Reflection

Chronique

Père de la musique ambient, Brian Eno l'a conçue pour être entendue comme une toile de fond, un « papier peint sonore » qui prendrait possession de l'espace et s'infiltrerait dans le cortex de l'auditeur à son insu. Le concept a produit des oeuvres louées tardivement comme Music for Films (1978) et les quatre volumes de la série Ambient, (1978-1982), dont le premier, dévolu à la musique pour aéroports.

C'est à cette forme qui fut un temps incomprise, avant de trouver de nombreux adeptes au cours de la révolution électronique, que le précurseur et théoricien du genre revient, après avoir enrichi son corpus de nouvelles expériences et de collaborations plus passionnantes les unes que les autres. Dans ces dernières il faut inclure les séances avec Karl Hyde, du groupe Underworld, qui ont donné naissance aux albums Someday World et High Life, parus en 2014.

Seulement quelques mois après la fresque historique de The Ship (2016), le non-musicien surdoué retrouve dans Reflection le territoire ambient de Lux (2012), qu'il pousse à son paroxysme le plus pur et le plus radical en une séquence ininterrompue de cinquante quatre minutes à la tonalité uniforme. En dehors des textures qui marient des cascades de thèmes courts, des gouttelettes de percussions et de clochettes aux longues vagues répétitives, ce n'est pas tant l'étendue de la palette sonore que les effets qu'elle produit qui compte davantage, au gré de subtiles variations harmoniques et de mélodies imperceptibles, si l'on n'y prête l'attention requise.

La plongée dans cet océan synthétique nécessite de multiples écoutes pour en admirer la beauté de ses reliefs, comme elle peut se faire insidieusement jusqu'à l'infini, tel que l'a prévu son auteur qui a programmé une version tournant en boucle sur elle-même à partir d'un calcul algorythmique, pour le système IOS et Apple TV. Toujours en avance et révolutionnaire, le maître crée une musique intemporelle.

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