un indice de ce que la coopérative ne pratique pas la gestion forestière. Elle peut le faire sans avoir nécessairement le label : si la coopérative possède ce label, il est plus probable qu’elle ait des actions systématiques concernant la préservation des ressources naturelles. Le tableau 3.5 présente les résultats de l’évaluation concernant la dimension écologique avec quelques commentaires et le tableau 3.6 fait une synthèse. 153 Cette certification est fournie par le SmartWood Program, en partenariat avec l’ONG brésilienne Institut de Gestion et Certification Agricole et Forestière (IMAFLORA), représentante au Brésil du programme de l’ONG Rainforest Alliance, qui est habilitée par le Conseil de Gestion Forestière (Forest Stewardship Council-FSC). Le FSC peut fournir deux types de certificat : « Certification de Forêt », qui garantit que les extractivistes exploitent la forêt en accord avec les règles de certification, et la « Certification du Produit » (« chaîne de garde »), qui garantit que le produit est originaire d’une forêt certifiée. Pour plus d’information sur la certification forestière et du produit forestier. 154 A titre d’information, la coopérative A, en 2007, visant la conquête du marché « Commerce Equitable » et une indépendance par rapport aux clients traditionnels, a commencé une série d´actions de formation des extractivistes. Ce fait n’a pas été considéré, parce qu’il a été débuté depuis la période prise pour l’analyse des cas de coopératives. 155 En accord avec le Programme Aliment Sain (PAS), conduit par plusieurs institutions nationales, mais surtout avec l´engagement d´organismes locaux de l´état de l´Acre, notamment l´Embrapa filiale Acre, le SEPROF et le SEATER. 179 Tableau 3.5. Evaluation de la dimension écologique dans les cas étudiés. Indicateur Certification Gestion Forestière (D11) A B C Comaja Jusqu’à la fin 2006, elle n’avait mené aucune action concrète Comaru Depuis 2004 la coopérative renouvelle le label chaque année Cooperalca Jusqu’à la fin 2006, elle n’avait eu aucune action concrète (-) (+) (-) Jusqu’à la fin 2006, aucune des trois n´a eu des actions concrètes Dimension Ecologique (-) Certification Biologique (D12) D E F Caex Capeb Cooperacre Une partie des membres des coopératives a participé à des cours et ateliers pour la gestion forestière, mais sans obtenir le certificat156. Les organisations locales étaient surtout dédiées à obtenir les labels Biologique et du Commerce Equitable (+/-) Les coopératives se préparaient pour avoir le label et certains membres ont participé à des ateliers et des cours, mais, comme depuis 2006 c’est la Coopérative F la priorité locale, ces deux coopératives n’avaient pas de label biologique (-/+) N’avait pas le label, mais payait un prix différencié avec les associés qui fournissaient des produits avec le standard de ce label (+/-) Actions visant la préservation des sources de matière première (D13) Jusqu’à la fin 2006, elle n’avait eu aucune action concrète (-) En fonction du label FSC, la coopérative a pu garantir ces actions, mais une partie des extractivistes est restée sans pratiquer la gestion forestière et la façon dont elle est acceptée par les organismes de certification. Jusqu’à la fin 2006, elle n’avait eu aucune action concrète Le partenariat entre nombreux acteurs locaux a permis l’avancement des recherches et l’introduction des techniques de gestion forestière au sein des communautés participant aux trois coopératives (-) (+) (-/+) Source : Elaboré par l´auteure. Le tableau 3.6 synthétise les résultats de l´évaluation de la dimension écologique. Tableau 3.6. Synthèse de l´évaluation de la dimension écologique. Indicateur (+) (+/-) (-/+) (-) B D, E et F A et C D11 F D et E A, B et C D12 B A et C D, E et F D13 Source : Elaboré par l´auteure. Dimension économique Le premier aspect évalué a été l´existence des labels du commerce équitable entre les coopératives analysées. Dans les coopératives de l´Amapá, jusqu´à l´époque où les évaluations ont été faites, aucune des coopératives n´avait ce type de label. Et dans l´état de l´Acre, des actions pilotes avaient été conduites avec deux coopératives – D et 156 Maciel (2007) remarque que les communautés qui habitent dans des Resex ne devraient pas avoir besoin de certificats de gestion forestière, car, selon la propre définition de ces aires de conservation, les populations résidentes doivent garantir la gestion de l´usage des ressources naturelles existantes. 180 E, ce qui a résulté dans la commercialisation des produits d´une partie d´extractivistes avec le label du commerce équitable, de même avec la coopérative F. Les actions introduites par les divers projets ont réussi à modifier le système de prix au sein de la filière dans les deux états, soit par l’introduction d’un nouvel acteur – la coopérative, soit par les modifications d´infrastructure et des pratiques qui ont permis d’améliorer la qualité. Cependant, nous avons considéré que le changement n´a pas été significatif, car, dans la mesure où les intermédiaires ont aussi élevé les prix payés aux extractivistes, l´effet de la variation des prix n´a pas eu l´impact attendu. Une partie des extractivistes est resté endettée avec les intermédiaires. De façon générale, les projets au sein des coopératives dans l’état de l’Acre ont atteint leur objectif, sinon d´ajouter de la valeur à un produit, au moins d´élever son prix157. Mais le format d’exploitation où il existe le partenariat entre les coopératives et une entreprise bolivienne n’est pas loin de la situation antérieure d’oligopsone, laissant les extractivistes encore dépendants de très peu d’acheteurs. Les actions de projets ont aussi réduit le volume des pertes de produits dans certains cas et, par conséquent, ont augmenté le volume de produit disponible pour répondre aux nouvelles demandes. Dans l’état de l’Amapá, la stratégie initiale d’avoir une diversification des produits, avec un réseau de coopératives, où elles pouvaient être clientes et fournisseurs les unes des autres, n’a pas duré longtemps, notamment à cause des problèmes d’infrastructure et de gestion intra et interorganisationnelles, non seulement parmi les coopératives, mais aussi parmi les autres acteurs (stakeholders) engagés dans les projets. Aujourd’hui il existe une diversification entre les produits offerts par l´ensemble des coopératives, mais elles ne travaillent plus en coopération. Même parmi les entreprises locales, cette diversification n´existe pas et même pas l´utilisation de la noix comme matière première. Dans l’état de l’Acre, le processus a été différent, car les projets ont donné la priorité au renforcement de la qualité du produit, à partir des pratiques de gestion forestière, avant de partir pour la diversification. Et, en parallèle, les institutions de recherche, en coopération avec des industriels locaux, ont développé de nouveaux 157 Il y a eu en effet une amélioration significative dans les prix payés par les coopératives aux extractivistes. Le prix moyen payé par les intermédiaires dans une boîte en 1989 était de R$2,00 (soit R$12,00/hl), tandis qu’en 2005 le prix payé - par la coopérative ou les agents intermédiaires - avait atteint R$12,00 la boîte (soit R$72,00/hl), sachant que lorsqu´il s’agit de vendre pour les entreprises alimentaires du Sud ou Sud-est et pour l’exportation, le prix n’est plus établi par volume, mais par poids. En 2005, le prix moyen payé par Kg par les entreprises brésiliennes était de R$16,00. 181 produits qui atteignent le marché local et commencent à arriver aux marchés national et international. Mais les coopératives n´ont pas encore de productions diversifiées. Les politiques publiques de promotion de la filière dans l´Acre se sont concentrées dans les deux grands goulots d’étranglement de la filière158 : le processus de cueillette, où il y avait peu de garantie de la qualité des produits, et le processus d’industrialisation, qui était très artisanale et ne permettait pas que les produits arrivent au marché avec le niveau de qualité exigé. Les projets dans l’état ont aussi prévu une industrialisation moins automatisée, pour garantir plus d’emplois locaux, mais le choix de ne pas installer des usines modernes dans les coopératives a rendu difficile la concurrence avec les entreprises boliviennes, qui ont investi dans des usines très automatisées et dans des technologies innovantes pour le contrôle de la qualité159, ce qui, en plus de réduire les coûts de main d’oeuvre, a permis la garantie des produits de qualité supérieure. Le gouvernement de l’état a construit aussi des entrepôts communautaires avec l’appui des institutions locales de recherche et un appui technique. La Compagnie Nationale d’Approvisionnement (CONAB), en coopération avec le Gouvernement de l’Acre, a introduit, depuis 2004, « l’achat anticipé »160, qui vise à fournir l’argent destiné à la cueillette de la noix avant l’arrivée des agents intermédiaires. La CONAB a financé R$1,3 millions dans la saison 2004-2005 et R$2 millions dans la saison 2005-2006. 158 Même s’il y a eu des recherches pour de nouveaux produits à base de noix du Brésil par les institutions publiques et privées de l’état, la priorité était de travailler le secteur productif, c’est-à-dire les activités jusqu’à l’arrivée du produit à l’usine. Dans ce cas, la plus grande difficulté, en plus de l’entreposage, est la garantie de l’écoulement des produits. C’est pour cette raison qu’il était important de garantir les entrepôts, car ils pouvaient permettre que les produits soient gardés pendant l’hiver pour être ensuite écoulés pendant l’été, quand il est plus facile de les transporter. 159 La principale a été l’identification par lumière ultraviolette de la contamination des noix par aflatoxine. Une fois identifiée la contamination, le produit est mis au rebut. Le pelage automatisé des amandes a été aussi un processus innovant, car depuis des siècles il n’avait pas changé au sein des usines amazoniennes. 160 La modalité « Achat Anticipé Spécial de l’Agriculture Familiale » fait partie du Programme National d’Acquisition d’Aliments (PAA) et est destinée, selon la CONAB, à l’acquisition des produits d’origine agricole ou extractive et de l’élevage, issus des activités familiales, visant la formation des stocks ou les donations à des populations en situation de risque alimentaire qui participent des programmes sociaux. Les producteurs bénéficiaires doivent être organisés en groupes formels et répondre aux critères établis par le programme. 182 Tableau 3.7. Evaluation de la dimension économique dans les cas étudiés. A B C D Indicateur Certification Commerce Equitable (D21) Comaja Comaru Cooperalca Aucune des coopératives n´avait commencé d´actions pour atteindre ce marché jusqu’à 2006161. E (-) (+/-) Variation des prix depuis le début des actions (D22) L’introduction d’un nouvel acteur au sein de la filière (la coopérative) a effectivement réussi à élever le prix du produit d´une façon générale. Cependant, parce que les prix des intermédiaires ont aussi augmenté et qu´une grande partie des extractivistes conservent encore des dettes avec les intermédiaires, ils ne peuvent pas vraiment profiter de cette hausse, car leur dette doit être payée en produit, et dans la valeur correspondante au volume de produit commercialisé Différence entre le prix payé par la coopérative et le prix payé par les agents intermédiaires (D23) La coopérative était en partenariat avec des intermédiaires d’entreprises exportatrices et il n’y a pas de différenciation Dimension Economique (+/-) Le prix payé aux fournisseurs des noix certifiées était à peine plus haut que celui payé par les intermédiaires. Dans les cas D et E, une partie de produits collectés par les associés était fournie à la coopérative F, qui arrive à avoir de meilleurs prix (+/-) (-) Diminution du volume des pertes (D26) Evolution du volume total commercialisé par les coopératives (D27) Diversification des produits (D28) F Caex Capeb Cooperacre Les coopérative D et E ont été le terrain exploratoire pour la définition de paramètres de ce label et une partie des associés des trois coopératives a eu le label (+) La qualité différenciée des produits a permis à la coopérative de payer un prix plus élevé que celui des intermédiaires (+) (-/+) Les procédures exigés par la certification FSC ont permis à certains extractivistes de réduire leurs pertes de produit (+/-) Conditions précaires de transport n´ont pas permis l’écoulement et le stockage des produits dans le délai nécessaire La planification de la production était plus structurée qu’au début et la coopérative a réussi à augmenter le volume La production d’huile demandait un volume plus grand et confirmé de vente de cette matière première En fonction des pertes, jusqu´à 2006 la coopérative n’a pas réussi à augmenter le volume (+) (-/+) (-) En fonction du partenariat avec les entreprises exportatrices, l’infrastructure de transport a contribué à la réduction des pertes Les coopératives ont réussi à avoir des prix supérieurs à ces d´intermédiaires (-/+) La coopérative, ayant la concession des usines des et entrepôts, lié à une gestion de la production, a réussi à diminuer les pertes (+) (-/+) Les actions initiales pour former un SPL de la noix du Brésil n’ont pas garanti une diversification des produits au sein de chaque coopérative. Mais les produits des coopératives étaient différents entre eux (-/+) Il existait une partie d’associés de ces deux coopératives. Les extractivistes qui collectaient des produits de qualité les fournissaient à la coopérative F Les coopératives ont eu une grande partie de leur volume transféré à la coopérative F, qui est une centrale d´organisations (-) La coopérative a réussi à augmenter les volumes, notamment après l’introduction de l’achat anticipé (+) Les actions menées au sein des coopératives ont cherché d’abord à garantir la qualité de la matière première, même si la R&D pour les nouveaux produits était avancée (+/-) Source : Elaboré par l´auteure. Le tableau 3.8 présente une synthèse de l´évaluation de la dimension économique au sein des coopératives. 161 Ce n’est qu’en 2007 que les ateliers et matériaux didactiques ont été développés, pour travailler la qualité, nécessaire aussi pour avoir le label du Commerce Equitable. 183 Tableau 3.8. Synthèse de l´évaluation de la dimension économique. Indicateur (+) (+/-) (-/+) D21 D, E et F D22 (-) A, B et C A, B, C, D, E et F D23 F B, C, D et E D26 F B D27 A et F A A, C, D et E B D28 D, E et F C, D et E A, B et C Source : Elaboré par l´auteure. Dimension spatiale Le seul indicateur de la dimension spatiale utilisé dans l´évaluation des coopératives est celui concernant l´identification des zones pour la priorisation des politiques publiques de développement des filières de PFNL. L’état de l’Acre a présenté des aspects plus positifs que l’Amapá, car, même si ce dernier a réalisé un zonage économiqueécologique de l´aire sud de l´état, identifiant un grand potentiel pour les PFNL, peu d´actions ont été mises en place. Le tableau 3.9 offre les résultats de l´évaluation avec quelques commentaires et le tableau 3.10 présente une synthèse de l´évaluation. Tableau 3.9. Evaluation de la dimension spatiale/territoriale dans les cas de coopératives analysés. A B C D E F Indicateur Dimension Spatiale ou Territoriale Identification des zones qui doivent avoir des politiques spécifiques pour les filières de PFNL (D41) Comaja Comaru Cooperalca Le Zonage Economique-Ecologique de l’état a identifié les aires prioritaires pour le développement de la filière noix du Brésil, mais les nombreuses actions prévues n’ont pas été menées (-/+) (+/-) Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 3.10. Synthèse de l´évaluation de la dimension spatiale. Indicateur (+) (+/-) D41 Caex Capeb Cooperacre Le Zonage Economique-Ecologique de l’état a identifié et implémenté une grande partie des actions pour le développement de la filière noix du Brésil, même si les projets n’ont pas réussi à développer toutes les coopératives D, E et F (-/+) (-) A, B et C Source : Elaboré par l´auteure. Dimension politico-institutionnelle Les coopératives de l´état de l´Amapá ont été créées sans prêter l´attention à une étape de (in)formation de leurs membres, concernant aussi bien les aspects techniques des structures productives, que les orientations pour préparer des demandes sociales et de financement. Dans les coopératives de l´état de l´Acre, qui avaient un historique 184 d´actions et de revendications en groupe, seule un petit groupe de leurs membres a participé à ce type d´activités. Dans la coopérative F il y a eu un effort plus grand pour que leurs membres participent à ce type d´activité. Quand il y a eu des formations basées dans les principes autogestionnaires, la participation de membres des coopératives était très réduite dans la plupart des cas évalués. Dans l´Amapá, la coopérative A a une meilleure structure organisationnelle, mais sa gestion n´a pas une orientation vers l´autogestion, fonctionnant de façon plus proche d´une structure traditionnelle. Les coopératives B et C peuvent être considérées plus autogestionnaires, mais elles ont de graves problèmes de gestion, dus à la faible préparation de leurs membres pour la gestion. Dans l´état de l´Acre, certains membres de coopératives D et E ont eu des formations pour l’autogestion, mais ces organisations sont toujours dépendantes d’interventions des institutions locales pour garantir leur gestion. L’attention à la gestion par les institutions participantes n’a pas été suffisante et le principal obstacle à la réussite des projets, avant d´être attribué à un manque d´empowerment et aux décisions prises sans la participation de leurs membres, doit être plutôt associé à une attention insuffisante à la gestion de l’entreprise, qui amplifiait les volumes et l’engagement des acteurs. Un autre problème identifié a été le manque de préparation pour gérer des sommes d´argent qu’ils n’avaient jamais travaillées auparavant. La coopérative F arrive à mener une autogestion, peu dépendante des membres extérieurs, mais encore très concentrée dans les membres de sa direction. En ce qui concerne l’intégration entre les institutions locales pour la promotion des coopératives, dans l’état de l’Amapá, elle n’a pas réussi à se maintenir. Dans l’état de l’Acre, malgré un fort travail d’intégration, deux des coopératives évaluées n’ont pas profité de cette intégration. Pour restructurer ces coopératives, le gouvernement de l´Acre a dû décider entre l’incubation et le partenariat avec des entreprises du même état ou de la Bolivie pour promouvoir le transfert de technologies qui s´avérait nécessaire. En fonction de la situation fragile des ces deux coopératives, la décision prise était celle de créer un Consortium entre les coopératives et une entreprise bolivienne. Mais cette résolution n’a pas été accordée par toutes les équipes des projets ni par les membres de coopératives concernées, démontrant une certaine « confusion institutionnelle »162. 162 Entretien avec un acteur qui a participé aux projets dans l´état de l´Acre. 185 Les actions de recherche et développement ont été distinctes dans les deux états, montrant qu’une partie des résultats positifs de l’Acre se doit à ces efforts au sein des institutions locales. Tableau 3.11. Evaluation de la dimension politico-institutionnelle concernant les cas de coopératives analysées. A B C D E Indicateur Dimension Politico-institutionnelle Participation des membres des coopératives à des activités de (in)formation en groupe (D51) Formation et orientation à l’autogestion (D52) Comaja Comaru Cooperalca La nécessité de créer des coopératives pour garantir des financements de projets de développement n´a pas permis aux membres de coopératives d´avoir une étape de (in)formation (-/+) (-) La coopérative était moins dépendante des institutions locales, et avait plutôt un profil d’entreprise que de coopérative Leurs membres n´ont pas eu de préparation à l´autogestion et elle est restée dépendante des institutions d’appui, restant avec la gestion de l´organisation concentrée (-/+) (-/+) Malgré une plus grande indépendance, leurs membres n’ont pas la formation et l´organisation nécessaires pour l’autogestion, ce qui a rendu plus difficile la gestion de la coopérative F Caex Capeb Cooperacre Même ayant un historique d´actions et de revendications en groupe, seulement un petit groupe des membres des coopératives a participé aux activités de (in) formation. Les membres des coopératives ont eu des formations pour l’autogestion, mais elles sont restées dépendantes d’interventions des institutions locales pour la gestion de l’organisation (-/+) (-/+) La coopérative a reçu un appui d’institutions locales, notamment pour les questions de gestion forestière, planification de la production et accès au marché, mais la gestion était centralisée par les membres de la direction (+/-) L’intégration prévue n’a pas duré longtemps et est restée médiocre entre 2002 et 2006 Malgré une intégration importante entre les institutions locales, les projets et les actions menés n’ont pas garanti la réussite de ces coopératives (-/+) (-/+) Intégration entre les institutions locales (D53) Cette coopérative, après l’échec des coopératives D et E, a garanti la concrétisation de nombreux efforts des acteurs locaux pour le SPL de la noix du Brésil dans l’état (+/-) Stimule aux actions de recherche et développement technologique (D54) Même si elle fut prévue au début des projets, la difficulté d’intégration entre les institutions n’a pas rendu possible un développement important en recherche et technologie concernant la filière noix du Brésil Des équipes inter institutionnelles dédiées à la recherche et au développement des nouveaux produits et technologies pour garantir la qualité du produit et la conservation des ressources naturelles ont commencé à voir leurs résultats à partir de 2006 (-/+) (+) Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 3.12. Synthèse de l´évaluation de la dimension politico-institutionnelle. Indicateur (+) (+/-) (-/+) D51 D, E et F A, B et C D et E D52 C et F A et B D53 F A, B, C, D et E D54 D, E et F (-) A, B et C Source : Elaboré par l´auteure. 186 Dimension culturelle Certains processus introduits par les actions des projets et programmes offraient des contrastes par rapport à la réalité des communautaires participants, ce qui, associé aux problèmes de gestion, peut justifier les difficultés pour faire fonctionner notamment les coopératives ayant des usines. Indépendamment de la saison, 4 sur 5 sont restées plus longtemps sans opérer. Si la coopérative F a eu moins de problèmes concernant les compatibilités entre processus introduits et culture des communautés, c’est plutôt parce qu´elle n’avait d´usine à gérer163. Les processus liés à l’écoulement des produits étaient similaires à ceux d’agents intermédiaires, sauf pour les pratiques exigées pour garantir la qualité organique des noix. Certains extractivistes doutaient que ces changements puissent vraiment améliorer leur condition de travail et de vie. Peu d´actions pour la récupération des pratiques traditionnelles ont été observées dans les projets de promotion des coopératives de l´Acre et de l´Amapá. Dans l´état de l´Acre, même si les projets ont valorisé des innovations technologiques, ils ont pris en compte quelques pratiques traditionnelles de gestion forestière pour améliorer les processus liés à la cueillette et à l´écoulement de la noix du Brésil. En ce qui concerne la promotion d´échanges entre générations afin de garantir l´introduction des nouvelles connaissances, mais aussi pour valoriser les traditionnelles, aucun des projets a eu en effet une action précise. Cependant, dans les coopératives B, C, D et F, des jeunes ont participé aux processus de gestion. Dans la coopérative A, qui avait un profil d´entreprise avec une gestion centralisée et qui n´était pas attachée à une communauté spécifique, ni la valorisation des savoirs traditionnels, ni la participation des jeunes des communautés, n´ont été poursuivies. Dans la coopérative E, où participaient à sa gestion principalement des agriculteurs immigrés d´autres états brésiliens, sans avoir une relation avec les traditions extractives locales, ces questions n´ont pas non plus été valorisées. La durabilité des projets dépend alors de la valorisation des savoirs traditionnels, ainsi que d´une stimulation de la diffusion des nouveaux savoirs, notamment parmi les jeunes générations. 163 Au moins jusqu´à l´année 2007. Après cette date, la coopérative F a pris la gestion de l´usine de la coopérative E. 187 Tableau 3.13. Evaluation de la dimension culturelle concernant les cas de coopératives analysées. A B C D E Indicateur Dimension Culturelle Compatibilité entre les processus introduits et la culture des communautés (D61) Niveau de récupération des pratiques traditionnelles qui n’étaient pas préjudiciables à l’environnement (D62) Promotion d’échanges entre générations au sein de la communauté (D63) Comaja Comaru Cooperalca Dans les trois coopératives, même si les projets ont été orientés par des activités déjà pratiquées par les communautés concernées, notamment dans les cas de B et C, les volumes et les processus au sein des structures industrielles ont été assez contrastants avec leurs pratiques traditionnelles (-/+) Il n’y a pas eu d´actions pour garantir le maintien des savoirs traditionnels à partir de la valorisation des connaissances des extractivistes plus anciens F Caex Capeb Les deux usines des coopératives sont restées longtemps sans opérer et les tentatives antérieures ont essayé de transférer une partie du processus d’industrialisation aux domiciles d’extractivistes n´ont pas fonctionné Cooperacre La coopérative n’a pas modifié le système d’écoulement, mais une partie de leurs membres ne veut pas adhérer aux bonnes pratiques (-/+) (+/-) Au lieu de renforcer les connaissances traditionnelles, les projets au sein des coopératives ont valorisé des innovations technologiques, notamment dans les processus d´écoulement et d´entreposage, mais en prenant en compte quelques techniques traditionnelles de gestion forestière (-/+) (+/-) Pas d´action spécifique dans cette coopérative, qui présente une gestion centralisée. La plupart des processus est faite par des intermédiaires liés à la coopérative Un nombre très réduit de jeunes extractivistes a été engagé dans les activités liées à la gestion des coopératives. (-/+) Les coopératives D et F avaient plus de jeunes engagés que dans la coopérative E. Les formations aux bonnes pratiques et à la gestion forestière ont été données dans le cadre d’ateliers et cours, sans renforcer la participation des jeunes générations. D et F = (-/+) E (-) (-) Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 3.14. Synthèse de l´évaluation de la dimension culturelle. Indicateur (+) (+/-) (-/+) D61 F A, B, C, D et E D62 D, E et F A, B et C D63 B, C, D et F (-) A et E Source : Elaboré par l´auteure. Le paragraphe 3.2.2. présentera les évaluations des aspects organisationnels autour des coopératives extractives, plus précisément en ce qui concerne les changements dans la structure de la filière, dans le management et la représentation que les acteurs participant ont de la supply chain (SCM et SCO), ainsi que le contexte pour le développement d´un SPL . Les items d´évaluation de cette dimension ont été proposés (cf. §2.4.1 et §3.1.2) avant une revue de littérature plus approfondie et ils se sont basés plutôt dans les résultats d´évaluations précédentes et dans notre culture personnelle de terrain en Sciences de Gestion – notamment en Logistique164. 164 Si le lecteur préfère consulter les définitions de ces concepts avant la lecture des évaluations présentées dans ce paragraphe, une lecture des concepts liés à la dimension organisationnelle est recommandée dans le chapitre suivant, notamment la section 4.2. 188 3.2.2) Evaluation des aspects organisationnels (externes) Nous présenterons ici les évaluations sur quelques aspects spécifiques concernant les structures de Filière, Supply Chain et Système Productif Local dans les contextes de projets et programmes appliqués dans les six coopératives analysées et qui ont été classés comme des dimensions organisationnelles externes. Pour analyser ces aspects, il a parfois été difficile de traiter séparément le cas de chaque coopérative, parce que des actions visant plusieurs organisations parmi celles choisies ont été conduites dans les deux états. Néanmoins, nous essayerons ici de présenter une évaluation sur la contribution de chaque coopérative à la transformation de la configuration de la filière, notamment au niveau local et, le cas échéant, de la coopération entre deux ou plusieurs organisations. Filière En ce qui concerne le premier aspect évalué, il peut être dégagé le fait que raccourcir la filière ne va pas nécessairement garantir le développement local. Dans tous les cas analysés, à l’exception de B, la relation entre les extractivistes et/ou la coopérative et les agents intermédiaires persiste encore. Cependant, des résultats différents ont été observés dans chaque état choisi. Dans l’Amapá, des associations coopératives-intermédiaires ont réussi à garantir l’écoulement des produits, sans effectivement renforcer ces organisations et leurs membres. Leur gestion était encore très centralisée. Dans l’Acre, les transformations ont été nettement différentes, dans la mesure où certains intermédiaires ont commencé à acheter plus par les coopératives que par les entreprises boliviennes ou du Pará. Il ne pouvait pas être espéré que, à moyen terme, les agents intermédiaires locaux allaient acheter exclusivement les produits des coopératives, parce que, en dehors du marché local, la structure d’oligposone est encore présente et ces agents ont aussi des engagements avec les intermédiaires plus en aval de la filière. Le changement dans la structure de l’oligopsone a été le deuxième aspect évalué, montrant qu’il y a eu effectivement, du niveau local au niveau international, une multiplication d’alternatives d’acheteurs pour les six coopératives visitées. 189 Les difficultés d’adaptation aux technologies et techniques introduites, ainsi que des problèmes de planification de la production et de gestion financière n’ont pas permis aux coopératives de garantir plus de transformations dans leurs structures, notamment dans les coopératives C, D et E. Les coopératives A et B ont réussi à ajouter de la valeur à leurs produits, mais, au contraire de ce qui a été prévu dans certains projets, ces organisations ne travaillaient plus en partenariat. Le cas de F et, dans une certaine mesure, de l’état de l’Acre, diffère des cas de l’Amapá, surtout parce que les transformations introduites, après plusieurs échecs des transformations locales, étaient des changements dans les processus. Cette décision s’est montrée efficace, puisque, après plusieurs années de recherche et de développement des techniques d´une part et de formation des extractivistes d´autre part, les produits ont effectivement présenté un différentiel sur le marché. Même s’il s’agit de niches de marché, les prix de produits pouvaient s´avérer significativement plus chers que ceux pratiqués par les entreprises traditionnelles exportatrices de la Bolivie et de l’état amazonien du Pará. De façon générale, les projets requéraient des grandes structures, mais les associés des coopératives n’avaient pas les moyens pour les gérer, ce qui a affaibli leurs organisations, non seulement sur le plan gestionnaire et économique, mais aussi sur le plan politique165. Les tableaux 3.15 et 3.16 présentent les résultats de l´évaluation des aspects de la filière noix du Brésil dans les six coopératives. 165 « Une personne qui vient au-delà du seringal pour être responsable de plus d’argent qu’elle n’a jamais vu, n’a pas de structure pour administrer. C’est pour ça que cela n’a pas marché » (M. Luis Pereira, Président de la Caex en 2005. Entretien pris le 19/07/2005). 190 Dimension organisationnelle externe (Filière) Tableau 3.15. Evaluation des aspects concernant la filière noix du Brésil. A B C D Indicateur Raccourci de la filière (est-elle devenue moins longue ?) (D71) Comaja La coopérative a en fait complexifié et allongé la filière, car elle s’est associée aux entreprises exportatrices, tout en gardant la structure d’achat et d´écoulement de produit par les intermédiaires Comaru La coopérative a en effet contribué à raccourcir la filière locale, mais il existe encore des associés qui se trouvent dans la « filière longue » (+/-) Cooperalca La coopérative a aussi contribué à la complexification de la filière. Après son association avec la coopérative A, elle a aussi une partie de ces processus réalisés par des agents intermédiaires liés aux entreprises exportatrices E F Caex Capeb Cooperacre Certains agents intermédiaires des entreprises locales et exportatrices sont devenus aussi agents des coopératives. La filière n’a pas raccourci, car dans la plupart du volume commercialisé, les coopératives (notamment F) n’ont pas substitué les agents intermédiaires, mais se sont associées à eux pour garantir l’écoulement et la sécurité financière de la coopérative. Une autre partie du volume commençait à atteindre des niches de marché, en fonction du commerce équitable. Dans ce cas aussi, il ne peut pas être affirmé que la filière a raccourci (+/-) (-/+) (-/+) Maintien de l’oligopsone (D72) Transformations du produit au niveau des maillons amont (D73) Dans tous les cas analysés, il y a eu l’entrée de nouveaux acteurs, modifiant la structure locale d’oligopsone, mais les agents intermédiaires des entreprises exportatrices dominent encore une grande partie des processus d’écoulement, notamment où l’accès est plus difficile. De ce fait, un nombre important des membres et nonmembres de coopératives n´ont pas eu l´accès à d´autres alternatives (+/-) Certaines actions ont voulu favoriser la coopération entre ces deux coopératives pour garantir des transformations du produit à partir des premiers acteurs de la filière. Elles sont arrivées à commercialiser des produits plus transformés, mais en travaillant séparément. Dans le cas de B, le produit était l’huile brute pour l’industrie cosmétique et dans le cas de A, c’était la noix type exportation et l’huile comestible (+/-) Le projet initial de la coopérative était l’industrialisation des « dry nut » pour exportation. Mais depuis deux ans, en attendant l’aménagement de son infrastructure (usine, entrepôts, voies d’accès et véhicules), la coopérative a commercialisé que des noix in natura (-/+) Comme leurs usines sont restées longtemps sans opérer, ces deux coopératives n’ont pas réussi à promouvoir des transformations dans les étapes initiales de la filière. Toutefois, elles ont introduit des pratiques au sein d’une partie de leurs associés qui ont pu garantir une meilleure qualité (sanitaire et écologique) du produit (-/+) Après que la coopérative a pris la gestion de l’usine de B, elle a garanti la transformation des produits par les acteurs initiaux de la filière, mais la diversification était prévue pour une étape ultérieure des projets (+/-) Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 3.16. Synthèse de l´évaluation des aspects concernant la filière de la noix du Brésil. Indicateur (+) (+/-) (-/+) (-) D71 B, D, E et F D72 A, B, C, D, E et F D73 A, B et F A et C C, D et E Source : Elaboré par l´auteure. Supply Chain Management et Supply Chain Orientation L’évaluation concernant la gestion de la supply chain (SCM) et la représentation que les acteurs locaux ont de cette structure (SCO) a d´abord pris en compte la gestion de la production et la distribution des produits par les coopératives. Les coopératives qui ont mieux réussi à gérer les flux des produits, l’ont fait chacune à partir d’une configuration différente. Et celles qui ont eu davantage de problèmes que de réussites, les ont eu notamment à cause des infrastructures précaires (cas C) et d’une centralisation de la 191 gestion, sans la participation et l’information de l’ensemble des associés (cas D et E). Ces deux coopératives ne sont pas parvenues à s’organiser, laissant les usines inopérantes pendant plus de trois ans. Les produits étaient seulement rassemblés et envoyés aux entreprises exportatrices de la Bolivie. Selon plusieurs témoignages, les associés n’avaient pas participé aux processus d’installation de ces usines, et les structures de coopératives commençaient à devenir plus centralisées. Dans l´état de l’Acre, le Secrétariat de Promotion de la Production Familiale (SEPROF) a fait un inventaire sur les agents intermédiaires qui achètent les plus grands volumes dans l’état et ont fait un annuaire, avec l’intention de les garder comme des acheteurs des coopératives. Le terme créé pour nommer à ces acteurs a été « neomarreteiros » (nouveaux intermédiaires), en allusion avec le terme neoextractivisme. Cette action s´est montrée fondamentale pour garantir, au moins dans le court et moyen terme, que le processus d’écoulement de la production des castanhais jusqu’aux usines soit assuré par des professionnels qui le maîtrisent166. La participation et l’engagement des acteurs locaux se sont montrés contrastant dans les deux états analysés. Tandis que dans l´Acre le réseau d’acteurs engagés s’est intensifié, dans l’Amapá il est resté très instable, avec une réorganisation dans l’année 2006, notamment en fonction des politiques et des actions des institutions fédérales pour le renforcement des filières et SPL de l’extractivisme en Amazonie. En ce qui concerne l’interaction entre les coopératives pour le partage des ressources, nous observons très peu de résultats effectifs. Dans l´état de l´Amapá, la coopérative B est restée isolée par rapport aux coopératives A et C. La seule interaction entre ces deux coopératives a été le partage de l´usine de A pendant que l´usine de C était inopérante et l´achat des produits de C par A. L’association la plus positive a été celle organisée entre la coopérative F et les coopératives D et E, ainsi qu´avec d’autres organisations extractives de l’état de l’Acre, qui n’ont pas été évaluées. La coopérative F a assumé le rôle d’organisation leader pour garantir la gestion de la filière locale. Les tableaux 3.17 et 3.18 présentent l´évaluation du SCM et SCO de la filière noix du Brésil dans le contexte des six coopératives étudiées. 166 Etant donnée la condition historique des extractivistes, qui ont été habitués à un patron ou à un agent intermédiaire pour garantir l’écoulement de leur cueillette, il ne serait pas immédiat ni évidant de garantir ce processus par les castanheiros eux-mêmes, à moins qu’ils ne développent ces pratiques. 192 Dimension organisationnelle externe (SCM et SCO) Tableau 3.17. Evaluation de la gestion et de la représentation des acteurs locaux sur la Supply Chain de la noix du Brésil. A B C D E F Indicateur Gestion de la production et distribution par les coopératives (D74) Comaja La coopérative n’a pas le profil de coopérative, mais arrive à garantir une gestion de la production (+/-) Comaru La certification FSC a aidé la coopérative à améliorer sa gestion de la production, même si elle reste encore très centralisée Cooperalca Malgré l’autogestion de la coopérative, l’infrastructure et le niveau de formation précaires rendent difficile la gestion de la production Interaction des flux et processus entre les coopératives (D76) (-) (-/+) (+/-) Engagement des stakeholders avec le management de la SC (D75) Caex Capeb Malgré les efforts pour améliorer leur gestion, les deux coopératives sont encore dépendantes de l’appui d’institutions locales pour garantir la planification de la cueillette/production. Actuellement c’est la coopérative F la responsable pour garantir cette planification Cooperacre La coopérative a eu l’appui d´institutions locales pour accéder aux nouveaux marchés. La gestion productive était garantie par la direction (+) Le manque d’interaction entre les coopératives était justifié par le manque d’intégration entre les acteurs locaux, voire même nationaux. Deux des coopératives étaient localisées dans des unités de conservation et n´étaient pas gérées par les mêmes institutions La forte intégration et engagement entre les acteurs locaux et nationaux a permis le développement de la chaîne localement, mais les coopératives plus problématiques (D et E) avaient encore des difficultés à être intégrées au sein de la filière/supply chain (-/+) (+/-) A acheté une partie des produits de coopérative C, pendant que l’usine était inopérante (-/+) Jusqu´à la fin de la recherche de terrain, la coopérative n’avait aucune interaction avec d´autres organisations locales A partagé seulement l’usine avec coopérative A (-/+) (-) L’usine a repris ses opérations après une association avec une industrie locale car elle n’avait pas de capital pour opérer167 L’usine de la coopérative E a été transférée à F, qui est devenue la responsable par la gestion des flux des coopératives locales La coopérative a pris la responsabilité pour la gestion des flux et structures d’autres coopératives locales (-/+) (+/-) (-/+) Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 3.18. Synthèse de l´évaluation des aspects concernant la supply chain de la noix du Brésil. (+) (+/-) (-/+) (-) Indicateur D74 F A et B C D et E D75 F A, C, D et E B D76 D, E et F A, B et C Source : Elaboré par l´auteure. Système Productif Local Pour l’évaluation de l’engagement des coopératives et d’autres acteurs institutionnels locaux pour la participation d’un Système Productif Local de la noix du Brésil, deux aspects ont été considérés : l’existence d’une spécialisation des étapes de production et le partage des ressources parmi les organisations et d’autres institutions locales. Ces deux aspects n´ont pas été les plus réussis dans les six cas évalués. 167 En Novembre 2007 la configuration de la coopérative a encore changé, après l’entrée de la Cooperacre dans un Consortium avec la Caex et une entreprise privée locale. Cette action a dû être faite pour essayer de récupérer la situation financière de la Capeb, endettée de plus de R$1,5 million. 193 Dans le cas de l´Amapá, le contexte analysé des coopératives locales de la noix du Brésil et d´autres PFNL ne pouvait pas être qualifié de SPL, car il n´y existait ni spécialisation ni partage des ressources parmi les coopératives ou d´autres entreprises locales, et le SPL de la noix du Brésil n´a pas été considéré comme prioritaire lors d´un appel d´offre à des projets de recherche et innovation des SPL168. Le SPL de la noix du Brésil a été reconnu comme prioritaire pour recevoir des financements publics pour le développement des SPL dans l´état de l´Acre, qui, même sans réussir à promouvoir une spécialisation des coopératives dans toutes les étapes de la filière, est arrivé à introduire de nouveaux produits dans les entreprises locales. Les processus productifs ont été alors divisés non seulement entre les trois coopératives évaluées, mais avec d´autres coopératives et entreprises existantes dans l´état. En ce qui concerne le partage des ressources et compétences, la coopérative F, plus récente mais plus structurée et ayant des membres plus capables, a pris en charge la gestion des flux et des structures d´autres coopératives, notamment les coopératives D et E, qui sont restées longtemps sans utiliser leurs usines d´industrialisation des noix. Les tableaux 3.19 et 3.20 résument les évaluations sur l´organisation de SPL dans les états de l´Acre et de l´Amapá. 168 Depuis 2005, diverses politiques publiques visant le renforcement des filières et SPL de l’extractivisme ont été définies, avec la participation de nombreuses institutions nationales et locales. Les appels d’offre présentées par l’Agence de Financement d’Etudes et de Projets (FINEP) du Ministère des Sciences et Technologie (MCT), pour les projets de recherche et innovation sur les systèmes productifs locaux de chaque région brésilienne, avaient comme condition que les SPL soient identifiés auparavant par les états. Pour l’appel d’offre de l’année 2007, parmi les SPL sélectionnés par l’état de l’Acre, il y avait celui de la noix du Brésil, mais, pour l’état de l’Amapá, il n’y avait même pas celui de produitsforestiers non-ligneux. Le seul lié à l’extractivisme était celui du bois et de l´ameublement. Les autres étaient ceux des industries créatives, de la céramique, du tourisme, de la pisciculture, des productions fruitières et de l’horticulture (http://www.finep.gov.br). Consulté le 22/08/2007. 194 Dimension organisationnelle ( SPL) Tableau 3.19. Evaluation de la filière noix du Brésil vers un Système Productif Local A B C D E Indicateur Spécialisation des étapes de production par les coopératives (D77) Partage des moyens, outils et savoir-faire (D78) Comaja Comaru Cooperalca Si dans les projets initiaux concernant les coopératives A et B cette spécialisation a été prévue, après les difficultés d’écoulement et les coûts élevés de transport, en plus des objectifs divergents, la complémentarité a été abandonnée. F Caex Capeb Cooperacre Spécialisation plutôt dans les étapes de l’écoulement des produits, faites par les coopératives D et E. La commercialisation et la gestion des usines étaient faites par la coopérative F (-/+) (+/-) Même si la coopérative A a confié sa structure à la coopérative C, elle n´était pas dans une configuration formelle d´un SPL. Dans la coopérative B, jusqu’à la fin de la recherche de terrain, il n’existait aucune intégration entre cette coopérative et les autres dans l’état A et C = (-/+), B = (-) Les coopératives D et E sont restées longtemps inopérantes. La coopérative F a pris la concession de E et devrait partager la structure de D Responsable par la gestion des coopératives locales (-/+) (+/-) Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 3.20. Synthèse de l´évaluation des aspects concernant le système productif local de la noix du Brésil. Indicateur (+) (+/-) (-/+) (-) D77 D, E et F A, B, et C D78 F A, C, D et E B Source : Elaboré par l´auteure. 3.2.3. Evaluation consolidée Les tableaux 3.21 et 3.22 présentent une synthèse des évaluations faites dans les six dimensions choisies. Tableau 3.21. Bilan des évaluations concernant les dimensions du développement durable. Dimension Développ. Durable Ecologique (D1) Economique (D2) Spatiale (D4) PoliticoInstitutionnel (D5) Culturelle (D6) Coopératives Code Indicateur A B C D E F D11 Certification Gestion Forestière (-) (+) (-) (+/-) (+/-) (+/-) D12 Certification Biologique (-) (-) (-) (-/+) (-/+) (+/-) D13 Actions préservation des matières-premières (-) (-/+) (-) (+) (+) (+) D21 Certification Commerce équitable D22 Variation prix depuis le début des actions (-) (-) (-) (+/-) (+/-) (+/-) (+/-) (+/-) (+/-) (+/-) (+/-) (+) D23 Diff. prix coopératives/ prix intermédiaires (-) (+/-) (+/-) (+/-) (+/-) (+) D26 Diminution volume pertes (-/+) (+/-) (-/+) (-/+) (-/+) (+) D27 Evolution volume total commercialisé (+) (-/+) (-) (-) (-) (+) D28 Diversification des produits (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) (+/-) (+/-) D41 Identification des zones prioritaires de PFNL (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) (+/-) (+/-) D51 Participation des membres dans des activités (-) (-) (-) (+/-) (+/-) (+/-) D52 Formation/orientation à l´autogestion (-/+) (-/+) (-/+) (-) (-) (+/-) D53 Intégration entre institutions locales (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) D54 Stimule actions R & D technologique (-/+) (-/+) (-/+) (+) (+) (+) D61 Compatibilité processus introduits et culture (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) D62 Récupération des pratiques traditionnelles (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) (+/-) (+/-) D63 Échanges entre générations (-) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) Source : Elaboré par l´auteure. 195 Il est intéressant d´observer qu´une même coopérative peut avoir des résultats positifs dans une dimension du développement durable et négatifs dans une autre. La coopérative F a obtenu le plus de résultats positifs et très peu de résultats négatifs parmi les six coopératives évaluées. Les coopératives A et C, au contraire, ont présenté plus de résultats négatifs et très peu de résultats positifs. Nous pouvons affirmer que la coopérative F a été plus réussie en ce qui concerne les dimensions du développement durable, car, dans l´ensemble des évaluations, elle a eu de meilleurs résultats. Mais, même si les coopératives A et C ont présenté les résultats les plus négatifs, nous ne pouvons pas affirmer qu´elles ont été les moins réussies, car d´autres coopératives ont eu aussi des résultats plus ou moins satisfaisants dans chaque dimension évaluée, rendant difficile un tel jugement. Pour la dimension organisationnelle, la coopérative F apparaît de nouveau comme ayant plus de résultats positifs. De la même façon que pour les dimensions du développement durable, nous allons la considérer comme la coopérative la plus réussie. Mais, encore une fois, nous ne nous risquons pas à indiquer laquelle a été la moins réussie. Tableau 3.22. Bilan des évaluations concernant la dimension organisationnelle. Dimension Organisationnelle (D7) Filière Supply Chain Systèmes Productifs Locaux Coopératives Code Indicateur A B C D E F D71 Raccourci de la filière (-/+) (+/-) (-/+) (+/-) (+/-) (+/-) D72 Maintien de l´oligopsone (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) D73 Transformations dans les stages initiaux (+/-) (+/-) (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) D74 Gestion production et distribution par les coopératives (+/-) (+/-) (-/+) (-) (-) (+) D75 Engagement stackeholders avec le management de la SC (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) (+/-) (+/-) D76 Intéraction des flux et processus intercoopératives (-/+) (-) (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) D77 Spécialisation étapes de production par les coopératives (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-/+) (-) (-/+) (-/+) (-/+) (+/-) D78 Partage des moyens, outils et savoir-faire Source : Elaboré par l´auteure. Les actions de projets ont eu des résultats et impacts dans plusieurs dimensions et ne peuvent pas être évaluées par un indice unique contenant toutes ces dimensions. Nous reconnaissons aussi que, en considérant isolément chaque dimension, nous risquons d´avoir des analyses réductrices. Cependant, dans le cas de notre recherche, ce qui nous intéressait n´était pas de savoir quelle a été la coopérative plus ou moins réussie parmi 196 les cas évalués, mais plutôt quels aspects les plus pertinents de ces évaluations pouvaient être considérés dans la proposition d´une nouvelle configuration d´une filière de PFNL, dans un contexte similaire à ceux de coopératives évaluées. Il faut aussi préciser que la vérification des liens et/ou influences entre les aspects évalués, malgré sa pertinence, n´est pas objet de cette recherche, pouvant être approfondie dans le cadre d´une recherche future. Les résultats d´évaluations des coopératives ont alors servi à la définition des facteurs de succès et d´échec des projets de promotion des PFNL. Les éléments des évaluations considérés pour nous comme les plus importants seront utilisés pour essayer de répondre à deux des questions de recherche initiales, mais aussi pour la réflexion et pour la construction d’une nouvelle configuration locale de la filière au sein d’un groupe non concerné dans les projets précédents. La section 3.3 présente les principaux aspects à retenir de l´évaluation des coopératives, après que les réponses aux deux premières de nos questions de recherche et leurs propositions respectives soient présentées. Les aspects organisationnels seront approfondis dans le chapitre suivant, afin d´enrichir l´analyse des projets de valorisation de produits de communautés extractivistes. Dans la plupart des évaluations de projets, les aspects les plus évalués et discutés autour de projets de développement local sont plutôt ceux liés directement aux dimensions du développement durable. 3.3) Principaux aspects à retenir de l´évaluation des coopératives Dans cette section, les aspects de l´évaluation de coopératives qui pourront nous aider à répondre aux quatre questions initialement posées seront relevés. Basés dans les liens entre les quatre questions posées au début de la recherche, les propositions associées et les dimensions qui ont orienté les évaluations de projets au sein de coopératives extractives, nous allons nous concentrer dans les réponses à Q1 et à Q2. Pour confirmer les propositions liées à la question Q1, les évaluations des dimensions écologique (D1), économique (D2), spatiale (D4) et organisationnelle (D7) ont été associées à la proposition P1, celles de dimensions politico-institutionnelle (D5), 197 culturelle (D6) et organisationnelle (D7) ont été associées à la proposition P2, et l´évaluation de la dimension organisationnelle (D7) à la proposition P3. La proposition P4, la seule associée à Q2, a été confirmée par les éléments d´évaluation de la dimension organisationnelle (D7). La définition des items d´évaluation pour chaque dimension a été justifiée dans la section précédente. Dans les tableaux 3.23 à 3.26 suivants nous justifions d´abord la construction des réponses à chaque question de recherche à partir des items d´évaluation et ensuite nous représentons l´ensemble des liens entre Question de Recherche, Proposition et Item d´évaluation (Figure 3.1). Nous allons reprendre la première question posée au début de la recherche... Q1 - “Pourquoi les projets de promotion du développement durable de communautés extractivistes à partir de la valorisation de leurs produits, malgré les investissements et la stimulation à leur organisation collective, ne sont-ils pas parvenus aux changements initialement prévus dans la configuration locale de ces filières?” ... pour confirmer les trois propositions : P1, P2 et P3. Proposition P1 La proposition P1... P1 (Q1) – Pour valoriser les produits de l´extractivisme, il est nécessaire de combiner diverses actions. ... veut indiquer qu´une stratégie de valorisation des produits de l´extractivisme ne peut pas être réductrice, en considérant par exemple uniquement la transformation du produit brut dans ses dérivés, car, dans un contexte actuel des marchés consommateurs de plus en plus exigeants, cette condition n´est pas suffisante. D´autres actions voire stratégies doivent être envisagées. Dans ce sens, plusieurs labels sont apparus, pour garantir que le produit ou le service fourni par une organisation est en accord avec les demandes des consommateurs et – plus important – produit à partir des conditions qui soient viables du point de vue économique, acceptables du point de vue social et durable du point de vue environnemental (United Nations, 2002). Nous avons considérés plus précisément l´obtention par chaque organisation de trois labels comme items d´évaluation. Les Certifications en Gestion Forestière (D11) et Biologique (D12), concernant la Dimension 198 Écologique, et le Label du Commerce Equitable (D21), que nous avons associé à la Dimension Économique, mais qui peut aussi être appropriée pour la Dimension Sociale. Au début, la certification en gestion forestière était plutôt concentrée dans les produits ligneux, mais dans la dernière décennie, elle est aussi devenue pertinente pour les PFNL, même si l´applicabilité et l´impact de la certification comme un outil de promotion d´une gestion durable des PFNL n´est pas toujours clair et très peu discuté (Walter et al. 2003). Et le fait qu´une des organisations a reçu un label du commerce équitable peut nous indiquer si les projets ont réussi à garantir des conditions de commercialisations plus justes. Pour que le label soit délivré, les organismes certificateurs doivent en effet reconnaître que les relations commerciales entre les producteurs et les organisations et entre celles-ci et leurs clients soient équilibrées (Renard, 2003). D´autres items d´évaluations choisis dans la dimension économique pour évaluer si les actions des projets ont réussi à ajouter de la valeur aux produits concernent encore la dimension économique et sont plus courants dans ce type d´évaluation. Il s´agit de la variation des prix après que les actions ont été introduites (D22), les éventuelles différences de prix entre les coopératives et les intermédiaires (D23) et la diversification des produits (D24). Nous avons encore choisi des items d´évaluation concernant les dimensions spatiale et organisationnelle pour soutenir la proposition P1. Les items correspondant à ces dimensions ont été l´identification des zones potentielles pouvant recevoir des actions spécifiques de valorisation des produits de l´extractivisme (D41) et les transformations des produits faites par les acteurs plus en amont de la filière (D73). Le tableau 3.23 résume les liens entre Q1-P1 et les items d´évaluations choisis pour soutenir cette première proposition. 199 Tableau 3.23. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q1-P1. Item Dimensions Justificatif d´évaluation D11 – Certification Pour identifier si les actions au Ecologique (D1) Gestion Forestière D12 – Certification Biologique D21 – Certification Commerce Equitable Question de Recherche 1 Economique Proposition (Q1) (D2) P1 Spatiale (D4) Organisationnelle (D7) sein des coopératives sont durables du point de vue environnemental Pour identifier si les actions au sein des coopératives sont viables du point de vue économique et acceptables du point de vue social D22 - Variation des prix depuis le début des actions D23 - Différence entre prix payé par la coopérative et prix payé par les intermédiaires Pour identifier s´il y a eu en effet des variations positives dans les prix des produits, non seulement pratiqués par les coopératives, mais aussi dans le marché local/régional D28 - Diversification des produits Pour identifier si les projets au sein des coopératives ont réussi à ajouter de la valeur à l´ensemble des produits, en pratiquant des économies de gammes, soit avec le partage des coûts pour des produits différents D41 - Identification des zones/territoires qui doivent avoir des politiques spécifiques pour les filières de PFNL D73 - Transformations des produits au niveau des maillons amont Afin d´identifier si les projets avaient orienté leurs actions à partir d´études préliminaires sur les potentialités locales ou régionales Afin d´identifier si les actions des projets ont prévu des actions/stratégies pour raccourcir la filière Source : Elaboré par l´auteure. Proposition P2 La proposition P2... P2 (Q1) – L´absence d´actions pour promouvoir l´empowerment au sein des organisations collectives constitue un risque pour la durabilité des projets de développement. ... nous oriente vers l´idée de que, avant de commencer des actions au sein des organisations collectives extractives, il est fondamental que leurs membres – et l´organisation elle-même - soient empowered. Cette prise de pouvoir peut être encouragée par l´acquisition des nouvelles connaissances par un individu ou par le groupe, d´où le choix des items d´évaluation D51 et D52. Il est aussi important d´identifier si ces processus de formation respectent la culture locale (D61). Nous pouvons évaluer également si les actions des projets ont introduit des changements dans les rapports économiques de pouvoir au sein de la filière. De ce fait, les items d´évaluation D71, D72 et D73 peuvent aussi aider à soutenir P2. 200 Le tableau 3.24 résume les liens entre Q1-P2 et les items d´évaluations choisis pour soutenir cette proposition. Tableau 3.24. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q1-P2. Dimensions Item d´évaluation Justificatif PoliticoInstitutionnelle (D5) Question de Recherche 1 Proposition (Q1) P2 Culturelle (D6) Organisationnelle (D7) D51 - Participation des membres des coopératives dans des activités de (in)formation D52 - Formation et orientation à l’autogestion D61 - Compatibilité entre les processus introduits et la culture des communautés D62 – Niveau de récupération des pratiques traditionnelles non préjudicielles à l’environnement D63 - Promotion d’échanges entre générations au sein de la communauté D71 - Raccourci de la filière D72 - Maintien de l’oligopsone D73 - Transformations du produit au niveau des maillons amont Pour identifier si les projets ont prévu des actions pour introduire de nouvelles connaissances au sein des organisations collectives extractives Le fait de ne pas considérer la culture locale peut compromettre les processus de formation La reconnaissance et la valorisation de la culture locale peuvent contribuer à la prise de pouvoir des acteurs locaux Pour identifier s´il y a eu des changements dans les rapports économiques de pouvoir au sein de la filière L´adoption de cette stratégie par les projets peut aussi influencer les rapports de pouvoir locaux Source : Elaboré par l´auteure. Proposition P3 La proposition P3... P3 (Q1) - Les relations socioéconomiques et les processus logistiques liant les collecteurs, les coopératives et les agents intermédiaires peuvent apporter des éléments favorables à la réussite des projets de développement amenés au sein des organisations extractives. ... introduit l´idée que le fait de ne considérer les relations et les processus liant les extractivistes et les intermédiaires uniquement que préjudiciables au développement des organisations locales peut rendre plus difficile la recherche d´autres solutions possibles. Les items d´évaluation choisis pour soutenir P3 sont tous liés à la dimension organisationnelle et concernent les trois différentes structures d´analyse possibles. Pour la Filière, les items d´évaluation associés ont été le D71 et D72, pour la SC (SCM et SCO), nous avons choisis trois items (D74, D75 et D76) et l´item D78 concernant les relations entre les acteurs d´un SPL. 201 Le tableau 3.25 résume les liens entre Q1-P3 et les items d´évaluations choisis pour soutenir cette proposition. Tableau 3.25. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q1-P3. Dimensions Item d´évaluation Justificatif Organisationnelle (D7) – Filière Question de Recherche 1 (Q1) Proposition Organisationnelle P3 (D7) – SCM et SCO Organisationnelle (D7) - SPL D71 - Raccourci de la filière D72 - Maintien de l’oligopsone D74 - Gestion de la production et distribution par les coopératives D75 - Interaction des flux et processus entre les coopératives D76 - Engagement des stakeholders avec le management de la SC D78 - Partage des moyens, outils et savoir-faire Pour identifier s´il y a eu des changements dans les rapports économiques de pouvoir au sein de la filière Pour identifier dans quel niveau la gestion est devenue une responsabilité des coopératives ou des intermédiaires Afin d´identifier si les projets ont prévu des liens entre les coopératives Afin d´identifier quels acteurs locaux – y compris les intermédiaires – étaient engagés dans le management de la SC Afin d´identifier si les actions des projets étaient effectivement orientées vers la formation d´un SPL Source : Elaboré par l´auteure. A la Question Q2... Q2 – « L´absence d´une représentation de la gestion intégrée de la filière noix du Brésil par les acteurs locaux représente-t-elle un facteur déterminant pour le succès (ou l´échec) des projets de développement à partir de la valorisation des produits de la forêt ? » ... nous avons associée une seule proposition, P4... P4 (Q2) – L´absence d’une représentation de la Supply Chain par les divers acteurs au sein des filières de PFNL peut être un frein à la réussite des projets de valorisation de ces produits. ... qui veut nous guider vers l´identification des représentations par rapport à la Supply Chain parmi les acteurs concernés par les projets. Pour soutenir cette proposition, nous avons aussi choisi des items d´évaluation liés à la dimension organisationnelle, justifiés dans le tableau 3.26. Tableau 3.26. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q2-P4. Dimensions Item d´évaluation Justificatif Organisationnelle Question de Recherche 2 (Q2) D72 - Maintien de l’oligopsone Pour identifier dans quelle mesure la représentation de la SC par les acteurs de la filière n´a pas influencé dans l´oligopsone (D7) – Filière Proposition Organisationnelle P3 (D7) – SCM et SCO Organisationnelle (D7) - SPL D75 - Interaction des flux et processus entre les coopératives D76 - Engagement des stakeholders avec le management de la SC D78 - Partage des moyens, outils et savoir-faire Pour identifier s´il a eu effectivement une représentation de la SC parmi les acteurs de la filière et si elle a contribué à des interactions, engagements et partages de ressources Source : Elaboré par l´auteure. 202 La seule dimension à ne pas être évaluée a été la sociale (D3) - représentée en gris dans le schéma, car la mesure des indicateurs choisis n´a pas été possible. Les lignes plus larges montrent les rapports entre questions et propositions de recherche et les lignes plus étroites, les rapports entre propositions et dimensions évaluées. Chaque couple « question-proposition » peut, par conséquent, être associé à une ou plusieurs dimensions évaluées. Figure 3.1. Liens entre questions de recherche, propositions et dimensions évaluées. D1 P1 Q1 P2 D2 D3 P5 Q3 D4 P3 D5 Q2 P4 D6 P6 Q4 D7 Source : Elaborée par l´auteure. La section est organisée en trois paragraphes : §3.3.1 et §3.3.2 où les questions Q1 et Q2 sont reprises, respectivement, ainsi que les propositions qui lui sont associées, et des réponses sont formulées. En §3.3.3 les résultats d’évaluations primordiaux à la construction collective d’une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil sont mis en évidence. 203 3.3.1) Des éléments de réponse pour la question Q1 Proposition P1 La première proposition associée à Q1 considérait la valorisation des produits à partir des actions de projets : P1 (Q1) – Pour valoriser les produits de l´extractivisme, il est nécessaire de combiner diverses actions. Suivant la logique des relations entre propositions de recherche et dimensions évaluées de projets, la figure 3.2 décrit chaque indicateur par la dimension qui a été considérée pour soutenir la proposition P1. Figure 3.2. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P1. D11 - Certification Gestion Forestière D1 P1 D2 D4 D7 D12 - Certification Biologique D21 - Certification Commerce Equitable D22 - Variation des prix depuis le début des actions D23 - Différence entre prix payé par la coopérative et prix payé par les intermédiaires D28 - Diversification des produits D41 - Identification des zones/territoires qui doivent avoir des politiques spécifiques pour les filières de PFNL Filière D73 - Transformations du produit au niveau des maillons amont Source : Elaborée par l´auteure. Si le critère de variation des prix (D22) était le seul considéré, il pourrait être inféré que les projets menés ont effectivement réussi à ajouter de la valeur aux produits des coopératives, car dans la totalité des cas les prix ont augmenté (cf. tableaux 3.7 et 3.8). Ce résultat peut être effectivement lié à la création des coopératives et aux actions menées par les projets, mais cela ne peut pas confirmer s´il y a eu effectivement une valorisation des produits. Prenant l’aspect de la différenciation entre les prix pratiqués par les agents intermédiaires et ceux pratiqués par les coopératives (D23), c’est une seule coopérative (F) qui est arrivée à le garantir, parce que une valorisation a pu être donnée au produit à 204 partir de l’amélioration des processus. Les autres cas ne sont pas arrivés à de grandes différences, soit parce que les intermédiaires se sont associés aux coopératives, soit parce que ces agents ont dû élever les prix au même niveau que ceux payés par les coopératives. Dans une grande partie des cas, comme les extractivistes étaient déjà endettés avec leurs clients, ils n’avaient pas le choix de ne pas vendre leurs produits aux intermédiaires, même quand les coopératives pratiquaient des prix plus élevés. Autre aspect évalué, la diversification des produits (D28), montre qu’il n´y a pas eu de grands changements depuis la création des coopératives et des actions des projets. Dans la mesure où ces aspects n’ont pas été complètement réussis dans les six cas analysés, il peut être suggéré que le fait de ne pas avoir introduit des transformations ou des diversifications au niveau des maillons amont, les objectifs des projets peuvent être en danger. Mais comme aucune des coopératives analysées n´a réussi à diversifier sa production, il n’est pas possible d’inférer si cet aspect pourrait apporter de meilleurs résultats. En ce qui concerne la certification en Commerce Equitable (D21), le fait d´avoir un label a montré un vrai différentiel. Dans les cas des coopératives de l´Acre, les extractivistes qui ont fourni à des clients qui payaient un prix différencié ont pu recevoir plus que le double de la valeur pour leurs produits. Mais la valorisation des produits de l´extractivisme ne concerne pas seulement la dimension économique. D´autres indicateurs de deux des dimensions du développement durable ont aussi servi pour confirmer cette proposition. Les dimensions sont l´écologique et la spatiale et les indicateurs concernent, respectivement, le fait pour les coopératives d´avoir des labels de gestion forestière (D11) et/ou biologique (D12) et l´identification des zones prioritaires au développement des filières ou SPL de PFNL (D41). Les évaluations concernant les certifications de produits des coopératives pour les labels FSC et biologiques ont montré que la plupart des organisations ne les avaient pas, même si une partie est en conformité avec les exigences des organismes certificateurs. Les recommandations des organismes de certification contribuent de façon importante à la valorisation des produits forestiers, même si l´organisation n´est 205 pas certifiée, car les produits peuvent arriver aux clients dans de meilleures conditions, pouvant ainsi obtenir des prix plus élevés même si les produits ne sont pas certifiés. Considérant l´identification des produits, acteurs et sites locaux ayant un fort potentiel productif et/ou demandant une attention prioritaire (D41), dans l´état de l´Amapá les acteurs locaux n´ont pas réussi à garantir la continuité des actions prévues, tandis que dans l´Acre, diverses actions ont été menées et ont produits des résultats importants pour le développement de la filière locale de la noix du Brésil. Le dernier item évalué associé à la proposition P1 a été la transformation des produits au niveau des maillons amont de la filière (D73). Comme il a été observé en section 3.2.2, la plupart des coopératives continuaient à vendre des produits bruts ou très peu transformés. Cette condition n´est pas une garantie de valorisation des produits, mais elle n´a pas été assurée à cause non seulement des difficultés d’adaptation des membres des coopératives aux technologies introduites, mais aussi à cause des problèmes liés à la gestion des organisations. Les points présentés sur les résultats d´évaluations groupant les dimensions écologique, économique, spatiale et organisationnelle nous permettent de soutenir l´idée centrale de la proposition P1, à savoir que des actions diverses et intégrées sont déterminantes pour valoriser les produits de l´extractivisme dans les projets de développement local. Une action unique – comme par exemple la construction d´une usine, même si elle est importante, ne pourra pas garantir le succès des projets. La même idée est aussi valide quand diverses actions sont proposées, mais en restant isolées, comme dans le cas des coopératives A, B et C, où étaient prévues des transformations dans les étapes initiales, mais sans avoir une collaboration entre les coopératives. Proposition P2 La deuxième proposition concernait la prise de pouvoir par les coopératives extractives : P2 (Q1) – L´absence d´actions pour promouvoir l´empowerment au sein des organisations collectives constitue un risque pour la durabilité des projets de développement. 206 La figure 3.3 décrit chaque indicateur par la dimension qui a été considérée pour discuter la proposition P2. Figure 3.3. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P2. D51 - Participation des membres des coopératives dans des activités de (in)formation D5 P2 D6 D7 D52 - Formation et orientation à l’autogestion D61 - Compatibilité entre les processus introduits et la culture des communautés D62 – Niveau de récupération des pratiques traditionnelles non préjudicielles à l’environnement D63 - Promotion d’échanges entre générations au sein de la communauté Filière D71 - Raccourci de la filière D72 – Maintien de l’oligopsone D73 - Transformations du produit dans les étapes initiales Source : Elaborée par l´auteure. La participation des membres des coopératives dans des activités de (in)formation en groupe (D51) est fondamentale pour l’autonomie de ces organisations. En étant (in)formé et en participant à un groupe, un individu peut être empowered et renforcer le pouvoir de ce groupe (Jentoft, 2005). Parmi les coopératives évaluées, très peu de leurs membres ont participé à ce type d´activité. En rendant possible l'accès des extractivistes aux informations sur les exigences du marché, la nécessité des pratiques pour garantir une meilleure qualité de leurs produits peut être mieux comprise. L'(in)formation peut alors apporter plus de changements que l'investissement dans une infrastructure comme une usine de transformation. Il y a eu aussi peu d´attention des équipes de projets aux activités de formation ou orientation à l´autogestion (D52), une condition pour le maintien des organisations de l´économie solidaire. Les actions n’ont pas réussi à garantir l’autogestion au sein de la plupart de coopératives et, même dans les projets qui avaient commencé à partir des mouvements de la base (« Bottom-up »), la gestion des organisations a eu besoin de l’appui des agents extérieurs. Moura et Meira (2002) observent que le développement de la gestion des coopératives demande un ample et long travail d'engagement, formation et apprentissage. Le constat que les actions au sein de la coopérative F ont eu 207 plus de succès peut être justifié par le fait qu’il s’agit d’une organisation plus récente, qui a bénéficié d’un processus d’apprentissage des partenaires institutionnels. L´importance que les processus introduits soient compatibles avec la culture des communautés (D61) semble élémentaire, mais cette condition n´a pas toujours été considérée dans les projets évalués. Le fait d´avoir des processus plus compatibles ou adaptés à la culture et à la réalité locale peut être décisif dans la compréhension d´éventuels processus ou technologies à introduire. Notre recherche n´a pas d´outils méthodologiques et théoriques pour approfondir cette question, mais, dans la mesure où les évaluations des projets ont constaté cet obstacle, nous estimons qu´il a dû compromettre les processus d´empowerment des acteurs locaux. De même, le niveau de récupération des pratiques traditionnelles (D62), en essayant de valoriser des connaissances locales, aurait rendu plus faciles les formations techniques aux bonnes pratiques de l´extractivisme. Et en permettant la préservation des connaissances traditionnelles, les projets renforceraient les coopératives et leurs membres. En évaluant l´échange entre générations (D63) nous reconnaissons la nécessité de garder le savoir traditionnel, mais aussi d’introduire des éléments nouveaux à leurs activités, comme des technologies et techniques diffusées par les recherches développées pour l’amélioration des processus le long de la filière. Cet aspect semble avoir une forte influence dans la continuité des projets, mais aussi contribuer à développer un processus d´évolution des coopératives vers l’autogestion. Cependant, il a été l’un des moins développés par les projets, car la plupart ont travaillé seulement avec les leaders communautaires, sans mobiliser les générations plus âgées ni plus jeunes. Pour mener à bien les étapes de formation, il est nécessaire de développer des nouveaux concepts et instruments. La plupart sont encore basés sur le modèle de la grande entreprise industrielle, où les contextes culturel, socioéconomique, structurel et organisationnel sont différents de ceux des organisations collectives ou des très petites entreprises. De ce fait, la nécessité d'adapter aux organisations telles les associations et les coopératives les concepts et outils associés aux notion de filière, de SC et de SPL se montre pertinente, mais la littérature sur le sujet reste encore embryonnaire. 208 L´évaluation sur le raccourci de la filière (D71) a montré que dans les deux états cet objectif n´a pas été atteint. Une grande partie des extractivistes, mais aussi des coopératives, a continué d´être dépendante des intermédiaires. Cela peut être justifié par le manque de pouvoir des coopératives, qui en partie est associé à leur faible autonomie par rapport aux processus de la filière. Cette autonomie est dépendante d´une formation et d´un renforcement du groupe, qui n´a pas eu lieu durant la conduite des projets. Un résultat relativement positif observé dans l´évaluation du maintien de l´oligopsone (D72) est le fait que le pouvoir des entreprises exportatrices a été dilué par l´entrée de nouveaux acteurs, notamment des entreprises privées et d´autres organisations qui valorisent les labels éco sociaux. Toutefois, si les coopératives extractives ne sont pas empowered, les processus de la filière continueront à être maîtrisés seulement par les intermédiaires, sans que les extractivistes puissent connaître les alternatives possibles (d´autres clients ou niches de marchés) qui pourraient les rendre moins dépendants et moins affectés par le pouvoir d´autres organisations (cf. Woods, 2005). Les résultats des évaluations sur les transformations des produits au niveau des maillons amont (D73) révèlent que la moitié des coopératives n´a pas réussi à introduire ce changement, en partie à cause de la faible connaissance de leurs membres dans les processus techniques et gestionnaires. Morin (2005) a remarqué que la production (des objets) est nécessaire à l´auto-production et à l´autonomie des producteurs. Pour l´auteur, c´est en maîtrisant ces processus que les membres de coopératives pourront devenir plus autonomes. Mais, dans les cas des coopératives évaluées, d´autres conditions nécessaires aux processus d´empowerment devaient être garanties avant que leurs membres ne participent aux processus de transformation. De l´ensemble des aspects commentés liés à la proposition P2 et concernant les dimensions politico-institutionnelle, culturelle et organisationnelle, nous pouvons affirmer que la réussite des projets de développement d´organisations collectives extractives dépend de l´émergence des processus d´empowerment de leurs membres. Pour que ces processus soient favorisés, il est nécessaire d´associer diverses actions/conditions, telles que des activités de (in)formation en groupe, l´orientation à l´autogestion, la préoccupation avec la compatibilité des processus 209 et/ou technologies avec la culture locale, la récupération des pratiques traditionnelles et l´échange entre générations. Les trois derniers aspects commentés (D71, D72 et D73) ne représenteraient pas des conditions aux processus d´empowerment au sein des coopératives, mais plutôt des conséquences de l´introduction des actions citées dans le paragraphe précédent. Proposition P3 La troisième proposition s´intéressait par les relations entre extractivistes et agents intermédiaires : P3 (Q1) - Les relations socioéconomiques et les processus logistiques liant les collecteurs, les coopératives et les agents intermédiaires peuvent apporter des éléments favorables à la réussite des projets de développement amenés au sein des organisations extractives. La figure 3.4 décrit chaque indicateur par dimension qui a été considéré pour discuter la proposition P3. Figure 3.4. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P3. Filière P3 D7 SCM et SCO D71 - Raccourci de la filière D72 - Maintien de l’oligopsone D74 - Gestion de la production et distribution par les coopératives D75 - Interaction des flux et processus entre les coopératives D76 - Engagement des stakeholders avec le management de la SC SPL D78 - Partage des moyens, outils et savoir-faire Source : Elaboré par l´auteure. Les deux premiers aspects d´évaluations qui ont été considérés pour une réflexion autour de la proposition P3, D71 et D72, ont aussi été utilisés dans l´argumentation pour la proposition P2. En ce qui concerne P3, d´autres éléments seront ici exposés, mais ils se montrent aussi étroitement liés à ceux présentés dans le renforcement de P2. 210 Le premier item évalué a montré que, dans la totalité des cas, il n´y a pas eu de raccourci de la filière (D71), qui dans ces projets devait passer par l´élimination de l´agent intermédiaire. Les relations entre les extractivistes et les agents intermédiaires ont été gardées, y compris dans de nouvelles configurations, comme dans les relations entre intermédiaires et coopératives. Le fait que ces relations entre extractivistes et agents intermédiaires n’étaient pas seulement économiques avait déjà été cité dans la littérature, vu qu’une partie des intermédiaires est membre des communautés, mais aussi parce que dans des communautés isolées, ce qui est commun en Amazonie où l´Etat est souvent absent, ils représentent encore le seul acteur capable de satisfaire aux demandes de base de ces populations. En limitant initialement les relations entre les coopératives et les agents intermédiaires, les projets de développement ont empêché des changements vers une nouvelle configuration de la filière, car ils ont essayé de limiter les clients à des acteurs externes aux communautés, sans avoir des connaissances approfondies sur le fonctionnement le la chaîne. Nous pouvons affirmer que, dans le court terme, l´élimination d´un agent important pourrait laisser la filière sans alternative pour l’écoulement. C’est difficile pour les extractivistes et les coopératives de trouver des clients en dehors des agents intermédiaires avec qui ils puissent travailler dans une perspective de long terme. Ces agents, en plus de connaître et de solutionner les carences immédiates des extractivistes, sont les acteurs qui connaissent le mieux le fonctionnement des étapes plus en amont de la filière, c´est-à-dire dès la cueillette en forêt jusqu´à l´arrivée des produits dans les usines ou d´autres clients éventuels. La disparition de l’oligopsone (D72) des entreprises exportatrices peut seulement avoir lieu si la multiplication des alternatives de commercialisation aux extractivistes est effectivement produite. Pour Morin (2005), «les réseaux informels, les résistances collaboratrices, les autonomies, les désordres sont des ingrédients nécessaires à la vitalité des entreprises [...] L'atomisation de notre société requiert de nouvelles solidarités spontanément vécues et pas seulement imposées par la loi » (p. 124). La solidarité 169 étant considérée comme un ensemble des liens qui effectivement fixent les individus à un groupe, les alternatives possibles ne peuvent pas être imposées par des 169 La solidarité étant définie comme «relation entre personnes ayant conscience d'une communauté d'intérêts, qui entraîne, pour les unes, l'obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance» (Petit Robert). 211 équipes des projets et/ou des Pouvoirs Publics, car elles risquent de ne pas durer en fonction de ces faibles liens entre les nouveaux acteurs et les extractivistes. Que ces nouveaux liens soient entretenus avec des agents intermédiaires dans une nouvelle configuration de la filière ou avec des acteurs représentant des niches de marchés, comme les clients des labels éco sociaux, ils doivent résulter d´un processus – spontané ou stimulé - de construction collective où chacune des parties est bien informée sur les « règles » de fonctionnement de cette nouvelle structure. En ce qui concerne le SCM de la noix du Brésil, le constat que la plupart des coopératives dépendent des agents intermédiaires pour garantir leur gestion productive et de distribution (D74) peut être vu comme un fort argument qui doit être pris en compte par les équipes de projets lors de nouvelles actions ou de la révision des actions en cours qui veulent « à tout prix » éliminer ces agents, sans se préoccuper des impacts dans la structure de la filière dans le court et moyen terme. Dans l´évaluation de l´interaction/coopération des flux et des processus entre les coopératives (D76), nous avons constaté que dans 5 cas évalués les coopératives se sont servies des intermédiaires pour garantir des flux et des processus entre elles. Le SCO dépend d´un engagement des stakeholders avec le management de l´ensemble de la supply chain (D75). Les stakeholders doivent alors poursuivre le bon fonctionnement de la chaîne ou filière, en essayant de garantir des flux et processus parmi l´ensemble d´acteurs. Ils doivent reconnaître que, dans le court terme, il n´est pas possible de garantir le SCM sans que les intermédiaires soient encore considérés comme des acteurs nécessaires. Un problème de représentation « globale » de la chaîne peut aussi être signalé. Les acteurs n´en n´ont qu´une vision/représentation très partielle, et limitée aux acteurs avec lesquels ils sont directement en contact, d´où l´importance d´une stratégie d´(in)formation, afin de développer leur « référentiel » pour envisager d´autres chaînes. L’évaluation concernant le partage des moyens, outils et savoir-faire (D78) par les acteurs locaux, caractéristique des SPL, peut aussi montrer que les agents intermédiaires ont, au moins dans le court et moyen terme, un rôle important, car une partie des moyens de transport et des connaissances concernant l’écoulement des produits et la mise en marché sont mieux maîtrisés par ces acteurs que par les responsables de coopératives, voire même par les institutions d’appui. 212 Afin de soutenir la proposition P3, des aspects de la dimension organisationnelle concernant les notions de filière, SCM, SCO et SPL ont été analysés. Cela nous permet de soutenir que le rôle des agents intermédiaires et la nature de leurs relations avec les extractivistes et d´autres membres de la filière doivent être considérés par les équipes des projets de promotion du développement au sein des organisations collectives extractives, afin d´identifier des contributions possibles de ces acteurs aux actions à mener. Réponse à Q1 Après avoir soutenu les trois propositions liées à la question Q1, nous présentons une réponse à la non réussite des projets: Q1 - “Pourquoi les projets de promotion du développement durable de communautés extractivistes à partir de la valorisation de leurs produits, malgré les investissements et la stimulation à leur organisation collective, ne sont-ils pas parvenus aux changements initialement prévus dans la configuration locale de ces filières?” => Les projets n´ont pas introduit les changements initialement prévus dans les configurations locales des filières extractives, car ils n´ont pas réussi à combiner des actions diverses pour la valorisation de leurs produits, ce qui veut dire qu´ils se sont concentrés dans des aspects très spécifiques et n´ont pas adopté une vison systémique du problème. Deux aspects fondamentaux qui n´ont pas été préalablement considérés ont été la prise de pouvoir au sein des coopératives, car ils n´ont pas stimulé l´émergence des processus d´empowerment au sein des organisations participantes, ainsi que l´ensemble des acteurs de la filière, car ils n´ont pas effectivement pris en compte l´importance170 du rôle des agents intermédiaires dans le déroulement des actions prévues dans les projets. Bien évidement, d´autres facteurs ont pu contribuer à ces résultats des projets, mais d´après notre démarche d´évaluation, ce sont les éléments qui nous semblent les plus essentiels. Le prochain paragraphe présentera une réponse à la question Q2, en discutant la proposition P4. 170 Au moins dans le court et moyen termes. 213 3.3.2) Des éléments de réponse pour la question Q2 La deuxième question posée est plus concentrée sur l’impact d’une disposition des acteurs locaux à garantir la gestion de la filière de la noix du Brésil : Q2 – « L´absence d´une représentation de la gestion intégrée de la filière noix du Brésil par les acteurs locaux représente-t-elle un facteur déterminant pour le succès (ou l´échec) des projets de développement à partir de la valorisation des produits de la forêt ? » Une proposition unique est associée à cette question. Proposition P4 P4 (Q2) – L´absence d’une représentation de la Supply Chain par les divers acteurs au sein des filières de PFNL peut être un frein à la réussite des projets de valorisation de ces produits. La figure 3.5 décrit chaque indicateur par dimension qui a été considéré pour confirmer la proposition P4. Figure 3.5. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P4. Filière P4 D7 SCM et SCO SPL D72 – Maintien de l’oligopsone D75 - Engagement des stakeholders avec le management de la SC D76 - Interaction des flux et processus entre les coopératives D78 - Partage de moyens, outils et savoir-faire Source : Elaboré par l´auteure. Le lien entre l´item évalué sur le maintien de l´oligopsone (D72) et la proposition P4, encore une fois, réside dans un manque d´attention aux relations entre les extractivistes et les agents intermédiaires, ce qui peut justifier l´absence d´une compréhension de la gestion intégrée de la filière. En voulant éliminer un acteur considéré préjudiciable au développement des communautés extractivistes, les projets n´ont pas fait attention à la garantie de la gestion intégrée de la filière après la création des coopératives extractives. En fait, nous pouvons dire que la non prise en compte des liens nécessaires entre acteurs, activités et ressources (cf. Håkansson et Snehota, 1995) et de leur 214 contribution à la gestion intégrée de la filière a freiné l´introduction de certaines actions prévues. L´évaluation de l’engagement des stakeholders avec le management de l’ensemble de la chaîne (D75) avait montré plus d´aspects positifs pour les projets menés avec les coopératives de l´Acre (D, E et F) que de l´Amapá (A, B et C). Dans l´Amapá, comme les coopératives étaient localisées dans des unités de conservation de responsabilité régionale (B) ou fédérale (C), ou encore dans la zone urbaine d´une municipalité (A), des divergences entre les acteurs institutionnels appartenant à ces sphères ont été observées, ainsi qu´un intérêt plutôt dans la promotion politique que dans la promotion d´une intégration entre les coopératives. Dans l´Acre, même avec les coopératives D et E étant localisées dans une aire de conservation, des divergences d´intérêts ont aussi été constatées et les changements n´ont pu être plus effectifs qu´à partir du moment où la coopérative F a pris le leadership de la chaîne. Les commentaires concernant l´engagement des stakeholders peuvent aussi servir pour associer l’interaction des flux entre les acteurs de la chaîne (D76) et le partage de moyens, outils et savoir-faire (D78) avec la représentation de la SC par les diverses acteurs de la filière. L´évaluation de cet aspect a aussi montré que c’est dans le cas F qu´il y a eu les résultats les plus satisfaisants pour le développement local de la filière. Dans l´Amapá, même si les acteurs locaux font référence à une disposition pour la structuration d´un SPL, nous pouvons considérer qu´ils manquait aussi une « représentation du SPL », en plus d´une représentation de la supply chain. Dans l´Acre, l´engagement et l´effort des acteurs locaux pour résoudre les problèmes des coopératives D et E, en les laissant sous la gestion plus professionnelle de la coopérative F, ont été le signe qu´il existe la préoccupation de garantir le fonctionnement d´une ensemble d´organisations locales, ce qui fournit des conditions pour le développement d´un SPL de la noix du Brésil. En ce qui concerne le changement au sein d´une supply chain171, Fabbe-Costes et Jahre (2006) observent que certains flux, processus, systèmes et/ou acteurs peuvent être plus 171 Dans le cas de notre recherche, ce changement peut être représenté par l´introduction d´un nouveau fournisseur, l´introduction de nouvelles technologies, ou encore par l´introduction de « bonnes pratiques » de cueillette, stockage et transport. Cette dernière constitue aujourd´hui d´une exigence de l´Union Européenne pour que les industries brésiliennes de la noix du Brésil reprennent leurs exportations pour les pays membres, notamment l´Allemagne, l´Italie et le Royaume Uni. 215 faciles à changer que d´autres et posent la question sur les difficultés qui peuvent apparaître quand un changement est introduit au sein d´une structure bien intégrée. Dans notre cas, les difficultés pour introduire des changements sont aussi liées à une structure « traditionnellement » entretenue par de fortes relations socioéconomiques entre les premiers fournisseurs et les agents intermédiaires. Cette structure sera désormais appelée de « supply chain traditionnelle » et peut être définie comme une supply chain où les produits et/ou services fournis sont principalement originaires des populations traditionnelles, mais aussi où les relations entre les entreprises focales et les acteurs plus en amont de la chaîne n´ont pas changé depuis longtemps. Par conséquent, cette inertie ou fausse stabilité des relations pourrait rendre plus difficile l´introduction des changements au sein de la structure. Nous pouvons encore associer cette inertie au manque de représentation de la supply chain (SCO) par ces acteurs plus en amont de la chaîne. Si la supply chain peut être considérée comme une construction mentale (cf. Jahre et Fabbe-Costes, 2005), la SCO devient une condition importante au développement des chaînes traditionnelles. Messeghem et Varraut (1998) ont abordé le thème des stratégies proactives et réactives concernant l´adoption des démarches qualité par les PME, où une stratégie proactive est centrée dans la recherche d´un avantage concurrentiel et la stratégie réactive représente une réponse à de nouvelles exigences ou au comportement de concurrents. Dans le cas de notre terrain de recherche – la filière noix du Brésil – nous pouvons considérer que les stratégies réactives ont été adoptées par les usines exportatrices, notamment parce qu´elles sont menacées par les usines concurrentes boliviennes. Au sein des coopératives, même si elles sont appuyées par des acteurs exogènes, elles peuvent présenter des stratégies proactives, dans la mesure où, plus qu´une réponse aux exigences des clients, elles veulent arriver à un avantage concurrentiel, non seulement par rapport aux clients des usines, mais surtout par rapport aux agents intermédiaires, qui sont des clients des castanheiros et donc leurs concurrents. Les coopératives représentent des concurrents des usines exportatrices non seulement au niveau de la vente, mais aussi au niveau de l´achat172. L´adoption d´une démarche qualité par une organisation collective peut représenter une réponse aux exigences des clients, mais elle peut aussi risquer d´une perte de fournisseurs, car, pour de nombreuses 172 Conforme classification de la filière comme étant un cas d´oligopsone, en §1.5.2. 216 raisons, les castanheiros peuvent ne pas vouloir adopter cette démarche et ne pas se conformer aux nouvelles exigences, et donc continuer à vendre aux intermédiaires moins exigeants173. Dans le cas des SPL liés aux PFNL ou à d´autres produits issus de populations traditionnelles, les relations entre les acteurs plus en amont et d´autres acteurs sont en général récentes, car elles on été construites dans le cadre des politiques publiques de développement local. Nonobstant, nous pouvons leur ajouter l´adjectif traditionnel, non seulement pour faire référence aux relations anciennes, mais plutôt pour préciser que l´utilisation de leurs ressources dépend fortement des activités et des savoirs traditionnels. Les SPL traditionnels peuvent alors être définis comme des réseaux d´acteurs – individuels et collectifs – liés par des processus traditionnels d´exploitation, d´industrialisation et de distribution des ressources naturelles et leurs dérivés, exploités principalement par les populations traditionnelles. La proposition P4 peut être soutenue : si les acteurs engagés dans les projets de valorisation des produits de l´extractivisme n´ont pas une représentation de la supply chain (et ni du SPL), ces projets risquent effectivement de ne pas atteindre leurs objectifs de développement local. Réponse à Q2 La discussion de la proposition P4 par les éléments d´évaluation de la dimension organisationnelle nous a aidé à formuler la réponse suivante à la question Q2: Q2 – « L´absence d´une représentation de la gestion intégrée de la filière noix du Brésil par les acteurs locaux représente-t-elle un facteur déterminant pour le succès (ou l´échec) des projets de développement à partir de la valorisation des produits de la forêt ? » => L´absence d´une représentation de la supply chain, ainsi que du SPL par les acteurs locaux engagés dans des projets de promotion des produits de l´extractivisme peut freiner un nombre d´actions et processus qui devraient garantir le développement et le fonctionnement de ces structures, car sans connaître les enjeux logistiques - et parfois stratégiques - de ces relations entre les acteurs locaux de la chaîne, celles-ci risquent de n´être pas priorisées, voire même considérées dans les actions des projets. 173 Dans le cas de la filière noix du Brésil, il est encore plus fréquent que les agents intermédiaires ne fassent pas la différence entre les produits ayant des niveaux de qualité différentiés. Dans ce cas, le fait d´adopter une démarche qualité peut représenter un obstacle pour les coopératives au lieu d´un avantage concurrentiel. 217 Dans le paragraphe 3.3.3, une synthèse sera organisée, avec pour but l´orientation des équipes participant à de futures expériences similaires. 3.3.3) Aspects retenus pour la proposition d'une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil Si les éléments identifiés dans les sections précédentes sont effectivement centraux pour la proposition et pour la conduite de projets de développement au sein des communautés extractivistes, nous devrions espérer qu’un projet qui fait attention à ces aspects, dès sa conception, puisse être réussi ou, au moins, que les futures équipes participantes puissent se servir de ces leçons pour éviter d’autres obstacles et/ou échecs. Nous proposons de les grouper en « facteurs de succès » et « facteurs d´échec» afin de rendre plus facile leur lecture et leur application par d´autres équipes de projets éventuellement intéressées. Un aspect évalué dans les six coopératives extractives a été considéré comme un facteur de succès quand il a été introduit, soit au début, soit durant l’évolution des actions menées au cours des projets, et a garanti des changements positifs dans les configurations locales de la filière. Pour les facteurs d’échec, ils font référence plutôt à l´absence ou à la non application d´un aspect et/ou action fondamentaux aux projets, de façon qu´elle s’est présentée comme un frein au déroulement et/ou un risque à la réussite, voire la durabilité des projets. Les tableaux 3.27 et 3.28 présentent des synthèses des principaux résultats d´évaluations des projets, formulés respectivement en termes des facteurs de succès et facteurs d´échec. Pour aider dans la lecture, ils sont présentés en suivant l´ordre des dimensions proposées, mais cela ne signifie pas qu´il existe des facteurs de succès ou d´échec à considérer prioritairement. 218 Tableau 3.27. Facteurs de succès constatés dans les évaluations des coopératives extractives. Code FS1 Facteur de succès (FS) Amélioration des processus de cueillette et écoulement des produits, en obéissant aux pratiques demandées par les certificateurs de produits biologiques ou de gestion forestière, même sans impliquer la délivrance d’un label Indicateur(s) associés D11/D12/D13/D23 FS2 Certification Commerce Équitable D21 FS3 Garantie de financement aux extractivistes alternatif à celui des intermédiaires D27 FS4 Implémentation des actions de promotion dans les Zones identifiés comme ayant besoin et/ou potentiel à des politiques publiques spécifiques pour les filières des PFNL D41 FS5 Intégration entre les institutions locales D53 FS6 Promotion de la recherche et développement technologique D54 FS7 Transformation des produits au niveau des maillons amont D73 FS8 Engagement des stakeholders avec le management de l´ensemble de la filière D76 FS9 Partage des ressources entre les coopératives D78 FS10 Partage des moyens, outils et savoir-faire avec les intermédiaires D78 Commentaires Ces changements ont en effet permis aux coopératives qui les ont introduits de pratiquer des meilleurs prix avec leurs clients, mais aussi à réduire leurs volumes de pertes. La préparation des extractivistes dans les bonnes pratiques d’exploitation a permis à ces travailleurs de reconnaître l’influence de leurs actions dans l’amélioration des conditions de la filière. Dans les coopératives de l´Acre évaluées, les extractivistes qui ont fourni aux clients qui payaient un prix différencié ont pu recevoir plus que le double de la valeur pour leurs produits. L´évolution du volume commercialisé par la coopérative F, en fonction du financement reçu pour l´achat anticipé des produits, a montré que cette politique publique est un facteur de promotion des coopératives extractives, mais à condition qu´il ait une gestion responsable de ces ressources. Pour cela, les membres des coopératives doivent être bien (in)formés sur le fonctionnement de cette modalité de financement. Une autre condition est que ce financement soit disponible entre deux saisons de cueillette. La différence entre les deux états évalués est que l´Acre a réussie à introduire une grande partie des politiques publiques identifiées comme nécessaires au développement de la filière noix du Brésil dans les zones/territoires prioritaires. De la même façon que pour la recherche et le développement technologique, le partenariat entre acteurs locaux et non locaux (cas Acre), engagés aussi avec la gestion de la chaîne, a rendu possible le changement de la configuration locale de la filière, avec l´amélioration des conditions d´exploitation et commercialisation par les extractivistes Des efforts collectifs groupant des institutions locales de l´état de l´Acre, organismes nationaux et internationaux ont garanti le développement des pratiques forestières de conservation et pour assurer une meilleure qualité des produits, ainsi que des nouveaux produits en coopération avec les petites industries locales. Malgré le volume limité, les prix payés pour les produits semi-industrialisés étaient effectivement plus élevés que le produit brut. Conforme les commentaires pour le FS5 (Intégration entre les institutions locales) Même sans être organisées formellement dans un système productif local, certaines coopératives ont travaillé en coopération, notamment pour le partage des moyens de transport et entrepôts, mais aussi pour la gestion des ressources financières reçues pour l´achat anticipé174. A partir du moment où les actions des projets dans l´Acre ont inséré les agents intermédiaires dans les stratégies d´amélioration de la qualité des produits, des connaissances importantes sur les processus liés au transport, entreposage et commercialisation ont été partagées avec les membres des coopératives. Cas Exemplaires D11 (Coop.B) D12 (Coop.F) D13 (Coop. D/E/F) D23 (Coop.F) Coopératives D/E/F Coopératives A/F Coopératives D/E/F Coopérative F Coopératives D/E/F Coopératives A/B/F Coopérative F Coopérative F Coopérative F Source : Elaboré par l´auteure. 174 Ce dernier seulement avec des coopératives de l´état de l´Acre. 219 Tableau 3.28. Facteurs d´échec constatés dans les évaluations des coopératives extractives. Code Facteur d´échec (FE) Indicateur(s) associés FE1 Manque de fonds de roulement dans les coopératives pour financer les processus logistiques de l´extractivisme D27 FE2 Manque d´activités de (in)formation en groupe D51 FE3 Manque de (in)formation pour garantir l´autogestion des coopératives D52 FE4 Incompatibilité entre les processus introduits et la culture des communautés D61 FE5 Faible attention aux connaissances traditionnelles et absence d´un échange entre les générations D62/D63 FE6 Manque d´une gestion des flux au sein des coopératives D74 FE7 Manque d´une interaction des flux et processus entre coopératives D76 FE8 Réduction des relations entre les agents intermédiaires et les extractivistes, voire avec les coopératives D78 Commentaires C’est un aspect qui compromet certainement les actions de développement de la filière analysée, ainsi que d’autres filières extractives. Le manque d’une politique de financement de la cueillette aux extractivistes les rend dépendants de ceux qui peuvent les financer en dehors des saisons de cueillette, sans qu´ils puissent identifier d´autres alternatives de clients pour acheter leurs produits. Malgré les difficultés de réunir les extractivistes pour des activités de formation conventionnelles, des activités alternatives devaient être essayées afin de rendre possible l´émergence des processus d´empowerment individuel et collectif. Dès la création des coopératives évaluées, il y a eu très peu d’actions pour promouvoir un partage des connaissances sur les aspects liés à la gestion des coopératives. La responsabilité par la gestion et l’engagement avec celle-ci est restée restreinte à un groupe très réduit d´extractivistes. La plupart des cas de coopératives analysés ont constaté que, en plus de l´introduction des structures avec des échelles et processus auxquels les extractivistes n´étaient pas habitués, un nombre très réduit de ces travailleurs a été formé. Les savoirs traditionnels des générations plus anciennes, important pour garantir certaines opérations liées à l’extractivisme des PFNL, risquent de se perdre, sans que ces pratiques soient conservées par les générations futures. Et une participation plus active de ces dernières dans les étapes de projets aurait pu garantir une continuité des actions implémentées, car une partie des jeunes est alphabétisée et peut avoir aussi plus de familiarité avec les nouvelles techniques et technologies introduites. En plus, ce sont eux qui seront responsables de ces organisations dans le moyen et long terme. Peu de coopératives sont arrivées à garantir une gestion efficace des flux de produits, financiers et d´information. En ce qui concerne les informations, elles sont restées concentrées dans les directions de coopératives, ce qui a généré aussi des méfiances de la part des membres de ces organisations. Si le partage des ressources entre quelques coopératives s´est avéré un aspect promoteur de développement de ces organisations, le manque d´une interaction concernant la gestion des flux et des processus a rendu difficile le développement d´un système productif local, ce qui était l´ambition dans l´état de l´Amapá. Il existe plusieurs niveaux d´agents intermédiaires dans la filière de la noix du Brésil. Dans le contexte local, la plupart de ces intermédiaires faisait partie des communautés, gardant, en plus des relations commerciales, des relations sociales très fortes, ce qui parfois n´a pas été pris en compte par les premières actions de projets. L´absence de connaissance concernant les débouchés au delà des intermédiaires a mené les équipes de projets à limiter ces relations. Cas Exemplaires Coopératives C/D/E Coopératives A/B/C Coopératives D/E Coopératives A/B/C/D/E D62-Coop. A/B/C D61 – Coop. A Coopératives D/E Coopérative B Coopérative B Source : Elaboré par l´auteure. 220 Certains aspects constatés dans les évaluations n´ont pas été considérés dans la proposition des facteurs de succès et d´échec des projets, car, soit ils n´ont pas rendu possibles des conclusions (D28 et D77), soit ils constituaient plutôt des résultats que des actions nécessaires aux projets (D22, D26, D71 et D72). L’analyse des projets a été une étape nécessaire pour comprendre le pourquoi de certains échecs, mais aussi pour aider une réflexion sur des solutions possibles pour surmonter ces problèmes. L´observation des facteurs de succès et d´échec proposés doit alors être utile à d´autres équipes participant à des projets dans des contextes similaires à ceux évalués au sein des coopératives de l´Acre et de l´Amapá. Dans la Partie II, le chapitre 4 doit approfondir le cadre théorique proposé dans le chapitre 2 (et « intuitivement » utilisé dans l´évaluation) pour travailler les facteurs de succès et d´échec en vue de concevoir de futures actions. Le chapitre 5 traitera d´une recherche-action menée au sein d’un groupe d’extractivistes de l’état de l’Amapá qui n’avait pas été concerné par les actions auxquelles les trois coopératives de cet état (A, B et C) ont participé. Cette recherche-action a été conçue en tenant en compte des résultats de l´évaluation des 6 projets, afin de capitaliser cette expérience. Elle consiste en un projet proposé et mené par une équipe pluridisciplinaire, ayant, parmi les similarités avec les expériences évaluées dans ce chapitre, le fait d´engager des communautés traditionnelles qui exploitent la noix du Brésil, la participation des acteurs locaux et provenant d´autres régions dans les phases de préparation et conduite du projet, ainsi que des objectifs d´introduction d´actions nouvelles qui devaient provoquer des changements au sein des communautés participantes. 221 Conclusion du Chapitre 3 - Des chemins à suivre ou à éviter dans de nouveaux projets Dans la mesure où très peu de projets de développement des organisations d´extractivistes en Amazonie avaient rendu disponibles des évaluations et/ou des descriptions de leurs expériences, le but de mener une évaluation de ce type de projet a été celui de fournir des orientations applicables à la conduite d´un nouveau projet où notre participation comme chercheur-acteur était prévue. De plus, même si, dans le peu d´évaluations disponibles sur ces projets, certaines dimensions du développement durable avaient été prises en compte, cela n´a pas été le cas pour les questions organisationnelles des coopératives ou associations concernées. Les précédentes évaluations nous ont orienté dans la construction des items d´évaluation de cas des six coopératives choisies, réunies dans un diagnostic détaillé, et à partir duquel nous avons pu soutenir les propositions P1, P2, P3 et P4, les trois premières étaient liées à la question Q1 et la dernière concernant la question Q2. Des réponses à ces deux questions ont aussi été formulées. Dans la réponse à Q1, nous reconnaissons que les projets n´ont pas introduit les changements initialement prévus dans les configurations locales des filières extractives, car ils n´ont pas réussi à combiner des actions diverses, ils n´ont pas stimulé l´émergence des processus d´empowerment au sein des organisations participantes, ainsi que l´ensemble des acteurs de la filière et ils n´ont pas effectivement pris en compte l´importance du rôle des agents intermédiaires dans le déroulement des actions prévues dans les projets. En réponse à Q2, nous pouvons affirmer aussi que l´absence d´une représentation de la supply chain, ainsi que du SPL par les acteurs locaux engagés dans des projets de promotion des produits de l´extractivisme peut freiner un nombre d´actions et processus qui devraient garantir le développement et le fonctionnement de ces structures. A partir du diagnostic, nous avons pu aussi proposer une liste de facteurs de succès et de facteurs d´échec, qui ont ensuite été considérés dans la construction et conduite d´une recherche-action au sein d´un groupe différent d´extractivistes, dans l´état de l´Amapá. Nous n´avons pas approfondi la vérification des liens et influences entre les résultats relatifs à chaque dimension. Nous suggérons cet approfondissement dans des recherches futures. 222 Conclusion de la Partie I Dans cette première partie, nous avons présenté les étapes exploratoires et préparatoires à la proposition d´une action nouvelle pour provoquer des changements dans la configuration locale d´une filière des produits forestiers en Amazonie, notre ambition dès le départ de la recherche. Notre premier chapitre a permis d´introduire le contexte du terrain de recherche, qui s´avère complexe tant sur le plan physique comme socioéconomique et organisationnel, car il présente aussi des situations ayant une forte tradition historique, que sur le plan théorique, des thèmes émergents, tel les stratégies de développement local et d´usage viable de la nature. La dernière section du chapitre a fourni un exemple d´une filière bien représentative des activités extractives dans la région et a présenté, issue d´une étude exploratoire, les premiers constats sur les problèmes à étudier pour ensuite proposer des solutions. Dans le chapitre 2, l´identification d´une problématique de recherche a été faite à partir de l´étude exploratoire. La nature des nos questions a orienté nos choix épistémologiques et méthodologiques, à savoir une position « aménagée » entre l´interprétativisme et le constructivisme et une méthodologie « d´évaluationconstruction ». Une première étape de cette « évaluation-construction » a été présentée après des lectures concernant de précédentes évaluations sur les cas des six organisations collectives, faites par d´autres auteurs. Un état de ces évaluations nous a fourni des pistes théoriques pour construire la démarche d´évaluation dans le chapitre suivant. Le chapitre 3 a consisté alors d´une proposition d´évaluation de projets menés au sein des mêmes organisations analysées précédemment par d´autres auteurs, en considérant des dimensions du développement durable – écologique, économique, sociale, spatiale, politico-institutionnelle et culturelle – ainsi que en proposant une nouvelle dimension pour l´évaluation : la dimension organisationnelle. Des réponses aux deux premières de nos quatre questions de recherche ont aussi été présentées. Les évaluations présentées dans le chapitre 3, ainsi que les facteurs de succès et d´échec identifiés peuvent contribuer à la littérature sur les projets de développement, dans la mesure où il y a peu d´évaluations consolidées et faites par des acteurs externes à ces projets. 223 Dans le chapitre 4, il sera présenté une revue de littérature et la mise en contexte des thèmes d´étude identifiés lors de la lecture des analyses sur les cas en l’Acre et en l’Amapá, ainsi que lors de l'étude exploratoire. La plupart de ces thèmes fait partie des différentes théories des sciences sociales appliquées au développement. Ce cadre théorique ne devra pas être testé sur le terrain, mais plutôt jouer le rôle d´un référentiel pouvant permettre une réflexion sur les problèmes observés, en fournissant des éléments pour la construction collective d'une nouvelle configuration de la filière de la noix du Brésil dans une région précise de l'état de l'Amapá, objet de la recherche-action présentée en chapitre 5. 224 Partie II - Un cadre théorique pour agir dans un projet nouveau 225 226 Introduction de la Partie II Cette deuxième partie est également organisée en trois chapitres. Le cadre théorique pour aider à mieux construire et développer une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil est proposé dans le chapitre 4 et organisé en trois sections. Les Sections 4.1 et 4.2 concernent les éléments théoriques liés, respectivement, au management des coopératives extractives et à leur environnement organisationnel. La Section 4.3 essaie de présenter les interfaces entre les structures internes et externes de ces organisations, dans un contexte général, mais principalement dans le cadre précis du terrain de recherche choisi. Dans le chapitre 5, sera proposée une expérience de construction et de développement d’une nouvelle configuration locale de filière extractive, pour laquelle la conception et le développement ont été influencés par des aspects relevant de la précédente évaluation des projets et de l´approfondissement du cadre théorique. La proposition des changements au sein des acteurs locaux est l’objet d´une recherche-action développée entre 2005 et 2008 par un groupe de chercheurs, avec la participation de plusieurs représentants d’institutions locales et d´acteurs concernés, notamment des castanheiros. Ce chapitre est organisé en trois sections. Dans la section 5.1, le contexte local et le justificatif du projet sont présentés. La section 5.2 concerne le design de la rechercheaction et la section 5.3 décrit l´évolution de l´action avec les acteurs locaux. L´évaluation des expériences précédentes a servi de base pour les réflexions menées par le groupe intervenant dans un projet de développement local. Au début, le projet était moins lié aux programmes des gouvernements locaux. Mais, dans la mesure où il partait d’une demande locale, il a dû réunir des acteurs institutionnels locaux essentiels pour répondre à une partie de ces demandes. Même si le projet concernait la valorisation de la noix du Brésil, d’autres aspects critiques ont dû être identifiés et travaillés afin de garantir la participation et l’empowerment des principaux acteurs concernés, les extractivistes du PAE-Maraca. Des similarités entre les projets évalués (chapitre 3) et le projet construit (chapitre 5) pourront être observées. 227 L’intention de cette partie sera aussi de dégager des éléments des projets évalués et du projet proposé pour une réflexion autour des aspects concernant les conditions favorables et les obstacles à la réussite de ce type de projet, c´est-à-dire leurs facteurs de succès et d´échec. Un dernier chapitre (Chapitre 6) propose une appréciation sur l´ensemble de la recherche menée, en présentant les principaux apports (section 6.1), les limites (section 6.2), ainsi que des perspectives de recherche (section 6.3). 228 Chapitre 4 - Approfondir le cadre théorique pour appliquer et adapter au contexte du terrain De l'étude exploratoire (chapitre 1) et de l'analyse préliminaire de projets (chapitre 2), diverses pistes de cadres théoriques pour traiter la problématique du terrain ont émergées et ont été confirmées comme des cadres pertinents pour l´évaluation de projets (chapitre 3). Dans ce chapitre, le cadre théorique sera développé et adapté au contexte du terrain. Plus précisément, les définitions et les spécificités de chaque concept ou approche, seront associées aux éléments du terrain de recherche. Les chapitres 2 et 3 se sont servis de quelques éléments théoriques, mais c´est dans le chapitre 4 où il est le plus détaillé. L´ensemble de ces trois chapitres a contribué à la proposition d´une nouvelle configuration locale des acteurs liés à la filière noix du Brésil. Les étapes de la construction de cette nouvelle configuration seront présentées dans le chapitre 5. Prenant les chapitres 2 et 3 précédents, des thèmes d´étude, voire des pistes d´éléments théoriques à approfondir ont été choisis après une étude exploratoire, des lectures sur des évaluations précédentes concernant les 6 coopératives choisies et un diagnostic basé sur six dimensions du développement durable plus une dimension organisationnelle. Ces pistes peuvent être associées à chacune des propositions de recherche présentées: • Pour la proposition P1, sur la valorisation des produits de l'extractivisme, les aspects théoriques choisis ont étés l'avantage concurrentiel, ainsi que la création de valeur le long des filières de l'extractivisme. • La proposition P2 associe l´absence d'empowerment des communautaires à la faible durabilité des actions des projets. Ainsi, la littérature sur l'autoorganisation, l´autogestion et l'empowerment, et sur la gestion des projets, a été consultée. • La proposition P3 aide à la compréhension du rôle des relations entre les extractivistes et les agents intermédiaires, qui, malgré l'existence des coopératives, subsistent. Un approfondissement sur les notions de filière, supply chain et réseaux a alors été réalisé, dans la mesure où chacun des ces concepts peut aider à expliquer le fonctionnement de la structure actuelle autour des 229 acteurs qui exploitent la noix du Brésil dans les deux états choisis comme terrain. • La proposition P4 élargit le concept de supply chain aux concepts de management du supply chain (SCM) et de représentation du supply chain (supply chain orientation - SCO), afin d'associer le manque d'une SCO à la non réussite des projets de valorisation des produits de l'extractivisme. Le chapitre 4 est divisé en trois sections. Dans la première (Section 4.1), les concepts liés au fonctionnement et à la gestion interne des coopératives et des communautés extractivistes seront traités. Plus précisément, les notions d'empowerment (§ 4.1.1), d'auto-organisation et d'autogestion des acteurs locaux au sein des structures collectives seront présentées (§ 4.1.2). Dans la Section 4.2, les aspects concernant l'environnement externe aux coopératives seront exposés. Il s´agit de montrer les structures possibles au sein desquelles les coopératives peuvent être étudiées: filière (§ 4.2.1), supply chain (§ 4.2.2) et réseau, avec une attention particulière aux systèmes productifs locaux (§ 4.2.3). Tous ces termes, à l´exception de celui de supply chain et de supply chain management, ont été évoqués dans les analyses des projets consultées avant cette revue de littérature. Au sein de ces différentes structures en réseau, les arrangements ou les systèmes productif locaux seront considérés plus en détail. Enfin, la dernière section du chapitre (Section 4.3) proposera d´identifier les principales différences et complémentarités entres les concepts de filière, supply chain et réseau. Puis, abordera les interfaces entre les structures internes et externes pouvant être associées aux organisations extractives. Les particularités et les complémentarités entre les concepts de filière, supply chain et réseau seront discutées (§ 4.3.1). De plus, une analyse des liens entre les concepts d´auto-organisation, d’autogestion et d’empowerment qui seront analysés au sein des ces mêmes structures sera proposée (§4.3.2). La figure 4.1 décrit les étapes parcourues pour arriver à la définition du cadre théorique de la recherche. Nous avons réussi à appliquer certains concepts du cadre théorique directement dans le contexte du terrain (flèche 7), mais des adaptations de la littérature au terrain ont été nécessaires lorsque certains aspects dans la littérature sur les notions d´empowerment, d´auto-organisation et d´autogestion, ainsi que sur filières, supply chain et réseaux étaient difficiles à appliquer dans le contexte du terrain. Enfin, des pistes issues du terrain ont été aussi proposées, et ajoutées au cadre utile pour l´action, 230 quand il n´a pas été possible d´appliquer le cadre théorique ou quand les problématiques du terrain n´étaient pas identifiées dans la littérature. Figure 4.1. Émergence du cadre théorique. Cadre théorique 4 3 Adaptation(s) Étude exploratoire 2 1 Eléments retenus 8 « Volonté initiale » : provoquer un changement dans la configuration d´une filière extractive 7 Application(s) 5 6 Contexte du terrain Source : Elaborée par l´auteure. Le concept d´adaptation désigne, de manière générale, le processus par lequel une chose devient appropriée pour des nouveaux besoins ou des conditions différentes. Mais ce terme trouve son origine en biologie, car il fait référence aux changements génétiques permettant à une espèce de se reproduire avec succès. Une autre application, nonévolutioniste, voit l´adaptation comme les changements physiologiques et comportementaux déclenchés en fonction des changements environnementaux. Et « pour qu´il ait de l´adaptation, le temps et des interactions sont des composantes nécessaires » (Morán, 1990, p. 27). Dans le cas de notre recherche, nous utilisons le terme adaptation pour indiquer que certains concepts ont pu être appliqués dans un contexte (environnement) précis, après que des changements ou des interactions entre les informations et les références sur ces deux niveaux aient été établis. Les adaptations ont été faites dans les deux sens (cf. flèches 5 et 6 de la figure 4.1), c´est-à-dire, entre cadre théorique et contexte du terrain et entre celui-ci et le cadre théorique. La flèche 8 veut représenter les apports scientifiques identifiés après la réflexion sur l´action de terrain, proposée dans le chapitre 6. 4.1) Des concepts liés au fonctionnement et au management des coopératives extractives Avant de démarrer la discussion sur les aspects liés au management des coopératives étudiées, il est important de présenter quelques particularités concernant les structures 231 productives de ces organisations et de les situer par rapport à d´autres structures plus ou moins développées. Parfois il est difficile de classer leurs structures de production comme industrielles, surtout parce qu´elles ont des différences par rapport à d'autres industries plus développées. Il faut considérer le contexte des régions où elles se trouvent (avec très peu d'industries ou d'entreprises de taille importante). L'importance de ces petites unités industrielles se montre plutôt au le niveau local, et parfois au niveau régional. L´encadré 4.1 et le tableau 4.1 proposent de situer les coopératives extractives par rapport aux structures productives existantes, constituant ainsi une première adaptation de la littérature au contexte du terrain. Encadré 4.1. Les différents types de processus de production Pour Malassis (1979), les processus de production peuvent être classés comme pré industriel et industriel. Ces derniers étant plus associés aux processus de production en grande quantité, à partir d'une productivité du travail élevée et croissante et d'un coefficient de capital par unité de travail très élevé. A l´inverse, les processus préindustriels ont une productivité faible et aléatoire. En prenant les processus menés au sein des coopératives qui nous intéressent, ils peuvent être situés entre les processus préindustriels et les industriels, conformément à la classification proposée par Malassis. Ce positionnement intermédiaire est justifié notamment par les tentatives diverses d'innovations technologiques et de gestion au sein des coopératives dans les deux dernières décennies. Bien que quelques aspects puissent encore être classés comme d'une production préindustrielle, les autres sont plus proches des processus industriels. Le tableau 3.1 situe les processus intermédiaires des unités industrielles au sein des usines menées par les coopératives extractives étudiées. Cette classification intermédiaire veut permettre la visualisation du contexte réel des coopératives analysées. Elle montre aussi que les typologies utilisées pour classer les processus industriels ne considèrent pas toutes les situations intermédiaires possibles, notamment dans le contexte des chaînes de produits de l'extractivisme, où il existe encore une forte composante traditionnelle, mais avec l'introduction d´innovations des institutions locales et étrangères. Dans le tableau 4.1, la colonne grise du milieu a été adaptée au contexte des coopératives extractives, car ces organisations ne peuvent pas être situées ni dans le cadre des processus pré industriels, car ils ne sont pas artisanaux, ni dans le cadre des processus industriels, car le volume de production est limitée par la disponibilité des ressources de l´extractivisme et la productivité du travail reste encore très faible. 232 Tableau 4.1. Processus de production. Pré industriel Intermédiaire (Semi-industriel) des les Industriel nouvelles - Processus de créationprocessus diffusion (application des découvertes scientifiques et des inventions techniques) - Tradition Incorporation techniques dans traditionnels - Production aléatoire - Production organisée autour de la - Production maîtrisée disponibilité des ressources (matière première, personnel, énergie, transport...) - Production en petite - Production d'une gamme réduite de - Production en grande quantité quantité des produits produits mais qui rend possible la des produits normalisés diversifiés réunion des volumes fournis par des (production de masse) groupes d'extractivistes - Division du travail - La division du travail est formalisée, - Division et coordination peu développée mais avec une faible coordination technique et fonctionnelle des technique et fonctionnelle des activités activités Choix des techniques, des méthodes, des formes d'organisation par des méthodes empiriques - Choix des techniques, des méthodes, des formes d'organisation à partir des méthodes scientifiques développées par l'académie ou d'autres institutions d'appui, parfois éloignées de la réalité locale - Choix des techniques, des méthodes, des formes d'organisation, sur la base d'optimisation de critères convenablement choisis. - Faible utilisation - Utilisation moyenne d'énergie - Forte utilisation d'énergie d'énergie mécanique mécanique, mais en quantité mécanique significative pour la réalité locale - Productivité faible et - Productivité continue aléatoire aléatoire faible et - Productivité du travail élevée et croissante Source: Adapté de Malassis (1979). Cette situation intermédiaire concernant les processus de production est souvent le cas de nombreuses organisations solidaires brésiliennes, comme dans les coopératives qui ont fait partie de notre objet de recherche. L’une des caractéristiques principales des organisations solidaires est la pratique de l’autogestion, qui, dans la plupart des cas dépend de la promotion des processus d´auto-organisation et d´empowerment de leurs membres. Dans les paragraphes suivants, seront discutés les concepts d´empowerment (§4.1.1), d’auto-organisation, ainsi que celui d’autogestion (§4.1.2). 4.1.1) L´empowement L´empowerment d´individus et l´auto-empowerment collectif sont à la base de la pratique d´un développement alternatif175 (Friedmann, 1992). 175 L´auteur considère comme « développement alternatif » celui qui propose des pratiques alternatives à celles dictées par le modèle prédominant de développement (mainstream model). 233 Émergence et définition La philosophie et le concept de empowerment ont émergé à la fin des années 1960, dans le contexte de l'éducation des adultes de Paulo Freire (pédagogie de l´oppressé), ainsi qu´au sein des mouvements féministes des années 1970 (Jentoft, 2005). Parfois traduit comme prise ou appropriation du pouvoir, l´empowerment dépasse le simple fait d´avoir (ou de donner) du pouvoir. Il consiste plutôt d´un « processus ou mécanisme par lequel les individus, les organisations et les communautés maîtrisent leurs affaires» (Jentoft, 2005, p. 2). Selon cet auteur, c´est par ce processus que les personnes deviennent puissantes et participent au contrôle des événements et des institutions qui affectent leurs vies. Friedmann (1992) observe que l´approche de l´empowerment met l´attention sur l´autonomie dans le processus de prise de décision au sein des organisations communautaires locales, ainsi que sur leur auto-confiance et apprentissage social. Pour Jentoft (2005), l´empowerment concerne aussi le fait d´amener des groupes normalement exclus et aliénés vers un processus de prise de décision. Les individus sont aussi « empowered » quand ils acquièrent le droit de faire quelque chose dont ils étaient précédemment exclus. Une communauté « empowered » est définit par Lacy (2000, p. 5) comme « un groupe local capable d´initier un processus social ou une action communautaire afin de changer leur situation économique, sociale, culturelle ou encore environnementale ». La triade du pouvoir et les « dimensions » de l´empowerment Friedmann (1992) propose trois formes de pouvoir, qui doivent être pensées comme constituant une triade interconnectée: - Pouvoir Social : il concerne l´accès à certaines bases de production au sein de différents groupes, telles que l´information, les connaissances, les compétences, la participation dans les organisations collectives, ainsi que les ressources financières. - Pouvoir Politique : il concerne l´accès aux membres de groupes divers au processus à partir duquel les décisions sont prises. Plus que le pouvoir de voter, c´est le pouvoir de la voix et de l´action collective. - Pouvoir Psychologique : concerne un sens individuel du pouvoir et peut être démontré par des comportements d´auto-confiance. En général, il est à l´origine d´une action de succès dans les domaines social ou politique. 234 Pour l´auteur, ces différentes formes de pouvoir, centrées au sein d´un groupe, peuvent être liées les unes aux autres. Le résultat de cette combinaison serait un réseau de relations d´empowerment, réciproquement renforcées et capables d´élever le potentiel local à provoquer des changements (sociaux) (Figure 4.2). Dans le cas des organisations collectives, où il existe une gestion collective, nous rajoutons que l´empowerment de leurs membres peut apporter des changements à leur propre organisation. Alors, le défi devient celui de comment garantir une (auto)gestion de ces changements. Figure 4.2. Les différentes formes d´empowerment et le réseau de relations d´empowerment. P Y Y Empowerment Psychologique S P S S Empowerment Social P P Y Empowerment Politique Complémentarité entre les différentes formes d´empowerment Y S S P Réseau d´empowerment Source : Friedmann (1992, p. 117). Le concept d´empowerment souligne des facteurs psychologiques et sociaux, car il s´applique à un niveau individuel, mais aussi à un niveau collectif. Jentoft (2005), en étudiant le processus de co-gestion au sein des groupes de pêcheurs, a observé que le processus d´empowerment du groupe est dépendent et renforcé par le processus d´empowerment des individus et inversement, sans donner d´importance sur lequel est entrepris le premier. « L´individu gagne en force en étant membre d´un groupe. Le processus fonctionne aussi dans la direction individuelle: à travers l´action collective, les individus « empowered » peuvent « empower » leurs communautés » (Jentoft, 2005, p. 5). Les interfaces entre les processus individuel et collectif d´empowerment sont représentées dans la figure 4.3. 235 Figure 4.3. Le processus d´empowerment. INDIVIDUEL COLLECTIF Education Participation Empowerment Psychologique Empowerment Communautaire Permission Accord Source : Jentoft (2005, p. 5). Sur un plan individuel, l´empowerment dépend d´abord d´un processus d´éducation (formation ⇔ apprentissage), où l´individu acquiert des connaissances – quelles soient ou non pratiques – concernant un domaine ou une action précise. Il peut recevoir cette éducation/formation individuellement, mais normalement il doit faire partie d´un groupe où cette formation va être introduite. Une fois le processus d´empowerment a démarré – sur le plan individuel ou collectif – il est possible d´avoir un renforcement entre l´individu et le groupe auquel il fait partie. Ce même groupe, dans la mesure où il est empowered, est plus disposé à accorder un pouvoir aux individus, car il est aussi plus (in)formé pour comprendre les rapports existant entre ses membres et la nécessité d´un pouvoir individuel. Un individu aura alors une permission pour exercer son pouvoir au sein d´un groupe précis, à condition que ce groupe soit d´accord. L´exercice du pouvoir et le processus d´empowerment sont néanmoins dépendants d´autres facteurs. Les alternatives et l´autonomie associées à l´empowerment Concernant le pouvoir exercé par une organisation sur une autre, Woods (2004) affirme qu´il est dépendant de la structure économique des relations entre divers acteurs. Ce pouvoir serait aussi lié à la possibilité d´alternatives, car plus une organisation possède d´alternatives, moins elle sera dépendante ; les chances qu´elle soit affectée par le pouvoir d´autres deviennent réduites, ce qui peut permettre à ces membres de travailler ensemble. Le terme empowerment mobilise aussi la notion d’autonomie176 humaine, qui 176 L'autonomie est définie comme le droit pour l'individu pour déterminer librement les règles auxquelles il se soumet, ou le droit de se gouverner par ses propres lois (Petit Robert). 236 est « complexe puisqu’elle dépend de conditions culturelles et sociales» et se nourrit des dépendances : « nous dépendons d’une éducation, d’un langage, d’une culture, d’une société, nous dépendons bien entendu d’un cerveau, lui-même produit d’un programme génétique» (Morin, 2005, p. 89). La liberté acquise par l´empowerment « est un développement de l'aptitude autoorganisationnelle à utiliser l'incertitude et l'aléa dans le sens d'une autonomie [...] Elle émerge à partir du développement des dispositifs richement combinatoires, créateurs de stratégies, qui créent du même coup une richesse de potentialités internes et des possibilités de choix dans l'action » (Morin, 1990, p. 281). C´est « par l’empowerment et par la responsabilisation qui en découle [...] que l’homme devient l’acteur principal à la fois du développement et de la conservation (des ressources naturelles), ces deux aspects étant étroitement liés » (Di Castri, 2005). Les idées systémique d´émergence et de rétroaction « permettent de concevoir, en même temps que l'organisation, l'autonomie de l'organisation » (Morin, 1990, p. 260). L´empowerment au sein des stratégies de développement Pour Jentoft (2005), la notion d´empowerment peut encore avoir une large application. C´est un outil et une stratégie, dans la mesure où elle renforce la capacité des individus à prédire, à contrôler et à participer à la société. Pour l´auteur, quand les individus sont « empowered », les communautés le sont aussi. Mais l´empowerment individuel n´est pas une condition suffisante pour l´empowerment collectif, car si le groupe n´est pas encouragé à participer aux processus de gestion, il est probable que seulement l´empowerment individuel sera renforcé. Le risque de mécontentement est élevé si les actions pour promouvoir une gestion collective sont temporaires, sans qu´un processus graduel de co-gestion soit favorisé. « La participation dans la prise de décision est un mécanisme institutionnel qui permet aux usagers et aux stakeholders d´influencer le système de gestion » (Jentoft, 2005, p. 5). Cornwall (2005) remarque que, malgré l´importance de l´empowerment, notamment au sein des politiques de genre, la notion apparaît encore dans les autres politiques publiques sous une forme très « diluée », ce qui neutralise sa prétention originale de construction de pouvoir individuel et collectif dans la poursuite d´un monde plus juste et équitable. L´auteur cite aussi que, dans une étude sur les projets de la Banque Mondiale, 237 un nombre très réduit avait l´empowerment comme objectif précis, même si ces mêmes projets sont aujourd´hui annoncés comme ayant des objectifs liés à l´empowerment. En termes d´évaluation des projets de développement, même s´il est important d´évaluer si les individus ou les communautés ont été « empowered », il est plus pertinent et critique de savoir si, dans les actions des projets et programmes, il existe une préoccupation sur le processus d´empowerment au sein des communautés. Au regard du temps imparti pour la réalisation de ce travail doctoral, et des outils d´évaluation existant, nous proposons d´étudier les actions de promotion d´empowerment pour l´évaluation des projets proposée dans cette recherche. 4.1.2) Auto-organisation et autogestion Ce paragraphe propose une discussion sur deux concepts centraux au sein des actions de développement des organisations collectives: l´auto-organisation et l´autogestion. Ces deux concepts sont étroitement liés, tout en gardant des spécificités qui justifient leur emploi dans le contexte de notre recherche. Ils aident à la compréhension et appuient les réflexions sur notre proposition d´une nouvelle configuration (interne et externe) des acteurs locaux. Auto-organisation : un processus nécessairement émergent « Dépendre basiquement de soi-même, être autonome, est la première manière, pour un processus organisé, d´être « auto », d´être « lui même », d´être intelligible à partir de soi même » (Debrun, 1996, p. 8). L’auto-organisation est un processus naturel et émergent d’organisation (Debrun, 1996 ; Thiétart, 2000). Il est naturel, car les agents n’ont pas été « programmés » pour construire une forme particulière d’organisation. Il est émergent car une forme d’organisation va apparaître suite aux actions qui vont être mises en œuvre par certains de ces agents. Debrun (1996, p. 4) considère que ce qu´il y a d´émergent dans l´autoorganisation a ses origines au niveau du processus, et non pas dans les éléments de départ. « Il existe de l´auto-organisation à chaque fois que l´avènement ou, la restructuration d´une forme, est due, principalement, au processus lui-même – caractéristiques intrinsèques – et, dans un moindre degré, à ses conditions de départ, à l´échange avec l´environnement ou à l´éventuelle présence d´une instance surveillante ». 238 Pour Thiétart (2000, p. 13), « cette organisation peut être la résultante des apprentissages des acteurs [...] le fruit des interactions et des complémentarités entre les initiatives individuelles prises par ajustements successifs. Une forme d’organisation émerge suite aux multiples ajustements ». L’équilibre de cette organisation se maintient seulement jusqu’à ce qu’une prochaine perturbation entraîne éventuellement une autre séquence d’adaptations. Les changements se font alors loin d´un équilibre, dans une zone d’instabilité. Et cette instabilité peut produire du désordre, que Morin (2005, p. 123) considère comme une réponse inévitable, voire même féconde, « au caractère sclérosé, schématique, abstrait et simplificateur de l'ordre ». Dans la théorie de l’auto-organisation, la fixité des règles d’interaction est remise en cause. Elle n’admet pas un ordre immuable dans les relations entre agents. La possibilité d’apprentissages, qui peuvent être à l’origine de modifications dans les liens entre entités, rend cette théorie « particulièrement pertinente et importante pour comprendre comment les organisations se comportent et évoluent » (Thiétart, 2000, p. 20). Concernant la relation entre les acteurs et leurs produits au sein d´une organisation, Morin (2005) propose un élargissement de la vision hétéro-productrice : «En produisant des produits indépendants du producteur, se développe un processus où le producteur se produit lui-même. D'une part, son autoproduction est nécessaire à la production d'objets, d'autre part la production des objets est nécessaire à sa propre auto-production [...] on produit des choses et l'on s'autoproduit en même temps; le producteur lui-même est son propre produit» (p. 115). La citation ci-dessus renforce aussi l'importance de la participation des acteurs locaux dans des processus de design, d´implémentation et d´évaluation des projets et programmes de développement local. Le fait d'être à l'intérieur de ces processus rend possible leur propre développement, différemment que lorsque les orientations du processus sont décidées précédemment (stratégies top-down), par des acteurs en dehors de leurs communautés. La présence d´une instance surveillante peut aussi empêcher le processus d´auto-production et, par conséquent, l´émergence de l´auto-organisation. Un questionnement émerge alors : comment se comporte l´auto-organisation au sein des organisations autogestionnaires, comme les coopératives et d´autres organisations de l´économie solidaire ? Est-il possible de pratiquer l´autogestion sans qu´il ait d´abord un processus d´auto-organisation entre les membres de l´organisation? 239 Nous proposons donc de discuter le concept d´autogestion, ainsi que son application et sa relation avec la notion d´auto-organisation. Autogestion: des applications actuelles d´une idée ancienne L´autogestion constitue l´un des principes du coopératisme177, raison pour laquelle nous avons décidé de mieux comprendre cette notion. Effectivement, c´est un élément lié à la gestion interne des coopératives et aux autres organisations au sein desquelles se trouvent quelques extractivistes. Les contextes historiques et actuels des organisations autogestionnaires, notamment au Brésil et en France, sont abordés. L´autogestion n´est pas une idée nouvelle. En Europe, elle est antérieure au mouvement social né en réaction à la Révolution Industrielle, situé au coeur du XIXe siècle (Canivenc, 2006). Au Brésil, c´est principalement dans les régions Sud et Sud-est que les principes de l´autogestion ont été d´abord introduits, peu après les pays européens. Les organisations autogestionnaires – essentiellement des coopératives - situées dans ces régions sont encore celles qui ont les caractéristiques les plus proches des coopératives européennes (Veiga et Fonseca, 2002 ; Singer, 2002), tandis que les coopératives du Nord, Nord-est et Centre-ouest brésilien sont plus jeunes et ont été, pour une grande partie, créées de façon top-down face à la nécessité des communautés locales de recevoir les financements qui apparaissaient, notamment après la monté des préoccupations concernant la conservation de la planète (Effet « Sommet de la Terre »). L’autogestion se veut un mouvement d’idées qui s´opposent aux caractéristiques associées à la domination de l’homme sur l’homme, telles que: la propriété privée, le centralisme, l’autorité, le pouvoir, et la division – « entre conception et exécution, entre intelligence et action, entre les différentes dimensions de l’existence humaine » (Canivenc, 2006, p. 65). Le même auteur considère encore l´autogestion comme une pensée constructive, systémique et dialectique. Constructive car elle propose de mobiliser des pistes de réflexion innovantes afin d’inspirer de nouvelles formes organisationnelles, plus collectives et communautaires. Systémique, car la logique 177 Parmi les principes du coopératisme, peuvent être cités, en plus de l´autogestion ou gestion démocratique par leurs membres, l’adhésion volontaire et libre, la participation économique de leurs membres, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la formation et l´information, l’inter coopération et l’intérêt pour la communauté. Les tendances du coopératisme contemporain, selon l’Organisation des Coopératives Brésiliennes, sont la professionalisation de la gestion, l’éducation coopérative, l’inter coopération et la responsabilité sociale. 240 collective au fondement du modèle autogestionnaire « ne peut concevoir aucune organisation comme un système composé d’éléments isolés [...] L´autogestion reconnaît les interactions qui unissent ces différents éléments, mais, plus encore, elle encourage leur foisonnement » (p. 105). Et enfin, l´autogestion représente une pensée dialectique car elle « souhaite concilier autonomie et interdépendance, individu et collectif, cohésion et diversité » (p. 66). Pour que l’autogestion puisse être concrétisée, Singer (2002) propose certaines conditions: - les informations doivent être partagées parmi tous les associés ; - les membres de l’organisation doivent être intéressés. « Le pire ennemi de l'autogestion est le manque d'intérêt par les associés, leur refus à l'effort additionnel que la pratique exige178 » (p. 19) ; - les membres doivent avoir une formation démocratique. Le mérite principal de l’autogestion n’est pas l'efficience économique, mais rendre possible le développement humain des participants ; - le principe d’un vote par membre doit être garanti. Il est essentiel pour qu’il y ait de la démocratie dans l’organisation et de l'autogestion. Si le débat sur l´autogestion est relativement oublié en Europe179 (Canivenc, 2006), au Brésil, dans les deux dernières décennies, il reprend une place importante au sein des stratégies de développement local, vers lesquelles de nombreux professionnels se sont dirigés, dans le but de proposer des changements dans les relations entre les acteurs des structures productives locales, régionales, voire même nationales. Aujourd’hui, il existe de nombreux cas de co-gestion180, notamment où la gestion des coopératives, ou d’autres organisations collectives, est partagée entre leurs membres et d’autres professionnels – parfois introduits par des organismes publics ou non gouvernementaux. 178 Dans certains cas, ce n’est pas la direction qui ne veut pas partager les informations, mais plutôt les membres de l’organisation qui choisissent de donner un voeu de confiance à la direction, préférant qu’elle décide à leur place. Moura et Meira (2002), en relatant une expérience avec des petits producteurs au Nord-Est du Brésil, observent que, malgré le fait que ces travailleurs perçoivent l'importance du travail coopératif, leurs perceptions quant à la possibilité d'intervenir dans l'organisation restent restreintes à la production. Pour la plupart des petits producteurs, les finances, la commercialisation et d'autres processus sont un engagement/responsabilité à part. 179 Sauf dans le cas des Sociétés Coopératives de Production (SCOP), anciennes Sociétés Coopératives Ouvrières de Production. 180 Autogestion et co-gestion sont des concepts distincts. Cependant, dans le cas des coopératives et d´autres organisations autogestionnaires brésiliennes, la co-gestion peut être associée à l´autogestion. 241 (Singer, 2002). Mais le débat sur la nécessité de garder le principe l’autogestion au sein des coopératives, ou d’autres organisations solidaires, au Brésil est très actuel. Canivenc (2006) remarque que, même étant oubliée ou occultée, l´idée autogestionnaire « semble resurgir au travers de l´émergence des nouveaux vocables : « participation », « intéressement », « autonomisation » et « responsabilisation » dans le monde des entreprises ; « décentralisation » et « démocratie directe » suite à la faillite de l´État providence » (p. 7). Dans la littérature sur les organisations autogestionnaires, en dehors du Brésil, les cas des coopératives européennes sont les plus nombreux. Cela s´explique par l’augmentation des revenus de leurs membres par leur passage à des grands groupes, parfois achetés par d'autres grands groupes privés (Singer, 2002, Veiga et Fonseca, 2002). Moura et Meira (2002) confirment la tendance citée par Singer (2002) sur les changements de valeurs de solidarité et de coopération dans la mesure où la coopérative et les revenus de ses membres augmentent en importance. Dans ce cas, les principes autogestionnaires sont remis en cause. Comment prendre des leçons de ces cas si différents? La difficulté de maintenir ces types d’organisation est évidente, au sein d´un monde où le profit et la compétition dominent, même dans les pays les plus développés. Dans ce scénario il semble pertinent d’essayer de trouver des solutions intermédiaires, notamment parce que « la doctrine coopérative », inspirée de l´idéal autogestionnaire, n’est pas facile à assimiler. Parmi les principaux problèmes vécus par les coopératives, Moura et Meira (2002) citent le manque de fond de roulement, les difficultés pour accéder au crédit, le design des produits, le contrôle de qualité, la commercialisation, l'usage des nouvelles technologies, l'ambiguité quant à la propriété des moyens de production, ainsi que ceux résultants des barrières légales. Puis, ils soulignent le nombre réduit d'entités d'appui et l´absence de standards managériaux adéquats. Les auteurs citent encore le défi de rompre avec la division entre le travail manuel et le travail intellectuel, illustré par la dichotomie entre la production et la gestion. La coopérative a pourtant une « double nature ». Elle est en même temps une entité sociale – une organisation financée, administrée et contrôlée collectivement, et une entreprise – qui doit être tournée vers le marché, efficiente et efficace concernant son (auto)gestion. 242 Malassis (1979) voit aussi la fonction sociale des coopératives comme permettant la transformation des modes de production. Une question centrale est de savoir comment pratiquer une gestion de la coopérative qui puisse permettre la démocratie interne – un agent de transformation – sans que cela ne devienne un goulot d'étranglement pour faire face au marché. « Le point d'équilibre entre les deux natures des coopératives est l'un des facteurs clés de leur succès » (Veiga et Fonseca, 2002, p. 40). L'expansion coopérative par la voie économique, au sein du capitalisme, oblige le mouvement coopératif à appliquer les principes de l´efficacité capitaliste, ce qui ne va pas sans poser de graves problèmes au mouvement quant à sa signification sociale (Malassis, 1979, p.296). Malassis (1979) prévient que l'autogestion ne doit pas être seulement décidée comme une solution «d'interstice». Plus précisément, ce ne doit pas être une stratégie d'insertion de la production et une solution à la pauvreté, car «l´association en situation de sousemploi et de pauvreté ne résout rien» (p. 298). Nous ajoutons à la condition de Malassis, en conclusion de ce paragraphe, que l´autogestion sans qu´il ait de l´auto-organisation ne résout rien non plus. Dans le contexte des coopératives, leur création au sein des stratégies délibérées (top-down) peut entraîner des problèmes, voire des conflits, si l ´auto-organisation de leurs membres n´existe pas encore, ou si elle n´a pas émergé au sein du processus de création de l´organisation autogestionnaire. Comme conclusion de section, nous présentons à travers l´encadré 4.2 et la figure 4.4, les éléments centraux et liant les notions d´empowerment, d´auto-organisation et d´autogestion. L´encadré 4.2 retient les éléments centraux concernant les trois concepts ici discutés. 243 Encadré 4.2. Empowerment, auto-organisation et autogestion:des éléments centraux Empowerment - L´individu gagne force en étant membre d´un groupe, qui peut lui aussi être empowered (Jentoft, 2005) - L´empowerment fait appel à la notion d´autonomie, qui, selon Morin (2005), se nourrit des dépendances - Un nombre réduit de projets de développement a l´empowerment comme un objectif bien précisé (Cornwall, 2005) Auto-organisation - Le processus est plus important que les conditions de départ (Debrun, 1996) - L´organisation naître à partir de l´apprentissage des acteurs et des interactions et complémentarités entre les initiatives individuelles (Thiétart, 2005) - La fixité des « règles d´interaction » doit être évitée (Thiétart, 2005) Autogestion - Propose des organisations plus collectives et communautaires (pensée constructive), reconnaît et encourage des interactions entre éléments du système (pensée systémique) (Canivenc, 2005) - Partage d´information, formation démocratique et membres intéressés sont des conditions nécessaires (Singer, 2002) Inspirée de Jentoft (2005), qui développe les liens entre l´empowerment individuel et le collectif, la figure 4.4 essaie de représenter les liens entre les concepts d´empowerment, d´auto-organisation et d´autogestion, sur les plans individuels et collectifs. D´après la revue de littérature sur les trois concepts, il semble possible d´affirmer que l´empowerment et l´auto-organisation sont des processus qui peuvent avoir lieu tantôt dans un contexte individuel tantôt dans un contexte collectif. L´influence réciproque entre empowerment individuel et collectif a été proposée par Jentoft (2005). Des interactions et complémentarités entre initiatives individuelles ont été indiquées par Debrun (1996) et Thiétart (2005). Ces initiatives individuelles émergeraient d´une autoorganisation individuelle, le processus central de l´émergence de l´auto-organisation (collective). L`autogestion, par sa propre définition, serait nécessairement un processus collectif, mais en quête d´une harmonisation entre intérêts individuels et collectifs. 244 Figure 4.4. Les liens entre les concepts d´empowerment, auto-organisation et autogestion. Individuel Collectif Empowerment Empowerment Auto-organisation (Individu, “être vivant”) Auto-organisation (“Organisation”) Autogestion Source : Elaborée par l´auteure d´après Jentoft (2005). Concernant les liens suggérés entre chacun de ces concepts, nous voyons les processus d´empowerment et d´auto-organisation comme étant complémentaires et constamment influencés par leurs dimensions individuelles et collectives. Si l´autogestion est dépendante de l´auto-organisation, il serait plus difficile d´instituer délibérément (de façon top down) une organisation autogestionnaire et attendre qu´au sein de cette organisation un processus d´auto-organisation soit naturellement déclenché. Cependant, si l´autogestion est vue comme un événement qui peut perturber et entraîner une série d´adaptations, elle pourrait entraîner un processus d´autoorganisation. Par conséquent, si l´empowerment et l´auto-organisation se présentent comme des processus complémentaires, le premier serait aussi une condition à la constitution des organisations autogestionnaires, pouvant être influencé par la participation des individus dans les processus associés à cette construction, avec des incidences tantôt sur le plan individuel tantôt sur le plan collectif. Nous ajoutons à la notion d´empowerment, celle de leadership, dans la mesure où une organisation collective ou une communauté, même si formée par un groupe d´acteurs, doit reconnaître un ou plusieurs individus comme étant capables d´orienter l´autogestion collective. Dans la section 4.2 une revue de littérature sur des structures qui sont fréquemment utilisées dans des analyses sur l´environnement externe des coopératives est menée. 245 4.2) Les différents systèmes au sein desquels les coopératives peuvent s´insérer « le système sans concept d'organisation est aussi mutilé que l'organisation sans concept de système » (Morin, 1990, p. 245). L'ensemble des acteurs autour des coopératives peut être vu comme des systèmes, et ces systèmes peuvent être vus de différentes manières, à partir d´approches distinctes et avec des zooms181différents. Cette perception serait différente, si l´objectif de l'étude était celui de fournir une explication du contexte ou des problèmes rencontrés sur le terrain, plutôt que d´essayer de les comprendre. Dans le cas d´une explication, le point de départ serait une lecture des aspects déjà connus sur ces structures ou systèmes, pour ensuite vérifier si ces mêmes aspects arrivent à expliquer la problématique en question. Concernant le contexte de notre recherche, il n'existe pas une représentation unique d'un ensemble d'acteurs ou organisations lié à l'exploitation et à la commercialisation de la noix du Brésil, car cet « ensemble » peut être représenté et nommé par un système, une structure, une organisation ou une configuration, cela va dépendre du degré d'importance donné à chaque élément ou aux liens existants entre les éléments en question. Pour Montigaud (1989), « tout système peut être représenté par un réseau maillé dont la finesse va dépendre des choix de l'observateur » (p. 40). Alors, tout ensemble d'acteurs peut être représenté par un système, où le niveau d'approfondissement souhaité va demander différentes approches et interprétations. Jahre et Fabbe-Costes (2005, p.147) observent que dans la littérature (et pratique) sur la logistique et le SCM, le niveau du système à considérer peut varier, tout en étant défini. Ces auteures rappellent que la combinaison entre système logistique et SCM, avec l´approche réseau industriel, renforce l´importance des liens entre les activités (coordination), les acteurs (relations) et les ressources (adaptations). Morin (1990) fait référence aux trois faces du (macro-)concept de système :  Le Système: exprime l'unité complexe et le caractère phénoménal du tout, ainsi que le complexe des relations entre le tout et les parties.  Les Interactions: expriment l'ensemble des relations, actions et rétroactions qui 181 C'est comme si dans chacun de ces zooms, une attention est donnée sur un aspect plus pertinent pour le contexte qu´on veut étudier et comprendre. 246 s'effectuent et se tissent en un système.  L'organisation: exprime le caractère constitutif de ces interactions – ce qui forme, maintient, protège, règle, régit, régénère -, et qui donne au système sa colonne vertébrale. Pour l'auteur, les trois termes sont indissociables, dans la mesure où ils se renvoient l'un à l'autre: « le système sans concept d'organisation est aussi mutilé que l'organisation sans concept de système » (p. 245). Cette idée de l'organisation comme la colonne vertébrale d'un système peut envoyer à la notion de structure. Mais nous sommes d´accord avec Morin (1990), pour qui « la structure est un concept atrophié, qui renvoie plus à l'idée d'ordre (règles d'invariance) qu'à celle d'organisation182 » (p. 245). Un autre terme qui peut être associé aux notions de structure et d'organisation, c´est celui de configuration. Il désigne « la forme extérieure, l'aspect général, ou encore la conformation, la figure ou la forme d'un ensemble »183. En reprenant les questions Q3 et Q4 et les propositions P5 et P6, respectivement, où une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil est proposée, le terme le plus adapté ne serait plus « configuration ». En effet, il fait plutôt référence à la forme extérieure et générale d'un ensemble. L'élément à être transformé dans le système en question serait alors « l'organisation » de l'ensemble des acteurs, qui, d'après Morin, est en fait le responsable pour la formation, le maintien, la protection, la gestion et la régénération des interactions au sein du système. L'organisation, dans la plupart des systèmes, est active (organisaction). « L'organisaction, en quelque sorte, à la fois produit de l'entropie (la dégradation du système et sa propre dégradation), et produit de la néguentropie (la régénération du système et sa propre régénération) » (Morin, 1990, p. 246). Une telle organisation concerne l'échange avec l'environnement, lequel lui-même fournit de l'organisation (sous forme d'aliments) et du potentiel d'organisation (sous 182 Selon la définition du Petit Robert, le terme organisation peut être associé aux notions de conformation, de structure, ou encore d'ordre et de régime. Dans ce même dictionnaire, le terme structure est défini comme disposition des « parties » d'un ensemble abstrait, d'un phénomène ou d'un système complexe, généralement envisagée comme caractéristique de cet ensemble et comme durable, ou encore comme ensemble, système formé de phénomènes solidaires, « tels que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans et par sa relation avec eux ». 183 Aussi d´après le Petit Robert. 247 forme d'informations). Cet environnement constitue lui-même une macro-organisation sous forme d'écosystème. L´environnement autour des organisations solidaires, telles que les coopératives concernées, peut être considéré de différents points de vue. Effectivement, autour d´une ou plusieurs coopératives, il existe plusieurs macro-organisations possibles, insérées dans des écosystèmes aussi distincts et qui entretiennent de nombreuses interactions entre eux. « La plupart des systèmes sont constitués non de « parties » ou de « constituants », mais d'actions entre unités complexes, elles-mêmes constituées d'interactions » (Morin, 1990, p. 244). Thiétart (2000) présente quelques pistes concernant les propriétés de systèmes (complexes) qui peuvent être approfondies : - - émergence d’un ordre inattendu suite à des interactions multiples entre agents. L´apparition de cet ordre, qui est instable, peut être favorisée par ces interactions. évidence du changement, de la transformation, de l’adaptation entre un état d’ordre et un état de chaos. « C’est à cette frontière entre ordre et chaos que les changements peuvent se faire, que le renouvellement peut s’opérer » (p. 4). existence des phénomènes de coévolution entre entités distinctes, dans un monde ouvert où les liens passent les frontières de l’organisation. L´auteur fait référence ici aux notions de réseaux et les effets qui leur sont associés, ainsi que les nouvelles formes d’organisation dont la viabilité est dépendante de leur caractère symbiotique. Perception des limites de la gestion au sens traditionnel ou de l´insuffisance du pilotage de l´organisation essentiellement par le plan et par la règle. La gestion doit « s’orienter vers la mise en place de conditions facilitantes permettant aux acteurs de trouver par eux-mêmes leur voie. C’est ainsi que les démarches dialectiques, la décentralisation, l’expérimentation, l’auto-organisation trouvent une pertinence accrue » (p. 4). Dans les paragraphes suivants, les possibles environnements organisés autour des coopératives seront étudiés afin d´appliquer et/ou d´adapter les notions de filière, supply chain et système productif local au contexte des coopératives étudiées. Le choix pour ces « environnements » est personnel et subjectif, et dépend du niveau d'observation et compréhension nécessaire pour proposer, dans le chapitre 5, une nouvelle organisation des acteurs. Nous reconnaissons qu´une autre approche aurait pu être utilisée de façon plus approfondie dans notre recherche : celle de la chaîne de valeur de Porter, puisque dans la proposition P1, chapitre 2, nous avons associé des éléments théoriques tels que la valorisation et l´avantage concurrentiel. Au moins deux raisons nous ont amenée à ne pas choisir cette voie : 248 La première concerne le fait que l´analyse de la chaîne de valeur, telle que proposée par Porter, a déjà été utilisée par plusieurs professionnels184 – chercheurs, consultants et techniciens – ayant pour but de fournir des explications et/ou des solutions notamment aux obstacles de la mise en marché de produits agricoles et forestiers de petits producteurs et extractivistes. Mais en fait, dans la plupart des cas où elle a été employée, la notion de chaîne de valeur n´a pas réussie à être adaptée aux contextes de petits producteurs, restant en décalage avec la réalité du terrain. La deuxième considère que l´essence de l´idée de Porter est aussi présente dans les approches de la filière, de la supply chain et du système productif local. La chaîne de valeur ne représente pas un système ou une organisation, elle est considérée plutôt comme une approche pour analyser celle-ci. Et même si la supply chain est aussi une chaîne de valeur (Fabbe-Costes et Jahre, 2006), à la différence de cette dernière, la supply chain peut aussi être considérée comme une structure organisationnelle (Mentzer et al., 2001), tout comme la filière (Montigaud, 1992). Nous allons essayer d´étudier les aspects liés à la valorisation des produits de la forêt à partir des approches de la filière, de la supply chain et du système productif local, tout en considérant que l´approche de la chaîne de valeur est inhérente à ces structures. Dans la littérature, il est possible de trouver de nombreuses études concernant le cas des coopératives extractives, notamment celles de la noix du Brésil dans les états de l'Acre et de l'Amapá. Toutefois, rares sont les documents où les éléments théoriques ici proposés sont approfondis dans des analyses de leurs structures. Deux raisons peuvent être trouvées. La première, est le fait que ces recherches concernent plutôt des études sociologiques ou économiques, ou encore botaniques, où les aspects liés à la gestion de ces structures et projets ne sont pas au centre des problématiques. Les problèmes de gestion sont cités, mais comme étant des éléments périphériques ou encore comme des suggestions à développer. La deuxième raison s´explique par l´éloignement des cas, issus de la littérature théorique, qui traitent des chaînes ou des filières de l'extractivisme. Des éléments communs peuvent être identifiés entre la plupart des cas de la littérature et le contexte ici étudié. Mais les exemples sont plutôt liés à des situations au sein de 184 Les travaux du Ministère de l´Environnement, en partenariat avec le Ministère du Développement Agraire, le Ministère du Développement Social et le Ministère de l´Agriculture, de l´Elevage et de l´Approvisionnement peuvent être cités comme des exemples, où les chaînes de produits de la biosociodiversité sont en train d´être développées. 249 commodity chains ou de filières/chaînes de produits plus spécialisés, avec des structures plus grandes et développées que celles de l'extractivisme. Cependant, les chaînes de l'extractivisme peuvent se montrer autant complexes que des filières/chaînes plus développées, si des éléments historiques, locaux, mais aussi globaux sont pris en compte. Avant de passer aux paragraphes suivants, il est important d´observer que, dans la littérature, les concepts de filière, de supply chain et de système productif local ont chacun leurs particularités en fonction de la langue de référence. Parfois leur signification change d´un pays à l´autre, pouvant causer des malentendus en fonction des traductions qui ne prennent pas en compte le contexte de chaque langue ou pays de publication. L´encadré 4.3 présente de façon succincte les enjeux de la traduction de ces trois concepts. 250 Encadré 4.3. Bref notice sur les versions anglaise, française et portugaise pour les termes filière, chaîne d´approvisionnement, réseau et système productif local Le terme filière est intraduisible dans d’autres langues (Rainelli, 1991; Terpend, 1997)185. Des tentatives de traduction notamment en anglais ont été faites, d’où sont dérivées la plupart des traductions suivantes pour les autres langues. Au Brésil186, le terme «filière» est traduit comme «cadeia produtiva» (Pessoa et Leite, 1998 ; Figueiredo et Prescott, 2004), l'équivalent en français du terme chaîne de production, ce qui cause déjà quelques malentendus conceptuels quand il s’agit de conduire des traductions d’une référence bibliographique française à une autre langue et vice-versa. Introduite au Brésil par un courant d’économistes industriels et ruraux ayant une formation française187, la définition de «cadeia produtiva» reste fidèle à celle française de filière. Encore une question de traduction, la supply chain, traduite directement en français et en portugais, nous donne les termes suivants: «chaîne d’approvisionnement» et «cadeia de abastecimento». L’utilisation du terme supply chain veut désigner une sphère plus large que celle d’une seule chaîne d’approvisionnement. Il nous amène aux relations menées entre les différents acteurs organisationnels participant à une chaîne188. Il peut exister une supply chain interne – contexte intraorganisationnelle, et aussi une supply chain externe, c’està-dire passer à une démarche interorganisationnelle, impliquant les fournisseurs et les clients d’une firme, voire même ses consommateurs finaux (Colin, 2005). Et enfin, le terme français Systèmes Productifs Locaux, quand il est traduit au portugais, devient Sistemas Produtivos Locais, une traduction au pied de la lettre, mais aussi Arranjos Produtivos Locais, qui correspond au terme Arrangements Productifs Locaux189. En anglais, le terme est connu comme industrial districts190 (Staber, 1998) ou encore comme local industrial clusters (Brenner, 2004). Le terme réseau, aussi associé aux systèmes productifs locaux, semble ne pas présenter de complications dans sa traduction, dans la mesure où leurs traductions pour le portugais (rede) et l´anglais (network) ont exactement le même sens qu´en français. 185 Terpend (1997) fait référence à des tentatives de traduction du terme filière pour l’anglais: producerconsumer chain, production and trade networks, and commodity chain. Dans la première et dans la troisième traduction, nous avons le terme chaîne employé, d’où l’influence dans les traductions à d’autres langues. Et dans la deuxième traduction, c’est le terme réseaux qui est évoqué. Koulytchizky (1985) rajoute que le terme a été aussi traduit en anglais par market chain. 186 Dans la mesure où le terrain de la recherche se concentre au Brésil et il est important de s´intéresser à la traduction du terme filière, il est très important de faire le point sur ces spécificités. 187 Nous faisons référence notamment aux économistes liés à des institutions de recherche et développement dans les domaines agricole, forestier et agro-industriel. 188 Mot issu du latin catena et qui veut désigner une succession d’éléments liés les uns aux autres (Petit Robert). En portugais: cadeia; en anglais: chain. Le terme chaîne renvoie alors à une structure linéaire. 189 En analysant plus en détail, il est possible de vérifier qu’il y a, en fait, une différence entre les deux termes brésiliens, qui doit donc être mieux expliquée en § 4.2.3. 190 L´origine du terme district industriel remonte aux années 1920, quand Marshall a établit des formes par lesquelles les firmes pouvaient tirer bénéfice à partir de leur proximité géographique (Brenner, 2004). 251 4.2.1) Filière: structure organisationnelle et approche d'analyse « La filière est avant tout un système organisé de relations... » (De Bandt, 1991, p. 232) Origine du terme : la nécessité d´une approche méso-analytique Le raisonnement en terme de filière est une des spécificités de l’Economie Industrielle française, puisque le concept lui-même n’a pas d’équivalent dans une autre langue (Rainelli, 1991). Dans la deuxième moitié des années 1970191 elle est apparue dans les milieux industriels et agricoles, quand les démarches économiques traditionnelles se montraient insuffisantes pour décrire l´évolution des économies. A cette époque, Marchesnay et Morvan (1979, p. 100) ont identifié deux types de lacunes dans les analyses économiques des systèmes productifs. La première concernait le découpage des unités d´analyse, où il prévalait deux types de théories générales dans l’Economie Industrielle: la micro-analyse et la macro-analyse. La première « s´intéresse aux unités de base (l´entreprise, le consommateur...) » et « part de celles-ci pour remonter au tout ». La deuxième, « part du tout (L´État, les grands agrégats...) pour expliquer les parties ». Mais « le tout ne fonctionne pas comme chacune de ses parties, et le passage entre micro-comportements et macro-situation n´est concevable que si tous les agents agissent de façon comparable ». Un raisonnement linéaire entre ces deux analyses risquait de produire des conclusions erronées. La deuxième lacune était le fait que ces analyses n´arrivaient pas à expliquer des données économiques nouvelles, ainsi que des événements comme l´inflation, la récession et le chômage. C´est alors à partir de ces deux auteurs que la filière a été proposée comme une approche capable d´opérer une « meso-analyse » des systèmes productifs. Un peu plus tard, le terme filière a aussi été introduit dans les études sur les projets de développement et leurs évaluations (Griffon, 1989; Terpend, 1997), où il trouve encore une très grande application. 191 L’analyse des filières dans l’agroalimentaire a commencé à être utilisée en France même avant, à partir des années 1960. Aux Etats-Unis c’est à travers d’un travail de Goldberg que le concept de filière (traduit à l’époque comme commodity system) fait son apparition. 252 Le terme est employé soit pour désigner une structure organisationnelle, soit pour désigner une approche d’analyse. La plupart des études de filières se concentre plutôt sur les produits agricoles et industriels. Définitions autour du concept de filière Le terme filière fait référence à la suite nécessaire d’états intermédiaires d’un bien ou service (Rainelli, 1991). Il existe une notion d´échange ou de lien inter organisationnels, dans une représentation abstraite d’une complémentarité théorique d’acteurs (Tixier et al., 1983)192, qui voient se succéder leurs opérations. L’élément primordial du concept de filière est le produit ou le service lui même, avec ses transformations au cours de différentes étapes. La filière peut être à la fois une suite des transformations, où des techniques compatibles sont utilisées (technotecture)193 et une suite de marchés entre amont et aval (mercatecture)194 (Griffon, 1989). Figueiredo et Prescott (2004), faisant référence au contexte rural, définissent la filière195 comme « l’ensemble de composants interactifs, des fournisseurs de services et de matières premières, les systèmes de production agricole et agroforestiers, l’assemblage et la transformation, la distribution et la commercialisation, jusqu’aux consommateurs finaux de produits et sous-produits» (p. 16). Terpend (1997, p. 1) observe que « la filière n’est rien de plus qu’un concept d’analyse; ce n’est donc pas un type d’organisation », tandis que Koulytchizky (1985) relève le caractère dynamique de la filière, car elle intègre à la fois l´espace – elle se rapporte à une production, à une consommation, à des marchés déterminés; et au temps – elle implique à l´instant T1 l´entrée dans le système de biens, de services, de désirs de consommateurs, qui apparaîtront différents à l´instant T2, après plusieurs processus au sein du système. 192 En opposition à l’approche chaîne, qui représente le « fonctionnement réel d’un acteur qui assure la transparence d’opérations mises en simultanéité et articulées entre elles» (Tixier, et al., 1983, p. 235). 193 Décrit les différentes technologies nécessaires à la transformation de matières premières de base en produits de consommation finale. 194 Enchainement, du début à la fin, des échanges réalisés entre les principaux marchés intermédiaires et le marché final. 195 Dans le texte, le terme brésilien utilisé pour filière était cadeia produtiva (chaîne productive ou chaîne de production). 253 La filière «pluridisciplinaire» et (méso) systémique Terpend (1997) considère que l’étude de filière fait l’analyse de l’organisation, « à la fois sur un plan linéaire et complémentaire, du système économique d’un produit ou d’un groupe de produits » (p. 2). L´auteur remarque encore que, en général, cette analyse n´est pas uniquement économique, elle est aussi géographique, politique et sociologique. L´auteur reconnaît également la complémentarité entre une analyse verticale et horizontale de la filière: «le principe de la filière veut qu’il y ait une progression verticale d’un produit. Cependant, une analyse horizontale doit souvent être envisagée pour étudier l’environnement et le rôle de tous les intervenants sur une action précise, c’est-à-dire ceux qui ont une action directe (comme les producteurs, les commerçants, les transformateurs, etc.), et ceux qui ont une action plus éloignée (banques, ONG, projet, ministères, etc.)» (p. 12). Pour Busch (1989), les filières sont des réseaux sociaux entretenus à partir de négociations, avec de la persuasion et de la coercition. Une partie de ces négociations est sédimentée dans des structures. Et, parmi ces structures, il y a des aspects matériels (des instruments scientifiques, des appareils pour des mesures techniques, des bâtiments, etc), et immatériels (les organisations, les systèmes informels de règles ou standards communs des comportements attendus). Montigaud (1992) voit l’approche filière comme une «approche-système à part entière», comprenant : - des objectifs pour satisfaire le consommateur ; - des fonctions intercalées entre la décision de produire et la consommation finale ; - des institutions et mécanismes permettant l’exercice de ces fonctions ; - une structure de décision pour tenter de contrôler et de coordonner les forces existantes. L’étude d´une filière permet, donc, une analyse de l’environnement qui est autour d’elle, même s´il s´agit des acteurs qui ne participent pas directement à la production, à la commercialisation ou à la distribution. 254 Les filières comme des structures organisationnelles Une grande partie des filières agroalimentaires a leur pilotage assuré par la grande distribution196, qui essaie de transférer leurs contraintes sur les niveaux plus en amont des filières (Montigaud, 1992). Elle va donc établir des stratégies et des procédures afin de garantir une meilleure intégration, diminuant les risques de rupture et de mécontentement des consommateurs. L’organisation de la filière dépend de l’organisation des flux des produits. « Le nombre de transactions dans une filière permet aussi d’expliquer en partie le coût final du produit. Plus il y en a et plus les marges s’accumulent pour former le prix au consommateur » (Terpend, 1997, p. 10). Par conséquent, dans une filière où il existe beaucoup d’acteurs intermédiaires entre le premier producteur et le client final, le décalage entre les prix tend à être beaucoup plus important. Griffon (1989) a proposé une classification des filières en filières longues et filières courtes. Dans les premières, il existe un nombre important de transformations techniques et de suites de marchés, avec plusieurs types d’intermédiaires très développés. Dans les deuxièmes, au contraire, ce sont des ébauches de filières ou des filières où les étapes et les marchés intermédiaires sont peu nombreux. Mais il doit être précisé qu’il existe aussi des filières longues qui ne sont pas nécessairement développées, où un agent intermédiaire peut acheter en même temps à un producteur ou à un autre intermédiaire197. Pour Nancy et al. (1989) toute filière qui passe par plus d´un intermédiaire entre le producteur et l´industrie peut être désignée comme une filière longue, tandis que les filières courtes sont celles où l´intermédiaire revend le produit directement aux industries. Selon l´auteur, ces dernières sont plutôt observées dans les régions moins isolées, tandis que les premières, au contraire, sont présentes dans les régions plus isolées198. La filière courte pourrait assurer une meilleure rémunération des producteurs, 196 En ce qui concerne les filières extractives, ce sont les entreprises d’exportation et d’importation qui assurent leur pilotage. 197 C’est le cas de la plupart des filières extractives, où il existe de nombreux niveaux intermédiaires, mais, malgré les diverses transformations techniques, ce n’est que dans les derniers étapes que les acteurs sont plus développés, comme il a été observé sur le terrain. L´un des buts de la création des coopératives extractives était celui de diminuer les niveaux d’intermédiaires entre les premiers producteurs et les acteurs où les processus sont plus développés, cherchant à avoir des meilleurs prix pour leurs produits. 198 L´auteur fait référence au niveau d´isolement, quand l´accès est plus ou moins difficile. Athayde et al. (2002) definent les communautés isolées comme celles ayant une faible densité de population, un usage limité de sources conventionnelles d´énergie, une infrastructure urbaine insuffisante et une faible niveau d´activité économique, ainsi qu´un accès aux marchés distant et difficile. 255 par le simple fait qu´il n´y a qu´un seul, ou très peu, d’intermédiaires199. La vente directe permet le raccourci de la filière et la dynamisation d´une concurrence entre les acheteurs. Dans une filière, le passage des produits entre les différents sous-systèmes peut parfois être fait rapidement. Dans ce cas, le sous-système et la filière se confondent (Montigaud, 1989). Mais, la plupart de temps, le passage est progressif et le moteur de ces passages est la technique, c'est-à-dire, des nouveaux modes de transformation et de distribution qui sont diffusés le long de la filière. Cette technique peut être accélérée ou retardée par le jeu d'institutions. Comme exemple, Montigaud cite la mécanisation des récoltes, qui durant certain temps a été freinée et qui, actuellement, est stimulée à cause des difficultés d'avoir des contrats de travail200. L´approche méso-analytique a pour but de proposer une méthode capable d´expliquer le fonctionnement du système productif et de répondre à des questions concernant les rapports entre les unités, les stratégies de développement des entreprises et les choix techniques ou encore liés aux processus de distribution (Marchesnay et Morvan, 1979). «Le méso-système est essentiellement un sous-système productif concret, c’est-à-dire un ensemble d’agents ou d’unités, qui existent concrètement dans un espace d’activité spécifique […] certains agents ont une activité de production, d’autres ont des activités qui relèvent de la distribution, ou encore de la finance, de la formation, de la recherche[…] étant entendu qu’en dehors d’activités de ce type qui sont exercées de manière horizontale, c’està-dire de manière indifférenciée dans toutes les filières, ces activités peuvent être exercées de manière spécifique et c’est à ce titre qu’elles constituent réellement une composante du méso-système» (De Bandt, 1991, p. 233). La citation de De Bandt peut être interprétée de façon que, d’une certaine manière, au sein de chaque filière, plusieurs filières se croisent, même si elles n’appartiennent pas toujours aux mêmes champs ou secteurs d’activités. Dans une filière agroalimentaire, par exemple, en plus des acteurs ayant des fonctions très spécifiques, il est possible d’y trouver aussi ceux qui participent aux processus adjoints ou d’appui. C´est le cas des centres de recherche, des agents financiers, sociaux, etc. La représentation d’une filière ne peut pas alors être linéaire. 199 Sauf si, au niveau d’une communauté ou d´un village, il n’y a qu’un agent, car, dans ce cas, un monopsone (situation de concurrence imparfaite où il n’existe qu’un seul acheteur pour un produit) au niveau du premier achat serait caractérisé, pouvant résulter dans la dépendance des fournisseurs aux prix donnés par cet acheteur. 200 Une situation similaire peut être trouvée dans notre terrain de recherche - la filière de la noix du Brésil - où le processus de décorticage des amandes est encore réalisé par des femmes, avec la justification de que plusieurs emplois sont maintenus. 256 Nancy et al. (1989) font référence à la complexité d´une filière quand ils donnent l´exemple de la filière caoutchouc naturel en Indonésie, où chacun des intermédiaires peut acheter soit directement aux extractivistes, soit à un autre négociant, en revendant directement à l´usinier ou encore à un autre intermédiaire. Cette forme de structure ou d’organisation des acteurs, est aussi très courante dans les filières extractives en Amazonie, où il n´y a pas une linéarité des flux des produits, d’informations et financiers, et où il y a une complexité des relations entre leurs participants. Pour Montigaud (1989) la notion de filière n´est que la délimitation d´un champ d´investigations, qui permet l´utilisation de trois approches: la théorie des systèmes, l´économie industrielle et les théories des organisations. L´insuffisance des approches micro et macro pour appréhender des problèmes réels, mais aussi la nécessité pour un État ou une organisation d´essayer de comprendre le milieu avant d´y intervenir, ainsi que l´obligation d´effectuer des approches pluridisciplinaires, justifient le succès que le terme filière a eu lors de sa proposition. Analyses par l’approche filière Pour circonscrire une filière, Montigaud (1989) remarque la nécessité de préciser : - définition des produits : “entrer” dans la confection du produit et analyser les différents règlements locaux, nationaux ou internationaux ; longueur de la filière : tous les stades de production et de mise en marché concernant la filière; largeur de la filière : ou les sous-systèmes existants, tel les unités en autoconsommation, entreprises artisanales, entreprises industrielles familiales et entreprises industrielles ; épaisseur de la filière : des considérations sur les volumes qui circulent au sein de la filière ; délimitation géographique : de la production à l'expédition et la commercialisation de gros et de détail ; délimitation dans le temps : même si l'analyse considère une période précise, parfois il peut être nécessaire de remonter quelques années en avant pour comprendre des faits actuels. Dans un modèle systémique, il est possible de repérer les points sensibles de la filière, qui va être représentée par un réseau de processus élémentaires connectés par des interrelations neutres. Ces connexions sont les différents modes de communication entre les blocs: transferts physiques de matières, transfert d'informations et transferts 257 financiers (Montigaud, 1989). La lecture interdisciplinaire de la filière doit permettre d'identifier les étranglements ou, au contraire, les atouts, et les points de régulation. L´identification des itinéraires suivis par les produits au sein d’une filière est souvent très complexe. Un même produit peut emprunter plusieurs « circuits » dont l´ensemble constitue le « réseau » de distribution (Malassis, 1979). Le point de départ pour la filière peut être définie par rapport à un marché de consommation ; par référence à l´utilisation d´une même matière première ; ou encore, dans une position médiane, par rapport à un état donné de la transformation201. Quant à la largeur de la filière – une approche du producteur peut conduire, par exemple, à parler de la filière noix du Brésil. Mais il faut alors les situer aussi dans l´ensemble «produits forestier non-ligneux». Pour Malassis (1979), l´approche par filière a une portée opérationnelle car elle conduit à envisager les problèmes d´organisation et de régulation en englobant les activités de production, de transformation et de distribution des produits. Koulytchizky (1985) considère que la filière, en plus d’intégrer le cheminement physique du produit et le service qui accompagne tout produit (de la simple mise à la disposition, à l´information, à la publicité...), ajoute aussi le retour de revenu pour le producteur à travers tous les stades du système qui sont aussi porteurs d´une information récurrente. « Elle se situe enfin dans le cadre d´un environnement particulier nécessitant la connaissance des forces externes (groupes, organisations, institutions) qui agissent sur la filière (administrations, pouvoir bancaire, syndicats, etc.) » (p. 132). Koulytchizky parle alors d´un véritable « écosystème » porteur de la filière, où il serait possible d´adopter une attitude plus large, à la fois économique et à la fois sociologique. La figure 4.5, inspirée d´un schéma représentatif de la filière de la farine de manioc dans un état de l´Amazonie brésilienne (Castro et al., 1998), représente les relations entre les principaux agents, en même temps que les étapes de transformation des produits le long de la filière de la noix du Brésil. 201 L´auteur donne comme exemple le cas des produits laitiers. En ce qui concerne la notion d´une filière associée à un marché de consommation, il y a la filière « dessert lacté », voire même la filière « dessert » dans un contexte plus générale. Et, pour une filière définie à partir d´une même matière première, il donne l´exemple de la filière « lait », tout simplement. 258 Figure 4.5. Schéma des agents et produits dérivés au sein de la filière noix du Brésil. cosmétiques divers noix brute ou pelée Seulement collecte et vend la noix brute aux intermédiaires ou Collecte et achète la noix brute d´autres castanheiros, et le vend aux intermédiaires produits alimentaires manufacturés divers Entreprises Export. noix sechée noix brute Castanheiro Client Final Intermédiaire Niveau 1 noix brute Intermédiaire Niveau 2 noix pelée Magazins spécialisés, supermachés huile alim. noix brute Coopérative Achète la noix brute pour la vendre à d´autres intermédiaires ou huile brute Seulement achète noix et les vend dans l´état brut aux entreprises ou coopératives Industrie Cosmétique ou Achète la noix pour la vendre aux coopératives Achète et manufacture ou Achète, manufacture et commercialise Source : Inspiré de Castro et al. (1998, p. 376). Cette figure, en proposant une forme de schématisation des filières, « fusionne » les figures présentées, dans le premier chapitre (Figures 1.9 et 1.10), où il a été présenté les produits dérivés de la noix du Brésil et les relations entres les principaux agents de la filière. Les principaux agents de la filière sont indiqués par les boîtes grises, soit les castanheiros, les intermédiaires (Niveaux 1 et 2), les coopératives et les entreprises exportatrices. Différemment des figures 1.9 ou 1.10, où les débouchés et les participants à la filière étaient représentés dans sa totalité, la figure 4.6 essaie de représenter les principaux agents ayant une influence dans la filière locale, leurs produits et les différences possibles entre ces agents. La flèche pointillée liant les castanheiros et les coopératives indique une situation existante, mais avec une faible intensité, car même pour envoyer leurs produits aux coopératives les castanheiros ont besoin d´un intermédiaire. Dans la plupart des cas, cet intermédiaire est aussi un castanheiro. Dans la figure 1.9, nous avions montré qu´il existe d´autres produits dérivés. Dans la figure 4.5, nous avons préféré de montrer seulement les plus importants dans le contexte local de la filière. 259 Les filières ont également une histoire ou une tradition. Elles passent par des transformations, tout au long du temps, en fonction des changements dans les relations de pouvoir entre ceux qui la constituent (Busch, 1989). Une connaissance de l'histoire de la filière est importante pour comprendre le pourquoi et le comment des principaux changements. Elle est donc essentielle pour une analyse des organisations actuelles au sein de cette structure. Limites de l’approche filière Pour Tixier et al. (1983), la logique de filière est fondée sur l’unicité d’un produit202, qui peut être appréciée suivant : - des critères techniques, en regroupant les activités ayant des relations technologiques entre elles; - des critères économiques, internalisant les transactions qui ont lieu sur le marché; - des critères organisationnels, quand elle regroupe des organisations aux stratégies convergentes. Mais la filière concerne aussi une catégorie de produits bien déterminée, même si « les entreprises sont de plus en plus diversifiées et donc interviennent simultanément sur plusieurs filières» (Malassis, 1979, p.135). Tixier et al. (1983) considèrent que la notion filière est très satisfaisante dans une approche abstraite des structures économiques, mais les stratégies mises en oeuvre par les firmes ne sont pas tellement considérées. Pour Colin (2005), dans l’approche filière il y a une «myopie originelle» de la logistique, car dans ce type d’analyse elle serait condamnée à la «seule gestion des flux», au lieu d’une gestion de l’entreprise par les flux, «résolument ouverte sur des perspectives à plus long terme, particulièrement au plan stratégique» (p. 139). Le concept de supply chain, avec les autres qui lui sont associés, propose une approche de gestion de l’organisation par les flux. La filière peut se montrer plus importante, alors, pour construire une base de connaissance sur un ou plusieurs produits et sur les acteurs qui y sont liés, notamment quand il s’agit d’une étude exploratoire, où très peu d’éléments du système en question sont connus. Après une meilleure maîtrise du fonctionnement et des particularités de la 202 En fait, la filière peut caractériser un groupe de produits, comme par exemple la filière agroalimentaire. 260 filière, d’autres approches d’analyse ou d’autres structures organisationnelles peuvent être intégrées. Concernant la complémentarité entre filière et d’autres approches ou structures organisationnelles, ils existent des contextes ou des situations où il serait inconsistant de travailler à partir d’un seul point de vue et en considérant qu´une seule forme d’organisation possible. Cette recherche, ne pouvant pas omettre certains aspects spécifiques des filières – tantôt comme approche d’analyse tantôt comme structure organisationnelle, permet d´approfondir les notions concernant la filière, utilisées pour l’évaluation des projets dans le chapitre 3. Mais l’évaluation et notre cadre théorique ont dû aussi être complétés par les aspects associés à la supply chain, ainsi qu´aux systèmes productifs locaux, car ils s’avèrent aussi pertinents pour étudier et évaluer le contexte des projets au sein des coopératives extractives. L'approche filière semble être la plus utilisée pour traiter des contextes similaires à celui de notre recherche. Afin de contribuer à une analyse plus approfondie de problèmes du terrain, nous avons proposé d´utiliser des approches complémentaires, dont l´approche supply chain. Mais comment situer les coopératives et d´autres acteurs de la filière noix du Brésil au sein de l'approche supply chain? Considérant l´état actuel de la littérature sur la supply chain et l´absence de contextualisation aux filières de l´extractivisme, il est utile essayer de traiter le sujet en prenant des aspects théoriques liés a ce terme, mais sans trop s´éloigner des conditions spécifiques du terrain. 4.2.2) La supply chain : structure inhérente ou à développer entre organisations ? La littérature la plus utilisée pour étudier le contexte des acteurs de l´extractivisme reste encore celle des filières (cf. Neumann et Hirsch, 2000 ; Walter et al., 2003 ; DESER, 2005). Des études à partir de la chaîne de valeur des produits de l’extractivisme, associée au concept de système productif local ont été initiés durant la dernière décennie, mais très peu en ont fait la lecture par le biais de la supply chain. Il existe une difficulté pour mettre en contexte les concepts liés à la supply chain au sein des structures complexes, notamment quand l’intention est de se concentrer sur les fournisseurs plus en amont - c´est le cas des extractiviste - , sur leurs organisations collectives et sur les autres petites unités artisanales ou industrielles au sein des filières de produits forestiers. 261 Woods (2004) considère que, dans les pays développés, le management des supply chain agroalimentaires se concentre sur les unités de l’agribusiness et les relations business-to-business, contrairement à l’approche centrée sur l’industrie ou sur les commodities, traditionnellement adoptée en recherche agronomique ou dans les analyses en économie agricole sur l’amélioration des entreprises, qui utilisent plutôt l´approche filière. « Il diffère aussi des modèles communautaires et participatives qui forment normalement la base d’études concernant le développement économique régional et le management de ressources naturelles » (p. 20). Vu que l´approche de la supply chain n´est pas usuelle dans le contexte des projets de développement, ni dans les chaînes de produits forestiers203, nous allons alors essayer d´adapter ce type d´analyse à notre problématique et terrain de recherche. Origine du terme : la nécessité d´une approche intégrée et systémique Dans la même période où l’approche filière se développe, à partir des années 1970, des impasses logistiques ont poussé les fonctions liées par un même flux physique à trouver des modes de coordination susceptibles de dégager des compromis logistiques, afin d´améliorer l´efficience des coûts et l´efficacité des services au sein des entreprises. « Et c’est seulement a partir des années 1980 qu’une approche intégrée et systémique de la chaîne logistique va être introduite » (Colin, 2005, p. 137). La logique de chaîne conduit à des modes de régulation du processus de transformation et tend à privilégier la conception et la gestion d’une chaîne plutôt que l’exploitation d’un maillon ou d’un mode de transport (Tixier et al., 1983, p. 158). Stock et Lambert (2001) appellent l’alignement des firmes d’approvisionnement de produits ou des services, à partir des échanges divers entre producteurs et consommateurs, supply chain, demand chain, ou encore value chain. La différence entre ces termes sera expliquée principalement par l’attention donnée aux organisations ou à des processus en particulier. Dans la supply chain, l’analyse peut se concentrer dans tous les acteurs qui sont avant les clients finaux. Dans la demand chain, l’attention se pose sur ceux qui demandent les produits et services. Et enfin, dans la value chain, 203 Il existe une bibliographie importante concernant les chaînes logistiques de l´industrie du bois, mais elle ne peut pas être directement appliquée aux chaînes de produits non-ligneux dans les pays en développement. 262 l´attention est portée sur la valorisation des produits et services, afin que les organisations acquièrent un avantage concurrentiel par rapport à leurs concurrents. De ce fait, nous pouvons inférer que la description d´une « chaîne » sera faite en fonction des intérêts précis de celui qui l´étudie. Définitions autour du concept La supply chain est définit par Mentzer et al. (2001) comme «un groupe d’au moins trois entités (organisations ou individus) directement impliquées dans les flux amont et aval de produits, services, finances et/ou information, qui vont d’une source jusqu’au client» (p. 5). Elle est aussi définie comme le réseau des membres et par les interactions entre les membres de la chaîne, où les processus de création de la valeur (business processes) sont les activités qui produisent des outputs/sorties (produits ou services) ayant de la valeur pour le client (Christopher, 1992 ; Stock et Lambert, 2001). Les composantes managériales sont les variables par lesquelles les processus de création de la valeur sont intégrés et gérés le long de la supply chain. La structure de la supply chain Stock et Lambert (2001) proposent d´analyser la supply chain à partir d´une entreprise focale, qui, selon les spécificités204 de chaque chaîne, peut être plus en amont ou plus en aval. En général, l´entreprise focale est située au plus proche des clients finaux. « Les membres d'une supply chain comprennent toutes les entreprises ou organisations avec lesquelles l'entreprise focale interagit directement ou indirectement, des fournisseurs aux consommateurs, dès le point d'origine jusqu'au point de consommation » (Stock et Lambert, 2001, p. 63). Ces auteurs proposent encore de distinguer les membres primaires205 et de soutien206, afin de rendre la structure de l´ensemble un peu moins complexe à gérer207. Sans vouloir 204 Dans le cas de la chaîne des produits forestiers, ces spécificités peuvent concerner une infrastructure de transport et entreposage très précaire, des conditions climatiques défavorables à la conservation des produits, un bas niveau de scolarité de la grande majorité des acteurs plus en amont, une structure d´oligopsone et des relations socioéconomiques traditionnelles entre les acteurs plus en amont de la chaîne. 205 Toutes les organisations autonomes qui font des activités opérationnelles ou managériales au sein des processus destinés à produire un output spécifique pour un client ou marché. 206 Les organisations qui fournissent des ressources, connaissances, utilités ou d'autres biens pour les membres primaires de la SC, mais qui ne participent pas directement à la création de valeur aux processus de transformation des produits et services vers les consommateurs finals. 207 L'approche utilisée pour différentier les membres d'une SC est similaire à la méthode de Porter (1996) pour distinguer entre les activités principales, qui ajoutent de la valeur, et celles qui sont de soutien dans le cadre de la chaîne de valeur. 263 simplifier, nous allons nous servir de cette approche aussi pour mieux comprendre le fonctionnement de la supply chain. Une fois identifiés les membres primaires et les membres de soutien, il est possible de définir le point d'origine et le point de consommation d'une supply chain. Le point d'origine est celui où il n'existe pas de fournisseurs primaires, car tous les fournisseurs dans ce point seraient des membres de soutien. Et le point de consommation est celui où il n'y a pas des consommateurs primaires, c'est où le produit ou service est consommé208 (Stock et Lambert, 2001). La figure 4.6 et le tableau 4.2 proposent une description des acteurs de la supply chain de la noix du Brésil, où l´usine exportatrice représente l´entreprise focale, telle qu´elle est définie par Stock et Lambert. Ce choix est justifié par le fait que ces types d´acteurs sont encore les responsables par les principaux flux – en termes de volume de produits et d´acteurs associés, sur le marché national comme sur le marché international. Figure 4.6. Représentation des acteurs de la supply chain de la noix du Brésil. Supply chain local (amont) Supply chain diversifiée et spécialisée (aval) I3 I1 Nic1 Nic2 Ent1 Ent2 I2 Coop1 Coop 2 I1 Usine export. Coop 3 I2 Imp I3 I1 Source : Inspirée de Lambert et al. (1998, p. 13). 208 En ce qui concerne la supply chain de la noix du Brésil, le point d'origine devient les castanheiros. Le point de consommation n'est pas toujours facile à identifier, car le produit fourni par les usines, par les grossistes ou par les détaillants peut encore passer par des nouveaux processus, plus sophistiqués, comme dans les industries cosmétiques et pharmaceutiques. Il est encore très rare que ces industries de produits spécialisés achètent les matières premières directement auprès des premiers fournisseurs. 264 Les castanheiros sont plus concentrés dans les processus liés à l’extraction (cueillette, enlèvement des coques et lavage et premier emballage des noix). Toutefois, un nombre réduit, parmi eux, peut aussi avoir le rôle d´un agent intermédiaire local (I1 dans la figure). Les agents intermédiaires achètent les noix directement à ceux qui n’ont pas les moyens de transporter leurs produits jusqu’à un point d´achat et de vente des produits, situé dans des villages ou des sièges des villes/municipalités. Le rôle des agents intermédiaires de Niveau 1 et de Niveau 2, dans le contexte de la recherche, peut être vu comme celui des prestataires logistiques des entreprises d’exportation. Et les intermédiaires de Niveau 3 correspondent aussi à des prestataires, mais plutôt du type « 4PL209 », car ils garantissent aux usines exportatrices la coordination des services d´autres intermédiaires. En effet, ils sont les responsables de toute la planification de la cueillette auprès des castanheiros et de l’écoulement de celle-ci jusqu’aux unités industrielles et cela, tout au long de l’année210. Les usiniers ont une relation de confiance avec les agents intermédiaires et leur délèguent tous les processus avant l’arrivée des produits dans les usines. Le tableau 4.2 offre une description détaillée des acteurs représentés dans la figure précédente, ainsi que les principaux liens entre eux. 209 Une entreprise contrate un service d´un prestataire Fourth Party Logistics (4PL) pour coordonner les activités des prestataires type Third Party Logistics (3PL). La différence dans les filières de PFNL est que il existe rarement un contrat formel entre l´usine exportatrice et les intermédiaires. 210 La période de cueillette dure normalement du mois de décembre à mai, mais à cause des difficultés de transport, l’écoulement des produits peut continuer jusqu’au début de la nouvelle période de cueillette, c’est-à-dire, jusqu’à novembre-décembre de l’année +1. 265 Tableau 4.2. Les principaux acteurs et liens entre eux au sein de la supply chain de la noix du Brésil. Acteur Description des acteurs et principaux liens entre eux Castanheiro ( ) Intermédiaire Niveau 1 (I1) Intermédiaire Niveau 2 (I2) Intermédiaire Niveau 3 (I3) Coopérative Type 1 (Coop1) Coopérative Type 2 (Coop2) Coopérative Type 3 (Coop3) Usine Export. Focale) (Entrepr. Entrepr. Niche de marché 1 (N1) Entrepr. Niche de marché 2 (N2) Entreprise Type 1 (Ent1) Entreprise Type 2 (Ent2) Entreprise Importatrice (Imp) Premier acteur de la chaîne. A une relation traditionnelle avec l´environnement et la ressource naturelle, car elle est transmise d´une génération à l´autre depuis des années. Premier acheteur de la chaîne. C´est un castanheiro qui, ayant une infrastructure privilégiée par rapport aux autres, peut grouper ses produits et les délivrer à un agent intermédiaire ou à une coopérative. Son domaine d´achat est plus souvent limité à sa communauté et en général il fait partie de la communauté des castanheiros. Reçoit les produits soit de I1, soit directement des castanheiros. En général il habite à proximité de la communauté, où il maintient une structure de transport et entreposage organisée, ainsi que des points de vente des produits manufacturés. Vend les produits à un intermédiaire régional (I3). Reçoit les produits de I2, étant parfois la seule interface entre les usines exportatrices et les castanheiros. Il a en fait le rôle d´un prestataire type « 4PL », car il est responsable pour coordonner les autres prestataires/intermédiaires. Achète directement aux castanheiros et peut repasser les produits à une autre coopérative ou vendre directement à une entreprise niche de marché (N1 ou N2) ou à une entreprise nationale (Ent1). Achète directement aux castanheiros, mais le plus fréquent est de recevoir des produits d´une autre coopérative. Peut vendre à des entreprises niche de marché (N1 ou N2), à une entreprise nationale (Ent1) ou encore à une usine exportatrice. Peut acheter directement aux castanheiros ou à un agent intermédiaire local, mais en général vend seulement à une usine exportatrice. Concernant les flux en amont, peut avoir des relations avec les Coopératives Type 2 et 3 et avec les intermédiaires Niveau 3. Et pour les flux en aval, peut avoir des liens avec les entreprises nationales (Ent 1) ou avec les entreprises importatrices étrangères (Imp). Des entreprises nationales liées au commerce équitable, aux produits biologiques, avec certification forestière ou un autre label éco social, qui achètent directement aux coopératives (Coop1 ou Coop2). Des entreprises internationales liées au commerce équitable, aux produits biologiques, avec certification forestière ou un autre label éco social, qui achètent à N1 ou directement aux coopératives (Coop1 ou Coop2). Entreprise nationale qui peut acheter des produits aux coopératives (Coop1 ou Coop2) ou des usines exportatrices, quand ces dernières ont des produits disponibles pour le marché national. Entreprise internationale qui achète des produits – en général industrialisés à Ent1. Entreprise internationale qui achète des produits – en général semi-manufacturés à l´usine exportatrice. Les produits peuvent encore être exportés depuis le même état pour d´autres pays. Source : Elaboré par l´auteure. La tentative de représentation de la supply chain de la noix du Brésil, malgré les relations croisées entre les divers acteurs, reste encore une structure linéaire, où le référentiel est lié aux relations commerciales entre les différents acteurs. Avant de discuter de la gestion d´une supply chain, quelques précisions sur la logistique sont nécessaires. La logistique au sein de la supply chain Le Council of Logistics Management (1998) considère la logistique comme une partie du SC : « La logistique est la partie de la chaîne logistique qui planifie, met en œuvre et contrôle le flux et le stockage efficaces des biens, des services et des informations les concernant, depuis le point d’origine jusqu’au point de consommation, dans le but de répondre aux « attentes » des clients ». 266 Tixier et al. (1983), au début des recherches sur la logistique et la supply chain, avaient indiqué que « la fonction logistique se caractérise par son aptitude à établir un système d’informations qui, en s’étendant à l’ensemble du réseau de circulation de la marchandise, lui permet de construire une chaîne en organisant la succession et l’articulation d’opérations» (p. 157). Et Morana (2002), plus tard, a renforcé le rôle de la logistique dans le management de la supply chain (supply chain management): « La logistique d’entreprise joue un rôle important dans le succès du management d’une organisation, et par extension de plusieurs organisations associées dans une même logique de chaîne. Sa reconnaissance, du point de vue opérationnel et stratégique, est une étape essentielle dans l’obtention d’un avantage concurrentiel durable » (p. 32). Le SCM est considéré comme une approche orientée par les processus pour gérer les relations au sein d’une supply chain. Pour Mentzer et al. (2001), la logistique est parmi les fonctions du SCM. Cooper et al. (1997), considèrent que le SCM est plus complet que la logistique, car il englobe la gestion de multiples processus opérationnels, y compris logistiques. Colin (2005) observe encore que : «Les limites de cette gestion intégrée des flux proviennent cependant du fait que, si elle implique bien l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique, elle n’y associe nullement d’autres fonctions qui, pour n’être pas directement concernées par la démarche logistique, n’en exercent pas moins une influence décisive sur elle» (p. 139). Le Supply Chain Management, la logistique et le Supply Chain Orientation Si pour la définition de supply chain il existe déjà un consensus, la signification du Supply Chain Management reste encore une source de confusion pour ceux qui l´étudient et pour ceux qui tentent de le mettre en place (Mentzer et al., 2001). Mais Stock et Lambert (2001) avertissent que le SCM et le management de la logistique au sein de la supply chain ne signifient pas la même chose (p. 91). Mentzer et al. (2001) voient la supply chain comme « simplement quelque chose qui existe », tandis que le SCM « nécessite un effort de gestion délibéré des membres de la chaîne ». Le supply chain management (SCM), selon le Council of SCM Professionals, intègre la gestion de l´approvisionnement et de la demande au sein et entre des organisations. Le terme a été très évoqué ces dernières années, mais, d´après Gibson et al. (2005), il est encore en évolution, car il existe beaucoup de connaissances à lier, à sa visée et à ses 267 frontières, au niveau des éléments et fonctions, de la relation entre les éléments et les fonctions, ainsi que de la relation du SCM avec d´autres disciplines. Les définitions sur le SCM varient entre celles ayant une perspective plus étroite et fonctionnelle, évoquant seulement les fonctions de management et contrôle, et celles définies dans un sens plus large, concernant les processus de création de valeur pour les clients. Le SCM comprend « l’ensemble des flux de matières jusqu’à la livraison des produits finis aux utilisateurs finaux, ainsi que les flux d’informations associés, qui contrôlent et enregistrent les mouvements de matières » (Mentzer et al., 2001, p. 13). Fabbe-Costes et Jahre (2006, p. 844) mettent en évidence l´interrelation entre les flux de produits, d´informations et financiers: « les informations sont nécessaires au pilotage des flux physiques et financiers, et le flux financier permet de prouver que la logistique crée de la valeur ». Pour Lambert et al. (1998), le SCM est l´intégration des processus de l´organisation dès l´utilisateur final jusqu´aux fournisseurs originaux, qui apporte des produits, services et information en ajoutant de la valeur aux clients et à d´autres stakeholders. L´intégration est alors au coeur du SCM et la création de valeur aux produits et processus au sein d´une supply chain est dépendante de cette intégration. Fabbe-Costes et Jahre (2006) remarquent que, pour que le succès d´un SCM soit tangible, en plus des techniques de gestion compatibles, les cultures des organisations doivent aussi être compatibles. Dans notre contexte de terrain et dans plusieurs situations, plus qu´une culture organisationnelle, il est important qu´il y ait une compatibilité aussi avec la culture locale des acteurs concernés. En ce qui concerne le champ organisationnel d´une supply chain, Mentzer et al. (2001) considèrent qu’une chaîne logistique peut avoir sa propre identité et sa propre fonction, au même titre qu’une entreprise. Toutefois, pour parvenir à ce stade tous les membres de la chaîne doivent avoir une représentation de la supply chain. Les auteurs appellent cette représentation La Supply Chain Orientation (SCO). Woods (2004) ajoute que « tous les produits atteignent les consommateurs à travers une supply chain, mais ce ne sont pas toutes les chaînes qui ont suffisamment d’engagement et d’interaction de leurs membres pour améliorer avec consistance l’efficience, la valeur du produit au client et la compétitivité par un management intégré » (p. 20). 268 Si le SCO représente une philosophie managériale, le SCM est la somme de toutes les actions managériales appliquées pour garantir cette philosophie. Le SCO serait une sorte de pré-condition pour le SCM, c’est-à-dire, les participants d’une SC qui ont une SCO sont engagés avec le management de toute la chaîne, ce qui est différent du fait de gérer seulement leurs flux sans qu’il y ait un compromis de tous les participants (Diniz et Fabbe-Costes, 2007). Pour que la chaîne logistique soit performante, divers auteurs insistent sur le fait que les relations entre les entreprises ou les individus participant à la chaîne doivent avoir des orientations à long terme, c’est-à-dire rechercher des partenariats (Ellram et Cooper, 1990, Mentzer, 2001), qui peuvent constituer un réseau d’entreprises de l´amont vers l´aval (Christopher, 1992). Mais, si l'objectif du SCM est celui de maximiser la compétitivité et la profitabilité de l'organisation, ainsi que de tout le réseau SC, incluant le consommateur final, il est nécessaire que le pouvoir des entreprises focales soit partagé avec les autres membres de la chaîne. C´est un défi, dans la mesure où il existe de nombreux cas où ces entreprises ne sont prêtes à coopérer ou à partager pouvoir et profits. C´est aussi le cas de la plupart d´entreprises exportatrices de la noix du Brésil, notamment au Brésil, où elles voient plutôt comme une menace la possibilité que d’autres organisations s´intègrent dans la chaîne. A l´inverse, par exemple, en Bolivie, les entreprises et les petites organisations ont réussi à travailler en coopération (Coslovsky, 2006). Morana (2002, p. 56) propose trois pré-requis à l´implémentation réussie d’une démarche de type SCM dans un réseau (d’affaires) : - coordination intra et inter-organisationnelle : volonté d’articuler au mieux les décisions stratégiques et opérationnelles prises au sein de chaque organisation; - orientation-client : représentée par la création de valeur pour le client (interne et externe), qui justifie des actions continues de coordination, voire de coopération, en vue d’améliorer la performance des processus; - mesure de la performance: afin de permettre que les gains issus du SCM soient connus et leur mode de répartition soit accordé. Au contraire, la pérennité de cette stratégie risque d’être mise en question. 269 En ce qui concerne les projets de promotion des produits de l´extractivisme, l´absence de ces pré requis dans leur design et implémentation peut compromettre la durabilité de leurs actions. Limites de l’approche chaîne Jusqu´ici, la vision des relations entre les membres de la supply chain a été présentée comme linéaire, car seulement les rapports entre les fournisseurs et les clients des entreprises focales ont été mis en évidence. Si nous voulons identifier les acteurs de la supply chain, l'inclusion de tous les membres rend la représentation de l'ensemble plus complexe. La perception de la structure d'un « réseau de supply chains » est arbitraire, mais, dans la mesure où chaque membre fait partie de la supply chain de l'autre membre, il est important que tous les responsables pour le management comprennent l'interrelation existant entre les rôles et les perspectives de chacun de leurs membres. « L'intégration et le management des processus le long les frontières des organisations auront du succès seulement si cela a du sens à partir de la perspective de chacun » (Stock et Lambert, 2001, p. 65). Mentzer et al. (2001) observent qu’une entreprise peut faire partie de plusieurs chaînes. Ainsi, de nombreuses supply chains se présentent comme des réseaux. Pour Jahre et Fabbe-Costes (2005), les frontières d´une supply chain ne sont pas données, mais créées par des acteurs qui les utilisent pour analyser des situations diverses et pour prendre des décisions Stock et Lambert (2001) remarquent qu'une faiblesse de la littérature sur le SCM est le fait que les auteurs considèrent que tout le monde a une connaissance des membres de la chaîne. Mais, parfois les relations existantes entre les acteurs ne sont pas si évidentes et doivent être bien identifiées. Par conséquent, les projets ou programmes doivent identifier tous les acteurs qui ont une influence dans le fonctionnement et dans la performance d’une chaîne. Une autre limite de l’approche SCM cité par Colin (2005) est l’absence des préoccupations de long terme. Alors, si le contexte de développement (durable) local est considéré, les impacts futures d’une telle gestion de la chaîne doivent être prévus sur les plans socioéconomique, politique, culturel et environnemental. Par une approche systémique, intégrant plusieurs représentations des acteurs de la chaîne, il doit être 270 possible de considérer aussi, et de garantir, la participation notamment des institutions de recherche, ainsi que d’autres institutions publiques et des ONG. La notion de chaîne commence à être questionnée, dans la mesure où « chaque entreprise est toujours membre de plus qu´une chaîne isolée» (Fabbe-Costes et Jahre, 2006, p.848). Jahre et Fabbe-Costes (2005) observent que, même si plusieurs chercheurs et praticiens admettent qu´une organisation peut participer à plusieurs supply chains, le management de cette chaîne - le SCM - va être difficile à observer au sein d´une structure en réseau, où il existent des chaînes multiples. Ces auteures précisent que lorsqu´une supply chain est représentée par un réseau, ce « réseau » concerne, en général, une structure verticale et hiérarchisée, restreinte aux principaux membres de la chaîne, sans présenter d´autres acteurs, mis à part les fournisseurs, leurs propres fournisseurs et les nombreux clients liés à une entreprise focale. Elles proposent encore, en se fondant sur une opinion de Gadde et al. (2002)211, qu´une approche réseau peut être complémentaire à l´approche chaîne, plus employée dans la littérature sur la logistique. Pour représenter la supply chain de la noix du Brésil, il faut alors utiliser des schémas constituant un réseau, car la « chaîne » en fait n'est pas linéaire. Dans le prochain paragraphe nous allons reprendre cette idée d´une structure en réseau pour représenter les acteurs du terrain. 4.2.3) Les réseaux : approche « socio-organisationnelle » « Faisant partie d´une structure plus large, une relation (entre deux acteurs) peut être tantôt une source de changement tantôt une source de stabilité au sein d´un réseau » (Håkansson et Snehota, 1995, p. 34). Le but de ce paragraphe est de fournir des aspects complémentaires à ceux concernant les filières et les supply chains, qui pourront être mobilisés dans la proposition d´une nouvelle configuration des acteurs locaux (chapitre 5). Nous avons cherché des références dans la littérature non seulement sur les réseaux organisationnels, mais aussi sur les réseaux sociaux, car dans le contexte de terrain de cette recherche, les aspects qui concernent les individus semblent avoir une importance centrale dans la réussite des actions pour provoquer des changements. 211 Gadde, L.-E., Håkansson, H., Jahre, M. and Persson, G., “More instead of less” – strategies for the use of logistics resources. J. Chain and Network Sci., 2002, 2, 81–93. 271 Notre revue de littérature présentera d´abord les réseaux dans un contexte général, pour ensuite discuter les réseaux sociaux et les réseaux organisationnels, plus précisément le système productif local, en général associé au développement local et qui a été évoqué dans des évaluations de projets menés par d´autres auteurs consultés. Origine du terme Le terme réseau est originaire du latin rete, qui signifie l'entrelacement des fils ayant des ouvertures régulières et fixées par des mailles, où les fils sont les interactions et les mailles ou les noeuds sont les points qui fournissent la forme de base des réseaux212. Son utilisation dans le contexte social ou organisationnel est appliquée aux interactions entre acteurs individuels ou collectifs (les organisations elles-mêmes), où les noeuds deviennent les acteurs, ou les organisations, et les fils représentent les relations entre chacun de ces acteurs. Les structures en réseaux représentent des pratiques collaboratives d'organisation, sans privilégier la hiérarchie, qui était une caractéristique de la société industrielle. Dans la société industrielle, l'économie d'échelle était le principal objectif. Une structure sans hiérarchie semble être caractéristique de la société de la connaissance. Chaque participant d’un réseau possède, d´une certaine manière, un peu de pouvoir. Le réseau, en étant un ensemble d’acteurs, peut aussi exercer ce pouvoir. Tous les acteurs sont empowered par définition, et il n'y a pas une concession ou délégation de pouvoir à un autre acteur, mais, en fait, une coordination des autonomies (Martinho, 2006). Les réseaux constituent une proposition de réalisation du travail collectif et de circulation du flux d'informations, éléments essentiels au processus quotidien de transformation sociale (Veiga et Rech, 2001). Et, dans le secteur productif, « les réseaux permettent une production en grande échelle, fait impossible même pour une petite coopérative » (Veiga et Fonseca, 2002, p. 61). Néanmoins, la nécessité d'union des divers acteurs ou organisations n'est pas suffisante pour soutenir un réseau, ce qui veut dire que les réseaux ne peuvent pas être pensés comme une fin en soi. « L’organisation est toujours un processus, jamais un état final » (Martinho, 2006, p. 42). Il est aussi important de considérer les expériences d'apprentissage et de coopération comme des résultats du processus (Medonça et al., 2007). « La vie évolue à partir des arrangements de coopération et de co-évolution » 212 Dictionnaire Petit Robert de la Langue Française. 272 (Capra, 2003, p. 233). La co-évolution étant associée avec l'innovation, l'apprentissage et le changement. Alors, si les aspects matériels et immatériels de chaque organisation ou filière au sein d’un réseau ne sont pas utilisés ou réaffirmés, les réseaux ne peuvent pas durer. Ils doivent être toujours travaillés, discutés et modifiés pour rester viables (Busch, 1989). « La société en réseaux » : émergence des réseaux sociaux Dans son célèbre ouvrage « La société en réseaux », Castells (2000) considère que l'émergence de ces structures est la résultante de trois processus interdépendants: la révolution des technologies de l'information, qui ont potentialisé l'organisation en réseau ; la crise économique du capitalisme ; et la naissance des divers mouvements sociaux et culturels. Dès lors, pendant les deux dernières décennies, les études considérant les structures en réseaux se sont multipliées. Mendonça et al. (2007) voient dans les processus cités par Castells, notamment ceux liés à la crise du capitalisme, l'approfondissement des problèmes et problématiques divers: les problèmes d'ordres environnementaux, les problèmes d'exclusion sociale, l'approfondissement des inégalités socio-territoriales et la mondialisation économique, associé à la crise du fordisme213. L'ensemble de ces problèmes ont rendu évidentes les limites des actions fragmentées et sectorielles, ainsi que la complexité qui réside dans chacun de ces problèmes. L'action isolée d'un acteur publique, des entreprises ou de la société civile se montre limitée pour résoudre ces problèmes. Le concept de réseau est devenu objet d´études au sein des disciplines diverses. En fonction de sa complexité, il est souvent analysé dans des approches multi ou interdisciplinaires (Mendonça et al., 2007). En se configurant comme des structures ouvertes, non-circulaires, ayant une expansion illimitée, les réseaux se présentent aujourd'hui comme des instruments importants pour l'organisation, l'articulation et la mobilisation sociale (Amaral, 2003). Mendonça et al. (2007) reconnaissent comme les principales caractéristiques des réseaux sa nonlinéarité, l’égalité et la complémentarité entre les parties, la flexibilité, l’autorégulation et, enfin, la régularité. En ce qui concerne sa non-linéarité, ces auteurs rappellent que dans les systèmes vivants, les réseaux ne sont pas des chaînes continues d'organismes. La non-linéarité des réseaux se montre alors plus appliquée à des contextes complexes, comme le contexte de cette recherche, où les approches par filière ou par supply chain 213 L’économie solidaire est considérée une économie « post-fordiste » (Singer, 2002). 273 nécessitent parfois d’être complétées. La similarité et la complémentarité se présentent entre les fils et les noeuds, et entre les mailles et les fils. Il n'y a pas une division hiérarchique entre les fils et les mailles et entre les fils et les noeuds. Il existe une différentiation, mais elle est plutôt fonctionnelle, dans la mesure où les fils font les liens et les mailles ou noeuds soutiennent les réseaux. Ce sont ces noeuds qui soutiennent les liens, c'est-à-dire les fils du réseau. Ces liens peuvent être des actions, des ressources, des moments de discussion et planification, etc. « Le réseau s’exerce par la réalisation continue des connexions, il ne peut exister que si les liens sont établis » (Martinho, 2006, p. 18). Les réseaux organisationnels L´émergence des organisations en réseau a commencé à la fin des années 1970, mais c´est seulement dans les années 1990 que cette configuration a été décrite comme la forme d´organisation du futur. Pour Snow et al. (1992), les organisations en réseau sont composées par des clusters d´entreprises, coordonnées par les mécanismes du marché plutôt que par des hiérarchies centralisées. Dans leur article concernant le management des réseaux organisationnels au XXIe siècle, un résumé sur l´évolution des structures en réseau et leurs implications est présenté, avec une description des trois différents types de réseaux : le réseau interne, le réseau stable et le réseau dynamique. L´idée centrale d´un réseau interne est celle que pour augmenter leurs performances, les différentes unités d´une organisation doivent travailler avec les prix guidés par le marché et non avec les prix estimés de transfert entre ces unités. Dans un réseau interne, la firme possède normalement tous les actifs associés à ces activités. Mais si les firmes échangent leurs produits à des prix qui ne reflètent pas la réalité externe, leurs responsables risquent de prendre de mauvaises décisions. Dans le réseau stable, des différentes entreprises dédient une part de leurs actifs à une autre entreprise particulière (la firme pivot), soit comme fournisseurs de ces inputs soit comme des distributeurs de ces outputs. L´objectif ici est de diluer la propriété des actifs et les risques parmi les entreprises indépendantes. Parmi les bénéfices attendus de cette forme d´organisation, il y a l´engagement des fournisseurs et des distributeurs par rapport à la firme pivot, ainsi qu´une meilleure coopération dans la planification et dans les standards de qualité. Toutefois, pour maintenir cette stabilité, les firmes peuvent devenir dépendantes et le réseau présente une relative perte de flexibilité. 274 La troisième forme de réseau proposée par Snow et al. – le réseau dynamique - est présente plus souvent dans les secteurs où les cycles de développement et de création des produits sont très courts, obligeant les entreprises à s´associer à d´autres firmes possédant tout ou partie des actifs nécessaires à son évolution. De la sorte, les réseaux dynamiques peuvent offrir spécialisation et flexibilité à la firme dominante. La notion de réseau d´entreprises n´implique pas nécessairement de proximité géographique, mais celle-ci peut être représentée par les systèmes productifs locaux (SPL), qui sont assimilés à un groupement d´entreprises et d´institutions géographiquement proches et qui collaborent dans un même secteur d´activité (Pommier, 2002). Les systèmes productifs locaux : des réseaux organisationnels, mais aussi sociaux Le terme français système productif local214 (SPL) est lié au concept anglophone de cluster, largement diffusé suite à la parution de l´ouvrage de Michael Porter, « l´Avantage Concurrentiel des Nations ». Cette appellation anglaise recouvre deux réalités : elle peut désigner un secteur d´activité au niveau national ou régional – correspondant en français à la notion de branche. Mais, dans sa définition stricte, « le cluster renvoie à des entreprises d´un même secteur d´activité, fortement compétitives et avec un réel ancrage géographique » (Pommier, 2002, p. 77). Les SPL peuvent aussi être associés aux districts industriels, créés dans les régions du Nord-est et du Centre-nord de l’Italie et qui ont été étudiés en détail par Baroncelli dès les années 1970215. Porter (1996), dans l´ouvrage déjà cité, consacre tout un chapitre pour expliquer comment des pays comme l’Italie ont su valoriser leurs industries dans le temps ; et cite l’importance de ces districts industriels dans l’évolution de l’économie nationale. En plus de la proximité géographique, les caractéristiques de ces districts sont les liens de type familial et l´esprit communautaire existant entre les entreprises et leurs fournisseurs. Staber (1998) définit les districts industriels italiens comme des clusters locaux formés plus souvent par des petites entreprises qui maintiennent entre elles, en même temps, 214 Appélés aussi de Systèmes Productifs Localisés (Fourcade, 2006). L´idée des districts industriels a été développée par Alfred Marshall à la fin du XIXe siècle. Dans son ouvrage « Principles of Economics », Marshall affirmait qu´il existe d´autres manières par lesquelles les firmes peuvent bénéficier d´économies d´échelle, sans passer par les grandes entreprises. Ces économies externes qui les firmes situées dans une même région géographique peuvent obtenir, seraient capables de produire une économie d´échelle similaire. 215 275 des relations de coopération et de compétition, en recherchant une stabilité, mais sans renoncer à leur nature concurrentielle. Normalement chacune se spécialise dans une étape précise de la production, résultant dans une intégration verticale. Brenner (2004) remarque que précisément dans la notion de districts industriels italiens il existe une concentration plus forte sur les aspects sociaux, en comparaison avec les districts industriels dans d´autres pays. L´étude des districts industriels italiens a montré l´importance des structures socioéconomiques et des interactions au sein de ces structures. A partir de différentes références sur les districts industriels italiens, Brenner (2004, p. 10) liste quelques pré requis qui ont été initialement associés à l´émergence de ces structures : « un réseau de petits et moyens centres urbains ayant des fortes traditions en production et en commercialisation ; la prolifération des petites propriétés agricoles de base familiale ; et la présence des politiques locales traditionnelles et des institutions liées à la tradition catholique et au mouvement socialiste et communiste ». Les débats menés dans les années 1990 ont permis l´analyse de ces structures à partir d´autres approches, donnant une dimension plus large au concept de district industriel. Brenner fournit des aspects sur les caractéristiques de base d´un district industriel et une grande partie des auteurs s´intéressant au sujet le rejoignent : un rassemblement géographique d´un grand nombre de petites firmes spécialisées, une forte division du travail parmi ces firmes et un réseau social formé par des acteurs économiques importants, qui partagent un même contexte culturel. Pour le Réseau de Recherche en Systèmes et Arrangement Productifs et Innovants Locaux (RedeSist), « les systèmes productifs locaux sont définis comme une concentration productive géographiquement située, ayant des caractéristiques d’identité collective (sociales, culturelles, économiques, historiques), concernant des entreprises de différentes tailles, mais avec la prédominance des petites et moyennes entreprises, qui maintiennent un lien de coopération entre elles et avec d’autres acteurs, comme le gouvernement, les associations et les représentations professionnelles, les institutions de recherche et d´enseignement, entre autres »216. 216 http://www.redesist.ie.ufrj.br/. Consulté le 20/11/2007. 276 Pour qu´une organisation soit considérée comme un SPL, il est nécessaire d’avoir une concentration géographique des entreprises – souvent de petites tailles – et de leur production, une spécialisation poussée autour d´un métier et/ou d´un produit et des coopérations se traduisant par un partage des moyens, des outils et des savoir-faire mis en oeuvre par les PME-PMI d´une même branche. Le fonctionnement d´un SPL suppose une coopération réelle et durable entre les entreprises, traduite normalement par une intensité de liens formels et informels, matériels et immatériels, marchands et non marchands, pouvant prendre des formes diverses. Sur place, il peut être trouvé l´ensemble de la filière, de la conception à la mise sur marché des produits (Pommier, 2002). En France, les SPL sont classés en quatre types, dont les districts industriels italiens font partie (Pommier, 2002). Ces derniers ne représenteraient pas un synonyme, mais plutôt une configuration parmi d´autres pour les SPL. • Les SPL de type “district industriel italien”: reposent en général sur un artisanat ou un savoir-faire traditionnel local, se caractérisant par une présence diffuse sur le territoire, très liées entre elles par une même « culture », ainsi que par des dynamiques endogènes de développement, et une collaboration étroite entre la communauté locale et les entreprises. Les communautaires dépendent fortement des entreprises ou de l'activité économique autour des entreprises. C’est le cas des coopératives visitées dans les états brésiliens de l’Acre et de l’Amapá. • Les SPL technologiques: ils ressemblent aux districts industriels traditionnels, où les entreprises se concentrent autour d'une spécialité, mais, à l'inverse des districts industriels, leur développement se doit à un « saut technologique », c'est-à-dire, à une rupture avec les savoir-faire locaux traditionnels. Les liens qui unissent les acteurs ont pour origine des formations techniques communes et non une histoire sociale ou familiale partagée. • Les SPL gravitant autour d'une ou plusieurs grandes entreprises “donneurs d'ordre”: leurs développements ont été motivés notamment par des politiques d'externalisation de grandes entreprises. C´est le cas des fournisseurs gravitant autour d'un constructeur automobile. Au Brésil, un exemple de ce type, est le SPL de l’industrie des chaussures dans la Valée des Sines, dans l’état de Minas 277 Gerais, et le SPL de l’industrie de la confection dans plusieurs états de la région Nord-est du pays. • Les SPL “émergents”: les entreprises n'ont pas encore développé des véritables coopérations. Lorsque leurs activités sont très proches, elles se voient encore comme des concurrentes. Ce n'est que par l'effet d'un médiateur extérieur au réseau qu'elles sont encouragées à se regrouper pour échanger des expériences et des méthodes. Emergence et fonctionnement d´un SPL Les SPL représentent plus qu'un moyen de développement privilégié pour les entreprises, notamment les plus petites. Ils constituent aussi un atout fondamental pour l'essor ou la revitalisation des territoires, dans la mesure où ils permettent de maintenir ou redynamiser le tissu économique local, où les acteurs institutionnels et les acteurs économiques construisent dans des nouveaux espaces recomposés – territoires217, agglomérations – des projets porteurs de développement et d'emploi basés sur des savoir-faire géographique et 218 des réseaux denses d'interdépendance. Leur implantation , répond, pourtant, à des raisons bien précises (Pommier, 2002). Il faut valoriser l´ensemble des savoir-faire traditionnels locaux219 pour étendre la chaîne de valeur220 locale et encourager le jeu des complémentarités aux différents stades de la production (création, transformation, production et vente). Si l´éducation nationale (ou locale) n´est pas en mesure de « qualifier » la main-d´oeuvre dont le SPL 217 Le concept de territoire rural est employé par le Ministère de Développement Agraire brésilien (MDA) pour proposer et implémenter des politiques de développement rural local, à partir des spécificités qui peuvent exister entre des groupe des municipalités. Le MDA reconnaît actuellement 160 territoires distribués dans 26 états brésiliens plus le district fédéral. Les états de l´Acre et de l´Amapá ont 3 et 4 territoires ruraux, respectivement. 218 Des Zonages Economiques-Ecologiques (ZEE) ont été menés dans les états de l'Amazonie brésilienne. Dans les deux états choisis comme terrain de cette recherche, des aires d´occurrence de PFNL ont été identifiées comme ayant un fort potentiel économique, favorable à la création des systèmes productifs locaux, dont ceux incorporant les participants et les produits dérivés de la filière noix du Brésil. 219 Dans ce contexte, le Réseau RedeSist essaie d’établir un dialogue entre des chercheurs brésiliens et étrangers, visant la recherche de solutions pour le développement de petites communautés, à partir de l’appui à des activités de petite échelle et des stimulations aux innovations dans les systèmes de production, adaptées aux contextes locaux (ASPIL – Arrangements et Systèmes Productifs et Innovateurs Locaux). Au Brésil, les discussions et les recherches sur les SPL ont un caractère intégrateur de politiques (publiques et privées), avec des forts objectifs de développement social, afin de changer la vision polarisée entre politiques d’innovation et politiques de développement, où les premières en général béneficient à la partie plus riche de la population et les dernières essayent de servir de levier pour les populations plus pauvres, normalement exclues des processus d’innovation technologique. 220 La chaîne de valeur considère la filière, la chaîne de distribution, ainsi que tous les éléments ayant une influence directe et indirecte dans ces chaînes, comme les institutions publiques et privées, les institutions financières, les coopératives, entre autres.(Mendonça et al., 2007, p. 166). 278 a besoin, les organisations participantes locales pourraient s´organiser de façon à garantir des structures de formation plus adéquates, telles les écoles-famille agroextractivistes. Le lancement d´un SPL implique aussi des coûts importants au moment du montage (études, organisation de réunions, frais de structure, emploi d´un chargé de mission, etc) et dans l´accompagnement des projets (dépenses d´organisation, de formation, évaluations, etc). Ces coûts sont nécessaires et demandent aux entreprises et animateurs de SPL de faire appel à des partenariats extérieurs, publics ou privés. La création des SPL est une affaire complexe, en partie à cause de la méfiance des entreprises locales. Il est très difficile de faire naître parmi eux le sentiment d´une culture commune, qui peut résoudre collectivement les problèmes de chacun, tels que le financement, la recherche, la sous-traitance, la formation. Pommier (2002) propose l´introduction des nouvelles formes de coopération et le développement d´une véritable « pédagogie de la coopération », comme cela s´est produit dans la Vallée de la Bresle en HauteNormandie221. L´organisation de cette structure est normalement assurée par des coordinateurs de filière (personnes, entreprises, agences spécialisées) qui rationalisent les chaînes de valeur (Pommier, 2002, p. 65). Mais, dans les relations de collaboration entre acteurs institutionnels, il doit avoir plus qu'une convention ou un contrat de gestion entre les organismes publics, les entreprises et les organisations (Mendonça et al., 2007). Il faut une vraie orientation vers la collaboration parmi tous les acteurs concernés, conforme la SCO ou encore une « orientation réseau ». Les expériences d´apprentissage et de coopération peuvent être considérées comme des résultats des processus introduits par les stratégies de développement des SPL, à partir des interactions entre acteurs multiples, tant internes aux organisations qu´externes. Les interactions entre individus peuvent alors aboutir à l´émergence de nouvelles connaissances, de nouveaux savoirs, qui peuvent être matérialisés dans de nouvelles technologies, de nouveaux produits ou services, de nouveaux procédés, ou de nouvelles formes d´organisation, autrement dit des innovations (Fort et al., 2003). Dans une étude 221 Dans cette région, il y a un Pole Verrier où des designers graphiques, des fabricants de verres, des fabricants de moules et des décorateurs travaillent en coopération. 279 concernant les sources de production de l´innovation dans les petites et moyennes entreprises agroalimentaires françaises, ces mêmes auteurs, en analysant les innovations relatives aux procédés, aux produits et aux organisations, ont constaté que les liens avec les dynamiques territoriales sont déterminants, essentiellement quand il s´agit des innovations organisationnelles, et dans une moindre mesure quand il s´agit des innovations-procédés. L´innovation-produit a été perçue comme étant principalement interne à l´entreprise, pouvant recevoir l´influence externe des clients. Dans le cas de notre recherche, les organisations concernées (s´agissant des coopératives extractives, des organisations collectives qui se situent plutôt entre la petite entreprise et l´association), ont apparemment besoin d´autres conditions préalables pour garantir la production d´innovation, comme le fait que leurs membres soient d´abord empowered et que l´autogestion collective soit renforcée. D’une façon générale, un SPL fonctionne comme un réseau d´interdépendances constitué d´unités productives ayant des activités similaires ou complémentaires qui se divisent le travail (entreprises de production ou de services, centres de recherche, organismes de formation, centres de transfert et de veille technologique, etc). La figure 4.7 présente les membres d’un SPL. Figure 4.7. Membres d’un système productif local. Source : Pommier (2002, p.5). 280 Une approche intéressante pour analyser un réseau industriel a été proposée par Håkansson et Snehota (1995), à partir du modèle « ARA222 ». Le modèle part du principe que les unités organisationnelles sont connectées par des relations à travers trois couches - les liens entres les activités (activity links), les associations entre les ressources (resource ties) et les relations entre les acteurs (actors bonds). Ce modèle apporte deux autres dimensions importantes : d´abord, il introduit le concept de connexions indirectes entre relations dans l´approche SCM, puis, il suggère une attention aux ressources nécessaires à la formation et au développement du réseau (Jahre et Fabbe-Costes, 2005). L´approche « ARA » semble pertinente pour analyser les acteurs actuellement liés à l´extractivisme de la noix du Brésil au sein d´une structure en réseau. Håkansson et Snehota (1995, p. 34) observent que dans l´analyse sur une relation entre deux organisations, la nature et l´importance des relations entre les acteurs doivent être considérées. La Figure 4.8 essaie d´adapter l´association d´acteurs (web of actors) proposée par Håkansson et Snehota dans la représentation des acteurs collectifs au sein d´un réseau actuel de la noix du Brésil. Comme dans la supply chain, la figure représente seulement les acteurs ayant des relations commerciales (business relationships). Les relations au sein de ce réseau d´acteurs sont définies à partir des ressources et d´activités partagées entre eux. Dans cette configuration, nous avons les mêmes acteurs qui avaient été représentés dans la supply chain (cf. figure 4.6), mais non plus dans une logique amont - aval, avec une entreprise focale. Ils sont ici organisés en fonction des activités et des ressources partagées. D´autres types de relations importantes à la promotion de ce réseau seront représentées dans la section 4.3. 222 En référence à Activities, Resources and Actors. 281 Figure 4.8. La « web d´acteurs » d´un réseau de la noix du Brésil, avec des ressources et activités associées. Entrepr. 2 Entrepr. 1 Coop. 2 I1 Coop. 3 Castanheiros Coop. 1 Usine Export. I2 et I3 Légende: o Acteur collectif Niche 2 Niche 1 Imp. • • Ressource Activité Source : Inspirée de Håkansson et Snehota (1995, p.40). En ce qui concerne les relations entre deux acteurs ou organisations d´un réseau, Håkansson et Snehota (1995) observent que d´autres peuvent réagir à cette relation à partir de deux manières différentes : soit ils essayent de profiter de ce fait pour promouvoir un développement, en adaptant leurs propres liens entre activités et en développant des associations entre leurs ressources, de façon à reproduire les mêmes dimensions de la relation entre ces deux acteurs. Soit ils peuvent décider d´opposer les connexions créées dans cette relation, en adaptant et en développant leurs propres relations, de telle manière que la relation focale deviendra moins influente dans la structure de l´ensemble. Les dimensions du changement au sein d´un réseau, aussi proposées par Håkansson et Snehota (1995) et représentées dans la figure 4.9, peuvent être utiles pour proposer un modèle de réseau pour une alternative de SPL de la noix du Brésil. Ce modèle pourra être construit à partir de l´évaluation des expériences de développement local, et sera présenté dans le chapitre 5. 282 Figure 4.9. Les dimensions du changement au sein d´un réseau. Relations entre acteurs Interface entre dépendances et relations Interface entre relations et liens Liens entre activités Interface entre liens et dépendances Dépendances entre ressources Source : Håkansson et Snehota (1995, p. 275). Un SPL où les membres s'organisent non plus autour d’un champ d’activité, comme l’industrie textile, pharmaceutique ou cosmétique, mais plus autour des débouchés d’un type de matière première, pourrait être appelé un « SPL mixte ». C’est le cas des filières de produits forestiers non-ligneux ou de la filière de la noix du Brésil, où les produits et les services possibles ne seraient pas seulement alimentaires, cosmétiques, pharmaceutiques ou artisanales. En partageant des ressources – comme les moyens de transport et une partie des structures productrices - en même temps que fournissant des produits plus diversifiés, ces organisations pourraient atteindre une économie de gamme. Cependant, la problématique de la gestion ou de la gouvernance de cette structure devient plus complexe. La mise en commun de ressources similaires peut concerner toutes les fonctions de l’organisation, soit les structures de production, les services commerciaux ou encore la recherche, le développement (Koenig, 2004) et l’innovation. Dans le cas des coopératives extractives, le partage de ces dernières ressources peut être possible, par exemple, quand ces organisations sont ensemble au sein d’une pépinière de coopératives, ou encore, le cas échéant, faisant partie d´un SPL ou, plus précisément, d´un système agroalimentaire localisé (SYAL). L´approche par les SYAL, une approche SPL spécifique dans le domaine agroalimentaire, est particulièrement intéressante, car elle fournit « un cadre d´analyse 283 et de réflexion sur les modalités de coordination entre les acteurs d´un territoire, qu´ils s´agissent d´entreprises, de collectivités territoriales, d´organismes de recherche, etc, et sur les orientations stratégiques choisies par et pour le système qu´ils auront ainsi formé » (Fourcade, 2006a, p. 187). Dans une démarche SPL, « la proximité facilite une convergence entre acteurs territorialisés, qui trouvent un intérêt collectif à oeuvrer pour un objectif qu´ils se fixent en commun » (Fourcade, 2006b, p. 343), tandis que dans une approche SYAL, il existe une particularité face à un double enjeu223 : - d´une part, un environnement spécifique, au double titre de l´existence de contraintes organisationnelles, fondées en amont sur des obligations liées au développement durable, et issues en aval de la prégnance de la grande distribution ; - d´autre part, des systèmes spécifiés, car ils doivent satisfaire, face aux évolutions de l´environnement, à une double exigence : rechercher des nouvelles réponses collectives, et développer de nouvelles formes de solidarité entre acteurs (Foucarde, 2006b, p. 344). En section 4.3, les concepts abordés en section 4.1 et 4.2 seront croisés afin de fournir des éléments pertinents à être mobilisés dans les actions de terrain pour la rechercheaction présentée dans le chapitre 5. 4.3) Le management des coopératives et leur environnement organisationnel Nous présenterons d´abord quelques spécificités et similarités concernant la filière, la supply chain et le réseau (§ 4.3.1), tantôt comme des approches d´analyse tantôt comme des structures organisationnelles. Nous proposerons aussi un schéma représentatif des relations entre les concepts mobilisés dans les sections 4.1 et 4.2, soit un modèle liant l´empowerment, l´auto-organisation et l´autogestion avec les structures de filière, supply chain et réseau (§ 4.3.2). 223 L´auteur fait référence plutôt aux contraintes des entreprises agroalimentaires françaises, mais les contraintes environnementales et organisationnelles sont aussi importantes dans les cas des pays en développement. 284 4.3.1) Point sur les concepts de filière, supply chain et réseau Toute relation est, par son essence, un élément composant d´un réseau plus large, où les relations sont interconnectées [...] La structure assemblée est un enchaînement d´acteurs conscients et guidés par les objectifs ; c´est aussi une structure organisée d´activités, ainsi qu´une constellation bien organisée de ressources (Håkansson et Snehota, 1995, p. 40). Une évaluation et une action au sein d’une filière extractive ne peuvent être possibles que si plusieurs approches sont articulées. L’approche filière permet de représenter les acteurs engagés autour d’un projet productif, mais elle ne rend pas possible un approfondissement dans les relations entre ces acteurs, car l´analyse met plutôt en évidence les chemins d´un produit ou service. L’approche chaîne est alors complémentaire à l’approche filière, car elle peut fournir plus de détail sur la dynamique des liens entre les acteurs organisationnels. L’approche réseau va donner des éléments pour rendre possible une étude plus systémique, en prenant les acteurs responsables pour des activités spécifiques, mais aussi complémentaires au sein et autour d’une filière et d’une SC, où les noeuds (acteurs) et le mailles (relations) peuvent être identifiés, comme dans le modèle « ARA » pour l´analyse des réseaux, quand les interfaces parmi des relations entre acteurs, activités et ressources peuvent être mieux comprises. Le tableau 4.3 propose d’articuler quelques spécificités concernant les concepts de filière, de supply chain et de réseau, afin d’identifier les complémentarités qui pourront être utilisées dans le cadre d´évaluations et d´actions au sein de la filière de la noix du Brésil. 285 Tableau 4.3. Les spécificités et les similarités entre les concepts de filière, supply chain et réseau. Aspects considérés Schéma de représentation des acteurs Management de la structure Diversité des Produits Filière Représentation abstraite d´une complémentarité théorique d´acteurs. L´élément primordial est en fait le produit ou le service, avec ses transformations (Tixier et al., 1983). Supply chain Souvent organisée autour d´une entreprise focale, qui en général se trouve plus en aval dans la structure (Stock et Lambert, 2001). Se concentre dans les liens entre les acteurs directement impliqués dans les flux. Le SCO est une précondition pour le SCM (Mentzer et al., 2001) Le pilotage des filières est Coordination et/ou normalement assuré par les intégration entre les distributeurs, qui essayent membres est garantie par la d´ établir des stratégies et des fonction logistique procédures pour une meilleure (Council of Logistics intégration (Montigaud, Management, 1998 ; 1992). Morana, 2002). Le SCO représente une philosophie managériale, et le SCM est la somme de toutes les actions managériales appliquées pour garantir cette philosophie. Faible. Logique fondée sur Variable. Peut dépendre du l´unicité d´un produit (Tixier nombre d´acteurs et al., 1983) ou d´une intermédiaires entre catégorie des produits. l´entreprise focale et les fournisseurs au point d´origine et entre celle-là et les clients finaux, soit le point de consommation (Stock et Lambert, 2001). Dépend du produit, pouvant varier du local jusqu’à l’international. Espace géographique Histoire et Tradition Locales Peut avoir des transformations le long du temps, en fonction des changements dans les relations de pouvoir entre ceux qui la constituent (Busch, 1989). Dépend du type de produit et des acteurs concernés. Les SC des produits agricoles ou forestiers peuvent avoir une forte tradition, plus les acteurs sont en amont dans la chaîne. Réseau Peut représenter les liens entre les acteurs internes d´une organisation, ou un ensemble d´acteurs, liés ou non à une firme pivot (Snow et al., 1992). Organisation en général assurée par des coordinateurs (personnes, entreprises, agences spécialisées), qui rationalisent les chaînes de valeur au sein de la structure (Pommier, 2002). Variable. Dans le cas des SPL, il existe une spécialisation poussée autour d´un métier et/ou d´un produit (Pommier, 2002), qui peut être aussi associée à une grande diversité des produits. En ce qui concerne les SPL, la grande majorité des acteurs sont dans un espace géographique limité (Pommier, 2002). Forte dans le cas des certains SPL. Mais il peut avoir aussi le cas des réseaux très développés sans qu’il ait une tradition locale. Source : Elaboré par l´auteure, d´après plusieurs sources. Malgré quelques caractéristiques très particulières à ces trois structures, il existe encore d´autres facteurs nécessaires à leur développement qui sont similaires. Parmi eux, l´idée de la représentation que les acteurs ont, au sein d´une supply chain, de cette structure (SCO), discutée en §4.2.2. Cette représentation peut aussi être considérée au sein d´un réseau ou d´un SPL spécifique. Dans le cas d´un réseau « socioorganisationnel » comme le système productif local (SPL), qui a une forte composante 286 de développement local, la représentation que les acteurs doivent avoir de la structure peut être considérée comme des éléments additionnels, comme, par exemple, l´engagement de ces acteurs avec les actions de formation, de recherche, de développement et d´innovation. Et enfin, reprenant la notion de supply chain traditionnelle, définie dans le chapitre 3, nous présentons dans le tableau suivant les différences de cette première avec une supply chain classique, duquel les caractéristiques sont plus connues. La prise en compte de ces décalages sera importante durant la proposition et la conduite de l´action pour provoquer un changement local dans la filière/supply chain de la noix du Brésil. Tableau 4.4. Principaux décalages entre supply chain classique et supply chain traditionnelle. Supply chain classique Supply chain traditionnelle Points de comparaison Vers l´aval Vers l´amont Entreprise focale Donnée Il faut la construire Infrastructure Systèmes d´information, Logistique de base (moyens de Ressources les plus étudiées technologies, automation transport, entreposage) Relationnels Organisationnelle et de base Traditionnelles et fortement Culture et Connaissances scientifique empiriques Maîtrise des coûts Faible maîtrise des coûts Objectifs Développement durable plutôt Développement durable des associé à la gestion des risques acteurs de la chaîne Source : Elaboré par l´auteure. De la représentation de la supply chain (SCO) à la représentation du SPL « Un réseau peut être vu comme une « organisation », dans la mesure où il affecte la manière dont leurs acteurs sont réciproquement liés et positionnés. Il seulement pourra être considéré comme un ensemble d´une organisation à condition que la logique de réseau soit acceptée par un nombre suffisant d´acteurs » (Håkansson et Snehota, 1995, p. 40). De la définition de Mentzer et al. (2001) pour le SCO, il a pu être dégagé le fait que celui-ci soit une pré condition pour garantir le SCM, dans la mesure où les participants de la supply chain seraient engagés avec le management de toute la chaîne. Si nous transposons cette logique au contexte d´organisations en réseau, plus précisément des SPL, nous pouvons inférer que dans un SPL, les participants qui ont une représentation de sa structure et de son fonctionnement doivent être engagés, non seulement avec le management de l´ensemble d´organisations, mais également avec les actions de promotion de développement de ce réseau. S´il n´existe pas d´effort et de coopération 287 parmi l´ensemble des participants d´un SPL, il sera alors difficile de garantir le succès de cette structure. Du modèle « ARA » (Håkansson et Snehota, 1995) pour l´analyse et compréhension des relations au sein d´un réseau, nous pouvons ajouter que la représentation d´un SPL doit englober les représentations de leurs participants sur les relations existantes entre les divers acteurs, les liens entre les activités et entre les ressources. Toutefois, l´inclusion de ces éléments dans la représentation n´est pas suffisante pour garantir le développement du réseau. C´est leur combinaison dans les diverses actions menées par les acteurs engagés qui feront la différence. Les participants d´un projet de développement local à partir de la promotion des structures collectives des filières de l´extractivisme doivent aussi avoir ces représentations sur les structures de supply chain et SPL. 4.3.2) Des processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion au sein de la filière, de la SC et du système productif local Les concepts d´empowerment, auto-organisation et autogestion ont été discutés dans la section 4.1, en considérant le management des organisations collectives comme des coopératives et des associations extractives. Dans ce paragraphe, nous allons discuter l´importance de garantir aussi un renforcement de l´ensemble des organisations locales, comme une condition essentielle au développement d´une filière, d´une supply chain ou d´un SPL. Ce développement pourrait être garanti à partir de l´attention aux processus d´empowerment, d´auto-organisation et d´autogestion au sein des structures externes qui regroupent ces organisations. La nécessité d´autonomisation (empowerment) est pertinente non seulement au sein de chacune des organisations collectives, mais aussi dans les structures regroupant l´ensemble des organisations. Busch (1989), en analysant les filières de l´extractivisme, observe qu´un maillon faible de cette structure peut stopper la disponibilité des produits, démontrant que ces filières, comme d´autres, sont des entités assez fragiles. Pour cette raison, l'auteur remarque qu'il est très important de travailler pour le renforcement de la structure sociale de l´ensemble des acteurs (individuels et collectifs), afin de garantir un constant ajustement, restructuration, modification et une nouvelle affirmation de la filière. 288 Provan et Kenis (2008) observent que la compréhension du fonctionnement des réseaux est très importante pour la proposition des projets de développement local, car à partir d´elle, il est possible de commencer à connaître pourquoi certains résultats des réseaux ont été atteints, indépendamment s’ils sont des réseaux avec une origine des processus bottom-up ou s’ils sont résultants des décisions prises par leurs membres ou par des institutions publiques. Et Guarnieri (2004) considère que les problématiques liées à la gestion au sein des structures réticulaires, notamment pour celles associées à l’économie solidaire, sont normalement importées des modèles de performance appliqués plutôt dans des organisations de structure pyramidale. Cela devient un obstacle au développement de ces structures. L’autorégulation des réseaux est liée à la capacité de ces structures à définir leurs règles et de se transformer ou à apprendre à partir des expériences et des erreurs. Les éléments de l’organisation en réseau s’ajustent les uns aux autres, en fonction de leurs erreurs et accords, jusqu’à ce qu´un mode coordonné de fonctionnement soit établi. Le temps pour arriver à ce mode de fonctionnement va dépendre de plusieurs facteurs inhérents à chaque réseau. « L’organisation émerge à partir des relations entre les membres. Il s’agit alors d’un processus d’auto-organisation » (Martinho, 2006, p. 42). Pour associer les processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion avec les contextes de filière, supply chain et système productif local, nous n´allons pas prendre ces structures séparément. Nous allons associer les relations considérées dans le modèle « ARA » (Håkansson et Snehota, 1995) avec ceux processus, c´est-à-dire l´association entre les relations entre acteurs, les activités, les ressources et les processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion. Un schéma adapté de ces mêmes auteurs est présenté dans la figure 4.10. 289 Figure 4.10. Possibilités d´émergence des processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion à partir des changements au sein d´un réseau. Relations entre acteurs Autogestion Interface entre dépendances et relations Interface entre relations et liens Liens entre activités Empowerment Interface entre dépendances et liens Dépendances entre ressources Autoorganisation Source : Adaptée de Håkansson et Snehota (1995, p. 275). De l´interface entre les relations des acteurs et de leur dépendance aux ressources, le processus d´empowerment pourrait émerger ou être renforcé. En étant un processus qui fait appel à l´autonomie (d´individus ou d´organisations), l´empowerment se nourrit des dépendances (Morin, 1990). Ces dépendances, à leurs tours, peuvent être liées à des ressources diverses, comme matérielles, financières ou (in)formations. En adaptant une idée de Jentoft (2005), nous proposons que les organisations peuvent être renforcées (autonomisées) en faisant partie d´un ensemble d´organisations. Cet ensemble pourrait lui aussi être renforcé à partir du renforcement de chacune des organisations. Debrun (1990) avait observé que pour avoir de l´auto-organisation, le processus était plus important que les conditions de départ. Selon l´auteur, ce processus peut naître d´un apprentissage d´acteurs et des complémentarités entre initiatives individuelles. En ce qui concerne l´interface entre activités associées et dépendance des ressources dans un réseau et en considérant cette dernière dimension du changement comme une condition de départ, le partage de certaines activités autour des ressources disponibles pourrait contribuer à l´apprentissage d´acteurs et favoriser un processus d´autoorganisation. Håkansson et Snehota (1995) avaient aussi remarqué que, lorsque deux organisations ont des relations ou des activités en commun, des acteurs tiers réagissent en s´adaptant à cette complémentarité ou en s´opposant à elle, et en développent leurs 290 propres complémentarités entre activités. Dans les deux cas, des processus d´apprentissage et d´auto-organisation pourraient émerger parmi ces acteurs. Håkansson et Snehota (1995) ont observé que la relation entre deux organisations peut influencer leur manière d´effectuer leurs activités. Canivenc (2006) remarque que, dans une organisation autogestionnaire, la décentralisation des activités et la responsabilisation par les activités sont parmi les conditions essentielles à la réussite de cette structure. De ces affirmations, nous pouvons formuler que si une organisation autogestionnaire initie une relation avec une autre organisation faisant partie d´un réseau, la structure de l´ensemble d´activités pourra être influencée par la manière dont la première fonctionne. Mais cette influence, en introduisant ou en demandant des changements en dehors de l´organisation, peut dépendre du niveau de pouvoir que l´organisation autogestionnaire dispose au sein du réseau, ce qui nous amène aux notions de stakeholders actifs – ceux qui déterminent une décision ou action – et de stakeholders passifs – ceux qui sont affectés – positivement ou négativement – par cette décision ou action (Grimble et Wellard, 1997). Dans les cas des projets de développement local concernant les organisations collectives d´extractivistes, ils doivent réussir à mener les coopératives vers un statuts intermédiaire entre ces deux types de stakeholders, c´est-à-dire, entre être seulement affectées par des actions externes et entre aussi prendre des décisions. Les relations entre empowerment, auto-organisation et autogestion avec les dimensions du changement dans un réseau, représentées dans la figure précédente, sont des propositions basées dans la littérature théorique, mais sont aussi influencées par le terrain, car elles ont été observées lors de l´évaluation des projets et dans l´action menée sur le terrain. 291 Conclusion du Chapitre 4 – Principaux aspects à retenir pour la construction d´une nouvelle action collective Le chapitre 4 a proposé une discussion suivie des applications et des adaptations d´un cadre théorique au contexte du terrain de recherche, en suivant des pistes prises dans des évaluations précédentes, mais aussi à partir d´une étape exploratoire avec les acteurs du terrain. Sans ces connaissances approfondies sur les processus et les relations particulières entre les acteurs et les organisations de l´extractivisme, une revue de littérature basée uniquement dans des pistes d´autres auteurs ne pouvait pas garantir notre représentation de la réalité locale. Sans les connaissances du terrain il aurait été difficile de sélectionner les cadres théoriques pertinents pour construire une action. Certains cadres théoriques n´étant pas directement applicables, nous avons suggéré quelques adaptations. Ainsi, les adaptations proposées à partir des références sur empowerment, auto-organisation et autogestion, ainsi que sur filière, supply chain et réseau ont permis une compréhension sur les particularités de chaque approche ou structure. Les littératures qui utilisent des concepts de supply chain ou même des SPL arrivent difficilement à traiter des réalités des organisations et des processus liés à l'extractivisme. Le terme supply chain est plus appliqué dans des contextes d’entreprises privées que dans ceux d’institutions publiques ou des petites organisations collectives comme les coopératives, qui peuvent être situées entre les PME/TPE et les associations. Cette particularité a rendu difficile une application directe des éléments de la littérature théorique dans notre recherche. A partir de l´exploration du terrain et des lectures pour chercher des cadres théoriques appropriés, trois situations sont apparues : dans la première, nous avons identifié la problématique du terrain dans la littérature consultée et elle a été appliquée directement dans ce contexte. La deuxième situation a été celle où la problématique du terrain n´a pas été identifiée dans la littérature, mais il a été possible de se servir de certains éléments du cadre théorique. Et enfin, la dernière situation a été celle où nous n´avons pas identifié la problématique du terrain dans la littérature consulté, et où il a été nécessaire d´adapter des concepts afin de les prendre en compte dans les actions nouvelles sur le terrain. 292 Chapitre 5 - Recherche-action pour la construction d´une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil « L'action est une décision, un choix, mais c'est aussi un pari » (Morin, 2005, p. 105). Le chapitre 3 s’est concentré sur l’évaluation de projets menés dans deux états de l’Amazonie brésilienne et le chapitre 4 nous a permis d´approfondir quelques éléments théoriques pertinents dans ce type de démarche. Dans le chapitre 5, il sera présenté la démarche et des conclusions d’une recherche-action en cours, menée au sein d’un groupe d’extractivistes qui a aussi dans l’exploitation de la noix du Brésil sa principale source de revenus. Contrairement aux expériences précédemment évaluées, qui ont été plutôt proposées de façon top-down, le projet a été construit à partir des demandes locales, avec la participation des communautaires et d’autres acteurs locaux tout au long de ses étapes. Le projet de recherche-action a été construit à partir des résultats d’évaluations d´expériences présentés dans le chapitre 3, à partir des éléments de la littérature, présentés dans le chapitre 4, ainsi que des discussions avec les acteurs du terrain et d’un diagnostic socioéconomique préliminaire, fait par l’équipe responsable pour la proposition et pour la gestion du projet. Le projet a été proposé pour un appel d’offre224 à des projets d’extension visant le développement des technologies sociales appliquées aux communautés traditionnelles et aux peuples indigènes de différentes régions du Brésil. En reprenant la question et la proposition présentées dans le chapitre 2, la recherche-action au sein d’une communauté d’extractivistes a été développée avec le but de répondre à la question suivante : Q3 - « Comment est-il possible de proposer et de construire une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, en partant des éléments dégagés des expériences précédentes? » 224 Appel d’offre N.º 26/2005, Conseil National de Développement Scientifique et Technologique, financé par le Ministère des Sciences et de la Technologie (MCT), le Ministère de l’Environnement (MMA), le Secrétariat Spécial d’Acquiculture et Peche (SEAP), le Secrétariat Spécial de Promotion de l’Egalité Raciale (SEPPIR). Quatre lignes thématiques étaient disponibles: Technologies des processus et des produits, Technologies de gestion, Pluriactivité et Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle. La ligne du projet de recherche-action proposé a été celle de technologies de gestion, concentrée sur la « gestion solidaire et participative des entreprises, à partir des actions d’extension et formation et visant l’autonomie des bénéficiaires » (CNPq, 2005, p. 6). 293 La question propose le développement des actions à partir d´éléments d´évaluations de projets conduits précédemment dans des contextes similaires. L’idée est que, d’une certaine manière, ces évaluations puissent servir comme une sorte d’évaluation ex-ante du terrain pour la recherche-action à mettre en oeuvre. Même si certains acteurs ne sont pas les mêmes, dû au contexte et aux spécificités de la filière dans chaque état amazonien, des situations communes à celles des projets pourraient se rencontrer aussi au sein d´un projet nouveau. Si les évaluations précédentes ont permis de signaler des aspects à assurer (facteurs de succès) et d´autres à éviter (facteurs d´échec) au sein des expériences futures, ces recommandations pourraient être expérimentées dans la recherche-action qui devrait être proposée. Des questions comme Q3 demandent une réponse ou une réflexion autour des actions qui il est possible d’introduire dans un projet au sein d’une communauté, en considérant, dès le début, que la construction d’une nouvelle configuration est possible. Le questionnement se situe autour des formes d’intervention et d´action collective. Une question demandant s’il est possible de construire une telle configuration n’a pas été considérée, dans la mesure où il est toujours possible de proposer une telle action, mais la difficulté qui se pose est de savoir quelles sont les conditions qui doivent être garanties pour conduire cette action. La proposition associée à la question Q3 essaie de prévoir quelles seraient les conditions pertinentes à considérer dans le design et la conduite de la recherche-action : P5 (Q3) - Une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil peut être proposée visant un groupe précis, après une redéfinition des rôles des acteurs, des circuits de distribution liés à la filière et des relations entre les extractivistes, leurs organisations collectives et d´autres acteurs de la filière. Pour soutenir cette proposition et répondre à la question Q3, nous allons décrire les principales étapes de la recherche-action, qui a été conduite par une équipe pluridisciplinaire, avec la participation des communautaires et d´autres acteurs locaux. Le chapitre est organisé en trois sections. En Section 5.1, le contexte local et l’origine du projet de recherche-action sont présentés en deux paragraphes : §5.1.1, où les aspects socioéconomiques des communautaires participants au projet seront présentés, et §5.1.2, 294 où les principales demandes de ces extractivistes sont liées à la proposition du projet de recherche-action. La Section 5.2 présente les éléments qui ont été utilisés dans le design des actions menées au sein du projet. Elle est aussi divisée en deux paragraphes : §5.2.1, où la préparation des acteurs pour participer au projet est décrite, et §5.2.2, où les aspects de projets à être introduits (facteurs de succès) et à éviter (facteurs d´échec), proposés dans le chapitre 4, ont été utilisés dans la conception du projet de recherche-action. Et enfin, en Section 5.3, l’évolution des actions et des engagements des différents acteurs est décrite. Le déroulement des missions et d´autres actions de terrain, ainsi que le renforcement des liens entre les acteurs engagés et de leur empowerment sont commentés en §5.3.1. Les principaux changements introduits au sein de la filière sont discutés en §5.3.2. 5.1) Contexte local et justificatif du projet Ici le contexte des castanheiros du PAE-Macacá est présenté. Même ayant de nombreuses similarités avec les communautés extractivistes concernées par les projets précédemment évalués, une action ne pourrait pas être initiée sans que l´équipe la proposant ne soit familiarisée avec les acteurs locaux. L´historique du fonctionnement de la filière locale, ainsi qu´un diagnostic socioéconomique, sont fondamentaux pour garantir des éléments pour démarrer une relation entre équipe de recherche et acteurs locaux. Durant l´étape de recherche d´informations sur le fonctionnement historique et actuel de la filière noix du Brésil et du profil socioéconomique des habitants du PAEMaracá, les chercheurs ont eu aussi la possibilité de discuter avec les communautaires des objectifs et des étapes à prévoir dans le projet, ainsi que leurs attentes par rapport aux changements prévus. Notre entrée dans le terrain de la recherche-action s’est faite lors d´une mission exploratoire pour accompagner l’équipe du Projet Poraqué, en février 2005. Il a été alors possible de connaître le site où la structure productive devrait être installée et faire un premier contact avec les communautés du Haut Maraca. 295 La section est divisée en deux paragraphes. En §5.1.1 nous décrirons les communautés concernées par le projet de recherche-action et en §5.1.2 les demandes locales sont discutées. 5.1.1) Les castanheiros du PAE-Maracá : tradition de dépendance et d´isolement Les communautés bénéficiaires du projet Maracastanha étaient celles habitant dans Le Haut Maraca, une des portions de l’Aire de Concession Agroxtractiviste du Maraca (PAE-Maraca)225, dans la municipalité de Mazagão, région sud de l’état de l’Amapá. Le Haut Maraca est habité par des populations traditionnelles d’extractivistes, qui ont la noix du Brésil comme principale source de revenus. Les localités du Haut Maraca sont représentées par des points verts dans la carte du PAE-Maraca (Figure 5.1). Dans le projet, 19 familles, distribuées dans quatre communautés (Caranã, Pacumé, Varador et Flexal) ont été plus mobilisées, mais d´autres extractivistes et éventuellement leurs familles (points rouges dans la carte) ont aussi participé à certaines activités du projet. Comme la structure productive à être installée se situait sur le chemin de la plupart des extractivistes du PAE-Maracá, qui dans la saison de cueillette montent vers leurs castanhais, elle pouvait bénéficier non seulement aux extractivistes du Haut Maraca, mais aussi à ceux habitant dans d´autres régions du PAE-Maracá. Entre 1991 et 2007, la seule organisation représentative pour l’aire de concession entière était l’Association des Travailleurs de l’Aire de Concession Agroextractiviste Maraca (Atexma). A partir de 2007, d’autres associations micro locales226 ont été créées a fin de capilariser l’action de l’Atexma, qui est désormais restée l´« association mère ». 225 Le PAE Maraca a été créé en 1987, après qu´une aire d’environ 500.000 ha a été transférée aux familles extractivistes par l’Institut National de Colonisation et Reforme Agraire (INCRA). Dans ce modèle d’aire de concession, l’Etat reconnait le titre collective de la terre par les communautés et permet sa gestion par les habitants (les assentados) eux-mêmes, organisés dans une entité associative, l’Association des Travailleurs de l’Aire de Concession Agroextractiviste Maraca (Atexma). Le modèle d’aire de concession a été le precurseur des réserves extractives créées dans l’année suivante, à la différence que les aires de concession continuent à être gérées par l’INCRA et ne sont pas classées dans le SNUC et les réserves extractives sont de responsabilité de l’Institut Brésilien des Ressources Naturelles Renouvelables (IBAMA). Les habitants de ces aires de conservation sont considérés des populations traditionnelles extractivistes, mais le statut de chacune n’est pas le même. 226 Parmi ces nouvelles associations, celles plus influencées par le projet Maracastanha sont l´Association des Castanheiros et l´Association des Femmes. 296 Figure 5.1. Carte du PAE-Maraca. Source : Projet Poraqué (2008). Le parcours pour arriver aux dernières communautés est constitué de plus de 20 chutes d’eau ou rapides, ce qui rend l’accès long, difficile et parfois risqué (Figures 5.2 et 5.3), tant pour les personnes que pour les produits transportés, dont les principaux sont la farine de manioc et la noix du Brésil. Aucun accès terrestre n´est en condition d’être utilisé. Le seul accès se situe à la hauteur de la chute du Caranã et peut raccourcir le chemin jusqu’à l’autoroute Macapa-Laranjal do Jari, mais jusqu´en 2008, des travaux importants étaient encore nécessaires. En fonction de ces difficultés d’accès, les services de base pour les habitants - écoles, postes de santé, électricité et eau potable - étaient presque inexistants. A l’époque du diagnostic préliminaire du projet Maracastanha (Juillet 2005) il existait deux écoles primaires dans le Haut Maraca, dont une était installée provisoirement dans la résidence d’un extractiviste. Le taux d’analphabétisme parmi la population adulte est de 60 % et une partie des enfants ne fréquentaient pas les écoles à cause des difficultés d’accès. En ce qui concerne les services médicaux, le poste de santé le plus proche est celui de la Vila Maraca, portion plus urbanisée du PAE-Maraca, située au minimum à deux heures de distance du Haut Maraca. Quant à l’accès à l’électricité et à l’eau potable, rares sont les résidences où il existe un moteur à base de diesel ou un puits. De toutes façons, ces services ne sont pas fournis par les Pouvoir Publics. 297 Figure 5.2. Les difficultés pour monter la rivière Maraca. Photo: Projet Poraqué (2005). Figure 5.3. Les difficultés pour descendre la rivière Maraca. Photo: Projet Poraqué (2005). La noix du Brésil est principalement exploitée par les habitants du Haut Maraca, où il existe la plus grande occurrence des castanhais. Les habitants d’autres portions de l’aire de concession, le Moyen et le Bas Maraca, exploitent aussi les castanhais du Haut Maraca, mais ils se déplacent vers le Haut seulement durant la saison de cueillette, y restant pour des périodes qui peuvent varier d’une semaine jusqu’à plus de deux mois. Une planification de la cueillette et son écoulement est nécessaire pour ces extractivistes qui habitent dans les autres portions du PAE-Maraca. Pour cette raison, une grande partie d´entre eux choisit d´avoir le transport de leurs produits réalisé par les agents intermédiaires, qui en général reçoivent les noix collectées dans une structure d’entreposage installée près de la chute d’eau du Varador, dans la communauté du même nom. Si le produit est délivré aux agents intermédiaires dans le Haut Maraca, le prix payé est beaucoup plus bas comparé au prix payé dans la Vila Maraca, en fonction du coût du fret. Les agents intermédiaires ont d’autres entrepôts dans la Vila Maraca, d’où le produit est envoyé vers les ports de Laranjal do Jari ou Santana227. 227 Dans le tableau 5.1, où les phases historiques de l’exploitation de la noix-du-brésil sont décrites, le seul port d’exportation était Laranjal du Jari jusqu’à l’ouverture de la route liant la capital a cette ville. A 298 En général, l’organisation des acteurs locaux de la filière et des processus liés à l’extractivisme de la noix du Brésil ne sont pas tellement différent des autres configurations existantes dans le sud de l’Amapá et dans d’autres états de l’Amazonie brésilienne. Cependant, ce qui est intéressant de relever, ce sont les divers cycles d’exploitation déjà produits, où différentes structures ont géré l´écoulement des produits jusqu’aux principaux clients, en général localisés à Belém, dans l’état voisin du Pará228. L’objectif de revenir en arrière dans l’histoire pour réaliser l’identification des agents et des processus de la filière de la noix du Brésil peut être justifié par le fait que, de cette manière, il peut être possible de comprendre avec plus de clarté l’organisation actuelle des extractivistes et leurs agents intermédiaires au sein de la filière. Une tentative de représentation de ces cycles ou phases est présentée dans le tableau 5.1. Tableau 5.1. Les phases d’exploitation de la noix du Brésil dans la Vallée de la rivière Maraca. Phases Structure de production et faits qui ont influencé dans celle-ci Principales destinations des produits Volume moyen par saison de cueillette José Julio 1898-1948 - 13 embarcations pour l’exportation du caoutchouc étaient aussi utilisées pour l’exportation des noix du Brésil de la région - Les castanhais étaient préparés à chaque saison de cueillette - Des équipes de collecteurs et des troupeaux d’animaux étaient organisées en fonction du volume estimé par saison - Processus logistique centralisé par le Colonel José Julio, propriétaire absolu des terres - Pour utiliser les ressources de la forêt, les travailleurs devaient demander autorisation au Colonel Les noix étaient exportées vers l’Europe avec la marque « Jari » 70 mil hl (toute région sud de l’Amapá) Salomão 1948-1976 - Création de la Centrale du Maraca, où les noix étaient séchées dans des étuves et d’où partait la production dans de grandes embarcations - Les responsables du management de l’écoulement de la cueillette étaient des immigrants japonais - Première gestion de l’entreprise d’exploitation de la noix du Brésil - Division dans des entreprises spécifiques pour chaque étape de la filière : entreprise de transport, d’extraction et pré industrialisation et de commercialisation Carvalhos 1976-1995 - 12 entrepôts pour le séchage des noix - 12 a 15 femmes travaillaient dans la sélection des noix Avaient des « managers » dans trois locaux du Haut Maraca - Construction dans la chute du Caranã d’une structure en maçonnerie où les noix restaient environ 2 jours séchant au soleil - Ouverture de la route liant la capital de l’état, Macapa, à Laranjal do Jari, le port d’où partaient tous les embarcations jusqu’à cette période Avant projet 1995-2005 Deux agents intermédiaires pilotaient l’exploitation de la noix du Brésil dans la région - Chaque agent utilisait un entrepôt dans la chute du Varador - La structure installée dans la chute du Caranã était utilisée seulement comme appui pour la descente des produits, mais l’entrepôt installé était utilisé seulement comme hébergement - L’un des entrepôts dans la chute du Varador était de l’Atexma, mais il était utilisé dès sa construction par l’un des agents intermédiaires - Gestion du PAE-Maraca par l’Atexma Belém, après 2-3 jours de voyage par bateau Belém (au marché “Vero-peso”) 10 mil hl 12 mil hl Laranjal do Jarí et Belém, et, eventuelement, vers la Bolivie 4 mil hl Source : Entretiens et références de la littérature (Lins,1997; Filocreão,2002 et Porto, 2003). Une première remarque sur la dynamique d´exploitation de la noix du Brésil dans la région sud de l´Amapá concerne la réduction du volume de produit. Sachant que dans partir de cet évenement, le port de Santana, voisin à la capital Macapa a aussi pris son importance pour l’exportation de la noix du Brésil. 228 D’autres régions du sud de l’Amapá ont aussi vécu des cycles similaires, la plupart commandé par les entreprises exportatrices de l´état du Para aussi. 299 cette région, les ressources naturelles n´ont pas souffert de grandes réductions229, d´autres raisons expliquent l´évolution de l´exploitation de la noix du Brésil, comme l´infrastructure et la gestion logistique de la filière locale. Dès le début de l´exploitation de la noix du Brésil dans la région jusqu´à la création des aires protégées, il a existé une structure bien organisée et une gestion logistique formelle. Les changements dans cette structure – et dans les volumes des produits - sont liés aux difficultés des acteurs locaux, à travers leurs organisations collectives, de gérer une structure qui auparavant n´était pas de leur responsabilité. Avec la création des aires protégées et des organisations locales, la gestion de leurs ressources et l´écoulement des produits qui peuvent être commercialisés deviennent un défi, non seulement pour ces populations, mais aussi pour les divers acteurs institutionnels concernés. Mais les demandes des populations locales ne concernent pas seulement les meilleures conditions pour la gestion de leurs ressources. Elles sont plus importantes au niveau des services de base et les projets de développement local doivent prendre en compte cette contrainte. 5.1.2) Les principales demandes locales Les demandes locales étaient effectivement axées sur la précarité des services publiques comme ceux d’éducation, de santé, d´approvisionnement d’eau et électricité et des meilleures conditions de transport, mais aussi aux conditions de travail, qui, dans le cas de ces populations, font partie du même environnement. Concernant précisément les projets proposés par l´équipe intervenante, en partenariat avec d´autres acteurs locaux230, les demandes qui ont été présentées initialement se concentraient autour d´une infrastructure pour stocker et sécher les produits collectés, en utilisant une source d´énergie alternative. Le site d´installation de l´équipement qui avait été choisi par des leaders locaux, était dans la chute d´eau du Caranã, où il avait déjà été initié l´ouverture d´une voie d´accès à la principale autoroute231 de la région. 229 Au contraire, avec la création des aires protégées, telles le PAE-Maraca, la Resex Cajari et la RDS Iratapuru, des conditions légales pour l´utilisation de ces ressources ont été établies. 230 Institution des Recherches Scientifiques et Technologiques de l´Amapá (IEPA), le Réseaux d´Ecolesfamille de l´Amapá (RAEFAP), la mairie de la municipalité de Mazagão et des Secrétariats du Gouvernement local. 231 Une fois accessible et utilisable, cette voie, le ramal du Caranã, permettra de réduire le temps de déplacement des extractivistes du Haut Maraca. En prenant le ramal, le temps pour arriver à Vila Maraca, en partant d´une ouverture de la forêt très proche à la chute d´eau du Caranã, sera d´une heure en voiture, contre 2 heures par voadeira, espèce de pirogues motorisées. 300 Plus tard, il sera montré que les demandes des communautaires au sein du projet ont dû changer, en fonction des discussions et de la compréhension de l´importance de la structure pour la population locale. Ces « changements de route » au milieu de l´action ont été traités par Avenier (2002) et par Avenier et Albert (2005) dans le contexte des entreprises. La première demande de la communauté a été donc faite à l’Université de Brasilia (UnB) en 2001 par des représentants des extractivistes, via le Conseil National des Collecteurs de Caoutchouc (CNS). Cette demande consistait en une source d’énergie alternative pouvant être utilisée de façon collective dans les activités liées à l’extractivisme, notamment celui de la noix du Brésil. En 2002 une équipe de chercheurs de l’université avait mené un premier diagnostic socioéconomique des probables communautés bénéficiaires, en parallèle avec une étude de viabilité technique et économique pour définir le site d’installation d’un équipement de génération d’énergie renouvelable, une turbine hydrocinétique232. Comme cette turbine ne pouvait pas produire de l’énergie suffisante pour toutes les familles de l’Haut Maraca, le projet proposé, nommé Projet Poraqué, devrait être orienté vers l’usage collectif par les communautaires. Le premier usage pensé par les leaders communautaires locaux a été dans les processus liés à l’extractivisme de la noix du Brésil. Cependant, dû à diverses difficultés 233, le projet a dû attendre un certain temps pour démarrer. Concernant les projets de promotion du développement (durable) local, Sachs (1992) souligne l’importance de l’émergence d’un nouveau type de partenariat « entre tous les acteurs concernés ainsi qu’une nouvelle distribution du pouvoir entre l’Etat, les entreprises et le tiers système émergeant des associations et des mouvements citoyens » (p.42). L’auteur observe encore que l’université, par sa position 232 L´usage de l´énergie cinétique des fleuves pour générer de l´électricité est consideré un avancement concernant les impacts sur l´environnement de l´exploitation hydroélectrique conventionnel, dans la mesure où elle dispense le stockage de l´énergie potentielle dans des lacs artificiels à partir des barrages, sans perturber le cours naturel des fleuves. La turbine hydrocinétique consiste en une turbine hydraulique qui transforme l´énergie cinétique en énergie. La puissance de la turbine dépend de la vitesse de l´eau du fleuve et des dimensions de l´hélice. La technologie actuellement développée par l´Université de Brasilia peut fournir jusqu´à 2.000Watts de puissance (Els, 2008). Le Programme Luz para Todos considère l´énergie hydrocinétique comme une des options alternatives pour garantir l´électrification rurale, ainsi que d´autres alternatives technologiques, comme l´énergie solaire photovoltaïque, éolienne et de biomasse. 233 Ces difficultés ne seront pas approfondies ici, mais elles concernaient notamment des problèmes financiers résultants d´une malversation d´argent par les dirigeants de l´Atexma 301 intermédiaire, est bien placée pour travailler avec ces trois acteurs, mais elle doit transcender le modèle de tour d’ivoire, détentrice des savoirs et considérer, parmi ses fonctions, qu’elle est une ressource pour le développement local. « Au-delà de ces tâches éducatives, l’université a un important potentiel de cadres pouvant servir de conseils à l’exécution des projets de développement local ; elle a aussi à répondre à des demandes spécifiques venant d’associations de citoyens. En agissant ainsi, elle créera pour ses étudiants diplômés ou pour ses jeunes enseignants les conditions propres à conduire sur le terrain des recherches interdisciplinaires » (Sachs, 1992, p. 43). En ce qui concerne les demandes locales pour une solution alternative d’énergie, plus complexe que le projet de développement et d’adaptation de l’équipement aux conditions locales, est savoir comment garantir l’engagement des acteurs locaux dans le maximum d’étapes du projet. Cette difficulté est aussi liée à une tradition de subordination des communautaires aux décisions des patrons ou, plus récemment, aux agents intermédiaires. La subordination aux acteurs politiques et aux Pouvoirs Publics est plus récente, mais elle est encore moins importante que la première, vu la longue absence de l’Etat dans ces régions. Dans le cas de proposition d’une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, les acteurs locaux à mobiliser sont très nombreux dans la mesure où la promotion des changements au sein de la filière ne dépend uniquement des acteurs exclusivement liés aux processus productifs de la filière, mais dépend aussi d’autres agents, qu’ils soient ou non locaux, pour garantir de trouver des réponses aux demandes des communautés. Les réponses à la plupart de ces demandes sont des conditions préalables pour garantir la durabilité des actions, comme il a déjà été cité au début de cette section. Si les demandes des communautaires du projet sont connues, ce qui n’est pas toujours évident, c´est comment les traiter et comment garantir que les bénéficiaires puissent continuer à en profiter dans le long terme. Des interventions ou des approches paternalistes ou proche du bénévolat ont déjà montré, dans la majorité des cas, que dans le long terme les bénéficiaires ne changent pas leur situation de dépendance, parfois parce qu´elle leur parait la plus confortable, ne leur demandant pas d´efforts ou de contreparties. Sachs (1992) souligne cette idée qu´il est important de passer de politiques publiques d´offres à celles de responsabilisation des collectivités locales. Dans le cas des aires protégées, les collectivités locales sont représentées par les associations de travailleurs ou d´habitants. 302 Dans le cas du PAE Maraca, des tentatives d´actions pour organiser une structure productive pour les extractivistes ont été initiées lors de la création de l´aire de concession et la stratégie pour garantir l´engagement des acteurs était celle de les payer pour les heures travaillés au sein des activités, mais ils n´ont jamais considéré cette structure comme leur appartenant et ont toujours espéré que les décisions et la gestion de ces structures soient faites par d´autres. Pour cette raison, les agents intermédiaires ont fini par en bénéficier plus que les extractivistes eux-mêmes. Cette appropriation des structures s´explique parce que les compétences managériales des agents était sans doute plus fortes que celles de l´organisation représentative de ces travailleurs. Ce sujet est très délicat et difficile à traiter : comment garantir que le groupe va travailler en régime volontaire, sans rémunération, même si c´est pour produire quelque chose qui va leur bénéficier ? Cela est difficilement praticable, sauf si, non seulement la demande, mais déjà une partie de la conception des actions a eu la participation des bénéficiaires. Comme il a déjà été cité dans les cas des projets au sein des coopératives, il est important de garantir que les actions menées ne soient pas perçues ni reçues par les communautaires comme une bienfaisance ou une obligation. Ils doivent aussi connaître les difficultés qui ont été vécues par les équipes des projets pour arriver à des solutions pour leurs problèmes. Et si, au lieu de recevoir des contributions toutes prêtes de ces projets, ce qui les laisse dans l´ignorance de tous les obstacles ayant dû être surmontés, les extractivistes eux-mêmes participent aux réflexions et aux actions, on espère que leur engagement futur avec la nouvelle structure aura changé. Un autre aspect difficile à gérer est celui du positionnement des acteurs intervenants quand des décisions collectives doivent être prises. Quelle doit être leur posture ? Seulement orienter les communautaires à réfléchir sur les choix possibles, ou aussi présenter leur appréciation sur ces choix ?234 Il est n´est pas facile de ne pas prendre parti dans les moments où des décisions/choix doivent être prises par les représentants de la communauté pour un projet, notamment quand il y a du financement. 234 Cette situation a été constament confrontée par les membres de l´équipe des projets Poraqué et Maracastanha. La confiance acquise par l´équipe au milieu des communautaires les laissaient confortables pour demander des avis sur des sujets et décisions divers. 303 Dans la section 5.2, il sera présenté comment les éléments théoriques et des expériences précédentes ont été associés aux éléments du contexte local pour la conception et pour la conduite d’un projet de recherche-action au sein des communautés du PAE-Maraca. 5.2) Préparation et design de la recherche-action « Tout projet ou action qui vise à donner plus d´autonomie aux communautés, doit avoir une conduite méthodique et attentive, car il aura des perturbations dans le tissu des relations sociales, culturelles et politiques dans lesquelles ces communautés sont insérées, en générant des conflits de pouvoir et d´intérêts » (Rosa, 2007, p. 295). Après avoir abordé le contexte et les demandes locales des communautaires du PAEMaracá dans la Section 5.1, nous pouvons présenter plus en détail les éléments qui ont permis la préparation d´un projet qui devrait garantir leur organisation autour d´une structure productive collective. La co-construction de la proposition du projet de recherche-action a duré six mois (février à juillet 2005). Elle s´est servi, en plus des évaluations des expériences précédentes, d´une étude exploratoire sur les familles extractivistes concernées et sur la structure de la filière dans le PAE Maraca (Diniz, 2006) et du recueil d´opinions des communautaires sur leurs attentes par rapport à l’utilisation de la turbine hydrocinétique. Certaines informations du diagnostic socioéconomique et de l´étude de la filière locale ont déjà été présentées en section 5.1. Et les informations sur les attentes des acteurs locaux ont été prises lors des rencontres avec les familles qui devaient participer au projet et ont été enregistrées dans les rapports des missions, qui ont servi pour les discussions de l´équipe participant et pour la proposition des activités du projet et pour la recherche des solutions aux principaux usages prévus pour l´équipement. Parmi les situations identifiées lors de l´étude sur la structure de la filière locale, le fort lien entre extractivistes et agents intermédiaires se justifiait en fonction du manque d’organisation sociale collective des extractivistes du PAE Maraca, mais aussi d´une absence de l´Etat. De ce fait, la nécessité d’une attention de l’équipe envers le développement d´une meilleure structure d’écoulement des produits était évidente. Mais il était d´abord nécessaire de promouvoir une meilleure organisation locale des acteurs de la filière, afin de garantir la durabilité de la structure qui serait installée. 304 Il fallait alors, avant et durant les travaux d’installation de l’équipement de génération d’énergie, inciter la mobilisation et l´engagement des extractivistes, car l’équipe du projet devrait se retirer après. Il fallait préparer la communauté pour l’autogestion de la structure, même en sachant qu´il n´était pas possible de prévoir le temps nécessaire à l´équipe pour continuer dans l’action avec les communautaires235. En septembre 2005 le projet de recherche-action a été proposé. Il a été nommé « Projet Maracastanha236 : Gestion participative pour la valorisation de la noix du Brésil par les extractivistes du Haut Maraca, état de l’Amapá », et son objectif général était celui de construire une nouvelle configuration locale pour la participation des extractivistes du Haut Maraca dans la filière de la noix du Brésil. Le Projet Maracastanha consistait en un projet complémentaire au Projet Poraqué, afin de garantir la mobilisation et l’organisation sociale des acteurs, non seulement les extractivistes du PAE Maraca, mais aussi les membres des institutions locales, qui avaient un rôle important dans la construction d´une nouvelle configuration pour la filière noix du Brésil. L’engagement et le renforcement du pouvoir des acteurs devrait passer par les actions et réflexions collectives pour promouvoir les changements au sein de la filière locale. Même si la recherche-action a été proposée dans le cadre d’un appel d’offre public destiné au développement des technologies de gestion pour les peuples et communautés traditionnelles, et si elle est aussi complémentaire à un autre projet proposé et développé au sein d’un programme plus large237, elle a été basée dans des demandes locales. La participation de ces acteurs dès la conception du projet et tout au long des différentes étapes, représentait une possibilité de les rendre co-responsables. Les paragraphes suivants décriront comment les acteurs locaux ont été engagés et mobilisés dans les étapes de proposition et de mise en marche de l´action collective 235 C´est une question souvent posée dans ce type d´intervention : quel est le bon moment d´abandoner le terrain et les acteurs ? Mais la réponse va dépendre de nombreux facteurs, notamment le niveau d´organisation et d´(in) formation des acteurs locaux. 236 Le terme « Maracastanha » a été inspiré d´un festival de même nom qui est organisé par l’Association locale (ATEXMA) pour la promotion de la noix du Brésil dans la région. Cet évenment se donne normalement à la fin de la saison de cueillette. 237 Le projet Poraqué a été aussi proposé pour un appel d’offre du Conseil National de Développement Scientifique et Technologique et financé par le Fond Sectoriel de l’Energie Electrique (CTENERG), pour les projets pilotes de développement des sources alternatives d’énergie à fournir aux populations isolées, difficilement résolues avec des solutions conventionnelles du Programme Luz para Todos (Lumière pour Tous), du Ministère des Mines et de l’Energie (MME). 305 (§5.2.1) et comment les résultats des évaluations des expériences précédentes ont été pris en compte dans la définition des objectifs et méthodes utilisés dans la rechercheaction (§5.2.2). Une chronologie générale de la recherche-action est présentée dans la figure 5.4. Figure 5.4. Chronologie générale de la démarche de recherche-action. Entrée dans le terrain de la recherche-action Février 2005 Etude exploratoire sur le contexte local et coconstruction du projet Février à Juillet 2005 Proposition d’un projet complémentaire à autre déjà initié par la même équipe Septembre 2005 Execution des étapes prévues au projet Mai 2006 à Février 2009 Evaluation du projet par les participants Mai 2007 à Mars 2009 Source : Elaborée par l´auteure. 5.2.1) Préparation d´une action collective pour provoquer des changements au sein de la filière noix du Brésil au PAE Maraca Un projet de recherche-action est toujours lié à un désir de résoudre un problème concret, à partir de la transformation d’une situation considérée comme problématique dans une autre plus favorable (Allard-Poesi et Perret, 2003). Cependant, la perception de ce qui est pertinent dans le terrain de la recherche dépend fortement de la nature des objectifs de l’action, c’est-à-dire les éléments qui seront considérés sont normalement ceux que les concepteurs eux-mêmes considèrent comme pertinents. Et ce qui est défini comme contexte pertinent de l’action va influencer le contenu de ces objectifs. Par 306 conséquent, les étapes de design et implémentation d’une action collective sont considérées des processus complexes (Avenier, 2002). Thiollent (1992) définit la recherche-action comme « une recherche social de base empirique, conçue et réalisée avec une étroite association avec une action ou avec la résolution d’un problème collectif et dans laquelle les chercheurs et les participants représentatifs de la situation ou du problème sont engagés de façon coopérative ou participative » (p. 14). La recherche-action mise en marche au PAE-Maraca peut être considérée comme expérimentale238, car son objectif général était celui de construire une nouvelle configuration locale pour la participation des extractivistes dans la filière noix du Brésil. Dans les recherches-actions expérimentales, l´implication des acteurs est considérée comme controlée, mais dans le cas de notre recherche, il y a eu des situations et des actions qui ont du être revues par rapport à ce qui était initialement prévu, ce qui nous envoie à la notion de l´écologie de l´action (Avenier et Albert, 2005), selon laquelle il est difficile de garantir le contrôle total d´une action initiée. Auto-organisation de l´action En ce qui concerne la conduite d´une action quelconque, Avenier et Albert (2005) font référence au principe de l’écologie de l’action, qui annonce que dès qu’une action est initiée, elle est impliquée dans un processus d’auto-éco-organisation, pouvant échapper au contrôle de ceux qui ont initialement participé de cette action. Les actions pourront alors avoir des conséquences imprévues et inattendues. Avenier (2002) observe que lorsque un projet est conçu sans que son environnement soit avant précisé, il n’est pas possible de savoir si les éléments du contexte qui ont été définis précédemment présentent les conditions essentielles qui doivent être vérifiées ultérieurement, demandant une fréquente révision dans ses éléments. Dans le cas de notre recherche-action, même si l´environnement local avait été exploré et caractérisé par des études et des diagnostics précédents, il n´était pas possible de contrôler les actions des acteurs locaux – directement et indirectement liés au projet -, car d´autres facteurs – prévus et non prévus initialement - pouvaient influencer leurs actions. Cependant, à partir de la familiarisation avec le contexte et des perceptions les acteurs locaux acquises par l´équipe de chercheurs du projet, il a été possible d´identifier et de proposer des conditions favorables à l´engagement des acteurs locaux, 238 Conformement à la typologie de Resweber (1995). 307 non seulement des communautés concernées, mais aussi des institutions et organisations locales. Toutefois, il fallait garantir l´engagement non seulement des leaders des communautés locales, mais aussi d´un nombre représentatif de communautaires, car, comme il a pu être vu dans le diagnostic des coopératives, notamment concernant les dimensions politico-institutionnelle (D51 et D52) et culturelle (D63) 239, et comme le soulignait Buttler (1992), s´il y a très peu de communautaires qui sont engagés dans l´implémentation d´un projet, il est fort probable que le projet décline si les individus clés laissent l´initiative. Des telles situations ne peuvent pas toujours être évitées, mais les équipes de projets peuvent essayer de les minimiser. L´équipe du projet Maracastanha devrait alors être préparée à ces situations, en envisageant et promouvant des conditions pour garantir l´engagement et la mobilisation d´un nombre significatif de communautaires et d´autres acteurs locaux. Des conditions qui ont permis un engagement et une mobilisation des acteurs locaux Pour arriver à engager et à mobiliser un nombre important de communautaires et éviter que certains parmi eux essayent de discréditer les actions prévues, l´équipe du projet Maracastanha a dû faire attention à certaines conditions essentielles, non seulement lors de sa conception, mais aussi au moment de son démarrage et de sa conduite. Et parallèlement à la prise des résultats d´évaluations menées avec les six coopératives extractives de l´Acre et de l´Amapá, les conditions suivantes ont été aussi considérées : 1) Familiarité de l´équipe avec la réalité locale : le premier diagnostic socioéconomique fait pour la proposition du projet Poraqué et les visites exploratoires qui ont suivi pour complémenter ces informations et mener l´étude sur la structure locale d´exploitation de la noix du Brésil – ces dernières déjà avec l´intention de proposer le projet Maracastanha, ont permis à l´équipe de ces deux projets de connaître 239 D51 – Participation des membres dans des activités ; D52 – Formation/orientation à l´autogestion et D63 – Échanges entre générations. 308 les principales limites et opportunités locales et de les comparer avec les situations des autres coopératives évaluées. 2) Négociation préliminaire avec des acteurs institutionnels locaux : depuis le début du projet Poraqué, des discussions avec les représentants d´institutions locales plus proches des communautaires du PAE-Maracá ont toujours été menées, afin d´engager ces acteurs dans les actions prévues sur le terrain dans les deux projets (Poraqué et ultérieurement Maracastanha). Les acteurs institutionnels locaux qui ont participé activement aux discussions préliminaires sur le projet Maracastanha ont été l´Atexma, le CNS de l´état de l´Amapá, la RAEFAP, l´INCRA de l´Amapá et l´IEPA. La possibilité de mener ces dialogues préliminaires avec les institutions locales avant et pendant la conduite des actions du projet a contribué à sa co-construction. C´étaient des occasions où nous pouvions écouter et apprécier les avis et quelques demandes des acteurs institutionnels locaux. Dans ces négociations, il a été pris en compte les contreparties des institutions locales qui pourraient aider à garantir les missions de l´équipe des chercheurs du projet sur le terrain, mais aussi les activités qui devraient être développées par les communautaires et d´autres acteurs locaux. Parmi les contributions et conditions négociées avec ces acteurs institutionnels, nous pouvons mentionner le cas de l´équipe de l´IEPA, qui a accordé de contribuer au projet par l´appui dans les diagnostics socioéconomiques des communautés du PAE-Maracá et dans la prise des données géoréférencées des sites importants à être travaillés le long du projet. La RAEFAP a aussi accepté de contribuer avec le projet Maracastanha en rendant disponible l´infrastructure de l´école-famille de la Vila Maraca pour le logement de l´équipe lors des missions, mais aussi pour la réalisation des séminaires, des expérimentations et démonstrations avec des nouveaux équipements adaptés aux nécessités des communautaires du PAE-Maracá. En contrepartie, dans la proposition du projet, il devrait être prévu des bourses pour une partie de leurs étudiants et professeurs qui seraient engagés dans le projet. La participation et l´appui initial des acteurs locaux, notamment dans la « logistique » des missions préliminaires, a permis à l´équipe du projet de mieux les connaître et de prendre des contacts plus facilement avec les communautaires. Ces échanges durant ces rencontres, tantôt à Macapá avec les représentants d´institutions comme dans le PAEMaracá ont soutenu la co-construction du projet. 309 3) Participation des représentants de l´organisation sociale des communautaires: toutes les actions de terrain devaient être co-conduites par l´équipe responsable du projet et des représentants officiels des communautaires du PAE-Maracá, à savoir les représentants de la direction de l´Atexma et/ou d´autres membres associés. Si pour Thiollent (1999, p. 84), la recherche-action implique aussi qu’il y ait l’appui, au moins en termes relatifs, du mouvement, de l’organisation sociale au sein de laquelle la communauté se trouve, cette condition semblait importante pour montrer aux communautaires que le projet avait l´« approbation » et le soutien de leur organisation sociale, mais aussi pour démarrer ou renforcer un processus d´empowerment – individuel et collectif – au sein des communautaires et leur organisation sociale. Comme pour Jentoft (2005), un individu aura une permission pour exercer son pouvoir (représentatif) au sein d´un groupe à condition que ce groupe soit d´accord, le fait de garantir la participation de l´Atexma dans toutes les actions de terrain était une manière de renforcer la représentativité de l´organisation sociale des communautaires du PAEMaraca, mais aussi leur compréhension sur le rôle de cette organisation dans les actions de développement durant et après le projet Maracastanha. 4) Encouragement à la participation d´autres institutions locales : indépendamment des résultats des évaluations des cas des six coopératives extractives, l´équipe du projet était d´accord sur l´importance d´impliquer d´autres institutions dans les activités du projet. Les actions et les changements prévus dans le projet de recherche-action pouvant avoir des impacts dans plusieurs dimensions (du développement durable) et acteurs locaux, il fallait considérer les liens potentiels et déjà en cours entre les institutions locales et les extractivistes du PAE-Maracá, que ces derniers fassent ou non partie de l´association locale, l´Atexma. Des membres d´environ dix institutions différentes ont été invités à connaître le site du projet et ont aussi présenté aux communautaires leurs possibles contributions, comme, par exemple, l´entreprise locale d´appui technique rural (RURAP), qui n´avait jamais envoyé un représentant dans le Haut Maraca. 5) Formalisation des relations entre l´équipe responsable et les acteurs institutionnels locaux : les relations entre l´Université de Brasília et l´IEPA, CNS et 310 Atexma étaient déjà institutionnalisées dans le projet Poraqué, et la relation avec la Raefap a été officialisée lors de la proposition du projet Maracastanha. Cette condition semble évidente, mais elle a été essentielle pour ratifier les liens – non formalisés - qui déjà existaient entre les divers acteurs engagés dans le projet. De ce fait, elle a rendu plus facile un nombre d´autres actions et engagements prévus, dans la mesure où pour avoir la proposition de projet approuvée dans l´appel d´offre, il était nécessaire de prouver que les institutions avaient des liens formels. Une fois que les conditions pour un engagement des acteurs locaux ont été présentées, nous présentons en § 5.2.2 comment les résultats des évaluations des coopératives ont été utilisés dans le design du projet de recherche-action. 5.2.2) La contribution des évaluations précédentes Avant de commencer un nouveau projet ou une action quelconque, il est utile de s’orienter à partir des expériences similaires précédentes, tout en identifiant des éléments qui peuvent être appliqués directement ou encore adaptés au nouveau contexte. Le processus de familiarisation avec le contexte et les attentes des communautaires participant à la recherche-action étant présentés en section 5.1, nous décrirons dans ce paragraphe les aspects des évaluations précédentes qui ont été considérés dans le design du projet de recherche-action. Nous savons que même ayant des similarités dans le contexte et entre les acteurs de terrain, les cas ne seront jamais les mêmes, car d´autres éléments locaux qui n´ont pas été observés dans les projets antérieurs peuvent aussi influencer les actions de nouveaux projets. Les tableaux 5.2 et 5.3 reprennent les résultats retenus sur les évaluations des projets, en présentant les raisons pour lesquelles certains éléments ont été considérés et d´autres l´ont pas été. Les facteurs de succès (FS) et les facteurs d´échec (FE) présentés en conclusion du chapitre 4 ont été considérés dans l´élaboration du projet de rechercheaction, où ils ont été liés aux objectifs ou encore à la méthodologie d´intervention et de mobilisation des acteurs locaux. 311 Parmi les facteurs de succès identifiés dans les projets antérieurs, le FS2 – Transformation des produits dès les étapes initiales - et le FS3 – Certification Commerce Equitable - n´ont pas été initialement considérés dans le design de la recherche-action, car le diagnostic préliminaire sur le contexte local du PAE-Maracá nous a révélé un niveau très bas de formation des communautaires et le manque d´organisation collective locale. Il serait alors risqué de proposer des transformations du produit et l´engagement avec des clients du commerce équitable, qui ont besoin que les délais, les quantités et la qualité de produits soient garantis. Cependant, rien n´empêchait que des discussions sur ces aspects puissent être introduites lors des activités prévues, comme des ateliers et des séminaires. Le projet Maracastanha240 a été alors proposé avec l´objectif général de construire une nouvelle configuration locale pour la participation des extractivistes de la région du Haut Maraca au sein de la filière noix du Brésil. La figure 5.5 représente les liens entre des facteurs de succès (FS) et des facteurs d´échec (FE) identifiés auparavant et les objectifs spécifiques et les méthodes appliquées au long du projet. Les FS ont été considérés comme des aspects à garantir, alors que les FE ont indiqué des aspects qui devraient être évités dans le projet. Tous les FS ou FE n´ont pas été liés aux objectifs du projet. Seuls certains de ces aspects ont été considérés lors de la proposition des méthodes à être utilisées pour garantir les objectifs du projet avec les acteurs locaux. 240 Un résumé du projet Maracastanha est fourni dans l´Annexe 4. 312 Tableau 5.2. Aspects à assurer dans la proposition de la recherche-action dans le PAE-Maracá. Facteurs de succès Considéré ? FS1 – Amélioration des processus de cueillette et écoulement des produits, en obéissant aux pratiques demandées par les certificateurs de produits biologiques ou de gestion forestière, même sans impliquer dans la livraison d’un label Oui FS2 - Certification Commerce Équitable Non FS3 - Garantie de financement aux extractivistes alternatif à celui des intermédiaires Oui FS4 - Implémentation des actions de promotion dans les Zones/Territoires identifiés comme ayant besoin et/ou potentiel à des politiques publiques spécifiques pour les filières des PFNL Oui FS5 - Intégration entre les institutions locales Oui FS6 - Promotion de la recherche et développement technologique Oui FS7 - Transformation des produits dès les étapes initiales Non FS8 - Engagement des stakeholders avec le management de l´ensemble de la filière Oui FS9 - Partage des ressources entre les coopératives Oui FS10 - Partage des moyens, outils et savoir-faire avec les intermédiaires Oui Justificatif Il était possible pour l´équipe déjà travaillant avec la communauté du PAE-Maraca de profiter des changements locaux associant la génération d´énergie alternative et l´amélioration des processus de cueillette et écoulement. Il serait précipité de fermer une relation commerciale avec un client de la filière commerce équitable, dans la mesure où l´association des extractivistes du PAE-Maraca n´était pas empowered et n´avait pas de membres aptes à gérer une telle relation. Le diagnostic du contexte du PAE-Maraca nous a permi d´identifier une faiblesse concernant la gestion de l´association local des extractivistes. Dans le court terme, l´achat anticipé ne pouvait pas représenter une alternative de financement aux intermédiaires. D´autres possibilités devraient alors être pensées. Des activités pour information et discussion pouvaient être prévues. Le PAE-Maracá est situé dans le territoire Sud de l´Amapá, où trois des coopératives évaluées se trouvent et où les acteurs locaux ont eu des difficultés pour garantir les politiques pour la filière noix du Brésil. Dans le projet de recherche-action, ce fait devrait être considéré et ces politiques devaient être reprises avec les acteurs locaux. Il fallait promouvoir des activités où des acteurs institutionnels influents devaient être informés sur les objectifs et actions prévues dans le projet, mais aussi partager avec l´équipe et les extractivistes des informations importantes à une meilleure compréhension des opportunités et obstacles de la filière. Le projet de recherche-action représentait déjà un effort collectif de l´équipe de chercheurs avec des acteurs locaux pour garantir l´usage d´une structure de production d´énergie alternative, mais aussi pour déclencher un processus de développement d´autres technologies appropriées aux processus locaux. D´après le diagnostic des communautés qui devraient participer au projet, elles n´étaient pas préparées pour travailler dans des processus de transformation des produits, s´avérant plus important, dans le court terme, l´amélioration de l´écoulement de produits bruts. Il fallait promouvoir des activités où des acteurs institutionnels influents devraient être informés sur les objectifs et actions prévues dans le projet, mais aussi partager avec l´équipe et les extractivistes des informations importantes à une meilleure compréhension des opportunités et obstacles de la filière. Malgré la faible coopération constatée parmi les coopératives extractives dans l´état de l´Amapá, la proximité du PAE-Maracá avec deux de ces coopératives pouvait favoriser une coopération afin de promouvoir un partage des ressources. Il fallait prévoir la participation des agents intermédiaires dans certaines activités de la recherche-action, afin de promouvoir une distribution des connaissances parmi les extractivistes, mais aussi pour garantir que les intermédiaires étaient informés des objectifs du projet. Source : Elaboré par l´auteure. Tableau 5.3. Aspects à éviter dans la proposition de la recherche-action dans le PAE-Maracá. Facteurs d´échec FE1 - Manque de fonds de roulement dans les coopératives pour financer les processus logistiques de l´extractivisme FE2 - Manque d´activités de (in)formation en groupe FE3 - Manque de (in)formation pour garantir l´autogestion des coopératives Considéré ? Oui Oui Oui FE4 - Incompatibilité entre les processus introduits et la culture des communautés Oui FE5 - Faible attention aux connaissances traditionnelles et absence d´un échange entre les générations Oui FE6 - Manque d´une gestion des flux au sein des coopératives Oui FE7 - Manque d´une interaction des flux et processus entre coopératives Oui FE8 - Limiter les relations entre les agents intermédiaires et les extractivistes, voire avec les coopératives Oui Justificatif En plus des discussions concernant le FS5, d´autres activités pour (in)formation des extractivistes pouvaient aussi aider leur compréhension sur les conditions nécessaires pour garantir des fonds de roulement pour leurs opérations individuelles mais aussi collectives. Il devrait être prévu l´organisation d´ateliers d´(in)formation avec les extractivistes, où les principes et le fonctionnement d´organisations pouvaient être insérés parmi les thèmes choisis. Le fait de participer à ce type d´activité en groupe pourrait faire émerger des processus d´empowerment individuel et collectif. Vu l´historique des projets dans la région où des échelles et technologies étaient incompatibles avec la culture et les capacités des extractivistes, la recherche-action devrait faire attention à cet aspect, en proposant les processus et techniques les plus compatibles avec la culture locale, ou quand une nouvelle connaissance devrait être introduite et que des activités de (in)formation étaient prévues. L´identification et réinsertion des pratiques traditionnelles qui puissent garantir la conservation des ressources naturelles et une meilleure qualité des produits pouvaient être encouragées durant la participation des extractivistes dans les ateliers d´autres activités. Il devrait être encouragée aussi la participation des représentants de différentes générations. Même si une association ne peut pas commercialiser des produits, des ateliers pour orienter les extractivistes sur l´importance d´un meilleur contrôle sur l´écoulement de leur produits s´avérait important, pour garantir une meilleure qualité des produits et un meilleur prix aux extractivistes. Dans le but de fournir des conditions pour le développement d´un SPL, l´interaction des flux et processus entre les extractivistes du PAE-Maracá et les coopératives de l´Amapá devait être encouragée. Cela pouvait démarrer avec la participation des membres de ces coopératives dans des activités organisées par l´équipe du projet. Dans la mesure où les extractivistes du PAE-Maracá n´étaient pas organisés en coopérative et qu´une association ne peut pas commercialiser, dans le court terme il n´y avait pas autre alternative que vendre aux intermédiaires. La possibilité de vente des produits des extractivistes du PAE-Maracá aux coopératives de l´état devrait aussi être discuté. Source : Elaboré par l´auteure. 314 Les méthodes de travail utilisées dans la recherche-action ont consisté notamment en des séminaires, ateliers et cours où des informations sur des thèmes spécifiques étaient transmises et discutées entre non seulement l´équipe du projet et les communautaires, mais aussi avec la participation d´autres acteurs « invités ». Ces acteurs étaient parfois des partenaires locaux participant indirectement au projet. Le projet a prévu aussi des mutirões241, qui parfois ont eu aussi la participation des acteurs d´autres communautés, non seulement du PAE-Maracá, mais aussi d´autres régions de l´état de l´Amapá. L´étape de conception participative a été antérieure à la proposition du projet. Elle a aussi consisté en des rencontres – formelles ou informelles - pour définir avec les communautaires les étapes suivantes. La mobilisation des acteurs locaux et d´autres acteurs participants a été menée au fur et à mesure où les étapes prévues se déroulaient. Des recherches bibliographiques ont aussi été menées par les chercheurs participants, notamment pour confirmer des informations historiques sur l´exploitation de la noix du Brésil dans le PAE-Maracá, mais aussi pour identifier des techniques et processus à être introduits qui pourraient être mieux adaptés à la réalité locale. La chronologie de la recherche-action et la description de son déroulement seront présentées dans la section 5.3. 241 Le terme «Mutirão» est un mot d'origine indigène – du tupi mutirum ou muxirum ou du guarani potyrom et qui peut être traduit par «mettre les mains dans la pâte» (Sabourin, 2006). Le mutirão désigne le travail collectif d'aide mutuelle que se font les paysans voisins à l’occasion d’une récolte ou pour bâtir une maison ou un bien public. Aujourd'hui il est utilisé pour exprimer un effort collectif dans une activité quelconque. (http://www.mwglobal.org/ipsbrasil.net/nota.php?idnews=2510). Consulté le 20/08/07. Les mutirões ont été choisis comme stratégies de mobilisation des communautaires du PAE-Maracá parce que, différement des projets antérieurs, il ne sont pas associés à la condition d’aide publique. Il peut être considéré comme une contrepartie de la communauté, qui s’engage à l’action collective en fonction d’intérêts communs. 315 Figure 5.5. Liens entre les facteurs de succès et facteurs d´échec et les objectifs et méthodes utilisées dans la recherche-action. OBJECTIFS DU PROJET MARACASTANHA FS1 1 METHODES FS4 Appuyer la construction d’un modèle de gestion par la communauté afin qu’elle s’organise autour d’une structure minimale avec les procédures de séchage et pour servir de pilote dans la région, en faisant l’usage d’une source d’énergie renouvelable Séminaires, ateliers, cours FS3 2 FE8 Promouvoir l’amélioration de la qualité de la noix du Brésil par l’introduction des techniques de conservation, entreposage et transport plus adaptées au groupe FE6 FS6 3 Identifier des mécanismes qui puissent diminuer la dépendance et la vulnérabilité des extractivistes par rapport aux agents intermédiaires 4 Rendre possible la conservation des ressources naturelles à partir de la cueillette durable du produit FS10 Diagnostic, recherche bibliographique, mobilisation et conception participative, séminaires FS8 FE1 5 Encourager la discussion sur l’importance d’une meilleure organisation d’extractivistes comme une stratégie de valorisation de leurs produits Séminaires, ateliers, cours FE2 6 FE3 FS5 Encourager la participation des jeunes générations d’extractivistes à partir de la coopération avec l’école famille locale FS9 7 FE5 Appuyer la continuité de l’usage d’une structure de génération d’énergie alternative installée Séminaires, ateliers, cours, « mutirões » FE4 FE7 Source : Elaborée par l´auteure. 5.3) L’évolution de l’action : une construction collective La recherche-action proposée devait essayer de promouvoir des changements dans la configuration de la filière noix du Brésil dans la région du PAE-Maraca, à partir de l´étude des expériences précédentes dans des contextes similaires (cf. chapitre 3), de la théorie (cf. chapitre 4) et des informations et perceptions sur les acteurs concernés et leur environnement, afin d´adapter les actions et les changements prévus à la réalité locale. Mais, dans la mesure où « un modèle unique ne peut pas capter dans sa totalité un phénomène perçu comme complexe » (Avenier, 2002: 4), nous ne pouvions pas garantir que les prémisses proposées dans cette configuration allaient rester immuables. Il fallait alors que l´équipe du projet soit préparée et ouverte pour éventuelle réorientation du parcours. Le Projet Maracastanha a commencé officiellement le 30/05/06, quand un séminaire de présentation avec la participation de plusieurs acteurs institutionnels et des extractivistes du Haut Maraca a eu lieu à Macapa, la capitale de l’état de l’Amapá. Mais en fait, nous pouvons considérer que les étapes préliminaires ont aussi fait partie du déroulement du projet. Les principales missions du projet Maracastanha menées entre février/2005 et octobre/2007, y compris celles de conception, sont listées et brièvement décrites dans le tableau 5.3. Des détails sur ces missions seront présentés le long du paragraphe 5.3.1, sur la participation des acteurs locaux et l´empowerment des extractivistes. En §5.3.2, nous discuterons la configuration locale à laquelle nous sommes arrivés pour la filière. Chaque mission était préalablement et ultérieurement discutée par l’équipe du projet, ainsi que les impressions et résultats partiels de l’action au sein du groupe participant (chercheurs, extractivistes, collaborateurs). Il y avait la préoccupation constante de que les activités proposées et les résultats partiels étaient compris et validés par la plupart des acteurs locaux, car, si le projet ou l´introduction de nouvelles technologies n´arrivaient pas à être comprises, les communautés pourraient avoir leur croyance dans l´équipe remise en question. Pour cette raison, Butler (1992, p. 93) recommande qu’« il est important de faire tout ce qui est possible dans chaque étape du processus avant d´avancer dans un nouveau niveau de complexité ». Mais il est arrivé que, d´une étape à l´autre, des changements dans le projet initial se soient montrés nécessaires. Tableau 5.4. Des missions et événements importants du projet Maracastanha entre 2005 et 2007. Mission / Evénement Objectif Projet Explorer le contexte local Nº Mission 1 Mission exploratoire au PAE-Maraca avec l´équipe du projet Poraqué 2 Collecte des données sociéoconomiques ; entretiens sur les attentes des communautaires sur la structure productive ; étude historique et actuelle sur le fonctionnement de la filière locale Discussions avec les communautaires sur le fonctionnement de la structure ; mutirão pour préparer le site d´installation des équipements; entretiens avec les communautaires ; Proposition du projet à un appel d´offre dédié au développement des technologies de gestion pour les populations traditionnelles Atelier de formation pour l´assemblage de la turbine ; Séminaire de présentation du projet Maracastanha aux communautaires et à d´autres acteurs institutionnels Transport turbine jusqu´à la Vila Maraca ; discussion avec les communautaires sur le transport jusqu´au site d´installation ; discussion de l´équipe sur la définition sur les méthodes d´intervention Mobilisation des acteurs locaux pour transporter la turbine ; participation au festival des castanheiros ; prise d´images des extractivistes pour préparer une vidéo à travailler dans les ateliers Transport et installation de la turbine 7 3*242 3 4* 7 5* 7 6 7 7 3 et 6 5 5 8* 9* 10* 1,2 et 4 11* 5 et 6 12* 6 6 Bimestre 13 14* 2005 1 2 3 4 2006 5 6 1 2 3 4 2007 5 6 1 2 3 4 5 6 Séminaire avec des représentants d´institutions locales pour discuter les actions du projet; ateliers des bonnes pratiques dans l´école-famille de la Vila Maraca ; inauguration de la turbine ; visite des acteurs institutionnels invités au site Atelier pour développer la gestion collective Atelier sur associativisme et coopératisme ; participation au Séminaire d´articulation institutionnelle pour la construction du plan territorial de développement rural durable local, organisé par le Ministère du Développement Agraire Atelier sur les bonnes pratiques de cueillette, transport et entreposage de la noix du Brésil ; définition de ceux qui allaient participer dans un test pilote de modification des pratiques Atelier sur l´autogestion; construction d´une proposition de projet pour améliorer la qualité et l’écoulement de leurs produits ; définition des représentants pour accompagner ce projet Observation participante dans un atelier de Bonnes Pratiques de production organisé par le Ministère de l’Agriculture ; participation à la III Rencontre Régional des Castanheiros ; construction du séchoir solaire dans l´école-famille du Maraca ; début des évaluations sur le projet ; Participation des trois représentants des communautaires du PAE-Maracá dans le Salon de l´Agriculture Familiale, à Brasília Source : Elaboré par l´auteure. 242 *Des temps forts du projet. L´événement 14 a été préparé avec l´équipe du projet, mais la participation dans le Salon a été exclusive des représentants des communautaires. En ce qui concerne la possibilité de changements dans un projet ou une action prévue, Morin (2005) rappelle que « l’action est stratégie […] La stratégie permet, à partir d’une décision initiale, d’envisager un certain nombre des scénarios pour l’action, scénarios qui pourront être modifiés selon les informations qui vont arriver en cours d’action et selon les aléas qui vont survenir et perturber l’action » (p. 106). Et Avenier (1997) rajoute qu’« une stratégie en milieu complexe suppose des capacités d’adaptation rapide à des situations mouvantes et potentiellement imprévues, et gagnera en général à être élaborée de façon tâtonnante par l’ensemble des acteurs qu’elle concerne, plutôt que déterminée une fois pour toutes au moyen d’un calcul d’optimisation » (p.16). 5.3.1) La participation des acteurs locaux et l´empowerment des extractivistes Ce paragraphe décrit plus en détail le déroulement des missions et d´autres actions de terrain, menées entre février/2005 et décembre/2007, où plusieurs acteurs locaux ont participé et d´où l´émergence d´un empowerment parmi les extractivistes du PAEMaraca a été accompagnée. Dans un premier temps, nous reprenons les missions de terrain pour présenter des constats et résultats partiels, pour ensuite discuter la légitimité de cet empowerment observé. Les étapes de la recherche-action : description et résultats partiels Nous décrirons chaque mission ou événement lié au projet Maracastanha, mais en sachant que certaines de ces activités étaient aussi organisées dans le cadre du projet Poraqué. • Missions 1 et 2 : Une partie des informations collectées lors de ces missions exploratoires a été présentée dans la section 5.1. C´est à partir de ces informations que la proposition du projet Maracastanha a commencé à être construite, afin de garantir la durabilité de la structure productive qui devait être installée après l´installation d´un équipement de génération d´énergie alternative. Même avec la demande du projet étant parti de la communauté, il y avait des communautaires qui n´étaient pas au courant sur l´intention d´un projet de génération d´énergie électrique associé à l´installation d´une structure productive pour l´exploitation de la noix du Brésil. Il fallait alors d´abord les informer sur l´objectif principal du projet pour ensuite demander leurs attentes.  Constats et résultats partiels : Compréhension du contexte socioéconomique et des demandes locales par l´équipe du projet. • Mission 3 : Les discussions avec les communautaires ont continué et le premier mutirão a été organisé pour commencer à préparer le site où la structure productive serait installée. Des entretiens directifs et semi-directifs concernant le fonctionnement de la filière locale et les attentes des communautaires par rapport au projet et ses potentiels changements ont completé les informations sur le contexte et les attentes des acteurs locaux.  Constats et résultats partiels: Etude sur le fonctionnement local de la filière et coconstruction de la proposition de projet pour l´appel d´offre au développement des technologies de gestion243 adaptées aux populations traditionnelles. • Mission 4 : La mission avait deux intérêts importants, à savoir la réalisation d´un atelier de formation pour l´assemblage de la turbine et d´un séminaire de présentation du projet Maracastanha aux communautaires et à d´autres acteurs institutionnels locaux.  Constats et résultats partiels: D´autres acteurs institutionnels locaux ont été informés sur les principales actions prévues pour le projet et il y a eu une prise de responsabilité des jeunes extractivistes par la future installation et gestion de la structure productive dans le Haut Maraca. • Mission 5 : Une fois l´équipement arrivé à la Vila Maraca, une discussion avec les communautaires sur la préparation et la voie de transport jusqu´au site d´installation est démarrée. Parmi les participants, des agents intermédiaires, connaisseurs de l´infrastructure de transport locale, ont aussi donné leur avis et ont signalé leur coopération dans cette action du projet244. Les participants ont reconnu qu´il était 243 Les techniques managériales « regroupent non seulement l’instrumentation mais plus largement les savoirs, les acteurs et les dispositifs associés à celle-ci. Le développement des techniques managériales est indissociable de la naissance de nouvelles « figures d’acteurs » et de nouveaux savoirs » (Aggeri et al., 2005, p. 6). 244 Toutefois, il est important de commenter l´avis personnel d´un agent intermédiaire sur l´usage futur de la structure de génération d´énergie alternative. Pour lui, il ne serait pas possible d´utiliser l´énergie pour des finalités productives, mais plutôt pour les demandes de santé et éducation des communautaires. Même si cette observation est pertinente – les necessités de base devaient aussi être réglées -, nous observons de la part de cet agent une préoccupation que les communautaires n´allaient pas réussir à gérer une structure productive dans le site prévu. 320 important de garantir le transport par la voie terrestre, car ils allaient pouvoir aussi récupérer ce chemin qui n´avait jamais été utilisé par les communautaires et qui représentait une grande amélioration dans l´écoulement de leurs produits et dans leur mobilité. Dans cette mission aussi, l´équipe responsable du projet a commencé à revoir les méthodes d´intervention, après le constat de que, dû au bas niveau de scolarité des communautaires et à leur privation historique d´informations sur le fonctionnement de la filière et de leur organisation sociale, il ne serait pas possible d´appliquer les méthodes initialement prévus pour les ateliers d´(in)formation pour la gestion collective de la structure prévue.  Constats et résultats partiels: Formation des jeunes extractivistes dans l´assemblage et entretien de la turbine. Adaptation de la méthodologie d´intervention aux limitations locales, où le groupe de chercheurs participant a décidé de travailler de préférence avec leurs propres images dans les ateliers (photos et vidéos), plutôt qu´avec du matériau conventionnel, comme dans des textes qui demandaient la maîtrise de la lecture. • Mission 6 : Une commission des communautaires avait été organisée pour demander aux autorités et d´autres acteurs locaux l´appui pour le transport de la turbine jusqu´au site d´installation. Durant la fête locale lors de la fin de la saison de cueillette, plusieurs images et entretiens ont été recueillis et ont servi pour la préparation d´une vidéo qui a été ultérieurement utilisé durant les ateliers.  Constats et résultats partiels: Matériau visuel qui a été utilisé dans les ateliers. Identification des acteurs ayant un leadership pour garantir la continuité des actions du projet. Malgré les problèmes relatés dans la littérature concernant le leaders au sein des communautés rurales traditionnelles (cf. Platteau et Abraham, 1999), la réussite de projets au sein de leurs organisations collectives dépend de l´identification et de la participation des acteurs capables de représenter la communauté dans des situations diverses. • Mission 7 : Pour le transport de l´équipement, il a eu la participation de plusieurs acteurs, en plus des extractivistes déjà engagés dans le projet. Parmi ces acteurs, nous pouvons citer des membres de la Coopérative Cooperalca, située dans une Unité de 321 Conservation voisine au PAE-Maraca et qui avait montré un intérêt pour coopérer dans le projet245 et dans l´achat des produits des extractivistes du PAE-Maraca. Deux agents intermédiaires locaux (dont un membre de l´Atexma) ont aussi collaboré246 dans cette mission. Un leader extractiviste, membre du CNS, a aussi aidé dans la mobilisation des extractivistes. L´adhésion de ce leader à l´équipe du projet s´est montrée fondamentale pour la conduite de futures activités, dans la mesure où il pouvait servir de pont entre l´équipe et les extractivistes, notamment en ce qui concerne l´usage d´un langage plus facilement compris par les acteurs, que le langage « académique ».  Constats et résultats partiels : Concrétisation des liens coopératifs entre extractivistes, agents intermédiaires et coopérative voisine. Emergence et confirmation d´un leader au sein des communautaires, qui a pris le rôle de « traducteur » entre l´équipe du projet et les extractivistes247. • Mission 8 : Cette mission a été l´une des plus importantes, car elle a réussi à rassembler un nombre élevé d´acteurs dans un grand événement, mené sur plusieurs jours dans trois sites différents : 1) à Macapa - la capital de l´état de l´Amapá, 2) dans la Vila Maraca et 3) dans le Haut Maraca, le site d´installation de la structure productive. A Macapá, un séminaire a été réalisé avec la participation des représentants de diverses institutions locales, où les objectifs et le contexte du projet ont été présentés, et suivis d´une discussion sur les alternatives de financement et les actions complémentaires auxquelles ces acteurs locaux auraient pu également contribuer. Une partie de ces acteurs, invités par l´équipe du projet, a aussi participé des autres deux activités prévues. Dans la Vila Maraca, deux ateliers parallèles ont eu lieu dans l´école-famille locale : un concernant les bonnes pratiques de cueillette, transport et entreposage dans la filière de la noix du Brésil, qui a compté avec la participation plutôt des étudiants de l´écolefamille et des représentants masculins des extractivistes et un autre sur les procédures de base de manipulation et préparation des aliments, qui a compté plutôt avec la participation des femmes des extractivistes. 245 Un tracteur de la coopérative a été envoyé pour aider dans le transport par la voie terrestre. Ces agents ont contribué en envoyant aussi des moyens de transport pour les extractivistes participant au mutirão. 247 Auquel cas, un cadre qui aurait pu être mobilisé est celui de la Sociologie de la Traduction (ou ActorNetwork Theory), où le rôle du traducteur est accepté par les principaux acteurs au sein d´une action collective. 246 322 L´activité dans le Haut Maraca a été organisée autour de l´inauguration de l´équipement de génération d´énergie alternative et a eu la participation de plus de cent personnes, entre invités, équipe de projet et familles248 d´extractivistes. C´est à ce moment que plusieurs extractivistes ont décidé que l´usage prioritaire de la structure serait pour le fonctionnement d´une école, qui pouvait commencer à fonctionner de manière provisoire dans un entrepôt utilisé pour stocker des noix du Brésil. Etant une décision légitime des communautaires, l´équipe du projet a dû initier par la suite une négociation avec la mairie de Mazagão pour garantir la construction de la nouvelle école ou d´un nouveau entrepôt.  Constats et résultats partiels: Engagement d´autres acteurs institutionnels locaux dans les actions du projet. Diffusion des objectifs et actions prévues du projet au sein des communautaires. Adhésion d´une partie des étudiants et professeurs de l´écolefamille aux futures actions du projet. Premier constat de que l´introduction des nouvelles connaissances logistiques opérationnelles étaient importante pour une prise de conscience par les extractivistes de leurs propres rôles dans la filière/chaîne. • Mission 9 : L´atelier a été mené par un leader extractiviste membre du CNS, mais l´équipe du projet était aussi présente et a fait des contributions durant toute l´activité, même si l´intention était de laisser les acteurs locaux libres de poser des questions et de prendre des décisions par eux mêmes. Le nombre de participants a été de 67 communautaires, appartenant à 27 familles différentes, en plus des 6 membres de l´équipe du projet.  Constats et résultats partiels: Extractivistes plus (in) formés sur le fonctionnement des organisations autogestionnaires, telles les associations et les coopératives. Engagement d´un nombre plus élevé des communautaires. • Mission 10 : L´atelier pour continuer les discussions sur les aspects concernant l´autogestion des associations et coopératives a eu la participation de 41 extractivistes. Durant la même mission, des membres de l´équipe du projet ont été invités à participer à un séminaire local, organisé par le Ministère du Développement Agraire pour discuter 248 Un point non approfondi dans la description des activités, mais important dans ces projets pour garantir la participation de tous les membres des familles concernées par le projet, et non seulement des hommes, est celui d´organiser aussi des activités avec les enfants pendant que leur mères puissent participer des discussions autour des actions du projet. Pour cela, l´équipe doit être distribuée dans plusieurs activités parallèles. 323 d´un plan territorial du développement rural durable, qui concernait le territoire sud de l´état de l´Amapá, où le projet Maracastanha se concentrait. Le projet a été présenté à d´autres acteurs locaux, avec l´intention de présenter les meilleures pratiques de développement local qui se déroulaient dans le territoire.  Constats et résultats partiels: La continuation de la formation et des discussions sur le fonctionnement des organisations autogestionnaires a renforcé la compréhension par les extractivistes de la nécessité d´avoir une organisation collective – association ou coopérative - plus orientée vers les intérêts des castanheiros et non de tous les résidents du PAE-Maracá. Une association des castanheiros a été alors créée au début 2007. Après la présentation du projet lors du séminaire sur le plan de développement du territoire sud de l´Amapá, d´autres acteurs institutionnels locaux ont été associés aux actions dans ce territoire. • Mission 11 : Un autre atelier sur les bonnes pratiques de cueillette, transport et entreposage de la noix du Brésil a été mené, avec la participation d´autres extractivistes qui n´avaient pas participé à l´atelier précédent qui a eu lieu dans l´école-famille de la Vila Maraca. L´atelier a eu l´appui des jeunes techniciens en extractivisme, liés à l´école-famille et qui participaient au projet comme des boursiers249. Ils ont planifié des visites dans les castanhais de chaque extractiviste intéressé à participer à test pilote pour améliorer leurs pratiques dans l´exploitation et commercialisation de la noix du Brésil. Dix sur 19 extractivistes directement concernés par le projet ont accepté de participer au test pilote. Les jeunes techniciens ont visité les castanhais de ces dix castanheiros dans deux temps. Un premier temps pour observer leur travail et fournir des orientations et un deuxième temps où ils ont accompagné les procédures de bonnes pratiques apprises.  Constats et résultats partiels: Echange d´information entre les extractivistes et les jeunes techniciens250. Discussion et récupération de quelques pratiques traditionnelles. Un fait intéressant que nous pouvons aussi considérer comme un résultat de ces activités d´(in)formation et de discussion sur les bonnes pratiques au sein de la filière noix du Brésil est que, même sans vouloir participer au test pilote avec les dix autres extractivistes, certains parmi eux ont commencé à mettre en pratique les orientations reçues lors des ateliers. 249 250 Cf. prévu dans la négociation de la participation du RAEFAP dans le projet Maracastanha. Il est important de noter que ces jeunes techniciens étaient des enfants d´extractivistes. 324 • Mission 12 : L´endroit de ce troisième atelier concernant l´autogestion a été choisi par les communautaires. C´était dans la localité de Varador, à cause de sa proximité pour la majorité des extrativistes. L´intention était celle de discuter aussi comment le stockage des produits pour le projet pilote allait être faite. 49 communautaires étaient présents. Lors de cet événement, l´opportunité de proposer un projet d´un nouvel entrepôt dans le cadre d´un appel d´offre à des projets économique-solidaires251 a encouragé les communautaires à s´organiser et à choisir des représentants pour envoyer et accompagner les étapes de ce projet, au cas où leur proposition serait approuvée.  Constats et résultats partiels: Renforcement du pouvoir collectif des extractivistes par les discussions et décisions autour de leur structure productive. Mission 13 : Nous avons aussi participé, cette fois comme des observateurs, à un atelier de bonnes pratiques de l´extractivisme de la noix du Brésil organisé par la coopérative Comaja252 et financé par le Ministère de l´Agriculture. La coopérative était intéréssée par le marché du commerce équitable et il fallait garantir l´approvisionnement par un nombre plus grand d´extractivistes et avec des produits ayant une meilleure qualité. Dans une autre activité, un séchoir solaire a été fabriqué à l´école-famille de la Vila Maraca, afin d´être testé par les étudiants techniciens et les extractivistes qui étaient d´accord pour participer au test pilote. L´équipe du projet avait aussi été invitée à participer à un événement pour réunir les castanheiros du territoire sud de l´état de l´Amapá. Nous avons accompagné les représentants des extractivistes du Haut Maraca dans cette réunion et les jeunes techniciens ont collaboré dans l´animation des activités menées le long du séminaire.  Constats et résultats partiels: Lors de la rencontre des castanheiros, une grande partie des demandes des extractivistes du PAE-Maraca ont été listées comme prioritaires dans le contexte du territoire sud, comme, par exemple, la récupération de la voie terrestre entre le Haut Maraca et l´autoroute Macapa-Laranjal do Jari. De cette rencontre aussi, il a été possible de renforcer la confiance des extractivistes dans les jeunes techniciens, qui devraient continuer les activités du projet dans l´absence de l´équipe du projet. 251 Appel d´offre de l´Agence de Développement de l´état de l´Amapá, nommé Comunidades Duráveis (Communautés Durables), avec le financement de la Banque Mondiale. 252 Coopérative “A”, dans les évaluations présentées dans le chapitre 4. 325 En ce qui concerne l´usage du séchoir solaire, une partie des produits envoyés par les dix extractivistes participant au test pilote a été séchée et utilisée dans la préparation des produits qui ont été envoyés au Salon de l´Agriculture Familiale, à Brasília. Et pour l´atelier organisé par la coopérative Comaja, nous avons pu constater qu´une nouvelle configuration de la filière locale était en train d´apparaître, car la relation entre cette coopérative et les castanheiros du PAE-Maraca, déjà représentés par leur association (et non plus par l´Atexma) commençait à être renforcée. • Mission 14 : Une proposition pour participer à un événement spécifique dans le Salon de l´Agriculture Familiale avait été préparée et envoyée par un groupe réduit des communautaires253, avec l´appui des jeunes techniciens liés à l´école-famille de la Vila Maraca. Lors de cet événement, plusieurs contacts ont été entretenus avec des entreprises intéressées dans l´achat des noix du PAE-Maraca, la plupart concernant des clients potentiels de la filière des produits du commerce équitable254.  Constats et résultats partiels: Le fait de pouvoir préparer la proposition pour cet événement et de prendre de contact avec de potentiels clients a motivé les participants et les communautaires, mais ils n´étaient pas encore préparés pour fixer des engagements avant la saison de cueillette, car à cette époque il ne maîtrisaient pas la planification de leur exploitation et commercialisation. Malgré l´apprentissage sur les bonnes pratiques et la compréhension de que ces procédures pourraient aider dans la planification de la commercialisation de leurs produits, cela n´était pas suffisant pour orienter leur décision quant au choix des clients. Dans le paragraphe 5.3.2 nous discutons les principaux changements introduits au sein de la filière noix du Brésil dans la région du PAE-Maraca, afin de reprendre la question Q3 et la proposition P5 présentées au début de cette recherche. 253 Formé plutôt par les femmes de la Vila Maraca qui produisaient divers produits artisanaux dérivés de la noix du Brésil. 254 Comme cet événement avait été organisé par le mouvement d´écogastronomie Slow Food, une association internationale formée par des professionnels qui valorisent les traditions gastronomiques locales et préoccupées avec les conséquences de nos choix alimentaires sur le reste du monde (www.slowfood.com/), des principes du commerce équitable étaient respectés par ces acteurs. 326 5.3.2) Les principaux changements au sein de la filière locale Provoquer un changement au sein de la filière locale de la noix du Brésil était notre intention de départ. Il était notoire que, après une intervention au sein d´un groupe de castanheiros et en mobilisant aussi les stakeholders de cette filière, un changement devait être introduit. Ce changement est alors un résultat de la recherche-action, car il correspond à un aboutissement des actions menées avec les (chercheurs-)acteurs sur le terrain. Une nouvelle configuration de la filière locale allait émerger indépendamment du projet Maracastanha, car sa dynamique dans la région après la création des coopératives a vraiment été transformée. Cependant, ce que nous pouvons inférer est que le projet a accéléré les liens entre les extractivistes du PAE-Maraca et les autres organisations locales, comme la Comaja (coopérative A) et la Cooperalca (coopérative C). Il était fort probable que les coopératives de l´Amapá allaient participer à cette nouvelle configuration locale des extractivistes du PAE-Maraca, non seulement du fait de la proximité de ces organisations avec l´aire de concession, mais aussi parce que les changements introduits après la création des coopératives ont permi des engagements entre ces organisations et de nouveaux clients, ce qui les a obligé à chercher de nouveaux fournisseurs de produits bruts pour garantir l´approvisionnement des nouvelles demandes. Les chemins pris pour chaque coopérative pour s´associer aux extractivistes du PAEMaraca ont été différents. La Cooperalca a coopéré avec les extractivistes du Haut Maraca dès les premières missions du projet et a essayé d´orienter les castanheiros vers le fonctionnement d´une organisation solidaire. Son but était celui d´introduire les extractivistes du Haut Maraca comme des nouveaux membres de la coopérative. La proposition d´un partenariat de la part de la Comaja a été différente et a commencé seulement après que les extractivistes aient commencé à s´organiser et à développer de nouvelles capacités dans les bonnes pratiques de production de la noix du Brésil. Puis, c´était à partir d´un nouveau acteur – non prévu dans le projet - que cette relation a été incitée. Ce nouvel acteur était un entrepreneur local, qui avait participé à quelques missions avec l´équipe du projet. Son rôle dans le projet était plutôt celui d´un 327 prestataire des services pour les missions du projet, car il était nécessaire de garantir la logistique des missions255. Les principales modifications constatées dans la configuration locale de la filière noix du Brésil sont alors associées à l´empowerment - même si partiel - des extractivistes, au maintien et à l´engagement des jeunes extractivistes dans les activités de promotion de la filière et à l´entrée de nouveaux acteurs et/ou au changement des relations entre les extractivistes et ces acteurs existants. Empowerment (partiel) d´extractivistes et de leurs organisations L´empowerment est un processus, ne pouvant pas être introduit au sein d´un groupe ou individu à partir d´une action isolée ou de dates et modèles pre-fixés. Dans notre recherche-action, le processus d´empowerment des communautaires a du être accompagné tout au long de la co-construction d´une nouvelle configuration de la filière locale de la noix du Brésil. Les activités menées au long du projet Maracastanha ont contribué à l´émergence d´un processus d´empowerment au sein des extractivistes et de leurs organisations. Il devait avoir un empowerment de la communauté d’abord, pour après introduire des changements, mais nous avons observé que, en participant aux changements, les acteurs commençaient à être empowered. Alors, il fallait vraiment les faire participer activement dans toutes les activités et difficultés le long du projet, c’est-à-dire partager toutes les décisions avec le groupe. Aucune décision n’était pas prise sans une réunion, même sans la participation de tous les communautaires, car, vu les difficultés de transport dans la région, ce n’est pas possible de demander la présence de tous à chaque réunion ou atelier. Walter et al. (2003) ont aussi observé que certains projets de promotion de la filière noix du Brésil en Bolivie ont eu comme résultat l´empowerment de la communauté, qui s´est révélé dans l´amélioration de leur capacité de négociation. Dans le cas de la recherche-action avec les extractivistes du PAE-Maraca, le processus d´empowerment était constaté notamment dans les circonstances où ils devaient 255 Les missions de terrain, vue la complexité et les conditions précaires de transport et logement dans le PAE-Maraca, ont du être appuyées par des acteurs locaux, qui, en plus de connaître les difficultés locales, avaient aussi une infrastructure adéquate pour garantir les travaux de l´équipe du projet. 328 s´organiser pour définir une priorisation de leurs demandes ou pour préparer des propositions de projets et participer aux événements pour la promotion de leurs produits. Cependant, malgré les connaissances acquises et pratiquées lors des ateliers et d´autres rencontres, les extractivistes du PAE-Maraca n´étaient pas encore autonomes pour gérer les relations avec les clients plus en aval de la filière sans passer par des agents intermédiaires. Le processus déclenché au sein des extractivistes du PAE-Maraca a introduit de l´empowerment à partir du moment où ils se sont rendu compte que leurs décisions collectives et l´engagement individuel avec la réalisation des actions prévues pouvait apporter des changements dans la filière locale et dans leurs relations avec leurs clients – exclusivement les agents intermédiaires dans un court terme. De ce fait, les extractivistes ont réussi à remettre la filière noix du Brésil dans les priorités pour le développement du territoire sud de l´état de l´Amapá256. Mais il y a eu une « contradiction » entre les visions au niveau municipal et au niveau de l´état, car pendant que la municipalité encourageait les communautés locales à présenter et prioriser leurs demandes, les acteurs institutionnels de l´état ne reconnaissaient pas ces priorités. Ces constats montrent aussi que la représentation que les acteurs institutionnels de l´état ont des structures de filière, supply chain ou SPL n´était pas suffisante pour garantir les actions de développement des acteurs et organisations associés à ces structures. Il n´avait pas une signalisation de la part de ces acteurs de qu´il était important de développer la filière, malgré les demandes des extractivistes et de leurs organisations. En ce qui concerne le développement d´un SPL local dans l´état, il semblait que ce processus était en train de commencer, mais avec très peu d´appui des institutions de l´état. C´était un mouvement plutôt autonome de la coopérative plus organisée, qui dépendait d´un approvisionnement d´un nombre plus élevé d´extractivistes et/ou leurs organisations pour garantir sa participation dans les filières écosociales, notamment dans la filière du commerce équitable. 256 Cette fois plus grâce à des efforts de la municipalité que grâce à une stratégie de développement de l´état. 329 Notre recherche ayant pour but de provoquer un changement au sein d´une configuration locale des acteurs de la filière noix du Brésil, il est espéré qu´elle ait des apports liés à ces objectifs. C´est à cause de ces intentions initiales que nous proposons aussi de présenter des changements concernant plus précisément les acteurs du terrain, qui ont aussi participé de cette recherche. Engagement des jeunes extractivistes dans la promotion de la filière En garantissant la conduite d´une partie importante des actions de terrain par les jeunes techniciens liés à l´école famille de la Vila Maraca, le projet Maracastanha a réussi à maintenir une partie des jeunes dans le milieu rural et proches de leurs familles, car en ayant les jeunes techniciens formellement associés au projet comme des exemples à suivre, une grande partie des étudiants de cette école et d´autres jeunes locaux ont été aussi motivés à travailler dans ces actions. La participation des jeunes techniciens spécialisés en extractivisme a aussi assuré qu´une partie des activités du projet continuaient à être menées même sans la présence de l´équipe des chercheurs. Ces jeunes n´étaient pas totalement préparés pour garantir la continuité des actions après la sortie de l´équipe du projet, car il fallait encore les orienter et observer durant une autre saison de cueillette, où ils allaient de nouveau accompagner les extractivistes afin de vérifier si les bonnes pratiques continuaient à être adoptées. Il fallait surtout les orienter et les engager dans les questions liées à la planification de la distribution aux potentiels nouveaux clients257. De toutes façons, il a été constaté que leur participation active dans le projet a rendu possible l´introduction des nouvelles connaissances auprès des extractivistes, une communication plus facile entre l´équipe du projet et les castanheiros, ainsi qu´un échange des connaissances entre ces jeunes et des extractivistes plus anciens. La participation d´autres jeunes dans le projet devrait alors être encouragée. Les actions suivantes devraient alors introduire d´autres étudiants de l´école-famille locale258. 257 Les clients déjà existants, les agents intermédiaires, était les responsables par la planification de toutes les étapes de l´exploitation des extractivistes, dès la cueillette jusqu´à la remise des produits à ces agents. 258 L´introduction de ces étudiants dans le projet a pu être faite seulement à partir d´avril/2008, à cause d´un retard dans le transfert des ressources pour leurs bourses par les bailleurs de fond du projet. En fait, ce retard a décalé d´autres activités du projet, mais cela n´a pas été détaillé dans notre description de la recherche-action. 330 Les nouvelles relations à partir de la mobilisation et opportunisme des acteurs Les actions déclenchées par le projet Maracastanha dans le PAE-Maraca ont permi aux extractivistes (et à leurs organisations collectives) d´être envisagés comme des possibles fournisseurs des coopératives locales, notamment la Comaja et la Cooperalca dans l´état de l´Amapá. Cette association entre les castanheiros du PAE-Maraca et d´autres organisations locales intéressait les coopératives déjà existantes et aussi les castanheiros. Les coopératives avaient besoin de garantir leur volume de produits avec les nouveaux clients et les castanheiros du PAE-Maraca ont vu cette association comme une opportunité d´avoir d´autres alternatives pour vendre leurs produits. Jusque là seulement les coopératives de l´état étaient vues comme pouvant contribuer au développement local de la filière noix du Brésil. Les extractivistes du PAE-Maraca, n´étant pas associés à une coopérative, continuaient à fournir leurs produits exclusivement aux agents intermédiaires. Réponse à Q3 En décrivant les principales actions menées le long de la recherche-action avec les extractivistes du PAE-Maraca, nous avons essayé de répondre à la question Q3, qui demandait : Q3 – Comment est-il possible de proposer et de construire une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil, partant des éléments dégagés des expériences précédentes? La proposition P5, associée à cette question, a été soutenue dans la description des étapes du projet, en § 5.3.1, mais aussi dans la discussion sur les principaux changements constatés dans la filière, présentée en § 5.3.2. Nous pouvons alors fournir la réponse suivante : => Il a été possible de changer la configuration locale de la filière noix du Brésil après l´empowerment des extractivistes et de leurs organisations, et des changements dans les liens entre ces acteurs et d´autres organisations et institutions locales, associés à la diffusion des nouvelles connaissances et des techniques de gestion, conforme les ateliers de bonnes pratiques organisés, où des notions de logistique opérationnelle ont été introduites, ainsi que le séminaire avec les représentants d´institutions locales et d´autres occasions et espaces de discussions avec des stakeholders de la filière. L´application de cette démarche n´aurait pas été la même sans dégager des éléments d´expériences précédentes, qui ont été fondamentaux pour une meilleure connaissance du contexte des projets, et pour permettre des applications pertinentes et des adaptations d´un cadre théorique à ce contexte. Le rôle des leaders s´est montré, « cheminfaisant », aussi fondamental dans la conduite des actions au sein d´une organisation collective. Il met aussi en évidence l´importance de l´émergence dans la conduite des projets. 331 Le tableau 5.5 essaie de représenter l´usage des éléments théoriques qui ont été approfondis dans le chapitre 4. La première colonne présente les principaux facteurs de succès et les facteurs d´échec identifié lors du diagnostic présenté dans le chapitre 3, soit les aspects à assurer et à éviter dans la proposition et conduite de la rechercheaction. La deuxième colonne présente les éléments théoriques qui ont été considérés pour proposer les objectifs du projet et pour orienter l´action de terrain (cf. figure 5.5). Tableau 5.5. Mobilisation du cadre théorique dans la recherche-action Aspects théoriques FS / FE mobilisés Filière Mission 3 : Co-construction de la proposition de projet pour l´appel d´offre au développement des technologies de gestion adaptées aux populations traditionnelles. Mission 8 : Premier constat de que l´introduction des nouvelles connaissances logistiques opérationnelles étaient importante pour une prise de conscience par les extractivistes de leurs propres rôles dans la filière/chaîne. Mission 12 : Renforcement du pouvoir collectif des extractivistes par les discussions et décisions autour de leur structure productive. Mission 14 : La possibilité de participer à un événement et de prendre de contact avec de potentiels clients a motivé les communautaires, mais ils n´étaient pas encore préparés pour fixer des engagements avant la saison de cueillette. Malgré l´apprentissage sur les bonnes pratiques, cela n´était pas suffisant pour orienter leur décision quant au choix des clients. Mission 4 : Il y a eu une prise de responsabilité des jeunes extractivistes par la future installation et gestion de la structure productive dans le Haut Maraca. Mission 5 : Formation des jeunes extractivistes dans l´assemblage et entretien de la turbine. Adaptation de la méthodologie d´intervention. Mission 6 : Identification des acteurs ayant un leadership pour garantir la continuité des actions du projet. Mission 7 : Emergence et confirmation d´un leader au sein des communautaires, qui a pris le rôle de « traducteur » entre l´équipe du projet et les extractivistes Mission 11 : Echange d´information entre les extractivistes et les jeunes techniciens. Discussion et récupération de quelques pratiques traditionnelles. Mise en pratique des orientations reçues lors des ateliers par certains extractivistes. Mission 13 : Il a été possible de renforcer la confiance des extractivistes dans les jeunes techniciens, qui devraient continuer les activités du projet dans l´absence de l´équipe du projet. Mission 3 : Etude sur le fonctionnement local de la filière. Réseaux, SPL Mission 7 : Concrétisation des liens coopératifs entre extractivistes, agents intermédiaires et coopérative voisine. FS1, FS4, FS5, FS8, FE2, FE3, FE4, FE5, FE6, FE8 Supply chain, SCM, SCO FS3 FE1, FE2, FE3 Empowerment FS7, FE2, FE3 FS1, FS5, FS9, FE2, FE3, FE4, FE5 Constats et résultats partiels FS5 Parties Prenantes FE3, FE5 Auto-organisation et Autogestion Mission 4 : D´autres acteurs institutionnels locaux ont été informés sur les principales actions prévues pour le projet. Mission 8 : Engagement d´autres acteurs institutionnels locaux dans les actions du projet. Diffusion des objectifs et actions prévues du projet au sein des communautaires. Adhésion d´une partie des étudiants et professeurs de l´école-famille aux futures actions du projet. Mission 10 : Après la présentation du projet lors du séminaire sur le plan de développement du territoire sud de l´Amapá, d´autres acteurs institutionnels locaux ont été associés aux actions dans ce territoire. Mission 9 : Extractivistes plus (in) formés sur le fonctionnement des organisations autogestionnaires, telles les associations et les coopératives. Engagement d´un nombre plus élevé des communautaires. Mission 10 : La formation et des discussions sur le fonctionnement des organisations autogestionnaires a renforcé la compréhension par les extractivistes de la nécessité d´avoir une organisation collective plus orientée vers les intérêts des castanheiros. Une association des castanheiros a été alors créée au début 2007. Source : Elabore par l´auteure. 332 Conclusion du Chapitre 5 – Des changements prévus et imprévus au sein de la filière La participation et l´engagement des acteurs locaux – directement et indirectement – concernés par le projet Maracastanha dès sa conception, ont assuré l´empowerment parmi les extractivistes et leurs organisations collectives. Les possibilités de « choix dans l´action » et le fait de pouvoir participer à un processus de prise de décision duquel ils étaient (historiquement) exclus confirment cette prise de pouvoir par les extractivistes. Capra (2003, p. 123) avait observé que « quand les changements arrivent de façon « top down », les résistances au changement peuvent être plus grandes [...] les organisations ne peuvent pas être contrôlées par des interventions directes, mais peuvent être influencées par des impulsions et non par des instructions ». C´est aussi l´avis de Morin (2005, p. 120) : «Une stratégie, pour être menée par une organisation, nécessite alors que l'organisation ne soit pas conçue pour obéir à de la programmation, mais puisse traiter des éléments capables de contribuer à l'élaboration et au développement de la stratégie». Plus que la participation, l´animation des ateliers et d´autres activités importantes par les jeunes techniciens, des leaders et d´autres acteurs locaux a aussi contribué à cet empowerment, car les extractivistes pouvaient s´identifier avec le language utilisée par ces acteurs, qui était plus proches à la sienne. En préparant les extractivistes et leurs organisations pour devenir des « protagonistes » dans la filière noix du Brésil, l´équipe du projet pouvait les orienter, mais jamais les « contrôler ». Nous devions alors être ouverts aux nouveaux acteurs - attendus et inattendus - rentrant pour changer la configuration locale de la filière. Nous avons alors répondu à la question Q3 et soutenu la proposition P5, en constatant qu´un changement dans la configuration locale de la filière noix du Brésil a été possible après des lectures et de l´évaluation des expériences précédentes, ainsi que de l´approfondissement d´un cadre théorique plus adapté au contexte du terrain. Même si l´empowerment des extractivistes et le renforcement de l´importance des jeunes dans la continuation des actions introduites sont apparus comme des résultats principaux, une partie des actions envisagées dépendent encore d´une meilleure 333 connaissance par les acteurs institutionnels locaux sur le fonctionnement et le potentiel de cette filière. D´autres résultats importants de la recherche-action ont été le constat de que l´introduction des processus logistiques peut un levier pour renforcer l´organisation collective des acteurs locaux autour du développement ou d´une nouvelle configuration de la chaîne, ainsi que l´identification, la confirmation et la participation des leaders dans les actions du projet. Ces leaders ont été importants dans la traduction du langage de l´équipe du projet pour les communautaires, mais aussi, comme leur leadership avait été reconnu par le groupe, pour commencer à prévoir que les actions futures puissent continuer à émerger à partir des acteurs locaux. 334 Chapitre 6 - Réflexion sur les expériences d´évaluation et de construction collective des projets de développement local « le changement est un processus d´adéquation entre des projets de connaissance et des projets de relation » (David, 1998, p. 53). Dans ce dernier chapitre, nous ferons une réflexion autour des étapes menées le long de la recherche, en proposant de reprendre d´abord la dernière question de recherche (Q4), qui veut savoir quelles connaissances peuvent être collectées de l´expérience de recherche-action, afin de permettre la proposition de nouvelles configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux. Dans les sections qui suivent, les apports, les limites et les perspectives de la recherche seront discutées. La Section 6.1 présente les apports – sur les plans scientifique, managérial et méthodologique - repérés de l´expérience de la recherche-action décrite dans le chapitre 5 – et appuyée par le cadre théorique présenté dans le chapitre 4, ainsi que de celle d´évaluation d´expériences précédentes menée dans le chapitre 3. Dans la Section 6.2, nous discutons d es limites de la recherche, en ce qui concerne notamment les méthodes et le cadre théorique choisis. La durabilité des actions introduites, l´applicabilité de la démarche et les perspectives de recherche sont discutées en Section 6.3. 6.1) La contribution de l’action à la connaissance et aux acteurs de terrain Dans les chapitres précédents, nous avons discuté les trois premières questions posées au début de recherche. Dans ce dernier chapitre, c´est le couple Q4/P6 qui doit être abordé. En rappelant la dernière question et sa proposition correspondante... Q4 – Quelles connaissances, à partir de l’expérience dans un projet de recherche-action, peuvent être apportées au sein d´un groupe de chercheurs-acteurs afin de permettre la construction des configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux? P6 (Q4) - De l’expérience vécue sur le terrain par les participants à la recherche-action, il est possible de faire émerger de nouvelles connaissances sur la gestion de projets de développement local. 335 ...nous précisons que l´objectif de ce chapitre est celui de boucler une démarche scientifique en identifiant, parmi les étapes suivies et les résultats identifiés pour la recherche menée, des apports qui pourront se montrer utiles, sur les plans scientifique, managérial et méthodologique, à des (chercheurs-)acteurs engagés dans des problématiques similaires, qu´ils soient du milieu académique ou responsables de la proposition et de l´implémentation de politiques de développement durable à partir de la valorisation de produits locaux. Nous avons organisé les apports de recherche en trois paragraphes: en §6.1.1 nous présentons les apports scientifiques, en §6.1.2 un apport managérial associé à l´usage de l´évaluation des projets pour proposer de nouvelles configurations locales est discuté et en §6.1.3, c´est l´apport méthodologique concernant la proposition et l´intervention des projets de recherche-action dans des contextes similaires au nôtre qui est présenté. Dans chacun de ces paragraphes, après avoir présenté les principaux apports repérés, nous indiquons les usagers potentiels de ces contributions, ainsi que des recommandations sur comment elles pourraient être appliquées par d´autres (chercheurs-)acteurs travaillant sur des contextes et problématiques similaires. 6.1.1) Apports scientifiques Nous avons identifié trois apports scientifiques importants. Cela ne veut pas dire qu´ils soient exclusivement des apports théoriques, car certains peuvent aussi être associés à l´action. En plus des apports scientifiques, nous présentons aussi les acteurs potentiels qui pourront utiliser ces apports dans d´autres recherches(-actions) dans des contextes similaires, ainsi que des recommandations sur comment ces apports peuvent être appliqués et mobilisés. Proposition d´une « dimension organisationnelle » pour l´évaluation de projets de développement durable à partir de la valorisation de produits locaux La plupart des évaluations de projets de développement durable par la valorisation de produits locaux se concentre plutôt dans les dimensions les plus connues du développement durable, soit l´écologique, l´économique et la sociale, et dans un nombre plus réduit, considèrent aussi les dimensions spatiale, politico-institutionnelle et culturelle. En proposant des items d´évaluation liés aux aspects organisationnels des 336 projets et des coopératives concernées, nous avons fourni un cadre plus pragmatique d´analyse des projets, car une évaluation de la dimension organisationnelle peut indiquer si le design et la conduite de ces projets ont effectivement introduit des changements concernant la configuration de ces filières. Le cadre d´évaluation proposé dans le chapitre 3 peut être utilisé par d´autres équipes de projets, mais il sera toujours indispensable de commencer par une analyse préliminaire du contexte du terrain choisi et d´adapter certains items d´évaluation à l´environnement organisationnel en question. Même si c´est plutôt la démarche d´évaluation259 qui peut intéresser d´autres équipes de projets de développement local, le fait d´avoir introduit une dimension organisationnelle aux évaluations de projets de promotion du développement (durable) local peut apporter d´autres liens entre la notion de développement durable et les Sciences de Gestion260. Adaptation des concepts liés à la SC et aux SPL au contexte de l´extractivisme de PFNL en Amazonie La plupart des références de la littérature sur le fonctionnement de l´extractivisme est basée sur l´approche filière. Ce n´est que récemment qu´elle a commencé à être complétée par des travaux utilisant les notions de chaîne de valeur261 ou de systèmes productifs locaux262, mais plutôt pour représenter des configurations envisagées que des situations réelles. Nous avons proposé d´utiliser aussi les notions de supply chain et de réseau en complémentarité à celle de filière. De l´adaptation de cette première au contexte de l´extractivisme, nous avons introduit le concept des supply chains traditionnelles, qui veut désigner : « des supply chains où les produits ou services sont essentiellement originaires des populations traditionnelles et où les relations entre les entreprises focales et les acteurs plus en amont de la chaîne sont restées immuables depuis longtemps ». 259 L´importance de la démarche d´évaluation est présentée en § 6.1.3 comme étant un apport méthodologique. 260 Dans une revue de littérature récente sur le SCM durable, Seuring et Müller (2008) classifient notre recherche parmi le nombre réduit de celles qui ont intégré les dimensions du développement durable dans les problématiques autour du SCM. 261 Cf. DESER (2005). 262 Cf. Abrantes (2002) et Rodrigues (2004). 337 Nous proposons, par cette définition, de prendre en compte le décalage qui existe entre des chaînes traditionnelles ou encore une « logistique traditionnelle » et la logistique industrielle et commerciale « classique », tel comme Fabbe-Costes et Lièvre (2002) ont proposé la capitalisation des savoirs et savoir-faire développés dans un milieu extrême et leur potentiel transfert à la logistique « classique »263. Pour ces auteurs, « l´expérience singulière de la logistique des expéditions polaires est en décalage avec la logistique classique » (p. 34). En fait, ce n´est pas la définition qui consiste dans un apport scientifique, mais plutôt l´évidence des décalages réels et théoriques quand il s´agit d´étudier les chaînes traditionnelles et les chaînes classiques. La prise en compte de cette notion devient importante quand le problème de couplage entre des parties de supply chains qui ont des caractéristiques très différentes se pose. Un couplage qui vise une imposition des règles et de procédures qui sont bien appliqués dans une partie de la chaîne ne peut pas garantir le bon fonctionnement de l´autre partie de la chaîne. Sa mise en place demande non seulement un temps qui n´est pas toujours faisable et la reconnaissance de que les règles et les procédures doivent être adaptés. Notre proposition de définition de supply chain traditionnelle peut être appliquée à de nombreux contextes et problématiques actuels, où des entreprises focales sont dépendantes des producteurs traditionnels et étant sous la contrainte de fournir ce type de produits à cause des demandes de consommateurs de plus en plus concernés avec la conservation de la planète, mais aussi parce que, dans certains cas, les populations traditionnelles sont les fournisseurs exclusifs de ces produits. Le management de la supply chain (SCM) et la représentation de la supply chain (SCO) ont aussi été mobilisés, afin d´aider dans l´identification des points de blocage mais aussi des conditions nécessaires à une configuration locale plus durable d´une filière extractive. La notion de systèmes productifs locaux (SPL), qui peuvent être considérés comme des organisations en réseau, a aussi été adaptée au contexte des filières extractives, dans la 263 Ces auteurs reconnaissent aussi l´importance d´un apport inverse, c´est-à-dire, de la logistique « classique » vers les milieux extrêmes. 338 mesure où les références de la littérature sur les SPL autour de ces structures sont restreintes à quelques suggestions de configurations locales, ne pouvant pas aider dans la compréhension des difficultés de leurs mise en place dans le contexte des projets de développement local en Amazonie. De ce fait, nous avons proposé aussi une définition des SPL traditionnels, influencée par la notion de cluster de l'écosystème présentée par Rodrigues (2004) - au sein duquel, il existe un réseau d'industries inter liées entre elles, fournissant du support aux opérations extractivistes à l'intérieur de la forêt - mais aussi fortement inspirée dans l´expérience d´évaluation de projets. En général, ces SPL dépendent fortement d´institutions publiques – des sphères locales, régionales et nationales – pour être organisés et développés. Les changements peuvent aussi être difficiles à introduire et l´introduction d´innovation dépend d´un appui extérieur. Cette innovation peut être proposée à partir d´une initiative des acteurs locaux concernés, mais cela ne suffira pas. Le rôle des parties prenantes, telles les fournisseurs et les clients, les centres techniques professionnels, les universités et les lycées techniques et les organismes nationaux de recherche (Bougrain, 1999) reste encore fondamental. L´introduction des notions de base liées au SCM et adaptées au contexte de l´extractivisme est un levier des processus d´empowerment individuels et collectifs L´émergence d´un processus d´empowerment au sein des extractivistes ne peut pas avoir comme de conditions exclusives la réalisation des activités isolées d´(in) formation concernant les organisations autogestionnaires. L´empowerment étant un résultat d´une auto-organisation d´individus, il est important d´encourager cette auto-organisation à partir de l´action. Par action, nous voulons faire référence aux activités pratiques – comme les tests pilotes et les mutirões - et d´autres moments durant la recherche-action où les extractivistes ont dû prendre des décisions par eux-mêmes afin de contribuer au déroulement du projet et aux changements au sein de la filière locale. Même si les ateliers de formation et d´autres informations concernant le fonctionnement des organisations collectives d´extractivistes ont été organisés, c´était le fait de pratiquer et de prendre des décisions sur les aspects opérationnels de leurs activités qui a permis l´émergence d´un processus d´empowerment. Cette observation est en accord avec l´affirmation de Debrun (1996), où le processus en soi est plus important que les conditions de départ, ainsi qu´avec les constats de Camman-Lédi (2000) dans une 339 recherche-action menée au sein d´une stratégie de qualité avec une association de producteurs agricoles en France. Ou encore, avec l´observation de Jentoft (2005) qui montre que, dans le cas des petites organisations, ce n´est pas seulement avec des informations ou formations théoriques que les individus acquièrent des connaissances sur comment exercer une fonction, mais principalement par la pratique de cette fonction. Un constat de David (1998) s´applique aussi aux résultats de notre recherche : « Les outils [de gestion] jouent un rôle central dans tout processus de changement, soit comme support des connaissances, soit comme vecteur du processus lui-même » (p. 50). Le fait d´introduire au sein des acteurs les plus en amont de la chaîne des informations et orientations essentielles à l´amélioration de leurs processus – telles celles de la logistique opérationnelle, après une adaptation à leur contexte, a mis en place un processus d´empowerment des acteurs (individuels et collectifs) locaux. Le processus logistique opérationnel, dans le contexte de communautés traditionnelles, notamment dans les pays en développement, se présente comme un levier pour un processus d´empowerment des acteurs de la chaîne. Le fait de pouvoir appliquer des notions de base liées à la gestion de la chaîne, rend ces acteurs plus informés sur les impacts de leurs actions et sur leur rôle dans la chaîne. De ce fait, ils peuvent devenir plus autonomes par rapport à d´autres membres à qui ils sont directement liés dans la chaîne. Ce résultat de notre recherche pourra être appliqué non seulement pour construire des stratégies collectives, mais aussi pour penser ces stratégies dans d´autres contextes similaires. Dans le tableau 6.1 nous décrivons les acteurs potentiels pouvant se servir de ces apports, ainsi que les recommandations sur comment les appliquer. Concernant le premier apport, la proposition d´une dimension organisationnelle pour l´évaluation de projets de développement durable par la valorisation des produits locaux a été en effet une contribution scientifique nouvelle. Mais ce qui doit être encore plus applicable à d´autres chercheurs-acteurs est en fait la démarche pour construire des items d´évaluation plus pertinents. Le deuxième apport, représenté par les concepts de supply chain traditionnelle et de système productif local traditionnel, se montre important pour ceux qui doivent travailler dans des contextes similaires, car ils fournissent des particularités (cf. 340 tableau 4.4) qui doivent nécessairement être considérées pour mener des recherches et des actions dans ce type de milieu. Et enfin, pour que le troisième apport soit utilisé, il est nécessaire que les acteurs intéressés aient une connaissance approfondie du contexte local, afin de savoir quelles adaptations, voire même quel langage, peuvent être appliqués. Tableau 6.1. Apports scientifiques, acteurs concernés et recommandations d´application. Apport Scientifique Acteurs concernés Comment les appliquer Nous recommandons commencer d´abord par une étude exploratoire Proposition d´une « dimension et/ou des lectures sur des cas des organisationnelle » pour projets, afin d´identifier des l´évaluation de projets de problèmes organisationnels. Une développement local à partir de revue de littérature doit venir après la valorisation de produits de la cette compréhension sur les forêt spécificités locales et elle doit aider à adapter les concepts aux spécificités de chaque projet/terrain. Des chercheurs et d´autres A partir d´une étude exploratoire, membres d´équipes de projets en essayant de représenter les Adaptation des concepts liés à la structures locales par l´approche SC ou encore des responsables SC et aux SPL au contexte de et en identifiant les liens les plus l´extractivisme en Amazonie par de politiques de forts entre les principaux membres (supply chain traditionnelle et de la filière/chaîne, ainsi que développement local SPL traditionnel) d´autres liens possibles. Ensuite, les analyses autour de la SC peuvent être menées. Organisation d´ateliers et des L´introduction des notions de opérations pilotes avec un groupe base liées au SCM intéressé, où l´application des et adaptées au contexte de notions de base, et leurs impacts sur l´extractivisme est un levier des la filière/chaîne sont discutés et processus d´empowerment accompagnés par des jeunes individuels et collectifs techniciens en extractivisme Source : Elaboré par l´auteure. 6.1.2) Apports Managériaux Notre recherche est située dans le domaine des Sciences de Gestion, avec une interface avec les Politiques et Gestion de l´Environnement. Dans la mesure où ces deux domaines ont des fortes applications pratiques pour les organisations, quelles soient privées, publiques ou non-gouvernementales, le premier apport managérial de la recherche pourra bénéficier aux organisations collectives d´extractivistes, aux stakeholders de la filière noix du Brésil, mais aussi à d´autres organisations participant à des actions ou projets de développement local dans des contextes analogues à celui de notre recherche. Le deuxième apport a visé l´organisation collective des castanheiros du PAE-Maracá, et les acteurs ayant participé à notre recherche-action. 341 Synthèse d´évaluations et de conduites des projets de valorisation des produits forestiers comme un outil « d’aide à la construction » des politiques de développement plus adaptées aux contextes locaux « Fonder une démarche d’évaluation sur une épistémologie constructiviste [...] c’est accepter de reconnaître que la valeur d’une action est une construction et non une donnée » (Lièvre, 2002, p.28). L´action d´évaluer peut permettre aux équipes des nouveaux projets et même à celles des projets en cours, d´apprendre, par les fautes, échecs et/ou réussites à en réfléchir et à proposer des politiques et d´autres actions de développement plus adaptées aux contextes locaux. De la même façon que l´évaluation des projets, la synthèse sur la conduite d´une recherche-action, présenté dans le chapitre 5, peut intéresser notamment les équipes responsables de la gestion de projets où les acteurs du terrain doivent être co-responsables par les contributions à la conduite de l´action(-recherche). L´intérêt de cet apport ne réside pas seulement dans le fait que les évaluations de projets et la synthèse de la recherche-action puissent être directement appliqués dans des projets menés dans des contextes similaires. Ce résultat veut montrer également que l´exercice d´évaluation des expériences précédentes peut être fondamental à la proposition des actions nouvelles et aussi que, au cours d´une action de développement déjà initiée, il est aussi possible de prendre des leçons qui puissent mener à des changements dans les objectifs et méthodes initialement visés par cette même action. Contribution au développement organisationnel et à l´empowerment d´une organisation collective traditionnelle L´apport précédent concerne plutôt des futurs usagers, tandis que celui-ci a été identifié sur le terrain de la recherche-action, une organisation collective de travailleurs extractivistes. Les actions menées et les transformations introduites au sein de leur association, même si n´étant pas toutes prévues, ont permi rendu possible des processus d´empowerment indiviuels et collectifs, avec la confirmations de certains leaders et une meilleure compréhension sur le rôle de leur organisation dans l´ensembles d´une filière, d´une supply chain ou d´un réseau. Nous présentons dans le tableau 6.2 l´apport, les potentiels acteurs concernés et des recommandations pour son application. 342 Tableau 6.2. Apports managériaux, acteurs concernés et recommandations d´application. Apport Managérial Acteurs concernés Comment l´appliquer Synthèse des évaluations et des Equipes devant démarrer des En consultant et en instituant conduites des projets de actions au sein des projets l´évaluation des expériences valorisation des produits similaires précédentes comme étape forestiers comme un outil nécessaire à la construction et à « d’aide à la construction » des D´autres (chercheurs-)acteurs la proposition de nouvelles politiques de développement collectifs, mais aussi des actions et de nouveaux projets de plus adaptées aux contextes responsables par la gestion et développement. Aussi, en locaux financement de ce type de projet prenant en compte la nécessité de faire des adaptations au fur et à mesure que l´action se déroule. Contribution au développement Membres de l´organisation et Conforme description des étapes organisationnel et à communautaires en général de la recherche-action dans le l´empowerment d´une chapitre 5 et dans la figure 6.1, organisation collective dans ce chapitre. traditionnelle Source : Elaboré par l´auteure. 6.1.3) Apports Méthodologiques « Le principal défi de la recherche-action consiste en produire des nouvelles formes de savoir social et des nouveaux rapports entre chercheurs et objets de recherche, ainsi que des nouveaux rapports entre ces deux et le savoir » (Thiollent, 1999, p. 103). Une recherche n´entraîne pas forcement des apports méthodologiques. Elle peut proposer une démarche méthodologique sans que celle-ci ait été « aménagée » ou adaptée pour rendre compte de son contexte précis. Elle sera alors une recherche classique, indépendamment du choix épistémologique du chercheur. Il suffira d´identifier une démarche méthodologique déjà utilisée (et de préférence réussite) pour l´appliquer le long de la recherche. Le même argument peut être associé à une action de promotion de développement local, où une offre abondante de méthodes d´intervention est disponible aux professionnels engagés dans ce type d´initiative. Dans certains cas, les orientations peuvent être appliquées au sein des contextes divers, sans avoir besoin d´être adaptées. En ce qui concerne le cas précis de notre recherche, nous pouvons affirmer que la méthodologie d´intervention a été adaptée au fur et à mesure qu´une meilleure connaissance sur le contexte et sur les limitations des acteurs était acquise. C´est autour de ces adaptations, tantôt pour l´évaluation des projets que pour garantir la participation des communautaires et d´autres acteurs locaux que nous décrirons les apports méthodologiques de notre recherche. 343 Méthodologie d´évaluation de projets de développement local par la valorisation des produits fournis par des organisations collectives traditionnelles Notre démarche d´évaluation proposée dans le chapitre 3 peut aussi servir à d´autres équipes de projets. Elle pourra être mise en oeuvre pour une évaluation ex-post de leur propre projet de développement local, ou encore pour une évaluation des projets tiers, qui pourra fournir des leçons de ces expériences précédentes. Cette démarche peut être utilisée pour développer l´apprentissage à partir des expériences des projets précédents dans une perspective d´apprentissage cumulatif inter-projets (cf. Fabbe-Costes et Lièvre, 2002). La figure 6.1, adaptée de ces auteurs, propose une représentation de cette accumulation d´expériences. Figure 6.1. L´accumulation d´expériences entre projets. Déroulement du projet Projets précédents Projet de développement local Etape 1 Lectures et évaluations des expériences Boucle rétroactive Apprentissage entre projets Nouveaux projets Etape 2 Etape 3 Etape 4 Etape N Nouvelles lectures et évaluations des expériences Source : Inspirée de Fabbe-Costes et Lièvre (2002, p. 29). Les étapes concernant chaque projet peuvent varier, avec plusieurs boucles rétroactives. Ce qui est important de retenir de la figure est l´accumulation d´expériences entre projets. De la méthodologie développée dans le cas de notre recherche, notamment pour l´apprentissage à partir d´évaluations de projets, nous proposons la démarche suivante : 344 - Faire une étude exploratoire sur le contexte général du terrain - Compléter les informations du terrain avec une revue de littérature concernant le contexte des projets - Mener des entretiens et une recherche des documents de projets afin de confirmer les informations de la littérature sur les projets - Repérer des pistes théoriques pour l´évaluation de projets, à partir d´une révision d´indicateurs déjà existants. Une recherche d´autres éléments doit encore être faite, afin de compléter les aspects non considérés par les indicateurs consultés - Evaluer les cas ayant des caractéristiques similaires au projet à construire - Identifier les facteurs de succès et de facteurs d´échec à être considérés dans le design du nouveau projet. Méthodologie pour proposer et intervenir dans une démarche de recherche-action au sein d´une chaîne traditionnelle La réflexion théorique d´une recherche-action est illustrée par les acteurs sociaux qui réfléchissent leur action. Et l´expérience pratique est illustrée par ces mêmes acteurs qui réfléchissent à leur action prochaine (Resweber, 1995). Cet apport méthodologique concerne aussi bien la réflexion théorique que l´expérience pratique, dans la mesure où il veut rendre publics les éléments qui ont été considérés dans la construction du projet, et tout au long de la démarche. L´apport méthodologique de notre recherche(-action) concerne la recommandation des étapes à suivre par d´autres chercheurs-(acteurs) intéressés par des démarches similaires. La figure 6.2 représente cette démarche recommandée. Elle décrit aussi l´évolution de la démarche de la recherche-action menée avec les extractivistes du PAEMaracá. 345 Action (Terrain) Recherche (Littérature) Figure 6.2. Des étapes à être suivies par des chercheurs (-acteurs) intéressés par des démarches similaires de recherche-action pour la promotion du développement local. Repérage des pistes théoriques Revue sur le contexte du terrain 2 1 4 3 Entretiens et identification de Etude exploratoire documents concernant les projets précédents Proposition d´une méthodologie d´intervention adaptée à d´autres recherchesactions similaires Eléments théoriques pour conduire une action nouvelle, garantir les FS et éviter les FE 6 5 Evaluation des cas des coopératives et identification des FS et FE des projets 9 7 Construction collective d´un nouveau projet au sein d´un groupe non concerné par des projets précédents 8 Conduite de la recherche-action par l´équipe du projet et les acteurs locaux Source : Elaborée par l´auteure. Le tableau 6.3 décrit chacune des étapes recommandées pour d´autres démarches de recherche-action. Tableau 6.3. Descriptions des étapes à être suivies par d´autres équipes participant à des recherches-action dans des contextes similaires. Etape Description 1 Etude exploratoire pour l´identification d´une problématique et familiarisation avec le contexte de terrain 2 Revue de littérature sur les principaux thèmes concernant le contexte du terrain. Dans le cas de notre recherche, nous avons consulté des références plus liées à l´extractivisme de produits forestiers non-ligneux, le concept et les dimensions du développement durable, les unités de conservation et les populations traditionnelles Entretiens et identification de documents concernant les projets précédents, représentés par des propositions, des rapports de missions et des évaluations faites par d´autres auteurs Repérage des pistes théoriques à considérer dans l´évaluation de projets et pour approfondir afin d´appliquer dans la conduite de la recherche-action Evaluation des cas des coopératives en utilisant des indicateurs développés à partir des éléments de la littérature sur le contexte général, interne et externe des organisations extractives choisies et identification des facteurs de succès et des facteurs d´échecs des projets à partir des évaluations menées avec les six coopératives choisies dans deux états ayant des contextes similaires Revue de littérature sur les thèmes théoriques cités dans les documents et évaluations des projets. Dans le cas de notre recherche, la revue a concerné les notions d´empowerment, d´auto-organisation et d´autogestion, ainsi que la gestion du changement, les stratégies collectives en milieu complexe et la théorie des parties prenantes. Pour l´environnement organisationnel autour des organisations collectives, des concepts associés aux structures organisationnelles de filière, supply chain et réseau/SPL ont été mobilisés et des concepts adaptés ont été proposés, ceux des supply chains traditionnelles et des systèmes productifs locaux traditionnels Construction collective d´un nouveau projet au sein d´un groupe non concerné par des projets précédents, dans le cadre d´un projet destiné au développement des technologies de gestion pour les populations traditionnelles Conduite de la recherche-action par l´équipe du projet et les acteurs locaux, avec une ouverture aux adaptations nécessaires au fur et à mesure que le projet se déroulait, notamment concernant les méthodes utilisés, vu, par exemple, que 60% des adultes de la communauté concernée n´étaient pas alphabétisés et manquaient d´une culture d´ateliers et de travaux collectifs Proposition d´une méthodologie d´intervention adaptée à d´autres recherches-action similaires. C´est ce que nous venons de présenter comme apport méthodologique de la recherche 3 4 5 6 7 8 9 Source : Elaboré par l´auteure. 346 De la même façon que pour les apports scientifiques et managériaux, dans le tableau 6.4 nous associons à chaque apport méthodologique les acteurs potentiels concernés et les recommandations d´application. Tableau 6.4. Apports méthologiques, acteurs concernés et recommandations d´application. Apport Méthodologique Acteurs concernés Comment l´appliquer Méthodologie d´évaluation de Evaluation de leurs propres projets de développement local projets ou des projets tiers par la valorisation des produits Equipes des projets fournis par des organisations collectives traditionnelles En identifiant les acteurs locaux importants à la réussite des actions du projet et en les présentant les intentions Stakeholders locaux et initiales. Une fois que ces responsables pour la proposition acteurs ont été identifiés, ils Méthodologie pour proposer et et implémentation des projets doivent participer aussi aux intervenir dans une démarche de réunions/séminaires de recherche-action au sein d´une discussion et propositions des chaîne traditionnelle étapes suivantes. En identifiant les limitations des Communautaires et d´autres communautaires aux méthodes équipes responsables de traditionnelles et en même l´animation des projets de temps, à partir d´un diagnostic développement socioéconomique, Source : Elaboré par l´auteure. Avant de passer à la section suivante, nous proposons d´organiser la réponse à la question Q4, ainsi que de soutenir la proposition à elle associée. Réponse à Q4 En rappelant la question Q4... Q4 - “Quelles connaissances, à partir de l’expérience dans un projet de recherche-action, peuvent être apportées au sein d´un groupe de chercheurs-acteurs afin de permettre la construction des configurations de filières plus adaptées aux contextes locaux?” ... nous pouvons répondre que : => les apports sur les plans scientifique, managérial et méthodologique que nous venons de présenter, peuvent être recommandés à d´autres acteurs/gestionnaires des projets de développement, afin d´orienter le design et la conduite de leur intervention dans des actions spécifiques. Ils constituent les connaissances qui ont été produites à partir de l´expérience de préparation et de conduite de la recherche-action par les acteurs engagés dans le projet. 347 Les apports présentés en réponse à Q4 soutiennent alors notre proposition P6 que l´expérience d´évaluation et de construction des projets peut contribuer à de nouvelles connaissances concernant la gestion de projets de développement (durable) local. Ces résultats illustrent une mention de David (1998) concernant les processus de décisions collectives pour introduire des changements : « la boucle [de décision] considère les processus de changement, qu´ils soient d´adaptation ou de rupture, simple ou double boucle, comme des processus d´apprentissage » (p. 50). De la discussion sur les aboutissements de notre recherche, nous passons en section 6.2 à celle sur ses principales limites, qui concernent notamment nos choix méthodologiques et théoriques. 6.2) Les limites de la recherche Les limites de notre recherche sont principalement associées à nos choix méthodologiques et théoriques. Les choix méthodologiques ont été représentés par les évaluations des projets avec les coopératives extractives, ainsi que par la rechercheaction menée au sein d´une autre collective d´extractivistes. Les choix théoriques sont justifiés principalement par le contexte émergent du terrain. Très peu de concepts des Sciences de Gestion ont été mobilisés pour étudier les acteurs et les organisations concernés par notre recherche. 6.2.1) Limites concernant la méthodologie choisie Avant de traiter les limites des méthodes adoptées pour l´évaluation de projets et pour la construction d´une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil, nous reconnaissons le choix de n´étudier qu´une seule filière de PFNL est une limite, car « agir en petite échelle et localement n´est pas suffisant » (Friedmann, 1992, p. 164), de même que réfléchir autour d´une filière unique. Cependant, nous pouvons préciser que cette filière a une grande représentativité par rapport à d´autres existantes dans la région264, ce qui a conforté notre choix de la prendre pour mener à bien notre recherche. Il faut alors que d´autres (recherches-)actions similaires puissent être menées afin de permettre l´application des résultats et leçons obtenus à partir du cas de cette filière. 264 cf. justifié en §1.5.1 et §2.2.2. 348 L´application de notre démarche de recherche-action par un autre groupe de chercheursacteurs devrait rendre des différents résultats, liés encore une fois aux spécificités d´autres filières de PFNL, non seulement en Amazonie, mais aussi dans d´autres régions d´occurrence, comme en Asie et en Afrique. Les limites méthodologiques de notre recherche peuvent alors être présentées. Subjectivité des diagnostics de projets obtenus à partir des études de cas Les évaluations menées sur les six cas des coopératives dans les états de l´Acre et de l´Amapá n´ont pas été basées sur une méthode quantitative, où un nombre élevé d´avis et d´informations concernant les résultats des projets et actions pourraient être organisés. L´information n´est pas disponible aux niveaux requis, car elle est trop agrégée. Pour réduire le biais de ces évaluations, elles pourraient être présentées à des experts pour une « validation ». Ces experts pourraient être des professionnels de l´académie et des praticiens, liés à des disciplines et des domaines divers, ayant une large expérience concernant la filière en question. Toutefois, nous proposons cette validation dans une démarche future, en dehors de la thèse. La recherche-action : insuffisances méthodologiques Dans une démarche de recherche-action, une tâche difficile est celle de prendre du recul après plusieurs mois « immergés » dans le terrain, en relation directe avec les acteurs. Toutefois, nous trouvons que, sans cette « immersion » dans le terrain et sans une proximité avec les acteurs, il ne serait pas possible de construire et d´expérimenter les différents résultats et apports de cette recherche, et d´apprendre à partir de ceux-ci. Nous précisons aussi que, pendant la conduite de la recherche-action, il était régulièrement possible de prendre du recul à la fin de chaque mission, où les actions menées pouvaient être discutées et réfléchies par le groupe des chercheurs-acteurs – le chercheur collectif, d´après Barbier ( 2004). Certains reproches souvent adressés à la recherche-action sont, pour nous, des conditions nécessaires au renforcement du rôle de l´académie dans les projets et actions de promotion du développement local. Pour (re)connaître les demandes locales, il faut 349 plus que des chiffres représentatifs. Il est nécessaire d´avoir d´abord une capacité d’empathie (cf. Girod-Séville et Perret, 1999), qui ne sera développée que si le chercheur accepte d´avoir des interactions avec son « objet » de recherche. Une autre limite associée à la recherche-action concerne l’impossibilité temporelle (et l´imprévisibilité)265 de présenter « la fin » du projet dans le cadre de cette thèse, dans la mesure où des actions et résultats sont encore en train d´être conduits et collectés. Un retard pour des raisons quelconques dans une étape prévue d´un projet de rechercheaction peut compromettre le déroulement d´actions importantes et limiter les résultats d´une recherche, notamment dans le cas d´une thèse. Alors, il s´avère risqué de mener une thèse qui dépend intégralement des résultats d´un tel projet. Il faut que d´autres aspects méthodologiques et des travaux de terrain puissent aussi contribuer aux résultats de la recherche. Dans notre cas, nous nous sommes servie également des résultats de l´évaluation des projets et des résultats intermédiaires de la recherche-action, en sachant que d´autres résultats seraient produits jusqu´à la fin – et même après - l´intervention de l´équipe du projet Maracastanha. Il est important donc de réfléchir sur les limites temporelles des projets au sein des communautés, où, avant de connaître les limitations locales, la durée du projet est déjà définie, sans considérer les étapes nécessaires pour rendre la communauté capable d´accompagner les activités du projet. De ce fait, il est important de garantir des actions concomitantes (de formation et activités pratiques), afin de garantir un empowerment non seulement par l´information mais aussi par l´action. 6.2.2) Limites concernant le cadre théorique Notre recherche n´est pas parti d´un cadre théorique pour ensuite identifier un terrain pour son application. Elle a plutôt considéré le contexte de terrain pour proposer, à partir des entretiens et matériaux des projets, des concepts et des structures évoqués par les projets précédemment analysés. Alors, le contexte émergent du terrain de recherche peut être présenté comme une limite concernant le cadre théorique de notre recherche, dans la mesure où d´autres cadres et disciplines pourraient être choisis. Le choix de notre cadre théorique a été basé dans des spécificités du terrain, mais aussi dans des lectures concernant d´autres projets de valorisation des produits de l´extractivisme. 265 Notamment concernant une stratégie collective en milieu complexe. 350 Contexte de terrain émergent Un terrain émergent en fait ne se présente pas comme une limite, mais plutôt comme une contrainte, dans la mesure où la littérature prenant ce contexte d´un point de vue organisationnel est encore embryonnaire, ne pouvant pas contribuer à une application directe. Le contexte de l´extractivisme en Amazonie est ancien, mais le terrain choisi pour notre recherche est en effet émergent, car les projets de promotion du développement local à partir de la valorisation des produits de l´extractivisme sont assez récents. Les cadres initialement utilisés pour analyser ces problématiques ont été basés dans des modèles appliqués par des organismes de développement et concernaient notamment des approches économiques, telle celle de filière. Actuellement, de nouveaux cadres d´analyse commencent à être proposés, où des concepts de gestion sont aussi mobilisés afin de garantir la réussite de ces initiatives. Cependant, les références sont encore insuffisantes pour traiter les problématiques et le contexte complexe des filières extractives. Le référentiel théorique s´est basé sur les concepts associés au management d´organisations collectives et l´environnement organisationnel où elles sont insérées. Les notions d´empowerment, d´auto-organisation et d´autogestion, ainsi que de gestion du changement et de stratégies collectives en milieu complexe ont été mobilisées pour analyser les organisations collectives d´extractivistes, tandis que les notions de filière, de supply chain et de réseau, avec des éléments de la Théorie des Parties Prenantes, ont été considérées pour mieux comprendre les relations entre les acteurs locaux autour des organisations - coopératives et associations - extractives. Une partie des aspects de la littérature sur ces concepts a été appliquée dans notre recherche, mais d´autres doivent encore être mieux adaptés afin de rendre possible des analyses plus systématiques, comme, par exemple, celui du leadership. Les organisations, même en étant collectives, doivent avoir des leaders et cela, dans une grande majorité des cas au sein des communautés rurales peut poser des problèmes, car, selon Platteau et Abraham (1999), des situations où la perspective des revenus inespérés peuvent inciter certains responsables pour les organisations collectives à devenir des « patrons tout-puissants » (p.222). L´importance et l´influence du leadership est alors une problématique possible à être développée dans des recherches futures. 351 Manque d´une identification des liens entre les différents concepts du cadre théorique D´autres cadres théoriques auraient pu être adaptés, mais pas directement appliqués, car en Sciences de Gestion, l´application directe des théories trouve encore des spécificités au sein des chaînes et d´organisations traditionnelles. Ces acteurs organisationnels ont été beaucoup plus travaillés dans des recherches sociologiques ou anthropologiques, dans lesquelles notre recherche n´a pas essayé d´identifier d´autres liens avec les Sciences de Gestion. Les limites de notre recherche ayant été reconnues, elles nous envoient à des perspectives de recherches intéressantes, car, tantôt concernant la méthodologie tantôt concernant le cadre théorique mobilisé, nous pouvons continuer à approfondir les principaux aspects concernés par notre problématique dans des recherches futures. 6.3) Perspectives de(s) recherche(s) « La recherche-action peut être conçue comme un procédure de nature exploratoire [...] Les résultats de l’exploration sont utiles pour élucider l’action, mais aussi pour déclencher d’autres recherches » (Thiollent, 1999, p. 99). Les pistes identifiées pour des recherches futures sont en partie liées aux limites reconnues de notre recherche. En présentant les limites nous avons admis que certains aspects n´ont pas été suffisamment approfondis, mais, en même temps, nous voyons de nouvelles possibilités de recherche autour des problématiques concernant l´évaluation des projets de développement, l´analyse des filières et des supply chain traditionnelles, des réseaux – sociaux et organisationnels – et les actions pour provoquer des changements au sein de ces structures, ainsi que l´enjeux de l´identification et du développement d´un leadership au sein de ces organisations collectives. Application de la méthodologie utilisée pour la recherche-action dans le cadre d´un autre projet Les méthodes utilisées lors de la réalisation des études de cas sur les six coopératives et de la recherche-action avec les castanheiros du PAE-Maraca peuvent être proposées au sein d´un autre projet de développement local concernant une problématique similaire à la notre. 352 L´usage du même design méthodologique dans un autre projet – mené par le même groupe ou par une nouvelle équipe de projet ou par des acteurs du terrain – pourra aussi servir à renforcer les étapes suivies dès l´étude exploratoire, en passant par l´évaluation de projets et en finissant par la proposition et la conduite d´une nouvelle rechercheaction. De nouvelles entrées sur le terrain pour analyser d´autres chaînes traditionnelles Le cadre théorique mobilisé dans notre recherche peut être approfondi à partir de l´analyse d´autres filières traditionnelles, où les relations entre leurs principaux acteurs et les similarités et spécificités de fonctionnement pourraient être exploitées, ainsi que de nouvelles entrées sur le terrain. Ces nouvelles entrées sur le terrain peuvent, par exemple, être faites lors des recherches-actions concernant les problématiques d´amélioration de la qualité des produits, l´introduction d´un système de traçabilité ou de certification par un label éco social. Même si le concept de population traditionnelle est très particulier au Brésil, nous proposons que notre méthodologie d´évaluation et de recherche-action puisse être appliquée dans d´autres régions géographiques ayant des similarités avec le contexte de notre recherche, notamment celles où les filières extractives représentent une importante source de revenu pour les populations rurales locales. Les réseaux sociaux au sein des chaînes traditionnelles A partir de l´évaluation des projets au sein des coopératives extractives, mais aussi de l´expérience de la recherche-action au sein d´une communauté des castanheiros, nous avons constaté l´influence des relations sociales entre les acteurs de la filière quand il s´agit d´introduire des changements. Comme perspective de nouvelles recherches, nous considérons pertinent l´approfondissement de la recherche sur l´importance des réseaux sociaux dans les chaînes traditionnelles et comment ils peuvent être travaillés pour introduire des changements de différents aspects, comme, par exemple, concernant les procédures nécessaires pour garantir les exigences des clients des labels éco sociaux ou encore une nouvelle législation nationale ou internationale. Encore concernant les relations socioéconomiques traditionnelles entretenues entre les extractivistes et les agents intermédiaires et entre ces deniers et les entreprises 353 exportatrices de la noix du Brésil, le scénario actuel et futur d´augmentation des exigences de principaux marchés consommateurs nous oblige à penser à des stratégies collectives qui puissent introduire les changements nécessaires, mais en prenant en compte les limitations sociales, organisationnelles et d´infrastructure. Le cadre des stratégies paradoxales et ago-antagonistes peut fournir des pistes à cette problématique, où les agents intermédiaires représentent des acteurs à être éliminés dans certaines actions de projets, mais en même temps qu´ils continuent à être présents et à avoir un rôle – si non vital, au moins nécessaire. Il est alors pertinent de réfléchir sur quel rôle ou quel statut ils doivent avoir afin d´être aussi considérés dans les projets visant, par exemple, l´amélioration de la qualité et de la distribution des produits issus des populations traditionnelles, à partir de l´introduction des bonnes pratiques de production et distribution. Aussi concernant une recherche future autour des stratégies paradoxales, nous renforçons l´importance de lier les stratégies d´innovation avec les connaissances traditionnelles, notamment concernant l´usage des ressources naturelles forestières. L´importance et l´influence du leadership au sein des projets de développement de communautés traditionnelles Le rôle du leader dans notre recherche-action s´est montré fondamental à la traduction des actions du projet, mais aussi pour garantir que les acteurs locaux puissent continuer la démarche après la sortie de l´équipe du projet. Cependant, comme Platteau et Abraham (2001) l´on constaté, des imperfections concernant la prise de pouvoir par des leaders au sein des communautés rurales traditionnelles peuvent représenter des obstacles au développement local. Il est pertinent d´approfondir cette problématique dans des prochaines recherches menées au sein des communautés rurales. Approfondissement de l´identification des décalages entre la supply chain traditionnelle et la supply chain classique Des décalages importants existent entre les supply chains traditionnelles, celles où les produits ou services sont essentiellement issus des populations traditionnelles, et les supply chains commerciales et industrielles classiques. Dans la mesure où de nombreuses stratégies d´insertion des parties de ces chaînes traditionnelles au sein des chaînes classiques et plus développées ont été essayé dans les dernières années, il s´avère important de mieux comprendre les impacts de ces décalages dans la réussites de ces stratégies de couplage de supply chains. 354 L´identification de concepts et/ou théories d´autres disciplines pour mener des recherches sur des contextes similaires Afin de prendre en compte la complexité d´organisations traditionnelles, quelques pistes peuvent être approfondies, telle comme la notion d´adaptation, empruntée de l´Ecologie Humaine, ou encore la notion de traduction, de la Sociologie des Organisations. Exploration et confirmation des liens entre les aspects des dimensions évaluées Nous avons présenté les résultats des évaluations des projets de valorisation des produits forestiers basés dans sept dimensions, soit six dimensions du développement durable et une dimension organisationnelle. Toutefois, notre objectif n´était pas celui d´identifier les liens et/ou les impacts entre les résultats d´évaluation, qu´ils soient favorables ou non favorables. Alors, la recherche de telles réponses se trouve aussi parmi nos perspectives de recherches futures, dans la mesure où les problématiques liant les aspects du développement durable et ceux des organisations – qu´elles soient petites ou grandes, collectives ou non, privées ou publiques – semblent de plus en plus gagner l´intérêt des chercheurs. 355 Conclusion du Chapitre 6 – Liens entre les apports, les limites et les perspectives de notre recherche Le bilan de la réflexion sur les expériences d´évaluation et de construction collective des projets de développement local nous a permis d´identifier les principaux apports, limites et perspectives concernant notre recherche, et de soutenir la proposition P6 pour répondre à la question Q4. De plus, dans la mesure où, tantôt les apports comme les limites peuvent enchaîner des nouvelles possibilités de recherche à être menées par le même groupe ou par des chercheurs(-acteurs) intéressés par des problématiques similaires, nous avons identifié des liens entre les apports, les limites et les perspectives de notre recherche. Nous présentons le tableau 6.6 pour illustrer ces liens. Tableau 6.5. Liens entre apports, limites et perspectives de la recherche. Apports (Scientifique ) L´introduction des notions de base liées au SCM et adaptées au contexte de l´extractivisme est un levier des processus d´empowerment individuels et collectifs (Méthodologique) Méthodologie pour proposer et intervenir dans une démarche de recherche-action au sein d´une chaîne traditionnelle (Managérial) Contribution au développement organisationnel et à l´empowerment d´une organisation collective traditionnelle (Managérial) Synthèse des évaluations et des conduites des projets de promotion des produits forestiers comme un outil « d’aide à la construction » des politiques de développement plus adaptées aux contextes locaux (Méthodologique) Méthodologie d´évaluation de projets de développement local par la valorisation des produits fournis par des organisations collectives traditionnelles Limites Perspectives (Méthodologique) Approfondissement du rôle du leader dans les organisations collectives de communautés traditionnelles La recherche-action qui a guidé cette recherche se présente comme un apport mais aussi comme une limite, dans la mesure où, dû à sa limitation temporelle, ses résultats n´ont pas tous été présentés. (Méthodologique) La méthodologie d´études de cas pour produire des diagnostics de projets nécessite d´être appliquée au sein d´une autre problématique de terrain, et les résultats devant être validés par des experts L´analyse des réseaux sociaux au sein des chaînes traditionnelles pourrait être développée non seulement par une étude de cas, mais aussi durant une recherche-action menée par une équipe de projet pour provoquer un changement au sein de ces structures Application de la méthodologie utilisée pour la recherche-action au sein d´un autre projet, dont l´utilisation des résultats d´évaluations précédentes des projets pour le design de ce projet Exploration et confirmation des liens entre les aspects des dimensions évaluées (Scientifique) (Scientifique) Proposition d´une « dimension organisationnelle » pour l´évaluation de projets de développement local à partir de la valorisation de produits de la forêt (Scientifique) Adaptation des concepts liés à la SC au contexte de l´extractivisme en Amazonie Contexte de terrain émergent, ce qui n´a pas permis d´identifier dans la littérature de Sciences de Gestion un cadre théorique directement appliqué au contexte de la recherche (Scientifique) Manque d´une identification des liens entre les différents concepts du cadre théorique De nouvelles entrées sur le terrain pour analyser d´autres chaînes traditionnelles, où d´autres éléments du terrain pourraient être associés aux concepts liés à la SC et vice-versa L´identification d´autres concepts et/ou théories d´autres disciplines Approfondissement de l´identification des décalages entre la supply chain traditionnelle et la supply chain classique Source : Elaboré par l´auteure. 356 Conclusion de la Partie II Cette partie a continué la démarche d´ « évaluation-construction », après un approfondissement des éléments de la littérature, ainsi que des étapes de construction et de conduite d´un nouveau projet au sein d´une organisation collective d´extractivistes, qui n´avait pas fait partie des projets précédemment évalués. Dans le chapitre 4, au fur et à mesure que la revue de littérature était conduite, des applications et adaptations du cadre théorique au contexte du terrain ont été faites. Comme adaptations, nous pouvons citer la construction de la notion de supply chain traditionnelle. Ce n´est pas la définition qui consiste dans un apport scientifique, mais plutôt l´évidence des décalages quand il s´agit d´étudier les chaînes traditionnelles et les chaînes classiques. Les étapes suivies le long de la construction et de la conduite de la recherche-action, décris en détail dans le chapitre 5, représentent un canevas qui peut orienter d´autres chercheurs-acteurs intéressés par des problématiques de recherche(-action) similaires et sont complémentaires à celles proposées dans le chapitre 3 – Partie I, concernant l´évaluation des projets de développement local par la valorisation des produits forestiers. Une orientation pour une nouvelle démarche a été proposée dans la figure 6.1 En ce qui concerne la filière noix du Brésil dans le PAE-Maracá, les principaux changements identifiés après la recherche-action sont associés à l´empowerment d´extractivistes et de leurs organisations collectives, l´engagement des jeunes extractivistes dans les actions de promotion de la filière et les nouvelles relations émergées à partir de la mobilisation et de l´opportunisme de nouveaux, mais aussi d´anciens acteurs. Durant la conduite de la recherche-action, une association des castanheiros a été créée, pour traiter particulièrement les intérêts de ces habitants du PAE-Maracá. Le rôle moteur des processus opérationnels tels que la logistique a été constaté dans notre recherche-action. L´application de ces notions de base doit intéresser à des nombreux acteurs responsables pour le développement des chaînes locales, dans l´empowerment. 357 Dans le chapitre 6, nous avons mené une réflexion sur l´expérience – collective – de la recherche. De cette réflexion, les principaux apports et perspectives de recherche ont émergé. 358 Conclusion Générale Notre recherche, dont le titre se présente comme « Evaluation-construction de projets de développement local à partir de la valorisation des produits forestiers de l´Amazonie brésilienne: le cas de la noix du Brésil », avait, dès son début, l´ambition de mener une recherche-action au sein d´une organisation collective – coopérative ou association – afin de promouvoir des changements dans la configuration locale d´une filière extractive. Nous avions également pour but la construction et la conduite de cette recherche-action à partir des leçons prises d´expériences précédentes dans des contextes similaires au terrain choisi pour notre intervention, ainsi que l´adaptation des aspects théoriques concernant le management d´organisations collectives et leur environnement au contexte particulier du terrain de notre recherche, la filière de la noix du Brésil. Avant de démarrer la recherche-action, nous avons fait une étude exploratoire, qui a servi de base pour les étapes suivantes. Il était fondamental d´avoir des connaissances approfondies sur le terrain, mais aussi qu´une expérience de terrain fusse acquise, car il s´agissait d´un contexte émergent et complexe. Les principaux constats de l´étude exploratoire ont été présentés dans le chapitre 1. De cette étude exploratoire, nous avons développé, dans le chapitre 2, notre problématique de recherche. La nature des questions de recherche nous a amené à un positionnement épistémologique entre l´interprétativisme et le constructivisme, et à proposer une démarche de recherche ayant deux temps forts : une évaluation des expériences précédentes menées au sein des six coopératives extractives – trois dans l´état de l´Acre et trois dans l´état de l´Amapá - et une construction et conduite d´une nouvelle action. Des lectures concernant de précédentes évaluations menées par d´autres auteurs ont servi à identifier des pistes pour des éléments théoriques à mobiliser dans nos propres évaluations. 359 Dans le chapitre 3, nous avons proposé une démarche d´évaluation des projets de développement local à partir de la valorisation des produits forestiers, en considérant six dimensions du développement durable – écologique, économique, sociale, spatiale, politico-institutionnelle et culturelle, ainsi qu´une dimension organisationnelle. L´usage de cette dernière dimension représente une proposition nouvelle concernant ce type de projet, vu que le peu d´évaluations existantes sur les projets de développement par la valorisation des produits locaux considèrent notamment les dimensions du développement durable. Les items d´évaluations des projets menés au sein des coopératives extractives de l´Acre et de l´Amapá concernaient les dimensions du développement durable, ainsi que les aspects organisationnels. Les principaux résultats dégagés de ces évaluations ont servi d´éléments à l´établissement des « facteurs de succès » et de « facteurs d´échec », qui ont orienté la revue de littérature complémentaire puis la recherche-action au sein d´une association d´extractivistes, dans une aire de concession dans l´état de l´Amapá. Les facteurs de succès ont été les aspects à garantir, et les facteurs d´échec, les aspects à éviter dans la proposition et conduite de la recherche-action. Dans le chapitre 4, nous avons ensuite mené une revue de littérature sur les aspects théoriques identifiés lors des lectures sur les évaluations précédentes et confirmés par notre travail d´évaluation, afin de les appliquer et/ou les adapter au contexte d´une organisation collective d´extractivistes - une association – concernée par notre recherche-action. Pour ce qui concernait le management des organisations collectives, nous avons consulté la littérature sur l´empowerment, l´auto-organisation et l´autogestion. Pour l´environnement organisationnel de ce type d´organisation, ce sont les notions de filière, supply chain et réseau qui ont été mobilisées. Concernant cette dernière, dès lors que quelques lectures d´évaluations menées par d´autres auteurs sur les projets au sein des coopératives ont fait référence aux systèmes productifs locaux – un type de réseau -, nous avons aussi consulté la littérature sur cette structure. Dans la recherche-action présentée dans le chapitre 5, afin de permettre l´engagement et la mobilisation des acteurs locaux dans la recherche-action, nous avons fait attention aux conditions suivantes : - Familiarisation de l´équipe du projet avec la réalité locale 360 - Négociation préliminaire avec certains acteurs institutionnels locaux - Participation des représentants de l´organisation collective des communautaires - Encouragement à la participation d´autres institutions locales - Formalisation des relations entre l´équipe responsable par le projet et les acteurs institutionnels locaux Parmi les actions menées le long de la recherche-action, 14 événements plus importants ont été décris en détail et les résultats partiels de chacun ont été présentés. Les principaux changements observés entre le début de la recherche-action et le mois d´octobre 2007 - date où nous avons arrêté sa description pour figurer dans cette thèse ont été discutés dans le chapitre 5. Ces changements concernaient l´empowerment d´extractivistes et de leurs organisations collectives, l´engagement des jeunes extractivistes dans les actions de promotion de la filière et les nouvelles relations qui ont émergé à partir de la mobilisation et de l´opportunisme de nouveaux acteurs, mais aussi d´anciens acteurs. Enfin, dans le dernier chapitre, nous avons identifié des apports scientifiques, managériaux et méthodologiques dans notre recherche. Les apports scientifiques concernaient la proposition d´une dimension organisationnelle pour l´évaluation de projets de développement durable à partir de la valorisation des produits locaux, l´adaptation des concepts liés à la SC au contexte de l´extractivisme en Amazonie, ainsi que l´observation que l´introduction des notions de base liées au SCM et adaptées au contexte de l´extractivisme pouvait être un levier des processus d´empowerment individuels et collectifs. Les apports managériaux renforcent que la synthèse d´évaluations et de la conduite des projets de promotion de produits forestiers peuvent servir comme un outil d´aide à la construction des nouvelles politiques de développement, plus adaptées aux contextes locaux. Et l´apport méthodologique concerne la méthodologie développée pour proposer et intervenir dans une démarche de recherche-action, qui peut être appliquée par d´autres groupes de chercheurs travaillant dans des contextes similaires. L´importance de notre thèse réside aussi dans le fait que nous avons présenté des problèmes concrets et instigateurs qui sont encore peu discutés dans les projets de développement et dans des démarches d´inclusion de petits producteurs dans des 361 circuits de commerce équitable. En plus des intérêts divergents des parties prenantes, le décalage en termes de connaissances et de pratiques gestionnaires est encore important. Dans les pays développés, les problématiques actuelles de recherche sont aujourd´hui moins concentrées dans les aspects opérationnels de la logistique, dans la mesure où cela a déjà été résolu. Et pourtant, dans des régions où se trouve une grande partie de fournisseurs de ces pays, ce n´est pas encore le cas et les problèmes opérationnels restent prégnants et peuvent faire obstacle à l´établissement d´une SC. Notre thèse pose alors le défi d´articuler un effort de développer la logistique dans l´extrême amont d´une supply chain – ayant des caractéristiques d´une SC traditionnelle, afin de l´insérer dans les processus logistiques de l´extrême aval de cette chaîne, où le niveau de développement a un décalage par rapport à la première. Les limites de notre recherche sont résultantes de nos choix méthodologiques et théoriques, car elles sont associées à la méthodologie de l´étude de cas, qui confère une certaine subjectivité aux diagnostics des projets concernés, et également à la rechercheaction, dont la littérature a identifié les insuffisances méthodologiques. Le contexte émergent du terrain de la recherche a limité aussi nos choix théoriques, notamment associés aux Sciences de gestion, dans la mesure où la littérature liant ce domaine au contexte de l´extractivisme en Amazonie est encore embryonnaire. Une recherche-action menée dans un milieu complexe demande du temps. Elle est difficilement contrôlée. Ce choix méthodologique a été risqué, dans la mesure où il n´avait pas la garantie de que toutes les étapes de l´action seraient finies au terme de durée normale d´une recherche doctorale. Le même problème peut apparaître au sein des projets/stratégies de développement, et, dans une grande partie des cas, le délai doit être prolongé, afin de garantir que les autres étapes soient effectivement conclues. Toutefois, certaines de ces limites présentées peuvent être dépassées lors de recherches futures. Quelques suggestions ont été présentées comme des perspectives des recherches, soit l´application de la même méthodologie utilisée pour la recherche-action au sein d´un autre projet, ou des nouvelles entrées sur le terrain pour analyser d´autres chaînes traditionnelles, ou encore l´analyse de réseaux sociaux au sein des chaînes traditionnelles. D´une réflexion sur l´ensemble de la recherche, nous pouvons émettre quelques conclusions : 362 - La participation des acteurs locaux dépend d´une stratégie d´(in)formation adaptée au contexte local : Concernant les coopératives au sein d’une filière, d’une SC ou d’un réseau lié à l’extractivisme, la plupart de leurs membres sont des collecteurs, qui sont plus ou moins spécialisés dans les processus liés au secteur primaire, soit exclusivement ceux liés à la cueillette. Alors, localement, dans le court terme, s’il n’y a pas l’entrée ou le développement d’une main-d’oeuvre spécialisée dans la région, notamment pour les secteurs secondaires et tertiaires, la durabilité des structures est en jeu. La garantie d’un développement durable local est possible que s’il y a une formation des acteurs locaux, notamment issus de jeunes générations, qui sont plus alphabétisées que les précédentes. Il est important dans les projets de développement local pour la valorisation des produits de l’extractivisme, qu’il ait aussi une intégration entre les stratégies des organisations et les systèmes éducatifs locaux. - La participation des communautaires dès la conception contribue à l´empowerment des organisations collectives : quand les individus participent à des processus de prise de décisions, dont ils étaient historiquement exclus, des processus d´empowerment – individuels et collectifs – peuvent aussi émerger. C´est par l’empowerment et par la responsabilisation qui en découle que l’homme devient l’acteur principal du développement (Di Castri, 2005). - L´exercice de compréhension d´expériences précédentes contribue au design d´une recherche-action au sein des communautés : Il est important aussi de considérer la discussion sur l´apprentissage des équipes de projets à partir de l´évaluation et/ou de la participation aux expériences précédentes de projets de développement local. Mais en ce qui concerne les acteurs de l´académie, ils peuvent être fondamentaux à la réflexion autour des nouveaux cadres théoriques et méthodologiques à mobiliser pour arriver à la proposition des configurations locales plus adaptées et plus durables. Et la préoccupation avec des solutions adaptées et réalisables doit être au centre des objectifs des recherches, comme l´affirme Martinet (2006, p. 43) : « [...] il n´est plus guère possible de revendiquer l´objectivité, la neutralité et le désintéressement de la connaissance, fût-elle scientifique ». Une possible stratégie de conservation des ressources naturelles à partir de la promotion du développement des régions où il y a des PFNL reste encore importante. Il existe des 363 enjeux stratégiques importants, dans la mesure où les parties prenantes doivent commencer à considérer une ressource au sein d´une configuration totalement différente de celle qui a toujours prévalu dans la région, en regroupant des individus et organisations qui étaient habitués à travailler d´une autre façon pendant longtemps. Pour que les stratégies de développement durable par la valorisation des produits locaux soient efficaces, elles doivent alors répondre aux attentes des communautaires, implémenter des systèmes de gestion adaptés, pour résoudre les problèmes d´inadéquation de gestion, de canaux de distribution et de qualité, qui sont directement liés à la gestion de la SC et les acteurs locaux doivent être sujets de leurs actions. - L´action influence l´évaluation et l´évaluation oriente l´action : même si dans notre recherche les étapes d´évaluation et de construction « chemin-faisant » d´une rechercheaction peuvent être prises comme deux processus séparés, elles sont intimement imbriquées. La lecture d´actions précédentes nous a permis de proposer une évaluation plus adaptée au contexte des projets et d´organisations collectives de produits forestiers, ainsi que les résultats de l´évaluation des projets au sein des six coopératives extractives nous ont permis de construire une nouvelle action collective avec la participation des acteurs locaux d´une filière de produits forestiers non-ligneux. 364 BIBLIOGRAPHIE Abrantes, J.S. (2002). Bio (socio) diversidade e empreendedorismo ambiental na Amazônia, Garamond, Rio de Janeiro. Aggeri F., Pezet E., Abrassart C. et Acquier A. (2005). Organiser le développement durable : expériences des entreprises pionnières et formation de règles d’action collective, Vuibert, Paris. Allard-Poesi, F. et Marechal, C. (1999). «Construction de l'objet de la recherche», in Thiétart R.-A. (coord.), Méthodes de recherche en management, Dunod, Paris, pp. 3456. Allard-Poesi, F. et Perret, V. (2003). «La recherche-action», in Giordano Y. 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Nova economia das iniciativas locais: uma introdução ao pensamento pós-global, DP&A, Rio de Janeiro. 379 380 ANNEXES 381 382 Annexe 1 – Les différentes catégories d’aires protégées selon le Système National d’Unités de Conservation. Groupe Catégorie Station Ecologique Réserve Biologique Unités de Protection Intégrale ou d’Usage Indirect Parc National ou Parc Estadual* Monument Naturel Refuge de la vie sylvestre Aire de Protection Environnementale** Aire de rélevant intérêt écologique *** Forêt National Unité d’Usage Direct ou Durable Réserve Extractiviste Réserva de Faune Réserve de Développement Durable Réserve Particulier du Patrimoine Naturel Objectif Préservation de la nature et développement des recherches scientifiques. Préservation Intégrale de la « biota » et d’autres attributs naturels, sans avoir l’interférence humaine directe ou des modifications de l’environnement. Préservation d’écosystèmes naturels ayant une importance écologique et beauté scénique. Préservation des sites naturels rares, singuliers et ayant une grande beauté scénique. Protection des environnements naturels afin d’assurer les conditions pour l’existence ou reproduction d’espèces ou communautés de la flore locale et de la faune résidente ou migratoire. Protection de la diversité biologique, discipliner le processus d’occupation et assurer la durabilité de l’usage des ressources naturelles. Maintien des écosystèmes naturels d’importance régionale ou locale et régulation d’un usage de ces aires compatible avec les objectifs de conservation de la nature. Usage multiple et durable des ressources forestières et recherche scientifique, avec une attention spéciale aux méthodes d’exploitation durable des forêts natives. Protection des moyens de vie et la culture des populations traditionnelles, ainsi qu´assurer l’usage durable des ressources naturelles locales. Développement d’études techniquesscientifiques sur la gestion économique durable des ressources de la faune. Préservation de la nature et assurer les conditions et les moyens nécessaires pour la reproduction et l’amélioration des moyens et de la qualité de vie et exploration des ressources naturelles des populations traditionnelles, ainsi que valoriser, conserver et perfectionner la connaissance et les techniques de gestion de l’environnement développées par ces populations. Aire privée ayant l’objectif de conserver la diversité biologique. N. Total 71 40 174 (53+121) 03 03 152 (40+112) 26 80 (61+19) 23 0 04 336 Source: Elaboré à partir des informations du Système National d’Unités de Conservation SNUC (MMA,2002) et Site Ambientebrasil (http://www.ambientebrasil.com.br/). Consulté le 10/08/2007. * Les objectifs sont les mêmes. La différence réside dans la responsabilité pour la gestion de l’aire protégée. ** Peuvent être National ou de l´état. *** Quand la gestion de la forêt publique est de l’état, elle n’est plus appelée Forêt Nacional, mais Forêt Estadual. 383 Annexe 2 - Graphiques des volumes et des prix d´exportation de la noix du Brésil par le Brésil, la Bolivie et le Pérou 20000 15000 10000 5000 0 Brésil Bolivie 05 04 20 03 20 02 20 01 20 00 20 99 20 98 19 97 19 96 19 95 19 94 19 93 19 92 19 19 19 19 91 Pérou 90 Q u an tité (to n .) Exportations noix-du-brésil (en coquilles) Année Figure 1 – Volume d´exportations de noix du Brésil en coquilles. Source: FAOSTAT. Disponible en http://faostat.fao.org/site/535/DesktopDefault.aspx?PageID=535. Prix unitaire (US$/ton.) - noix en coquilles U S$ 6000 Brésil 4000 Bolivie 2000 Pérou 05 04 20 03 20 02 20 01 20 00 20 99 20 98 19 97 19 96 19 95 19 94 19 93 19 92 19 91 19 19 19 90 0 Année Figure 2 – Prix par tonne de noix en coquilles. Source: FAOSTAT. Disponible en http://faostat.fao.org/site/535/DesktopDefault.aspx?PageID=535. 384 Exportations noix-du-brésil (épelées) 20000 15000 10000 5000 0 Brésil Bolivie 05 04 20 03 20 02 20 01 20 00 20 99 20 98 19 97 19 96 19 95 19 94 19 93 19 92 19 91 19 19 19 90 Pérou Figure 3 – Volume d´exportations de noix du Brésil épelées. Source: FAOSTAT. Disponible en http://faostat.fao.org/site/535/DesktopDefault.aspx?PageID=535. Prix unitaire (US$/ton.) - noix épelées 6000 5000 4000 Brésil 3000 Bolivie 2000 Pérou 1000 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 0 Figure 4 – Prix par tonne de noix épelées. Source: FAOSTAT. Disponible en http://faostat.fao.org/site/535/DesktopDefault.aspx?PageID=535. 385 Annexe 3 - Résumé du Projet Poraqué (Energie renouvelable pour l´Aire de Concession Agraire et Extractive du Maracá) Appel d´Offre Nº 03/2003, Conseil National de Développement Scientifique et Technologique, financé par le CT− −Energ / Ministère des Mines et de l´Energie (MME) Département d´Ingénierie Mécanique / Université de Brasilia, Novembre/2003 Dans de nombreuses régions rurales, notamment en Amazonie, la faible densité démographique et les longues distances font de l´électrification traditionnelle – par extension du réseau électrique - une solution non-viable techniquement et économiquement. L´usage des sources renouvelables d´énergie apparaît alors comme une alternative à ce problème, dans la mesure où la région possède une abondance de ressources à partir de la biomasse, des énergies solaire, éolienne et hydraulique. Cependant, au Brésil, les recherches dans le domaine énergétique ont été davantage concentrées dans la génération et la distribution d´énergie à partir des grands systèmes, responsables de l´approvisionnement du pays. La quête de solutions ponctuelles et de petite échelle, ciblant les nécessités spécifiques des communautés isolées, est encore rare dans la littérature brésilienne. Pour répondre à ces demandes, une équipe de chercheurs du Département d´Ingénierie Mécanique de l´Université de Brasilia, avec l´appui de la Fondation d´Initiatives Scientifiques et Technologiques (FINATEC), a développé une turbine hydrocynétique, capable de fournir de l´énergie suffisante pour des installations requérant jusqu´à 3kW. Le fonctionnement de cette turbine nécessite seulement de l´énergie cinétique des courant des fleuves. En 2001, après avoir pris connaissance du projet de la turbine, les représentants des travailleurs extractivistes d´une aire de concession située en Amazonie brésilienne ont proposé un site pour tester l´équipement. Le site se trouve dans la portion appelée Haut Maracá, dans l´Aire de Concession Agraire et Extractive du Maracá (PAE-Maracá). Dans la région du Haut Maracá habitent 48 familles, distribuées dans 4 communautés, qui vivent de l´agriculture nomade et de l´extractivisme de la noix du Brésil dans des aires collectives. Afin de promouvoir le développement des familles locales, l´association des travailleurs de la Vallée de la rivière Maracá avait l´intention de démarrer des actions pour ajouter de la valeur à l´activité extractive dans la région. L´objectif était celui de créer un site pour l´écoulement et les premiers traitements des produits. A cet effet, la communauté avait l´intention de construire un site pour l´entreposage des noix collectées proche de la chute d´eau du Caranã. Outre le potentiel de génération d´énergie à partir de la chute d´eau, ce site a été choisi car il se trouve sur le chemin de plusieurs extractivistes du PAE-Maracá. De plus, il y avait la perspective de la conclusion d´une voie terrestre qui liait le site autour du Caranã à l´autoroute la plus proche, supposée d´améliorer l´écoulement de produits. 386 En 2002, l´équipe de l´Université de Brasilia a participé à deux missions exploratoires pour évaluer le potentiel d´exploitation hydroénergétique. La possibilité d´utiliser l´énergie hydraulique de la chute du Caranã dans la génération d´énergie électrique a été confirmée. La turbine hydrocinétique qui allait être installée dans le Haut Maracá devrait générer 1 kW d´énergie électrique, afin de répondre à la demande d´un entrepôt et d´une structure minimale de séchage des produits par les extractivistes. D´autres demandes de la communauté, telles l´énergie nécessaire au fonctionnement d´une école ou d´un poste médical pourraient éventuellement apparaître. Le projet Poraqué devrait alors contribuer à la durabilité des activités dans le PAEMaracá, grâce à l´usage des sources renouvelables de génération d´énergie locale, au moyen de technologies innovatrices. Objectif Général : Mettre en oeuvre un projet démonstratif de génération d´énergie électrique à partir de l´énergie cinétique des rivières dans l´Aire de Concession Agraire et Extractive du Maracá et utiliser l´énergie générée en association avec l´énergie solaire thermique dans la filière des produits de la forêt, afin de promouvoir le développement économique local. Objectifs Spécifiques : a) Introduction de technologies innovatrices et l´usage des sources renouvelables d´énergie dans la génération d´énergie électrique dans le PAE-Maracá. b) Renforcement du travail coopératif des communautaires du PAE-Maracá dans les processus de cueillette, manufacture et commercialisation des produits de la forêt, notamment de la noix du Brésil. c) Mener une étude socioéconomique de la localité, avec un diagnostic sur la filière noix du Brésil dans le PAE-Maracá. d) Promouvoir l´engagement d´institutions et du gouvernement local, afin d´insérer les propositions du projet et les demandes des communautés dans un contexte plus large. Et, de ce fait, garantir la continuité du processus de développement qui devrait être déclenché. e) Formation des ressources humaines pour l´opération et la manutention des équipements. f) Promouvoir la création de valeur des activités économiques dans le PAEMaracá, afin de constituer un modèle applicable dans d´autres localités de la région. g) Diffuser la technologie et sa méthodologie d´implantation, afin de garantir la reprise de l´expérience dans d´autres communautés de la région. 387 Annexe 4 – Résumé du Projet Maracastanha (Gestion participative pour la valorisation de la noix du Brésil par les extractivistes du Haut Maraca, état de l’Amapá) Appel d´Offre N.º 26/2005, Conseil National de Développement Scientifique et Technologique, financé par le Ministère de Science et Technologie (MCT), Ministère de l’Environnement (MMA), Secrétariat Spécial d’Aquiculture et Peche (SEAP), Secrétariat Spécial de Promotion de l’Egalité Raciale (SEPPIR). Centre de Développement Durable / Université de Brasilia, Août/2005 Les communautés concernées par le projet ont leur mode de vie basé dans la chasse et dans la pêche, ainsi que dans l´agriculture nomade du manioc et dans l´extraction d´espèces forestières, notamment de la noix du Brésil. Durant la période de novembre à juin, les extractivistes préparent et font la cueillette et le transport de la production des noix, tandis que, de juillet à novembre, ils s´occupent de la production de farine de manioc et de travaux agricoles. La noix du Brésil est un produit typique d´exportation, étant l´une des principales sources de revenu monétaire des communautés rurales en Amazonie. L´extractivisme constitue une alternative à la survivance pour une portion de la population qui vit dans les forêts, en marge des rivières et en marge des bénéfices de grands projets installés en Amazonie, et d´actions de politiques publiques plus larges. L´importance de la noix du Brésil pour la région amazonienne peut être illustrée par les chiffres suivants: - c´est le huitième produit extractif national et le deuxième en Amazonie - le volume commercialisé par an est entre 30.000 et 40.000 tonnes, dont 85% est exporté. Cela montre que l´exploitation de la noix du Brésil est insérée dans un contexte socioéconomique régional, national et international. Cependant, malgré son importance, historiquement, les fruits de l´exploitation de ce produit n´ont pas bénéficié aux communautés extractivistes. Le mécanisme qui maintient cette situation d´exclusion a son origine dans le système d´aviamento, décrit par Filocreão comme «rapport économique qui se donne entre un commerçant qui fournit précédemment les marchandises essentielles à la vie des extracteurs de caoutchouc et de la noix du Brésil, en échange de leur production» (p. 38). En réponse à cette situation d´exploitation, les extractivistes de la Vallée de la rivière Maracá ont déjà réussi à mener quelques changements dans les deux dernières décennies. La première a été la création de l´aire de concession agraire et extractive du 388 Maracá (PAE-Maracá), en 1987. Ils ont surmonté le problème foncier, dans la mesure où l´exploitation collective des ressources du PAE-Maracá a été permis. Dès lors, les communautaires, organisés dans leur Association des Travailleurs du PAEMaracá (Atexma) et avec l´appui du Conseil National des Collecteurs de Caoutchouc (CNS), ont démarré un processus de gestion de l´aire de concession et, malgré les difficultés inhérentes aux processus de mobilisation et de gestion collective, ils ont fait quelques progrès. Avec l´intention d´améliorer l´infrastructure pour l´écoulement de la production de la noix du Brésil dans le Haut Maracá, l´Atexma a construit deux entrepôts dans des sites stratégiques dans la rivière Maracá. Une autre action a été la revendication par les communautaires que le gouvernement local rende disponible une voie terrestre, le ramal du Caranã. Cette voie, prévoyant de lier les communautés proches à la chute d´eau du Caranã à l´autoroute BR-156, allait, une fois terminée, diminuer la distance de l´écoulement de la production, en évitant que les extractivistes utilisent plus de 10 chutes d´eau de la rivière Maracá pou arriver à la Vila Maracá, la portion la plus urbanisée du PAE-Maracá. Le ramal du Caranã a été partiellement construit et actuellement l´Atexma est mobilisée pour garantir sa conclusion auprès des autorités locales. Une autre action prévue dans la chute d´eau du Caranã est la mise en oeuvre d´un projet démonstratif du Ministère des Mines et de l´Énergie (MME), de la génération d´énergie aux communautés rurales en Amazonie à partir des sources renouvelables. Il est prévue l´installation d´une microcentrale pour la génération d´énergie électrique à partir d´une turbine hydrocinétique installée dans la chute d´eau du Caranã. Ce type d´équipement sera le premier en région amazonienne. L´action fait partie du Projet Poraqué, qui a pour but l´utilisation de l´énergie électrique générée à partir de l´énergie cinétique de la rivière, associée avec l´énergie solaire thermique, dans les filières de produits de la forêt. Ces actions prévues font partie d´une demande des communautaires pour la création d´une meilleure infrastructure pour l´écoulement et la manufacture de la production de la noix du Brésil dans le Haut Maracá. La socialisation des connaissances concernant l´utilisation de ces nouvelles technologies, ainsi que la gestion de la structure par les extractivistes pourront se faire avec la contribution de professeurs et d´élèves de l´école-famille du Maracá. De cette manière, on espère que les extractivistes deviennent moins dépendants des agents intermédiaires et que des conditions pour l´émergence et la consolidation d´un travail coopératif et communautaire soient favorisées. Le projet Maracastanha a été proposé, dans le but d´appuyer la pérennité de l´usage de la structure de génération d´énergie électrique à partir d´une turbine hydrocinétique installée dans la chute d´eau du Caranã, dans la rivière Maracá. Il se propose aussi de sensibiliser les communautés qui dépendent de l´extractivisme de produits de la forêt quant à la création de valeur aux processus liés à l´exploitation, à partir de l´introduction d´innovations technologiques et de la participation des communautaires dans toutes les étapes du projet. Les spécificités historiques et actuelles des communautés concernées ont dû aussi être prises en considération. 389 Objectif Général : Construire une nouvelle configuration locale pour la participation des extractivistes du Haut Maracá dans la filière noix du Brésil. Objectifs Spécifiques : a) Appuyer la construction d’un modèle de gestion par la communauté, afin qu’elle b) c) d) e) f) g) s’organise autour d’une structure minimale avec les procédures de séchage. Cette structure doit servir comme pilote dans la région, en faisant l’usage d’une source d’énergie renouvelable. Promouvoir l’amélioration de la qualité de la noix du Brésil par l’introduction des techniques de conservation, d´entreposage et de transport, plus adaptées au groupe. Identifier des mécanismes qui puissent diminuer la dépendance et la vulnérabilité des extractivistes par rapport aux agents intermédiaires. Rendre possible la conservation des ressources naturelles à partir de la cueillette durable du produit. Encourager le débat sur l’importance d’une meilleure organisation d’extractivistes comme une stratégie de valorisation de leurs produits. Encourager la participation des jeunes générations d’extractivistes à partir de la coopération avec l’école famille locale. Appuyer la continuité de l’usage d’une structure de génération d’énergie alternative installée. 390 Annexe 5 – Listes des personnes interviewées Amapá – Spécialistes et d’autres acteurs contactés 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 Nom Pedro Ramos Organisation Conseil National des Collecteurs de Caoutchouc (CNS) Joselito Abrantes Institut de Recherche Scientifique et Technologiques de l’état de l’Amapá Fonction Membre Fondateur Directeur du Centre d’Incubation d’entreprises et coopératives de l’Amapá - CIEE (2003-2005) Maria Marta Institut de Recherche Responsables pour les formations et Oliveira Scientifique et Technologique de appui aux coopératives dans le Centre l’état de l’Amapá d’Incubation d’entreprises et coopératives de l’Amapá José Carlos Institut Brésilien des Ressources Directeur du Centre National du Marmitão Naturelles et Renouvelables / Développement Durable des état de l’Amapá Populations Traditionnelles Elizeu Cardoso Organisation des Coopératives Président Viana Brésiliennes / état de l’Amapá Grayton Toledo ONG Amis de la Terre / état de Directeur l’Amapá Alfredo Silveira Délégation Fédérale de Délégué et Assesseur/Assistant, et Wilson da l’Agriculture / état de l’Amapá respectivement Silva Moraes Valéria Bezerra Entreprise Brésilienne de Chercheur – Science et Technologie Recherche Agronomique / état d’Aliments de l’Amapá Nilson Sgarbiero Institut des Recherches Ancien Directeur du CIEE Scientifiques et Technologiques de l’état de l’Amapá Sueli INCRA Consultante Technicien responsable par la Jeferson Institut Brésilien des Ressources Naturelles et Renouvelables / production des extractivistes dans le état de l’Amapá Centre National du Développement Durable des Populations Traditionnelles Maciel SESCOOP Responsable Jesse James SEMA Responsable par la gestion des aires de conservation de l’état Valéria Bezerra Entreprise Brésilienne de Chercheur – Science et Technologie Recherche Agronomique / état d’Aliments de l’Amapá Pedro Ramos Conseil National des Collecteurs Membre Fondateur de Caoutchouc (CNS) Lilian Délégation Fédérale de Spécialiste l’Agriculture / état de l’Amapá Rejane SEBRAE Consultante Date 19/10/2003 10/09/2003 10/09/2003 15/09/2003 12/09/2003 19/09/2003 18/09/2003 17/09/2003 18/09/2003 17/02/2005 01/03/2005 09/03/2005 01/03/2005 02/03/2005 02/03/2005 09/03/2005 10/03/2005 391 Amapá – Spécialistes et d’autres acteurs contactés 1 2 3 4 5 6 7 Nom Aristoteles Viana Organisation Fonction Institut de Recherche Chercheur du Zonage EcologiqueScientifique et économique de l’Amapá Technologique de l’état de l’Amapá Jofre Kfouri Entreprise Brésilienne de Chercheur – Socioéconomie agricole Recherche Agronomique Carmozene Institut de Recherche Responsables pour les formations et appui Scientifique et aux coopératives dans le Centre Technologique de l’état de d’Incubation d’entreprises et coopératives l’Amapá de l’Amapá Ricardo Vilhena Institut de Recherche Directeur du Centre d’Incubation Scientifique et d’entreprises et coopératives de l’Amapá Technologique de l’état de (2006-2008) l’Amapá Alcinéia Ferreira Ecole-famille de Maraca Directrice (2006) Valdeci Ecole-famille de Maraca Directeur (2007) Irene Mairie du Municipe de Représentant locale Mazagão Date 19/09/2003 26/09/2003 13/10/2003 04/08/2006 17/12/2006 17/05/2007 18/05/2007 Amapá – Acteurs de la filière 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Nom Mauro Mutran Occupation Propriétaire de l’Usine Mauro Mutran Ronaldo Santos Chargé d’Exportation et Importation - Usine Jorge Mutran Lauro Valeriano Travailleur extractiviste Francisco Bastos Travailleur extractiviste Sidralino Santa Travailleur extractiviste Rosa Valderi Agent Intermédiaire Delbanor Mello Travailleur extractiviste Viana (COMARU) Mauro Travailleur extractiviste Tereza Travailleuse extractiviste Saba Travailleur extractiviste (COMARU) Sabazinho Extractiviste et directeur de production de la Cooperalca Regilina Vicente Travailleuse extractiviste de Souza José Antonio dos Extractiviste Associé de la Santos Cooperalca Amarildo Gomes Travailleur extractiviste Almeida Natanael Président Cooperalca Local Belém – état du Para Belém – état du Para Date 24/03/2005 PAE-Maracá PAE-Maracá PAE-Maracá 22/02/2005 23/02/2005 23/02/2005 Laranjal do Jari Resex Iratapuru 04/03/2005 05/03/2005 Resex Iratapuru Resex Iratapuru Resex Iratapuru 06/03/2005 06/03/2005 07/03/2005 Resex Cajari 12/03/2005 Resex Iratapuru 12/03/2005 Resex Cajari 12/03/2005 Resex Cajari 12/03/2005 Resex Cajari 12/03/2005 20/03/2005 392 Amapá – Acteurs de la filière (Continuation) 16 17 Nom Maria Helena e Lauro Valeriano Livramento 18 Lucimar 19 Iaci 20 Julio Ramos da Silva 21 Tiago Taveira Dias 22 Edivaldo Viana do Amaral Francisco Ambrosio de Paula Maremilton Nazario dos Anjos Nilton José dos Anjos Pedro Saraiva da Luz 23 24 25 26 27 Carlos Alcântara 28 30 Francisco Trindade da Silva Otoniel de Souza Rodrigues Sidralino 31 Pedro Acelino 32 Chico Valente 33 Elias Santa Rosa et épouse 34 Pisa 35 Lili 29 Occupation Artisane pâtisserie et Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste et acheteur des noix pour les agents intermédiaires Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Travailleur Extractiviste Agent Intermédiaire Agent Intermédiaire Travailleur Extractiviste Agent Intermédiaire Agent Intermédiaire Local PAE Maracá Date 29/07/2005 PAE Maracá 29/07/2005 PAE Maracá 29/07/2005 PAE Maracá 30/07/2005 PAE Maracá (Communauté de Maruim) PAE Maracá (Communauté de Pacumê) 27/09/2005 27/09/2005 PAE Maracá 28/09/2005 PAE Maracá 28/09/2005 PAE Maracá (Varador) PAE Maracá (Varador) PAE Maracá (Varador – confirmer) PAE Maracá (Varador) PAE Maracá (Caranã) PAE Maracá (Varador) PAE Maracá (Caranã) PAE Maracá (Vila Maracá) PAE Maracá (Vila Maracá) PAE Maracá (Communauté de Flexal) PAE Maracá (Vila Maracá) PAE Maracá (Communauté de Flexal) 28/09/2005 28/09/2005 28/09/2005 et 16/05/2007 29/09/2005 29/09/2005 29/09/2005 30/09/2005 01/02/2007 et 17/05/2007 16/05/2007 17/05/2007 17/05/2007 17/05/2007 393 Acre – Spécialistes et d’autres acteurs contactés 1 2 3 4 5 6 7 Nom Gerliano Mouzinho Nunes Organisation Fonction Secrétariat de Gestion de la noix du Brésil dans l’état de l´Extractivisme et de la l’Acre Production Familiale (SEPROF) Jorge Fadel Secrétariat Municipal Secrétaire (avant il a été le responsable par d’Agriculture et les projets dans le Gouvernement de l’état) Environnement (SEMEIA) Lucia Wadt Entreprise Brésilienne de Chercheur – spécialiste en gestion Recherche Agronomique / forestière état de l’Acre João Tezza ECOAMAZON Directeur Général Ronei Menezes PESACRE Directeur Général Santana Gardênia de Centre des Travailleurs de Consultante Oliveira Sales l’Amazonie (CTA) Ana Euler WWF / état de l’Acre Directeur Date 21/07/2005 25/07/2005 21/07/2005 25/07/2005 22/07/2005 25/07/2005 25/07/2005 Acre – Spécialistes et d’autres acteurs contactés 1 2 3 4 Nom Organisation Fonction Adriana da Silva Secrétariat de l’état d’appui Managers d’Appui Technique en Foresterie et Maristela Technique et Extension en Rezende Foresterie (SEATER) (entretien pris ensemble) Idaildo Souza Secrétariat de Technicien Spécialiste en Comptabilité l´Extractivisme et de la Production Familiale (SEPROF) Juvino Ferreira Institut Brésilien des Technicien du Centre National du da Silva Netto Ressources Naturelles et Développement Durable des Populations Renouvelables / état de Traditionnelles l’Acre Vilani Alves da Institut Brésilien des Technicien du Centre National du Costa Ressources Naturelles et Développement Durable des Populations Renouvelables / état de Traditionnelles l’Acre Date 18/07/2005 20/07/2005 25/07/2005 25/07/2005 394 Acre – Acteurs de la filière (entretiens informels et formels) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Nom Luis Pereira Occupation Local Xapuri Président de la Coopérative Agroextractiviste de Xapuri (CAEX) Salustiano Directeur de Production de Xapuri la CAEX Divino Président de la Coopérative Brasiléia (CAPEB) Sérgio Alécio Manager Responsable par le Brasiléia Consortium « Castanheira » Raul Alvarez Propriétaire et Manager de Cobija – Bolivie Production de l’Usine Tahuamanu Manoel Monteiro Vice-président de la Central Rio Branco de Commercialisation de produits extractifs de l’état de l’Acre (COOPERACRE) Nuria Guerreiro Responsable pour le Rio Branco et José Luis développement des (entretien prit nouveaux produits et ensemble) propriétaire de l’Usine d’Aliments Miragina Carmem Pereira Travailleuse extractiviste Communauté Rio Branco – Resex Chico Mendes Zé « Peruano » Spécialiste Coopérative Chico Mendes (Italie) Celso Custodio Travailleur extractiviste Communauté Porangaba Raimundo Travailleur extractiviste Communauté Bezerra da Silva Porangaba Date 19//07/2005 19//07/2005 20/07/2005 20/07/2005 20/07/2005 21/07/2005 22/07/2005 23/07/2005 23/07/2005 24/07/2005 24/07/2005 Spécialistes et d’autres acteurs contactés – D’autres locaux (entretiens informels et formels) 1 Nom Alfredo Homma 2 Barroso 3 Luzia Organisation Fonction Date Entreprise Brésilienne de Chercheur en économie de l’extractivisme Octobre/2003 Recherche Agronomique / état du Para Délégation Fédérale de Spécialiste Septembre/2003 l’Agriculture / état du Para Ministère de l’Agriculture Spécialiste Septembre/2003 395 Annexe 6 – Questions pour l´orientation des entretiens A) Etude exploratoire de la filière dans l’état de l’Amapá – plus concentré sur les problèmes de qualité et pour identifier des conflits au sein des organisations coopératives et le niveau d’interférence de l’Etat) Objectif des entretiens : savoir les principales raisons du haut niveau de contamination des noix par l’aflatoxine, mais aussi d’identifier des problèmes de gestion au sein des coopératives et de dépendance de ces organisations par rapport à l’Etat.  Entretiens avec les extractivistes (Questions « standards ») 1 – Pouvez-vous expliquer comment fonctionne l’exploitation de la noix du Brésil ? 2 – D’après vous, quels sont les principaux problèmes de la filière noix du Brésil (au moins dans votre région)? 3 – Etes-vous associé à la coopérative ? 4 – Si non, pour quoi ? 5 – Vous vendez votre produit à qui ? 6 – Pouvez vous estimer la quantité de produits (noix du Brésil) perdus en fonction des difficultés de transport et entreposage ?  Entretiens avec les responsables par les coopératives (Questions « standards ») 1 – D’après vous, quels sont les principaux problèmes de la filière noix du Brésil (dans l’état) ? 2 – Quels sont les clients de la coopérative ? 3 – Pouvez vous estimer la quantité de produits (noix du Brésil) perdus en fonction des difficultés de transport et entreposage ?  Entretiens avec les agents intermédiaires – il n’a pas été possible d’interviewé ces acteurs durant l’étude exploratoire, une fois que la recherche a été conduite à la fin de la saison de cueillette et la plupart était en plein travail pour finaliser le transport aux entreprises d’exportation à Belém.  Entretiens avec les clients des coopératives 1 – Depuis quand vous achetez des noix de telle coopérative ? 2 – D’après vous, quels sont les principaux problèmes de la filière noix du Brésil? 3 – D’après vous, quelles sont les principales difficultés de telle coopérative pour garantir les produits demandés ? 396  Entretiens avec des spécialistes ou d’autres acteurs liés à la filière noix du Brésil (Institutions publiques, ONG, Universités et Institutions de Recherche) Pas de guide d’entretien, mais dans les rencontres avec ces personnes, la question centrale était autour des principaux points de blocage dans la filière noix du Brésil dans l’état et les principaux problèmes liés à la gestion des coopératives. Les questions suivantes étaient faites en fonction des réponses. B) Evaluation des projets menés au sein des coopératives extractives Objectif des entretiens : identifier les principaux problèmes dans la conception et conduction des projets C) Etude exploratoire sur l’exploitation de la noix du Brésil dans le PAE Maraca Objectif des entretiens : identifier les principaux acteurs liés à la filière dans le PAEMaraca et prendre l’historique de l’exploitation et des processus traditionnels utilisés dans la région. La plupart des entretiens a été informels, où les sujets principaux traités consistaient les principaux acteurs, les principales activités et difficultés pour le transport, entreposage et commercialisation, ainsi comme les transformations locales et de processus par rapport à d’autres périodes. D) Evaluation ex-ante pour le Projet Maracastanha Objectif des entretiens : faire un diagnostic socioéconomique des familles de communautaires qui allaient participer au projet, identifier d’autres spécificités liés à l’exploitation de la noix du Brésil et d’autres produits extractives ou agricoles, savoir le niveau de connaissance sur les principes/règles de l’associativisme/coopératisme, ainsi comme savoir les expectatives des communautaires sur les propositions du Projet Maracastanha.  Entretiens avec les extractivistes - Questionnaire appliqué aux familles – Haut Maraca Informations Générales * Nom de l’interviewé / Age / Fonction dans la famille * Nom et age de tous les membres de la famille * Nom de la localité ou habite * Temps qui habite dans cette localité * Origine de la famille et date d’arrivé dans la région 397 Structure Familiale * Nombre d’enfants * Combien de personnes habitent à la maison? * Quelles sont les activités des femmes ? * Vos enfants jeunes travaillent aussi? En quelle activité ? * Revenus total annuels * Revenus exclusifs de l’extraction de la noix du Brésil * Quels sont les membres de la famille avec plus de scolarité? * Quels sont les membres de la famille qui étudient? Où ils étudient ? Prix et volumes des ventes des produits * Volume moyen vendu de noix du Brésil et d’autres produits importants pour les revenus familiales * Prix de vente de la noix du Brésil en 2006 et dans l’année précédente * Trouvez-vous que les prix ont changé? Et pour quels produits ? Structure d’exploitation de la noix du Brésil dans le PAE Maraca * Depuis quand vous travaillez dans la cueillette de la noix du Brésil? * Quels sont vos acheteurs? * Avez-vous des pertes de produits collectés ? Combien environ par saison ? * Quels autres produits, en plus de la noix du Brésil sont collectés ? Quel est le volume moyen de chacun ? * Quels sont les produits que vous plantez? Quel est le volume moyen ? * Combien vous vendez de ces produits (collectés et plantes)? * Y-a-t-il des produits échangés avec d’autres communautaires? Sur la nouvelle configuration (Implantation du modèle) * Pour vous, qu’elle serait la meilleure façon de commercialiser la noix du Brésil? Comment sériez-vous satisfait ? * Si une meilleure structure de vente et de prix de la noix du Brésil était installée, qu’aimerez-vous faire dans cette structure? * Croyez-vous que les conditions d’exploitation de la noix du Brésil sont en trains d’améliorer? Pour quoi ? * Dans votre opinion, qu’est-ce que votre association doit faire pour la communauté? * Et une coopérative? Savez-vous la différence pour une coopération? * Pour quoi il n’a pas encore été créé une coopérative – comme dans la Resex Cajari et dans la RSD Iratapuru - dans le PAE Maracá ? * Etes-vous intéresse à devenir membre d’une des coopératives du Cajari ou Iratapuru ? Pour quoi ? Durabilité de la nouvelle configuration * D’après vous, pourquoi il y a des projets qui n’ont pas eu du succès au sein de ces coopératives? * D’après vous, quelle est la structure d’exploitation qui peut fournir des meilleurs revenus aux extractivistes? * D’après vous, qu’est-ce qui a plus d’influence sur les prix de commercialisation de la noix du Brésil? Pour quoi ? * Avez-vous déjà travaillé avec d’autres extractivistes (en groupe/mutirao)? Trouvezvous qui c’est possible? Pour quoi? 398 * Avez-vous déjà note quelque changement dans la forêt depuis que vous travaillé dans la cueillette de la noix du Brésil? Laquelle et pour quoi ? * Qu’est-ce que avez vous appris sur l’exploitation de la noix du Brésil avec vos parent/grand-parents ? * D’après vous, qu’est-ce qui est plus important d’être gardé pour les nouvelles générations ? * D’après vous, qu’est-ce que a déjà changé dans l’exploitation de la noix du Brésil? Pour quoi ? * Avez-vous toujours exploité de la noix du Brésil dans le même site ? Pour quoi ? * Si les agents intermédiaires n’éxistaient pas, pensez-vous que l’exploitation de la noix du Brésil pouvait être faite dans les mêmes sites qu’actuellement ? 399 400 INDEX DES FIGURES Figure 1.1. Les éléments associés au contexte du terrain de la recherche. ................... 23 Figure 1.2. Fonctionnement de l'aviamento dans les filières extractives....................... 30 Figure 1.3. La castanheira chargée de ouriços. ........................................................... 63 Figure 1.4. Des ouriços accumulés dans la forêt pour la retraite de la noix du Brésil. .. 64 Figure 1.5. Les régions d´occurrence de la noix du Brésil............................................ 65 Figure 1.6. Carte du Brésil. ......................................................................................... 65 Figure 1.7. Le transport de la noix du Brésil par la route. ............................................ 68 Figure 1.8. Le transport de la noix du Brésil par le fleuve............................................ 68 Figure 1.9. Les principaux produits dérivés de la noix du Brésil.................................. 70 Figure 1.10. Les rapports entre les différents agents au sein de la filière de la noix du Brésil. ......................................................................................................................... 71 Figure 1.11. Estimation des débouchés des noix du Brésil collectées par les communautés de la Réserve Extractive du Cajari pour l´année 2003. .......................... 74 Figure 1.12. Estimation des débouchés des noix du Brésil collectées par les communautés de la Réserve de Développement Durable Iratapuru pour l´année 2000. 74 Figure 1.13. Le « cercle vicieux » des difficultés de la filière noix du Brésil à l’Amapá. ................................................................................................................................... 80 Figure 2.1. Les allers-retours de la recherche............................................................... 93 Figure 2.2. Localisation des états brésiliens où ont été menées les études de cas........ 103 Figure 2.3. Localisation du site où la recherche-action a été menée. ......................... 110 Figure 2.4. Localisation des coopératives de l’Amapá. .............................................. 113 Figure 2.5. Localisation des coopératives de l’Acre................................................... 118 Figure 2.6. Les questions et propositions et les paradigmes épistémologiques associés. ................................................................................................................................. 148 Figure 2.7. Chronologie de la recherche. ................................................................... 150 Figure 3.1. Liens entre questions de recherche, propositions et dimensions évaluées. 203 Figure 3.2. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P1. .................. 204 Figure 3.3. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P2. .................. 207 Figure 3.4. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P3. .................. 210 Figure 3.5. Liens entre proposition, dimension et items évalués pour P4. .................. 214 Figure 4.1. Émergence du cadre théorique................................................................. 231 Figure 4.2. Les différentes formes d´empowerment et le réseau de relations d´empowerment......................................................................................................... 235 Figure 4.3. Le processus d´empowerment.................................................................. 236 Figure 4.4. Les liens entre les concepts d´empowerment, auto-organisation et autogestion................................................................................................................ 245 Figure 4.5. Schéma des agents et produits dérivés au sein de la filière noix du Brésil.259 Figure 4.6. Représentation des acteurs de la supply chain de la noix du Brésil........... 264 Figure 4.7. Membres d’un système productif local. ................................................... 280 Figure 4.8. La « web d´acteurs » d´un réseau de la noix du Brésil, avec des ressources et activités associées. .................................................................................................... 282 Figure 4.9. Les dimensions du changement au sein d´un réseau................................. 283 Figure 4.10. Possibilités d´émergence des processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion à partir des changements au sein d´un réseau. ..................................... 290 Figure 5.1. Carte du PAE-Maraca. ............................................................................ 297 Figure 5.2. Les difficultés pour monter la rivière Maraca. ......................................... 298 Figure 5.3. Les difficultés pour descendre la rivière Maraca...................................... 298 Figure 5.4. Chronologie générale de la démarche de recherche-action. ..................... 306 401 Figure 5.5. Liens entre les facteurs de succès et facteurs d´échec et les objectifs et méthodes utilisées dans la recherche-action............................................................... 316 Figure 6.1. L´accumulation d´expériences entre projets............................................. 344 Figure 6.2. Des étapes à être suivies par des chercheurs (-acteurs) intéressés par des démarches similaires de recherche-action pour la promotion du développement local. ................................................................................................................................. 346 402 INDEX DES TABLEAUX Tableau 1.1. Principaux obstacles aux projets de valorisation des PFNL. .................... 61 Tableau 1.2. Les principaux problèmes identifiés dans l´étude exploratoire concernant la filière noix du Brésil. .................................................................................................. 81 Tableau 2.1. Périodes des missions de terrain pour la réalisation des évaluations des projets....................................................................................................................... 105 Tableau 2.2. Orientations pour l’évaluation des projets. ............................................ 107 Tableau 2.3. Informations générales sur les coopératives évaluées dans l’état de l’Amapá.................................................................................................................... 113 Tableau 2.4. Informations générales sur les coopératives analysées dans l’état de l’Acre. ................................................................................................................................. 117 Tableau 2.5. Les documents de base de l’analyse des données secondaires................ 121 Tableau 2.6. Les principales technologies développées pour la valorisation de la noix du Brésil dans les états de l'Acre et de l'Amapá. ............................................................. 126 Tableau 2.7. Les actions proposées par le Programme Noix du Brésil à l'Amapá....... 129 Tableau 2.8. Aspects retenus de l´étude exploratoire et des évaluations précédentes.. 134 Tableau 2.9. Questions et propositions de recherche.................................................. 147 Tableau 3.1. Indicateurs utilisés dans l’évaluation des dimensions du développement durable...................................................................................................................... 175 Tableau 3.2. Indicateurs utilisés dans l´évaluation de la dimension organisationnelle des coopératives.............................................................................................................. 176 Tableau 3.3. Informations concernant la situation des six coopératives analysées entre septembre 2003 et septembre 2006........................................................................... 177 Tableau 3.4. Critères choisis pour l’évaluation des cas de coopératives. .................... 178 Tableau 3.5. Evaluation de la dimension écologique dans les cas étudiés. ................. 180 Tableau 3.6. Synthèse de l´évaluation de la dimension écologique. ........................... 180 Tableau 3.7. Evaluation de la dimension économique dans les cas étudiés. ............... 183 Tableau 3.8. Synthèse de l´évaluation de la dimension économique. ......................... 184 Tableau 3.9. Evaluation de la dimension spatiale/territoriale dans les cas de coopératives analysés. ................................................................................................................... 184 Tableau 3.10. Synthèse de l´évaluation de la dimension spatiale. .............................. 184 Tableau 3.11. Evaluation de la dimension politico-institutionnelle concernant les cas de coopératives analysées. ............................................................................................. 186 Tableau 3.12. Synthèse de l´évaluation de la dimension politico-institutionnelle. ...... 186 Tableau 3.13. Evaluation de la dimension culturelle concernant les cas de coopératives analysées................................................................................................................... 188 Tableau 3.14. Synthèse de l´évaluation de la dimension culturelle............................. 188 Tableau 3.15. Evaluation des aspects concernant la filière noix du Brésil. ................. 191 Tableau 3.16. Synthèse de l´évaluation des aspects concernant la filière de la noix du Brésil. ....................................................................................................................... 191 Tableau 3.17. Evaluation de la gestion et de la représentation des acteurs locaux sur la Supply Chain de la noix du Brésil. ............................................................................ 193 Tableau 3.18. Synthèse de l´évaluation des aspects concernant la supply chain de la noix du Brésil. .................................................................................................................. 193 Tableau 3.19. Evaluation de la filière noix du Brésil vers un Système Productif Local ................................................................................................................................. 195 Tableau 3.20. Synthèse de l´évaluation des aspects concernant le système productif local de la noix du Brésil........................................................................................... 195 403 Tableau 3.21. Bilan des évaluations concernant les dimensions du développement durable...................................................................................................................... 195 Tableau 3.22. Bilan des évaluations concernant la dimension organisationnelle. ....... 196 Tableau 3.23. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q1P1. ............................................................................................................................ 200 Tableau 3.24. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q1P2. ............................................................................................................................ 201 Tableau 3.25. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q1P3. ............................................................................................................................ 202 Tableau 3.26. Justificatif du choix des Items d´évaluation pour soutenir le couple Q2P4. ............................................................................................................................ 202 Tableau 3.27. Facteurs de succès constatés dans les évaluations des coopératives extractives................................................................................................................. 219 Tableau 3.28. Facteurs d´échec constatés dans les évaluations des coopératives extractives................................................................................................................. 220 Tableau 4.1. Processus de production........................................................................ 233 Tableau 4.2. Les principaux acteurs et liens entre eux au sein de la supply chain de la noix du Brésil. .......................................................................................................... 266 Tableau 4.3. Les spécificités et les similarités entre les concepts de filière, supply chain et réseau.................................................................................................................... 286 Tableau 4.4. Principaux décalages entre supply chain classique et supply chain traditionnelle............................................................................................................. 287 Tableau 5.1. Les phases d’exploitation de la noix du Brésil dans la Vallée de la rivière Maraca...................................................................................................................... 299 Tableau 5.2. Aspects à assurer dans la proposition de la recherche-action dans le PAEMaracá...................................................................................................................... 313 Tableau 5.3. Aspects à éviter dans la proposition de la recherche-action dans le PAEMaracá...................................................................................................................... 314 Tableau 5.4. Des missions et événements importants du projet Maracastanha entre 2005 et 2007...................................................................................................................... 318 Tableau 5.5. Mobilisation du cadre théorique dans la recherche-action...................... 332 Tableau 6.1. Apports scientifiques, acteurs concernés et recommandations d´application. ............................................................................................................ 341 Tableau 6.2. Apports managériaux, acteurs concernés et recommandations d´application. ............................................................................................................ 343 Tableau 6.3. Descriptions des étapes à être suivies par d´autres équipes participant à des recherches-action dans des contextes similaires......................................................... 346 Tableau 6.4. Apports méthologiques, acteurs concernés et recommandations d´application. ............................................................................................................ 347 Tableau 6.5. Liens entre apports, limites et perspectives de la recherche. .................. 356 404 INDEX DES ENCADRES Encadré 1.1. Les principaux cycles extractives : évolution jusqu´à l´importance stratégique de l´extractivisme pour la conservation des forêts...................................... 37 Encadré 1.2. Mise en contexte du concept de développement durable ......................... 47 Encadré 1.3.Unités de conservation des ressources naturelles et socioculturelles......... 55 Encadré 2.1. Coopérative Mixte des Agroextrativistes de Laranjal do Jarí................. 114 Encadré 2.2. Coopérative Mixte des Producteurs et Extractivistes de la Rivière Iratapuru (Comaru) .................................................................................................................. 115 Encadré 2.3. Coopérative des Producteurs de Noix du Brésil du Haut Cajari............. 116 Encadré 2.4. Coopérative Agroextractiviste de Xapuri .............................................. 119 Encadré 2.5. Coopérative des Agriculteurs et Producteurs Extractivistes d’Epitaciolândia et de Brasiléia (Capeb).................................................................... 119 Encadré 2.6. Coopérative Centrale de Commercialisation Extractiviste de l’Etat de l’Acre (Cooperacre) .................................................................................................. 120 Encadré 4.1. Les différents types de processus de production.................................... 232 Encadré 4.2. Empowerment, auto-organisation et autogestion:des éléments centraux 244 Encadré 4.3. Bref notice sur les versions anglaise, française et portugaise pour les termes filière, chaîne d´approvisionnement, réseau et système productif local........... 251 405 LISTE DES ABREVIATIONS ANAC – Agence d´Affaires de l´Acre APL – Arrangement Productif Local ARA – Activities, Resources and Actors ATEXMA – l’Association des Travailleurs de l’Aire de Concession Agroextractiviste Maraca BPA – Bonnes Pratiques Agricoles CAEX – Coopérative Agroextractiviste de Xapuri CAPEB – Coopérative des Agriculteurs et Producteurs Extractivistes d’Epitaciolândia et de Brasiléia CIETEC – Centre d’Incubation d’Entreprises et des Coopératives CIRAD – Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement CNPq – Conseil National de Développement Scientifique et Technologique CNPT – Centre National de Développement Soutenu des Populations Traditionnelles CNS – Conseil National des Seringueiros (Collecteurs de Caoutchouc) COMAJA – Coopérative Mixte des Agroextrativistes de Laranjal do Jarí COMARU – Coopérative Mixte des Producteurs et Extractivistes de la Rivière Iratapuru CONAB – Compagnie Nationale d´Approvisionnement COOPERACRE – Coopérative Centrale de Commercialisation Extractiviste de l’Etat de l’Acre COOPERALCA – Coopérative des Producteurs de Noix du Brésil du Haut Cajari COOPFLORA – Coopérative Centrale de Produits de la Forêt CTENERG – Fond Sectoriel d’Énergie Électrique DETUR – Agence de Promotion du Tourisme de l’Amapá FAO – Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FFEM – Fond Français pour l’Environnement Mondiale FINEP – Agence de Financement d´Etudes et de Projets (attachée au MCT) FS – Facteur de Succès FE – Facteur d´Echec FSC – Forest Stewardship Council FUNDAP – Fondation de l´Etat de l´Amapá HACCP – Analyse des Risques et Maîtrise des Points Critiques IBAMA – Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables IBGE – Institut Brésilien de Géographie et Statistique ICV – Indice des Conditions de Vie IDH – Indice de Développement Humain IDHM – Indice de Développement Humain Municipal IEPA – Institut des Recherches Scientifiques et Technologiques de l’Etat de l’Amapá INCRA – Institut National de Réforme Agraire IPEA – Institut de Recherche Économique Appliquée MAPA – Ministère de l’Agriculture, Elevage et Approvisionnement MCT – Ministère des Sciences et Technologie MDA – Ministère du Développement Agraire MDIC – Ministère du Développement, de l´Industrie et du Commerce Extérieur MDS – Ministère de Développement Social MMA – Ministère de l´Environnement 406 MME – Ministère des Mines et de l´Energie OCB – Organisation des Coopératives Brésiliennes ONG – Organisation non Gouvernementale ONU – Organisation des Nations Unies PAA – Programme Brésilien d’Acquisition d’Aliments PAE – Projet de Concession pour l´activité Extractive PAS – Programme Aliment Sain PDA – Projet Démonstratif Type A PFNL – Produit Forestier Non-Ligneux PME – Petites et Moyennes Entreprises PMI – Petites et Moyennes Industries PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement PP-G7 – Programme Pilote de Protection des Forêts Tropicales RAEFAP – Réseaux d´Ecoles-famille de l´Amapá RDS-I – Réserve de Développement Durable de la Rivière Iratapuru RESEX – Réserve Extractive SC – Supply Chain SCM – Supply Chain Management SCO – Supply Chain Orientation SCOP – Sociétés Coopératives de Production SEATER – Secrétariat d´Assistance Technique et Extension en Agroforesterie SEBRAE – Service Brésilien d´Appui à la Petite et Moyenne Entreprise SEICOM – Secrétariat de l’Industrie et Commerce de l’Amapá SEMA – Secrétariat de l’Environnement de l’Amapá SENAI – Service National d´Apprentissage Industriel SEPROF – Secrétariat Local de Promotion de la Production Familiale SESCOOP – Service National d’Apprentissage des Coopératives SETEC – Secrétariat de Science et Technologie de l´Amapá SNUC – Système National d´Unités de Conservation SPL – Système Productif Local SYAL – Système Agroalimentaire Localisé TBL – Triple Bottom Line UC – Unité de Conservation UnB – Université de Brasília WWF – World Wide Fund for Nature 407 TABLE DES MATIERES Introduction Générale.................................................................................................. 9 Partie I - Contexte du terrain, problématique et évaluation des stratégies de développement local au sein de la filière noix du Brésil ............................................ 17 Introduction de la Partie I .................................................................................... 19 Chapitre 1 - De cycles prédateurs aux projets de conservation à partir de la valorisation des produits: le rôle des produits forestiers dans le développement de l’Amazonie ..... 21 1.1) Les cycles extractifs en Amazonie : apogée, décadence et nouvelles ............ 24 perspectives ........................................................................................................... 24 1.1.1) De drogues du Sertão jusque à la décadence du caoutchouc : des héritages laissés ................................................................................................ 26 1.1.2) De produits mineurs à des protagonistes de stratégies de conservation : les nouvelles perspectives pour les filières de PFNL ........................................ 32 1.2) Le substantif « développement » et l´adjectif « durable »: une antinomie?. 37 1.2.1) Combien de dimensions pour évaluer le développement durable et la durabilité? ......................................................................................................... 41 1.2.2) Quel développement (durable) pour l’Amazonie? ................................. 45 1.3) Les aires protégées et les populations traditionnelles au Brésil: la conservation de notre avenir?............................................................................... 47 1.3.1) Le chemin jusqu’au «Système National d’Unités de Conservation» (SNUC)............................................................................................................... 47 1.3.2) Les populations traditionnelles et l’exploitation des ressources naturelles dans les UC d’Usage Direct............................................................. 51 1.4) Les projets pour ajouter de la valeur aux PFNL en Amazonie .................... 56 1.4.1) Les objectifs et les principaux acteurs institutionnels des premiers projets conçus .................................................................................................... 57 1.4.2) Les difficultés pour garantir le développement (durable) des populations extractivistes à partir de ces projets .............................................. 58 1.5) Description d´une filière actuelle de PFNL ................................................... 61 1.5.1) La noix du Brésil : un produit (encore) exclusif de la forêt amazonienne ............................................................................................................................ 63 1.5.2) Des problèmes de base dans une réalité complexe ................................. 72 Conclusion du Chapitre 1 - Principaux aspects concernant le contexte du terrain ............................................................................................................................... 84 Chapitre 2 - Reconnaissance d’un problème et recherche d’un chemin pour le comprendre et provoquer des changements ................................................................. 85 2.1) Problématique et ambitions de la recherche................................................. 86 2.1.1) Questions de recherche ........................................................................... 87 2.1.2) Hypothèses de travail : vers des pistes de solution ? .............................. 90 2.1.3) Les ambitions de la recherche................................................................. 92 408 2.2) Choix épistémologiques et méthodologiques – position «aménagée » ......... 94 2.2.1) Cadre épistémologique ............................................................................ 96 2.2.2) Justification du terrain choisi et délimitation géographique ................. 99 2.2.3) Méthodologie pour l’évaluation des projets précédents ...................... 101 2.2.4) Méthodologie pour la participation dans une action particulière : la construction d’une nouvelle configuration de la filière noix du Brésil.......... 107 2.3) Contexte des six coopératives évaluées........................................................ 112 2.3.1) Les coopératives de l’état de l’Amapá .................................................. 112 2.3.2) Les coopératives de l’état de l’Acre ...................................................... 116 2.3.3) Etat des diagnostics déjà produits sur les six coopératives.................. 120 2.4) Pistes pour un cadre théorique et propositions de recherche..................... 135 2.4.1) Référentiels théoriques possibles pour orienter la recherche .............. 135 2.4.2) Propositions de recherche ..................................................................... 143 Conclusion du Chapitre 2 - Démarche proposée et chronologie de la recherche ............................................................................................................................. 149 Chapitre 3 - Proposition d´une évaluation de projets menés au sein des six coopératives extractives................................................................................................................. 151 3.1) Construire la méthode d'évaluation des coopératives ................................ 152 3.1.1) Design, conduite et évaluation de projets ............................................. 154 3.1.2) Définition des aspects des projets à évaluer ......................................... 158 3.2) Evaluation des six cas de coopératives extractives...................................... 176 3.2.1) Evaluation de dimensions du développement durable......................... 178 3.2.2) Evaluation des aspects organisationnels (externes).............................. 189 3.3) Principaux aspects à retenir de l´évaluation des coopératives ................... 197 3.3.1) Des éléments de réponse pour la question Q1 ...................................... 204 3.3.2) Des éléments de réponse pour la question Q2 ...................................... 214 3.3.3) Aspects retenus pour la proposition d'une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil ............................................................................... 218 Conclusion du Chapitre 3 - Des chemins à suivre ou à éviter dans de nouveaux projets.................................................................................................................. 222 Conclusion de la Partie I ......................................................................................... 223 Partie II - Un cadre théorique pour agir dans un projet nouveau ........................... 225 Introduction de la Partie II................................................................................. 227 Chapitre 4 - Approfondir le cadre théorique pour appliquer et adapter au contexte du terrain ....................................................................................................................... 229 4.1) Des concepts liés au fonctionnement et au management des coopératives extractives............................................................................................................ 231 4.1.1) L´empowement ....................................................................................... 233 4.1.2) Auto-organisation et autogestion .......................................................... 238 409 4.2) Les différents systèmes au sein desquels les coopératives peuvent s´insérer ............................................................................................................................. 246 4.2.1) Filière: structure organisationnelle et approche d'analyse.................. 252 4.2.2) La supply chain : structure inhérente ou à développer entre organisations ?................................................................................................. 261 4.2.3) Les réseaux : approche « socio-organisationnelle » ............................. 271 4.3) Le management des coopératives et leur environnement organisationnel. 284 4.3.1) Point sur les concepts de filière, supply chain et réseau ....................... 285 4.3.2) Des processus d´empowerment, auto-organisation et autogestion au sein de la filière, de la SC et du système productif local........................................ 288 Conclusion du Chapitre 4 – Principaux aspects à retenir pour la construction d´une nouvelle action collective .......................................................................... 292 Chapitre 5 - Recherche-action pour la construction d´une nouvelle configuration locale de la filière noix du Brésil ......................................................................................... 293 5.1) Contexte local et justificatif du projet ........................................................ 295 5.1.1) Les castanheiros du PAE-Maracá : tradition de dépendance et d´isolement....................................................................................................... 296 5.1.2) Les principales demandes locales ......................................................... 300 5.2) Préparation et design de la recherche-action.............................................. 304 5.2.1) Préparation d´une action collective pour provoquer des changements au sein de la filière noix du Brésil au PAE Maraca............................................. 306 5.2.2) La contribution des évaluations précédentes ....................................... 311 5.3) L’évolution de l’action : une construction collective .................................. 317 5.3.1) La participation des acteurs locaux et l´empowerment des extractivistes .......................................................................................................................... 319 5.3.2) Les principaux changements au sein de la filière locale....................... 327 Conclusion du Chapitre 5 – Des changements prévus et imprévus au sein de la filière.................................................................................................................... 333 Chapitre 6 - Réflexion sur les expériences d´évaluation et de construction collective des projets de développement local ................................................................................. 335 6.1) La contribution de l’action à la connaissance et aux acteurs de terrain .... 335 6.1.1) Apports scientifiques ............................................................................. 336 6.1.2) Apports Managériaux ........................................................................... 341 6.1.3) Apports Méthodologiques ..................................................................... 343 6.2) Les limites de la recherche........................................................................... 348 6.2.1) Limites concernant la méthodologie choisie......................................... 348 6.2.2) Limites concernant le cadre théorique ................................................. 350 6.3) Perspectives de(s) recherche(s).................................................................... 352 Conclusion du Chapitre 6 – Liens entre les apports, les limites et les perspectives de notre recherche.......................................................................... 356 Conclusion de la Partie II .................................................................................... 357 410 Conclusion Générale................................................................................................ 359 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................. 365 ANNEXES............................................................................................................... 381 Annexe 1 – Les différentes catégories d’aires protégées selon le Système National d’Unités de Conservation. ..................................................................................... 383 Annexe 2 - Graphiques des volumes et des prix d´exportation de la noix du Brésil par le Brésil, la Bolivie et le Pérou .............................................................................. 384 Annexe 3 - Résumé du Projet Poraqué (Energie renouvelable pour l´Aire de Concession Agraire et Extractive du Maracá)........................................................ 386 Annexe 4 – Résumé du Projet Maracastanha (Gestion participative pour la valorisation de la noix du Brésil par les extractivistes du Haut Maraca, état de l’Amapá)............................................................................................................... 388 Annexe 5 – Listes des personnes interviewées ...................................................... 391 Annexe 6 – Questions pour l´orientation des entretiens......................................... 396 INDEX DES FIGURES .......................................................................................... 401 INDEX DES TABLEAUX ...................................................................................... 403 INDEX DES ENCADRES ...................................................................................... 405 LISTE DES ABREVIATIONS............................................................................... 406 411 412 Résumé Cette thèse rend compte d’une recherche qui a pour but changer la configuration locale d´une filière forestière, à partir de l´évaluation d´expériences précédentes et d´une recherche-action. La recherche se concentre sur la filière noix du Brésil, un produit forestier de l´Amazonie, où de nombreux projets de valorisation de produits locaux ont été conçus comme des stratégies de conservation de la nature et de développement local. Notre recherche a essayé, dans un premier temps, de comprendre pourquoi ces projets ne débouchaient pas sur les résultats escomptés. Pour cela, six études de cas ont été menées pour tenter d’identifier les facteurs de succès et d’échec de ce type de projet, ce qui a orienté l’approfondissement théorique pour concevoir des pistes d’action. L’approfondissement concerne trois niveaux de réflexion: le contexte général (développement durable et extractivisme), le management des organisations collectives (empowerment, auto-organisation et autogestion) et leur environnement organisationnel (filière, supply chain et réseaux). Dans un deuxième temps, une recherche-action pour la construction d’une nouvelle configuration de la filière a été menée. Les principaux changements identifiés concernent notamment l´empowerment d´extractivistes et de leurs organisations, l´engagement de jeunes extractivistes dans la promotion de la filière et les nouvelles relations établies entre acteurs de la filière. De la réflexion sur l´ensemble de la recherche, nous pouvons conclure que l´évaluation d´expériences précédentes est utile pour orienter des actions futures au sein des communautés, que la participation des acteurs locaux dépend d´une stratégie d´(in)formation adaptée au contexte local, que la participation des communautaires dès la conception du projet contribue à l´empowerment de leurs organisations et que le processus logistique opérationnel est un levier efficace pour initier et soutenir la construction de stratégies collectives. Mots-clés : Développement local, développement durable, filière noix du Brésil, stratégies collectives, évaluation de projets, recherche-action, logistique et supply chain management Abstract Evaluation-construction of local development projects by the valorization of forest products from the Brazilian Amazon : The case of the Brazil nut This thesis concerns research, which aims to change the local configuration of a forest production chain based on the evaluation of previous experiences and action-research. The research focuses on the production chain of the Brazil nut, an Amazonian forest product. Many previous projects, which worked toward the valorization of local products, were conceived as strategies for nature conservation and local development. Our research tried, first, to understand why those projects did not achieve the expected results. For that, six case studies were carried out in order to identify the factors of success and failure of this kind of project. Those factors helped to guide a deeper theoretical approach to conceive of paths for action. The theoretical review concerns three levels of analysis: the general context (sustainable development and extractivism), the management of collective organizations (empowerment, self-organization and self-management) and their organizational environment (production chain, supply chain and networks). Secondly, an action-research for the construction of a new production chain configuration was carried out. The main changes identified are related particularly to empowering the gatherers, as well as empowering their collective organizations, and finally to engaging young gatherers in the promotion of the production chain and the new relations established among the production chain actors. As a result of the research, we can conclude that: The evaluation of previous experiences is essential to plan future actions within communities, the participation of local actors depends on information and training strategies adapted to the local context, the community members participation from the project’s design contributes to the empowerment of their organizations, and the operational logistics process is an effective lever to initiate and support the construction of collective actions. Keywords: Local development, sustainable development, Brazil nut production chain, collective strategies, projects evaluation, action-research, logistics and supply chain management 413 View publication stats