I am mostly interested in the political anthropology of Dalit emancipation, with a special emphasis on the material mediations of bodies, objects, images and space. My fieldwork has taken me to different regions (Bihar, Maharashtra, Punjab, Uttar Pradesh, diaspora) in order to study Dalit activism in different ideological contexts (Ambedkarism, Naxalism, Gandhism, Hindutva). I publish both in French and English.
English abstract: After having raised the concept of political subjectivation and the way migrati... more English abstract: After having raised the concept of political subjectivation and the way migration studies have highlighted the political subjectivity of migrants, the article examines the reflections of migrants involved in the mobilization of La Chapelle neighborhood in Paris in June and July 2015. While returning to the choice of migrants to position themselves as asylum seekers despite the encouragements by undocumented migrants to join their struggle for collective regularizations, these speeches underline the plurality of points of view of migrants, as well as the paradoxes of political autonomy in a context of heightened dependence.
Based on the accounts of Dalit immigrants from Punjab who settled in the UK in the 1960s, this ... more Based on the accounts of Dalit immigrants from Punjab who settled in the UK in the 1960s, this essay sheds light on the UK Ambedkarite movement’s political trajectory. How did the Anticaste philosophy of political emancipation retain its significance in the context of migration? Beyond the diasporic model of engagement that views the immigrants’ political interests as necessarily oriented towards the homeland, Ambedkarism negotiated and transgressed the boundaries of UK multiculturalism, as a differential, ethnic and religious-based model of political incorporation of South Asian immigrants. After initially supporting the RPI agitations in Punjab, Ambedkarites started gaining autonomy by working towards the official recognition of Ambedkar in the UK. More recently, while some of them worked towards a Buddhist revival in Punjab, others launched a campaign against caste discrimination in British Indian localities. Thanks to the latter, UK Ambedkarism emerged as a critical voice in the public debate on Multiculturalism, distinguishing itself from Dalit sectarian movements whose religious assertion in the multicultural context proved unable to check the rise of casteism in these localities. I therefore argue that although speaking from the margins, Ambedkarism managed to make a place for itself in the British public debate as a distinctive and significant political voice.
While some authors have understood Ambedkar's turn to Buddhism as a religious pretext to achieve ... more While some authors have understood Ambedkar's turn to Buddhism as a religious pretext to achieve political purposes, others have started reflecting on its religious dimension as a political statement in itself. Therefore, how did the religious aspect of the conversion impact the political domain of emancipation?
As against a tendency to take Ambedkar's political liberalism at face value, I argue that Navayana Buddhism represents an experimental political journey at the fringes of liberal politics. Marx’s positive understanding of Judaism in 19th-century Germany as an alternative to bourgeois citizenship thus brings relevant perspectives in order to understand Ambedkar’s turn to religion. But from an ethnographic point of view, what does the turn to religion imply for the Dalit movement?
English
"Ideology, Political Activism and Diaspora’s Conscience. The Commitment of the Dalits Em... more English "Ideology, Political Activism and Diaspora’s Conscience. The Commitment of the Dalits Emigrants ." This article looks at the way dalit ("untouchable") activists within the Indian diaspora have transposed the ideology of Ambedkar, the leader of the Indian movement for the emancipation of the dalits, in the context of diaspora. By recalling the main steps and presenting the actors of this transnational mobilisation, the author insists on the role of a political ideology and of a political tradition in the emergence of a consciousness of diaspora. Français Cet article évoque la façon dont des militants dalits («intouchables») de la diaspora indienne ont transposé l'idéologie d'Ambedkar, leader du mouvement indien d'émancipation des dalits, en contexte diasporique. En revenant sur les grandes étapes et les principaux acteurs de cette mobilisation transnationale, l'auteur souligne le rôle d'une idéologie politique et d'un habitus militant dans l'émergence d’une conscience de diaspora.
INDIEN des castes, « Dalits », terme militant issu de la mouvance anticastes, signifie « les homm... more INDIEN des castes, « Dalits », terme militant issu de la mouvance anticastes, signifie « les hommes écrasés » ou, plus simplement, « les opprimés ». « Dalits » a remplacé d'autres termes, comme celui d'« intou-chables »-ceux dont il faut éviter le contact pour des motifs à la fois religieux et hygiénistes-ou celui de « Harijans » (« Enfants de Dieu ») lancé par Gandhi, que les dalits eux-mêmes rejettent en raison de ses connotations chari-tables et paternalistes, aux antipodes d'une logique d'éman-cipation et d'une quête de fierté communautaire. Les dalits constituent aujourd'hui 201 millions d'indi-vidus, soit 16,6 % de la population indienne. La Constitution les désigne officiellement comme les Scheduled Castes (SC) (castes répertoriées). Au total, les dalits (ou SC) représentent à eux seuls 1 208 groupes répertoriés par les différents États indiens, bien que leur nombre précis soit difficile à établir, notamment parce que beaucoup sont présents dans plusieurs États et ont donc été comptés plusieurs fois. Les Scheduled Tribes (ST), également très défavorisés et discri-minés, composent environ 8 % de la population. DISCRIMINATION POSITIVE Le statut des SC et ST leur permet d'être protégés par des mesures légales qui punissent les violences et les discrimi-nations perpétrées à leur encontre (le SC and ST Prevention of Atrocities Act). Des certificats leur sont délivrés par les administrations de façon proportionnelle, afin d'accéder aux mesures de la discrimination positive dans l'éducation supérieure (quotas de diplômes universitaires), la fonction publique (emplois réservés) et les assemblées élues (circons-criptions et sièges parlementaires réservés). Ces mesures, qui reconnaissent officiellement l'exis-tence des castes pour en combattre les effets inégalitaires, ont bien entendu des conséquences sur la relation entre les dalits et l'État indien, et donc sur leur rapport à la citoyen-neté. Jusqu'alors rejetés pour des motifs essentiellement religieux, les dalits deviennent l'objet d'un nouveau stig-mate : à travers les quotas, ils tireraient le pays vers le bas. La discrimination positive est ainsi dénoncée comme portant atteinte au mérite et à la compétence. Ciblés par ces discours qui rejaillissent sur l'ensemble de la communauté, les diri-geants dalits et de basse caste qui émergent dans les années 1990 sont ainsi disqualifiés dans la presse indienne pour leur prétendue incompétence et leur corruption, qui n'a pour-tant rien à envier aux pratiques courantes des dirigeants des castes dominantes, si ce n'est qu'elle est rendue plus visible par ces discours médiatiques. Dès l'Indépendance, les dalits faisaient déjà l'objet d'un double discours. Ces quotas pérennisent le compromis trouvé en 1932 lors du pacte de Poona entre leur leader historique, Bhimrao Ramji Ambedkar, qui souhaite que les siens soient reconnus comme une minorité opprimée, et Gandhi, issu des hautes castes, qui s'oppose par une grève de la faim à ce statut de minorité concédé par les Britanniques. Les quotas d'emplois publics et de représentants élus issus des SC sont le fruit de ces négociations. Mais contrairement à la manière édulcorée dont ils seront interprétés dans le discours officiel du parti du Congrès, ces quotas n'ont pas été conçus comme une manne d'emplois publics, ni même comme une mesure charitable concédée par les élites. En réalité, il s'agit d'une mesure politique inclusive permet-tant la participation de fonctionnaires et d'élus dalits à la construction nationale et rendant ces représentants de la sphère officielle plus accessibles à leurs communautés. C'est bien dans cet esprit que Gandhi, tâchant de mettre fin à l'op-position entre les dalits et le parti du Congrès, fait nommer Ambedkar, par ailleurs le juriste indien le plus qualifié, à la tête du comité de rédaction de la Constitution indienne. Pourtant, cette interprétation politique des quotas ne trouve aucun écho. Au contraire, le discours officiel devient hostile envers l'héritage des luttes d'Ambedkar, dont l'idéologie anticastes et prodalits est disqualifiée comme une forme « antinationale » de « communautarisme ».
Science and Video. Ecritures multimédia en sciences humaines, 2019
Réflexion sur les enseignements anthropologiques et politiques que j'ai tirés de la fabrication d... more Réflexion sur les enseignements anthropologiques et politiques que j'ai tirés de la fabrication de mon film sur la mobilisation des migrants à Paris en 2015 (Bariz (Paris) Le temps des campements, Iskra productions et EHESS, 2020.
Suivant l’injonction de Gandhi, ses adeptes partirent à la rencontre des communautés urbaines de ... more Suivant l’injonction de Gandhi, ses adeptes partirent à la rencontre des communautés urbaines de balayeurs et d’égoutiers (les bhangis) afin de leur inculquer l’hygiène, la restreinte morale (notamment en matière de boisson), ainsi que l’hindouisme brahmanique et ses « bonnes mœurs ». Les récits publiés dans Harijan, le magasine consacré par Gandhi à cette campagne contre l’intouchabilité, évoquent le choc moral de ces novices du travail social découvrant ces quartiers et leurs habitants. Ils donnent un aperçu micro-historique détaillé sur la façon dont cette approche morale d’une question sociale s’est déployée sur le terrain.
The 'empowerment' approach to development adopted by international institutions has recently enab... more The 'empowerment' approach to development adopted by international institutions has recently enabled the Indian Dalit movement to avail itself of western funds. This case study of a network of Dalit NGOs in Uttar Pradesh highlights how these funds are being used and to what political effect. It shows that in such a previously politicized context, politicized actors of the NGOization process actively defend a radical agenda that links up caste, class and gender, while pursuing under the label of women's empowerment a pre-existing trend of mobilization of the rural poor. Their political work, however, requires tactical adjustments so as to fit exacting and costly norms of management imposed by funding agencies. While pointing to certain radical experiments that show the political resilience of the Dalit movement in spite of a depoliticizing pattern of 'professionalization', this article also highlights the economic precariousness encountered by the activists.
B. R. Ambedkar (1891–1956) advocated the religious conversion of Dal-its to Navayana Buddhism as ... more B. R. Ambedkar (1891–1956) advocated the religious conversion of Dal-its to Navayana Buddhism as the pillar of the future struggle against caste. Th is article examines the implications of this turn to religion for the Dalit movement. As shown by its convergence with Marx's critique of bourgeois citizenship, Na-vayana exceeds the framework of political liberalism. It is argued, though, that Navayana is neither an orientalized version of liberal politics, nor is it fully contained by Marxism. Th e ethnography highlights the revival of Navayana in the 1990s in a context of disillusion with institutional politics. With the rise to political power of the Bahujan Samaj Party (BSP) in this period, Uttar Pradesh emerged as the new center of Dalit politics. However, the BSP government also disappointed many former activists, who then turned to the Navayana movement. What spaces and possibilities did Navayana open up to further the task of Dalit emancipation that political power failed to achieve? The ethnography highlights the Navayana movement's practical difficulties and dilemmas, caused by its being advocated and practiced by secular minded activists hostile to popular religiosity.
Does the dominant, statist conception of citizenship off er a satisfying
framework to study the p... more Does the dominant, statist conception of citizenship off er a satisfying framework to study the politicization of subaltern classes? This dialectical exploration of the political movements that emerge from the suppressed margins of Indian society questions their relationship to the state and its outcomes from the point of view of emancipation. The political ethnographies of “insurgent citizenship”(Holston 2008) among Dalits and Adivasis off er a view from below on the way political subjectivities are being produced on the ground by confronting, negotiating, but also exceeding the state and its policed frameworks.
Mouvements, 2014/1 (n° 77, Mobilisations en Inde): 48-56., 2014
English abstract: Although mostly recognized for being the chief author of the Indian Constitutio... more English abstract: Although mostly recognized for being the chief author of the Indian Constitution and the historical leader of the Dalit movement, Ambedkar was also the radical theoretician of caste annihilation, who opposed Gandhi's conservatism. The article highlights the resistances met by his thought and underlines the importance of the Dalit struggles in order to get him out of the state of official oblivion to which he was reduced after his death, as well as the paradoxes that such a marginalization of the anti-caste movement entails for a universal political project.
French abstract: Ambedkar , auteur principal de la Constitution indienne et leader historique du mouvement dalit, fut aussi le théoricien radical de l’abolition de la caste, opposé au conservatisme de Gandhi. Nicolas Jaoul présente ici les résistances rencontrées par sa pensée et souligne l’importance des luttes des dalits pour sortir leur grand homme de l’oubli, ainsi que les paradoxes de la ghettoisation de ce mouvement.
Regards Sociologiques, "faire et défaire la Mondialisation", 43-44: 81-96, 2012
English abstract: Since the late 1990s, the issue of caste discrimination has been taken up by H... more English abstract: Since the late 1990s, the issue of caste discrimination has been taken up by Human Rights Organizations, Funding agencies and Development NGOs. How do the new “Human Rights based approach” to development and the notion of “empowerment ”, promoted by international institutions, impact a cause that had hitherto been defined as political by local actors? Highlighting the way this NGOization process affects the political trajectory of the Dalit movement, this article explores how the funding concerns and the technocratic reframing of the discourse of emancipation influence its ideology and practices. The first part of the article deals with how the Dalit question has been trans-nationalized historically, and the ideological oppositions that it faced. Focusing on a case from Uttar Pradesh, the second part highlights the radical uses that local Dalit activists make of foreign funding sources, highlighting the resilience of the political. This can be explained both by the new ability to organize the rural poor, Dalit women more particularly, thanks to these funds, and by the activists’ political habitus, i.e. their determination to carry on a movement of politicization from below which that was once started by the Bahujan Samaj Party, before its reach to power.
French abstract: Depuis la fin des années 1990, la société civile transnationale s’est saisie de la question de la discrimination de castes en Inde. Comment la nouvelle « Human rights based approach » et son corolaire, « l’empowerment », promus par les institutions internationales, agissent-ils sur une cause jusque-là définie comme politique ? Cet article porte sur la façon dont le processus d’ONGisation affecte la trajectoire politique du mouvement dalit et dont un tel recadrage technocratique du discours de l’émancipation - et les financements qu’elles conditionnent, influencent son idéologie et ses pratiques. La première partie est consacrée aux étapes historiques de la transnationalisation de la question dalit, ainsi qu’aux réticences initiales auxquelles elle s’est heurtée, principalement d’ordre idéologique. A partir d’une étude de cas sur la province d’Uttar Pradesh, la seconde partie montre les usages militants qui sont faits des financements transnationaux, indiquant ainsi un phénomène de résilience du politique dans un contexte préalablement politisé. Cela s’explique à la fois par les transformations des milieux populaires (comme la féminisation du prolétariat agricole) et par la volonté politique des activistes de poursuivre un mouvement de politisation par le bas grâce aux ressources des bailleurs de fonds, ajustant ainsi de manière tactique leurs buts politiques aux normes technocratiques.
Purusartha n°30 (Politique et Religion en Asie du Sud) : 291-323, 2012
English abstract: This article deals with Navayana Buddhism, conceived by Ambedkar as a universal... more English abstract: This article deals with Navayana Buddhism, conceived by Ambedkar as a universal civic morality. What does the religious remolding of the political do to it? What happens to the politics of Dalit emancipation, once reformulated into a “religion”? The study of the mundane life of this utopia in the Dalit movement of Uttar Pradesh interrogates the way it functions once socialized, as a religious form appropriated by political activists. After an intense phase of political mobilization and the coming to power of the BSP in the mid-1990s, the Buddhist turn constitutes a historical prolongation of the mobilization of Dalit government employees by the BSP. The article shows the transformation of the shapes and meanings of engagement that this has enabled, as well as underlines the Buddhist organizations’ role in the emergence of a political link at the level of the community, structured around the leadership of dalit administrative officers. Whether it shows the consolidation of a dalit middle class (where Buddhism enables both a new form of public engagement for some as well as an acceptable withdrawal from public life to the domestic sphere for others), or the attempts to pursue the movement of emancipation from below by the more underprivileged sections of the community, the Buddhist conversion reveals the activists’ authority on their own milieus, as well as the resistances that this generates, particularly among women.
D. Berti, N. Jaoul et P. Kanungo (eds) Cultural entrenchment of Hindutva: Local mediations and forms Of convergence, New Delhi: Routledge, chapter 10: 273-306., 2011
J. Bonhomme & N. Jaoul, Gradhiva n°11, « Grands hommes vus d'en bas » : 4-29., 2010
English abstract: This article offers a novel perspective on representations of great men. In con... more English abstract: This article offers a novel perspective on representations of great men. In contrast with the growing body of work dedicated to the study of official iconography, it shifts the analytical gaze and examines how images of statesmen are appropriated in ways which simultaneously draw on and endeavour to break with the official register. This change of perspective allows us to grasp these great men not as they appear in their official grandeur, “from above”, but as they are seen by subordinate actors: “from below”. These popular uses of political icons involve an often ambiguous game with the world of officialdom. They may seek to capture, cannibalise, mock, accommodate or domesticate power through the deployment of its effigies. In short, popular uses of these images of great men constitute acts of invention which trouble the official model.
French abstract: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés."
J. Bonhomme & N. Jaoul, Gradhiva n°11, « Grands hommes vus d'en bas »: 30-57., 2010
English: This article revisits a significant episode in India’s democratic history, looking at it... more English: This article revisits a significant episode in India’s democratic history, looking at it from the perspective of material culture. The way in which certain aspects typical of official stylistics are taken up in statues of Ambedkar erected by Dalit militants in the state of Uttar Pradesh encourages us to think about popular uses of officialty. The multiple distortions that official aesthetics undergo as they are retranscribed in the aesthetics of the bazaar forge an image of power as something proximate and familiar. This both forms a contrast with state power’s monumental enactments of itself, and simultaneously feeds into it. But is this legitimist analysis based on the idea of a “deformation” enough? Far from being a caricature or parody of power (we might, however, speak of a “deforcement” from the heat of symbolic state violence, thereby affording people a handle on its authority), popular recourse to or invocation of officialty as witnessed in the militant practices that surround these statues is better understood as a means of legitimising or bestowing authority upon the Dalit’s anti-caste ideology. This becomes a symbolic resource that can be deployed in their struggle against oppression.
French: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés.
English abstract: After having raised the concept of political subjectivation and the way migrati... more English abstract: After having raised the concept of political subjectivation and the way migration studies have highlighted the political subjectivity of migrants, the article examines the reflections of migrants involved in the mobilization of La Chapelle neighborhood in Paris in June and July 2015. While returning to the choice of migrants to position themselves as asylum seekers despite the encouragements by undocumented migrants to join their struggle for collective regularizations, these speeches underline the plurality of points of view of migrants, as well as the paradoxes of political autonomy in a context of heightened dependence.
Based on the accounts of Dalit immigrants from Punjab who settled in the UK in the 1960s, this ... more Based on the accounts of Dalit immigrants from Punjab who settled in the UK in the 1960s, this essay sheds light on the UK Ambedkarite movement’s political trajectory. How did the Anticaste philosophy of political emancipation retain its significance in the context of migration? Beyond the diasporic model of engagement that views the immigrants’ political interests as necessarily oriented towards the homeland, Ambedkarism negotiated and transgressed the boundaries of UK multiculturalism, as a differential, ethnic and religious-based model of political incorporation of South Asian immigrants. After initially supporting the RPI agitations in Punjab, Ambedkarites started gaining autonomy by working towards the official recognition of Ambedkar in the UK. More recently, while some of them worked towards a Buddhist revival in Punjab, others launched a campaign against caste discrimination in British Indian localities. Thanks to the latter, UK Ambedkarism emerged as a critical voice in the public debate on Multiculturalism, distinguishing itself from Dalit sectarian movements whose religious assertion in the multicultural context proved unable to check the rise of casteism in these localities. I therefore argue that although speaking from the margins, Ambedkarism managed to make a place for itself in the British public debate as a distinctive and significant political voice.
While some authors have understood Ambedkar's turn to Buddhism as a religious pretext to achieve ... more While some authors have understood Ambedkar's turn to Buddhism as a religious pretext to achieve political purposes, others have started reflecting on its religious dimension as a political statement in itself. Therefore, how did the religious aspect of the conversion impact the political domain of emancipation?
As against a tendency to take Ambedkar's political liberalism at face value, I argue that Navayana Buddhism represents an experimental political journey at the fringes of liberal politics. Marx’s positive understanding of Judaism in 19th-century Germany as an alternative to bourgeois citizenship thus brings relevant perspectives in order to understand Ambedkar’s turn to religion. But from an ethnographic point of view, what does the turn to religion imply for the Dalit movement?
English
"Ideology, Political Activism and Diaspora’s Conscience. The Commitment of the Dalits Em... more English "Ideology, Political Activism and Diaspora’s Conscience. The Commitment of the Dalits Emigrants ." This article looks at the way dalit ("untouchable") activists within the Indian diaspora have transposed the ideology of Ambedkar, the leader of the Indian movement for the emancipation of the dalits, in the context of diaspora. By recalling the main steps and presenting the actors of this transnational mobilisation, the author insists on the role of a political ideology and of a political tradition in the emergence of a consciousness of diaspora. Français Cet article évoque la façon dont des militants dalits («intouchables») de la diaspora indienne ont transposé l'idéologie d'Ambedkar, leader du mouvement indien d'émancipation des dalits, en contexte diasporique. En revenant sur les grandes étapes et les principaux acteurs de cette mobilisation transnationale, l'auteur souligne le rôle d'une idéologie politique et d'un habitus militant dans l'émergence d’une conscience de diaspora.
INDIEN des castes, « Dalits », terme militant issu de la mouvance anticastes, signifie « les homm... more INDIEN des castes, « Dalits », terme militant issu de la mouvance anticastes, signifie « les hommes écrasés » ou, plus simplement, « les opprimés ». « Dalits » a remplacé d'autres termes, comme celui d'« intou-chables »-ceux dont il faut éviter le contact pour des motifs à la fois religieux et hygiénistes-ou celui de « Harijans » (« Enfants de Dieu ») lancé par Gandhi, que les dalits eux-mêmes rejettent en raison de ses connotations chari-tables et paternalistes, aux antipodes d'une logique d'éman-cipation et d'une quête de fierté communautaire. Les dalits constituent aujourd'hui 201 millions d'indi-vidus, soit 16,6 % de la population indienne. La Constitution les désigne officiellement comme les Scheduled Castes (SC) (castes répertoriées). Au total, les dalits (ou SC) représentent à eux seuls 1 208 groupes répertoriés par les différents États indiens, bien que leur nombre précis soit difficile à établir, notamment parce que beaucoup sont présents dans plusieurs États et ont donc été comptés plusieurs fois. Les Scheduled Tribes (ST), également très défavorisés et discri-minés, composent environ 8 % de la population. DISCRIMINATION POSITIVE Le statut des SC et ST leur permet d'être protégés par des mesures légales qui punissent les violences et les discrimi-nations perpétrées à leur encontre (le SC and ST Prevention of Atrocities Act). Des certificats leur sont délivrés par les administrations de façon proportionnelle, afin d'accéder aux mesures de la discrimination positive dans l'éducation supérieure (quotas de diplômes universitaires), la fonction publique (emplois réservés) et les assemblées élues (circons-criptions et sièges parlementaires réservés). Ces mesures, qui reconnaissent officiellement l'exis-tence des castes pour en combattre les effets inégalitaires, ont bien entendu des conséquences sur la relation entre les dalits et l'État indien, et donc sur leur rapport à la citoyen-neté. Jusqu'alors rejetés pour des motifs essentiellement religieux, les dalits deviennent l'objet d'un nouveau stig-mate : à travers les quotas, ils tireraient le pays vers le bas. La discrimination positive est ainsi dénoncée comme portant atteinte au mérite et à la compétence. Ciblés par ces discours qui rejaillissent sur l'ensemble de la communauté, les diri-geants dalits et de basse caste qui émergent dans les années 1990 sont ainsi disqualifiés dans la presse indienne pour leur prétendue incompétence et leur corruption, qui n'a pour-tant rien à envier aux pratiques courantes des dirigeants des castes dominantes, si ce n'est qu'elle est rendue plus visible par ces discours médiatiques. Dès l'Indépendance, les dalits faisaient déjà l'objet d'un double discours. Ces quotas pérennisent le compromis trouvé en 1932 lors du pacte de Poona entre leur leader historique, Bhimrao Ramji Ambedkar, qui souhaite que les siens soient reconnus comme une minorité opprimée, et Gandhi, issu des hautes castes, qui s'oppose par une grève de la faim à ce statut de minorité concédé par les Britanniques. Les quotas d'emplois publics et de représentants élus issus des SC sont le fruit de ces négociations. Mais contrairement à la manière édulcorée dont ils seront interprétés dans le discours officiel du parti du Congrès, ces quotas n'ont pas été conçus comme une manne d'emplois publics, ni même comme une mesure charitable concédée par les élites. En réalité, il s'agit d'une mesure politique inclusive permet-tant la participation de fonctionnaires et d'élus dalits à la construction nationale et rendant ces représentants de la sphère officielle plus accessibles à leurs communautés. C'est bien dans cet esprit que Gandhi, tâchant de mettre fin à l'op-position entre les dalits et le parti du Congrès, fait nommer Ambedkar, par ailleurs le juriste indien le plus qualifié, à la tête du comité de rédaction de la Constitution indienne. Pourtant, cette interprétation politique des quotas ne trouve aucun écho. Au contraire, le discours officiel devient hostile envers l'héritage des luttes d'Ambedkar, dont l'idéologie anticastes et prodalits est disqualifiée comme une forme « antinationale » de « communautarisme ».
Science and Video. Ecritures multimédia en sciences humaines, 2019
Réflexion sur les enseignements anthropologiques et politiques que j'ai tirés de la fabrication d... more Réflexion sur les enseignements anthropologiques et politiques que j'ai tirés de la fabrication de mon film sur la mobilisation des migrants à Paris en 2015 (Bariz (Paris) Le temps des campements, Iskra productions et EHESS, 2020.
Suivant l’injonction de Gandhi, ses adeptes partirent à la rencontre des communautés urbaines de ... more Suivant l’injonction de Gandhi, ses adeptes partirent à la rencontre des communautés urbaines de balayeurs et d’égoutiers (les bhangis) afin de leur inculquer l’hygiène, la restreinte morale (notamment en matière de boisson), ainsi que l’hindouisme brahmanique et ses « bonnes mœurs ». Les récits publiés dans Harijan, le magasine consacré par Gandhi à cette campagne contre l’intouchabilité, évoquent le choc moral de ces novices du travail social découvrant ces quartiers et leurs habitants. Ils donnent un aperçu micro-historique détaillé sur la façon dont cette approche morale d’une question sociale s’est déployée sur le terrain.
The 'empowerment' approach to development adopted by international institutions has recently enab... more The 'empowerment' approach to development adopted by international institutions has recently enabled the Indian Dalit movement to avail itself of western funds. This case study of a network of Dalit NGOs in Uttar Pradesh highlights how these funds are being used and to what political effect. It shows that in such a previously politicized context, politicized actors of the NGOization process actively defend a radical agenda that links up caste, class and gender, while pursuing under the label of women's empowerment a pre-existing trend of mobilization of the rural poor. Their political work, however, requires tactical adjustments so as to fit exacting and costly norms of management imposed by funding agencies. While pointing to certain radical experiments that show the political resilience of the Dalit movement in spite of a depoliticizing pattern of 'professionalization', this article also highlights the economic precariousness encountered by the activists.
B. R. Ambedkar (1891–1956) advocated the religious conversion of Dal-its to Navayana Buddhism as ... more B. R. Ambedkar (1891–1956) advocated the religious conversion of Dal-its to Navayana Buddhism as the pillar of the future struggle against caste. Th is article examines the implications of this turn to religion for the Dalit movement. As shown by its convergence with Marx's critique of bourgeois citizenship, Na-vayana exceeds the framework of political liberalism. It is argued, though, that Navayana is neither an orientalized version of liberal politics, nor is it fully contained by Marxism. Th e ethnography highlights the revival of Navayana in the 1990s in a context of disillusion with institutional politics. With the rise to political power of the Bahujan Samaj Party (BSP) in this period, Uttar Pradesh emerged as the new center of Dalit politics. However, the BSP government also disappointed many former activists, who then turned to the Navayana movement. What spaces and possibilities did Navayana open up to further the task of Dalit emancipation that political power failed to achieve? The ethnography highlights the Navayana movement's practical difficulties and dilemmas, caused by its being advocated and practiced by secular minded activists hostile to popular religiosity.
Does the dominant, statist conception of citizenship off er a satisfying
framework to study the p... more Does the dominant, statist conception of citizenship off er a satisfying framework to study the politicization of subaltern classes? This dialectical exploration of the political movements that emerge from the suppressed margins of Indian society questions their relationship to the state and its outcomes from the point of view of emancipation. The political ethnographies of “insurgent citizenship”(Holston 2008) among Dalits and Adivasis off er a view from below on the way political subjectivities are being produced on the ground by confronting, negotiating, but also exceeding the state and its policed frameworks.
Mouvements, 2014/1 (n° 77, Mobilisations en Inde): 48-56., 2014
English abstract: Although mostly recognized for being the chief author of the Indian Constitutio... more English abstract: Although mostly recognized for being the chief author of the Indian Constitution and the historical leader of the Dalit movement, Ambedkar was also the radical theoretician of caste annihilation, who opposed Gandhi's conservatism. The article highlights the resistances met by his thought and underlines the importance of the Dalit struggles in order to get him out of the state of official oblivion to which he was reduced after his death, as well as the paradoxes that such a marginalization of the anti-caste movement entails for a universal political project.
French abstract: Ambedkar , auteur principal de la Constitution indienne et leader historique du mouvement dalit, fut aussi le théoricien radical de l’abolition de la caste, opposé au conservatisme de Gandhi. Nicolas Jaoul présente ici les résistances rencontrées par sa pensée et souligne l’importance des luttes des dalits pour sortir leur grand homme de l’oubli, ainsi que les paradoxes de la ghettoisation de ce mouvement.
Regards Sociologiques, "faire et défaire la Mondialisation", 43-44: 81-96, 2012
English abstract: Since the late 1990s, the issue of caste discrimination has been taken up by H... more English abstract: Since the late 1990s, the issue of caste discrimination has been taken up by Human Rights Organizations, Funding agencies and Development NGOs. How do the new “Human Rights based approach” to development and the notion of “empowerment ”, promoted by international institutions, impact a cause that had hitherto been defined as political by local actors? Highlighting the way this NGOization process affects the political trajectory of the Dalit movement, this article explores how the funding concerns and the technocratic reframing of the discourse of emancipation influence its ideology and practices. The first part of the article deals with how the Dalit question has been trans-nationalized historically, and the ideological oppositions that it faced. Focusing on a case from Uttar Pradesh, the second part highlights the radical uses that local Dalit activists make of foreign funding sources, highlighting the resilience of the political. This can be explained both by the new ability to organize the rural poor, Dalit women more particularly, thanks to these funds, and by the activists’ political habitus, i.e. their determination to carry on a movement of politicization from below which that was once started by the Bahujan Samaj Party, before its reach to power.
French abstract: Depuis la fin des années 1990, la société civile transnationale s’est saisie de la question de la discrimination de castes en Inde. Comment la nouvelle « Human rights based approach » et son corolaire, « l’empowerment », promus par les institutions internationales, agissent-ils sur une cause jusque-là définie comme politique ? Cet article porte sur la façon dont le processus d’ONGisation affecte la trajectoire politique du mouvement dalit et dont un tel recadrage technocratique du discours de l’émancipation - et les financements qu’elles conditionnent, influencent son idéologie et ses pratiques. La première partie est consacrée aux étapes historiques de la transnationalisation de la question dalit, ainsi qu’aux réticences initiales auxquelles elle s’est heurtée, principalement d’ordre idéologique. A partir d’une étude de cas sur la province d’Uttar Pradesh, la seconde partie montre les usages militants qui sont faits des financements transnationaux, indiquant ainsi un phénomène de résilience du politique dans un contexte préalablement politisé. Cela s’explique à la fois par les transformations des milieux populaires (comme la féminisation du prolétariat agricole) et par la volonté politique des activistes de poursuivre un mouvement de politisation par le bas grâce aux ressources des bailleurs de fonds, ajustant ainsi de manière tactique leurs buts politiques aux normes technocratiques.
Purusartha n°30 (Politique et Religion en Asie du Sud) : 291-323, 2012
English abstract: This article deals with Navayana Buddhism, conceived by Ambedkar as a universal... more English abstract: This article deals with Navayana Buddhism, conceived by Ambedkar as a universal civic morality. What does the religious remolding of the political do to it? What happens to the politics of Dalit emancipation, once reformulated into a “religion”? The study of the mundane life of this utopia in the Dalit movement of Uttar Pradesh interrogates the way it functions once socialized, as a religious form appropriated by political activists. After an intense phase of political mobilization and the coming to power of the BSP in the mid-1990s, the Buddhist turn constitutes a historical prolongation of the mobilization of Dalit government employees by the BSP. The article shows the transformation of the shapes and meanings of engagement that this has enabled, as well as underlines the Buddhist organizations’ role in the emergence of a political link at the level of the community, structured around the leadership of dalit administrative officers. Whether it shows the consolidation of a dalit middle class (where Buddhism enables both a new form of public engagement for some as well as an acceptable withdrawal from public life to the domestic sphere for others), or the attempts to pursue the movement of emancipation from below by the more underprivileged sections of the community, the Buddhist conversion reveals the activists’ authority on their own milieus, as well as the resistances that this generates, particularly among women.
D. Berti, N. Jaoul et P. Kanungo (eds) Cultural entrenchment of Hindutva: Local mediations and forms Of convergence, New Delhi: Routledge, chapter 10: 273-306., 2011
J. Bonhomme & N. Jaoul, Gradhiva n°11, « Grands hommes vus d'en bas » : 4-29., 2010
English abstract: This article offers a novel perspective on representations of great men. In con... more English abstract: This article offers a novel perspective on representations of great men. In contrast with the growing body of work dedicated to the study of official iconography, it shifts the analytical gaze and examines how images of statesmen are appropriated in ways which simultaneously draw on and endeavour to break with the official register. This change of perspective allows us to grasp these great men not as they appear in their official grandeur, “from above”, but as they are seen by subordinate actors: “from below”. These popular uses of political icons involve an often ambiguous game with the world of officialdom. They may seek to capture, cannibalise, mock, accommodate or domesticate power through the deployment of its effigies. In short, popular uses of these images of great men constitute acts of invention which trouble the official model.
French abstract: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés."
J. Bonhomme & N. Jaoul, Gradhiva n°11, « Grands hommes vus d'en bas »: 30-57., 2010
English: This article revisits a significant episode in India’s democratic history, looking at it... more English: This article revisits a significant episode in India’s democratic history, looking at it from the perspective of material culture. The way in which certain aspects typical of official stylistics are taken up in statues of Ambedkar erected by Dalit militants in the state of Uttar Pradesh encourages us to think about popular uses of officialty. The multiple distortions that official aesthetics undergo as they are retranscribed in the aesthetics of the bazaar forge an image of power as something proximate and familiar. This both forms a contrast with state power’s monumental enactments of itself, and simultaneously feeds into it. But is this legitimist analysis based on the idea of a “deformation” enough? Far from being a caricature or parody of power (we might, however, speak of a “deforcement” from the heat of symbolic state violence, thereby affording people a handle on its authority), popular recourse to or invocation of officialty as witnessed in the militant practices that surround these statues is better understood as a means of legitimising or bestowing authority upon the Dalit’s anti-caste ideology. This becomes a symbolic resource that can be deployed in their struggle against oppression.
French: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés.
"Comme cette démarche se situe au coeur de réflexions sur le renouvellement
des formes d’écritur... more "Comme cette démarche se situe au coeur de réflexions sur le renouvellement
des formes d’écriture anthropologique (Laplantine, 2005, 2021 ; MacDougall,
2005 ; Pink, 2006, 2009), Sangharsh, le temps de la lutte mérite d’être considéré
comme un cas d’étude éminemment contemporain pour nourrir une foisonnante littérature d’anthropologie visuelle en dialogue avec les arts. Si mon entretien avec Jaoul a été conduit dans cette direction, j’ai également voulu rester au plus proche de sa démarche de réalisateur qui révèle, en premier lieu, comment sa relation aux images et aux sons a accompagné et transformé sa démarche anthropologique."
Revue Science and Video | Des écritures multimédia en sciences humaines
This interview evokes my film making as a form of political engagement with migrants from East Af... more This interview evokes my film making as a form of political engagement with migrants from East Africa in Paris in 2015, as well as the positive implications of film making for political anthropology.
Punjab-born Meena Dhanda moved to the UK in 1987 as a Commonwealth Scholar in Philosophy at the U... more Punjab-born Meena Dhanda moved to the UK in 1987 as a Commonwealth Scholar in Philosophy at the University of Oxford. There she became a researcher specializing on caste among Punjabi youth both in the UK and Punjab. She talked about her anti-caste activism experience in the UK with Nicolas Jaoul, a French anthropologist who has specialized on the Ambedkarite movement in India and worked on its British counterpart as well (Jaoul 2006, and in this special issue).
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Papers by Nicolas Jaoul
As against a tendency to take Ambedkar's political liberalism at face value, I argue that Navayana Buddhism represents an experimental political journey at the fringes of liberal politics. Marx’s positive understanding of Judaism in 19th-century Germany as an alternative to bourgeois citizenship thus brings relevant perspectives in order to understand Ambedkar’s turn to religion. But from an ethnographic point of view, what does the turn to religion imply for the Dalit movement?
"Ideology, Political Activism and Diaspora’s Conscience. The Commitment of the Dalits Emigrants ."
This article looks at the way dalit ("untouchable") activists within the Indian diaspora have transposed the ideology of Ambedkar, the leader of the Indian movement for the emancipation of the dalits, in the context of diaspora. By recalling the main steps and presenting the actors of this transnational mobilisation, the author insists on the role of a political ideology and of a political tradition in the emergence of a consciousness of diaspora.
Français
Cet article évoque la façon dont des militants dalits («intouchables») de la diaspora indienne ont transposé l'idéologie d'Ambedkar, leader du mouvement indien d'émancipation des dalits, en contexte diasporique. En revenant sur les grandes étapes et les principaux acteurs de cette mobilisation transnationale, l'auteur souligne le rôle d'une idéologie politique et d'un habitus militant dans l'émergence d’une conscience de diaspora.
framework to study the politicization of subaltern classes? This dialectical exploration of the political movements that emerge from the suppressed margins of Indian society questions their relationship to the state and its outcomes from the point of view of emancipation. The political ethnographies of “insurgent citizenship”(Holston 2008) among Dalits and Adivasis off er a view from below on the way political subjectivities are being produced on the ground by confronting, negotiating, but also exceeding the state and its policed frameworks.
French abstract: Ambedkar , auteur principal de la Constitution indienne et leader historique du mouvement dalit, fut aussi le théoricien radical de l’abolition de la caste, opposé au conservatisme de Gandhi. Nicolas Jaoul présente ici les résistances rencontrées par sa pensée et souligne l’importance des luttes des dalits pour sortir leur grand homme de l’oubli, ainsi que les paradoxes de la ghettoisation de ce mouvement.
French abstract: Depuis la fin des années 1990, la société civile transnationale s’est saisie de la question de la discrimination de castes en Inde. Comment la nouvelle « Human rights based approach » et son corolaire, « l’empowerment », promus par les institutions internationales, agissent-ils sur une cause jusque-là définie comme politique ? Cet article porte sur la façon dont le processus d’ONGisation affecte la trajectoire politique du mouvement dalit et dont un tel recadrage technocratique du discours de l’émancipation - et les financements qu’elles conditionnent, influencent son idéologie et ses pratiques. La première partie est consacrée aux étapes historiques de la transnationalisation de la question dalit, ainsi qu’aux réticences initiales auxquelles elle s’est heurtée, principalement d’ordre idéologique. A partir d’une étude de cas sur la province d’Uttar Pradesh, la seconde partie montre les usages militants qui sont faits des financements transnationaux, indiquant ainsi un phénomène de résilience du politique dans un contexte préalablement politisé. Cela s’explique à la fois par les transformations des milieux populaires (comme la féminisation du prolétariat agricole) et par la volonté politique des activistes de poursuivre un mouvement de politisation par le bas grâce aux ressources des bailleurs de fonds, ajustant ainsi de manière tactique leurs buts politiques aux normes technocratiques.
French abstract: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés."
French: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés.
As against a tendency to take Ambedkar's political liberalism at face value, I argue that Navayana Buddhism represents an experimental political journey at the fringes of liberal politics. Marx’s positive understanding of Judaism in 19th-century Germany as an alternative to bourgeois citizenship thus brings relevant perspectives in order to understand Ambedkar’s turn to religion. But from an ethnographic point of view, what does the turn to religion imply for the Dalit movement?
"Ideology, Political Activism and Diaspora’s Conscience. The Commitment of the Dalits Emigrants ."
This article looks at the way dalit ("untouchable") activists within the Indian diaspora have transposed the ideology of Ambedkar, the leader of the Indian movement for the emancipation of the dalits, in the context of diaspora. By recalling the main steps and presenting the actors of this transnational mobilisation, the author insists on the role of a political ideology and of a political tradition in the emergence of a consciousness of diaspora.
Français
Cet article évoque la façon dont des militants dalits («intouchables») de la diaspora indienne ont transposé l'idéologie d'Ambedkar, leader du mouvement indien d'émancipation des dalits, en contexte diasporique. En revenant sur les grandes étapes et les principaux acteurs de cette mobilisation transnationale, l'auteur souligne le rôle d'une idéologie politique et d'un habitus militant dans l'émergence d’une conscience de diaspora.
framework to study the politicization of subaltern classes? This dialectical exploration of the political movements that emerge from the suppressed margins of Indian society questions their relationship to the state and its outcomes from the point of view of emancipation. The political ethnographies of “insurgent citizenship”(Holston 2008) among Dalits and Adivasis off er a view from below on the way political subjectivities are being produced on the ground by confronting, negotiating, but also exceeding the state and its policed frameworks.
French abstract: Ambedkar , auteur principal de la Constitution indienne et leader historique du mouvement dalit, fut aussi le théoricien radical de l’abolition de la caste, opposé au conservatisme de Gandhi. Nicolas Jaoul présente ici les résistances rencontrées par sa pensée et souligne l’importance des luttes des dalits pour sortir leur grand homme de l’oubli, ainsi que les paradoxes de la ghettoisation de ce mouvement.
French abstract: Depuis la fin des années 1990, la société civile transnationale s’est saisie de la question de la discrimination de castes en Inde. Comment la nouvelle « Human rights based approach » et son corolaire, « l’empowerment », promus par les institutions internationales, agissent-ils sur une cause jusque-là définie comme politique ? Cet article porte sur la façon dont le processus d’ONGisation affecte la trajectoire politique du mouvement dalit et dont un tel recadrage technocratique du discours de l’émancipation - et les financements qu’elles conditionnent, influencent son idéologie et ses pratiques. La première partie est consacrée aux étapes historiques de la transnationalisation de la question dalit, ainsi qu’aux réticences initiales auxquelles elle s’est heurtée, principalement d’ordre idéologique. A partir d’une étude de cas sur la province d’Uttar Pradesh, la seconde partie montre les usages militants qui sont faits des financements transnationaux, indiquant ainsi un phénomène de résilience du politique dans un contexte préalablement politisé. Cela s’explique à la fois par les transformations des milieux populaires (comme la féminisation du prolétariat agricole) et par la volonté politique des activistes de poursuivre un mouvement de politisation par le bas grâce aux ressources des bailleurs de fonds, ajustant ainsi de manière tactique leurs buts politiques aux normes technocratiques.
French abstract: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés."
French: Cet article revisite, du point de vue de la culture matérielle, un épisode majeur de l’histoire de la démocratie en Inde. La façon dont sont repris certains attributs typiques d’une stylistique officielle dans les statues d’Ambedkar installées par les militants dalits dans l’État de l’Uttar Pradesh invite à réfléchir aux usages populaires de l’officialité. Les multiples distorsions subies par l’esthétique officielle une fois retranscrite dans une esthétique du bazar, avec des moyens artisanaux, offrent une image du pouvoir proche et familière, à l’opposé des mises en scène monumentales du pouvoir d’État par lui-même, tout en se nourrissant d’elles. Peut-on cependant se contenter de cette interprétation légitimiste en termes de « déformations » ? Loin d’être envisagé comme caricature ou parodie du pouvoir (on peut en revanche parler de « déforcement » de la violence symbolique de l’État, qui consiste à rendre cette autorité appropriable et manipulable), le recours populaire à l’officialité qui s’observe dans les pratiques militantes autour de ces statues semble répondre davantage à une façon de légitimer, de donner de l’autorité à l’idéologie anti-caste des dalits en tant que ressource symbolique mobilisable dans la lutte des dominés.
des formes d’écriture anthropologique (Laplantine, 2005, 2021 ; MacDougall,
2005 ; Pink, 2006, 2009), Sangharsh, le temps de la lutte mérite d’être considéré
comme un cas d’étude éminemment contemporain pour nourrir une foisonnante littérature d’anthropologie visuelle en dialogue avec les arts. Si mon entretien avec Jaoul a été conduit dans cette direction, j’ai également voulu rester au plus proche de sa démarche de réalisateur qui révèle, en premier lieu, comment sa relation aux images et aux sons a accompagné et transformé sa démarche anthropologique."