Alors que la gestion de l'islam par les pouvoirs publics suscite des crispations idéologiques et ... more Alors que la gestion de l'islam par les pouvoirs publics suscite des crispations idéologiques et des polémiques récurrentes à l'échelon national, l'action des pouvoirs locaux apparaît davantage guidée par le pragmatisme. Les politiques locales d'accommodement vis-à-vis de l'islam conduisent à reconfigurer la façon d'administrer l'ensemble des religions, au profit du renforcement du dialogue interreligieux. La prise en charge de l'islam par les pouvoirs publics a suscité au cours des dernières années de vastes polémiques politiques et médiatiques, recourant à des notions complexes et controversées comme la « République » ou la « laïcité ». Dans ses applications pratiques, la gestion quotidienne de la deuxième religion de France est pourtant fort éloignée de ces considérations. Elle incombe au premier chef à des acteurs locaux, aux marges de manoeuvre limitées, qui doivent bricoler entre des sollicitations multiples et potentiellement contradictoires. C'est à ces modalités concrètes que l'on voudrait s'intéresser ici, en prenant pour focale l'échelon municipal. 1 Un acteur incontournable aux marges étroites S'il existe une pléiade d'acteurs opérant sur le terrain (préfets, services de police et de renseignement, employés municipaux, départements), les mairies jouent néanmoins en la matière un rôle particulier. Les prérogatives dont elles disposent en matière d'aménagement de l'espace, de vie associative et d'octroi de locaux en font des maillons incontournables pour toute entreprise d'implantation d'activités liées à l'islam dans les quartiers populaires (Messner 2001). De fait, elles sont la plupart du temps le premier interlocuteur public des acteurs musulmans de terrain : responsables et militants associatifs, recteurs de mosquées, commerçants, parents d'élèves, etc. Elles sont aussi, par conséquent, les premiers destinataires des multiples interpellations et revendications que ces derniers peuvent faire valoir sur les sujets liés à l'islam. Dans cette logique, encadrer l'islam sur le territoire de la commune revient, au moins pour partie, à faire le tri entre des requêtes variées et entre les interlocuteurs qui les portent. Cette sélection relève toujours d'un exercice de composition périlleux : les équipes dirigeantes doivent évaluer ce qui est de l'ordre du faisable, juridiquement ou financièrement, mais aussi et surtout ce qui peut être politiquement justifiable auprès des habitants, auprès des opposants et bien souvent auprès de sa propre majorité politique. 1 Cet article s'appuie en particulier sur une longue enquête ethnographique réalisée dans une commune de la ceinture rouge parisienne, dans le cadre d'une thèse de doctorat qui visait à étudier l'implantation progressive de l'islam dans les quartiers populaires. Ce travail a conduit à s'intéresser à l'attitude de la municipalité, des élus et des acteurs politiques locaux confrontés à la visibilité croissante de l'islam. Voir L'Implantation de l'islam dans les quartiers. Contribution à l'analyse du succès d'une offre symbolique, thèse de l'auteur (dir. Gérard Mauger) soutenue en 2013 à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
– Accélérations, stagnation, ralentissements… Toutes les mobilisations connaissent des chan-gemen... more – Accélérations, stagnation, ralentissements… Toutes les mobilisations connaissent des chan-gements de rythmes qui imposent des redéploiements et des réajustements aux protagonistes engagés. Cet article s'intéresse justement aux effets de ces variations à travers l'exemple d'un mouvement de quartier contre une intervention israélienne dans la bande de Gaza. L'événement suscite un sentiment d'indignation et la perception d'une urgence à agir qui conduit les militants locaux à s'investir immédiate-ment dans le combat. L'impératif de rapidité bouscule le temps « routinier » de leurs habitudes et activités ordinaires, fragilise les anticipations et altère les rapports de forces. De fait s'ouvre une fenêtre d'oppor-tunité pour de nouvelles alliances ou de nouveaux modes d'action. La rupture, tout à la fois rythmique et symbolique, provoque une réévaluation des perceptions et des manières de faire qui invite à donner toute sa place aux temporalités dans l'analyse de l'action collective.
Alors que la gestion de l'islam par les pouvoirs publics suscite des crispations idéologiques et ... more Alors que la gestion de l'islam par les pouvoirs publics suscite des crispations idéologiques et des polémiques récurrentes à l'échelon national, l'action des pouvoirs locaux apparaît davantage guidée par le pragmatisme. Les politiques locales d'accommodement vis-à-vis de l'islam conduisent à reconfigurer la façon d'administrer l'ensemble des religions, au profit du renforcement du dialogue interreligieux. La prise en charge de l'islam par les pouvoirs publics a suscité au cours des dernières années de vastes polémiques politiques et médiatiques, recourant à des notions complexes et controversées comme la « République » ou la « laïcité ». Dans ses applications pratiques, la gestion quotidienne de la deuxième religion de France est pourtant fort éloignée de ces considérations. Elle incombe au premier chef à des acteurs locaux, aux marges de manoeuvre limitées, qui doivent bricoler entre des sollicitations multiples et potentiellement contradictoires. C'est à ces modalités concrètes que l'on voudrait s'intéresser ici, en prenant pour focale l'échelon municipal. 1 Un acteur incontournable aux marges étroites S'il existe une pléiade d'acteurs opérant sur le terrain (préfets, services de police et de renseignement, employés municipaux, départements), les mairies jouent néanmoins en la matière un rôle particulier. Les prérogatives dont elles disposent en matière d'aménagement de l'espace, de vie associative et d'octroi de locaux en font des maillons incontournables pour toute entreprise d'implantation d'activités liées à l'islam dans les quartiers populaires (Messner 2001). De fait, elles sont la plupart du temps le premier interlocuteur public des acteurs musulmans de terrain : responsables et militants associatifs, recteurs de mosquées, commerçants, parents d'élèves, etc. Elles sont aussi, par conséquent, les premiers destinataires des multiples interpellations et revendications que ces derniers peuvent faire valoir sur les sujets liés à l'islam. Dans cette logique, encadrer l'islam sur le territoire de la commune revient, au moins pour partie, à faire le tri entre des requêtes variées et entre les interlocuteurs qui les portent. Cette sélection relève toujours d'un exercice de composition périlleux : les équipes dirigeantes doivent évaluer ce qui est de l'ordre du faisable, juridiquement ou financièrement, mais aussi et surtout ce qui peut être politiquement justifiable auprès des habitants, auprès des opposants et bien souvent auprès de sa propre majorité politique. 1 Cet article s'appuie en particulier sur une longue enquête ethnographique réalisée dans une commune de la ceinture rouge parisienne, dans le cadre d'une thèse de doctorat qui visait à étudier l'implantation progressive de l'islam dans les quartiers populaires. Ce travail a conduit à s'intéresser à l'attitude de la municipalité, des élus et des acteurs politiques locaux confrontés à la visibilité croissante de l'islam. Voir L'Implantation de l'islam dans les quartiers. Contribution à l'analyse du succès d'une offre symbolique, thèse de l'auteur (dir. Gérard Mauger) soutenue en 2013 à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
– Accélérations, stagnation, ralentissements… Toutes les mobilisations connaissent des chan-gemen... more – Accélérations, stagnation, ralentissements… Toutes les mobilisations connaissent des chan-gements de rythmes qui imposent des redéploiements et des réajustements aux protagonistes engagés. Cet article s'intéresse justement aux effets de ces variations à travers l'exemple d'un mouvement de quartier contre une intervention israélienne dans la bande de Gaza. L'événement suscite un sentiment d'indignation et la perception d'une urgence à agir qui conduit les militants locaux à s'investir immédiate-ment dans le combat. L'impératif de rapidité bouscule le temps « routinier » de leurs habitudes et activités ordinaires, fragilise les anticipations et altère les rapports de forces. De fait s'ouvre une fenêtre d'oppor-tunité pour de nouvelles alliances ou de nouveaux modes d'action. La rupture, tout à la fois rythmique et symbolique, provoque une réévaluation des perceptions et des manières de faire qui invite à donner toute sa place aux temporalités dans l'analyse de l'action collective.
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