Bulletin archéologique des Écoles françaises
à l’étranger
Grèce | 2021
Fouilles de Pachi (Mégare)
Rapport de la campagne 2021
Thierry Lucas, Patrick Marchetti, Panagiota Avgerinou, Lou de Barbarin,
Jules Buffet, Anthony Peeters, Louis Pirat, Sylvain Grosfilley, Brieuc
Guillaume et Marilou de Vals
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/baefe/4610
DOI : 10.4000/baefe.4610
ISSN : 2732-687X
Éditeur
ResEFE
Référence électronique
Thierry Lucas, Patrick Marchetti, Panagiota Avgerinou, Lou de Barbarin, Jules Buffet, Anthony Peeters,
Louis Pirat, Sylvain Grosfilley, Brieuc Guillaume et Marilou de Vals, « Fouilles de Pachi (Mégare) »
[notice archéologique], Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger [En ligne], Grèce, mis en
ligne le 30 novembre 2021, consulté le 01 décembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/
baefe/4610 ; DOI : https://doi.org/10.4000/baefe.4610
Ce document a été généré automatiquement le 1 décembre 2021.
Le Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger est mise à disposition selon les termes de la
Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0
International.
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fouilles de Pachi (Mégare)
Rapport de la campagne 2021
Thierry Lucas, Patrick Marchetti, Panagiota Avgerinou, Lou de Barbarin,
Jules Buffet, Anthony Peeters, Louis Pirat, Sylvain Grosfilley, Brieuc
Guillaume et Marilou de Vals
NOTE DE L’AUTEUR
Date précise de l’opération : 23 août – 17 septembre 2021
Numéro de mission : I40
Composition de l’équipe de terrain : Isabella Bergamini (Università di Bologna),
fouilleuse; Jules Buffet (Université Paris-Nanterre), responsable de secteur ; Lou de
Barbarin (Aix-Marseille Université), céramologue, responsable d’apothèque ; Marilou
de Vals (Sorbonne Université), co‑responsable d’apothèque ; Alexis Dhenain (Sorbonne
Université), fouilleur ; Sylvain Grosfilley, archéologue ; Alexis Groussaud (Université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne), fouilleur ; Brieuc Guillaume (EFA), topographe ; PierreIdriss Lagourgue (École Normale Supérieure Paris-Saclay), fouilleur ; Anaïs Marchand
(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), fouilleuse ; Despina Moschou (Éphorie des
antiquités d’Attique occidentale), archéologue ; Anthony Peeters (Université Catholique
de Louvain), responsable de secteur ; Louis Pirat (INRAP), responsable de secteur ; Axel
Neau (Université Montpellier 3), fouilleur ; Kostas Svigkos (Éphorie des antiquités
d’Attique occidentale), ouvrier ; Panagiotis Tsilivigkos (Éphorie des antiquités d’Attique
occidentale), ouvrier ; Sarah Vyverman (Université Catholique de Louvain), fouilleuse.
Établissement éditeur : EFA
Établissements porteurs de l’opération : EFA, Éphorie des Antiquités d’Attique
occidentale
Chroniques de l’EFA :
Mégare, Pachis 2017
Mégare, Pachis, Aghios Georgios, 2018
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
1
Fouilles de Pachi (Mégare)
Les fouilles de Pachi en 2021 : objectifs et moyens
Historique des recherches : les campagnes de 2017 et 2018
1
Les opérations de terrain à Pachi ont pris la forme, dès 2017, d’une collaboration entre
l’École française d’Athènes et l’Éphorie des Antiquités d’Attique occidentale. L’enjeu
était de mener une exploration archéologique complète, incluant prospections et
fouilles, des vestiges antiques de Pachi, et en particulier des fortifications visibles sur la
colline d’Agios Georgios et de la colline de Palaiokastro. Entre ces deux collines se
situait dans l’Antiquité, en toute probabilité, le port de Nisaia, connecté à Mégare par
des Longs‑Murs. L’enjeu des opérations était donc de préciser la topographie et la
chronologie de l’occupation antique dans ce secteur encore mal connu de la cité
antique de Mégare.
2
Deux campagnes de terrain ont eu lieu, en 2017 et 2018, sous la direction conjointe de
François-Dominique Deltenre (membre belge de l’EFA) et Panagiota Avgerinou (Musée
de Mégare). Ces deux campagnes ont permis de mener à bien la prospection complète
de la colline d’Agios Georgios, où quatre sondages ont en outre été pratiqués (fig. 1).
Même si l’étude définitive du matériel n’a pu être menée à bien, les données
préliminaires indiquent une fondation des fortifications sur la colline au Ve ou au
IVe siècle av. J.‑C. La prospection confirme une importante occupation classique et
hellénistique, mais elle a également permis de relever du matériel plus ancien, jusqu’au
VIIIe siècle av. J.‑C. Le site est réoccupé à l’époque proto-byzantine ; le matériel d’époque
romaine, en revanche, fait défaut, marquant un hiatus dans l’occupation du site à cette
époque. Lors de la campagne 2018, trois sondages ont également été entamés sur la
colline de Palaiokastro (PAL‑1, PAL‑2, PAL‑3) ; tous trois étaient situés au pied du mur
du kastro (fig. 2, en rouge). Aucun de ces sondages n’avait pu être terminé en raison
des intempéries, et les opérations avaient essentiellement permis de dégager d’épaisses
couches de démolition et d’atteindre en PAL‑1 un niveau plus homogène,
vraisemblablement un niveau de circulation contemporain du dernier état du mur 1.
Une ultime campagne prévue en 2019 n’ayant pu avoir lieu, le dossier est ensuite resté
en sommeil jusqu’en 2021.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
2
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 1. Plan général de la colline d’Agios Georgios montrant l’implantation de la grille de prospection
et des sondages de 2017-2018.
Topographie et DAO : B. Guillaume.
Fig. 2. Plan général de la colline de Palaiokastro montrant l’implantation des sondages de 2018
(en rouge) et 2021 (en vert).
Topographie et DAO : B. Guillaume.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
3
Fouilles de Pachi (Mégare)
La campagne de 2021
3
La reprise des fouilles de 2021 a vu un changement dans l’encadrement de l’équipe : la
campagne a de nouveau pris la forme d’une collaboration avec les services de l’éphorie,
toujours représentés par Panagiota Avgerinou, tandis que la direction française de la
mission était confiée à Patrick Marchetti et à Thierry Lucas, membre scientifique de
deuxième année, qui a assuré l’essentiel de la préparation de la mission et de sa mise en
œuvre sur le terrain.
4
L’objectif de la campagne de 2021 était simple : il s’agissait surtout de clôturer les
travaux entrepris en 2018 à Palaiokastro, en reprenant pour l’essentiel la trame de la
campagne prévue en 2019. Cela impliquait : 1. de mener à son terme au moins l’un des
sondages de 2018, pour tenter d’établir la chronologie du kastro et voir si celui‑ci
reposait sur des structures plus anciennes, et 2. de mener des sondages en contrebas du
mur du kastro, pour tester le potentiel archéologique de la colline dans son ensemble ;
en particulier, il s’agissait de voir si les nombreux blocs antiques remployés dans le mur
du kastro provenaient d’une phase de construction antérieure située sur la colline
elle‑même.
5
La campagne a duré quatre semaines, du 23 août au 17 septembre. Elle a mobilisé, du
côté français, une quinzaine de personnes : Thierry Lucas et Patrick Marchetti,
responsables de la mission ; Jules Buffet, Anthony Peeters et Louis Pirat, responsables
de secteur ; Brieuc Guillaume, topographe ; Lou de Barbarin, céramologue et
responsable de l’apothèque ; Marilou de Vals, géologue et co‑responsable de
l’apothèque ; un archéologue professionnel, Sylvain Grosfilley ; et les étudiants Isabella
Bergamini, Alexis Dhenain, Alexis Groussaud, Pierre-Idriss Lagourgue, Anaïs Marchand,
Axel Neau et Sarah Vyverman. La partie grecque de la mission, dirigée par Panagiota
Avgerinou, a mobilisé une archéologue, Despina Moschou, deux ouvriers, Panagiotis
Tsilivigkos et Kostas Svigkos, et une restauratrice, Kyriaki Karpathiotaki.
6
Concernant le déroulement de la campagne, il a été choisi d’emblée de limiter au strict
minimum la reprise des sondages de 2018. En effet, les trois sondages étaient dans une
position similaire, au pied du mur du kastro. La reprise intégrale des trois sondages
aurait donc nécessité beaucoup d’efforts, pour des résultats probablement identiques
d’un sondage à l’autre. Seuls les sondages PAL‑1 et PAL‑3 ont donc été repris, sur une
partie seulement de leur emprise initiale : le sondage PAL‑1 par l’équipe française, et le
sondage PAL‑3 par les ouvriers grecs (ce dernier sondage a été renommé PAL‑6 ; non
représenté sur le plan de la fig. 2). Deux secteurs supplémentaires ont été ouverts à la
fouille en contrebas de la muraille : PAL‑4, en contrebas de l’angle sud‑est du kastro, et
plus précisément à l’est de ce dernier ; et PAL‑5, incluant deux sondages au nord‑ouest
du kastro (fig. 2, en vert). Ainsi placés, ces deux nouveaux secteurs de fouilles devaient
permettre de tester la stratigraphie en deux endroits distincts du kastro, dans des
zones où l’on pouvait espérer trouver des niveaux moins perturbés par l’occupation
médiévale, ainsi que par l’occupation moderne ; lors de la Seconde Guerre Mondiale, en
effet, une batterie d’artillerie anti-aérienne a été installée au sommet du kastro pour
protéger les abords du terrain d’aviation voisin, et cette occupation a lourdement
affecté le terrain, avec la présence de tranchées pour abriter les défenseurs de la
batterie et l’établissement d’abris bétonnés. Les bases en dur des trois pièces d’artillerie
de la batterie sont encore visibles au sommet du kastro.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
4
Fouilles de Pachi (Mégare)
7
Les secteurs PAL‑1, PAL‑5 et PAL‑6 ont été remblayés en fin de fouille, avec du
géotextile et la terre des déblais. Le secteur PAL‑4, où l’épaisseur de terre enlevée était
généralement très faible et où le substrat a été atteint partout, a été laissé en l’état, ce
qui permet en outre de garder un accès aux murs de la tour pour une étude plus
approfondie.
Les fouilles au pied du kastro : secteurs PAL‑1
(responsable : Anthony Peeters) et PAL‑6
PAL‑1 : Situation initiale et implantation du sondage de 2021
8
Le sondage PAL‑1 avait été entrepris en 2018 pour tester l’implantation du kastro. Il se
présentait comme un rectangle de 11 m sur 3 environ, placé entre le mur du kastro à
proprement parler (USM PK1) et un mur de moellons parallèle à ce dernier (USM PK2),
qu’on peut suivre sur tout le front nord du kastro. En 2018, les opérations avaient
permis de dégager une importante couche de démolition constituée de nombreux blocs
et fragments architecturaux. Sous cette couche, un niveau de circulation avait été
atteint, lequel était coupé dans sa partie occidentale par une tranchée moderne, d’après
le matériel trouvé dans son remplissage, étroite et peu profonde. Cette tranchée
coupait obliquement le mur USM PK2. Il pourrait s’agir d’une tranchée liée aux
opérations de fouilles menées à Palaiokastro dans les années 1930, ou bien d’un
aménagement lié à la construction de la batterie d’artillerie. Enfin, dans le mur du
kastro à proprement parler, caractérisé dans ce secteur comme partout ailleurs par une
abondance de blocs antiques en remploi, une statue avait été découverte ; il s’agit de la
partie inférieure d’une statue de femme2 portant l’himation, de médiocre facture. Elle
était placée dans la partie du mur la plus à l’ouest du sondage et avait servi, avec
d’autres blocs assez grossiers, à boucher une ouverture du kastro bien identifiable à cet
endroit par la présence du départ de deux piédroits et d’un seuil constitué d’un bloc de
marbre en remploi. Ce remplissage tranchait de manière assez nette avec le reste du
mur, constitué de blocs remployés soigneusement choisis et agencés.
9
L’enjeu principal du sondage en 2021 restait le même qu’en 2018 : atteindre les niveaux
les plus bas pour examiner les fondations du kastro et du mur USM PK2 ; et voir si le
kastro était établi sur un bâti d’une phase antérieure. Dès le début de la campagne, il a
été décidé de ne reprendre le sondage que dans sa partie occidentale, en le réduisant à
un carré de 3 mètres sur 3 environ ; la surface ainsi réduite permettait de poursuivre la
fouille en profondeur avec des moyens réduits, tout en conservant la possibilité, en
fonction des résultats, d’étendre le sondage dans un second temps. La fouille du secteur
PAL‑1 a occupé trois semaines en tout. Au vu des résultats, il a été décidé de ne pas
étendre le sondage.
PAL‑1, les opérations de 2021 : déroulement et résultats
10
Les niveaux fouillés durant la campagne 2021 dans ce secteur peuvent se résumer à
deux horizons d’occupation bien distincts : un épais remblai d’époque médiévale ou
ottomane, incluant une canalisation d’évacuation des eaux ; et dans la partie la plus
profonde du sondage, des niveaux helladiques homogènes, au contact avec le substrat
rocheux.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
5
Fouilles de Pachi (Mégare)
11
Le niveau atteint en 2018 s’est avéré être une importante couche de remblai, destinée
probablement à former une terrasse entre le mur du kastro et le mur USM PK2, qui
forme comme un avant‑mur parallèle à ce dernier. En l’état, il n’est pas possible de
discerner si cet ensemble servait uniquement à la circulation ou s’il avait une fonction
défensive.
12
La fouille a permis de mettre au jour, contre le mur du kastro, une canalisation de terre
cuite positionnée verticalement, maintenue par une structure faite de moellons et de
mortier. De là, l’eau pouvait s’échapper par une ouverture située au bas de cette
structure, qui donnait sur un niveau de mortier. Il est difficile de déterminer si l’eau
pouvait ensuite être recueillie, ou s’il s’agissait là d’un simple drain – et tout aussi
difficile de déterminer si cette structure avait vocation à fonctionner à l’air libre, ou si
elle était enterrée.
13
Cette structure, située exactement à l’aplomb de l’endroit où avait été découvert le
fragment de statue en 2018, a permis de mieux comprendre la fonction de ce dernier :
un trou avait été grossièrement ménagé dans l’espace délimité par les deux pieds de la
statue, la plinthe et la bordure inférieure de l’himation ; ce trou communiquait avec
une conduite de section carrée ménagée dans le blocage du mur du kastro. La statue
servait donc d’orifice à une conduite de drainage et permettait aux eaux de s’écouler
dans la canalisation située en‑dessous (fig. 3). Il est à noter qu’en plusieurs autres
endroits, le mur est semblablement percé par des conduites de drainage, signe qu’il
s’agissait là d’un élément important dans l’architecture du kastro. À l’aplomb de la
conduite découverte en PAL‑1, signalons également la présence au sommet du kastro
d’une citerne médiévale de grande taille, réaménagée en casemate pendant la Seconde
Guerre mondiale.
Fig. 3. Vue générale du sondage PAL‑1 en fin de fouilles, avec la structure hydraulique.
Cliché : A. Peeters.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
6
Fouilles de Pachi (Mégare)
14
Le matériel provenant de la fouille de ce remblai est très hétérogène ; l’ensemble peut
cependant être daté de façon certaine de la période médiévale ou ottomane, en raison
de la présence de céramique glaçurée jusqu’au niveau d’assise de la structure
hydraulique ; certains éléments sont indéniablement ottomans. Les couches concernées
ont également livré des quantités importantes de céramique plus ancienne, qui doit
être interprétée comme le résidu de phases antérieures. Selon toute vraisemblance,
cette céramique provient des terres utilisées pour le remblai (fig. 4 et 5).
Fig. 4. Sélection de céramique préhistorique et antique de l’US 1012.
Cliché : L. de Barbarin.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
7
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 5. Sélection de céramique byzantine de l’US 1012.
Cliché : L. de Barbarin.
15
Sous ce remblai, et sous le niveau de fondation de la structure hydraulique décrite
précédemment, se trouvaient des niveaux argileux jaunâtres et compacts, entrecoupés
de petites fosses et de foyers. Le mobilier assez abondant trouvé dans ces couches,
homogène et sans intrusions récentes, permet d’échelonner ces niveaux entre
l’Helladique Ancien et Moyen. La céramique comprend notamment des pâtes claires à
décor mat (matt-painted ware) et de la céramique dite minyenne grise. Ces niveaux
helladiques ont pu être suivis jusqu’au substrat, dont les irrégularités étaient bouchées
par un sédiment brun-jaune, contenant peu de mobilier. L’interprétation de ce secteur
à ces périodes anciennes est en revanche délicate, en raison de l’absence de structures
permettant un diagnostic clair. La seule structure associée à l’horizon helladique, en
fait, est un mur, USM 1025, au nord du sondage ; ce mur est fait de moellons de grande
taille, sommairement agencés ; le mur USM PK2, nettement plus récent, est fondé
directement sur ces vestiges helladiques (fig. 6). Signalons enfin que ce mur USM 1025
était bordé au sud par une couche argileuse compacte, qui pourrait provenir de
l’effondrement et de la décomposition d’une élévation en briques crues ou en pisé.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
8
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 6. Fondation des murs USM PK2 et USM 1025.
Cliché : A. Peeters.
16
Le mur du kastro à proprement parler, USM PK1 dans la terminologie de la campagne
de 2018, est fondé directement sur le substrat rocheux (fig. 7) ; pour atteindre ce
dernier, une tranchée de fondation avait été creusée dans les niveaux helladiques. Cette
tranchée n’a cependant pas permis de dater la construction du kastro avec précision ;
elle était en effet entièrement remplie avec du mortier, et nous n’avons donc pas pu
prélever de matériel datant dans le comblement de cette tranchée (fig. 8).
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
9
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 7. Vue générale du mur USM PK1.
Orthophotographie et DAO : A. Peeters.
Fig. 8. Fondation du mur USM PK1.
Cliché : A. Peeters.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
10
Fouilles de Pachi (Mégare)
PAL‑6
17
En parallèle des fouilles menées par Anthony Peeters dans le secteur PAL‑1, les ouvriers
grecs, supervisés par l’archéologue Despina Moschou, ont mené une opération similaire
à l’emplacement du sondage PAL‑3 de 2018. Pour des raisons pratiques, en raison du
système d’enregistrement différent utilisé par les services archéologiques grecs et de
l’absence de continuité avec les travaux entrepris en 2018, il a été décidé de renommer
ce sondage PAL‑6 pour bien distinguer les deux phases de travaux. Le sondage a été
implanté à l’angle formé par la tour nord du kastro et le mur principal de celui‑ci
USM PK1, et poussé en profondeur sur une surface restreinte.
18
Les résultats dans ce secteur se sont révélés foncièrement identiques aux résultats
obtenus dans le secteur PAL‑1 : après un reste important de la couche de démolition et
une couche de remblai datable de l’époque médiévale ou ottomane, les niveaux
helladiques ont été atteints ; dans ce secteur, plusieurs fragments d’un même vase en
matt-painted ware ont été retrouvés contre les fondations du mur du kastro, et un tesson
de céramique à décor peint imitant les productions minoennes a également été mis au
jour (fig. 9).
Fig. 9. Fragment de céramique helladique du sondage PAL‑6.
Cliché : L. de Barbarin.
19
Comme en PAL‑1, la tranchée de fondation du mur du kastro, entièrement remplie avec
du mortier, s’est avérée décevante. En revanche, on a pu constater que la tour nord
avait été ajoutée lors d’une deuxième phase de construction. Ce fait, à vrai‑dire, était
déjà perceptible dès avant la fouille, en raison de l’absence de chaînage entre les murs
de la tour et le mur du kastro. Au niveau des fondations, le mur de la tour vient
s’appuyer simplement sur les premières assises en léger débord du mur du kastro et sur
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
11
Fouilles de Pachi (Mégare)
le mortier garnissant la tranchée de fondation. Fait notable, en revanche, la tranchée
de fondation de la tour n’était pas remplie de mortier, témoignant de pratiques de
construction différentes. Du matériel en connexion avec les fondations a ainsi pu être
prélevé ; son analyse ultérieure devrait permettre de dater la fondation de la tour et, ce
faisant, de proposer un terminus ante quem pour la construction du mur du kastro.
Le kastro : conclusions préliminaires
20
Les résultats des fouilles, en PAL‑1 comme en PAL‑6, permettent de proposer un
schéma d’occupation à l’emplacement du kastro : le sommet de la colline de
Palaiokastro a vu une première phase d’occupation sur un temps long, s’échelonnant
entre l’Helladique Ancien et l’Helladique Moyen. La quasi-absence de structures
identifiables rend l’interprétation de cette première occupation délicate.
21
Les couches supérieures, de même que le nettoyage de surface de 2018, ont livré des
quantités importantes de matériel antique, échelonné entre l’époque géométrique et
l’époque hellénistique. Le matériel archaïque est notamment très présent. Ce matériel
résiduel est nécessairement lié à l’occupation du secteur aux époques concernées, sans
qu’aucune structure en place ait été préservée. Il est probable que d’importants travaux
de terrassement ont été menés en amont de l’établissement du kastro, conduisant à
l’arasement complet des phases d’occupation antiques et à la récupération des
matériaux de construction disponibles pour le kastro. Les niveaux helladiques ont
cependant été préservés par les bâtisseurs, sans doute en raison de leur caractère
compact et argileux ; ils offraient, en quelque sorte, une assise satisfaisante pour fonder
les édifices et les niveaux de circulation plus récents.
22
Concernant l’occupation médiévale, il faut se résoudre à ne pouvoir dater que très
grossièrement la phase de construction du kastro puisque, comme on l’a vu, la tranchée
de fondation n’a pas livré de matériel exploitable. Cependant, la quasi-absence de
matériel datant de l’antiquité tardive dans le remblai permet d’exclure cette période de
façon presque certaine. Il faut donc plutôt dater le kastro de l’époque médiévale, au
sens large ; seule une analyse plus détaillée de la céramique, en particulier de la
céramique glaçurée, permettra de préciser cette date.
23
Après sa construction, le kastro a en outre connu plusieurs aménagements ou
réaménagements, identifiables par l’archéologie du bâti. Deux modifications peuvent
ici être rappelées : l’édification de la tour nord, et le bouchage de l’ouverture située
dans la partie ouest de PAL‑1, incluant l’aménagement d’une structure d’écoulement
des eaux ; cette dernière venait sans doute remplacer l’écoulement direct par
l’ouverture qui prévalait jusque‑là. S’il est plus difficile encore de dater l’aménagement
du mur de moellons USM PK2, parallèle au mur du kastro, il faut en tout cas y voir une
autre phase de construction qui a vu l’établissement d’une terrasse au pied du mur du
kastro, afin de favoriser la circulation ou d’adapter les défenses de celui‑ci. Cette
terrasse englobe la tour nord, et lui est donc postérieure. Pour ce dernier
aménagement, une date ottomane est très probable, au vu de la céramique trouvée
dans le remblai.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
12
Fouilles de Pachi (Mégare)
Le flanc est de la colline : le secteur PAL‑4
(responsable : Jules Buffet)
Objectifs et implantation du sondage
24
La localisation du secteur PAL‑4 a été motivée par la présence de blocs de grand
appareil affleurant dans la zone, qui laissaient entrevoir la présence de deux assises en
place au moins (fig. 10). L’appareil pseudo-isodome, le soin apporté à l’ajustement des
joints et le traitement brut de carrière de la face des blocs ne laissaient aucun doute sur
le fait qu’il s’agissait là d’un mur de terrasse ou de fortification d’époque classique ou
hellénistique, en place (USM 4080). Il a donc été décidé d’implanter un sondage, PAL‑4,
près de ces blocs, dans le but de dater et de comprendre cette structure affleurante et
dans l’espoir de trouver des niveaux ou d’autres structures antiques en place. Dans ce
cadre, les fouilles ont été menées dans un contexte particulièrement difficile, sur une
pente dépassant par endroits les 30°. Cette configuration, ainsi que la faible épaisseur
des niveaux au‑dessus du substrat rocheux, a obligé à étendre progressivement le
sondage initial, en fonction des découvertes et des endroits où la stratigraphie semblait
mieux préservée, d’où la forme irrégulière du sondage final. La fouille du secteur PAL‑4
a occupé les quatre semaines de la mission.
Fig. 10. Blocs en place au début de la fouille, après nettoyage.
Cliché : J. Buffet.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
13
Fouilles de Pachi (Mégare)
Déroulement des fouilles et résultats : la tour hellénistique
et l’occupation médiévale
25
Les fouilles dans le secteur PAL‑4 ont permis de mettre au jour au moins trois phases
distinctes : des niveaux archaïques et classiques résiduels, dans lesquels était creusée
une partie de la tranchée de fondation du mur USM 4080 ; une tour hellénistique
(BAT 1) à laquelle appartenait le mur USM 4080, de forme carrée, de 8 m de côté ; enfin,
une réoccupation plus tardive, médiévale ou ottomane, qui voit la construction sur le
secteur de plusieurs murs de moellons grossiers (USM 4082, 4083, 4084 et 4085)
d’interprétation délicate. À cette phase il faut également rattacher une tombe
découverte au nord‑ouest du secteur, qui contenait les ossements de trois individus au
moins (fig. 11).
Fig. 11. Vue générale du secteur PAL‑4 en fin de fouilles.
Orthophotographie : A. Peeters, DAO : Th. Lucas.
26
La découverte principale du secteur PAL‑4 reste la tour BAT 1, dont la partie du mur
USM 4080 visible avant le début des opérations constitue le front est, orienté nord‑sud.
La fouille a permis de dégager le flanc nord de cette tour, dont les blocs, étagés pour
suivre le niveau de la pente, sont disposés sur quatre niveaux successifs. Le bloc qui
formait l’angle entre le flanc nord et le front est de la tour est manquant, mais son
négatif est bien visible dans le substrat, taillé pour le recevoir. L’angle sud‑est est plus
problématique, le front de la tour n’étant pas préservé sur toute sa longueur. Un bloc,
USM 4087, posé en place sur le substrat taillé, semble correspondre à l’angle de la tour,
mais son parement n’est pas aligné avec USM 4080. Il est possible qu’à cet endroit,
l’angle de la tour ait été légèrement tronqué. Le front sud de la tour est bien
identifiable grâce à la présence d’un autre bloc, USM 4096, lui aussi en place sur le
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
14
Fouilles de Pachi (Mégare)
substrat taillé ; il laisse présager un front sud strictement parallèle au flanc nord. Les
deux derniers angles de la tour, au sud‑ouest et au nord‑ouest, n’ont pu être identifiés
formellement par la présence de blocs en place ; mais l’angle sud‑ouest est à restituer
de façon certaine dans une zone du secteur où le substrat a été taillé pour recevoir les
blocs du flanc ouest de la tour. L’angle nord‑ouest, quant à lui, était situé au‑delà des
limites de la fouille.
27
Grâce aux données de la fouille, il est possible de restituer sommairement le plan de
cette tour, qui formait un carré presque parfait de 8 m de côté environ (fig. 12). Le
départ de la courtine a pu être identifié sur le flanc ouest de la tour : à cet endroit, le
négatif des blocs dans le substrat permet de restituer un mur de courtine
perpendiculaire à celui de la tour et de conclure que l’enceinte continuait sur le flanc
sud de la colline de Palaiokastro ; du substrat taillé et des blocs en place, visibles à
plusieurs endroits sur les flancs sud et ouest de la colline, et notamment au ras du mur
sud du kastro, confirment que la fortification continuait bien dans cette direction. Ce
mur de courtine, au niveau du flanc de la tour, avait une épaisseur de 2 mètres environ.
Depuis la tour, un autre mur de courtine partait en direction du nord : deux blocs en
place trouvés au fond de la tombe, et présentant les mêmes caractéristiques techniques
que les blocs de la tour, et notamment des trous de pince, correspondent
vraisemblablement à ce départ de la courtine en direction du nord (fig. 13). La
tour BAT 1 formait donc l’angle sud‑est d’une fortification antique légèrement plus
étendue que le kastro médiéval.
Fig. 12. En bleuté : emprise probable de la tour BAT‑1.
Orthophotographie : A. Peeters, DAO : Th. Lucas.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
15
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 13. Blocs du mur de courtine au fond de la tombe TB1.
Cliché : A. Peeters.
28
Les blocs dégagés lors des fouilles correspondent essentiellement aux assises basses de
la tour : celle‑ci était fondée sur le substrat, largement entaillé et aplani pour recevoir
les blocs. En particulier, le mur est de la tour devait commencer par plusieurs assises de
fondation pour compenser la déclivité du terrain. Par endroits, les irrégularités du
substrat ont été comblées avec les déchets de taille des blocs ; ces couches de
préparation se sont malheureusement révélées vierges de tout matériel permettant de
dater la construction de la tour avec certitude. Sur le flanc nord, la tranchée de
fondation de la tour a été en partie creusée dans des niveaux antérieurs, qui dataient,
d’après la céramique trouvée sur place, de la fin du VIe ou du début du Ve siècle. Les
blocs sont soigneusement agencés et forment des assises apparemment régulières, sauf
l’assise inférieure qui est adaptée à la pente. Les joints des blocs sont particulièrement
soignés, et les faces de joint présentent de légers bandeaux d’anathyrose. Le lit
d’attente porte fréquemment des trous de pince. Le parement des blocs est brut de
carrière, et présente un bossage irrégulier fréquent dans les fortifications
hellénistiques. La face arrière des blocs est seulement dégrossie. La tour, enfin, avait
vraisemblablement une base pleine, comme du reste on pouvait s’y attendre sur une
telle pente : la surface intérieure est irrégulière, et la face arrière non travaillée des
blocs indique clairement qu’ils délimitaient un espace intérieur plein – d’ailleurs, les
blocs visibles du flanc nord de la tour n’ont pas tous la même profondeur. On peut
relever la présence, à l’arrière du mur USM 4080, de blocs de pôros de grandes
dimensions appuyés contre le mur, qui servaient vraisemblablement à égaliser la
surface à l’intérieur de la tour. Les blocs visibles appartenaient donc essentiellement
aux substructures de la tour. En revanche, aucun élément ne permet de restituer
l’élévation, les ouvertures ou la couverture de la tour ; il est probable qu’une partie
importante des blocs ait été remployée lors de la construction du kastro, ou ait chuté
en bas de la pente très prononcée à cet endroit. La réoccupation ultérieure du secteur a
dû également être précédée d’un arasement des structures en place.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
16
Fouilles de Pachi (Mégare)
29
La date de la tour BAT 1, en l’état des données, est problématique. On a vu qu’elle était
en partie fondée sur des couches archaïques et classiques, ce qui donne un terminus post
quem qui ne peut qu’être très vague. La fouille des couches directement liées à la
construction de la tour, notamment des remblais d’égalisation du substrat, n’a livré
presque aucun mobilier et il est peu probable que l’étude des rares tessons retrouvés
permette de fixer la chronologie. Il faut alors se tourner pour la datation vers deux
indices : les techniques de construction, et le matériel résiduel potentiellement lié à
l’utilisation de la tour.
30
Il est toujours risqué de dater une fortification par des critères uniquement techniques,
mais ceux‑ci peuvent donner au moins une première idée, qui doit être confirmée par
d’autres éléments. En l’occurrence, il faut relever que la tour, avec 8 mètres de côté, est
de taille respectable ; le parallèle le plus proche en Mégaride est sans aucun doute
Aigosthènes, où les tours d’angle du front est mesurent 7,4 et 9 mètres de côté et datent
de l’extrême fin du IVe siècle ou même de la première moitié du IIIe siècle av. J.‑C.
Comme les tours d’Aigosthènes, la tour de Palaiokastro était certainement destinée à
mettre en batterie de l’artillerie défensive : la position de la tour est idéale pour tenir
en respect aussi bien le rivage que les approches orientales de la colline de
Palaiokastro, tout en offrant une position de flanquement idéale sur les deux murs de
courtine qui partaient de cet angle. Une telle tour d’artillerie, en retour, ne peut se
comprendre qu’après la diffusion de la catapulte à torsion, après le milieu du IVe siècle.
Le type d’architecture, l’agencement et le travail des blocs, s’accorderaient bien avec
une telle date.
31
En l’absence d’éléments permettant de préciser l’architecture de la tour, le nombre et
la forme de ses ouvertures, le nombre d’étages, etc., l’argument de la taille de l’emprise
au sol est cependant faible à lui seul. Un autre élément chronologique pourrait venir de
l’analyse détaillée du matériel du secteur ; même hors d’un contexte clairement
identifié, il devrait pouvoir renseigner sur la chronologie de l’occupation du secteur. En
l’occurrence, certains éléments pourraient provenir de la phase d’occupation ou
d’abandon de la tour ; notamment, l’une des couches de remblai byzantin située à
l’intérieur de la tour, à proximité du substrat, a livré un grey unguentarium complet
(4023.1) (fig. 14). Il s’agit d’une forme typique de l’époque hellénistique. Vu sa position,
ce vase pourrait provenir des niveaux de construction ou d’abandon de la tour.
Plusieurs autres unités stratigraphiques dans le secteur PAL‑4 ont livré des quantités
appréciables de matériel hellénistique qui pourrait là encore être associé aux
fortifications (fig. 15). Les éléments disponibles actuellement laissent donc penser
qu’une date hellénistique est encore l’hypothèse la plus probable pour la tour. Une
étude détaillée de l’ensemble du mobilier du secteur est cependant nécessaire pour se
faire une idée définitive et pour affiner la chronologie.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
17
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 14. Grey unguentarium 4023.1.
Cliché : L. de Barbarin.
Fig. 15. Sélection de céramique hellénistique du secteur PAL‑4.
DAO : L. de Barbarin.
32
Le dégagement de la tour et de ses abords a également permis de mettre au jour des
vestiges relevant d’une occupation postérieure du secteur ; plusieurs murs de moellons
assez grossiers, très mal préservés, sont venus s’installer sur les vestiges de la tour ou à
proximité ; on note également la présence d’un tambour de colonne lisse en marbre, à
dater assurément à l’époque médiévale. Un premier mur, parallèle au front est de la
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
18
Fouilles de Pachi (Mégare)
tour, a été notamment édifié à l’extérieur de celle‑ci ; d’après la céramique trouvée au
contact de ce mur, il pourrait dater de l’antiquité tardive. À l’époque médiévale ou
ottomane, d’autres murs ont été fondés sur l’emplacement même de la tour, les blocs
restants du mur USM 4080 dessinant une petite terrasse facile à utiliser. Un petit
bâtiment à la fonction indéterminée, BAT 2, se laisse deviner au niveau de l’angle
nord‑est de la tour ; son plan est très incomplet et l’élévation se résume à trois assises
de mauvais moellons, ce qui limite d’emblée toute tentative d’interprétation.
L’intérieur de la tour a également livré des niveaux d’occupation byzantins ou
ottomans, incluant de la céramique culinaire, un récipient de stockage et plusieurs
objets pseudo-sphérique percés, en pierre, qui pourraient être des poids de filet de
pêche (fig. 16). L’érosion et le colluvionnement lié à la pente dans le secteur ont
malheureusement rendu ces niveaux très isolés, de sorte qu’il est impossible de les
mettre en relation avec les structures environnantes, et notamment BAT 2.
Fig. 16. Sélection d’objets du secteur PAL‑4.
Cliché : L. de Barbarin.
33
Le long du parement externe du mur USM 4080, enfin, des contextes très perturbés,
incluant du matériel très récent, ont été identifiés ; une tranchée, dont le comblement
inclut un étui de munition de la Seconde Guerre Mondiale et divers éléments
métalliques modernes, court le long du mur USM 4080 ; il doit s’agir soit d’une
perturbation liée au colluvionnement, qui a suivi le chemin le plus naturel en
contournant les vestiges, soit d’un creusement lié à la construction de la batterie de la
Seconde Guerre Mondiale, dont l’une des pièces se situe juste en haut du secteur, et qui
comprenait également un bunker en béton armé en contrebas ; il devait y avoir un
sentier permettant d’assurer la circulation entre ces différents éléments, qui a pu
prendre la forme d’une tranchée.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
19
Fouilles de Pachi (Mégare)
La tombe TB1 (responsable de la fouille : Sylvain Grosfilley)
34
Au nord du secteur, les travaux d’extension du sondage pour comprendre la relation de
la tour avec l’espace avoisinant ont conduit à la découverte d’une tombe, orientée
est‑ouest. La tombe en elle‑même était couverte d’une couche de démolition épaisse,
incluant des blocs de calcaire coquillier stuqués et une inscription funéraire d’époque
hellénistique ou romaine (voir annexe). Le poids de ces blocs a conduit à la rupture des
dalles de couvertures de la tombe – celles‑ci, très hétérogènes, incluaient également
une tuile. La dalle située le plus à l’est était manquante, de sorte qu’une partie des os se
sont trouvés directement exposés, et nous n’avons eu d’autre choix que de fouiller
entièrement la tombe, au prix d’une extension du sondage. En raison de la pente, il a
été décidé de limiter cette extension au minimum : une extension plus grande aurait
nécessité d’enlever à l’ouest une épaisseur de sédiment de plus d’un mètre, et par
conséquent d’aménager les bermes pour les sécuriser. La fouille de la tombe a été
confiée à l’archéologue Sylvain Grosfilley, membre de la mission le plus expérimenté
pour ce type de fouille, qui a mené le travail dans ces conditions délicates. Pour
l’enregistrement des données, nous avons bénéficié des conseils précieux de Dominique
Henry-Gambier et de Reine-Marie Bérard (CNRS). Un dessin a été réalisé avant
d’enlever la couverture de la tombe, par l’architecte Konstantina Theodoropoulou. Une
fois la fouille entamée, il a été décidé de travailler par passes, en réalisant entre chaque
passe importante une orthophotographie de l’ensemble de la tombe. Les
orthophotographies ont été assemblées et calculées par Anthony Peeters. Les
ensembles anatomiques en connexion et les os isolés ont été prélevés séparément, en
relevant pour chaque os la face d’apparition, le pendage et l’orientation. En raison de la
complexité de l’inhumation, la fouille de l’ensemble a pris deux semaines, c’est‑à‑dire
l’intégralité du temps disponible à compter de la découverte des premiers os.
35
La sépulture est délimitée, au nord et au sud, par deux parois (USM 4106 et 4107)
constituées de blocs de calcaire coquillier de dimensions inégales, dont certains étaient
stuqués – et donc probablement en remploi – et de plaques étroites de schiste et de
marbre, également en remploi. Signalons que la paroi sud est strictement alignée avec
de petits blocs visibles plus bas dans la berme nord du sondage, de sorte qu’il n’est pas
exclu qu’il s’agisse d’une canalisation, utilisée dans un second temps pour déposer des
défunts ; à l’appui de cette hypothèse, signalons que nous n’avons pu identifier
formellement la limite ouest de la tombe, et que la limite hypothétique, à l’est, n’est
représentée que par un petit bloc, qui ne ferme pas complètement la sépulture. Le fond
de la tombe n’était en outre pas régulier ni plan, ce qui s’accorderait bien avec une
canalisation échelonnée en paliers dans la pente. La dalle de couverture orientale,
manquante, a sans doute été enlevée à une date postérieure, ou bien elle a simplement
chu dans la pente de même, peut‑être, qu’une partie des os. Le reste de la couverture,
ainsi qu’on l’a vu, s’était effondré à l’intérieur de la tombe, endommageant
partiellement les os : l’une des dalles en pierre, ainsi que la tuile, s’étaient brisées par le
milieu, tandis que la dalle la plus à l’est avait simplement basculé obliquement dans la
tombe.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
20
Fouilles de Pachi (Mégare)
36
La tombe contenait les restes d’au moins quatre corps, numérotés par ordre
d’identification (fig. 17) – en rétablissant l’ordre chronologique des dépôts, on peut
décrire la situation comme il suit :
• Un premier défunt (S1) était en réduction le long des parois de la tombe ; son crâne se
trouvait à l’extrémité sud‑ouest de la tombe, le bassin au nord‑ouest, les os des jambes se
trouvaient contre les parois nord et sud de la tombe. Il est probable que cette réduction ait
inclus les os d’un autre squelette très incomplet (S4), car plusieurs os dont les épiphyses
n’étaient pas soudées ont été retrouvés dans cet ensemble, alors que le crâne identifié
comme celui de S1 présentait les traits d’un adulte déjà assez avancé en âge : les sutures
osseuses étaient solides, et les dents étaient dans un état de délabrement avancé peu
compatible avec un individu jeune.
• Un deuxième défunt (S2) était placé sur le dos au fond de la tombe, en connexion
anatomique, la tête orientée vers l’ouest, les deux mains croisées sur le ventre. Il s’agit d’un
individu de petite taille (moins de 1,60 m) ; les épiphyses non-soudées de certains os,
l’absence des dents de sagesse sur la partie préservée de la mâchoire et la fragilité du crâne,
très endommagé, laissent penser qu’il s’agissait d’un adolescent ou d’un jeune adulte. Le
sexe du défunt n’a pu être déterminé, mais pourra peut‑être l’être après étude plus détaillée
des ossements. Le squelette était complet et dans sa position originelle, permettant
l’identification de l’ensemble des os de façon sûre ; signalons simplement qu’en raison de
l’irrégularité du fond de la tombe, la colonne vertébrale avait légèrement perdu sa
continuité au‑dessus du bassin, et que la plupart des côtes du côté droit avaient été
nettement rompues par la chute de la tuile de couverture. La tête, assez endommagée, était
calée entre le crâne et le bassin de S1 ; son inclinaison laisse penser qu’elle était initialement
soutenue par un support. On a retrouvé, entre les côtes, une petite agrafe en bronze,
peut‑être une épingle de linceul, et sur chaque pied une petite boucle circulaire en métal ; il
s’agit dans doute des boucles des chaussures que portait le défunt (fig. 18). Ces éléments
indiquent un dépôt soigneux.
• Enfin, un troisième individu, S3, avait été ajouté dans la tombe ; il s’agit là de l’élément le
plus intriguant de l’ensemble : seul le buste, bassin exclu, a été retrouvé, en connexion ; il
était placé sur les jambes de S2, et orienté en sens inverse, tête vers l’est. Ce buste était placé
sur le ventre, les deux bras dans le dos, en connexion anatomique stricte, signe qu’il avait
été déposé dans cet état et dans cette position. Les os longs des jambes étaient séparés du
buste et du bassin. Le crâne était manquant – à l’exception peut‑être de la mandibule
inférieure, retrouvée entre les jambes de S2, mais il est possible qu’il ait été emporté par la
chute de la dalle de couverture est. Il n’y a pour l’heure aucune explication satisfaisante à ce
troisième dépôt, qui a tous les traits d’une inhumation hâtive et peu précautionneuse.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
21
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 17. La tombe TB1 après ouverture et dégagement des os.
Cliché : S. Grosfilley.
Fig. 18. Objets métalliques trouvés sur le squelette S2.
Cliché : L. de Barbarin.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
22
Fouilles de Pachi (Mégare)
37
La fouille du sédiment remplissant la tombe n’a livré que très peu de mobilier ; outre les
trois éléments métalliques présents sur le squelette S2, notons simplement la présence
de rares tessons de céramique – incluant de la céramique glaçurée –, qui sont très
certainement des intrusions et non du mobilier associé aux inhumations. Cette tombe
doit cependant, en toute probabilité, être datée à la période médiévale : la tuile de
couverture n’est certainement pas antique, et l’ensemble est nécessairement postérieur
au démantèlement du rempart hellénistique. La fouille a été menée jusqu’au niveau de
dépôt des défunts, constitué d’un sédiment brun-orangeâtre compact et caillouteux,
présentant un fort pendage vers l’est, et coupé par deux blocs appartenant sans doute à
la fortification hellénistique (voir supra). Par manque de temps, il n’a malheureusement
pas été possible de pousser la fouille jusqu’au substrat rocheux dans ce secteur.
Le secteur PAL‑4 : conclusions et perspectives
38
Le résultat principal du secteur PAL‑4 reste l’identification d’une phase de fortifications
hellénistiques sur la colline de Palaiokastro ; cette découverte permet en retour de
mieux comprendre certains blocs visibles sur le flanc opposé de la colline : plus que de
murs de terrasse, il doit s’agir de la continuité de cette phase de fortifications. Le
nettoyage des blocs visibles en surface a permis de confirmer cette impression. Le
sommet de la colline était donc probablement ceint d’un rempart délimitant une aire
légèrement plus vaste que celle du kastro ; Palaiokastro formait ainsi un point d’appui
important pour défendre Nisaia, complémentaire des fortifications explorées sur Agios
Georgios en 2017 et 2018 : le site portuaire était comme encadré de part et d’autre par
des collines fortifiées, formant deux acropoles. Ce constat permet de revenir sur
l’interprétation qu’il faut donner à la colline de Palaiokastro, qui n’était certainement
pas l’île appelée Minôa par Thucydide3, quoi qu’on ait pu en dire. Palaiokastro faisait
indéniablement partie de Nisaia et du réseau de défenses côtières associé à cet
établissement. Signalons sur ce point que le seul tronçon correctement documenté de
la jambe ouest des Longs‑Murs de Mégare se trouve nettement à l’ouest de Palaiokastro,
signe que la colline était englobée dans les fortifications 4.
39
Les fouilles ont montré qu’il restait quelque chose de cette phase de construction
hellénistique, dont l’état de préservation est malheureusement peu satisfaisant. Des
recherches futures sur le site seront en tout cas nécessaires pour mieux comprendre
cet état de l’occupation du site.
Le flanc nord de la colline : le secteur PAL‑5
(responsable : Louis Pirat)
Objectifs et implantation du sondage
40
Le versant nord de la colline de Palaiokastro est caractérisé par une terrasse plane
située en avant du mur USM PK2 et parallèle à celui‑ci, large de 7 à 10 mètres ; au‑delà
de celle‑ci, la pente descend de façon assez abrupte jusqu’à la plaine en contrebas. Cette
terrasse constituait un emplacement idéal pour tester la stratigraphie. Cependant, la
surface de cette terrasse est fortement perturbée à son extrémité orientale, située en
contrebas du sondage PAL‑1. En son centre, elle est percée d’une tranchée dont le fond
est garni de béton armé, ce qui indique clairement qu’il s’agit de l’une des installations
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
23
Fouilles de Pachi (Mégare)
liées à la batterie antiaérienne de la Seconde Guerre Mondiale. La zone la plus propice à
l’implantation d’un sondage était donc l’extrémité occidentale de cette terrasse, au
nord‑ouest de l’angle du kastro. L’enjeu était principalement de tester la stratigraphie
sur cette terrasse, et de voir si elle conservait quelque chose des phases d’occupations
antérieures à l’établissement du kastro.
41
Un premier sondage a été implanté sous la forme d’un rectangle de 3 m sur 2. Ce
sondage a ensuite été étendu en fonction des découvertes. Par la suite, un deuxième
sondage (PAL‑5 – sondage 2) a été ouvert plus bas dans la pente, pour tester la
stratigraphie au niveau de la rupture de pente. Ce sondage consistait en un simple
rectangle de 3 mètres sur 4,5, implanté perpendiculairement à la pente.
PAL‑5 – sondage 1 : déroulement et résultats
42
Dans le sondage 1, l’occupation se résume à trois phases bien identifiées, avec des
vestiges structurels : une phase de construction médiévale, avec un bâtiment
présentant un mur en arc de cercle et un espace extérieur avec un foyer ; des niveaux
intermédiaires, comprenant notamment plusieurs fosses et une tranchée de
récupération, eux aussi datables de la période médiévale ou de l’Antiquité tardive ;
enfin une importante installation de l’Helladique Ancien, incluant un niveau de
démolition de brique crue scellant un espace d’habitat ou de stockage bien préservé.
43
Immédiatement sous la surface du sol, la fouille a révélé un mur (USM 5003)
appartenant à un bâtiment d’époque médiévale, qui était sans doute d’une certaine
importance. Ce mur se présente sous la forme d’un arc de cercle qui coupait le quart est
du sondage. Il était contre-buté à l’intérieur par deux contreforts d’importance inégale,
non liés à la structure du mur.
44
Contre le parement externe de ce mur se trouvait un foyer, constitué d’une zone semicirculaire pavée de tessons de tuiles et entouré de petits moellons. Cet aménagement
était complété, au nord‑ouest, par plusieurs blocs en calcaire coquillier en remploi
alignés, posés à même le sol, qui faisaient vraisemblablement office de coupe‑vent pour
ce foyer. À l’angle sud du sondage, enfin, se trouvait une fosse emplie de petites pierres,
près de laquelle se trouvait un chapiteau de pilastre ionique en marbre (fig. 19).
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
24
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 19. Vue générale de l’horizon d’occupation associé au mur USM 5003.
Orthophotographie : A. Peeters, DAO : Th. Lucas.
45
Devant ces premiers résultats, il a été décidé de profiter de l’espace extérieur pour
pousser la fouille en profondeur. La fouille à l’intérieur du bâtiment a été limitée à une
petite fenêtre entre les deux contreforts, pour examiner la fondation (SDINT 01)
(fig. 20). Le niveau de sol n’a pu être trouvé, signe que l’ensemble des assises
préservées de ce mur appartenait aux fondations de l’édifice. La fouille n’a révélé aucun
mobilier qui permette d’identifier la fonction de l’édifice.
46
À l’extérieur du bâtiment, le sondage a été étendu, puis la fouille a repris
essentiellement sur un rectangle de deux mètres sur trois localisé à l’angle ouest du
sondage (SDINT 02). Dans cette zone, la fouille a été poursuivie sur une profondeur de
deux mètres environ, jusqu’à la fin de la campagne ; vu la profondeur, il n’a pas été
possible d’atteindre le substrat : il aurait pour cela été nécessaire de sécuriser les
bermes pour continuer la fouille, ce qui n’a pu se faire dans le temps de la campagne.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
25
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 20. Le sondage SDINT01 en fin de fouille.
Cliché : L. Pirat.
47
En premier lieu, le foyer a été coupé en deux pour voir en coupe le niveau sur lequel il
reposait. Sous ce foyer, une fosse a été identifiée et fouillée. Le comblement indique
qu’elle doit être datée de la période médiévale. Un petit mur de moellons de mauvaise
facture, très arasé, orienté nord‑est – sud‑ouest, a été identifié dans la partie
occidentale du secteur. Il est à rattacher à la même phase ; la présence d’un unique
parement, au nord de ce mur, indique qu’il s’agissait là d’un petit ouvrage de
terrassement.
48
Dans la partie du sondage menée en profondeur, un important pierrier (épaisseur :
0,75 m environ) a tout d’abord été mis au jour sous les niveaux assurément byzantins et
dégagé. Le matériel y est majoritairement helladique, mais la présence résiduelle de
céramique antique semble indiquer qu’il s’agit là d’un remblai plus tardif, ou du moins
d’un niveau fortement remanié et perturbé. Ce niveau était d’ailleurs coupé par une
importante tranchée au remplissage hétérogène, incluant des tessons antiques et
byzantins.
49
À mesure de l’avancement du sondage, enfin, du matériel helladique a été découvert, en
quantité de plus en plus importantes, incluant de la céramique (matt-painted ware et
minyenne grise) et de petites lames d’obsidienne (fig. 21). La fouille du pierrier a révélé
un horizon d’occupation helladique bien préservé, à rattacher très vraisemblablement
à l’Helladique Ancien (ce diagnostic pourra être affiné lors de l’étude détaillée du
mobilier). Cet horizon comprenait tout d’abord un niveau de destruction de briques
crues, dont deux ont été prélevées (fig. 22). L’effondrement de ces briques avait scellé
un espace intérieur, d’habitat ou de stockage. Des couches de cendres indiquent que la
destruction s’est accompagnée d’un incendie ; parmi les cendres, on a trouvé deux
éléments notables : un fragment de poutre calcinée bien préservé, de section circulaire,
de 10 cm de diamètre environ, qui a été prélevé et pourra être analysé au C14 ; et un
fuseau complet, incluant la fusaïole en terre cuite et la baguette, carbonisée, en
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
26
Fouilles de Pachi (Mégare)
plusieurs tronçons. Enfin, les fragments d’un grand pithos de stockage,
archéologiquement complet, ont été prélevés (fig. 23). Celui‑ci, pris au milieu de la
couche de destruction et non sous elle, était vraisemblablement localisé sur un
toit‑terrasse ou à l’étage de l’édifice.
Fig. 21. Sélection de matériel lithique helladique du secteur PAL‑5.
Cliché : L. de Barbarin.
Fig. 22. Vue générale du niveau de destruction US 5027.
Orthophotographie : A. Peeters, DAO : Th. Lucas.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
27
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 23. Fragments du pithos pris dans la couche de destruction.
Orthophotographie : A. Peeters, DAO : Th. Lucas.
50
Le niveau de sol correspondant à cet édifice a été dégagé sur l’ensemble de la surface ;
par endroits, des moellons ont été retrouvés, qui provenaient vraisemblablement du
socle en pierre sèche des murs de l’édifice – sur une surface cependant trop petite pour
qu’on puisse en tirer des conclusions sur l’architecture de l’édifice. Par manque de
temps, il n’a pas été possible de pousser la fouille plus loin que ce niveau de sol, mais le
mobilier présent en surface a été prélevé ; il devrait permettre de contribuer à la
datation de la destruction de l’édifice.
PAL‑5 – sondage 2 : déroulement et résultats
51
Pour compléter l’exploration de la terrasse parallèle au mur, il a été décidé, au cours de
la mission, d’ouvrir un second sondage à l’endroit où la terrasse s’achève et où s’amorce
la pente plus prononcée. En son point le plus profond, la fouille a été poussée sur une
profondeur de 1,50 mètre (fig. 24).
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
28
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 24. La berme sud‑ouest du sondage 2 en fin de fouille.
Cliché : L. Pirat.
52
Le sondage 2 n’a révélé absolument aucune structure, mais a permis de mieux
comprendre l’histoire du site : les couches fouillées appartenaient à des niveaux de
déblai, d’époque médiévale d’après le matériel le plus récent. Il a même été possible de
suivre en coupe la micro-stratigraphie de ces déblais. Toutes les couches concernées
ont livré un matériel abondant et très mélangé, incluant principalement de la
céramique des époques mycénienne, géométrique, archaïque, et dans une moindre
mesure, classique et hellénistique. Le matériel le plus récent, présent en faibles
quantités, est à dater à l’époque médiévale (céramique glaçurée) (fig. 25 et 26). Le
diagnostic de l’apothèque rejoint ici le diagnostic posé sur le terrain : malgré le nombre
de fragments prélevé, quasiment aucun collage n’a pu être identifié, ce qui montre bien
qu’il s’agit là de couches extrêmement perturbées.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
29
Fouilles de Pachi (Mégare)
Fig. 25. Sélection de céramique de l’US 5026.
Cliché : L. de Barbarin.
Fig. 26. Sélection de céramique de l’US 5028.
Cliché : L. de Barbarin.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
30
Fouilles de Pachi (Mégare)
53
En retour, ce sondage permet d’expliquer un phénomène observé aussi bien en PAL‑1
que dans le sondage 1 de PAL‑5 : le passage sans transition ou presque des couches
tardives à l’horizon d’occupation helladique, alors même que le matériel résiduel des
époques intermédiaires laisse supposer une occupation, notamment aux époques
archaïque et classique. La conclusion atteinte pour PAL‑1 doit probablement être
étendue à l’ensemble du site : il semble bien que l’occupation médiévale ait été
précédée d’un grand nettoyage du site qui a conduit à l’arasement des niveaux
existants et à leur évacuation dans la pente. Comme dans PAL‑1, l’occupation
helladique a été préservée en raison de sa nature : la décomposition de brique crue a
donné des niveaux compacts et stables, qui harmonisent naturellement la surface
irrégulière du substrat.
54
Malgré les apparences, le résultat du sondage 2 est donc extrêmement positif : le
mobilier trouvé dans ce secteur nous renseigne, plus sûrement qu’une prospection, sur
les phases d’occupation principales du site, y compris celles qui n’ont pas été
préservées dans la stratigraphie. Le mobilier datant de l’Helladique Récent et de la
période géométrique, curieusement absent sur le reste de la fouille, est
particulièrement bien représenté dans ces niveaux. On peut même formuler
l’hypothèse que c’est durant le nettoyage du site que les bâtisseurs byzantins ont pu
dégager et réutiliser les nombreux blocs architecturaux antiques qui forment l’essentiel
de la structure du kastro. L’étude approfondie du matériel du sondage 2 sera donc
capitale pour mieux comprendre l’histoire du site.
Le secteur PAL‑5 : conclusions et perspectives
55
Au rang des résultats obtenus en PAL‑5, on peut d’ores et déjà formuler deux
enseignements principaux :
• Les niveaux helladiques sont particulièrement bien préservés sur la terrasse qui précède le
versant nord de la colline de Palaiokastro. Ils représentent une phase déjà connue sur le site,
mais jusqu’ici peu documentée. L’identification de céramique appartenant indubitablement
à l’Helladique Ancien (en PAL‑5 comme en PAL‑1 et PAL‑6) est en revanche une nouveauté.
• On a désormais la preuve que l’établissement du kastro a causé une perturbation majeure
dans la stratigraphie du site : l’occupation médiévale a tout bonnement annihilé les niveaux
correspondant aux phases d’occupation échelonnées entre l’époque mycénienne et l’époque
hellénistique.
Étude préliminaire et conditionnement du mobilier
(responsable : Lou de Barbarin)
56
En parallèle de la fouille, l’équipe d’apothèque a procédé à l’enregistrement et au
conditionnement du mobilier, mais aussi à une étude préliminaire de la céramique,
incluant la couverture photographique complète du mobilier, le diagnostic et les
comptages préliminaires pour la datation de la plupart des unités stratigraphiques,
ainsi que le dessin des vases les plus représentatifs de certaines US.
57
Au‑delà de la nécessité de définir un horizon chronologique des sondages, ce travail a
permis d’esquisser les premières problématiques de recherches en termes de
céramique à Pachi et sur le territoire mégarien. L’approche quantitative et l’étude du
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
31
Fouilles de Pachi (Mégare)
mobilier amphorique d’Agios Georgios menées par Mikaël Pesenti en 2018 ont
notamment mis en évidence l’importance des échanges en Mégaride aux Ve et IVe s.
av. J.‑C. Sur Palaiokastro, les différents secteurs offrent un large aperçu de la succession
des périodes d’occupation de la colline, depuis le Bronze Ancien jusqu’à l’époque
hellénistique pour l’antiquité, et de la période byzantine à l’époque moderne pour les
époques plus récentes. Les nouveautés principales de la fouille de 2021, outre une belle
quantité de mobilier géométrique et archaïque, résident dans l’identification des
céramiques de l’Helladique Ancien et de la fin de l’Helladique Récent ainsi que dans
l’observation de plusieurs hiatus dans l’occupation (début de l’Helladique Récent, haute
période géométrique, époque romaine).
58
Cette première approche du mobilier permet dès à présent de rendre compte de
l’importance du fond céramique que constitue le matériel des prospections et des
sondages de Pachi, tant pour l’âge du Bronze que pour l’Antiquité et la période
médiévale. Pour toutes ces périodes, le matériel est en effet abondant, bien conservé, et
a livré des pièces parfois rares, toujours riches d’informations : par son caractère inédit
pour la Mégaride, une étude du corpus de Pachi participerait à compléter une lacune
très importante de l’histoire de la céramique protohistorique et grecque. Il faut en effet
rappeler que la céramique de la Mégaride, importée comme locale, est à peu près
parfaitement méconnue. Située entre Athènes et Corinthe, les deux références
majeures en termes de céramique pour l’Antiquité, la production de Mégare brille par
son absence dans l’histoire de la recherche sur les céramiques grecques en raison du
manque de travaux publiés sur la question. Les importations céramiques, quant à elles,
ont fait au mieux l’objet de mentions dans des rapports de fouilles ou des articles
anciens ou ponctuels. Or, le mobilier céramique de Pachi, très abondant 5, offre un fonds
documentaire exceptionnel, tant en matériel amphorique, culinaire et commun qu’en
céramique fine, permettant d’enrichir considérablement le dossier mégarien de l’âge
du Bronze, de l’Antiquité et de la période médiévale.
59
Il reste naturellement beaucoup à faire : une campagne d’étude sera nécessaire, avant
tout pour compléter l’enregistrement et l’étude des US mises au jour en fin de fouille
en 2021, ensuite pour réaliser une étude plus approfondie de l’ensemble du mobilier,
notamment celui issu des prospections et des fouilles d’Agios Georgios de 2017 et 2018.
60
La documentation correspondante a fait l’objet d’un rapport détaillé transmis à l’EFA,
dont les conclusions chronologiques ont largement servi pour la rédaction du présent
rapport.
Conclusions générales de la campagne 2021
et perspectives pour de futurs travaux
61
La fouille de 2021, d’une ampleur limitée, avait pour objectif de documenter
scientifiquement l’occupation antique de Palaiokastro, en particulier les phases
antérieures à l’époque médiévale. De ce point de vue, les résultats préliminaires les plus
importants sont :
• L’identification et la description d’une phase de fortification hellénistique sur le site, en
particulier en PAL‑4 où l’on a pu identifier et décrire une tour d’angle de cette fortification.
• La mise en exergue, dans tous les secteurs, d’une importante modification de la morphologie
de la colline à l’époque médiévale, qui a conduit à l’arasement et à la destruction quasi-
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
32
Fouilles de Pachi (Mégare)
complète des phases d’occupation antiques comprises entre l’Helladique Récent et la période
hellénistique.
• L’identification d’une importante occupation datant de l’Helladique Ancien et Moyen, dont
les niveaux, au moins sur le flanc nord de la colline, sont bien préservés.
62
Dans l’ensemble, la campagne a donc permis de faire des progrès significatifs dans
notre compréhension de l’occupation de la colline. Ces résultats prometteurs pourront
servir d’appui à la poursuite des recherches dans la zone. Dans l’immédiat, la campagne
devra être prolongée par une étude plus détaillée du matériel, y compris la céramique
provenant des prospections et des fouilles d’Agios Georgios en 2017 et 2018, afin
d’aboutir à des conclusions chronologiques à la fois mieux étayées et plus précises. Il
est également important d’entamer un dialogue entre les deux projets menés pour
l’instant, dans une large mesure, de façon séparée, et de tracer les grandes lignes de
l’évolution de l’occupation sur l’ensemble de la zone, incluant les deux collines d’Agios
Georgios et de Palaiokastro.
63
Les perspectives pour l’avenir sont multiples. La campagne de 2021 a permis d’avoir
une vision plus solide du potentiel archéologique de la zone. On peut résumer les
possibilités de travaux futurs à Palaiokastro autour de deux points :
• La réponse à l’une des principales questions posées en ouverture de la campagne est
largement négative : il n’est pas possible d’identifier des vestiges importants des phases
d’occupation Archaïque, Classique et Hellénistique dont proviendraient les nombreux blocs
utilisés en remploi dans le kastro. En l’absence de données stratigraphiques, cette phase ne
pourra être documentée que par une analyse plus fine de ces blocs eux‑mêmes, et donc par
une étude architecturale détaillée du kastro, qui fait défaut pour l’instant. Une telle étude
architecturale, étendue à l’ensemble de la colline, permettrait également de mieux
comprendre les rares vestiges préservés des fortifications hellénistiques.
• En revanche, nous avons pu montrer que Palaiokastro était un site important durant
l’Helladique Ancien et Moyen, et que les niveaux de ces périodes sont bien préservés sur une
partie de la colline. C’est là que réside le potentiel archéologique le plus prometteur du site.
Les niveaux en place n’ont pu être observés que sur une petite fenêtre en PAL‑5 ; il serait
souhaitable, à l’avenir, de relancer les opérations avec des moyens humains et techniques
plus importants, incluant la prospection géophysique de l’ensemble de la zone, et une fouille
en aire ouverte sur une partie plus importante de la terrasse nord, pour mieux documenter
cette occupation ancienne.
Annexe 1 : inscription trouvée dans le secteur PAL‑4
(Jules Buffet)
64
Mégare, apothèque Benardi Meletiou, n° PAX21/4025.1. Fragment de stèle en marbre
blanc, brisée sur tous les côtés, découvert le 1er septembre 2021 sur le secteur PAL‑4,
immédiatement au sud de la tombe TB1, dans un niveau de démolition. Dimensions : h. :
0,16 m, l. : 0,19 m, ép. : 0,07 m. Hauteur des lettres : 1,8 – 2 cm, interligne 0,8 cm
(fig. 27).
65
Date : IIe s. av. J.‑C. – Ier s. ap. J.‑C.
Vacat
[- - -]ΛΕΙΤΟ[- - -]
[- - -]ΚΛΕΙΤ[- - -]
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
33
Fouilles de Pachi (Mégare)
[- - -]Α̣ΙΟΣ̣ΧΑ̣[- - -]
Vacat
66
Note : l. 3 : La première lettre de la troisième ligne n’a conservé que le bas de sa haste
de droite, il pourrait donc s’agir également d’un lambda ; néanmoins un alpha permet
de restituer un ethnique en ‑αιος. La dernière lettre de la troisième ligne est également
très fragmentaire, mais il semble qu’il s’agit d’un alpha dont on peut identifier la barre
horizontale brisée. C’est ce détail qui permet de situer l’inscription entre le IIe s. av. J.‑C.
et le Ier s. ap. J.‑C. On peut sans doute restituer la formule χαῖρε à la fin de la ligne.
67
Traduction : « [...]kleito[...] fils de [...]kleito[...], [ethnique ?], salut. »
Fig. 27. Inscription trouvée sur le secteur PAL‑4.
Cliché : L. de Barbarin.
68
Bien que très fragmentaire, cette stèle est certainement un monument funéraire, car
les deux premières lignes ne peuvent guère être que des noms propres. Le défunt
portait un nom identique ou similaire à celui de son père, mais il est difficile de
trancher entre les différentes possibilités (Ἡράκλειτος ? Κλειτοφῶν ? Κλεῖτος ? etc.).
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
34
Fouilles de Pachi (Mégare)
BIBLIOGRAPHIE
Mégare, Pachis, 2017
MÉGARE. – Pachis – 2017, Chronique des fouilles en ligne, n. 6889, mise en ligne le 23 juillet 2019,
consultée le 25 octobre 2021. URL https://chronique.efa.gr/?kroute=report&id=6889.
Mégare, Pachis, Aghios Georgios, 2018
MÉGARE. – Pachis, Aghios Georgios – 2018, Chronique des fouilles en ligne, n. 8508, mise en ligne le
15 juillet 2020, consultée le 25 octobre 2021. URL https://chronique.efa.gr/?
kroute=report&id=8508.
ZORIDIS 1984
Pandeli Zoridis, « Τὰ ἀρχαῖα τείχη τῶν Μεγάρων », AE 124, 1985, p. 217‑237.
NOTES
1. Voir les notices publiées sur ces opérations : Mégare, Pachis, 2017 ; Mégare, Pachis,
Aghios Georgios, 2018.
2. Dans le rapport préliminaire de la campagne de 2018, il est indiqué qu’il s’agit d’une
statue masculine (Mégare, Pachis, Aghios Georgios, 2018). C’est là une erreur, due au
fait que l’espace entre les pieds de la statue a été grossièrement creusé lors de son
remploi (cf. infra), donnant faussement l’impression que les pieds étaient nettement
séparés, comme sur une statue masculine. Sur les deux côtés de la statue, cependant,
les plis abondants du chitôn qu’elle portait sous l’himation sont bien identifiables. Ce
détail permet de restituer une statue féminine, dans un contrapposto comparable, par
exemple, à celui de la Grande Herculanaise.
3. Thucydide, III, 51.
4. Voir sur ce point ZORIDIS 1984, p. 231‑237.
5. Sur Agios Georgios, on compte plus de 21 000 fragments correspondants à 2311
nombre minimum d’individus pondérés, sur Paleokastro, les premiers comptages
indiquent environ 10 000 fragments pour les sondages étudiés.
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
35
Fouilles de Pachi (Mégare)
INDEX
Thèmes : EFA
sujets https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtaGFcSzXQ5x, https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/
pcrtbptj4SOA1W, https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtk6D8S79lNB
Année de l’opération : 2021
lieux https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrt8aDUwkuQGd
chronologie https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtZyHDNzd3Ie, https://ark.frantiq.fr/ark:/
26678/pcrtucKPkJskZS, https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtaFkrKZEXbs, https://
ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtAQyKm9qosx
AUTEURS
THIERRY LUCAS
EFA
PATRICK MARCHETTI
Université catholique de Louvain
PANAGIOTA AVGERINOU
Éphorie des antiquités d’Attique occidentale
LOU DE BARBARIN
Aix-Marseille Université
JULES BUFFET
Université Paris-Nanterre
ANTHONY PEETERS
Université catholique de Louvain
LOUIS PIRAT
INRAP
BRIEUC GUILLAUME
EFA
MARILOU DE VALS
Sorbonne Université
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Grèce
36