Chaosphere

Chronique

Il y a des groupes qu’on oublie aussi vite qu’on les écoute. Et puis, il y a Meshuggah. Impossible de ne pas se faire plaquer au sol par l’improbable et imposant mur de guitares développé par le combo suédois, qui prend un malin plaisir à vous faire des nœuds au cerveau en l’espace d’un riff dont il est impossible de comprendre le placement rythmique au cours de la première écoute. Quand Chaosphere sort en 1998, les premiers fans se sont déjà pris une bonne paire de mandales avec Contradictions Collapse (1991) et surtout le monumental Destroy Erase Improve (1995). Pourtant… Chaosphere rebat les cartes et marque une rupture avec l’héritage thrash des deux précédents disques pour pousser l’expérimentation encore plus loin.

Sombre, dense, presque irrespirable, l’album impose un style qui fera école, composé de rythmes syncopés, emmêlés, loin des classiques 4/4 de papa, axés autour de très peu de notes et enregistrés avec des accordages ultra graves rarement entendus (le groupe est un adepte de la guitare à 7 cordes, et finira par jouer avec des 8 voire des 9 cordes les années qui suivront). Meshuggah est alors considéré comme le créateur d’un style qui fera école, baptisé Djent, parfaite onomatopée pour résumer le son produit par une corde de guitare qu’on étouffe avec la paume de la main alors qu’on joue avec un taux de saturation poussé à blinde. Chaosphere incarne le meilleur ambassadeur de ce style. Souvent copié, jamais égalé.

De son entrée en matière totalement dévastatrice (Concatenation) à sa fin bruitiste (Elastic) en passant par le cultissime riff de fin de morceau de l’énorme New Millennium Cyanide Christ, l’album ne laisse aucun répit à l’auditeur. Batterie saccadée, riffs de guitares déstructurés… le tout en réussissant à imposer une nouvelle forme de groove qui évite l’écueil du disque incohérent. Un monument qui valait bien une remasterisation digne de ce nom pour constater qu’un quart de siècle plus tard, il n’a toujours pris aucune ride et reste toujours en avance sur le reste de la meute qui cravache sans arriver à la cheville d’un des groupes les plus inventifs du metal.  © Chief Brody/Qobuz