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LES RAPPORTS CENTRE-RÉGIONS EN RUSSIE Rééquilibrage et continuité Jean-Robert Raviot La Documentation française | « Le Courrier des pays de l'Est » 2003/3 n° 1033 | pages 4 à 15 ISSN 0590-0239 DOI 10.3917/cpe.033.0004 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française. © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-le-courrier-des-pays-de-l-est-2003-3-page-4.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Le dossier du mois le courrier des pays de l’Est Jean-Robert Raviot Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Manuscrit clos en avril 2003. Mars 2003 4 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) n° 1033 Les rapports centre-régions en Russie Dès le lendemain de son élection, le 26 mars 2000, le président Poutine inscrit la réforme des rapports entre le Centre fédéral et les 89 sujets de la Fédération de Russie au tout premier rang des priorités politiques. La rhétorique officielle qui accompagne l’annonce des changements, illustrée par les mots d’ordre de «dictature de la loi» R é équilibrage et continuité et de «rétablissement de la verticale du pouvoir», laisse présager une rupture radicale avec la période précédente, l’ère Poutine semblant A quelques mois d’un nouveau cycle électoral s’ouvrir sur une «mise au pas» des régions en Russie (2), quel bilan peut-on dresser des (1) russes . Faute de disposer d’une majorité claire réformes intervenues depuis trois ans dans le à la Douma d’Etat, Boris Eltsine s’appuyait sur domaine du fédéralisme ? les chefs des administrations régionales pour gouverner et il leur a peu à peu concédé une large Une réforme limitée autonomie dans de nombreux domaines. En 2000, chacun des 89 sujets de la Fédération disposait Les observateurs russes sont unanimes à recond’un champ de compétences propre, négocié de naître que le seul succès tangible remporté par gré à gré avec le Kremlin, et souvent consacré Vladimir Poutine sur le terrain du fédéralisme par un traité bilatéral. Ce fédéralisme à géométrie consiste dans la mise en conformité des constituvariable a eu pour conséquence la prolifération tions, des statuts et de l’ensemble des actes des d’actes régionaux contraires à la Constitution et sujets de la Fédération avec la Constitution et les aux lois fédérales. De plus, l’emprise des admilois fédérales. «Il a pratiquement été mis fin au nistrations régionales sur les organes territoriaux chaos juridique de l’ère Eltsine», déclare Nikolaï des administrations fédérales (Impôts, Petrov(3). Envisagé sous l’angle politique, cet Procurature, Intérieur et Sécurité, etc.) mettait aggiornamento du droit, salué par tous les sans cesse en question l’exercice, par l’Etat commentateurs, fait l’objet d’analyses diamétracentral, de ses prérogatives et de son autorité. Les lement opposées. Certains y voient le signe que gouverneurs et présidents des régions et répu«Vladimir Poutine a réussi à (...) reconstruire ce bliques de la Fédération de Russie ont instauré que Eltsine avait sciemment et délibérément des régimes politiques qui reposent sur de détruit, c’est-à-dire la structure de l’Etat», tandis précaires jeux d’équilibre entre clans régionaux, que d’autres soulignent que «rien n’est venu lorsque ce n’est pas sur la domination arbitraire limiter le renforcement du pouvoir des oligarchies» et sans partage d’un «parti du pouvoir» local. et que «les réformes (fédérales) n’ont en rien C’est dans ce contexte que Vladimir Poutine, dès diminué la puissance politique des gouverson accession au pouvoir, cherche à inverser au neurs»(4). C’est pourtant cette puissance des chefs profit du Kremlin le rapport de forces avec les des administrations régionales(5), ainsi que leur chefs des administrations régionales (rétablissement capacité de nuisance, que le Président russe tente de la verticale du pouvoir) en imposant un de circonscrire lorsqu’il signe, le 13 mai 2000, nouveau cadre institutionnel et juridique (dictaun décret instituant des représentants plénipotenture de la loi). tiaires du Président dans sept grands districts fédéraux, des «super-relais» du Kremlin chargés de superviser et de contrôler l’action des gouverneurs et des présidents des républiques. En prenant une mesure d’ordre administratif qui vise à déconcentrer l’administration fédérale, le Président russe tente également d’intervenir plus directement dans les jeux politiques régionaux. Les émissaires du Kremlin exercent-ils une réelle influence dans leurs districts ? Par la suite, les autorités fédérales n’ont eu de cesse d’imposer aux chefs des administrations régionales de nouvelles règles, toujours plus contraignantes. La dernière étape de ce programme d’endiguement par le droit est aujourd’hui en discussion. Le projet de loi Kozak, dont l’adoption définitive pourrait intervenir en mai 2003, finalise la construction de la verticale du pouvoir en délimitant les compétences des niveaux fédéral, régional, local et en soumettant les différents responsables à une stricte discipline hiérarchique, ainsi qu’à un code de bonne conduite en matière budgétaire(6). C’est également dans cette logique de dissuasion à l’égard des autorités des sujets de la Fédération qu’un débat sur les contours et les modalités de la Fédération est orchestré depuis le courrier des pays de l’Est bientôt trois ans. Compte tenu des asymétries (de statut, de poids économique, démographique, politique...) entre les sujets de la Fédération, des voix s’élèvent pour réclamer une refonte complète de la division du territoire. Ce débat entretient un climat d’incertitude sur l’avenir du fédéralisme que le locataire du Kremlin et son équipe de conseillers mettent à profit pour freiner la concentration des ressources politiques entre les mains des gouverneurs. Cette tactique porte-t-elle ses fruits ? Vladimir Poutine a-t-il vraiment rompu avec la méthode de Boris Eltsine, qui consistait à entretenir le dialogue avec les gouverneurs jugés particulièrement ombrageux ? Le poids des barons régionaux dans l’économie générale du système politique a-t-il diminué ? L’administration du président Poutine parvient-elle à mieux contrôler le déroulement (et accessoirement le résultat) des élections régionales et locales que précédemment ? Qu’en est-il de l’influence des oligarchies économiques dans les processus politiques et électoraux ? Enfin, l’éviction des gouverneurs des rangs du Conseil de la Fédération, où ils siégeaient de droit jusqu’en 2000, a-telle permis d’atténuer l’influence de ces derniers dans le processus législatif ? © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Le Conseil de la Fédération Conformément à la Constitution du 12 décembre 1993 qui l’institue, la Chambre haute de l’Assemblée fédérale est composée de deux représentants par sujet de la Fédération (au nombre de 89) : un représentant de l’assemblée de la région (ou de la république) et un représentant de l’exécutif. Toutefois, de 1993 à 1995, conformément aux dispositions transitoires, deux représentants de chaque sujet de la fédération ont été élus au suffrage universel direct pour un mandat de deux ans. La loi du 5 décembre 1995, supprime l’élection des membres du Conseil de la Fédération. Désormais ce sont le chef de l’organe représentatif et celui de l’organe exécutif de chaque sujet de la Fédération qui y siègent de droit. Pour limiter les pouvoirs des responsables régionaux, la loi du 5 août 2000, voulue par Vladimir Poutine, dispose que le représentant de l’assemblée régionale est élu par cette dernière pour la durée de sa législature alors que celui de l’exécutif régional est nommé et révoqué de manière discrétionnaire par le chef de l’administration régionale (ou gouverneur). Les nouveaux membres du Conseil de la Fédération sont donc dépourvus de légitimité populaire. Avec la nouvelle loi, les gouverneurs et les chefs des assemblées régionales ont perdu leur immunité parlementaire. Le Conseil de la Fédération intervient obligatoirement dans l’élaboration des lois organiques et des lois portant sur les questions ayant une portée financière (adoption du budget fédéral, impôts et taxes) ou internationale (déclaration de guerre, modification des frontières, ratification et dénonciation des traités internationaux). Pour les lois ordinaires, la Chambre haute n’intervient qu’à titre facultatif : une procédure d’approbation tacite des lois votées par la Douma est prévue par la Constitution. Outre qu’il dispose n° 1033 Mars 2003 5 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Les rapports centre-régions en Russie Le dossier du mois le courrier des pays de l’Est d’un pouvoir important de blocage dont il a fait usage dans le domaine du fédéralisme notamment, le Conseil de la Fédération procède à la nomination aux principales fonctions judiciaires de la Russie (juges à la Cour constitutionnelle fédérale, à la Cour suprême, à la Cour supérieure d’arbitrage) ainsi qu’à la nomination (et révocation) du procureur général de la Fédération de Russie n° 1033 Mars 2003 6 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Emissaires du Kremlin dans les «capitales» des sept districts fédéraux − qui correspondent peu ou prou aux districts militaires −, les représentants plénipotentiaires du Président ne sont pas devenus des acteurs politiques de poids au niveau régional. Le profil de ces hommes (7), majoritairement des anciens responsables dans les ministères de force (Armée, Sécurité, Intérieur), ainsi que leur étroite dépendance statutaire à l’égard du Président − qui les nomme et les révoque à sa discrétion − permettaient sans doute de le prédire. En revanche, et tous les observateurs s’accordent à le souligner, les émissaires du Kremlin jouent un rôle essentiel dans la coordination de l’ «opération de normalisation du droit»(8). Ils constituent en effet aujourd’hui un rouage indispensable dans le déploiement de l’action du pouvoir central, ne serait-ce qu’en raison de l’ampleur des ressources administratives et des informations qu’ils sont susceptibles de mobiliser. Au-delà de la tâche de coordination des diverses branches de l’action publique fédérale qui leur est impartie, les représentants plénipotentiaires ont forgé dans leur district des réseaux d’influence et d’information. Ainsi, sans pour autant devenir des personnalités politiques dotées d’une réelle autonomie et d’un véritable pouvoir de décision, ils ont réussi à se rendre indispensables. Rouages administratifs, vecteurs d’influence, mais surtout canaux d’information qui ont amené le Kremlin à plus de «lucidité sur les intentions» des élites régionales, ainsi que sur les stratégies qu’elles déploient. Dotés, pour la plupart d’entre eux, d’une expérience professionnelle du renseignement, les émissaires fédéraux auraient permis à Vladimir Poutine de «contrer la désinformation de couloir» et d’éviter «de perdre la face à maintes occasions»(9), notamment lorsqu’il doit se prononcer sur un candidat lors d’élections régionales. ● Statu quo L’institution des représentants plénipotentiaires du Président est périodiquement remise en question dans le débat public. Ainsi, en décembre 2002, certains sénateurs annoncent la prochaine disparition des émissaires du Kremlin, au motif que le projet de loi Kozak ne les mentionne même pas dans son schéma d’organisation fédérale, contrairement à ce qui avait d’abord été annoncé(10). Pour étayer cette rumeur, les parlementaires expliquent que les émissaires ont terminé la seule mission pour laquelle ils avaient été nommés, mettre en conformité les législations des sujets de la Fédération avec le droit fédéral. En outre, le Président aurait déclaré qu’en dépit de quelques succès, ses représentants «ont échoué à devenir des actionnaires de la compagnie appelée “élections régionales”»(11). Pourtant, certains d’entre eux n’ont pas ménagé leurs efforts pour tenter de se positionner sur l’échiquier politique des grandes régions faisant partie de leur district. Ainsi, dans l’Oural, Piotr Latychev, est entré en conflit ouvert avec le gouverneur de la région la plus importante du district, celle de Sverdlovsk. Or, ce dernier, Edouard Rossel, se trouve être l’un des leaders régionaux les plus influents de Russie. Signe de sa puissance, il est l’un des seuls chefs d’administration régionale à s’être maintenu en poste sans interruption depuis 1991. Soucieux de sa longévité politique et sachant qu’il ne serait pas autorisé à briguer pour la troisième fois le fauteuil de chef de l’exécutif de la région après 2003, il avait accueilli favorablement l’institution des représentants plénipotentiaires du Président, espérant que Vladimir Poutine le nommerait à ce poste. La désignation de Piotr Latychev, un ancien responsable du ministère de l’Intérieur ayant le grade de général et pourvu d’une expérience parlementaire dans l’ancien Soviet suprême de Russie (1990-1993), suscite l’ire du gouverneur de Sverdlovsk, qui accuse l’émissaire d’incompétence et d’ingérence © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) ● Les émissaires du Kremlin : un rouage indispensable © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) dans les affaires régionales. De son côté, P. Latychev se donne pour priorité de former son réseau d’information et d’influence auprès des élites industrielles et financières de l’Oural, cherchant à circonscrire l’influence de E. Rossel. Proclamant haut et fort son dessein de «restaurer l’autorité de l’Etat sur ce que les petits seigneurs considèrent comme leur domaine» (12), il est intervenu avec succès dans de nombreuses affaires financières, usant de son influence auprès des instances fédérales au bénéfice d’oligarques de la région. Dès lors, le représentant du Président acquiert rapidement une solide réputation d’efficacité auprès des élites du district, et plus particulièrement à Ekaterinbourg, chef-lieu du district fédéral de l’Oural et capitale de la région de Sverdlovsk, le fief de E. Rossel. Gagnant en assurance, il est allé jusqu’à lancer, en décembre 2001, un audit des finances de l’administration régionale de Sverdlovsk, cherchant ainsi à reprendre le contrôle d’une administration fiscale qui relève du centre mais qui, en réalité, dépend du gouverneur. La rivalité entre les deux hommes atteint son point culminant à la veille de l’élection de l’assemblée régionale, en avril 2002, ce qui pousse E. Rossel à proposer à P. Latychev une «trêve» et un «règlement pacifique du conflit». Les résultats de cette consultation électorale, marqués par une avance importante de la liste soutenue par le gouverneur de Sverdlovsk, «Notre Maison l’Oural», sur celle des candidats appuyés par l’émissaire du Kremlin, baptisée «Unité et Patrie» (13) , mettent un terme aux manœuvres de P. Latychev. A dix-huit mois des élections législatives de décembre 2003, le gouverneur de Sverdlovsk a fait suffisamment état, sinon de sa force, du moins de sa capacité de nuisance et de sa supériorité tactique sur l’émissaire du Président. La conclusion de cet épisode, semblable à d’autres qui se déroulent ailleurs − notamment dans le district du NordOuest dont Saint-Pétersbourg, dont est originaire Vladimir Poutine, est la capitale − laisse à penser que le Président optera pour le statu quo : ni abolition, ni institutionnalisation de ses représentants plénipotentiaires dans les districts. La nomination, en mars 2003, de Valentina Matvienko − une proche du chef de l’Etat, ancienne vice-Premier ministre − à la tête du district fédéral du NordOuest indique que le Président souhaite que ses émissaires s’en tiennent à leur tâche d’ «inspecteur général» et, sur le plan politique, à un strict rôle d’ambassadeur du Kremlin, aussi informé et «diplomate» que possible. le courrier des pays de l’Est Une première étape ? Pour certains commentateurs, l’instauration des sept districts fédéraux en 2000 a représenté la première étape d’une refonte complète des structures fédérales, le Kremlin attendant pour la lancer de disposer, après 2004, de la majorité des deux tiers à la Douma d’Etat, quota nécessaire pour entreprendre des réformes constitutionnelles. Eclipsé par l’actualité des deux guerres menées en Tchétchénie, le débat sur le découpage territorial «idéal» de la Russie, toujours latent, resurgit périodiquement. Il est évident que la division administrative du territoire héritée de l’URSS comporte de nombreux défauts. Tout d’abord les 89 sujets de la Fédération relèvent de six statuts différents. Ensuite, à cette asymétrie institutionnelle s’ajoute une forte asymétrie socio-économique(14), avec pour résultat que certains sujets de la Fédération sont «plus égaux que d’autres» en dépit du principe d’égalité entre eux consacré par la Loi fondamentale. Ainsi, un cinquième de la population de la Russie réside dans huit entités ; six sujets de la Fédération prélèvent à eux seuls l’essentiel des recettes fiscales réalisées sur l’exploitation des matières premières ; les neuf dixièmes des capitaux sont concentrés dans quatre régions (les quatre cinquièmes à Moscou), etc. L’asymétrie des entités fédérées conduit à un traitement différencié de chacune d’entre elles par le centre. Force est de constater que les attaques lancées au cours des trois dernières années par certains hommes politiques, pour la plupart des proches du Kremlin, contre le cadre fédéral actuel ne sont pas dénuées de tout fondement. Le gouverneur de Novgorod, Mikhaïl Proussak, est une des figures de proue des partisans, assez nombreux au sein de la classe politique, de la refonte intégrale du fédéralisme. Il préconise la mise en adéquation du découpage territorial du pays avec les réalités économiques et démographiques. Ainsi, selon lui, il conviendrait de diviser le territoire en 50-60 régions − correspondant peu ou prou aux anciens gouvernorats (goubernia) de l’Empire russe − dotées d’un statut unique(15) (M. Proussak prône la suppression pure et simple des républiques, «où les nationalités dites titulaires sont presque partout minoritaires»), de supprimer le Conseil de la Fédération, de dissoudre les sept districts fédéraux(16)... n° 1033 Mars 2003 7 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Les rapports centre-régions en Russie ● Redessiner la carte administrative n° 1033 Mars 2003 8 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Sans jamais approuver ni désapprouver clairement ces projets de transformation radicale du cadre fédéral, le Président russe a cependant ouvert la voie à une réforme. Vladimir Poutine veut-il redessiner la carte administrative de la Russie ? Certains analystes en sont persuadés. Pour Danielle Lussier, universitaire américaine, spécialiste de la Russie, le vote, en décembre 2001, d’une loi fédérale instituant une procédure qui permet la fusion volontaire d’entités voisines constitue la première étape d’un vaste programme de réformes. En attendant de pouvoir obtenir un amendement de la Constitution − les 89 sujets de la Fédération étant énumérés dans son article 65 − l’administration présidentielle aurait suscité l’adoption de ce texte afin d’établir le constat «grandeur nature» de tous les obstacles qui se dressent sur la voie d’une refonte du cadre fédéral(17). Les autorités centrales se contentent pour l’instant d’observer d’un oeil favorable les projets de fusion, qui doivent être approuvés par référendum dans chacune des entités formant le projet de s’unir, avant d’être entérinés in fine par une loi fédérale. Parmi ces projets, un seul − le rattachement de l’arrondissement des KomisPermiaks à la région voisine de Perm − semble être en mesure d’aboutir en 2003. Tous les autres soulèvent l’opposition des dirigeants des régions et arrondissements voués à une éventuelle absorption. Si les populations peuvent parfois gagner, en termes de services publics ou de prestations sociales, à devenir citoyens d’une région plus riche, les élites politiques ont tout à perdre de réformes qui les priveront de leurs postes dans les administrations ou les assemblées régionales. En réalité, seuls les gouverneurs des grandes régions ayant vocation à absorber de plus petites entités semblent appeler de leurs vœux une «vague d’agrandissement»(18). De plus, là où de grandes holdings contrôlent les institutions politiques − arrondissements autonomes «pétroliers» de Taïmyr, des Nenets de Iamal ou des Khantys et des Mansis − les responsables ne souhaitent pas être privés de la possibilité d’occuper des postes (députés dans les assemblées régionales, représentants au Conseil de la Fédération, sénateurs, etc.) qui leur assurent une précieuse immunité parlementaire. Il ne paraît pas déraisonnable de parier que Vladimir Poutine dissimulera toute velléité réformatrice et émettra de vives réticences à l’égard de ces fusions − et de Le dossier du mois toute réforme du cadre fédéral − au cours de l’année 2003, ne serait-ce que pour ne pas mécontenter les élites régionales à la veille des élections. En mars 2003, Vladimir Poutine s’employait à rassurer sur ce point les dirigeants des petites entités sibériennes : «aucun changement territorial ne peut intervenir en dehors d’une réforme constitutionnelle, à laquelle vous prendrez part (...) par le biais de votre voix au Conseil de la Fédération»(19). Le poids des gouverneurs Formant la véritable ossature du système politique sous la présidence Eltsine, les gouverneurs sont appelés par son successeur à jouer un rôle plus modeste dans la nouvelle architecture institutionnelle de la Russie. Contraints de respecter un moule juridique plus rigide, les chefs des administrations régionales se voient en outre privés du siège qui, depuis 1995, leur revenait de droit au Conseil de la Fédération. Le Président et son administration exercent une pression constante sur les barons régionaux. Par sa rudesse, son volontarisme et sa fermeté, la nouvelle rhétorique présidentielle rompt avec les atermoiements et les changements de cap de Boris Eltsine. Recourant volontiers au vocabulaire médiéval couramment employé par les analystes et les journalistes russes pour évoquer les pouvoirs régionaux et locaux, Vladimir Poutine a manifesté à maintes reprises son intention de venir à bout des «fiefs» et des «seigneurs» régionaux, allant même jusqu’à citer, à l’appui de ce discours, «l’exemple» de la guerre menée par les forces russes en Tchétchénie depuis l’automne 1999. L’harmonisation des institutions régionales constitue l’un des axes majeurs de la politique du Kremlin ; une première loi les concernant fut adoptée dès octobre 1999 à l’instigation du Premier ministre d’alors, Vladimir Poutine. Depuis lors, le Président s’est constamment efforcé de consolider le cadre qu’il souhaite imposer aux gouverneurs lesquels ont pris l’habitude, pendant presque une décennie, de se tailler des institutions «sur mesure». Le projet de loi Kozak vient parfaire un dispositif législatif dont la mise en oeuvre se heurte à de nombreux obstacles. Par exemple, une loi fédérale adoptée en 2002 stipule que l’élection des assemblées des sujets de la Fédération doit être à deux tours et, pour une moitié des sièges au moins, se dérouler © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) le courrier des pays de l’Est © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) selon le scrutin proportionnel de liste (20) . Combinée à la loi sur les partis de 2001, qui interdit de facto les formations politiques régionales(21), cette disposition, officiellement légitimée par la nécessité d’aligner les modalités des élections de toutes les assemblées des sujets de la Fédération sur celles de la Douma d’Etat, vise à donner aux autorités fédérales les moyens de mieux contrôler la composition des parlements régionaux. Peu pressés de voir des députés de «Russie unie», le parti officieux du pouvoir, investir des assemblées qu’ils ont jusqu’ici plus ou moins dirigées, les gouverneurs manifestent ouvertement leur opposition à une loi fédérale qui doit, d’ici juillet 2003, être obligatoirement transposée dans les législations régionales. Aussi peu de sujets de la Fédération ont-ils à ce jour adopté les amendements nécessaires. Le 18 février 2003, lors d’une réunion du Conseil des législateurs, un nouvel organe composé des présidents des assemblées des sujets de la Fédération, Vladimir Poutine les exhortait à y procéder, en soulignant que «ces changements ne sont pas destinés à servir les intérêts de quiconque (...) mais à s’assurer que lorsque notre peuple va voter, il ne se prononce pas seulement pour une personne, mais pour quelqu’un ayant des convictions politiques clairement affichées»(22). Le Président réussira-t-il à emporter la conviction des élites politiques régionales ? Rien n’est moins sûr. L’assemblée régionale d’Orel − une région dirigée par Egor Stroïev, l’ancien président du Conseil de la Fédération, entré dans l’opposition au Kremlin − a, d’ores et déjà, demandé à la Cour constitutionnelle fédérale de se prononcer sur la portée régionale des dispositions de la loi fédérale concernant les élections... ● Un pouvoir renforcé Tout indique que les gouverneurs, loin d’avoir perdu leur influence, demeurent très puissants. Les rapports de forces entre le Président et les chefs des administrations régionales constituent donc toujours l’axe central de la politique en Russie. Souvent accusé de se plier à toutes les suggestions émanant du Kremlin, le juge constitutionnel s’est d’ailleurs prononcé pour une interprétation stricte des lois fédérales encadrant les institutions régionales. Mais, à l’inverse, le 4 avril 2002, la Cour constitutionnelle fédérale a le courrier des pays de l’Est rendu un arrêt qui, s’il confirme le droit du chef de l’Etat de mettre fin aux fonctions d’un gouverneur, en définit les conditions d’une manière très restrictive. En outre, en juillet 2002, la même juridiction a levé les obstacles juridiques qui empêchaient 43 gouverneurs d’entrer dans la course pour un troisième mandat. Pour le politologue Vladimir Pribylovski, le Président russe est toujours étroitement dépendant des gouverneurs. Ces derniers «continuent de contrôler les budgets et les médias régionaux, ainsi qu’une part non négligeable des flux économiques», sans compter qu’ils gardent la haute main sur «l’attribution de toute une série de licences». Finalement, ils auraient même renforcé leur pouvoir «en passant des accords avec le monde des affaires, ce qui contribue à les émanciper du contrôle fédéral »(23). En effet, les propos de certains gouverneurs laissent penser qu’ils ne cessent de consolider leur assise. Ainsi, Mikhaïl Proussak et le mairegouverneur de Moscou, Iouri Loujkov, ont déclaré à l’occasion de l’une des réunions élargies de la commission Kozak qu’il convient désormais «d’abolir l’élection des maires», les édiles municipaux ayant vocation à être «des managers plutôt que des politiciens» (24). S’il tente de limiter l’étendue de leur pouvoir, Vladimir Poutine n’en continue pas moins d’associer les gouverneurs, au moins symboliquement, aux grandes orientations de la politique fédérale. C’est à cet effet qu’a été créé en 2000 le Conseil d’Etat, organe consultatif qui rassemble les 89 chefs des exécutifs régionaux. Cette institution est invitée à se prononcer sur des projets de loi jugés de son ressort par le Président, tel celui qui porte le nom de D. Kozak. En outre, à la veille des échéances électorales de 2003-2004, le chef de l’Etat a souhaité flatter l’amour-propre et accroître le prestige des gouverneurs en les associant à la conduite de la politique étrangère du pays. Soucieux de faire bénéficier ces derniers du crédit dont il jouit sur la scène internationale depuis le 11 septembre 2001, Vladimir Poutine a institué, le 22 janvier 2003, un «Conseil des gouverneurs sur la politique étrangère». Chargé des problèmes − aussi concrets que brûlants − de coopération transfrontalière, le nouveau Conseil ne serait, pour certains observateurs, qu’une manœuvre de diversion destinée «à permettre aux chefs des administrations régionales de se donner des allures d’hommes d’Etat» dans le but de détourner leur attention des enjeux électoraux(25). n° 1033 Mars 2003 9 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Les rapports centre-régions en Russie Les jeux régionaux n° 1033 Mars 2003 10 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) De l’avis général des observateurs, ni les représentants plénipotentiaires, ni les branches régionales du parti « Russie unie » ne constituent des rouages suffisamment solides pour garantir la victoire des candidats du Kremlin lors des prochaines élections législatives. Le Président devra donc s’appuyer sur les seuls canaux dont la fiabilité est assurée : les administrations régionales. En dépit de nombreuses tentatives, les interventions du Kremlin dans les élections régionales et locales ont rarement été couronnées de succès. En 2000, seuls 8 candidats officiellement soutenus par l’administration présidentielle l’ont emporté dans des élections d’exécutifs régionaux (sur 44). Si le chiffre augmente sensiblement en 2001 (6 victoires sur 14 scrutins) et en 2002 (9 sur 14)(26), c’est que les erreurs commises en 2000 ont été analysées et corrigées. Toutefois, le pouvoir central n’a pas trouvé la recette de la victoire assurée. L’échec, au printemps 2001, du candidat du Kremlin à Vladivostok qui, pourtant, disposait de toutes les ressources nécessaires, puisqu’il s’agissait de l’adjoint du représentant plénipotentiaire du Président dans le district fédéral de l’ExtrêmeOrient - Guennadi Apanassenko (27) − a été longuement médité. Un constat semble se dégager : plus l’intervention de Moscou est voyante, moins elle produit de résultats. C’est la raison pour laquelle, à partir de 2001, le Kremlin, rompant avec la tactique retenue jusqu’alors, décide d’apporter son appui à des gouverneurs sortants qui ne lui sont pas inféodés, tandis que l’administration Poutine perfectionne et affine ses stratégies d’intervention. Ainsi, lors de l’élection présidentielle dans la république des Komis, en décembre 2002, le Kremlin soutenait deux personnalités : l’une officiellement − le Président sortant, Iouri Spiridonov − l’autre en coulisse − Viktor Torlopov, son principal concurrent. Ce dernier, qui a remporté l’élection, n’avait pas reçu l’investiture du parti «Russie unie», mais il avait été invité à se joindre à une délégation gouvernementale qui se rendait à Bruxelles une semaine avant l’échéance électorale(28). En réalité, les jeux politiques dans les régions obéissent à des logiques locales imprévisibles plus qu’à des normes permettant d’anticiper les réactions de leurs acteurs. Ainsi, l’élection de Viktor Maslov, ancien responsable régional du FSB, au poste de gouverneur de Smolensk avec l’appui du Kremlin (printemps 2002) a été suivie de l’assassinat, en Le dossier du mois six mois, de huit personnalités de la région, dont le vice-gouverneur. Interprétée comme la réaction du crime organisé à l’opération «mains propres» conduite par V. Maslov, cette série de meurtres − un meurtre en entraînant un autre en représailles − a instauré dans la région un climat de terreur qui met en péril la tenue même des élections législatives en décembre 2003. Selon un observateur local, peu de candidats auront le courage de s’inscrire sur les listes(29)... ● La guerre des kompromaty Dans tous les sujets de la Fédération de Russie, c’est l’élection du gouverneur (ou du président de la république) qui, tous les quatre ans, rythme la vie politique en cristallisant l’ensemble des enjeux de pouvoir. Tous les acteurs politiques et économiques de poids cherchent à peser sur ses résultats : l’administration présidentielle, l’administration régionale sortante, les directeurs des grandes entreprises locales, les «parrains» (avtoritety) du crime organisé, les patrons des grandes holdings, les oligarques moscovites... Par conséquent, ce scrutin suscite l’organisation de campagnes électorales qui s’illustrent par la malveillance des candidats et de leurs équipes à l’encontre de leurs adversaires ainsi que par des dépenses somptuaires, en augmentation constante(30). Selon un observateur moscovite, les frais engagés par l’ensemble des candidats à l’élection du gouverneur de Krasnoïarsk en 2002 équivalent au budget annuel de ce territoire(31). Ici, comme c’est devenu la règle dans bien des régions russes, la campagne électorale a été précédée d’une guerre des kompromaty. La pratique des révélations compromettant l’adversaire, dont les fuites sont orchestrées dans les médias par les attachés de relations publiques qualifiés de «noirs»(32) − leur rôle consistant principalement à salir la réputation des concurrents − est devenue monnaie courante. Outre qu’elles surenchérissent les dépenses occasionnées par les scrutins et conduisent à la multiplication des «caisses noires» et autres financements occultes, ces méthodes ont pour conséquence une forte désaffection des électeurs à l’égard des consultations électorales de tous niveaux. Même s’ils demeurent plus faibles que dans le cas des élections locales, les taux d’abstention aux scrutins régionaux sont régulièrement supérieurs à la moitié des inscrits. D’ailleurs, de façon générale, tous scrutins confondus, ils augmentent régulièrement(33). En outre, le «vote contre tous»(34) atteint des scores © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) le courrier des pays de l’Est Les rapports centre-régions en Russie de plus en plus élevés, dépassant fréquemment le quart des suffrages exprimés. Dans ce contexte, les contentieux électoraux se multiplient, ce qui permet aux protagonistes de prolonger leurs conflits pour le pouvoir sur le terrain judiciaire et, du même coup, dans les médias. Comme le souligne un vétéran du métier de consultant politique à Moscou, «les contentieux électoraux permettent de porter un conflit régional mineur au rang d’affaire politique d’ampleur nationale, pour peu que le litige trouve un écho à Moscou»(35). Ainsi, l’élection du gouverneur de Krasnoïarsk, le 22 septembre 2002, a fait l’objet d’un contentieux retentissant opposant les deux principaux candidats à la succession du général Alexandre Lebed, candidat à la présidentielle de 1996 et décédé au printemps 2002. La victoire, électorale comme judiciaire, est revenue à Alexandre Khloponine. Discrètement soutenu par le courrier des pays de l’Est l’entourage de Vladimir Poutine, le nouveau gouverneur, qui dirigeait jusqu’alors l’arrondissement autonome de Taïmyr (rattaché au territoire de Krasnoïarsk), est aussi l’ancien patron du combinat géant d’extraction du nickel de Norilsk (dont la contribution représenterait 60 % des recettes fiscales du territoire de Krasnoïarsk dans son ensemble) et le bras droit de l’oligarque moscovite Vladimir Potanine, qui préside la holding Interros. Son principal concurrent, Alexandre Ouss, qui était à la tête de l’assemblée régionale du territoire de Krasnoïarsk, avait l’appui de la holding de l’aluminium RousAl, dirigée par un autre oligarque, Oleg Deripaska, ainsi que de certains membres de la «famille», c’est-à-dire l’entourage de l’ancien président Eltsine(36). Le récent scrutin sibérien est emblématique de l’ «oligarchisation» croissante de la vie politique et électorale de la Russie. n° 1033 Mars 2003 11 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Ce terme désigne de manière générique les chefs de l’administration des 89 sujets de la Fédération de Russie − régions, territoires, villes d’importance fédérale (Moscou et Saint-Pétersbourg), républiques, régions et districts autonomes − bien que les républiques (21), qui ont le rang constitutionnel d’Etat, soient dirigées par des présidents. Nommés par le président de la Fédération de Russie entre 1993 et 1995, tous les gouverneurs (présidents des républiques inclus) sont élus à partir de 1995 au suffrage universel direct, au scrutin majoritaire à deux tours, et ce pour un mandat de quatre ans. Depuis le vote des lois du 6 octobre 1999 et du 8 février 2001, leur mandat n’est renouvelable qu’une seule fois sauf pour ceux qui ont été élus avant le 6 octobre 1999. Cela permettra à certains «barons régionaux» (I. Loujkov, M. Chaïmiev, etc.) d’effectuer un troisième, voire un quatrième mandat. Les élections n’ont pas lieu en même temps sur l’ensemble du territoire : des scrutins se déroulent chaque année. De 1996 à 2000, les gouverneurs ont siégé de droit au Conseil de la Fédération au titre de représentants de l’exécutif régional. Cette disposition ayant été abolie en août 2000 au nom du principe de la séparation des pouvoirs, ils se contentent désormais de nommer leur représentant à la Chambre haute. En outre, la loi du 29 juillet 2000 octroie au Président de la Fédération de Russie le droit de les destituer sous certaines conditions. A l’instar des anciens secrétaires des comités régionaux du parti communiste, les gouverneurs ne sont pas seulement les chefs de l’administration régionale mais ils constituent également des courroies de transmission incontournables entre les divers responsables politiques, économiques et administratifs d’un sujet de la Fédération et les diverses instances du pouvoir fédéral. L’institution d’un nouvel échelon administratif intermédiaire − les sept districts fédéraux − dirigé par des émissaires du Kremlin n’a pas bouleversé cette donnée du pouvoir en Russie. Dans bien des régions et républiques, les chefs de l’exécutif contrôlent les principales ressources politiques et administratives. Aussi influent-ils fortement − souvent de manière décisive − sur la composition des assemblées régionales ainsi que sur la désignation des maires des principaux centres urbains. © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Les gouverneurs Le dossier du mois le courrier des pays de l’Est n° 1033 Mars 2003 12 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Bien davantage que les démonstrations d’autorité du Kremlin, c’est l’emprise croissante des dirigeants de l’économie sur les institutions électives qui caractérise l’évolution politique de la Russie de V. Poutine. Les slogans présidentiels de «dictature de la loi» et de «restauration de la verticale du pouvoir», traduisent moins fidèlement la réalité présente que le terme de «oligarchisation», à savoir la domination grandissante des oligarques et de leurs réseaux dans les jeux politiques régionaux. Pour Rostislav Tourovski, auteur de plusieurs travaux portant sur la géographie électorale de la Russie, les grands hommes d’affaires et les groupes industriels et financiers jouent un rôle croissant, qu’il considère comme générant une dynamique «de plus en plus favorable aux gouverneurs sortants»(37). Dans toute la Russie, on assiste à la consolidation d’alliances entre des holdings et des équipes dirigeantes régionales. Il faut préciser que, dans bien des sujets de la Fédération, l’économie dépend fortement d’une seule branche, dominée par un grand groupe industriel et financier. Ainsi, la société Sibneft soutient Leonid Polejaïev, le gouverneur d’Omsk ; une autre grande holding pétrolière, Yukos, appuie le gouverneur de Tomsk, Viktor Kress. De ce fait, les deux hommes devraient être facilement réélus en 2003. Bien entendu, ces ententes se retournent parfois contre le candidat sortant, notamment lorsque celui-ci ne fait pas preuve d’une allégeance suffisante aux intérêts des grandes compagnies. Par exemple, le gouverneur de Novossibirsk, Viktor Tolokonski, pourrait ne pas être réélu, certains oligarques régionaux s’étant retournés contre lui. A Iaroslavl, le sort d’Anatoli Lissitsyne serait entièrement suspendu à la décision des patrons de RousAl et de Sibneft de reconduire leur soutien... Il faut préciser que, dans certaines régions, les groupes industriels et financiers suppléent aux défaillances de l’Etat. A ce titre, le groupe Yukos, présent dans 42 sujets de la Fédération (sur 89), joue peut-être un rôle pionnier. Il emploie 115 000 personnes et se targue de s’être acquitté de près de 4 milliards de dollars d’impôts en 2001. Son patron, Mikhaïl Khodorkovski, souhaite se placer à l’avant-garde des oligarques russes de demain en jouant la carte du «business civilisé» et de la «responsabilité sociale» des grandes sociétés. Dans l’arrondissement des Khantys et des Mansis, siège de la compagnie, et dans toute la Sibérie occidentale en général, Yukos finance presque intégralement la construction des logements et des installations sportives et a mis en oeuvre un système de bourses et de stages pour les étudiants, par ailleurs invités à participer à des camps d’été organisés par le mouvement de jeunesse de la holding, baptisé Nouvelle civilisation. A Tomsk, grande ville universitaire de Sibérie occidentale, Yukos est le principal mécène de la faculté de médecine. Dans la petite ville pétrolière sibérienne de Nefteïougansk, la température avait subitement grimpé de - 40°C à - 12°C le jour d’une visite de Mikhaïl Khodorkovski : mêlant l’ironie à la superstition, des habitants déclaraient avoir déjà observé que «lorsqu’ «il» arrive en ville, le climat s’améliore »(38)... ● Lobbies Dans cette logique, de nombreux représentants des magnats de l’industrie et de la finance, lorsqu’il ne s’agit pas des oligarques eux-mêmes, siègent désormais, à la place des gouverneurs, au Conseil de la Fédération. Les chefs des administrations régionales, conformément à la procédure décidée par le Kremlin qui leur accorde le pouvoir discrétionnaire de nommer le représentant de l’exécutif régional à la Chambre haute, ont principalement opté − quand ils n’ont pas désigné leur prédécesseur à la tête de la région(39) − pour des personnalités susceptibles de mener un lobbying efficace en leur faveur plutôt que pour des hommes liges locaux dénués de toute expérience et de tout poids dans les bureaux et les couloirs des administrations moscovites. Dans certains cas, les barons régionaux ont remercié leurs «mécènes» − ou fourni les gages d’une alliance en voie de formation − en leur offrant un poste qui leur garantit l’immunité parlementaire. La « chambre des régions » est appelée à devenir la «chambre des lobbies», comme le reconnaît Leonid Nevzline, nouveau sénateur représentant la république de Mordovie, qui est aussi à la tête du Congrès juif de Russie − présidé jusqu’en 2001 par Vladimir Goussinski, ancien dirigeant du groupe Most-Media − et est membre du conseil d’administration de Yukos(40). Ainsi, la plupart des grands groupes industriels et financiers disposent de leur représentant au Parlement russe. Les sénateurs-oligarques les plus célèbres − Sergueï Pougatchev, président du conseil de surveillance de Mejprombank (Touva), Vladimir © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Vers «l’oligarchisation» de la politique ? © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Sloutsker (Tchouvachie), ancien patron du groupe Fininvest, ou encore Alexandre Matveev, premier vice-président de la compagnie d’exploitation du diamant Alrosa (Iakoutie-Sakha) − côtoient des oligarques régionaux ou encore les jeunes conseillers des présidents de grands groupes, tels Alexeï Lissiakov, sénateur de Stavropol, venu de la direction de MDM (groupe bancaire et financier), ou Magomed Magomedov (région de Smolensk), ancien conseiller du directeur d’une branche régionale du géant gazier Gazprom. Les nouveaux sénateurs auraient renouvelé les moeurs au sein du cénacle parlementaire. Un éditorial du quotidien moscovite à grand tirage Komsomolskaïa Pravda a fustigé «l’absence de discipline» et «l’«absentéisme systématique» de certains parlementaires qui préfèrent «les voyages d’études sur la Côte d’Azur ou à Las Vegas», autant d’obstacles au bon fonctionnement des commissions (41). Pour Egor Stroïev, l’ancien président du Conseil de la Fédération, la Chambre haute est devenue «totalement administrable» − c’est-à-dire susceptible d’être manipulée par le pouvoir exécutif − dans la mesure où, selon lui, «les gouverneurs ne choisissent pas eux-mêmes les sénateurs qu’ils nomment, puisqu’on leur recommande de désigner tel ou tel». Egor Stroïev voit dans ce changement au sein du Conseil de la Fédération l’un des nombreux signes de l’impuissance de l’Etat et de ses institutions face à des holdings qui, à elles seules, «concentrent la propriété et les richesses, alimentent le budget et ne laissent que les miettes aux élus du peuple»(42). Un autoritarisme en quête d’autorité La politique fédérale de Vladimir Poutine a permis d’instaurer des règles plus cohérentes et plus claires dans la délimitation des compétences entre le centre fédéral et les sujets de la Fédération. Mais bien des questions, notamment budgétaires et financières, demeurent en suspens. En outre, rien ne garantit la pérennité du découpage administratif actuel, unanimement critiqué par la classe politique et les dirigeants régionaux, à l’exception notable des présidents des républiques, auxquels il fait la part belle. Si le parti présidentiel «Russie unie» réussissait à coaliser les deux tiers des députés de la Douma à l’issue de la consultation de décembre 2003, le chef de l’Etat, au cas où il serait réélu, ne manquerait pas le courrier des pays de l’Est de remettre sur le métier la construction du fédéralisme russe, ne serait-ce que pour tenter une nouvelle fois de déstabiliser les chefs des administrations régionales. Car malgré ses coups de menton, Vladimir Poutine n’a pas réussi à inverser la logique du rapport de forces qui l’oppose aux gouverneurs et qui constitue toujours l’axe majeur de la décision politique en Russie. Un ancien député, aujourd’hui observateur politique, résume ainsi la situation: «les leaders des régions ont compris que Poutine était un calme et un modéré (...) et n’ont plus peur de lui. Ainsi, son influence et son autorité diminuent, car il est évident qu’un coup de fil du Kremlin ne suffit plus aujourd’hui à résoudre les problèmes»(43). En dépit de l’instauration progressive d’un cadre juridique plus cohérent dans lequel s’inscrivent les divers échelons du pouvoir d’Etat, l’autorité de la puissance publique n’a cessé de décliner. Le politologue britannique Peter Reddaway constate que «l’Etat russe est de moins en moins capable d’exercer ses fonctions les plus élémentaires» (44) . La «verticale du pouvoir», que V. Poutine appelle de ses voeux, serait encore loin d’être réalisée, ni le FSB, ni le parti «Russie unie» ne pouvant sérieusement constituer les colonnes vertébrales du nouveau système politique. «La bureaucratie de tous niveaux est puissante, mais atomisée et phagocytée par les groupes industriels et financiers qui, seuls, assurent à ses responsables un salaire convenable», poursuit Reddaway. L’asymétrie des situations selon les sujets de la Fédération ne fait que se creuser − seules six régions seraient vraiment préparées à une entrée prochaine de la Russie dans l’OMC(45) − avec pour corollaire l’inégalité des moyens d’action de la puissance publique et de traitement des citoyens. Dans ce contexte, le rôle du Kremlin est d’abord de contraindre les élites des régions riches − celles des 14 sujets de la Fédération reconnus comme «donateurs»(46) en 2002 − à verser leur obole au budget fédéral. La puissance publique et l’autorité politique découlent, plus que jamais, des ressources financières. Au-delà de «l’oligarchisation» de la vie politique des régions russes, on constate que des alliances se nouent, au sommet de l’Etat, entre les dirigeants politiques et économiques. Ainsi, une entente «tripartite» existe entre le Président de la Fédération et son équipe, le géant Gazprom et le parti «Russie unie» : ces trois pôles de pouvoir pouvant aller jusqu’à se partager le personnel d’encadrement. Ainsi, le président de n° 1033 Mars 2003 13 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Les rapports centre-régions en Russie le courrier des pays de l’Est ce parti, Alexandre Bespalov, a été nommé, le 26 février 2003, à la tête du département Information de Gazprom, ce qui lui permet de contrôler l’important budget publicitaire de la holding à la veille des élections législatives(47). Douze ans après la dissolution du Parti communiste et après une décennie de réformes axées sur les privatisations, l’Etat russe n’a toujours pas reconstitué de colonne vertébrale, et notamment n’a toujours pas Le dossier du mois reconstruit les bases financières indispensables à l’exercice de la puissance publique. Aussi faut-il se garder de toute conclusion péremptoire, qu’elle soit favorable ou défavorable, sur la présidence Poutine : certains parlent de «réaction thermidorienne», d’autres encore de «dictature rampante»(48). Quitte à sacrifier l’exercice des raccourcis, il serait plus exact de parler d’autoritarisme en quête d’autorité. n° 1033 Mars 2003 14 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) (1) Anne Gazier, « La mise au pas des régions russes ? La réforme institutionnelle de Vladimir Poutine », Le courrier des pays de l’Est, n° 1015, mai 2001, pp. 4-14. (2) Les élections des 450 députés à la Douma d’Etat sont prévues pour le 17 décembre 2003. L’élection présidentielle aura lieu fin mars-début avril 2004. (3) Politologue, chercheur au Centre moscovite de la Fondation Carnegie, cité par Nezavissimaïa Gazeta, 17 février 2003. (4) Sergueï Markov et Dmitri Choucharine (respectivement) cités par Mikhaïl Vinogradov, «Poutine prochol tri tchetverti pouti » (Poutine a fait les trois quarts du chemin), Rousskaïa Mysl, n° 4450, 3-9 avril 2003. (5) Appelés «gouverneurs» ci-après. (6) Le projet de loi émane de la commission du même nom - présidée par Dmitri Kozak, chef-adjoint de l’Administration du Président - constituée en 2001. Approuvé par le Conseil d’Etat en octobre 2002, ce texte a été adopté par la Douma en première lecture le 21 février 2003. Il est actuellement bloqué par l’opposition de certains chefs d’administration régionale du fait de dispositions autorisant le Premier ministre à relever un gouverneur de ses fonctions (avec l’approbation du Conseil de la Fédération) dans trois cas. Indiquons que le projet de loi enterre de facto le principe d’autonomie des organes d’auto-administration locale vis-à-vis du pouvoir d’Etat. Cf. Viktor Grichine, «Partniorstvo tsentra i regionov doljno byt’ ravnopravnym» (Le partenariat entre le centre fédéral et les régions doit être fondé sur l’égalité en droit), Rossiïskaïa Federatsiïa sevodnia, n° 3, 2003, pp. 24-29. (7) Pour un portrait biographique des sept représentants plénipotentiaires du Président dans les districts fédéraux, cf. Obchtchaïa Gazeta, n° 21, 26 mai 2000. (8) Selon l’expression évocatrice employée par le représentant plénipotentiaire du Président dans le district de l’Oural, Piotr Latychev, cité par Izvestia, 17 janvier 2003. (9) Mikhaïl Vinogradov, «Tchiornoe voskresenie rossiïskikh vyborov» (Le dimanche noir des élections russes), Rousskaïa Mysl, n° 4425, 3-9 octobre 2002. (10) Nezavissimaïa Gazeta, 3 décembre 2002. (11) Cité par Alexander Nudelman, «The Presidential Envoys : Limited Success and Limited Future ?», RFE/RL Russian Political Weekly, 13 février 2003. (12) Portrait et interview de Piotr Latychev par Larissa Aïdinova, Vek, 16 mars 2001. (13) La liste «Unité et Patrie» obtient 18,4 % des voix, alors que «Notre Maison l’Oural» recueille 29,5 % des suffrages. Sur la rivalité Rossel-Latychev, cf. Vladimir Terletski, «Dva goda voïny iz za triokh kourits» (Deux ans de guerre picrocholine), Nezavissimaïa Gazeta, 5 novembre 2002. (14) Cf. Jean Radvanyi, La nouvelle Russie, Paris, Armand Colin/HER, 2000. Cf. également Jean Radvanyi (dir.), Les Etats postsoviétiques, Paris, Armand Colin/VUEF, 2003. (15) Dans l’espace public russe, il est devenu courant de parler à cet égard de goubernizatsiïa (retour au système des gouvernorats) de la Russie. (16) Interview de Mikhaïl Proussak, Itogi, n° 17, 2001. (17) Danielle Lussier, «Putin Continues Extending Vertical of Power», Russian Regional Report, vol. 8, n° 2, 3 février 2003. (18) Selon les termes employés par Anatoli Lissitsyne, gouverneur de la région de Iaroslavl, cité par Rousskaïa Mysl, n° 4438, 9-15 janvier 2003. Ce dernier forme le projet d’ «agrandir» sa région en «annexant» les deux régions voisines d’Ivanovo et de Kostroma. Les gouverneurs d’Ivanovo et de Kostroma ont réagi négativement à un projet dont ils ont appris l’existence par la télévision... Sur ce point, cf. Ilya Malyakin, «Reforming the Russian Federation : from 89 to 89», RFE/RL Russian Political Weekly, 30 janvier 2003. (19) Cf. dépêche Interfax citée par Izvestia, 1er avril 2003. (20) Pour une analyse du texte législatif, cf. Grigori Belonoutchkine et Vladimir Pribylovski, «Novye vybory po novym pravilam » (De nouvelles élections suivant de nouvelles règles), Rousskaïa Mysl, n° 4411, 30 mai-5 juin 2002. Cf. également Ekaterina Mikhaïlovskaïa, «Protsenty i milliony» (Les pourcentages et les millions), Rousskaïa Mysl, n° 4429, 31 octobre-6 novembre 2002. (21) Cf. Jean-Robert Raviot, «Une nouvelle classe politique en Russie?», Le courrier des pays de l’Est, n° 1015, mai 2001, pp. 25-35. (22) Cité par Rossiïskaïa Federatsiïa sevodnia, n° 4, 2003. © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Notes : le courrier des pays de l’Est © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) (23) Vladimir Pribylovski, «Itogi triokhletnevo pravleniïa V.V.P» (Les résultats de trois ans de pouvoir de Vladimir Vladimirovitch Poutine), Rousskaïa Mysl, n° 4438, 9-15 janvier 2003. (24) Cités par Pavel Isaev, «Putin Backs Away from Kozak Plans to Restructure State Financial Flows», Russian Regional Report, vol. 7, n° 28, 27 septembre 2002. (25) Cf. Arbakhan Magomedov, «President Creates Governors’ Council on Foreign Policy», Russian Regional Report, vol. 8, n° 3, 18 février 2003. (26) Pour des chiffres voisins et une analyse convergente, cf. Julie Corwin, «Putin to Governors : Take as many Terms as You Can Swallow», RFE/RL Russian Political Weekly, 3 janvier 2003. (27) Sur ce scrutin, cf. RFE/RL Russian Federation Report, 20 juin 2001. (28) Sur ce scrutin, cf. Julie Corwin, op. cit. (29) Cf. Arsenti Ledovskoï, «Criminals Conduct Terror Campaign Against Smolensk», Russian Regional Report, vol. 7, n° 30, 12 décembre 2002. (30) Une évaluation récente du coût des campagnes avançait les chiffres suivants : entre 500 000 et 1 000 000 dollars pour un siège de député à la Douma d’Etat ; entre 750 000 et 4 500 000 dollars pour un siège de gouverneur. Cf. Finansovaïa Rossiaïa, n° 24, 2002, cité par Julie Corwin, «The Business of Elections», RFE/RL Russian Political Weekly, 11 septembre 2002. (31) Cf. Mikhaïl Vinogradov, «Tchiornoe voskresenie rossiïskikh vyborov» (Le dimanche noir des élections russes), Rousskaïa Mysl, n° 4425, 3-9 octobre 2002. (32) En russe: tchiorny PR (Public Relations). (33) Cf. Alexandre Chtcherbakov et Denis Tcherepanov, «Elektorat oustal ?» (L’électorat est-il fatigué ?), Rossiïskaïa Federatsiïa sevodnia, n° 2, 2002. (34) Possibilité offerte aux électeurs de se prononcer «contre tous les candidats» (ou «contre toutes les listes»). Plus qu’un vote blanc comptabilisé, le «vote contre tous» peut obliger − s’il arrive en tête − à reconduire le scrutin. (35) Sergueï Makarenko interviewé dans Nezavissimaïa Gazeta, 17 novembre 2002. (36) Cf. Mikhaïl Vinogradov, op. cit., et Robert Orttung, «Corporations and Politics Mingle in Krasnoyarsk Elections», Russian Regional Report, vol. 7, n° 26, 3 septembre 2002. (37) Cf. Rostislav Tourovski, «Reguionalnye lidery v 2003 godu» (Les leaders des régions en 2003), publié sur le site politcom.ru (http://www.politcom.ru/2003/reiting4.php), janvier 2003. (38) Cf. l’enquête de Mikhaïl Vinogradov, «Protiv tetcheniïa» (A contre-courant), Izvestia, 16 janvier 2003. (39) Une vingtaine de sénateurs sont d’anciens gouverneurs. Cf. Pavel Isaev, «Regional Lobby Increases Gubernatorial Power in State Duma», Russian Regional Report, vol. 7, n° 30, 12 décembre 2002. (40) Interviewé le 20 janvier 2002 dans l’émission télévisée hebdomadaire «Vesti» (http://www.vesti7.ru/ news?id=505). Leonid Nevzline est vice-président de la commission des affaires étrangères du Conseil de la Fédération. Pour une biographie complète des 178 sénateurs, cf. Rossiïskaïa Federatsiïa sevodnia, n° 4, 2003. (41) Cf. Komsomolskaïa Pravda, 17 décembre 2001. (42) Interview d’Egor Stroïev par Elena Afanassieva, «Novye senatory iarostno zachtchichtchaïout sebia, a ne svoi regiony» (Les nouveaux sénateurs se défendent violemment eux-mêmes, et non pas leurs régions), Novaïa Gazeta, 5 novembre 2001. (43) Interview de Viatchislav Igrounov par Vassili Filippov, Russian Regional Report, vol. 7, n° 6, 2002. (44) Peter Reddaway, «Why has Putin Failed To Tame the Bureaucracy ?», RFE/RL Russian Political Weekly, vol. 3, n° 13, 2003. (45) Les régions de Moscou et de Saint-Pétersbourg, de Sverdlovsk et de Perm, ainsi que les républiques du Tatarstan et du Bachkortostan. Cf. Vladimir Goussev, vice-président de la commission économique du Conseil de la Fédération, cité par Russian Regional Report, vol. 7, n° 30, 12 décembre 2002. (46) Régions qui contribuent davantage au budget fédéral qu’ils ne reçoivent de subsides de Moscou. (47) Cf. RFE/RL Newsline, 28 février 2003. (48) Viatchislav Igrounov qualifie l’ère Poutine de «réaction thermidorienne», Vladimir Pribylovski parle de «dictature rampante», dans les articles précités. n° 1033 Mars 2003 15 © La Documentation française | Téléchargé le 04/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 3.88.159.159) Les rapports centre-régions en Russie