Ce n’est pas la première et probablement pas la dernière fois que les chercheurs se font insulter ou humilier dans les médias. Mais cet exemple a quelque chose de particulier : il concentre le pire en moins de 30 secondes essayons de décrypter.
Voici le propos: « La recherche, juste la recherche, quand … moi qui suis [de Grenoble], il y a des centres de recherche énormes et avec des gens qui étaient nommés à vie, comment voulez vous qu’on cherche et surtout qu’on trouve pendant toute une vie, quand ils arrivent à 25 ans, 28 ans. ils sont plein d’ardeur et puis après ils vont sur les pistes de ski et dans les clubs de tennis, à Grenoble c’était comme ça, c’était tous les chercheurs qui étaient là, bien évidemment, ils sont nommés à vie, c’est terrible ça n’a pas de sens, donc y’a vraiment des domaines où on peut engager des réformes. » C dans l’air, H. Pilichowski, 25 septembre 2015.
Du journalisme du lieu commun et de la stigmatisation.
On ne prendra même pas la peine de se demander ce que la personne qui parle faisait dans les « clubs de ski » pour pouvoir constater que «tous les chercheurs» étaient là, ni quelles sont ses sources, ou les données qui étayent ses affirmations. Nous sommes dans le journalisme du lieu commun. Et ce qui est dans l’air en l’occurrence a l’odeur d’une flatulence.
Le chroniqueur a ceci de bien qu’il remplace le journalisme du radio-trottoir : plus besoin de prendre une caméra pour aller manipuler la parole du peuple de la rue en lui faisant dire en quelques secondes le lieu commun qui va faire de l’audience, le chroniqueur -dans cet exemple- le remplace haut la main.
On est forcément le métèque de quelqu’un. Et on peut saluer le fait cette attaque est tellement loin de la réalité qu’elle peine à être crédible.
Mais il y a pire.
Voleurs ! De notre liberté d’expression.
Nous sommes dans un pays libre, y compris de dire le faux. Et c’est bien. Puissions-nous ne jamais perdre ce droit fondamental.
Mais disposons-nous pleinement de notre liberté d’expression ? Nous avons la liberté de dire, certes, mais moins celle d’être entendu. Cela est vrai pour les scientifiques, mais aussi pour chacune et chacun.
Les journalistes ne se sont-ils pas accaparés notre liberté d’expression, parlant à notre place ? Le temps de parole des personnes de la société dans les médias diminuent, et des porte-parole se sont installés qui disposent de notre droit à être écouté.
Ainsi [un certain] journalisme scientifique se sent souvent obligé de faire de l’exceptionnel, de surfer d’effet d’annonce en effet d’annonce (on a eu le dépassement de la vitesse de la lumière, les robots qui vont dominer le monde, récemment les spermatozoïdes artificiels), pour mieux démentir ensuite (ah ben oui, il ne faisait que son métier de journaliste, il a juste dit «peut-être»). Nous aimerions entendre un peu plus les scientifiques eux-mêmes parler de leur métier, de leur recherches, de leurs passions [en collaboration avec les vrais journalistes scientifiques PROPOS CORRECTIF RAJOUTÉ le 02/10/2015].
Rendre la parole scientifique aux chercheurs.
Ils sont un peu moins médiatiques à écouter, mais ils partagent des grains de science qui augmentera le niveau de culture scientifique de toutes et tous dans notre société.
Au delà de http://www.scilogs.fr , il y a des sites où s’expriment des chercheuses et des chercheurs. Voici quelques suggestions pour les sciences du numérique.
Et laissons ce genre de chroniqueurs aller voir sur les « pistes de tennis » qui est vraiment en train de glander.
Et on aime aussi beaucoup rire de nous même.
Mais c’est un vrai métier, alors laissons le mot de la fin à un véritable artiste .
Thierry Viéville, et un précieux travail de relecture de @chtruchet.