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pa Ministère de la r Culture et de la Communication t im o in e pr oté gé La cathédrale de Montpellier Présentation historique, artistique et littéraire monuments historiques et objets d’art du Languedoc-Roussillon dir e c t io n r é g i o n a l e d e s a f fa i r e s c u lt u r e l l e s sulpture tableau mobilier 15 8 7 9 13 11 14 12 4 5 3 6 1 2 10 Auteurs Hélène Palouzié [HP] Conservateur des antiquités et objets d’art de l’Hérault DRAC Languedoc-Roussillon Avec la participation de : Michel Plagniol, archiprêtre de la cathédrale Pierre Rabischong, président de l’Association des Amis de l’Orgue et Othar Chedlivili, organiste et Léda Martines, étudiante à l’Ecole du Louvre, Paris [LM] Emmanuelle Teste [ET] et Elsa Trani [ELT], étudiantes en histoire de l’art et archéologie à l’Université Paul Valéry de Montpellier La cathédrale de Montpellier Présentation historique, artistique et littéraire Couverture : Vue de la cathédrale Saint-Pierre de Montpellier, détail du baldaquin. Page précédente : Vue de la cathédrale avec la galerie dite « choretto », ancienne galerie du cloître du monastère Saint-Benoît, aujourd’hui siège de la faculté de médecine. Les astérisques dans le texte renvoient aux notices biographiques. patrimoine protégé Parmi les édifices religieux du Midi de la France, la cathédrale de Montpellier occupe une place de choix, tout à la fois par ses dispositions architecturales et par les influences dont elle témoigne… Augustin Fliche (1884-1952) Doyen de la faculté de lettres de Montpellier (Despétis, 1934). La cathédrale de Montpellier est un des lieux les plus visités de la ville, qui fait cohabiter dans un respect réciproque affectation cultuelle et animation culturelle. Au cœur d’un véritable quartier de la ville, elle est à la fois symbole religieux, politique et architectural. Transformé par les conflits religieux et politiques, maintes fois mutilé et restauré, le monument historique est sans cesse réinventé, embelli au gré des modes et de la liturgie, revu et corrigé au fil des siècles, voire totalement recréé. A l’origine simple abbatiale du monastère fondé par Urbain V en 1364, elle est érigée en cathédrale seulement en 1536 par le transfert du siège épiscopal de Maguelone à Montpellier. Gravement endommagée pendant les guerres de Religion, restaurée en 1630, la cathédrale est dotée d’un nouveau chœur en 1775, puis agrandie en 1855 par Henry Revoil, disciple de Viollet-le-Duc, et sans cesse restaurée depuis son classement au titre des Monuments historiques en 1906. Les restaurations les plus récentes, en 2013, ont concerné l’emblématique baldaquin extérieur, loué par Prosper Mérimée, et la sculpture du portail latéral, réalisée par l’artiste montpelliérain Auguste Baussan. Publiée à l’occasion de la commémoration de la loi de 1913 sur les monuments historiques et de la 30e édition des journées européennes du patrimoine – deux événements majeurs par leurs dimensions culturelle et symbolique –, cet ouvrage s’attache tant à l’histoire du monument qu’à sa postérité artistique et littéraire : la cathédrale de Montpellier est sans doute l’un des édifices gothiques qui a contribué 4 Regards sur la cathédrale de Montpellier - Préface à créer au xixe siècle le mythe romantique de la cathédrale et à en Vue des tours de la cathédrale ordéfinir les caractéristiques. nées de pinacles et d’une corniche à modillons et gargouilles. Par l’opération dénommée « Objectif cathédrales », la direction régionale des affaires culturelles s’est engagée depuis quelques années dans la conservation et la valorisation des cinq cathédrales de la région Languedoc-Roussillon et d’une ancienne cathédrale, SaintNazaire de Carcassonne, dont l’Etat est propriétaire. Ce guide de visite de la cathédrale de Montpellier s’inscrit dans une politique de valorisation des monuments de l’Etat, destinée à faire découvrir ces monuments majeurs du patrimoine. Après la cathédrale Saint-Michel de Carcassonne et les cahiers pour enfants sur les cathédrales SaintJean-Baptiste de Perpignan, Saint-Nazaire de Carcassonne et NotreDame et Saint-Castor de Nîmes, ces nouveaux regards croisés sur la cathédrale de Montpellier invitent à la contemplation du monument et de ses principales œuvres d’art. Celles-ci complètent fort heureusement les très riches collections de Montpellier : la Chute de Simon le Magicien de Sébastien Bourdon ou la statue de la Vierge d’Emilio Santarelli, commandée par François-Xavier Fabre, sont autant d’écho aux œuvres conservées dans les musées de la ville, musée Fabre, musée Atger, musée du Vieux Montpellier et musée de la chapelle de la Miséricorde. Alain Daguerre de Hureaux Directeur régional des affaires culturelles Préface - Regards sur la cathédrale de Montpellier 5 La cathédrale, édifice cultuel La cathédrale Saint-Pierre est un monument historique Mausolée de Mgr de Cabrières, admirable au sens patrimonial, mais elle porte inscrite dans détail, Henri Nodet et Jean-Marie la pierre et dans l’évolution de son décor l’histoire des catho- Magrou, 1926. liques qui l’ont édifiée, y ont vécu leur foi depuis près de six siècles, et continuent aujourd’hui encore de s’y rassembler pour le culte. Pour apprécier pleinement ce lieu chargé d’histoire, le visiteur est appelé à se plonger dans la symbolique chrétienne spécifique d’une cathédrale. La cathédrale, pour les catholiques, c’est l’église mère de toutes les églises, chapelles, et oratoires du diocèse, parce qu’elle est l’église de l’évêque qui a la charge de guider, d’enseigner et de sanctifier la portion du peuple de Dieu qui lui est confiée. Pour les fidèles, l’évêque représente le Christ, il est un successeur des apôtres1. La cathédrale est le cœur de la vie liturgique et sacramentelle d’un diocèse, c’est la grande maison de famille de tous les catholiques qui y vivent. A l’origine, les cathédrales chrétiennes ont adopté le plan des basiliques païennes romaines, mais elles ont rapidement évolué vers un plan en forme de croix, la croix étant devenue le signe de la Foi chrétienne. C’est le cas à Montpellier seulement depuis l’agrandissement du xixe siècle : la nef du xive siècle forme, avec le chœur et le transept, une croix dans laquelle le peuple de Dieu prend place comme corps mystique du Christ. L’évêque (ou le prêtre qui le représente) prend la place du Christ, tête de ce Corps dont les fidèles sont les différents membres. La cathédrale, comme toutes les églises, est dotée d’un chœur ou sanctuaire, espace sacré où les ministres du culte vont célébrer les offices revêtus chacun des vêtements liturgiques propres à leur ordre. Evêque, prêtres, diacres, servants d’autel ont chacun une fonction qui leur est attribuée par la liturgie et une mission au service de la prière commune. Le chœur de la cathédrale Saint-Pierre est remarquable par sa taille : il est presque aussi long que la nef… témoignage du faste des liturgies pontificales de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle, époque du cardinal de Cabrières*. Aujourd’hui encore, lors de la grand-messe du dimanche, orgue de chœur et grand orgue se répondent pour soutenir le chant polyphonique des chœurs et la prière des fidèles. 6 Regards sur la cathédrale de Montpellier - Avant-propos Avant-propos - Regards sur la cathédrale de Montpellier 7 Le cardinal de Cabrières devant Notre-Dame des Tables, patronne de la ville. Détail de la crosse du prélat. Armand-Calliat, 1890. Collection de l’Evêché, dépôt à la Communauté d’agglomération de Montpellier (musée Fabre). Mémoires d’orfèvres. L’orfèvrerie classée Monument Historique des églises du Languedoc-Roussillon, 2011, n° 199. Classé MH le 05/06/2003. Une cathédrale s’appelle ainsi à cause du nom que l’on donne au siège sur lequel s’assoit l’évêque : une cathèdre. La cathédrale de Montpellier possède une magnifique cathèdre en bronze doré décorée d’émaux qui était le siège épiscopal du très populaire Cardinal de Cabrières2. Ce siège ressemble à un trône car dans ses fonctions, l’évêque représente le Christ enseignant aux disciples3 ... Au centre du chœur se trouve l’autel, sorte de table précieuse où l’évêque célèbre la messe, ou eucharistie, entouré de tous ses prêtres (le presbyterium) les jours de grandes fêtes pour le diocèse. A l’entrée du chœur à gauche se trouve l’ambon, grand pupitre où sont lus et proclamés des passages de la Bible à chaque messe. L’autel et l’ambon actuels ont été réalisés par Philippe Kaeppelin (†2011) à l’occasion du millénaire de la ville en 1985. Dans la liturgie, chacune de ces deux pièces du mobilier liturgique représente une table à laquelle les baptisés viennent nourrir leur Foi : la table de la Parole de Dieu et la table de l’Eucharistie. Au fond du sanctuaire prennent place l’ancien autel, aujourd’hui utilisé pour conserver la réserve eucharistique et, de part et d’autre, les stalles des chanoines. Depuis le transfert du siège épiscopal, la cathédrale est dotée d’un chapitre de chanoines. Assurant autrefois une présence de prière par la célébration des messes et de l’office de la liturgie des heures (bréviaire), ils ne sont présents aujourd’hui à la cathédrale qu’à certaines grandes occasions. La cathédrale Saint-Pierre porte aussi le titre honorifique de basilique. En 1847, Mgr Charles-Thomas Thibault (18351860) obtint pour la cathédrale le titre alors rarement attribué de basilique mineure. Il s’agit d’un honneur accordé par le pape à certaines églises où l’on vient prier la Vierge Marie ou un saint particulièrement marquant (ici l’apôtre saint Pierre). Une basilique jouit de certains privilèges lorsque des fidèles viennent y prier dans les grandes occasions de la vie de l’Eglise (pèlerinages, années saintes, jubilés). La dernière en date est l’année de la Foi proclamée par le pape Benoît XVI. Les basiliques sont reconnaissables à l’insigne du pavillon qui prend la forme d’un petit parasol : c’est un ombrellino liturgique, dont les couleurs rouge et or rappellent le lien au Saint-Siège romain4. Il est généralement placé dans le chœur de l’église du 8 La cathédrale de Montpellier côté où l’on proclame l’Evangile. Il se retrouve également sur le blason de la cathédrale visible sur les grilles en fer forgé du choretto, ou encore sur la face arrière de l’autel de la chapelle du Saint-Sacrement, et dans les sculptures du portail de la Vierge. Par ailleurs, une plaque apposée dans la basilique commémore souvent la mémoire de ce privilège reçu du successeur de Pierre. A Montpellier, elle se trouve dans le transept nord à droite de l’autel. Dans le cas de notre cathédrale, la construction de l’édifice à l’initiative d’un pape, Urbain V, qui en a consacré lui-même l’autel, donne tout son sens à ce privilège de « basilique mineure ». Ajoutons qu’une basilique mineure est associée spirituellement dans la prière à l’une des basiliques majeures de Rome (pour la cathédrale Saint-Pierre il s’agit bien sûr de la basilique Saint-Pierre, du Vatican). 1. Le Pape est le successeur de l’apôtre Pierre. 2. A gauche dans le chœur, à l’intérieur d’un grand meuble en bois. 3. Le Christ enseignait à la foule rassemblée sur le rivage depuis la barque de Pierre où il était assis, sa voix étant portée par les eaux. Evangile de Luc 5, 1-11. 4. Lorsqu’on élit un nouveau pape, ce pavillon est l’emblème du Saint-Siège avec les deux clefs de Pierre. La cathédrale Saint-Pierre, liée au successeur de Pierre par son statut de basilique, nous amène à conclure sur le rôle de l’évêque dans la tradition chrétienne. Saint Pierre, avant de devenir le premier évêque de Rome, fonda le siège épiscopal d’Antioche (aujourd’hui Antakya en Turquie). Son successeur, saint Ignace d’Antioche, d’origine syrienne (martyrisé à Rome en 107 ou 117) insiste dans ses lettres sur le rôle d’un évêque chez les premiers chrétiens : l’évêque est « l’image du Père », il « tient la place de Dieu ». Les conseils d’Ignace aux chrétiens étonnent par leur netteté : « Ne faites jamais rien sans l’évêque en ce qui concerne l’Eglise ». Il prodigue aussi ses conseils aux évêques : ils doivent « s’adonner sans relâche à la prière » et « ne rien faire sans Dieu ». Cette Foi des premières communautés chrétiennes est encore aujourd’hui celle des communautés catholiques romaines unies au successeur de Pierre : une cathédrale est le lieu par excellence où le peuple chrétien et son évêque prient pour Pages suivantes : rester fidèles à la foi des origines. Vue de la cathédrale (classée MH en 1906) et du palais épiscopal classé MH le 23/02/2004). Michel Pagniol archiprêtre de la cathédrale La cathédrale de Montpellier 9 10 La cathédrale de Montpellier - Préface Préface - La cathédrale de Montpellier 11 Le quartier épiscopal L’évêché de Montpellier revêt une importance particulière dans l’histoire religieuse de la région : il succède aux cinq anciens diocèses qui composaient l’actuel département de l’Hérault : le plus ancien, du ive siècle, est celui de Béziers, puis Agde, Lodève et enfin Saint-Pons-de-Thomières. Le siège de l’évêché de la région de Montpellier était implanté dès le vie siècle sur l’île de Maguelone, siège du Comté de Melgueil, la ville de Montpellier n’étant créée qu’en 985. Après sa destruction au viiie siècle, il est déplacé à Substantion, l’antique ville gallo-romaine sur la voie domitienne près de l’actuel Castelnau-leLez, avant de revenir sur l’île. Dès le milieu du xiie siècle, les évêques ont leur résidence à Montpellier, dans leur fief de Montpelliéret, en leur « salle l’Evêque », emplacement aujourd’hui occupé par la drac1. Le siège de l’évêché n’est officiellement transféré qu’au xvie siècle, en 1536, dans les bâtiments de l’ancien couvent des Bénédictins créé en 1364 par Urbain V, dont l’église abbatiale Saint-Benoît devient la cathédrale Saint-Pierre. Le palais épiscopal, d’époque moderne est restauré de 1658 à 1775. A la Révolution, il devient prison avant d’abriter, à partir de 1795, la faculté de médecine grâce à Antoine Chaptal qui le considérait comme le plus beau et le plus ancien monument d’instruction que possède la France. Dominé par la place royale du Peyrou, bordé par le jardin des Plantes, prolongé par le musée d’anatomie, le palais réunit les collections exceptionnelles de l’université Montpellier I, peintures, sculptures, manuscrits, et notamment l’importante collection Atger de dessins et estampes2. Ce secteur nord intra-muros est dédié aux établissements religieux et d’enseignement, à proximité de la cathédrale, où l’espace est occupé par une succession de couvents : Carmes 12 puis « Ort du Pape » d’Urbain V, Oratoriens et séminaire en 1762 ; en 1807, les Ursulines s’y installent jusqu’en 1903 puis, en 1909, la propriété est achetée par l’évêque Mgr de Cabrières* pour en faire le deuxième Grand séminaire. C’est aussi à proximité que sont installées les Visitandines, actuelle faculté de droit, et l’hôtel-Dieu, actuel rectorat. L’ancien évêché concordataire du xixe siècle, implanté à l’angle des rues Cardinal de Cabrières et Montels, est détruit en 1936 pour faire place à la Faculté des lettres, actuellement faculté de Droit. La construction d’un nouvel évêché au 22, rue Lallemand, au début du xxe siècle, s’inscrit dans la topographie historique de ce quartier épiscopal ; il est l’œuvre de la rencontre de deux personnalités d’envergure exceptionnelle : Henri Nodet*, architecte en chef des monuments historiques (restaurateur du palais des papes en Avignon), et le cardinal de Cabrières*, prélat qui a marqué son époque. Construit entre 1912 et 1919 dans un esprit historiciste digne du xixe siècle, il constitue une partie de la mémoire historique et monumentale de la ville. Son style classique est élégant, fidèlement inspiré du xviiie siècle de l’aveu de ses auteurs : « le xviiie siècle, auquel nous sommes fidèles pour toute la construction[…] »3. Une nouvelle maison diocésaine venant d’être créée, un projet de réalisation d’un musée d’Art et d’Histoire dans l’évêché de Cabrières et Nodet devrait voir le jour. [HP] 1. Dossier réalisé par Yvon Comte, chargé d’études documentaires à la drac. 2. Palouzié (Hélène). Felice Fontana, l’aventure des cires anatomiques de Florence à Montpellier, DRAC, Collection Duo, Montpellier, 2010, rééd. 2012. 3. Correspondance Nodet-Cabrières, Archives de l’Evêché de Montpellier. Vue aérienne de l’ensemble épiscopal. Vue actuelle du quartier cathédral. Regards sur la cathédrale de Montpellier Regards sur la cathédrale de Montpellier 13 Histoire de la cathédrale du Moyen Age à la Révolution A l’origine simple abbatiale du monastère fondé par Urbain V en 1364, érigé en cathédrale en 1536, gravement endommagé pendant les guerres de Religion, restauré en 1630, doté d’un nou-veau chœur en 1775, le monument est sans cesse réinventé, selon les impératifs politiques, religieux, historiques ou esthétiques. De l’église monastique à la cathédrale Portrait d’Urbain V, crosse de Mgr de Cabrières (détail). Argent et inclusions d’émail, Thomas-Joseph Armand-Calliat, 1890, Montpellier, collection de l’Evêché, dépôt à la Communauté d’agglomération de Montpellier (musée Fabre). Mémoires d’orfèvres. L’orfèvrerie classée Monument Historique des églises du Languedoc-Roussillon, 2011. Classé MH le 05/06/2003. Le monastère-collège Saint-Benoît-Saint-Germain fondé en 1364 par le pape Urbain V (1310-1370) participe à la politique pontificale de soutien aux universités européennes. Cette institution donne un nouvel essor à la ville qui devient un centre important et florissant de l’enseignement des humanités. La dédicace de l’église qui signe probablement la fin des travaux est célébrée le 11 septembre 1373, trois ans après la mort d’Urbain V. Les architectes du monastère Bertrand Nogayrol, maître d’œuvre du pape, et Bernard de Manse, maître d’œuvre des remparts d’Avignon, introduisent en Languedoc les goûts de la cour pontificale avignonnaise. L’église fortifiée, voûtée d’ogives, est bâtie dans le style du gothique méridional. Elle présente un plan simple composé d’une nef unique de cinq travées bordées de dix chapelles latérales évoquant le plan de la collégiale NotreDame de Villeneuve-lès-Avignon. Les contraintes topographiques ne permettant pas d’orienter l’édifice de culte, le chevet est placé au nord et la façade principale au sud. Il présentait une abside pentagonale flanquée de deux absidioles de plan carré, disparue lors des transformations du xviiie siècle. Influencée par l’architecture du Nord de la France, la façade principale à deux tours ornée d’un porche massif, ou baldaquin, est certainement la partie la plus originale de l’édifice, mais aussi la plus austère. Si pendant plus de deux siècles, le collège bénédictin bénéficie d’une relative prospérité grâce à l’enseignement qu’il prodigue, l’église prend une nouvelle dimension en 1536. Par la bulle du pape Paul III, le siège épiscopal de Maguelone, créé au vie siècle, 14 La cathédrale de Montpellier est transféré à Montpellier et l’église conventuelle devient cathédrale, sous la pression de l’évêque Guillaume Pellicier le Jeune (1527-1568) qui souhaitait installer l’évêché au centre de Montpellier. L’église, devenue cathédrale, reprend alors le vocable de Maguelone, Saint-Pierre et Saint-Paul. La cathédrale au cœur des guerres de Religion Les raisons du transfert ne sont pas seulement d’ordre pratique. Montpellier à cette époque est le foyer de propagation d’idées réformistes. Ces dernières se répandent assez rapidement et, dès 1530, de nombreux médecins et magistrats se convertissent, ainsi qu’une partie de la population. Malgré les répressions de la part des catholiques et les fuites vers Genève dans le courant des années 1550, Montpellier devient un foyer protestant de plus en plus fort. Les positions se radicalisent en 1560 et, en juillet 1561, les assemblées protestantes somment les autorités catholiques de quitter la ville. Face à l’entêtement de celles-ci ­– elles se sont retranchées dans l’ensemble cathédral devenu le Fort Saint-Pierre –, les protestants assiègent le monastère et pillent la cathédrale. L’exercice de la religion catholique est proscrit. La cathédrale de Montpellier 15 Portrait de la famille Fabrège : Frédéric Fabrège et ses parents devant la cathédrale de Maguelone. Huile sur toile, Auguste-Barthélémy Glaize (1807-1893), 1864. Collection Fabrège, puis de l’Evêché, dépôt à la Communauté d’agglomération de Montpellier (musée Fabre). Classé MH le 02/05/2005. Portrait de Pierre de Fenouillet (1572-1652), évêque de Montpellier de 1608 à 1652 (détail). Huile sur toile, XVIIe siècle. Collection Fabrège, puis de l’Evêché, dépôt à la Communauté d’agglomération de Montpellier (musée Fabre). Classé MH le 24/01/1979. La riposte catholique est menée en avril 1562 par le vicomte de Joyeuse, lieutenant pour le roi au gouvernement général de Languedoc, qui assiège la ville. Il est contré par le chef du parti réformé, Jacques de Crussol, qui fait de Montpellier une « citadelle protestante ». La paix d’Amboise, signée le 19 mars 1563 à Montpellier, restitue la liberté des deux cultes. Après une trop brève trêve, de nouveaux mouvements de violence éclatent et le conflit reprend en automne 1567. La tour Saint-Benoît, au sud-est de la cathédrale, s’effondre, emportant avec elle la totalité de la façade sud, le porche et les deux premières travées de la nef. La cathédrale en partie détruite est à nouveau pillée. La paix de Saint-Germain signée en août 1570 permet au régime dit de l’Union de se mettre en place : la liberté cultuelle est accordée aux catholiques et aux protestants avec un système d’alternance au gouvernement de la ville. Les conflits perdurent jusqu’en 1598, date de la proclamation de l’Edit de Nantes. Montpellier devient une place sûre protestante pendant près de vingt ans. Mais, après la reddition de la ville le 18 octobre 1622, lors du siège tenu par le roi Louis XIII et les armées royales, la ville devient officiellement catholique, sans pour autant chasser les protestants. Les transformations de la cathédrale aux xviie et xviiie siècles Portrait de Charles-Joachim dans l’esprit de la Contre-Réforme Colbert de Croissy (1667-1738), 16 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier La fin des guerres de Religion autorise les reconstructions et restaurations, dans le respect du dogme de la ContreRéforme. L’épiscopat de l’évêque Pierre de Fenouillet (16081652) est représentatif de cette reconquête religieuse par les catholiques. Un projet de construction d’une nouvelle cathédrale est envisagé à sa demande, mais sera abandonné pour des raisons financières. Placé sous le patronat de saint Louis, l’édifice devait se situer sur les ruines de l’ancienne chapelle Sainte-Croix sur l’actuelle place de la Canourgue. Mais le projet est abandonné pour raisons financières. Richelieu préfère la restauration moins coûteuse de la cathédrale Saint-Pierre, confiée en 1629 à l’entrepreneur Pierre Froment et au maître maçon Bertrand Delane: restauration de la nef et des portails est et sud, reconstruction des quatre premières chapelles latérales et de la voûte du porche (les grosses piles datant du xive siècle seront conservées) et de la sacristie. Le pavement et les autels sont également refaits. Pour terminer la rénovation, 17 évêque de Montpellier de 1697 à 1738. Huile sur toile, attribuée à Antoine Ranc, d’après Jean Raoux, 1738. Ancienne galerie de portraits de l’hôpital SaintCharles – Dépôt au musée Fabre et conservé au Vieux Montpellier – Jean Raoux (1677-1734), un peintre sous la régence, musée Fabre/Somogy, 2009. Classé MH le 20/12/1911. Bertrand Delane reconstruit en 1636 la tour Saint-Benoît tombée en 1567. Il est également sollicité par les chanoines en 1639 pour la restauration de la tour Urbain V (tour sud-ouest). Les travaux seront terminés dix ans plus tard. L’épiscopat de Charles-Joachim Colbert de Croissy* (16671738) est une nouvelle étape dans le mouvement contre-réformiste. Neveu du grand Colbert, célèbre ministre de Louis XIV, il est un ardent partisan du jansénisme, mouvement religieux puis politique qui divise alors la France. Il publie en 1702 les Instructions générales en forme de catéchisme, aussi nommé Catéchisme de Montpellier et établit la nouvelle paroisse SaintDenis. Très impliqué dans la reconstruction de la cathédrale, il est le seul à émettre des avis critiques sur les tableaux en soulignant par exemple « l’indécence et le relâchement des figures », ordonnant leur modification. Parallèlement aux travaux de restauration, l’évêque et son chapitre embellissent et meublent la cathédrale. Dès 1632, des contrats sont passés pour de nouvelles stalles et un nouvel orgue qui sera fabriqué par les frères Eustache. La dernière grande transformation avant la Révolution, le déplacement du chœur des moines, est souhaitée par le chapitre dès 1727 dans le but de rapprocher l’officiant des fidèles. Cette modification, qui ne sera réalisée que cinquante ans plus tard dans un style classique selon le projet de Mathieu Audran du 12 avril 1775, entraîne un changement radical, transformant les espaces réservés à la liturgie : la construction médiévale est remplacée par une travée droite ouvrant sur une abside de plan quadrangulaire abritant le chœur ; les stalles réservées aux chanoines sont déplacées dans l’abside et le maître-autel est avancé. La Révolution et ses conséquences à l’aube du xixe siècle A la Révolution, l’ensemble des édifices consacrés au culte sont confisqués et revendus comme biens nationaux. La cathédrale devient propriété de la Société populaire de 18 La cathédrale de Montpellier Montpellier constituée d’architectes montpelliérains engagés dans la Révolution. Bien que gardant sa fonction originelle, elle est dépouillée de toute dimension religieuse, devenant un édifice à la gloire de la Laïcité, un temple dédié à la Raison, puis est mise à la disposition de la Direction des Hospices militaires. Le culte n’y est rétabli qu’en 1797. Après avoir servi de prison à la Révolution, le palais épiscopal devient le siège de l’Ecole de médecine le 22 avril 1797. Le Concordat de 1801 signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII donne un nouvel essor à la cathédrale qui est réouverte officiellement au culte en 1802. Seule la cathédrale est restituée à l’évêque Marie-Nicolas Fournier (1750-1861) : l’unique galerie subsistante du cloître, appelée « choretto » ne sera remise à disposition par le préfet qu’en 1823. Le régime concordataire, qui autorise le service cultuel mais impose au clergé de prêter serment de fidélité à l’Etat, restera en place jusqu’en 1905, date de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat. [HP / ET] La cathédrale de Montpellier 19 Portrait de Marie-Nicolas Fournier (1750-1834), évêque de Montpellier de 1806-1834 (détail). Charles Matet (1791-1870), 1827. Montpellier, collection de l’Evêché, dépôt à la Communauté d’agglomération de Montpellier. Inscrit MH le 03/03/2004. Henry Revoil et l’interprétation de la cathédrale au xixe siècle Après les événements révolutionnaires, le xixe siècle voit se mettre en place une prise de conscience patrimoniale sans précédent et une attention nouvelle pour les édifices du Moyen Age. La volonté de sauvegarder les œuvres du passé se traduit par l’établissement d’un appareil administratif particulier : création d’un poste d’inspecteur des monuments historiques, occupé à partir de 1834 par Prosper Mérimée* (1803-1870), puis instauration en 1837 de la Commission des Monuments historiques, chargée du classement des édifices et de la distribution des crédits de restauration. La cathédrale de Montpellier n’a cependant bénéficié ni de l’intérêt nouveau pour les monuments médiévaux, ni des égards de l’administration des Monuments historiques. Dans ses Notes d’un voyage dans le Midi de la France, Mérimée écrit en 1835 à son sujet : « [elle] ne mérite d’être citée que par la grandeur du vaisseau, et par le porche très extraordinaire qui cache sa façade plutôt qu’il ne la décore » et à propos du porche de conclure : « il est impossible de rien voir de plus lourd et de moins gracieux ». L’édifice n’est pas jugé digne d’intérêt et ce mépris de la part des découvreurs du patrimoine médiéval français entraîne des conséquences sur les choix envisagés pour sa restauration. Ignoré des institutions patrimoniales, le destin de la cathédrale est laissé tout entier aux mains de l’administration des Cultes ; Portrait de Charles-Thomas Thi- bien plus qu’esthétiques ou historiques, les enjeux de sa bault (1796-1861), évêque de restauration au xixe siècle sont dès lors politiques et religieux. Montpellier de 1835-1861. (détail). Huile sur toile, vers 1855. Collection de l’Evêché, dépôt à la Communauté d’agglomération de Montpellier. Inscrit MH le 03/03/2004. Les enjeux religieux La réorganisation des circonscriptions ecclésiastiques prévue par le Concordat de 1801 place Montpellier à la tête des anciens diocèses de Lodève, Béziers, Agde et Saint-Pons de Thomières. La cathédrale montpelliéraine occupe désormais une place de premier ordre. À ce titre son état pose problème : ses capacités d’accueil ne sont d’abord plus suffisantes ; ensuite, avec son chœur de style classique élevé en 1775 et sa tour manquante depuis les guerres de Religion, l’édifice est vu comme une 20 La cathédrale de Montpellier construction disparate et mutilée, loin d’être à la mesure du Cathédrale Saint-Pierre : élévation nouveau rôle joué par le diocèse de Montpellier. Censée mani- figurant l’agrandissement d’Henry fester la ferveur de l’Eglise réhabilitée depuis peu, la restau- Revoil, projet définitif de 1854. ration de la cathédrale est ainsi une entreprise symbolique au service d’un catholicisme militant. À Montpellier, elle est menée à bien grâce à la détermination de l’évêque Monseigneur Charles Thomas Thibault (1796-1861). Dès 1834, l’architecte du département, Jean-Pierre Blanc, présente au préfet de l’Hérault un projet de restauration visant à reconstruire la tour Saint-Benoît, afin de rétablir la symétrie de la façade principale. En 1845, son successeur, l’architecte Pierre-Charles Abric (1800-1871), soumet un projet pour l’agrandissement du chœur de la cathédrale ; cependant aucune de ces deux propositions n’est réalisée. Pendant la première moitié du siècle, l’exécution des projets de restauration est sans cesse repoussée sous prétexte d’économie budgétaire. La seule intervention d’importance menée à cette période sous la direction d’Abric concerne le rétablissement des remplages des fenêtres hautes de la nef et la pose de nouveaux vitraux. L’application d’une doctrine A la suite de la réforme de l’administration des Cultes en 1848, la direction des travaux entrepris à la cathédrale est confiée à un architecte diocésain*, d’abord Auguste Lejeune (1801-1852), puis, à partir de 1852, Henry Revoil* (1822-1900). Ce dernier présente La cathédrale de Montpellier 21 presque à lui seul la doctrine de la restauration monumentale au siècle, définit en effet le modèle architectural de la cathédrale idéale comme une synthèse des grands édifices gothiques du Nord de la France. Cette expression stylistique obtient d’ailleurs la préférence du clergé. En 1854, Revoil propose donc un nouveau projet dans lequel chapelles rayonnantes et déambulatoire sont éliminés au profit d’un chœur désormais formé d’un vaisseau central terminé par une abside à sept pans et de deux bas-côtés clôturés chacun par une absidiole. Il maintient cependant, avec le chevet épaulé d’arc-boutants et la toiture en charpente couverte de tuiles vernissées, des formules architecturales issues du gothique septentrional. Ce dernier projet, qui comprend aussi la reconstruction de la tour Saint-Benoît, est accepté et la première pierre du chantier est posée en 1855. En 1864, Revoil présente un devis supplémentaire pour des travaux de sculptures ornementales : pinacles, crochets, balustrades à jour, visant en réalité à unifier la nouvelle construction avec l’édifice du xive siècle. Le chantier des vitraux est confié en 1867 aux célèbres peintres-verriers parisiens Edouard Didron* (1836-1902) et Paul Charles Nicod (1819-1898), qui reprennent la technique du vitrail coloré et s’inscrivent ainsi dans le mouvement néo-gothique. En 1870, le sculpteur montpelliérain Auguste Baussan* (1839-1907) est chargé de la décoration du portail du transept dédié à la Vierge. Façade ouest donnant sur le Le bas-relief qu’il propose pour orner le linteau représente le cloître, photographie de Médéric couronnement de la Vierge, la mise au tombeau et l’adoration Mieusement, 1884. des mages et s’inspire manifestement du décor sculpté du portail de la Vierge de la cathédrale Notre-Dame de Paris. xixe Chevet de la cathédrale Saint- un avant-projet le 6 octobre 1853 : il prévoit la destruction du Pierre, photographie de Médéric chœur du xviiie siècle “dont le mauvais goût et les formes bâtardes Mieusement, 1884. de son architecture jurent complètement avec l’effet grandiose d’un des plus beaux vaisseaux du xive siècle” et son remplacement par la construction d’un transept et d’une abside à double déambulatoire flanqué de cinq chapelles rayonnantes. Il conçoit aussi la restauration de la façade principale avec la reconstruction de la tour Saint-Benoît. Le Comité des inspecteurs généraux, organisation en charge du contrôle de la qualité des travaux, lui demande cependant certaines modifications. Les chapelles rayonnantes et le déambulatoire sont deux éléments que le Comité souhaite voir disparaître, par économie d’une part, mais aussi afin que « la partie neuve de l’église se trouve plus en harmonie avec la partie ancienne ». Puisque l’architecte n’entreprend pas de reconstruire le chœur d’origine, cette remarque soulève une question majeure : celle du choix stylistique de la nouvelle construction. Si Revoil affirme concevoir celle-ci « parfaitement en harmonie avec l’ancien monument », il déclare aussi prendre pour modèle l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen. Or les formes architecturales de cet édifice rouennais, église gothique du xive siècle, sont relativement étrangères à celles mises en œuvre dans les édifices méridionaux de la même époque. Par ce choix, Revoil affirme ainsi son adhésion aux théories développées par l’architecte restaurateur et théoricien de l’architecture Viollet-le-Duc*. Ce dernier, qui incarne 22 La cathédrale de Montpellier Le 17 janvier 1875, la cathédrale est inaugurée. Sa restauration s’est ainsi étendue sur vingt ans pour donner naissance à un nouvel édifice dont le style néo-gothique restitue à l’église sa dignité et célèbre la renaissance d’une grande architecture nationale. [LM] La cathédrale de Montpellier 23 Le portail latéral d’Auguste Baussan « Il suffit de jeter un regard sur le portail de Saint-Pierre, pour constater que M. Baussan* a merveilleusement senti, compris et rendu toute l’exquise pureté, l’infinie noblesse, l’idéal délicat de cette grande figure qui veille, tutélaire, sur le monde chrétien : Notre-Dame secourable et auxiliatrice. Et c’est grâce à cette harmonie intime de pensée, sinon de foi, existant entre lui et les vieux maîtres de jadis, qu’il a pu vaincre les difficultés nombreuses de sa tâche. […] modèle souple et délicat. De la même façon sont traités les chapiteaux des quatre colonnettes. Leurs crochets largement épanouis, leurs folioles finement découpées accusent un galbe très pur […]. » Le portail latéral de Saint-Pierre, conçu selon le mode usité au xiiie siècle, se compose de deux ouvertures séparées par un trumeau, contre lequel viennent battre les vantaux de la porte ; au-dessus un linteau surmonté d’un large tympan et soulagé par un arc de décharge. […] S’inspirant probablement de la cathédrale Notre-Dame de Paris, [le sculpteur] a consacré la partie supérieure du tympan au couronnement de la Vierge ; dans la zone inférieure divisée en deux parties par les souples rameaux d’un arbre, il a raconté les deux scènes capitales ou du moins l’alpha et l’omega de la Vierge sainte en tant que mère : la naissance et la mise au tombeau de son divin Fils. […] Charles Louis Joseph Ponsonailhe* (1855-1915), est un écrivain et critique d’art piscénois connu pour son action en faveur de la protection du patrimoine. Il participa dès 1891 à l’Inventaire général des richesses d’art de la France lancé par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Ses études sur des artistes originaires de Montpellier, Sébastien Bourdon (1616-1671), Alexandre Cabanel (1823-1889) et Jean-Antoine Injalbert (1845-1933) sont fondamentales. Quant au trumeau, sur un socle artistiquement ouvré et sous un dais à plusieurs étages finissant par un gracieux édicule, il nous présente la Vierge Marie nimbée de la couronne que lui offre là-haut un messager céleste. Elle soutient dans ses bras Jésus enfant et lui apprend déjà à bénir les peuples. Docile, Jésus obéit, et sa petite main essaye l’auguste geste avec une grâce de mouvement, un charme de sourire vraiment raphaélesques. La dimension des voussures n’ayant point permis au sculpteur d’encadrer la composition d’un cordon d’angelets, de rois ou de prophètes, il s’est contenté de l’entourer d’un quadruple rang de fleurs et de feuillage d’un 24 Charles Ponsonailhe Bulletin de la Société de Saint Jean, Montpellier, 1884. Fondée en 1875 à Montpellier, la Société de Saint Jean pour l’encouragement de l’art chrétien fut pionnière en matière de conservation du patrimoine. Elle entreprit dès l’origine l’inventaire des œuvres d’art des églises de l’Hérault publié dans ses bulletins annuels. Médéric Mieusement* (1840-1905), est l’auteur d’un projet inédit et monumental, l’Album des Monuments de France. En 1881, il est officiellement chargé de photographier les cathédrales par la Commission des Monuments historiques. Portail latéral de la cathédrale Saint-Pierre par Auguste Baussan, 1870-1875. Photographie de Médéric Mieusement, 1884. Regards sur la cathédrale de Montpellier Regards sur la cathédrale de Montpellier 25 La cathédrale Monument historique « La cathédrale est, en tant « Une légende veut que les cathédrales soient à toute épreuve, disait l’expert. Rien de plus faux. Les bâtisseurs du Moyen Age qu’elle devient1 ». étaient des bricoleurs. Aujourd’hui, les cathédrales passent leur temps à s’effondrer, à s’enfoncer, à s’effeuiller. Elles coûtent des fortunes en restauration. Mais ça ne fait rien, on retape, on remonte, on colle. On ne compte pas, pour les cathédrales. Seulement, prévenait l’expert, on ne pourra pas le faire indéfiniment. Le coût des restaurations ne fait qu’augmenter. On sera bientôt à la limite des capacités des pouvoirs publics. Il va falloir trouver autre chose, je ne sais pas, vendre un certain nombre de nos cathédrales à qui en voudra, aux japonais, au sultan de Brunei1 ». Le roman de Florence Cossé Le mobilier National traduit avec humour la vision pessimiste de ceux qui craignent l’abandon des cathédrales par l’Etat qui en a la charge depuis la Séparation des Eglises et de l’Etat en 1905 : « Les cathédrales ne sont-elles pas en passe de n’être plus que de coûteux objets de consommation culturelle, chantiers spectaculaires et toujours inachevés, associant les images du tonneau des danaïdes et de la toile de Pénélope2? ». Comme en écho la même année, en 2001, l’Etat montrait son engagement vis-à-vis de ces lieux de mémoire en publiant un ouvrage de synthèse fondamental, 20 siècles en cathédrales, catalogue d’une exposition exceptionnelle qui eut lieu à Reims au palais du Tau, palais archiépiscopal d’une des plus grandes cathédrales de France. Porche de la cathédrale Saint-Pierre. Lithographie, Isidore Taylor, 1834. Taylor (Isidore), Nodier (Charles), Cailleux (Alphonse de). Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France.1820-1854. Languedoc, Tome II, 2 (Gard, Hérault, Ardèche), 1834. Ecartelée par les conflits religieux et politiques, endommagée, mutilée, ruinée, reconstruite, restaurée, la cathédrale est sans cesse réinventée, embellie au gré des modes et de la liturgie, revue et corrigée au fil des siècles, voire totalement récréée dans une escalade restauratrice dénoncée en son temps par Antoine Quatremère de Quincy (1755-1849), selon qui une bonne restauration se doit d’être visible, puis par Auguste Rodin (1840-1917) qui se plaint non pas des iconoclastes, mais des réparateurs3. Le guide du visiteur de Montpellier de 1879 est éloquent pour montrer qu’à cette époque, la référence majeure 26 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 27 Vue de la cathédrale Saint-Pierre. Lithographie, Jean-Joseph Bonaventure Laurens* (1801-1890), vers 1848. de la restauration est l’image idéale de la cathédrale gothique : « La cathédrale, dans son état actuel, a été inaugurée il y a trois ans. Avec une habileté rare, M. Revoil, inspecteur des travaux diocésains, a soudé au vieux temple un transept et une abside d’un style ogival très pur ; le chœur est certainement une des plus belles constructions religieuses élevées en France dans ces trente dernières années 4. » Aux xxe et xxie siècles, on pourrait parler de restauration continue d’une haute technicité réalisée par des restaurateurs formés à l’excellence et des entreprises ultra spécialisées. Les restaurations récentes les plus spectaculaires de la cathédrale de Montpellier réalisées par le service des Monuments historiques sont sans nul doute celles du porche médiéval et du portail latéral du XIXe siècle. Les cathédrales ne se sont jamais si bien portées et s’il fallait une justification à ces interventions, le prestige du monument seul suffirait. La cathédrale est devenue un puissant symbole, un monument mythique que les poètes ont contribué à créer, un monument historique5. L’idée de cathédrale Prosper Mérimée* (1803-1870) quitte Paris pour une tournée dans le Midi de la France, le 31 juillet, première d’une longue série vouée à la découverte des monuments en péril. Comme il le raconte dans Notes d’un voyage dans le Midi de la France, le 5 novembre 1834 il est à Montpellier, pour un monument, la cathédrale, et une collection, « la belle galerie de tableaux donnée à la ville par M. le baron Fabre » : « […] La cathédrale, détruite en partie par les protestans durant les guerres civiles, ne mérite d’être citée que par la grandeur du vaisseau, et par le porche très extraordinaire qui cache sa façade plutôt qu’il ne la décore. Deux énormes piliers, ou plutôt deux tours massives, extrêmement élevées, soutiennent d’un côté une voûte ogivale surbaissée, qui s’appuie de l’autre sur le haut du mur de la façade. Il est impossible de rien voir de plus lourd et de moins gracieux. Cependant la grandeur des proportions produit toujours, en architecture, un certain effet. L’usage d’un porche doit être de mettre à l’abri du soleil et de la pluie ; la hauteur des arcades de celui-ci le rend tout à fait inutile sous les deux rapports6 […] ». Tout juste nommé inspecteur général des Monuments historiques, le 27 mai 1834, et membre du Comité des Arts et des Monuments créé le 23 juillet 1834, afin de dresser un inventaire des monuments anciens pour œuvrer à leur conservation, l’écrivain Il était probablement accompagné de son ami le baron Isidore Taylor* (1789-1879) qui considérait Montpellier « comme la plus délicieuse ville du Bas Languedoc ». En effet, celui-ci, par un dessin de 1834, immortalisera les ruines du porche « composé de deux constructions en forme cylindrique terminées en cône, 28 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 29 Les parties hautes de la cathédrale Saint-Pierre depuis le sud-ouest. Dessin, Jean-Joseph Bonaventure Laurens* (1801-1890), 22 mai 1846. C’est sans nul doute l’architecte Eugène Viollet-le-Duc* (18141879) qui exprime le mieux l’idée de cathédrale à travers son ouvrage fondamental, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xve siècle10, pour « comprendre l’importance de ces monuments pour notre pays, de ces monuments qui ont été la véritable base de notre unité nationale, le premier germe du génie français. À nos cathédrales, se rattache toute notre histoire intellectuelle; elles ont abrité, sous leurs cloîtres, les plus célèbres écoles de l’Europe pendant les xiie et xiiie siècles; elles ont fait l’éducation religieuse et littéraire du peuple; elles ont été l’occasion d’un développement dans les arts qui n’est égalé que par l’antiquité grecque. Si les derniers siècles ont laissé périr dans leurs mains ces grands témoins de l’effort le plus considérable qui ait été fait depuis le christianisme en faveur de l’unité, espérons que, plus juste et moins ingrat, le nôtre saura les conserver ». Il s’est attaché à démontrer « que la cathédrale française, dans le sens moral du mot, est née avec le pouvoir monarchique » à la fin du xiie siècle. Dans ce contexte, il cite celle de Montpellier : « A la mort de Philippe le Bel, en 1314, le domaine royal s’est étendu: il a englobé la Champagne; il possède le Languedoc, le marquisat de Provence; il tient l’Auvergne et la Bourgogne au milieu de ses provinces. Montpellier, Carcassonne, Narbonne, Lyon, exécutent dans leurs cathédrales des travaux considérables et tentent de les renouveler. […] Le xve siècle vit fonder la cathédrale de Nantes, celles d’Auch, de Montpellier, de Rhodez, de Viviers ; les guerres religieuses du xvie siècle firent de nouveau suspendre les travaux. ». Car la cathédrale est avant tout, comme l’exprime Alain Erlande-Brandenburg11 « un monument politique, signe visible de la puissance temporelle de l’Eglise au sein de la cité : la hauteur démesurée de la nef gothique n’est plus alors l’effet mystique de l’élan de l’âme vers son créateur, mais plus prosaïquement l’effet d’un patriotisme de clocher, l’émulation des cités rivales conduisant à des constructions démesurées ». Sa monumentalité, ses dimensions, sa masse, son élévation, sa visibilité, sa silhouette – gargouilles, chimères, et monstres ailés, pinacles, gâbles et crochets – font de la cathédrale un monument étonnamment moderne, dans l’esprit « record du monde », toujours plus grand, toujours plus haut, toujours plus spectaculaire : 1163, Notre-Dame de Paris, 35 m ; 1195, NotreDame de Chartres, 36,5 m ; 1212, Reims, 38 m. Sur la carte des cathédrales françaises, Montpellier, 1364, 28,5 m occupe une place modeste. Elle fut pourtant maintes fois dessinée par les artistes montpelliérains comme l’archéologue Jean-Joseph Bonaventure Laurens* (1801-1890) ou Jean-Marie Amelin* (1785-1858), qui participèrent ainsi au mouvement romantique qui contribua à faire de la cathédrale un monument mythique, fondateur du tourisme dans les cathédrales. 30 La cathédrale de Montpellier soutenant une voûte croisée ». Cette lithographie, qui illustre ses Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France7 offre une image spectaculaire du porche jugé « bizarre mais très pittoresque », témoignage précieux de l’état de la cathédrale, mais aussi une scène de la vie quotidienne, où, à la sortie de la messe se croisent sur le parvis, bourgeois et miséreux. Ce travail monumental d’inventaire patrimonial de la France au xixe siècle, réalisé avec le concours des sociétés archéologiques naissantes8, fondées par des antiquaires intrépides, savants, artistes et poètes qui se livrent à l’étude des vestiges des monuments anciens, parmi lesquels Taylor aimait citer Jules Renouvier (1804-1860) et Bonaventure Laurens* (18011890), est comparable à L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert pour le xviiie siècle. Il témoigne d’un nouveau regard, d’une prise de conscience collective nationale où s’inscrit l’idée de sauvegarde des monuments religieux bien souvent en ruines : jusque là, les amateurs éclairés de grands tours, comme Aubin-Louis Millin* (1759-1818)9, dans son Voyage dans les départements du Midi de la France réalisé en 1811, ignoraient les monuments du Moyen Age, qui n’étaient pas alors parés du même prestige que l’antique. Il fut pourtant pionnier dans la conservation des monuments et le premier, à l’occasion de la démolition de la Bastille, à parler dans un lieu officiel de monument historique. La cathédrale de Montpellier 31 La cathédrale aujourd’hui Depuis la prise de conscience de la conservation du patrimoine, Vue de la cathédrale Saint-Pierre. entre 1830 et 1850, les monuments sont pour l’Etat une priorité Lithographie, Albert Robida (1848nationale. Il est chargé de l’entretien des cathédrales, d’abord au 1926), 1893. titre du budget du ministère des Cultes (service des édifices diocésains), du milieu du xixe siècle jusqu’à la Séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, puis du ministère des Beaux-Arts et aujourd’hui du ministère de la Culture et de la Communication (service des Monuments historiques). L’Etat est actuellement propriétaire de 86 cathédrales, la cathédrale d’Ajaccio ayant été cédée à la collectivité territoriale de Corse en 2002. Grands monuments ou édifices plus modestes, elles sont toutes classées Monuments historiques parmi les 44 000 monuments aujourd’hui protégés ; celles qui ne bénéficiaient pas de protection juridique avant le xxe siècle, ont été classées de manière systématique en 1906, comme la cathédrale de Montpellier12. La Séparation n’est pas revenue sur l’héritage de la Révolution française (le 2 novembre 1789, tous les biens ecclésiastiques étaient mis à disposition de la Nation) et du Concordat de 1801 qui rendit au culte les édifices rescapés, mais la répartition et le nombre de cathédrales sont modifiés : il y avait 146 cathédrales en 1788, 95 aujourd’hui. Renouvelant ce qu’avait fait l’empereur Constantin au ive siècle au moment de la reconnaissance du christianisme13, les divisions ecclésiastiques furent calquées sur les nouvelles circonscriptions administratives, les départements : sont cathédrales aujourd’hui, les églises qui abritaient un siège épiscopal sous le régime concordataire, les anciens diocèses étant regroupés sur le modèle des territoires civils départementaux. Dans la région Languedoc-Roussillon, neuf des quatorze diocèses furent ainsi supprimés : Agde, Béziers, Lodève, Saint-Pons de Thomières, Alet-les-Bains, Narbonne, Alès, Uzès et Saint-Papoul. Des cathédrales emblématiques des anciens évêchés ne subsistent que Saint-Pierre de Montpellier, Notre-Dame-et-Saint-Castor de Nîmes, Notre-Dameet-Saint-Privat de Mende, Saint-Jean-Baptiste de Perpignan 32 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 33 et Saint-Michel de Carcassonne. De fait des édifices comme Saint-Just de Narbonne ne sont pas reconnus comme cathédrales. Lors de la récente réorganisation des provinces ecclésiastiques françaises, en 2002, Montpellier est élevé au rang d’archidiocèse métropolitain avec comme suffragants les diocèses de Carcassonne et Narbonne, Mende, Nîmes et PerpignanElne. La province ecclésiastique de Montpellier couvre ainsi la région Languedoc-Roussillon14. La cathédrale aujourd’hui est avant tout une référence, un objet particulièrement magique dirait Roland Barthes : par sa grandeur matérielle d’abord, « combinaison miraculeuse entre force et légèreté15 », par sa situation au sein de la ville, mémoire urbaine avec son ancien palais épiscopal, son ancien hôtel-Dieu et enfin comme monument au sein de l’espace social, comme lieu de vie. Si la cathédrale est un Monument historique par excellence, chef-d’œuvre d’architecture, riche en trésors artistiques, c’est avant tout un lieu de rassemblement cultuel, politique, social, où se déroulent les événements solennels. C’est un lieu de mémoire patrimonial en partage, à la fois symbole religieux, symbole de la ville et de la nation. La cathédrale de Montpellier est actuellement un des lieux les plus visités de la ville, faisant cohabiter dans un respect réciproque, affectation cultuelle et animation culturelle. Peutêtre aussi faut-il le dire, parce que c’est un lieu ouvert tous les jours et gratuit. La récente cérémonie d’inauguration de la restauration de l’orgue par le service des Monuments historiques, organisée par l’association des amis de l’orgue et qui attira une foule compacte, accompagnée d’une bénédiction de l’instrument par l’évêque et d’un concert d’orgue, reflète sans nul doute l’intelligente répartition des tâches entre l’Eglise et l’Etat, porteurs de valeurs a priori contradictoires, catholicité et laïcité, valeurs spirituelles et patrimoniales. 1. Laurence Cossé. Le mobilier national, Paris, Gallimard, 2001. 2. Ollivier (Eugène). « La cathédrale de la Révolution à nos jours ». Revue Monuments historiques, 1987, n° 153, p. 20. 3. Quatremère de Quincy (Antoine). Dictionnaire historique d’architecture, contenant dans son plan les notions historiques, descriptives, archéologiques, biographiques, théoriques, didactiques et pratiques de cet art, 2 vols., Paris, 1832. Rodin (Auguste). Les cathédrales de France, 1914 (introduction de l’écrivain Charles Morice (1861-1919). Leniaud (Jean-Michel). « Entre la grue de Cologne et le marteau de Thor : les cathédrales au temps des nations ». 20 siècles en cathédrales, Paris, Monum Editions du patrimoine, 2001, p. 79. Leniaud (Jean-Michel). Les cathédrales au xixe siècle, Paris, Economica, 1993, p. 247-248. 4. Montpellier, Notices historiques et descriptives, 1879. De cet ouvrage, p. 19, est extrait l’exergue de ce texte. 5. Cf. la troisième partie de cet ouvrage consacrée à l’imaginaire de la cathédrale à travers les textes des plus grands artistes et écrivains. 6. Mérimée (Prosper). Notes d’un voyage dans le Midi de la France. Paris, Librairie de Fournier, 1835 - Montpellier, le 5 novembre 1834 p. 373. 7. Taylor (Isidore), Nodier (Charles), Cailleux (Alphonse de). Voyage pittoresque et romantique dans l’ancienne France.1820-1854. 20 volumes. Languedoc, Tome II, 2 (Gard, Hérault, Ardèche), 1835, p. 26 et 27. 8. La société archéologique de Montpellier est créée le 23 septembre 1833 avec Jules Renouvier (1804-1860) comme président. 9. Millin (Aubin-Louis). Voyage dans les départements du Midi de la France, Paris, 1811. Montpellier, tome IV, 1re partie. Dictionnaire des Beaux-Arts, Paris, 1806, p. 70-72. 10. Viollet-le-Duc (Eugène). Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au « Cathédrale», 1856, Tome 2. Cf. 3e partie du présent ouvrage. xve siècle, 11. Erlande-Brandenburg (Alain). La Cathédrale, Fayard, 1989, p. 176. 12. Exception faite de Metz (MH en 1930), de Basse-Terre et de Saint-Denis de la Réunion protégées en 1975. 13. Au ive siècle, les divisions ecclésiastiques chrétiennes se coulèrent dans le moule des divisions administratives de l’Empire romain, les diocèses. 14. 28 évêques se sont succédé à Montpellier depuis Guillaume Pellicier à JeanMarie Carré. 15. Barthes (Roland). « La nouvelle Citroën », Mythologies , Œuvres complètes I, Ed. du Seuil, 1957. Le Goff (Jacques). « Les cathédrales françaises », 20 siècles en cathédrales, Paris, Monum Editions du patrimoine, 2001, p. 17-29. [HP] 34 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 35 La cathédrale et son décor Guide de visite Si l’imposant baldaquin extérieur confère à l’église une silhouette austère, cette impression de monumentalité, voire de massivité, s’estompe une fois entré dans l’édifice. L’ample vaisseau élancé et lumineux, admirablement servi par la finesse des arcs, piliers et colonnettes, offre élégance et légèreté. Caractéristique du style architectural du xive siècle appelé gothique méridional, l’église, d’une ampleur de 95 mètres de long pour 26 mètres de large, présente un plan à nef unique composée de six travées voûtées d’ogives, ouvrant sur douze chapelles latérales implantées entre les contreforts. L’ensemble des vitraux historiés datent du xixe siècle. Les verrières des fenêtres hautes réalisées en 1843 par le peintre-verrier Castanier sous la direction de Pierre-Charles Abric présentent les douze Apôtres. Les vitraux du chœur, illustrés des saints emblématiques des anciens sièges épiscopaux de la région – Sever, Fulcran, Aphrodise et Pons de Cimiez, sont créés de 1867 à 1872 par les peintres-verriers parisiens Edouard Didron* et Paul Nicod sous la direction d’Henry Revoil*. Enfin les deux grandes roses du transept s’inspirent de l’iconographie de Notre-Dame de Paris rassemblant la Vierge, la Trinité, les apôtres et les prophètes. (1605-1676) et Charles de Pradel (1645-1695), les artistes montpelliérains les plus célèbres sont choisis pour orner l’ancien chœur classique de la cathédrale de trois peintures magistrales : Sébastien Bourdon* (1616-1671), Jean de Troy* (1638-1691) et Antoine Ranc* (1634-1716). Ces immenses toiles sont aujourd’hui placées dans le transept. Incarnant le rayonnement artistique du Grand siècle, Jean Deydé fait appel au Guerchin français, Nicolas Mignard* (1606-1668), puis à l’inventivité baroque de Puget pour orner une chapelle de la cathédrale qu’il transforma en sépulture familiale. Installé en 1778 grâce aux libéralités de l’évêque Joseph François de Malide (17301812), l’orgue du xviiie siècle du facteur d’orgue piscénois Jean-François L’Epine (1732-1817) est l’une des œuvres majeures de la cathédrale, symbole de l’alliance entre art et liturgie. Au xixe siècle, le peintre François-Xavier Fabre (1766-1837) fait appel au sculpteur florentin Emilio Santarelli (1801-1886) pour le décor sculpté de la chapelle de la Vierge. Perpétuant cette tradition d’embellissement, deux maitreautels sont offerts au xxe siècle. [HP] Le décor de la cathédrale ne reflète plus l’âge d’or voulu par le pape Urbain V (1310-1370). Les décors monumentaux imaginés par des commanditaires éclairés ont été malmenés à maintes reprises et les éléments subsistant ne sont pas antérieurs au xviie siècle. Grâce à l’érudition des évêques François Bosquet 36 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier Je remercie Elsa Trani, doctorante en histoire de l’art, pour sa participation à la rédaction de ce guide, ainsi qu’Alain Chevalier et Pierre Curie pour leurs relectures. Vue de la nef en direction du chœur. 37 1 Chœur 2 3 Les autels L’autel est le mobilier principal du chœur d’une église, il a la forme d’une table qui rappelle le repas de la Cène que le Christ célébra avec ses disciples la veille de sa mort. Il symbolise aussi le Christ lui-même qui est à la fois le prêtre, l’autel et la victime sacrificielle en livrant son corps et en versant son sang librement sur la croix. Aux origines de l’Eglise, la messe était souvent célébrée sur le tombeau des martyrs. Dans le prolongement de cette tradition, les autels consacrés contiennent des reliques de saints martyrs et sont solennellement consacrés par l’évêque avec de l’eau bénite, de l’encens et du saint chrême en raison de la place centrale qu’ils auront dans la liturgie de la messe. La cathédrale compte 12 autels : les trois autels successifs du chœur, huit dans les chapelles latérales et un dans la chapelle du Saint-Sacrement. Trois autels se sont succédé dans le chœur reflétant la singularité artistique de chaque époque. Ils forment pourtant un ensemble harmonieux. L’autel actuellement utilisé, le plus récent, est une œuvre du sculpteur Philippe Kaeppelin (1918-2011). Il fut réalisé en 1985 à l’occasion du millénaire de la ville grâce à un don de la mairie de Montpellier qui désirait 38 mettre en valeur la cathédrale, monument patrimonial emblématique. Sa forme simple et noble accroche doucement la lumière grâce aux plaques de métal doré dont l’autel est recouvert. La face tournée vers la nef porte une représentation du Christ en gloire au milieu du cosmos entouré de la foule des sauvés et des anges, représentation inspirée du livre de l’Apocalypse qui se prolonge sur les côtés. Sur la face arrière, les saints du diocèse de Montpellier : au centre, Notre Dame des Tables entourée de saint Pierre et saint Paul, à droite saint Firmin et saint Benoît d’Aniane et à gauche le Bienheureux Urbain V, bâtisseur de la cathédrale et saint Roch. Plus en avant du chœur et sur la gauche on peut admirer un ambon assorti qui sert à proclamer l’Evangile. Pour compléter cet ensemble, la croix de procession du même artiste, placée au centre du chœur a été offerte en 1992. Philippe Kaeppelin tenait à inspirer ses œuvres de l’environnement dans lesquelles elles allaient se trouver. Les ors éteints sont un rappel du maître-autel situé au fond du chœur. Le maître-autel du début du xxe siècle fut offert en cadeau au cardinal de Cabrières pour ses noces d’argent épiscopales en 1901. Fruit d’une souscription publique, il fut commandé par l’archiprêtre de la cathédrale, Mgr Gervais, à la maison Cantini de Marseille réputée pour son travail des marbres et des bronzes. Il est en marbre jaune de Constantine, dit « marbre onyx ». On peut admirer des bas-reliefs de Regards sur la cathédrale de Montpellier bronze doré figurant la sainte Cène, les noces de Cana et l’agneau pascal qui renvoient au mystère de l’Eucharistie. C’est sur cet autel néo-gothique que le cardinal célébrait la messe. nourrir ses petits en prenant dans sa propre chair est devenu le symbole du Christ donnant son corps et son sang pour nourrir les enfants de Dieu dans le sacrement de l’Eucharistie. A gauche dans le transept a été placé le maîtreautel du xviiie siècle, le plus ancien conservé, réalisé par Pierre Fossati en 1753, véritable œuvre d’art par l’élégance de ses formes et sa taille imposante. Il est surmonté d’un tabernacle dont la porte en cuivre doré est ornée d’un pélican. Le pélican qui porte de la nourriture dans une poche ménagée dans ses replis pour [MP] Regards sur la cathédrale de Montpellier 1-Maître-autel de Philippe Kaeppelin, métal doré, 2,30 m x 1,10 m x 0,98 m. 1985. 2-Maître-autel en l’honneur de Mgr de Cabrières, marbre, 3,90 m x 1,30 m x 1,95 m. 1901. 3-Maître-autel, marbre, 3,50 m x 1,30 m x 1,35 m. 1753. 39 4 Transept La chute de Simon le Magicien, Sébastien Bourdon* (1616-1671) réalisée entre le 13 février 1657 et le 13 mars 1658. Huile sur toile, 6,50 m x 4,70 m. Classée MH le 21/03/1904. Montpellier s’enorgueillit à juste titre de la présence in situ de cette imposante toile du grand peintre montpelliérain, Sébastien Bourdon* (1616-1671), artiste européen avant la lettre. Considéré à son retour d’Italie comme le Dominiquin français, appelé à la Cour de la reine Christine de Suède, il se distingua à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris aux côtés de peintres de talent comme Le Brun ou Le Sueur. La commande à Bourdon du tableau destiné à orner le maître-autel de la cathédrale Saint-Pierre fut une opportunité de prestige saisie par l’évêque érudit et amateur d’art François Bosquet (1605-1676) en 1657. Le bref retour du peintre renommé dans sa ville natale est immortalisé par la réalisation de cet immense chef d’œuvre que l’on peut toujours admirer dans le transept de la cathédrale : la Chute de Simon le Magicien. La transformation du chœur a chassé le tableau de sa place originelle et l’on ne peut que regretter la disparition de son cadre doré, somptueux et fort coûteux si l’on en croit les archives ; dessiné par Bourdon pour mettre en valeur son tableau, il était indissociable de l’œuvre picturale. Si la dédicace de la cathédrale appelait un thème concernant la vie de saint Pierre, l’évêque laissa le choix du sujet à l’artiste. En référence certainement au gigantesque tableau commandé par Clément VIII à Francesco Vanni en 1603 pour orner la basilique Saint-Pierre de Rome, le peintre choisit une scène rarement représentée en peinture, la résistance de saint Pierre à la corruption spirituelle : Simon le Magicien avait tenté de lui acheter son pouvoir de faire des miracles1. Simon veut montrer sa supériorité devant l’empereur Néron en se jetant dans le vide, tel un nouvel Icare se jetant du haut du Capitole. Une foule de personnages assiste au spectacle tout en pointant du doigt la descente fatale de Simon le Magicien. 40 La simonie, c’est-à-dire le fait de monnayer les valeurs spirituelles, fut particulièrement combattue après le concile de Trente et, dans le contexte religieux de l’époque, le protestant Bourdon, au tempérament fougueux, ne pouvait ignorer le caractère ambigu du sujet : la victoire de saint Pierre sur Simon préfigure le triomphe de l’Eglise sur l’hérésie, mais elle symbolise aussi la victoire de la papauté sur le protestantisme. Comme pour affirmer son choix, tel Raphaël dans l’Ecole d’Athènes, le peintre s’est représenté à l’extrémité droite du tableau. Le tableau fit scandale et son rival montpelliérain, le peintre Samuel Boissière (1620-1703), lui reprocha dans un pamphlet célèbre, de s’être placé du côté des infidèles. Dans cette œuvre phare, par le contenu symbolique mais aussi par la modernité picturale, Bourdon déploie tout son talent : il ordonne magistralement l’espace par des plans successifs qui se déroulent en frises ou strates délimitées par les éléments architecturés qui creusent toujours plus loin la profondeur du tableau. Il relie toutes les figures avec subtilité par le biais de couleurs aux tons francs et vifs, aux contrastes puissants. Ainsi, les groupes de personnages se déploient avec élégance au premier plan comme une guirlande de couleurs. Le jaune d’or se détache nettement du ciel bleuté, alors que le piédestal au blanc glacé raffermit les tons ocre des tuniques dans la foule. C’est un chef-d’œuvre par la composition grandiose, équilibrée et claire malgré plus de trente personnages et par la richesse des coloris et la finesse des dessins. Il se situe dans la droite ligne du Dominiquin (1581-1641), de Nicolas Poussin (1594-1665) et des grandes compositions baroques avec un esprit novateur très marqué. [HP / ELT] 1. Actes des Apôtres 8, 9-24. La cathédrale de Montpellier 5 Transept Saint Pierre et saint Jean guérisant le paralytique à l’entrée du Temple de Jérusalem, Jean de Troy* (1638-1691), 1687. Huile sur toile. 6,50 m x 4,70 m. Classée MH le 30/09/1911. Trente ans après la réalisation par Sébastien Bourdon* (1616-1671) du tableau du maître-autel La chute de Simon le Magicien, Monseigneur Charles de Pradel (1645-1696), évêque de Montpellier de 1676 à 1696, souhaite à son tour marquer son épiscopat, comme l’avait fait son oncle l’évêque François Bosquet (1605-1676), en poursuivant la décoration du chœur de la cathédrale. Il commande en 1687 deux grands tableaux sur le cycle de la vie de saint Pierre au peintre Jean de Troy (1638-1691) : Saint Pierre et saint Jean guérissant le paralytique et la Remise des clefs à saint Pierre. Après la disparition de Bourdon, Jean de Troy, héritier d’une longue dynastie d’artistes, est sans nul doute le peintre de la société languedocienne le plus en vue. Originaire de Toulouse mais fixé à Montpellier par mariage, directeur-fondateur de l’éphémère Académie des arts de Montpellier de 1679 à 1684, il reçoit de nombreuses commandes publiques et privées dont témoigne encore la décoration de quelques palais et hôtels particuliers de la ville. Le décor de la cathédrale couronne son succès quatre ans avant sa mort. La scène de la Guérison du paralytique illustre un épisode du Nouveau Testament où Pierre et Jean s’arrêtent sur les marches du temple de Jérusalem aux pieds d’un mendiant paralytique. Encouragé par Pierre qui lui prend la main droite : au nom de Jésus Christ de Nazareth, lève-toi et marche1, l’homme se relève. Suivant la demande du commanditaire, le tableau s’inspire de l’œuvre de Nicolas Poussin (15941665) peinte en 1655, et aujourd’hui conservée au Metropolitan museum of Art à New York. Le groupe principal, formé par Jean, Pierre et le paralytique, est placé au centre d’une vaste composition architecturée. Parmi les personnages, graduellement disposés sur les marches du temple, on pourrait reconnaître à droite 42 enveloppé de blanc, l’évêque Charles de Pradel ou son protecteur Pierre II de Bonzi (1631-1705), archevêque de Narbonne. Comme la tradition le rapporte, l’homme au turban blanc au centre de la toile serait la silhouette de Jean de Troy, faisant écho à l’autoportrait de Sébastien Bourdon dans La chute de Simon le Magicien. Jean de Troy utilise ici tous les codes de la peinture classique française qui s’affirme au milieu du xviie siècle, sous l’égide de Nicolas Poussin. La référence à l’antique, l’élégance des personnages, la souplesse des drapés démontrent les talents du peintre à la fin de sa carrière. Sa palette brillante, illumine le tableau avec raffinement. Néanmoins, son travail d’invention reste dicté par l’étude des grands maîtres tels Poussin, Vouet (1590-1679) et Raphaël (1483-1520). Ces artistes permettent au peintre d’acquérir un dessin sûr, au service du « grand genre » qu’est la peinture d’histoire. En 1691, la mort de l’artiste laisse inachevé le second tableau d’autel de la cathédrale, La Remise des clés du Paradis à saint Pierre, qui sera terminé par Antoine Ranc. Photo HD à venir [HP / ELT] 1. Actes des Apôtres III, 4-8. Le Temps et la Justice découvrant la Vérité. Montpellier, Hôtel des Trésoriers de France. La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 43 6 Transept La remise des clefs à saint Pierre, Jean de Troy* (1638-1691), Antoine Ranc* (1634-1716), Jean Charmeton (né entre 1632 et 1648), 1687-1692. Huile sur toile. 6,50 m x 4,70 m. Classée MH le 21/03/1904. Un peu plus d’un an après la mort de Jean de Troy (1638-1691), Antoine Ranc*, maître montpelliérain de renom, est sollicité par le chapitre le 24 mai 1692 pour terminer la commande inachevée de son prédécesseur. Les consignes sont toujours identiques, l’œuvre doit s’inspirer des compositions de Nicolas Poussin. Ainsi, Antoine Ranc peint la partie inférieure de l’œuvre alors que Jean Charmeton, artiste d’origine lyonnaise, a pour mission d’élaborer le paysage de la partie supérieure de la toile. La commande de la cathédrale Saint-Pierre est l’une des plus prestigieuses de la carrière d’Antoine Ranc, bien qu’il soit un maître reconnu dans la région, tant pour son atelier florissant que pour ses diverses peintures religieuses qui ornent les églises du diocèse, parmi lesquelles l’imposant tableau de l’église d’Aniane : Saint Benoît d’Aniane et saint Benoît de Nursie offrant à Dieu le Père la nouvelle église abbatiale d’Aniane. Il est aussi régulièrement sollicité par les consuls de Montpellier pour la réalisation de leurs portraits annuels. La commande de la cathédrale permet donc au peintre de renforcer son prestige et de réaliser de nouveaux tableaux comme Sainte Catherine de Sienne recevant les stigmates de l’église Saint-Mathieu, les médaillons et panneaux de la chapelle des Pénitents blancs à Montpellier ou encore l’Ange apparaissant à Joseph de l’église de Mauguio. Le sujet maintes fois représenté en peinture, rapporte l’épisode où le Christ offre à saint Pierre la clé de l’Eglise en reconnaissance de sa fidélité : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église. Je te donnerai les clés du royaume des cieux et tout ce que tu lieras sur terre sera lié dans les cieux1. Dans cette scène, qui s’ouvre sur un paysage classique structuré par des éléments architecturés, les références 44 à Poussin sont assez nombreuses. La disposition en cercle des apôtres évoque la commande de Louis XIII, en 1640, pour la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye, JésusChrist instituant l’Eucharistie. Quant au geste du Christ, il répond à la verticalité de la pierre, marquée du « E » symbolique de l’Eglise. Ce schéma de composition se retrouve dans une autre œuvre de Poussin, L’Ordre, de 1647. Le talent d’Antoine Ranc s’exprime à travers la gestuelle variée des différents apôtres, leurs drapés amples et tourbillonnants qui ne sont pas sans rappeler la leçon du maître bolonais, Guido Reni (1575-1642). Toutefois, le travail détaillé et naturaliste des visages laisse entrevoir aussi l’influence d’une peinture nordique plus réaliste. Ainsi, l’œuvre du maître montpelliérain reste représentative des grandes questions artistiques du xviie siècle français. [HP / ELT] 1. Evangile selon Matthieu, XVI, 13-20. Aurore chassant la nuit et précédant le char d’Apollon, Jean de Troy, Montpellier, hôtel de Beaulac. Œuvre restaurée par Laurent Paillard Boyer. La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 45 7 Chapelle saint Joseph ou chapelle Deydé 8 L’apparition de l’ange à Joseph, Nicolas Mignard* (1606-1668), 1664. Huile sur toile. 3 m x 2,40 m. Classée MH le 30/09/1911. Au xviie siècle, les treize chapelles de la cathédrale sont concédées aux notables de la ville, afin d’alléger les dépenses inhérentes à leur entretien. Le 6 avril 1643, Jean Deydé (1617-1687), consul à la cour des comptes, aides et finances devient propriétaire d’une concession, l’actuelle chapelle Saint-Roch. Il orne alors le tombeau familial d’un décor en relation avec les défunts. Parée de marbre et de nombreuses peintures de la main des plus grands artistes, la chapelle Deydé rayonne à la fin du Grand Siècle. Mais ce riche ensemble de marbre est démantelé en 1794 pour être en partie réassemblé après le Concordat de 1801, dans l’actuelle chapelle saint Joseph. Bien que partiel, ce décor reste l’unique vestige de la parure des chapelles de la cathédrale au xviie siècle. Le premier tableau, commandé par Jean Deydé en 1664, dédié à son père Joseph mort le 28 mars 1637, est L’apparition de l’ange à Joseph de Nicolas Mignard (1606-1668). L’ange apparaît à Joseph pour la seconde fois, l’invitant à fuir le massacre des innocents perpétré par Hérode1. Mignard peint le sujet de manière très épurée. Il crée un jeu d’oppositions entre la gestuelle vigoureuse de Joseph et la grâce naturelle de l’ange. La sobriété de la composition, les modelés précis et la puissance des drapés rappellent la peinture classicisante du maître bolonais Guido Reni (1575-1642) souvent pris pour exemple par les artistes français. En bas à droite, la signature du peintre est visible : “ N. Mignard invenit et pinxit Parisiis MDCLXIIII ” (1664). Lorsqu’il achève cette œuvre, Mignard est à Paris et vient d’être reçu dans la prestigieuse Académie royale de peinture et sculpture (1663). Son tableau influence d’ailleurs Antoine Ranc (16341716), qui en réalise, en 1699, une copie pour l’église Saint-Mathieu à Montpellier. Deux ans plus tard, en 1666, Jean Deydé perd sa mère, Anne de Rignac, et l’un de ses fils, François. Pour cette funeste occasion, il commande un ensemble de marbre au grand maître marseillais Pierre Puget (1620-1694) en 1668, qui confie l’ouvrage au 46 La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 47 9 La fuite en Egypte, Giovanni Battista Carlone* (1603-1684), vers 1670. Huile sur toile. 3,60 m x 2,75 m. Classée MH le 06/12/1884. fille Constance (musée Fabre). A la suite de ces nouveaux aménagements, le tableau de Mignard est remplacé par la Fuite en Egypte, ou Miracle des dattes, du peintre génois Giovanni Battista Carlone (1603-1684). Cette œuvre, aujourd’hui exposée dans la chapelle voisine des Anges gardiens, représente l’épisode de l’Evangile qui suit les prédictions de l’ange à Joseph. Beaucoup plus fournie que celle de Mignard, cette scène s’inscrit dans un style très différent appartenant à la rhétorique baroque de la peinture italienne. Le peintre donne du mouvement au sujet grâce à la nuée d’angelots et accroche le regard du spectateur en utilisant de vifs coloris. [HP / ELT] 1. Evangile selon Matthieu II, 13-18. Saint Joseph en prières, médaillon de l’autel de Francesco Massetti, 1677. sculpteur génois Francesco Massetti (16191687) sous sa direction. Le décor prend place dans la chapelle entre mai 1677 et avril 1679. D’un style mesuré, entre baroque et classicisme, il est orné de plaques de marbres polychromes. Le devant d’autel est enrichi d’un élégant bas-relief représentant saint Joseph en prière. Cette sculpture d’une extrême finesse est réalisée à Gênes pour être ensuite assemblée in situ. Après 1679, Jean Deydé sollicite à nouveau l’atelier de Pierre Puget pour la création d’une urne funéraire et quatre bustes dont celui de sa 48 Chapelle du Saint-Sacrement 10 Annonciation, atelier de Jean Raoux* (1677 –1734), xviiie siècle. Huile sur toile. 1,51 m x 1,27 m. Classée MH le 09/04/1985. L’Annonciation, simple dialogue qui instaure le début de l’histoire chrétienne (Evangile Luc, 1, 26-38) et qui constitue en son issue un des plus hauts mystères de la foi chrétienne, l’Incarnation, a donné lieu à de multiples scènes peintes. Celle-ci, proche des compositions italianisantes du peintre montpelliérain Jean Raoux* (1677 –1734)1, est parmi les plus élégantes et les plus raffinées*. Grand Prix de Rome en 1704 et reçu Membre de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture en 1717, Jean Raoux participe au renouveau de la peinture française au temps de la Régence. Sa renommée est internationale et ses œuvres sont aujourd’hui conservées dans les plus grands musées (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Russie...). Sa virtuosité lui a permis d’exprimer son art dans plusieurs registres, et bien qu’ayant été reçu à l’Académie en tant que peintre d’histoire, titre le plus honorifique, l’artiste se révéla être un grand portraitiste et peintre de scènes de genre. Ici tout figure à la fois de l’humanité et de la divinité du Christ. L’ange Gabriel porte parole d’un Verbe qui instaure l’Histoire - « l’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre »- , est le pivot du récit, à la fois témoin et acteur, comme un historien qui ferait l’histoire qu’il énonce. Sa position, de profil et agenouillé, a valeur démonstrative : il fait irruption dans la chambre de Marie, qui signifie son acceptation par l’inclinaison gracieuse de la tête et le mouvement d’agenouillement accompagné du geste de la main. La fleur de lis participe au sens allégorique et spirituel de l’image*. 1. Jean Raoux (1677 -1734), un peintre sous la régence. Montpellier, Musée Fabre/Somogy, 2009. Œuvre restaurée en 2010 par Marina Weissman et Armelle Demongeot sous la direction de Laurent Hugues, conservateur des Monuments historiques. [HP] La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 49 Chapelle de la Vierge 11 Retable et statue de la Vierge, François-Xavier Fabre (1766-1837), Emilio Santarelli* (1801-1886), 1835-1837. Marbre blanc de Carrare. 1,80 m. Classés MH le 19/08/2005. (fonds Piancastelli, Biblioteca Comunale, Forli) cette commande est bien documentée. Les recherches de Laure Pellicer (François-Xavier Fabre, de Florence à Montpellier, musée Fabre, 2008), de Fausta Garavini et de Clara Domenici (François-Xavier Fabre et son temps. Actes du colloque du musée Fabre, 2009), permettent aujourd’hui de redécouvrir cette œuvre sculptée, que la Société de Saint-Jean qualifiait en 1875 de joyau de la cathédrale, « dont on ne saurait trop admirer le fini si merveilleux et la si exquise et si suave exécution ». Marie-Nicolas Fournier (1750-1834), évêque de Montpellier de 1806 à 1834, est reconnu pour être un ardent défenseur du patrimoine et le grand restaurateur du diocèse et de la cathédrale de Montpellier. Son nom est aussi attaché à l’acquisition du château d’O de Montpellier en 1821, qu’il lèguera à l’évêché. A la cathédrale, il attache une importance particulière à la chapelle de la Vierge pour la restauration de laquelle il laisse une somme de neuf mille francs destinée à la revêtir de marbre. Conjointement, François-Xavier Fabre (1766-1837), mécènefondateur du musée qui porte son nom, de retour dans sa ville natale après une longue période passée à Florence, souhaite faire don d’une statue de l’Immaculée Conception à la cathédrale. Il fait pour cela appel à son ami le sculpteur florentin Emilio Santarelli (18011886), resté à Florence. A la suite du décès de l’évêque Mgr Fournier dont le dernier projet était de restaurer la chapelle de la Vierge, Fabre lui commande aussi la réalisation du retable néoclassique destiné à la recevoir. Grâce aux lettres de 1835 de Fabre au peintre Benvenuti conservées à Montpellier, et à sa correspondance avec Emilio Santarelli conservée 50 Le 4 mars 1835, Fabre informe Santarelli de son espoir de voir le projet se réaliser au plus vite. Le 11 juillet 1835 il lui commande la statue et lui envoie un dessin pour la niche ; il insiste pour la réalisation de la colombe du saint Esprit destinée à orner la clef de l’arcature. Le 24 décembre 1835, il corrige les dimensions qu’il avait indiquées, ayant confondu entre les mesures en usage à Florence (braccio) et le mètre français. En juin 1836, il s’adresse à Pierre Maximilien Delafontaine (1774-1860), ciseleur et fondeur au Louvre, pour la fabrication des bases en bronze des colonnes et chapiteaux de la chapelle de la Vierge. Le 18 août 1836, Fabre se rend à la cathédrale pour se rendre compte de l’effet de la lumière dans la chapelle. Le 26 octobre 1836, il écrit à nouveau à Santarelli, en disant qu’il espère que la lumière naturelle de la niche « ne nuira pas à l’effet de la Vierge ». De façon prémonitoire, Fabre se plaint sans cesse dans ses lettres de la lenteur de l’achèvement de l’œuvre, qu’il ne verra finalement pas en place. [HP] Portrait de François-Xavier Fabre, par Joseph Baussan, d’après Girodet. Dessin au crayon noir avec rehauts de blanc, 0,48 x 0,34. Montpellier, musée Fabre. La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 51 Chapelle de la Vierge 12 13 La Vierge à l’enfant servie par les anges, Jean Coustou* (1719-1791), 1762. Huile sur toile. 2,44 m x 1,87 m. Classée MH le 06/12/1984. L’adoration de l’Enfant Jésus, xviie siècle. Huile sur toile. 2,10 m x 1,45 m. Classée MH le 06/12/1984. Dédiée à la Vierge, la chapelle est ornée de la Vierge à l’enfant servie par les anges, tableau redécouvert grâce à sa restauration en 2002 qui a fait apparaître date et signature1. C’est une œuvre du peintre Jean Coustou (17191791) peinte en 1762. Artiste officiel de la ville pendant plus de quarante ans, Jean Coustou est l’un des maîtres montpelliérains les plus importants du xviiie siècle avec Joseph-Marie Vien (1716-1809) et Etienne Loÿs (1724-1788). Cette toile témoigne du travail délicat de l’artiste. Le sujet fait référence au Repos pendant 52 la Fuite en Egypte. Aux xvie et xviie siècles, la halte de la famille prend de plus en plus d’importance et laisse place à l’imaginaire des peintres pour traiter des éléments de décor pittoresques. Le paysage rappelle l’exotisme de la Fuite en Egypte évoqué par les palmiers, comme dans l’œuvre de Giovanni Carlone (1603-1684). A la place de la sainte Famille, le peintre présente la Vierge et l’Enfant, entourés d’une multitude d’angelots. Pour la réalisation des personnages, il s’inspire de Nicolas Poussin (1594 –1665) qui peint vers 1630, une version du Repos pendant la fuite en Egypte2. La composition et la posture des personnages sont identiques. Réalisée au xviiie siècle, cette œuvre démontre l’impact des grands modèles classiques sur la peinture française. L’autre tableau de la chapelle, l’Adoration de l’Enfant Jésus, présente une scène intime dans un style très différent. Travaillé avec sensibilité, l’aspect mœlleux des chairs donne vie aux personnages. La tendance réaliste de ce tableau se retrouve dans la peinture française du xviie siècle, influencée par le caravagisme et la peinture septentrionale. En effet, la composition est proche d’une toile de Gérard Seghers (1591-1603) représentant la Vierge Marie avec un enfant et un ange3 peinte en 1630. Mais ici, la facture plus lisse et délicate peut être attribuée au peintre français originaire de Pézenas, Gabriel Fournier (1606-1666). Son voyage à Amsterdam entre 1641 et 1646 pourrait expliquer l’influence nordique. [ELT] 1. Œuvre restaurée par Sylvia Petrescu, sous la direction de Laurent Hugues, conservateur des Monuments historiques. 2. Winterthur, Musée Oskar Reinhart. 3. Vienne, Kunsthistorisches Museum. La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 53 François Marie Anatole de Rovérié de Cabrières1 (1830-1921) évêque de Montpellier de 1874 à 1921 Personnalité majeure du catholicisme français, Anatole de Cabrières naquit à Beaucaire le 30 août 1830 dans une famille aristocratique du pays nîmois, dernier d’une fratrie de quatre garçons. Elève au collège de l’Assomption, que venait de fonder le Père d’Alzon (1810-1880), il est éduqué dans une ambiance ultramontaine proche de Rome qui marquera profondément son engagement sacerdotal. Après une carrière exemplaire, séminaire de Saint-Sulpice à Paris, ordination en 1853, vicaire général honoraire et chanoine titulaire de la cathédrale de Nîmes en 1864, il prend possession le 19 mars 1874 du siège épiscopal de Montpellier dont il sera le titulaire pendant 47 ans jusqu’à sa mort en 1921. Pendant ce ministère de près d’un demi siècle, il sera confronté à des épisodes marquants qui lui donnèrent un écho national. Au cœur de l’histoire religieuse et politique de la IIIe République, il fut un acteur prépondérant des luttes qui opposèrent, à la fin du xixe Son deuxième grand combat fut celui des lois de Séparation qui divisèrent violemment la nation : grâce à sa position au moment des inventaires sur la définition des associations cultuelles, il obtint une audience nationale. Les manifestations viticoles de 1907 lui apportèrent une nouvelle popularité. Face aux vingt-sept régiments envoyés en Languedoc par Clémenceau pour mater la révolte vigneronne, Anatole Portrait de Mgr de Cabrières, Léon Galand, 1912. 54 Collectionneur averti, il acheta le 27 juin 1894 pour 1500 F à l’antiquaire E. Léotard fils, l’exceptionnel panneau sur bois du xve siècle représentant saint Roch. Avec nombre d’autres œuvres insignes de sa collection ainsi que de celle de l’évêché, notamment sa crosse commandée en 1890 à l’orfèvre Thomas-Joseph Armand Calliat (MH en 2003)2, son portrait par Léon Galand daté de 1912, et son buste réalisé par Injalbert en 1914, le saint Roch a été déposé en 2010 à la Communauté d’agglomération (musée Fabre). L’Hôtel Cabrières-Sabatier d’Espeyran, qui accueille aujourd’hui le département des Arts décoratifs du musée Fabre, a appartenu à sa famille, branche de son frère aîné Artus (1818-1903). siècle, les partisans d’un régime légitimiste et conservateur aux défenseurs du modèle républicain et laïc. Reçu pénitent blanc de Montpellier en 1865, il use de sa position pour redonner vie à ce type d’associations religieuses, à leurs pèlerinages et processions. Royaliste convaincu, il fut un farouche adversaire au ralliement à la République et il ne se résolut qu’amèrement à l’appel du pape Léon XIII au rapprochement avec le pouvoir laïc (1892). Cet attachement à la maison de France, nourri de la fréquentation assidue des prétendants au trône, le conduisit à soutenir plus tard l’Action française. Par ailleurs, cette opposition aux directives papales fut sans doute la cause de sa tardive élévation à la pourpre cardinalice : il ne sera nommé cardinal par le pape Pie X qu’en 1911. Dans La Vieille dame du quai Conti, le duc de Castries retrace les péripéties d’une élection qui opposa Mgr Duchesne à Mgr de Cabrières. Regards sur la cathédrale de Montpellier [HP] 1. Cholvy (Gérard). Un siècle d’histoire de France. Le Cardinal de Cabrières (1830-1921). Paris, éd. Du Cerf, 2007. 2. Farigoule (Jérôme). « Mgr de Cabrières, son calice et sa crosse » Mémoires d’orfèvres. Dir. Hélène Palouzié, Paris, Somogy, 2011, nos 198 et 199, p. 296-297. de Cabrières fait ouvrir les églises et la cathédrale de Montpellier aux manifestants. Action militante contre le pouvoir radical, ce « blanc du Midi » se rapprochait ainsi du « Midi rouge », recevant le surnom d’évêque des gueux. Le rôle qu’il joua comme artisan de l’Union sacrée lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale devait apaiser les tensions qui opposèrent ce grand prélat légitimiste à la République. Le 2 août 1914, il s’était rendu chez le préfet de l’Hérault pour lui offrir tout son concours pendant la guerre. Aussi, en 1921, lors de la célébration du 7e centenaire de la fondation de l’Ecole de médecine de Montpellier, le Président de la République, Alexandre Millerand, célébra en lui l’infatigable ouvrier de l’Union sacrée, dont il restait dans le département de l’Hérault « comme le vivant symbole ». Grand officier de l’Ordre de Léopold de Belgique, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 1921, quelques mois avant sa mort. Regards sur la cathédrale de Montpellier Armoiries de Mgr de Cabrières : d’azur au chêne arraché d’or et englanté du même. Crosse (détail), 1890. Mémoires d’orfèvres, 2011, n° 199. Classé MH le 05/06/2003. Saint Roch, panneau sur bois, xve siècle, classé MH le 19/04/1936 ; attribué par Pierre Curie à l’atelier de Valentin Montoliu. Restauré par Isabelle Leegenhoek, Florence Delteil et Daniel Jaunard au cicrp en 2012. 55 Chapelle des Evêques 14 Le mausolée de Mgr de Cabrières, Henri Nodet* (1855-1940 ), Jean-Marie Magrou* (1869-1945), 1926. Marbre, 2,40 m x 1,10 m x 2,80 m. Dans la cathédrale, le seul monument édifié en souvenir d’un évêque est celui de Mgr de Cabrières, décédé le 21 décembre 1921 à l’âge de 91 ans, inauguré le 1er décembre 1926. Gérald Cholvy, dans sa biographie sur le cardinal, le décrit ainsi : « Le cardinal, en cappa magna, est représenté à genoux, à son prie-dieu, ce qui offre l’avantage de laisser ignorée une petite taille qui le fait paraître si engoncé sur les photographies. La tête est entre les mains, dans l’attitude qui était la sienne lors de l’action de grâce. […] Le socle est orné d’un bas-relief, en marbre blanc, rappelant l’ouverture des portes des églises en 1907, sans doute le fait le plus saillant et le plus consensuel de ce long épiscopat ». C’est à son ami Henri Nodet*, architecte et inspecteur général des Monuments historiques, à qui il avait confié en 1912 la construction du nouveau palais épiscopal1, que l’on doit le dessin du mausolée du Cardinal de Cabrières, composé d’un retable et d’un tombeau surmonté de la statue du cardinal. L’inscription gravée rappelle les dates clés de Mgr de Cabrières : 56 sa naissance (30 août 1830), sa préconisation comme évêque (16 janvier 1874), son élévation au rang de cardinal (27 novembre 1911) et sa mort (21 décembre 1921). Il a été réalisé en marbre blanc, bleu turquin, et incarnat de Saint-Pons par le sculpteur biterrois Jean-Marie Magrou (1869-1945). Elève du sculpteur biterrois Jean-Antoine Injalbert (1845-1933) à Paris, où il est admis à l’Ecole des Beaux-Arts en 1891, avant d’être lauréat du prix de Rome en 1897, Magrou est spécialiste de la sculpture funéraire : il réalise une quarantaine de monuments aux morts du département de l’Hérault. [HP] 1. Voir le texte « quartier épiscopal », p. 12-13. La cathédrale de Montpellier La cathédrale de Montpellier 57 Les grandes orgues 15 2 Après le rétablissement du culte, il apparut nécessaire d’en faire le relevage qui fut confié en 1807 à Dominique Cavaillé, qui vint s’installer à Montpellier et où naquit son fils Aristide Cavaillé-Coll en 1811. Des travaux furent exécutés par Daublaine-Callinet, Zeiger et Moitessier et en 1846 les Cavaillé-Coll présentèrent un projet qui fut approuvé par l’évêque et transmis par le préfet de l’époque au Ministère des Cultes, où il se perdit. En 1849, un membre de la Commission des arts et édifices religieux du Ministère de l’Instruction publique et des cultes vint à Montpellier pour tenter de sauver l’orgue de l’Epine et proposa un plan modeste et peu coûteux qui, malgré ce, subit le même sort. L’assemblée capitulaire de la cathédrale de Montpellier, réunie le 1er juillet 1776 par Mgr de Malide, décida d’y construire un orgue neuf et confia le projet à Jean François L’Epine, né à Toulouse en 1732 et installé à Pézenas comme facteur d’orgue. Il travaillait alors avec Dom Bédos, un moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, qui publia à cette époque un ouvrage qui fit date : « L’Art du facteur d’orgues ». Ensemble ils établirent un plan et proposèrent un devis qui fut accepté, mais comme bien souvent dépassé au cours de l’exécution des travaux. L’orgue fut réceptionné le 20 décembre 1778 à la satisfaction générale et l’Epine en assura l’entretien jusqu’en 1790, période révolutionnaire qui fit de la cathédrale un bien national, bientôt transformé en entrepôt. Un arrêté du comité des finances de la Convention ordonne alors la mise en vente de l’orgue, qui heureusement est suspendue. 58 En 1878, une restauration apparut nécessaire d’autant que la cathédrale avait subi des travaux d’agrandissement avec en particulier la construction d’un chœur néo-gothique, qui en modifiait l’acoustique. Le comte d’Espous accepta de financer des travaux sur l’orgue, qui furent confiés à Joseph Merklin de Lyon qui critiqua vivement le travail de l’Epine. Celui-ci suggéra des transformations importantes difficilement acceptées et entraînant même l’utilisation d’un comité de surveillance violemment refusé par Merklin. La diplomatie du Père Michel, recteur du collège catholique sollicité par Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier, permit de trouver un accord avec Merklin qui put installer dans un buffet élargi : 15 jeux au grand orgue, 11 au positif, 14 au récit et 10 à la pédale. L’orgue fut inauguré le 7 janvier 1880. La réfection de la toiture de la cathédrale en 1943 rendit l’orgue muet pendant un an et une restauration s’imposa, initiée par le chanoine Raffit, archiprêtre, et Joseph Roucairol, organiste du petit séminaire et entreprise avec de faibles moyens par Maurice Puget de Toulouse. C’est alors que se situe l’action Regards sur la cathédrale de Montpellier efficace et prolongée de Mgr Joseph Roucairol, qui en 1983 devint à la fois organiste de grand talent, maître de chapelle et archiprêtre de la cathédrale, ce qui lui permit de mener à bien une œuvre immense, soutenue par l’Association des amis de l’orgue et des chœurs de la cathédrale qu’il créa en 1958. Il fait électrifier les claviers par la maison Troseille de Cahors et confie à Edmond Costa facteur d’orgue à Lodève des améliorations importantes : mise en place d’un quatrième clavier, multiplication des accouplements et des combinaisons ajustables, commande par vingt boutons pour appeler les anches et les mixtures. Le bicentenaire de l’orgue en 1978 est l’occasion de rétablir le positif réel ce qui est fait par la maison Kern. L’orgue dispose alors de 16 jeux au grand orgue, 17 au positif réel, 12 au positif intérieur, 15 au récit et 13 à la pédale. Roland Galtier, les travaux ont été confiés à Jacques Nonnet, facteur d’orgue gérant des orgues Giroud à Bernin. Le résultat d’une très grande qualité technique a pu être apprécié depuis l’inauguration officielle du jeudi 16 mai 2013. C’est une véritable renaissance de l’orgue initial de l’Epine qui trouve ainsi une nouvelle jeunesse avec des poumons neufs, un système de commande électronique et informatique de dernière génération. Pierre Rabischong Président de l’Association des amis de l’orgue Othar Chedlivili Organiste titulaire, Secrétaire de l’Association 1. Buffet : classé MH 03/02/1975 ; partie instrumentale : classée MH le 02/10/1990. En 1981, La Manufacture languedocienne des grandes orgues de Lodève dirigée par Georges Danion installe un combinateur permettant de préparer et d’enregistrer 256 sonorités différentes en 16 séries de 16 combinaisons. Il faut mentionner le travail remarquable d’Henri Vidal, professeur à la faculté de Droit et président de l’Association des amis de l’orgue de 1979 à 2009, qui apporta son précieux soutien à Mgr Roucairol. Il permit en 1990 le classement de la partie instumentale de l’orgue au titre des Monuments historiques1 et la dorure des sculptures du buffet, que malheureusement Mgr Roucairol qui la souhaitait vivement, mort le 1er Février 1992, ne put voir accomplie. La dernière période de cette longue histoire de l’orgue de la cathédrale commence en mai 2011 avec le début des travaux de restauration financés par la direction régionale des affaires culturelles (drac) grâce à l’action conjuguée de Michel Plagniol, archiprêtre de la cathédrale, d’Othar Chedlivili, organiste titulaire et de l’Association. Après le plan conseillé par Regards sur la cathédrale de Montpellier 59 Vue de la cathédrale Saint-Pierre. Sépia, Jean-Marie Amelin*, (1785-1858), 1834, retouché en 1848. 60 61 Illustres visiteurs de cathédrales Johann Wolfgang von Gœthe (1749-1832) Architecture allemande, 1772 Monument à forte puissance symbolique, miroir philosophique, la cathédrale a inspiré de nombreux poètes, écrivains et artistes, de Gœthe, Stendhal et Baudelaire à Rodin et Proust. Tous célèbrent la cathédrale gothique, contribuant à créer au xixe siècle le mythe romantique de la cathédrale et à forger la cathédrale idéale, majestueuse, émouvante. En annexe à ce guide de visite de la cathédrale de Montpellier, sollicitant l’imaginaire de chacun, est réuni ici un florilège d’une quinzaine de témoignages des plus illustres visiteurs de cathédrales, révélant leur émotion esthétique et la diversité de leur regard. La définition de la cathédrale par Violletle-Duc est proposée en guise d’introduction à cette anthologie de deux siècles en cathédrales. Le mythe de la cathédrale gothique a pris forme en Allemagne, puis en France. En novembre 1772, Gœthe fait paraître à Francfort un essai Architecture allemande ; il s’agit de l’un des textes les plus célèbres du mouvement littéraire connu sous le nom de Sturm und Drang. Par architecture allemande, Gœthe désigne l’architecture gothique qu’il célèbre à travers cet hymne à la gloire de la cathédrale de Strasbourg. Eugène, Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) François-René de Chateaubriand (1768- 1848) Dictionnaire raisonné de l’architecture française, 1856-1867 vol. 2 « cathédrale », vol. 8, « Restauration » Le Génie du christianisme, ou Beautés de la religion chrétienne, 1802 IIIe partie, livre I, chapitre 8 « Des églises gothiques » Architecte et théoricien, Viollet-le-Duc est surtout connu pour ses restaurations monumentales. Sa pensée novatrice ne saurait se résumer à l’adage désormais célèbre et fort discuté : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné ». Au même moment, le Concordat était promulgué et le Génie du christianisme publié. Napoléon, en autorisant la liberté des cultes et la liberté de la pensée philosophique, et Chateaubriand, en signant par son roman le renouveau du catholicisme français, étaient l’un et l’autre, en quelque sorte, novateurs. Dans Le Génie du christianisme, qui fit la gloire de son auteur, Chateaubriand glorifie l’art gothique et participe à la construction du mythe romantique de la cathédrale. Cathédrale s’entend comme église dans laquelle est placé le trône de l’évêque du diocèse. Dans les églises primitives, le trône de l’évêque (cathedra) était placé au fond de l’abside, dans l’axe, comme le siège du juge de la basilique antique, et l’autel s’élevait en avant de la tribune, ordinairement sur le tombeau d’un martyr. L’évêque, entouré de son clergé, se trouvait ainsi derrière l’autel isolé et dépourvu de retable; il voyait donc l’officiant en face. Cette disposition primitive explique pourquoi, jusque vers le milieu du dernier siècle, dans certaines cathédrales, le maître autel n’était qu’une simple table sans gradins, tabernacles ni retables. La cathédrale du monde chrétien, Saint-Pierre de Rome, conserve encore le siège du prince des apôtres enfermé dans une chaire de bronze, au fond de l’abside. C’était dans les églises cathédrales, dans ce lieu réservé à la cathedra, que les évêques faisaient les ordinations. Lorsque ceux-ci étaient invités par l’abbé d’un monastère, on plaçait une cathedra au fond du sanctuaire. Ce jour-là, l’église abbatiale était cathédrale. Le siège épiscopal était et est encore le signe, le symbole de la juridiction des évêques. La juridiction épiscopale est donc le véritable lien qui unit la basilique antique à l’église chrétienne. La cathédrale n’est pas seulement une église appropriée au service divin, elle conserve, et conservait bien plus encore pendant les premiers siècles du christianisme, le caractère d’un tribunal sacré; et comme alors la constitution civile n’était pas parfaitement distincte de la constitution religieuse, il en résulte que les cathédrales sont restées longtemps, et jusqu’au xive siècle, des édifices à la fois religieux et civils. On ne s’y réunissait pas seulement pour assister aux offices divins, on y tenait des assemblées qui avaient un caractère purement politique ; il va sans dire que la religion intervenait presque toujours dans ces grandes réunions civiles ou militaires. Que de fois je suis revenu pour contempler la cathédrale de tous les côtés, à toutes les distances, dans chaque lumière du jour, sa majesté et sa grandeur ! …. Avec quelle fraîcheur, elle brillait en face de moi dans les vapeurs lumineuses du matin, avec quelle joie je pouvais lui tendre les bras, regarder les grandes masses harmonieuses animées en d’innombrables parties, de même que, dans les œuvres de la nature éternelle, jusqu’à la moindre petite fibre, tout est forme et tout vise à l’ensemble ; comme l’édifice aux fondations solides, immenses, s’élevait avec légèreté dans les airs, comme tout était ajouré et cependant là pour l’éternité... On aura beau bâtir des temples grecs bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peuple de saint Louis et lui faire adorer un Dieu métaphysique, il regrettera toujours ces Notre-Dame de Reims et de Paris, ces basiliques toutes moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères ; […] c’est qu’un monument n’est vénérable qu’autant qu’une longue histoire du passé est pour ainsi dire empreinte sous ses voûtes toutes noires de siècles. […]On ne pouvait entrer dans une église gothique sans éprouver une sorte de frissonnement et un sentiment vague de la Divinité. On se trouvait tout à coup reporté à ces temps où les cénobites, après avoir médité dans les bois de leurs monastères, se venaient prosterner à l’autel et chanter les louanges du Seigneur dans le calme et le silence de la nuit. L’ancienne France semblait revivre : on croyait voir ces costumes singuliers, ce peuple si différent de ce qu’il est aujourd’hui ; on se rappelait et les révolutions de ce peuple, et ses travaux et ses arts. Plus ces temps étaient éloignés de nous, plus ils nous paraissaient magiques, plus ils nous remplissaient de ces pensées qui finissent toujours par une réflexion sur le néant de l’homme et la rapidité de la vie. L’ordre gothique, au milieu de ses proportions barbares, a toutefois une beauté qui lui est particulière. Les forêts ont été les premiers temples de la divinité, et les hommes ont pris dans les forêts la première idée de l’architecture. Cet art a donc dû varier selon les climats. Les Grecs ont tourné l’élégante colonne corinthienne, avec son chapiteau de feuilles sur le modèle du palmier. Les énormes piliers du vieux style égyptien représentent le vaste sycomore, le figuier oriental, le bananier, et la plupart des arbres gigantesques de l’Afrique et de l’Asie. Les forêts des Gaules ont passé à leur tour dans les temples de nos pères, et ces fameux bois de chênes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. Ces voûtes ciselées en feuillages, ces jambages qui appuient les murs, et finissent brusquement comme des troncs brisés, la fraîcheur des voûtes, les ténèbres du sanctuaire, les ailes obscures, les chapelles comme des grottes, les passages secrets, les portes abaissées, tout retrace les labyrinthes des bois dans l’église gothique ; tout en fait sentir la religieuse horreur, les mystères et la divinité. 62 Regards sur la cathédrale de Montpellier Regards sur la cathédrale de Montpellier 63 xxx Théophile Gautier (1811-1872) Recueil Premières poésies : « La Basilique », 1830 Ce poème est une méditation romantique sur les ruines religieuses et la cathédrale gothique, un voyage intérieur qui prend la forme d’un petit chef d’œuvre. Il est une basilique Aux murs moussus et noircis, Du vieux temps noble relique, Où l’âme mélancolique Flotte en pensers indécis. Sur l’autel, riche merveille, Ainsi qu’une étoile d’or, Reluit la lampe qui veille, La lampe qui ne s’éveille Qu’au moment où tout s’endort. Des losanges de plomb ceignent Les vitraux coloriés, Où les feux du soleil teignent Les reflets errants qui baignent Les plafonds armoriés. Que la prière est fervente Sous ces voûtes, lorsqu’en feu Le ciel éclate, qu’il vente, Et qu’en proie à l’épouvante, Dans chaque éclair on voit Dieu ; Cent colonnes découpées Par de bizarres ciseaux, Comme des faisceaux d’épées Au long de la nef groupées, Portent les sveltes arceaux. Ou qu’à l’autel de Marie, À genoux sur le pavé, Pour une vierge chérie Qu’un mal cruel a flétrie, En pleurant l’on dit : Ave ! La fantastique arabesque Courbe ses légers dessins Autour du trèfle moresque, De l’arcade gigantesque Et de la niche des saints. Mais chaque jour qui s’écoule Ebranle ce vieux vaisseau ; Déjà plus d’un mur s’écroule, Et plus d’une pierre roule, Large fragment d’un arceau. Dans leurs armes féodales, Vidames et chevaliers Sont là, couchés sur les dalles Des chapelles sépulcrales, Ou debout près des piliers. Dans la grande tour, la cloche Craint de sonner l’Angelus. Partout le lierre s’accroche, Hélas ! et le jour approche Où je ne vous dirai plus : Des escaliers en dentelles Montent avec cent détours Aux voûtes hautes et frêles, Mais fortes comme les ailes Des aigles ou des vautours. II est une basilique Aux murs moussus et noircis, Du vieux temps noble relique, Où l’âme mélancolique Flotte en pensers indécis. Victor Hugo (1802-1885) Notre Dame de Paris, 1831 Livre troisième, I – Notre-Dame – « La cathédrale c’est l’art total, prodige du gigantesque et du délicat ». Tout en définissant la cathédrale comme le monument par excellence du génie français, Victor Hugo dénonce les dégradations et le mauvais état des monuments. Sans doute c’est encore aujourd’hui un majestueux et sublime édifice que l’église de Notre-Dame de Paris. Mais, si belle qu’elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, sans respect pour Charlemagne qui en avait posé la première pierre, pour Philippe-Auguste qui en avait posé la dernière. Sur la face de cette vieille reine de nos cathédrales, à côté d’une ride on trouve toujours une cicatrice. Tempus edax, homo edacior. Ce que je traduirais volontiers ainsi : le temps est aveugle, l’homme est stupide. Si nous avions le loisir d’examiner une à une avec le lecteur les diverses traces de destruction imprimées à l’antique église, la part du temps serait la moindre, la pire celle des hommes, surtout des hommes de l’art. Il faut bien que je dise des hommes de l’art, puisqu’il y a eu des individus qui ont pris la qualité d’architectes dans les deux siècles derniers. […] 64 Regards sur la cathédrale de Montpellier C’est ainsi que l’art merveilleux du moyen âge a été traité presque en tout pays, surtout en France. On peut distinguer sur sa ruine trois sortes de lésions qui toutes trois l’entament à différentes profondeurs : le temps d’abord, qui a insensiblement ébréché çà et là et rouillé partout sa surface ; ensuite, les révolutions politiques et religieuses, lesquelles, aveugles et colères de leur nature, se sont ruées en tumulte sur lui, ont déchiré son riche habillement de sculptures et de ciselures, crevé ses rosaces, brisé ses colliers d’arabesques et de figurines, arraché ses statues, tantôt pour leur mitre, tantôt pour leur couronne ; enfin, les modes, de plus en plus grotesques et sottes, qui depuis les anarchiques et splendides déviations de la renaissance, se sont succédé dans la décadence nécessaire de l’architecture. Les modes ont fait plus de mal que les révolutions. […] Aux siècles, aux révolutions qui dévastent du moins avec impartialité et grandeur, est venue s’adjoindre la nuée des architectes d’école, patentés, jurés et assermentés, dégradant avec le discernement et le choix du mauvais goût, substituant les chicorées de Louis XV aux dentelles gothiques pour la plus grande gloire du Parthénon. C’est le coup de pied de l’âne au lion mourant. C’est le vieux chêne qui se couronne, et qui, pour comble, est piqué, mordu, déchiqueté par les chenilles. Qu’il y a loin de là à l’époque où Robert Cenalis, comparant Notre-Dame de Paris à ce fameux temple de Diane à Ephèse, tant réclamé par les anciens païens, qui a immortalisé Erostrate, trouvait la cathédrale gauloise «plus excellente en longueur, largeur, hauteur et structure». Notre-Dame de Paris n’est point du reste ce qu’on peut appeler un monument complet, défini, classé. Ce n’est plus une église romane, ce n’est pas encore une église gothique. Cet édifice n’est pas un type. Notre-Dame de Paris n’a point, comme l’abbaye de Tournus, la grave et massive carrure, la ronde et large voûte, la nudité glaciale, la majestueuse simplicité des édifices qui ont le plein cintre pour générateur. Elle n’est pas, comme la cathédrale de Bourges, le produit magnifique, léger, multiforme, touffu, hérissé, efflorescent de l’ogive. […] Stendhal (1783-1842) Mémoires d’un touriste, 1838 Cathédrale de Bourges, 1837 Signant pour la première fois du pseudonyme de Stendhal son essai Rome, Naples et Florence (1817), avant de publier en 1830 son premier chef d’œuvre Le Rouge et le Noir, l’auteur, connu pour son hostilité affirmée envers la religion et la monarchie, s’engage dans l’armée de Napoléon, avant de connaître une brillante carrière sous l’Empire ; il devient en 1810, inspecteur du mobilier et des bâtiments de la Couronne. Il était presque nuit ; je me suis hâté d’entrer dans l’église de peur qu’on ne la fermât ; en effet, comme j’entrais, on allumait deux ou trois petites lampes dans ce vide immense. Je l’avoue, j’ai éprouvé une sensation singulière : j’étais chrétien, je pensais comme saint Jérôme que je lisais hier. Pendant une heure, mon âme n’a plus senti tout ce qui la martyrisait à coups d’épingle depuis mon arrivée à Bourges. J’éprouve l’impossibilité complète de donner une idée de cette église, que pourtant je n’oublierai jamais. Elle n’a qu’une tour, elle a la forme d’une carte à jouer, elle est divisée en cinq nefs par quatre rangées d’énormes piliers figurant des faisceaux de colonnes grêles et excessivement allongées. Commencée vers 845, elle est pourtant gothique. Les deux magnifiques portails au nord et au midi, dont je ne puis me lasser d’admirer l’architecture, me semblent d’une époque antérieure. Remarquez la porte en bois vers le midi, couverte d’R majuscules. […] Tout ce que je puis dire de l’intérieur de cette vaste cathédrale, c’est qu’elle remplit parfaitement son objet. Le voyageur qui erre entre ses immenses piliers est saisi de respect : il sent le néant de l’homme en présence de la divinité. S’il n’y avait pas l’hypocrisie qui révolte, et la fin politique cachée sous la parole pieuse, ce sentiment durerait plusieurs jours. [...] Saint-Etienne, c’est le nom de cette cathédrale, l’une des plus belles de France, fut commencée en 845, à l’époque de cette lueur de prospérité que les arts durent à Charlemagne; elle n’a été terminée qu’après plusieurs siècles. Le portail de l’église, auquel on arrive par un perron de douze marches, cent soixante-neuf pieds de largeur. Le bas-relief au-dessus de la porte principale représente le Jugement dernier. Pendant les guerres de Religion du xvie siècle, les protestants cassèrent la tête à la plupart des saints de la façade. Regards sur la cathédrale de Montpellier 65 Paul Verlaine (1844-1896) Recueil Sagesse : Non. Il fut gallican, ce siècle, et janséniste !, 1888 Dans Sagesse, Verlaine revient sur son parcours douloureux et montre sa transformation mystique ; il retrouve la foi catholique sans faire disparaître cependant son mal de vivre. Non. Il fut gallican, ce siècle, et janséniste ! C’est vers le Moyen Age énorme et délicat Qu’il faudrait que mon cœur en panne naviguât, Loin de nos jours d’esprit charnel et de chair triste. Roi politicien, moine, artisan, chimiste, Architecte, soldat, médecin, avocat, Quel temps ! Oui, que mon cœur naufragé rembarquât Pour toute cette force ardente, souple, artiste ! Et là que j’eusse part - quelconque, chez les rois Ou bien ailleurs, n’importe, à la chose vitale, Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits, Haute théologie et solide morale, Guidé par la folie unique de la Croix Sur tes ailes de pierre, ô folle Cathédrale ! Charles Baudelaire (1821-1867) Recueil Les fleurs du mal, 79e poème de la première section « Spleen et Idéal» : Obsession, 1857 Admiratif de Théophile Gautier, Baudelaire livre ici une image de sa sensibilité irrationnelle, nouveaux frissons mêlant tristesse, mélancolie, révolte et mort. Grands bois, vous m’effrayez comme des cathédrales ; Vous hurlez comme l’orgue ; et dans nos cœurs maudits, Chambres d’éternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis […] Ernest Renan (1823-1892) Souvenirs d’enfance et de jeunesse,1883 Ernest Renan, érudit, intellectuel connu pour ses textes célèbres comme L’Avenir de la science (1848), Prière sur l’Acropole (1865) et surtout pour son Histoire des origines du christianisme, 7 volumes publiés de 1863 à 1881, qui déclenchèrent des débats passionnés et la colère de l’Eglise catholique. Il jette un regard critique sur ses jeunes années, avec un texte autobiographique, Souvenirs d’enfance et de jeunesse (1883). Cette cathédrale [Tréguier], chef-d’œuvre de légèreté, fol essai pour réaliser en granit un idéal impossible, me faussa tout d’abord. Les longues heures que j’y passais ont été la cause de ma complète incapacité pratique. Ce paradoxe architectural a fait de moi un homme chimérique, disciple de saint Tudwal, de saint Iltud et de saint Cadoc, dans un siècle où l’enseignement de ces saints n’a plus aucune application. Quand j’allais à Guingamp, ville plus laïque, et où j’avais des parents dans la classe moyenne, j’éprouvais de l’ennui et de l’embarras. Là, je ne me plaisais qu’avec une pauvre servante, à qui je lisais des contes. J’aspirais à revenir à ma vieille ville sombre, écrasée par sa cathédrale, mais où l’on sentait vivre une forte protestation contre tout ce qui est plat et banal. Je me retrouvais moi-même, quand j’avais revu mon haut clocher, la nef aiguë, le cloître et les tombes du xve siècle qui y sont couchées ; je n’étais à l’aise que dans la compagnie des morts, près de ces chevaliers, de ces nobles dames, dormant d’un sommeil calme, avec leur levrette à leurs pieds et un grand flambeau de pierre à la main. Les environs de la ville présentaient le même caractère religieux et idéal. On y nageait en plein rêve, dans une atmosphère aussi mythologique au moins que celle de Bénarès ou de Jagatnata. 66 Regards sur la cathédrale de Montpellier Emile Zola (1840-1902) Le rêve, 1888 les Rougon-Macquart, tome 16, chapitre II Zola est l’un des romanciers français les plus populaires, autant par sa fresque romanesque en vingt volumes, les Rougon-Macquart qui dépeignent la société française du Second Empire, que par son engagement dans l’affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L’Aurore, de l’article intitulé « J’accuse ». La cathédrale explique tout, a tout enfanté et conserve tout. Elle est la mère, la reine, énorme au milieu du petit tas des maisons basses, pareilles à une couvée abritée frileusement sous ses ailes de pierre. On n’y habite que pour elle et par elle ; les industries ne travaillent, les boutiques ne vendent que pour la nourrir, la vêtir, l’entretenir, elle et son clergé ; et, si l’on rencontre quelques bourgeois, c’est qu’ils y sont les derniers fidèles des foules disparues. Elle bat au centre, chaque rue est une de ses veines, la ville n’a d’autre souffle que le sien. De là, cette âme d’un autre âge, cet engourdissement religieux dans le passé, cette cité cloîtrée qui l’entoure, odorante d’un vieux parfum de paix et de foi. […] Mais la cathédrale, à sa droite, la masse énorme qui bouchait le ciel, la surprenait plus encore. Chaque matin, elle s’imaginait la voir pour la première fois, émue de sa découverte, comprenant que ces vieilles pierres aimaient et pensaient comme elle. Cela n’était point raisonné, elle n’avait aucune science, elle s’abandonnait à l’envolée mystique de la géante, dont l’enfantement avait duré trois siècles et où se superposaient les croyances des générations. En bas, elle était agenouillée, écrasée par la prière, avec les chapelles romanes du pourtour, aux fenêtres à plein cintre, nues, ornées seulement de minces colonnettes, sous les archivoltes. Puis, elle se sentait soulevée, la face et les mains au ciel, avec les fenêtres ogivales de la nef, construites quatre-vingts ans plus tard, de hautes fenêtres légères, divisées par des meneaux qui portaient des arcs brisés et des roses. Puis, elle quittait le sol, ravie, toute droite, avec les contreforts et les arcs-boutants du chœur, repris et ornementés deux siècles après, en plein flamboiement du gothique, chargés de clochetons, d’aiguilles et de pinacles : des gargouilles, au pied des arcs-boutants, déversaient les eaux des toitures. On avait ajouté une balustrade garnie de trèfles, bordant la terrasse, sur les chapelles absidales. Le comble, également, était orné de fleurons. Et tout l’édifice fleurissait, à mesure qu’il se rapprochait du ciel, dans un élancement continu, délivré de l’antique terreur sacerdotale, allant se perdre au sein d’un Dieu de pardon et d’amour. Elle en avait la sensation physique, elle en était allégée et heureuse, comme d’un cantique qu’elle aurait chanté, très pur, très fin, se perdant très haut. D’ailleurs, la cathédrale vivait. Des hirondelles, par centaines, avaient maçonné leurs nids sous les ceintures de trèfles, jusque dans les creux des clochetons et des pinacles ; et, continuellement, leurs vols effleuraient les arcs-boutants et les contreforts, qu’ils peuplaient. Regards sur la cathédrale de Montpellier 67 Joris-Karl Huysmans (1848-1907) La cathédrale. Paris, 1898 Cathédrale de Chartres, p.35-38 La cathédrale de Huysmans, Bible de pierre, selon le terme de Ruskin pour la cathédrale d’Amiens, est aussi celle de Viollet-le-Duc et s’oppose au monument populaire et fédérateur décrit par Hugo ou Michelet (1798-1874), selon qui la cathédrale était la maison du peuple, un lieu d’enseignement et de prière, de délibérations, de réunions civiles et un lieu même de fêtes populaires. La forêt tiède avait disparu avec la nuit ; les troncs d’arbres subsistaient mais jaillissaient, vertigineux, du sol, s’élançaient d’un seul trait dans le ciel, se rejoignant à des hauteurs démesurées, sous la voûte des nefs ; la forêt était devenue une immense basilique, fleurie de roses en feu, trouées de verrières en ignition, foisonnant de Vierges et d’Apôtres, de Patriarches et de Saints. Le génie du Moyen Age avait combiné l’adroit et le pieux éclairage de cette église, réglé, en quelque sorte, la marche ascendante de l’aube, dans ses vitres. Très sombre au parvis et dans les avenues de la nef, la lumière fluait mystérieuse et sans cesse atténuée le long de ce parcours. Elle s’éteignait dans les vitraux, arrêtée par d’obscurs évêques, par d’illucides Saints qui remplissaient en entier les fenêtres aux bordures enfumées, aux teintes sourdes des tapis persans ; tous ces carreaux absorbaient les lueurs du soleil, sans les réfracter, détenaient l’or en poudre des rayons dans leur violet noir d’aubergine, dans leur brun d’amadou et de tan, dans leur vert trop chargé de bleu, dans leur rouge de vin, mêlé de suie, pareil au jus épais des mûres. Puis arrivé au chœur, le jour filtrait dans les couleurs moins pesantes et plus vives, dans l’azur des clairs saphirs, dans des rubis pâles, dans des jaunes légers, dans des blancs de sel.[…] Et au-dessus de la ville indifférente, la cathédrale seule veillait, demandait grâce, pour l’indésir de souffrances, pour l’inertie de la foi que révélaient maintenant ses fils, en tendant au ciel ses deux tours ainsi que deux bras, simulant avec la force de ses clochers les deux mains jointes, les dix doigts appliqués, debout, les uns contre les autres, en ce geste que les imagiers d’antan donnèrent aux saints et aux guerriers morts sculptés sur des tombeaux . Rodin (1840-1917) Les cathédrales de France, 1914 (introduction de l’écrivain Charles Morice (1861-1919) pp. 178 ; 214 ; 217 ; 250 ; 295 Dès 1910, l’écrivain Charles Morice commence par rassembler les notes que Rodin a prises sur les cathédrales de France, au cours des nombreux voyages à travers la France. Familier de l’artiste, il rédige une longue préface, mais réécrit sans doute des passages de Rodin, qui supporte difficilement ces interventions si l’on en croit la réponse de l’écrivain : « N’est-ce pas précisément pour mettre votre pensée sous une forme convenable que vous avez jugé ma collaboration utile ? ». (musée Rodin). Devant la cathédrale de Nevers Devant la cathédrale de Reims J’étais seul devant le colosse… minutes d’anéantissement, et, tout à la fois, de vie extraordinaire ! Apothéose sublime ! terreur sacrée. La cathédrale est une agrafe qui réunit tout ; c’est le nœud, le pacte de la civilisation. Marcel Proust (1871-1922) Recueil Pastiches et Mélanges, publié en 1919 par Gaston Gallimard Une section de Mélanges est consacrée à l’architecture gothique en mémoire des « églises assassinées » et évoque Ruskin et la cathédrale d’Amiens : « Journées de pèlerinages ». Une seconde section est dédiée à « La mort des cathédrales » où Proust s’opposait en 1904 à l’un des articles de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat. Le porche d’Amiens n’est pas seulement, dans le sens vague où l’aurait pris Victor Hugo, un livre de pierre, une Bible de pierre : c’est « la Bible » en pierre. Sans doute, avant de le savoir, quand vous voyez pour la première fois la façade occidentale d’Amiens, bleue dans le brouillard, éblouissante au matin, ayant absorbé le soleil et grassement dorée l’après-midi, rose et déjà fraîchement nocturne au couchant, à n’importe laquelle de ces heures que ses cloches sonnent dans le ciel, et que Claude Monet a fixées dans des toiles sublimes où se découvre la vie de cette chose que les hommes ont faite, mais que la nature a reprise en l’immergeant en elle, une cathédrale, et dont la vie comme celle de la terre en sa double révolution se déroule dans les siècles, et d’autre part se renouvelle et s’achève chaque jour, – alors, la dégageant des changeantes couleurs dont la nature l’enveloppe, vous ressentez devant cette façade une impression confuse mais forte. En voyant monter vers le ciel ce fourmillement monumental et dentelé de personnages de grandeur humaine dans leur stature de pierre tenant à la main leur croix, leur phylactère ou leur sceptre, ce monde de saints, ces générations de prophètes, cette suite d’apôtres, ce peuple de rois, ce défilé de pécheurs, cette assemblée de juges, cette envolée d’anges, les uns à côté des autres, les uns au-dessus des autres, debout près de la porte, regardant la ville du haut des niches ou au bord des galeries, plus haut encore, ne recevant plus que vagues et éblouis les regards des hommes au pied des tours et dans l’effluve des cloches, sans doute à la chaleur de votre émotion vous sentez que c’est une grande chose que cette ascension géante, immobile et passionnée. Mais une cathédrale n’est pas seulement une beauté à sentir. Si même ce n’est plus pour vous un enseignement à suivre, c’est du moins encore un livre à comprendre. Le portail d’une cathédrale gothique, et plus particulièrement d’Amiens, la cathédrale gothique par excellence, c’est la Bible . Devant les cathédrales je me sens soulevé, transporté par le sentiment de la Justice. Justesse plastique, image et correspondance de la justice morale. Je pousse la porte : quelle ordonnance, la pensée de la perfection s’impose à mon esprit. Quelles assisses éternelles ! Et cette vertu de l’architecture, cette épaisseur que j’aime tant, qui manque à notre époque ! Solidité, profondeur qui survit aux siècles ! Je respire cette force avec passion. C’est l’épaisseur du temple de Paestum, trapu dans le paysage comme le taureau dans la plaine, ou comme une phalange grecque ; c’est l’épaisseur antique. Dans le gothique, elle s’étire et s’élance. L’esprit qui créa le Parthénon est le même esprit qui créa la cathédrale. Devant la cathédrale d’Amiens C’est une femme adorable, cette cathédrale, c’est une Vierge. Quelle joie, quel repos pour l’artiste, de la retrouver si belle ! Chaque fois plus belle ! Entre elle et lui, quel intime accord ! Point de confusion vaine, ici, point d’exagération, ni d’enflure. C’est l’empire absolu de l’élégance suprême. 68 Regards sur la cathédrale de Montpellier Regards sur la cathédrale de Montpellier 69 Paul Fort (1872-1960) Ballades Françaises – Poèmes de France -Tome XIX - La Cathédrale de Reims, 1914-1915 Paul Fort est né au pied de la cathédrale de Reims, rue du Clou dans le Fer. Poète et dramaturge français très populaire pour être l’auteur de poèmes appris dans les écoles, il évoque son enfance passée près de cette « française forêt de pierre ». Elle naquit pour moi, devinée par mes yeux, un matin de printemps au cri des hirondelles. Mes menottes ont cru la prendre au bleu des cieux ! Renaissant chaque aurore elle m’était fidèle, tout habitée de saints, de rois et de héros, et d’anges à mi-vol, comme un arbre d’oiseaux. Grand jouet de mon âme, ô française forêt de pierres, et vos tours, mes immenses hochets, vous êtes demeurés le seul Jeu de mon âme, avec les trois hauts porches, en triangle de flamme, et dessus eux la Rose où l’on voit voltiger des pigeons becquetant les reflets passagers. [ …] O Basilique, après t’avoir songée, mes songes longtemps ne furent plus obsédés que de toi, et tes anges, tes saints, tes apôtres, nos rois, et ces deux grandes tours que l’aurore prolonge, tes vitraux qui font des miracles prismatiques, envahissaient mes nuits d’enfance, ô Basilique ! Ta forêt tend sur moi ses bouquets de figures, et comme de gros troncs étreints par des lianes, arcs-boutants, chapiteaux d’infernale nature, fûts et gables suscitent le grouillement des diables persuasifs et souples […]. Aux sons des cloches du dimanche et de mon rêve, la porte de Marie, le grand Portail s’élève et ses parois d’ogive où le Ciel échelonne dix légions ailées, mitrées et couronnées (semblant jolie tonnelle aux fleurs échelonnées) supportent Notre-Dame et Dieu qui la couronne. Se levant de leur dais plein de petits clochers, ainsi qu’à l’horizon se lève un doux soleil champenois et brumeux, la Rose au cœur vermeil, tremblante de lueurs, vient de se détacher, soudain monte en sa gloire et dans le jour s’élance jusques au ciel ? mais non, jusqu’où les Rois de France coude à coude s’assemblent, et regardent la France, là-haut, dessous les Tours, en auguste rangée. Voici le blanc troupeau de tous nos grands bergers qu’une gloire de feu soulève!... O flamme intense! tout se lève et s’élève, et c’est le tour des Tours qui se perdent au ciel en un geste d’amour. Charles-Edouard Jeanneret-Gris dit Le Corbusier (1887-1965) Roland Barthes (1915-1980) Vers l’architecture, Paris, 1924, p. 19 « La nouvelle Citroën », Mythologies, Œuvres complètes I, Ed. du Seuil, 1957 Le Corbusier, dont on connaît l’admiration pour Ruskin, et, à l’instar de Rodin, sa haine des restaurateurs de monuments, défend une esthétique contraire à celle des cathédrales. Mais la vision d’un des plus grands architectes et théoriciens du xxe siècle amplifie le mythe de la cathédrale et reflète sans nul doute les idées d’une époque : la construction du monument importe moins que son symbole, sa fonction au centre de la ville et en ce sens devient objet d’éloges dans Manière de penser l’urbanisme (1946). Roland Barthes, grand sémiologue français a concentré une grande partie de ses recherches autour de la notion de mythe, ancien ou moderne, développée dans Mythologies. L’architecture gothique n’est pas, dans son fondement, à base de sphères, cônes et cylindres. La nef seule exprime une forme simple, mais d’une géométrie complexe de second ordre (croisées ogives). C’est pour cela qu’une cathédrale n’est pas très belle et que nous y cherchons des compensations d’ordre subjectif, hors de la plastique. Une cathédrale nous intéresse comme l’ingénieuse solution d’un problème difficile, mais dont les données ont été mal posées parce qu’elles ne procèdent pas des grandes formes primaires. La cathédrale n’est pas une œuvre plastique ; c’est un drame : la lutte contre la pesanteur, sensation d’ordre sentimental. Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique […]. Michel Serres (1930) La Légende des Anges, 1993 « Confession ». L’Art décoratif d’aujourd’hui, Paris, 1925. Michel Serres, philosophe et homme de lettres, oppose art roman et art gothique, et dit sa préférence pour le premier. J’eus la ferveur de la « construction ». Je passais des après-midi entières sur Notre-Dame de Paris, muni du trousseau énorme des clefs du ministère des Beaux-Arts. Je connus les moindres recoins de la cathédrale jusqu’à l’extrémité des tours, des pinacles et des arcs-boutants. Ce fut pour moi l’épopée gothique. Mais les admirations que j’eusse volontiers vouées à la forme et à la poésie gothiques s’étaient repliées sur la structure. Aujourd’hui je suis frappé de saisissement devant la beauté première d’un plan de cathédrale, et de stupéfaction devant la pauvreté plastique première de l’œuvre elle-même. Le plan et la coupe gothique sont magnifiques, étincelants d’ingéniosité. Mais leur vérification n’est pas apportée par le contrôle des yeux. Etonnante apogée d’ingénieur, défaite plastique. Perçant, aigu, acéré, effilé, pointu, aiguisé, sacré, l’art gothique au flamboiement vertical. Paix horizontale, sainte, calme, tranquille, protectrice, du roman contemplatif. […] Debout, devant la cathédrale de Reims, sur le parvis… […] Horrible, elle se dresse devant toi, horrifiante et horrifiée, au sens où les poils se hérissent droits et drus sur la peau : cheveux punk, monstre accroupi, rasé sur ses arcs-boutants, gueule ridée triple et basse, œil immense, face surmontée d’un casque, insecte, batracien géant issu des forêts archaïques et d’une ère immémoriale, griffon difforme, elle donne la chair de poule parce que l’horreur diverge des aiguilles de pierre, crêtes, pics, flèches, dents, ardillons barbelés prêts à déchirer, mordre, trouer, déchiqueter… belle ? 70 Regards sur la cathédrale de Montpellier Regards sur la cathédrale de Montpellier 71 Bibliographie Cathédrale Saint-Pierre (Hérault). Etude historique et archéologique. 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Notes d’un voyage dans le Midi de la France . Paris, Librairie de Fournier, 1835. Mesuret (Robert). Le dessin toulousain de 1610 à 1730, Toulouse, 1953. 72 73 Notices biographiques Jean-Marie Amelin, dessinateur (1785-1858) Dessinateur et aquarelliste, contemporain de Bonaventure Laurens (18011890), Amelin est professeur de dessin à l’école régimentaire du Génie à Montpellier de 1816 à 1851. Il a parcouru pendant trente-cinq années, les communes de l’Hérault pour en croquer les vues les plus remarquables réunies en deux albums aux titres évocateurs : Guide du voyageur dans le département de l’Hérault, ou esquisse d’un tableau historique, pittoresque, statistique et commercial de ce département, 1827 et Tableau statistique et pittoresque du département de l’Hérault, 1843. Ces dessins d’après nature, plus de 2000 gouaches, dessins, aquarelles réalisées dans la 1ere moitié du xixe siècle, témoignent de son engouement pour les paysages historiques du département. Médiathèque centrale de Montpellier (Fonds Amelin). Auguste Baussan, sculpteur (Montpellier 1829-1907) Qualifié par Frédéric Fabrège de Michel-Ange montpelliérain, Baussan participe activement à la vie artistique locale de la seconde moitié du xixe siècle, avec Charles Paulin François Matet (1791-1870), Auguste-Barthélémy Glaize (1807-1893), Edouard Marsal (1845-1929), Michel Maximilien Leenhardt (1853-1941) et Frédéric Bazille (1841-1870). D’origine avignonnaise, il est formé par son père Joseph, lui-même sculpteur, et par le peintre Charles Matet à Montpellier. La renommée d’Auguste Baussan s’établit dès ses débuts, dans les années 1850, à l’église Notre-Dame des Tables et sur le chantier de la cathédrale SaintPierre. Elle ne cesse de grandir avec sa nomination, en 1871, comme professeur de sculpture de l’Ecole des BeauxArts de Montpellier. Au fil des commandes officielles, Auguste Baussan devient l’inévitable artiste auquel font appel les autorités montpelliéraines pour restaurer, reprendre ou améliorer le cadre urbain, souvent aux dépens du sculpteur biterrois Jean-Antoine Injalbert (1845-1933). Il réalise à Montpellier en 1868 la statue de la Vierge à l’Enfant et le Monument à la gloire du curé Martin, de l’église Saint-Denis, en 1894 la statue de saint Roch pour l’église Saint-Roch (classée MH le 20/04/2005) ainsi que plusieurs monuments commémoratifs, ceux des professeurs de médecine Dubrueil et Combal en 1894, de Jacques Matthieu Delpech en 1898 et de l’artiste Frédéric Bazille, au cimetière protestant. Jean-Joseph Bonaventure Laurens, dessinateur (Carpentras, 1801-1890) Bonaventure Laurens, « esprit universel », est un montpelliérain d’adoption aux multiples talents, secrétaire de la faculté de médecine, peintre, dessinateur, aquarelliste, archéologue, géologue, théoricien, musicien… Aîné de cinq enfants, il a aidé et soutenu la carrière de peintre de son jeune frère, Jules Laurens (1825-1901). Comme Jean-Marie Amelin (1785-1858), il s’inscrit dans ce courant d’érudits, appelés aussi antiquaires, soucieux de l’inventaire et de la conservation des monuments. Il illustra de ses lithographies la première étude historique sur Saint-Guilhem le désert parue en 1837 : « Histoire, antiquités et architectonique de l’abbaye» puis il participa aux Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France d’Isidore Taylor (17891879). Il est l’auteur de Essai sur la théorie du beau pittoresque et les applications de cette théorie aux arts du dessin. La Bibliothèque Inguimbertine et les musées de Carpentras conservent une grande quantité de ses dessins et aquarelles. pellier en 1649, Bourdon est sollicité par les notables de la ville pour participer à la création d’une Académie de peinture provinciale. Très vite abandonné, le projet échoue. Il sera repris trente ans plus tard par le maître toulousain Jean de Troy (1638-1691). Mais la véritable consécration de Bourdon se joue à son retour en 1657 avec la commande du tableau La chute de Simon le Magicien pour la cathédrale Saint-Pierre. D’autres toiles du maître représentatives de son génie, quel que soit le genre traité, sont également visibles au musée Fabre de Montpellier, dont le célèbre portrait L’homme aux rubans noirs. Giovanni Battista Carlone, peintre (Gênes 1603-1684 Gênes) Artiste ligure, Giovanni Battista Carlone gravite entre sa ville natale, Florence, Rome et Milan. Peintre de renom à Gênes, il participe à la décoration de la basilique de l’Annonciation avec son frère Giovanni dans les années 1630. Travaillant ensuite dans l’entourage du maître marseillais Pierre Puget (1620-1694) et du sculpteur Francesco Massetti (1619-1687), il répond à la commande de Jean Deydé à la fin des années 1670 et peint la Fuite en Egypte pour la cathédrale Saint-Pierre à Montpellier. Son œuvre se caractérise par des compositions riches, aux couleurs vives et brillantes. Sébastien Bourdon, peintre (Montpellier 1616-Paris 1671) Charles-Joachim Colbert de Croissy , évêque de Montpellier de 1696 à 1738 (1667-1738) Né à Montpellier, Sébastien Bourdon est le représentant de la peinture du Grand Siècle dans la province. Devenu l’un des premiers maîtres académiciens à Paris en 1648, il incarne par excellence l’ascension sociale de l’artisan peintre. Il fait aujourd’hui encore la fierté de Montpellier, bien que ses séjours y aient été très brefs. En effet, c’est entre Paris, Rome et la Suède que le maître forge sa carrière. Sa peinture inventive, entre les modèles classiques de Nicolas Poussin (15941665) et la puissance baroque de sa touche, participe très tôt à sa renommée. Ainsi, lors de son séjour à Mont- Neveu du Grand Colbert, ministre de Louis XIV et second fils de Charles Colbert de Croissy, Charles-Joachim Colbert de Croissy, nommé le 14 janvier 1697 évêque de Montpellier, présida aux destinées de l’épiscopat de la capitale languedocienne pendant plus de 40 ans. Il transforma le château de Lavérune, lieu de résidence des évêques, en un palais somptueux. Janséniste convaincu, homme d’une grande piété, autoritaire et vertueux, il rédigea ce qui deviendra le célèbre Catéchisme de Montpellier. Grand érudit, il fut membre fondateur de l’Académie royale des sciences de Montpellier en 1706. 74 Jean Coustou, peintre (Montpellier 1719 –1791) Jean Coustou est l’un des maîtres montpelliérains les plus importants du xviiie siècle avec Joseph-Marie Vien (1716-1809) et Etienne Loÿs (17241788). Il se forme à Paris auprès de Jean Restout (1692-1768) puis revient dans sa ville natale pour s’adonner à une carrière provinciale. Pendant quarante-trois ans, il sera le peintre officiel de la ville en travaillant pour les Consuls de Montpellier (1746-1789) et pour le Clergé. Il participe également à la création de la Société des Beaux-arts en 1779 et en devient professeur. C’est en cette qualité qu’il rencontre le jeune François-Xavier Fabre (1766-1837) peintre néoclassique et futur fondateur du musée Fabre. Omniprésent sur la scène artistique locale, ses œuvres ornent de nombreuses églises du diocèse. Seize de ses tableaux d’église sont aujourd’hui classés au titre des Monuments historiques, comme la Sainte Madeleine de l’église SaintPaul à Clermont-l’Hérault, la Sainte Famille de la cathédrale Saint-Fulcran à Lodève ou encore celles récemment restaurées des églises de Baillargues, Clapiers, Guzargues et Mauguio. Edouard Didron, maître verrier (Paris 1836-1902) Fils de M. Fiot et de Mlle Didron, neveu et fils adoptif d’Adolphe Didron, il reprit l’atelier de fabrication de vitraux créé par son oncle en 1849. Auteur de nombreux ouvrages sur le vitrail, il a exposé aux salons de 1857 et 1859 et fut membre du comité d’admission et d’installation de l’exposition universelle de 1878. On peut notamment admirer son travail dans les églises Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Merri, SaintSéverin, Saint-Thomas-d’Aquin, Saint-Louis-d’Antin, au cimetière du Père-Lachaise, au petit séminaire de Larressore, à Saint-Martin-d’Esquermes, à Saint-Martin-le-Hébert, à la cathédrale SaintPierre de Montpellier, à la collégiale Saint-Pierre du Dorat, à l’église des Réformés de Marseille, à l’église Saint-Baudile et à la cathédrale NotreDame-et-Saint-Castor de Nîmes, et à l’église d’Aimargues (Gard). Il s’associa pour les vitraux de la cathédrale de Montpellier à Paul Charles Nicod (1819-1898), qui réalisa aussi les vitraux de l’église de Jouy-en-Josas, de Trévoux et de Puget-ville. Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques (1803-1870) Né le 23 septembre 1803 dans une famille d’artistes bourgeois installée près du Panthéon, il n’est pas baptisé et reste fidèle, sa vie durant, aux convictions athées de ses parents. Son père, Léonor Mérimée, est professeur de dessin à l’Ecole polytechnique et sera plus tard secrétaire perpétuel de l’Ecole des Beaux-Arts. Sa mère, Anne Moreau, est portraitiste et enseigne, elle aussi, le dessin. Le 27 mai 1834, Thiers, ministre de l’Intérieur, nomme Prosper Mérimée au poste d’inspecteur général des Monuments historiques laissé vacant par le départ de Ludovic Vitet. Dès le 31 juillet suivant, il quitte Paris pour une tournée dans le midi de la France ; c’est la première d’une longue série vouée à la découverte des monuments en péril. Il se bat sur le terrain pour sauvegarder les édifices, rencontre les préfets, les érudits locaux, les propriétaires et affectataires des monuments menacés et demande toujours plus de moyens pour « ses chers monuments ». Cet infatigable voyageur met progressivement en place une administration. Il rédige les circulaires fondatrices du service de 1841 et 1842, participe à la création en 1837 de la commission des Monuments historiques qui est alors dotée d’un embryon de bureau. Il s’entoure d’architectes spécialisés dans la restauration d’édifices anciens et élabore, avec ses collaborateurs, au fil des chantiers et des problèmes rencontrés, une doctrine de restauration. http://www.merimee.culture.fr/ Médéric Mieusement, photographe (1840-1905) C’est en juin 1872 que Médéric Mieusement, photographe à Blois, décide de donner un tournant à sa carrière en concevant un projet inédit et mo- 75 numental, l’album des monuments de France. Il profite d’une visite du ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-arts, au château de Blois, pour lui remettre une lettre dans laquelle il attire son attention sur « l’immense intérêt qu’il peut y avoir à créer [...] une collection photographique de tous les monuments déjà classés et de tous ceux qui pourraient être signalés comme présentant un intérêt historique, architectural, artistique ou pittoresque. » La collection que veut produire Mieusement est spécialement destinée à la Commission des monuments historiques, une institution qui, depuis sa création en 1837, repère les édifices d’un intérêt historique ou remarquable, attribue les subventions et contrôle les travaux de restauration. En 1881, il est officiellement chargé de photographier les cathédrales sous la direction des architectes diocésains. La Commission et la direction des Cultes, qui collaborent au financement de nombreux chantiers, profitent l’une et l’autre du travail. Mieusement livre des tirages des cathédrales à la Commission et des tirages des églises paroissiales à la direction des Cultes. Aujourd’hui, le fonds Mieusement, fruit d’une activité prolifique – plus de 6000 négatifs – est conservé par la médiathèque de l’architecture et du Patrimoine. http://www.culture.gouv.fr/ culture/inventai/itiinv/cathedrale/ docphotographes/mieusement.html Nicolas Mignard , peintre (Troyes 1606-Paris 1668) Nicolas Mignard dit Mignard d’Avignon incarne l’un des plus prestigieux peintres du Midi au xviie siècle. S’il est originaire de Troyes, c’est pourtant en Avignon qu’il s’établit dès 1633. A cette époque, il effectue un séjour d’un an à Rome (1635-1636) au cours duquel il étudie l’école de Bologne. De retour en Avignon, il s’inspire des Bolonais pour la réalisation de nombreux sujets religieux qui ornent aujourd’hui encore les églises du Vaucluse et s’étendent jusqu’en Provence ou en Languedoc. En 1660, la carrière du peintre prend un autre tournant puisqu’il est convié à Paris par la Cour pour ses talents de portraitiste. Il devient le rival de son frère cadet, Pierre Mignard (16121695) en étant reçu à l’Académie royale de peinture en 1663. Nicolas Mignard conserve néanmoins d’étroites relations avec le Midi où il continue d’envoyer ses œuvres comme l’Apparition de l’ange à Joseph pour la chapelle Deydé en 1664. Il s’éteint subitement à Paris en 1668, alors qu’il participait à la décoration du palais des Tuileries depuis deux ans. La plupart de ses œuvres se trouvent aujourd’hui en Avignon dans l’église Notre-Dame-des-Doms et dans la chapelle des Pénitents Noirs. Aubin-Louis Millin, archéologue (1759-1818) Aubin-Louis Millin compte indéniablement parmi les plus importants protagonistes de la vie culturelle française de la Révolution à l’Empire. Conservateur au Cabinet des médailles et des antiques de la Bibliothèque nationale, puis professeur d’archéologie, membre de l’Institut, directeur du Magasin encyclopédique, il fut au centre d’un vaste réseau européen de savants et d’érudits avec qui il correspondit assidûment toute sa vie. Les Antiquités nationales posèrent les bases méthodologiques et le mode opératoire de ses entreprises à venir. Sur ces fondements, Millin allait concevoir les volumes et l’atlas illustré du Voyage dans les départements du Midi de la France (1807-1811), et le projet d’un long périple à travers l’Italie monumentale. Elargissant l’itinéraire du Grand Tour, qui, depuis le nord et le centre de la péninsule, convergeait traditionnellement vers Rome et Naples, frôlant à peine la Sicile, il fut le premier à s’aventurer dans les régions inexplorées du Mezzogiorno, telles la Calabre, la Lucanie, les Pouilles et les Abruzzes. A côté des monuments de l’Antiquité classique, il considéra de près et privilégia, de façon pionnière, ceux moins connus du Moyen Age, de la Renaissance et de l’époque moderne. Voyages et conscience patrimoniale. Aubin-Louis Millin (1759-1818), entre France et Italie, Sous la direction de : Anna Maria d’Achille, Antonio Iacobini, Monica Preti-Hamard, Marina Righetti et Gennaro Toscano. Campisano Editore / Institut national du patrimoine / Sapienza Universita di Roma / Bibliothèque nationale de France, 2012. www inp, 2012 Henri Nodet, architecte en chef des Monuments historiques (1855-1940) Elève de Guadet à l’Ecole des Beaux-arts qu’il intègre en 1893. Il travaille principalement dans le Midi : Aude, Hérault et Haute-Loire (1898-1917), Vaucluse (1901-1917), Ariège et vallée du Rhône. En 1908 il est adjoint à l’Inspection générale et en 1917, inspecteur général. Il prend sa retraite en 1933. Parmi ses très nombreuses restaurations, on peut citer les églises de Saint-Paulien, Chamalières et Saint-Siffrein de Carpentras, l’église Saint-Just et l’hôtel de ville de Narbonne, l’Evêché de Montpellier, le clocher de Saint-Hilaire dans l’Aude, les monuments d’Avignon, etc. Son nom reste attaché à la restauration du Palais des Papes. Il œuvra également au sauvetage de nombreuses œuvres d’art, telle la statue de Neptune de NicolasSébastien Adam (1705-1778) provenant du château de la Mosson, déplacée au château d’O et conservée depuis 1909 grâce à son action à la Société archéologique de Montpellier, ou encore les dessins et estampes de la collection Atger en 1913. Bibliographie Mon. Hist. France, 1955, n° 4, p. 189. Charles Ponsonailhe, écrivain (1855-1915) Charles Louis Joseph Ponsonailhe est un écrivain et critique d’art français, né à Pézenas le 24 février 1855, mort à Servian le 3 octobre 1915. Il a consacré de nombreuses études à sa ville natale et n’a laissé passer aucune occasion de célébrer les hommes et les œuvres de sa région, comme en témoignent ses articles publiés par la Réunion des sociétés savantes des départements à partir de 1884. Favorable à la création d’une inspection des Beaux-Arts, il a œuvré largement pour la mise en valeur et la protection du patrimoine. En 1891, il collabore à l’Inventaire général des richesses d’art de la France lancé par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts - et réalise 76 l’inventaire du musée de Béziers. Son nom est aujourd’hui passé à la postérité principalement pour ses deux monographies sur des artistes de l’école française, originaires de Montpellier : le peintre Sébastien Bourdon (1883) et le sculpteur Jean-Antoine Injalbert (1891). Il est l’auteur également d’une étude sur Cabanel, publiée par La Grande Revue, en 1889. http://www.inha.fr/spip.php?rubrique347 Antoine Ranc, peintre (Montpellier 1634-Montpellier 1716) Peintre dont la renommée n’a guère dépassé les frontières de sa ville natale, Antoine Ranc a toujours assumé ce statut de peintre de province. Sa carrière s’étend sur la deuxième moitié du xviie siècle jusqu’au premier quart du xviiie siècle. Il est aujourd’hui reconnu pour avoir formé le jeune Hyacinthe Rigaud (1659-1743), futur portraitiste de la Cour du roi Soleil. A la tête d’un atelier florissant, il reçoit en apprentissage de jeunes peintres qui deviendront académiciens à Paris, tel son fils Jean Ranc (1674-1735) et Jean Raoux (1677-1734), auquel le musée Fabre vient de consacrer une exposition. Lui-même formé à Montpellier dans l’atelier du Flamand Jean Zueil, Antoine Ranc poursuit sa formation à Rome entre 1654 et 1655. Dès les années 1660, le chapitre de Montpellier le sollicite pour des commandes religieuses qui occupent la majeure partie de sa carrière. Egalement loué pour ses qualités de portraitistes, Ranc se situe au cœur des préoccupations picturales du xviie siècle. Alors que ses compositions semblent influencées par quelques maîtres classiques comme Nicolas Mignard (1606 -1668), Nicolas Poussin (1594-1665) ou Charles Le Brun (1619-1690), ses personnages naturalistes font écho à la peinture nordique. Outre les œuvres des églises de Montpellier comme la Remise des clés à saint Pierre de la cathédrale, sainte Catherine-de-Sienne recevant les stigmates et saint Jean-de-la-Croix en extase devant la Croix de l’église Saint-Mathieu ou encore le Saint Charles-Borromée en prières de la chapelle de l’hopital SaintCharles, un grand nombre de ses toiles est conservé dans les églises du département de l’Hérault. Henry Revoil, architecte (Aix-en-Provence 1822- Mouriès 1900) Henry Revoil est le fils du peintre et collectionneur d’art médiéval Pierre Revoil (1776-1842). Il se forme dans l’atelier de son cousin, l’architecte Augustin Caristie (1783-1862), et à l’Ecole des Beaux-arts de Paris. Nommé architecte attaché à la Commission des monuments historiques en 1851, puis architecte diocésain d’Aix-en-Provence, Montpellier et Fréjus en 1852, Henry Revoil a considérablement marqué le paysage monumental méridional. Il est chargé d’importants chantiers de restauration comme celui de la cathédrale de Montpellier, de la cathédrale de Nîmes ou de l’église Saint-Trophime d’Arles ; mais aussi des amphithéâtres romains d’Arles, Nîmes et Orange ou encore des ruines antiques de Saint-Rémy de Provence. Henry Revoil est aussi à l’origine de plusieurs constructions dont l’église d’Olonzac, le couvent des Carmélites de Montpellier ou l’hôtel de ville de Saint-Gilles. http://elec.enc.sorbonne.fr/architectes/431 Emilio Santarelli, sculpteur (Florence, 1801-1886) Emilio Santarelli est le fils de Giovanni Antonio Santarelli (professeur à l’Académie de Florence, 1758-1826) et élève de Thorwaldsen à Rome. Le musée Fabre de Montpellier conserve de lui le buste de Valedau et celui de Gache, exécuteur testamentaire de Fabre. Il a aussi achevé le buste en marbre de Fabre commencé par son père et conservé aussi au musée Fabre. Isidore Taylor (1789-1879) inspecteur général des Beaux-arts et membre de la commission des MH Charles Nodier (1780-1844) académicien et écrivain Alphonse de Cailleux (1788-1876) dessinateur et architecte Entre 1820 et 1878, paraissent les vingt volumes des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, réalisés par le baron Isidore Taylor, assisté de Charles Nodier et Alphonse de Cailleux, et illustrés d’extraordinaires lithographies des monuments remarquables, majeurs ou inconnus, qui en font toute l’originalité. Ce travail gigantesque s’inscrit dans une période de prise de conscience de sauvegarde des monuments : en 1830, Ludovic Vitet est nommé inspecteur général des Monuments Historiques, auquel succède en 1834 l’écrivain Prosper Mérimée. En 1832, Victor Hugo écrit son célèbre pamphlet Guerre aux démolisseurs et en 1840 est établie la première liste d’édifices classés monuments historiques. Languedoc : Gard, Hérault, Ardèche, 1834, Tome II, 2. Jean de Troy, peintre (Toulouse 1638-Montpellier 1691) Jean de Troy s’inscrit parmi les peintres montpelliérains les plus importants de la seconde moitié du xviie siècle. Originaire de Toulouse, Jean de Troy appartient à une dynastie de peintres qui occupera la scène parisienne jusqu’au milieu du xviiie siècle. Fils aîné et élève de Nicolas, frère aîné du célèbre portraitiste François de Troy (1645-1730) et oncle du peintre de Cour Jean François de Troy (1679-1752), il a probablement effectué un voyage à Rome et son œuvre est représentative des réalisations classiques du xviie siècle avec pour modèles Nicolas Poussin (1594-1665) et Raphaël (1483-1520). Jean s’installe à Montpellier dès l’année 1666 où il épouse Suzanne de Quinquiri. Gravitant autour des personnalités les plus influentes de la province, il parvient, en 1679, à créer dans cette ville une académie de peinture avec l’approbation des Etats du Languedoc et l’appui du cardinal Pierre de Bonzi (1631-1703), évêque de Béziers, archevêque de Toulouse puis de Narbonne, dont le portrait est conservé au musée Fabre. Le chapitre de la cathédrale Saint-Pierre lui commande en 1687 Saint Pierre guérissant le paralytique. Il répond également aux commandes des édiles de la ville pour la décoration de leurs palais et hôtels particuliers : Louis XIV en Apollon soutenu par la Justice et la religion écrase l’hérésie au Palais de Justice, le Temps et la Justice découvrant la vérité pour l’hôtel des Trésoriers de France ou encore Aurore chassant la nuit et précédant le Char d’Apollon à l’hôtel de Beaulac. Quelques-uns de ses dessins font partie de la collection Atger, léguée à la Faculté de médecine en 1813. 77 Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, architecte restaurateur (1814-1879) L’œuvre de restaurateur de Viollet-leDuc est si considérable qu’elle a éclipsé ses activités d’architecte et de théoricien. Elle s’est déroulée au sein des deux institutions que l’Etat créa entre 1830 et 1850 pour la conservation du patrimoine : les Monuments historiques et les Edifices diocésains : aux premiers, quelques édifices civils et des églises médiévales ; aux seconds, les cathédrales. Viollet-le-Duc a lui-même dirigé des dizaines de restaurations, il en a conseillées quelques dizaines d’autres : il reste comme l’architecte du xixe siècle dont les interventions sur les édifices anciens auront été les plus nombreuses. Mais ce n’est pas en raison de ce record que le nom de Viollet-le-Duc s’est identifié à la restauration monumentale. Dès ses premiers travaux (Vézelay, 1840), Viollet-le-Duc est, en effet, apparu comme le plus compétent : pour cette raison, il éclipse son associé Lassus sur le chantier de Notre-Dame (1844), il est chargé de Saint-Denis (1846), et des édifices de Saint-Sernin de Toulouse (1845), Amiens (1849), la salle synodale de Sens (1851). Les pratiques plus ou moins hasardeuses de ses prédécesseurs (Alavoine à Rouen, Debret à Saint-Denis) sont définitivement abandonnées ; ses nombreux élèves (Ruprich-Robert, Boeswillwald, Millet…) diffusent son influence sur tout le territoire. Sa vision de la restauration est désormais célèbre : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné». Dictionnaire raisonné de l’architecture française, 1856, vol. 8, « Restauration ». http://elec.enc.sorbonne.fr/architectes/504 Liste des œuvres non présentées dans le guide Chapelle des fonts baptismaux a b C Collatéral sud e Chapelle Saint-Roch i f e • Saint Christophe, H/T, 160 x 130, Ernest Bartéhlemy Michel, (Montpellier 1833-1902). Donné en 1929 à l’Etat par son fils Henri Michel, architecte des Monuments historiques. Choretto : tableaux provenant du grand séminaire de Montpellier j i • Saint Roch et les pestiférés, H/T, 390 x 250, Auguste-Barthélémy Glaize (1807-1893), 1855. MH 03/03/2004. j • Remise des clefs à saint Pierre, H/T, 378 x 246, Pinkas, Paris, 1869. Dépôt de f • Déposition ou Ensevelissement l’Etat. Copie du tableau de Guido Reni du Christ, H/T, 250 x 170, don de (Bologne 1575-1642) conservé au Louvre. a • Le Baptême du Christ, H/T, 350 x 230, l’archiprêtre Gervais à l’Etat. Tableau appartenant à l’Etat, « don de xixe siècle. l’Empereur » de 1869, faisant partie des œuvres du Fonds National d’Art b • La Sainte Famille, H/T, 240 x 180, Contemporain (FNAC FH 869-320). MH 17/02/1984. Copie de l’œuvre Chapelle Saint-Germain de Reynaud Levieux (1613-1699) conservée dans la chapelle de la g l h k Miséricorde à Montpellier. PhotoManager (Image JPEG, 1884x2300 pixels) - Redimensionnée (27%) http://floramusee.montpellier-agglo.com/flora/servlet/PhotoManager?re... c • La Déploration du Christ, H/T, 150 x 240, xixe siècle, MH 17/02/1984. m • Christ en croix avec la Vierge et saint Jean, H/T, 107 x 84, Antoine Ranc (Montpellier 1634-1716), MH le 19/08/2005. Commandé par Mgr. Colbert de Croissy en 1703. A comparer avec le tableau de la chapelle des Pénitents Bleus de Montpellier dont cette œuvre est une copie réduite. n • Portrait de Renaud de Villeneuve, évêque de Montpellier de 1724 à 1766, H/T, 129 x 97, attribué à Eugène Loÿs (1724-1788), xviiie siècle, MH le 19/08/2005. o • L’Adoration des Mages, H/T, 138 x 94, copie de Carlo Maratta (16251713), MH le 19/08/2005. Chapelle Saint-Michel d d • Saint Michel terrassant le démon, H/T, 150 x 120, xixe siècle, copie de 1847 du tableau de Guido Reni (Bologne 1575-1642) réalisé vers 1636, insérée dans un retable de style néo-gothique. La composition originale provient du modèle de Raphaël (Urbino 1483Rome 1520), peint en 1518. (à droite, le tableau de Giovanni Carlone (16031684), la Fuite en Egypte qui faisait partie du décor de la chapelle voisine, chapelle Saint-Joseph dite chapelle Deydé). A la suite de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, la libre disposition des archevêchés, évêchés et grands séminaires est rendue à l’Etat par la loi du 2 janvier 1907. Une mission confiée à l’inspecteur des Monuments historiques, Paul Frantz Marcou (1860-1932) par le ministre de l’instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, a permis d’inventorier le mobilier légal et les œuvres d’art g • Trait de la Vie de saint Germain, H/T, 390 X 250, Jean-Baptiste Goyet, 1842. Dépôt de l’Etat de 1843. Œuvre liée au culte de l’évêque d’Auxerre (380-448), célèbre pour avoir reconnu la vocation de Geneviève, future patronne de Paris. Chapelle Sainte-Marguerite h • Apothéose de saint Vincent de Paul, H/T, 295 x 220, xviiie siècle. MH 06/12/1984. Saint Vincent de Paul crée avec Louise de Marillac en 1633 la Compagnie des Filles de la Charité qui se consacrent au service des malades et des pauvres. A Montpellier, elles s’associent à la congrégation laïque des Dames de la Miséricorde regroupant les femmes de notables de la ville. Sont conservés dans la chapelle de la Miséricorde, ancienne propriété des Sœurs de la Charité, deux tableaux à la mémoire de ces deux congrégations, l’un d’Eugène Devéria (1808-1893) l’autre, d’Auguste Glaize (1807-1893). l • Descente de croix, H/T, 600 x 450, Eugène Leygue (1813-1877), 1855. Dépôt de l’Etat de 1859. Thème souvent traité et inspiré des œuvres célèbres de Pierre Paul Rubens (1577-1640) et Charles le Brun (1619-1690). 1 sur 1 78 k • Sainte Marguerite, H/T, 320 X 190, Pierre Frederic Peyson (1807-1877). Copie réduite de l’original conservé au musée Fabre. 12/06/2013 18:18 p • L’Adoration des Bergers, H/T, 138 x 94, copie de Carlo Maratta (16251713), MH le 19/08/2005. des séminaires et évêchés. Ces pièces « réservées » seront aliénées par les domaines et affectées aux Beaux-Arts. Désormais propriété de l’Etat, celles provenant du grand séminaire de Montpellier, ont été déposées en 1910 aux Archives départementales alors installées dans l’ancien séminaire. A l’initiative de la drac, elles ont été restaurées en 2002, puis transférées dans la cathédrale. m o n r s t u p q q • Vision de saint Antoine de Padoue. H/T, 147 x 115, xviiie siècle, MH le 19/08/2005. r • Moïse frappant le rocher, H/T, 86 x 69, Dirkszen Philippe, xviie siècle, MH le 19/08/2005. Copie au musée Granet d’Aix-en-Provence. s • Les septs plaies d’Egypte, H/T, 86 x 69, Dirkszen Philippe, xviie siècle, MH le 19/08/2005. t • Moïse sauvé des eaux par la fille de Pharaon, H/T, 116 x 89, attribué à Antoine Bouzonnet-Stella (1637-1682), xviie siècle, MH le 19/08/2005. u • Moïse frappant le rocher, H/T, 116 x 89, copie de format réduit d’une œuvre de Charles Lebrun (1619-1690), xviiie siècle, MH le 19/08/2005. m c a u d b l j h i g k 79 f e Principales restaurations 2002-2013 Monument : restauration du porche (554 360 €) ; études et entretien (666 800 €) Orgue (664 143 €) Mobilier : cloches, confessionnal et toiles peintes (124 790 €) : Vierge à l’Enfant servie par les Anges, Apparition de l’Ange à Joseph, Annonciation, Remise des clefs à Saint-Pierre (dépôt de l’Etat) et tableaux du Choretto. Ouvrage publié par la Direction régionale des affaires culturelles (drac) du Languedoc-Roussillon Conservation régionale des monuments historiques (crmh) 5, rue de la Salle l’Evêque - cs 49020 34967 Montpellier Cedex 2 Tél. 04 67 02 32 00 / Fax 04 67 02 32 04 Directeur de la publication Alain Daguerre de Hureaux, directeur régional des affaires culturelles Rédacteur en chef Delphine Christophe, conservateur régional des monuments historiques Coordination éditoriale Jackie Estimbre, chargée de la valorisation du patrimoine, crmh Diffusion publicationspat.drac-lr@culture.gouv.fr Tél. 04 67 02 32 61 Conception graphique et réalisation Charlotte Devanz Photogravure et impression Impact imprimerie Achevé d’imprimer Août 2013 Dépôt légal Septembre 2013 isbn n° 978-2-11-138376-0 Crédits photographiques Bibliothèque Inguimbertine, Carpentras, p. 29. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture et de la communication, Paris, p. 21, 23, 22, 25. Médiathèque centrale d’Agglomération Emile Zola, Montpellier, p. 27, 28, 32, 60-61. Musée Fabre de Montpellier Agglomération - Frédéric Jaulmes, p. 15, 17, 50, 55. Région Languedoc-Roussillon/Inventaire général, Michel Descossy p. 13 haut, 41, 43, 48, 53. Société archéologique de Montpellier, musée Languedocien, p. 42. Sylvia Petrescu : p. 52 drac Languedoc-Roussillon : Claude Bertrand p. 8, 14, 38-39, 45, 46, 47, 49, 51, 55 bas, 57 ; Yvon Comte p. 54 droite, 56 ; William Davies p. 58, 78-79 de a à l ; Marie Hequet couverture p. 1, 6, 10-11, 13 bas, 16, 19, 20, 26, 36, 54, 66, 71 ; Christian Jacquelin p. 5 ; Roland Galtier p. 59 ; Toshiro Matsunaga p. 79 de m à i ; Laurent Paillard-Boyer p. 44. Les vignettes des portraits d’écrivains (Internet) : Baudelaire par Etienne Carjat, ca. 1863 (domaine public) ; Chateaubriand, musée des Beaux-Arts de Rennes, cliché Aimé Millet (dr) ; Fort (dr) ; Gauthier (dr) ; Goethe par Tischbein, 1787, Francfort sur Main, Städel Museum (domaine public) ; Hugo par Etienne Carjat, 1876 (domaine public) ; Huysmans, cliché Dornac (domaine public) ; Le Corbusier par Doisneau, 20 octobre 1953, Atelier Robert Doisneau (dr) ; Proust par Jacques Emile Blanche (1861-1942), 1892, Paris, Musée d’Orsay (dr) ; Renan (dr) ; Serres (dr) ; Stendhal par Henri Lehmann, musée Stendhal, Grenoble (dr) ; Verlaine par Gustave Courbet, Zürich, Galerie Chichio Haller (domaine public) ; Viollet-le-Duc (dr) ; Zola par Véroniqua Leuillot, 2004 (dr). Remerciements Guillaume Assié, Claude Bertrand, Christian Bonnefous, Olivier Chassagne, Alain Chevalier, Morgane Coco-Aubry,Yvon Comte, Franck Condi, Laura Corradino, Pauline Costaz, Pierre Curie, Thierry Dubessy, Jérôme Farigoule, Marie Galvez, Franck Genestoux, Salomé Gilles, Gilles Gudin de Vallerin, Michele-Caroline Heck, Michel Hilaire, Laurent Hugues, Judith Kagan, Sophie Lacan, Dominique Larpin, Laure Le Bouhec, Iseult L’huillier, Blanca Mejia Nina, Margot Pambrun, Jean-Daniel Pariset, Caroline Paul, Laure Pellicer, Gaëlle Pichon-Meunier, Céline Roustan, Catherine Severac, Naïs Taussac, Hervé Tucci, Fabienne Tuset, MariePierre Valéry, Olivier Zeder. Créée par la direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon (conservation régionale des monuments historiques), la collection « Duo » propose au public de découvrir des chantiers de restauration du patrimoine monumental et mobilier, des édifices labellisés « Patrimoine du xxe siècle » ou encore des immeubles et objets d’art protégés au titre des monuments historiques, dans l’ensemble de la région. La cathédrale de Montpellier Présentation historique, artistique et littéraire Toute civilisation offre aux hommes des refuges, des lieux de recueillement, de repli ou d’évasion. André Chastel Véritable quartier dans la ville, la cathédrale est un symbole religieux, politique, architectural, un monument historique. A l’origine simple abbatiale du monastère fondé par Urbain V en 1364, érigée en cathédrale en 1536, gravement endommagée pendant les guerres de Religion, restaurée en 1630, elle est dotée d’un nouveau chœur en 1775, agrandie en 1855 et sans cesse restaurée depuis son classement en 1906. Si le monument du xive répondait aux caractéristiques du gothique méridional, large nef unique et chapelles latérales, les transformations du xixe sont inspirées des modèles des grandes cathédrales du Nord de la France, Reims et Paris, époque où se forge le concept de cathédrale. Cet ouvrage a pour but d’inviter le visiteur à la contemplation du monument et de ses œuvres d’art. O C Oathédrale bjectif C Oathédrale bjectif C Direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon (drac-l.-r.) isbn : 978-2-11-138376-0x Diffusion gratuite - ne peut être vendu