Organismes de placement collectif: et véhicules d'investissement apparentés en droit luxembourgeois
Par Claude Kremer et Isabelle Lebbe
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À propos de ce livre électronique
Rédigé par des experts actifs au sein d’une grande étude d’avocats au Grand-Duché de Luxembourg, il apporte une description exhaustive du fonctionnement des fonds d’investissement en droit luxembourgeois ainsi que des règles les encadrant.
Après avoir défini le concept d’organisme de placement collectif et décrit le cadre juridique y afférent, les auteurs apportent un examen approfondi des différents types d’organismes de placement collectif et de leur fonctionnement dans la pratique.
Tout en couvrant l’ensemble des directives européennes, notamment les directives UCITS, la directive « prospectus », la directive MiFID et la directive sur la fiscalité de l’épargne, les auteurs abordent l’application de ces directives en droit luxembourgeois. Les dernières évolutions de la directive AIFMD font également l’objet d’une analyse.
L’ouvrage, fruit de la longue expérience professionnelle des auteurs en la matière, aborde les sujets sous un angle essentiellement pratique, de manière à apporter des réponses précises et immédiates dans ce domaine.
Une description exhaustive du fonctionnement des fonds d’investissement en droit luxembourgeois ainsi que des règles les encadrant.
À PROPOS DE L'ÉDITEUR
Larcier Group, composé des marques d’édition juridique prestigieuses que sont Larcier, Bruylant, Promoculture-Larcier, propose des solutions documentaires adaptées aux besoins spécifiques de tous les professionnels du droit belge, luxembourgeois et français (avocats, magistrats, notaires, juristes d’entreprise,...).Fournisseur historique et privilégié de toutes les sources du droit, son offre éditoriale est composée, notamment, de la base de données juridique la plus complète de Belgique (Strada lex), de plus de 300 nouvelles monographies par an, plus de 70 revues juridiques, plusieurs collections de Codes, de logiciels de calculs et d’un riche catalogue de formations. Larcier Group est l’éditeur numéro 1 dans le segment juridique en Belgique.
À côté de ce segment juridique, Larcier Group s’adresse également aux professions économiques et aux professions RH en Belgique avec sa marque Larcier Business et son offre éditoriale principalement numérique.
Avec Indicator, Larcier Group fait partie, depuis juin 2016, du Groupe Éditions Lefebvre- Sarrut, à présent leader en Belgique sur tous les segments de l’édition juridique et fiscale.
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Aperçu du livre
Organismes de placement collectif - Claude Kremer
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe Larcier.
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© Groupe Larcier s.a., 2014
Éditions Larcier
Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
Tous droits réservés pour tous pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
ISBN 9782804456474
Avant-propos de la troisième édition
La crise financière que nous avons connue dès 2008 et la surenchère réglementaire qui s’en est suivie n’ont pas manqué de rendre rapidement obsolète la dernière édition du présent ouvrage. Elles n’ont pas facilité non plus une mise à jour rapide et pertinente.
La liste des réglementations nouvelles affectant directement ou indirectement les fonds d’investissement et les acteurs qui les entourent s’est allongée de manière impressionnante. L’adoption de ces dispositions au niveau européen et leur mise en place dans les États membres se sont avérées difficiles, et n’ont abouti qu’au prix d’un parcours semé d’embûches politiques et de luttes d’influence sectorielles. Le panorama réglementaire qui en est résulté est à la fois fragmenté, peu cohérent, et susceptible de connaître de nouveaux changements durant les mois et années à venir.
Ces textes n’ont pas fini d’évoluer et leur interprétation n’est pas encore définitivement arrêtée. Il nous a néanmoins semblé utile à ce stade de vous présenter cet ouvrage.
La nouvelle édition est mise à jour au 31 décembre 2012. Cette date coïncide avec l’adoption des principales mesures d’exécution d’AIFMD. L’édition ne reprend pas les évolutions réglementaires postérieures à cette date. À ce titre, elle revendique un statut « intérimaire » et mérite, sans aucun doute, une révision additionnelle dans un futur rapproché.
Dans cette matière complexe et mouvante qu’est le droit des OPC, nous avons eu la chance de bénéficier d’un support précieux de la part de nos associés et collaborateurs pour la validation et l’actualisation de certains aspects traités dans cet ouvrage. Nous leur exprimons, à toutes et à tous, notre reconnaissance et notre gratitude.
Dans le même ordre d’idées, nous remercions les nombreux lecteurs, clients ou amis, qui nous ont fait part de leurs remarques constructives au fil des années et qui nous ont permis d’enrichir les réflexions et connaissances livrées dans le présent ouvrage.
Luxembourg, décembre 2013
Claude Kremer
Isabelle Lebbe
Sigles et abréviations
(1) La directive 2010/44/UE a été publiée par erreur sous la référence « directive 2010/42/UE ».
(2) Cette directive a été publiée par erreur sous la dénomination « directive 2010/42/UE ».
Titre I. Introduction
Chapitre I. Définition de la notion d’organisme de placement collectif
1. – Plutôt que de fournir une définition générale de l’OPC, les auteurs de la loi de 2010, reprenant en cela les lois de 1988 et de 2002, se sont attachés à définir chacune des formes que celui-ci peut revêtir (1). De l’ensemble de ces définitions ressortent trois éléments, dont la réunion est constitutive d’un OPC. Sur la base de ces trois critères fondamentaux, il est possible de définir l’OPC comme la structure de placement dont :
– l’épargne affectée au placement collectif est recueillie auprès du public ;
– l’objet exclusif est le placement collectif de l’épargne ;
– les investissements sont effectués en valeurs (mobilières ou autres) suivant le principe de la répartition des risques.
2. – Alors que le premier de ces trois critères, relatif à l’appel au public, peut faire défaut dans certaines hypothèses visées par la loi, les deuxième et troisième critères doivent toujours être remplis.
Tous ces critères ont fait l’objet de commentaires et de précisions par la CSSF, autorité de contrôle prudentiel des OPC, dans la circulaire 91/75 (2).
3. – Les OPC luxembourgeois sont pour la plupart régis par la directive 2009/65 ou, par le biais de leur gestionnaire (lorsqu’il s’agit d’un gestionnaire de FIA), par AIFMD (3). Un gestionnaire de FIA est une personne morale dont l’activité habituelle est la gestion d’un ou plusieurs FIA. AIFMD s’applique à tous les types de fonds d’investissement alternatifs, sans établir de distinction entre structures réglementées (4) ou non réglementées. La directive ne vient pas abolir une telle distinction mais crée simplement des sous-catégories au sein de ces structures. Avant l’adoption de AIFMD, le concept d’OPC se référait nécessairement à une structure réglementée. AIFMD, en revanche, est désormais susceptible de s’appliquer à des FIA non réglementés qui ne font eux-mêmes pas l’objet d’une surveillance réglementaire. Seules les formes d’OPC sont abordées dans le présent ouvrage, lequel utilise par ailleurs les termes « OPCVM coordonné » et « FIA coordonné ». « OPCVM coordonné » s’entend des OPCVM satisfaisant aux exigences contenues dans la directive 2009/65 (5). Les références faites à un « FIA coordonné » dans le présent ouvrage sont des références à un FIA soumis aux exigences de AIFMD relatives au « produit » et qui lui sont imposées via le gestionnaire de FIA. D’une manière similaire, les termes « société de gestion coordonnée » et « gestionnaire de FIA coordonné » sont utilisés pour décrire les gestionnaires soumis à l’ensemble des exigences prévues respectivement par la directive 2009/65 ou AIFMD.
4. – La définition du FIA dans AIFMD est plus large que celle de l’OPC. Selon la directive, un FIA est un fonds d’investissement autre qu’un OPCVM qui lève des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement définie. Lorsque AIFMD s’applique à leurs gestionnaires, elle régit des structures qui, avant son entrée en vigueur, n’étaient pas considérées comme des OPC au Grand-Duché de Luxembourg.
5. – La définition d’un fonds d’investissement fournie par AIFMD reprend les critères énoncés ci-dessus, avec deux différences essentielles. (6) D’abord, un FIA n’est pas soumis au principe de la diversification des risques. (7) Ensuite, un FIA doit toujours lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs. (8) Aucune dérogation n’est prévue à cet égard.
Pour le reste, un FIA partage avec les autres OPC les caractéristiques suivantes :
(1) il lève des capitaux auprès d’investisseurs ;
(2) il investit ces capitaux dans l’intérêt de ces investisseurs ;
(3) et ce, conformément à une politique d’investissement définie (9).
6. – Bien que très proches, les définitions d’un fonds d’investissement en droit luxembourgeois et celle d’un FIA ne se recoupent pas toujours. Un FIA peut ne détenir qu’un investissement, contrairement aux autres fonds luxembourgeois. Certains fonds d’investissement peuvent n’être destinés qu’à un seul investisseur. Pas un FIA.
7. – En théorie, un FIA pourrait même être qualifié d’OPCVM s’il se soumettait volontairement au principe de la répartition des risques et investissait dans des valeurs éligibles. Il pourrait dans ce cas être soumis à la fois à la directive 2009/65 et à AIFMD. Le législateur européen l’a exclu. Il a pour cela ajouté à la définition du FIA le critère selon lequel un FIA ne peut être soumis à l’agrément prévu par la directive 2009/65.
Section 1. – Sollicitation de l’épargne du public
8. – Le public est sollicité chaque fois que la collecte de l’épargne n’a pas lieu seulement dans « un cercle restreint de personnes » (10). Aucun seuil minimum n’est fixé, au-delà duquel le nombre de personnes approchées ne serait plus « restreint ». Cette notion est plutôt appréciée au cas par cas par la CSSF qui, à titre d’exemple, cite les holdings familiaux et les clubs d’investissement lorsque ceux-ci, « bien qu’ayant pour objet le placement collectif de l’épargne, ne font pas appel à l’épargne du public » (11).
Dans le même ordre d’idées, le législateur européen précise que les structures d’investissement des family offices qui investissent le patrimoine privé de certaines personnes sans lever de fonds extérieurs ne sont pas à considérer comme des fonds visés par AIFMD (12).
9. – Une limite de vingt personnes a été proposée, en dessous de laquelle il serait toléré qu’un groupement d’épargnants ne fasse pas l’objet d’une réglementation étatique (13). Un organisme ne souhaitant pas placer ses parts auprès d’un nombre supérieur d’investisseurs ne tomberait pas dans le champ d’application de la loi de 2010.
Il semble, en outre, que la recherche d’investisseurs doive s’effectuer sur un plan « externe » plutôt qu’« interne ». Lorsqu’un promoteur réserve les parts d’un OPC qu’il lance aux entités faisant partie de son groupe, il ne place pas ces parts dans le public. L’intention de placement dans le public n’est établie que si l’effort de commercialisation s’oriente vers la clientèle du promoteur ou d’une entité de son groupe.
10. – L’OPC doit avoir l’intention de diffuser ses parts ou actions dans le public. Peu importe qu’il atteigne ou non ce résultat. Son échec ne constitue pas de plein droit un manquement à ce critère pourvu qu’il puisse, de bonne foi, prouver sa volonté de commercialisation auprès du public.
11. – Le public n’a pas été autrement défini. Par exemple, aucun critère quant à sa qualité n’a été fixé. Il peut être de nature tant institutionnelle que privée.
12. – Le terme de « public » est susceptible de recevoir plusieurs significations distinctes dans le contexte des OPC. Tel qu’utilisé ici, il désigne un ensemble relativement large de personnes. Dans d’autres occasions, par contre, il fait référence à la qualité des personnes visées et permet de distinguer les investisseurs avertis, initiés en matière de placement, du grand public. Cette différence de signification trouve toute sa pertinence lorsque les domaines respectifs de la loi de 2010 et de la loi du 13 février 2007 doivent être distingués. La loi de 2010 se réfère au public dans le sens de « cercle non restreint de personnes ». La loi du 13 février 2007 exclut de son champ d’application le public, entendu comme tout investisseur non averti. Des caractéristiques similaires trouvent à s’appliquer dans le contexte de la directive AIFMD, laquelle fait référence à des investisseurs « professionnels ».
13. – L’appel au public n’est donc pas toujours indispensable à la qualification d’OPC. La loi du 13 février 2007 permet la création d’OPC qui réservent leurs titres à un ou plusieurs investisseurs avertis (14). De tels OPC ne font pas nécessairement appel au public, dans le sens où l’entend la loi de 2010 (15). Ils peuvent ne s’adresser qu’à un cercle restreint de personnes (16). Un FIA, quant à lui, a besoin de « lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs » (17).
Section 2. – Placement collectif de l’épargne
14. – Le placement collectif de l’épargne est l’investissement commun de fonds recueillis individuellement auprès des épargnants. Cet investissement peut avoir lieu dans des valeurs mobilières ou dans toute autre valeur.
15. – La notion de placement implique que l’objectif d’un rendement ou d’un gain en capital motive l’acquisition ou la vente d’un élément du portefeuille. Contrairement à d’autres véhicules financiers, un OPC n’a pas pour objet d’acquérir des participations dans un but de prise d’influence ou de contrôle. Ceci n’empêche pas que certains types d’OPC, tels que ceux investissant dans des capitaux à risques élevés, détiennent des intérêts plus importants dans certaines sociétés. Même dans de telles circonstances, l’objectif principal de l’OPC n’est pas d’exercer un contrôle sur la société ciblée, mais de rentabiliser sa participation. L’OPC espère réaliser un gain en capital lorsque la société aura atteint un stade de maturité suffisant.
Section 3. – Investissement suivant le principe de la répartition des risques
16. – Répartir les risques d’investissement permet d’empêcher une concentration excessive des placements d’un OPC. Une diversification minimale de ces placements entre des valeurs de nature et de provenance différentes est, en principe, requise. Cette exigence est interprétée différemment suivant la nature de l’OPC.
(1) Les auteurs remercient G. Schneider pour son précieux support dans la préparation du présent titre.
(2) Chapitre B, I, circulaire 91/75. Un quatrième critère, non repris en tant que tel par la circulaire 91/75, est celui d’après lequel un OPC luxembourgeois doit, en vertu des articles 2(2), 89(1), 93 et 97 de la loi de 2010, procéder à l’émission de parts ou de titres. Cette exigence exclut certaines structures du champ d’application de la législation régissant les OPC. Voy. infra, n° 207.
(3) Bien que AIFMD ne réglemente pas directement les FIA, les FIA gérés de manière interne, n’ayant pas désigné de gestionnaire externe, sont directement régis par AIFMD.
(4) Il serait plus précis de se référer à une distinction entre entités surveillées et entités non surveillées. Telle n’est toutefois pas la terminologie utilisée dans la pratique.
(5) Voy. pour le détail infra n° 107.
(6) Il n’est pas certain que ces différences aient été voulues par le législateur européen. Pour ce dernier, il était nécessaire que AIFMD s’applique « aux gestionnaires gérant tout type de fonds ne relevant pas de la directive 2009/65 […], quelles que soient les modalités juridiques ou contractuelles en vertu desquelles les gestionnaires sont chargés de cette responsabilité » (considérant 3). Une lecture attentive de la définition du FIA ne permet néanmoins pas une application aussi universelle de AIFMD.
(7) Article 4(1), a (i), AIFMD.
(8) Ibid.
(9) Ibid.
(10) Chapitre B, I, circulaire 91/75.
(11) Chapitre B, II, circulaire 91/75.
(12) Préambule de la directive AIFMD, 7e considérant.
(13) Ce chiffre était également indiqué dans les documents parlementaires relatifs à la loi du 2 août 2003 ayant notamment modifié la loi de 1993 (Doc. parl. n° 5085, Exposé des motifs, p. 14).
(14) Article 1er, (1), loi du 13 février 2007.
(15) Une structure d’investissement qui ne s’adresse pas au public n’est pas nécessairement soumise à la loi du 13 février 2007. Un organisme qui procède au placement collectif d’avoirs suivant le principe de la répartition des risques, tout en réservant ses titres à des investisseurs avertis et ne sollicitant pas l’épargne du public, a le choix de se soumettre à la loi du 13 février 2007 et aux contraintes réglementaires de la CSSF ou de s’abstenir de le faire en adoptant, par exemple, le statut d’une société financière du type non réglementé dont l’activité n’est pas contrôlée par la CSSF. Pour des précisions supplémentaires sur ces aspects, voy. infra, nos 155 et 156.
(16) Article 1er, (1), loi du 13 février 2007, suivant lequel les FIS peuvent limiter leur actionnariat à « un ou plusieurs investisseurs avertis ».
(17) Article 4(1), a, AIFMD. Dans son document de consultation daté du 19 décembre 2012 et intitulé « Guidelines on key concepts of AIFMD » (ESMA/2012/845), l’ESMA semble clarifier ce concept (voy. notamment l’annexe V).
Chapitre II. Cadre historique
17. – Bien qu’ayant connu réellement leur essor au cours du 20e siècle, les OPC existent depuis la fin du 19e siècle.
C’est ainsi que l’on trouve en Écosse, entre les années 1880 et 1900, des investment trust companies dont l’objet était l’investissement dans des hypothèques sur des fermes (1).
18. – Cette institution écossaise traversa ensuite l’Atlantique vers les États-Unis d’Amérique où elle suscita un relatif engouement, particulièrement après la guerre 1914-1918. Le succès venant, les gestionnaires de ces sociétés d’investissement s’enhardirent et eurent de plus en plus recours à l’emprunt. Certaines de ces sociétés géraient des avoirs dont le montant était nettement disproportionné par rapport à leur capital social. Elles subirent de plein fouet le krach de Wall Street en 1929.
19. – Ceci amena les investisseurs américains à s’intéresser à un autre type d’OPC constitué, cette fois, non plus sous forme sociétaire, mais en tant que unit trust. Ce type d’OPC avait vu le jour en Angleterre en 1868 et avait connu quelques difficultés juridiques lors de son lancement. Un juge y avait vu une violation du droit anglais des sociétés. Ce jugement avait été réformé en appel, mais avait incité ces trusts à se convertir en sociétés dont la responsabilité des associés était limitée ou à entrer en liquidation.
Dans le unit trust, des titres sont achetés et confiés à un trustee, lequel est généralement une banque ou une compagnie d’assurances reconnue sur le marché. Moyennant paiement, des investisseurs peuvent devenir bénéficiaires de ce trust, des parts représentant leurs droits leur étant alors remises. La gestion du portefeuille du trust est confiée à une société de gestion distincte.
Cette structure offrait à l’époque deux avantages importants par rapport à la société d’investissement. Tout d’abord, les valeurs acquises par le trust étaient confiées à un trustee indépendant par rapport à la société de gestion. Ensuite, les participants au trust pouvaient à tout moment vendre à ce trust les titres représentant leurs droits, alors qu’une société d’investissement n’avait pas le droit d’acheter ses propres actions.
20. – Ce n’est qu’une cinquantaine d’années plus tard que réapparurent ces structures en Europe. Un premier trust fut créé en Suisse en 1930. De même, le succès rencontré en Grande-Bretagne par la vente de titres émis par des trusts américains incita les financiers anglais à relancer ce type de produit dès 1931.
Les Anglais ne tardèrent, cependant, pas à se distinguer des Américains. Là où ceux-ci, échaudés par le krach de 1929, avaient fixé des règles de gestion extrêmement rigides, ceux-là introduisirent de plus en plus de souplesse. Dans un trust américain, en effet, la composition du portefeuille devait être fixée une fois pour toutes. Un titre ne pouvait être vendu qu’à des conditions extrêmement strictes. Ces conditions furent assouplies dès le départ pour les trusts constitués sous l’empire du droit anglais. Petit à petit, les dirigeants de ces trusts furent autorisés à vendre un élément du portefeuille dès lors qu’ils estimaient que cela rencontrait au mieux les intérêts des porteurs de titres. Le développement de ce type de trust alla alors croissant. C’est ainsi qu’en 1939, on pouvait en compter 98 en Angleterre. Ils firent l’objet d’une réglementation spécifique, inaugurée par le Prevention of Frauds (Investments) Act de 1939, entré en vigueur le 8 août 1944.
L’industrie des fonds ne cessa, depuis, de se développer. En 1940, on comptait aux États-Unis 111 fonds d’investissement dont 43 sociétés et 68 trusts. En 1957, ces chiffres étaient montés à 167 fonds, dont 24 sociétés et 143 trusts (2).
21. – C’est en 1959 qu’un premier fonds d’investissement fut créé au Grand-Duché de Luxembourg, sous le nom évocateur de « FCP EURUNION » (3). Cette structure, largement inspirée de la structure des trusts évoquée ci-dessus, s’articulait autour de trois rouages :
– une banque dépositaire, chargée de conserver les titres et de surveiller la gestion ;
– une société de gestion, chargée de gérer le portefeuille et de le développer ;
– des porteurs de parts, propriétaires indivis du portefeuille de titres.
Les relations entre ces trois parties étaient régies par un règlement de gestion.
22. – C’est à la même époque, c’est-à-dire entre 1959 et 1960, qu’apparurent au Grand-Duché de Luxembourg les premiers fonds d’investissement sous forme de sociétés. Contrairement au modèle anglais, ces sociétés parvenaient, grâce à un montage passant par la création d’une société séparée, dite « de rachat », à acquérir indirectement leurs propres actions auprès de leurs actionnaires. Le Grand-Duché de Luxembourg, qui avait tardé à suivre la Grande-Bretagne dans la création d’OPC, faisait ainsi un pas supplémentaire et offrait aux investisseurs une possibilité que les sociétés d’investissement anglaises n’étaient pas en mesure de leur donner.
23. – Le développement des fonds d’investissement au Grand-Duché de Luxembourg fut très rapide. Un environnement légal et réglementaire à la fois souple et sécurisant, un régime fiscal intéressant et un savoir-faire sans cesse croissant des divers agents de la place accentuèrent cette tendance. En 1970, le nombre d’OPC luxembourgeois était de 102. En 2012, on en compte 3.841 (4), dont les actifs nets s’élèvent au total à 2.383,826 milliards d’euros (5). Ces chiffres placent le Grand-Duché de Luxembourg au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis d’Amérique, quant au niveau des actifs nets de ses OPC.
(1) Les développements qui suivent proviennent pour l’essentiel de l’ouvrage de C.O.
Merriman
, Unit trusts and how they work, 2nd ed., Sir Isaac Pitman & Sons Ltd, 1959, pp. 1 à 10.
(2) C.O.
Merriman
, op. cit., p. 13.
(3) M.-J.
Chèvremont
, « Évolution de l’industrie des fonds d’investissement en Europe et au Luxembourg en particulier », in Les fonds d’investissement, réglementation-fiscalité-évolution, Séminaire 24 et 25 novembre 1988, Association luxembourgeoise des juristes de banque (A.L.J.B.), Institut universitaire international Luxembourg (I.U.I.L.), p. 5.
(4) Ce chiffre comprenant 1.379 OPC à structure classique, ainsi que 12.041 compartiments d’OPC à compartiments multiples.
(5) Chiffres au 31 décembre 2012 ; source : chiffres et statistiques publiés par l’ALFI ayant pour objet la situation globale des OPC au Luxembourg (disponibles sur le site internet http://www.alfi.lu).
Chapitre III. Sources de droit
Section 1. – Législation et réglementation spécifiques aux organismes de placement collectif
§1. – Chronologie législative et réglementaire
1. Arrêté grand-ducal du 22 décembre 1972 ayant pour objet le contrôle des fonds d’investissement
24. – L’arrêté grand-ducal du 22 décembre 1972 (1) constitua la première réglementation luxembourgeoise en matière d’OPC (2).
Avant cet arrêté, les OPC du type statutaire étaient créés sur la base de la loi de 1915 et, d’un point de vue fiscal, de la loi de 1929. Cette infrastructure plus ou moins lacunaire fut complétée, surtout en ce qui concerne les FCP, par des décisions administratives et des recommandations, notamment de la part du ministre du Trésor et de l’administration de l’enregistrement et des domaines, ainsi que du Commissaire au contrôle des banques. Ce dernier désigne la fonction de contrôle bancaire créée à Luxembourg le 17 octobre 1945. Ses tâches ont été reprises par l’Institut monétaire luxembourgeois le 20 mai 1983 et sont désormais effectuées par la CSSF. L’encadrement légal initial n’était pas suffisant, comme le démontra, vers la fin des années soixante, le scandale IOS (3).
25. – L’arrêté grand-ducal du 22 décembre 1972 fut adopté en réaction à ce scandale. Il fournit pour la première fois une définition de la notion de « fonds d’investissement » (4) et soumit à la surveillance du Commissaire au contrôle des banques tous les OPC luxembourgeois (du type contractuel, statutaire ou autre), ainsi que tous les fonds d’investissement étrangers lorsque leurs titres faisaient l’objet d’une offre publique dans le Grand-Duché de Luxembourg ou à partir de celui-ci (5). L’arrêté grand-ducal obligea, de même, les OPC à faire contrôler leurs comptes par un expert indépendant qui, « tout en présentant des garanties d’honorabilité et de qualification professionnelle » (6), assumait, vis-à-vis du Commissaire au contrôle des banques, l’obligation de fournir « tous les renseignements ou certifications que celui-ci requiert sur tous points dont l’expert a ou doit avoir connaissance dans le cadre de l’exercice de sa mission » (7).
26. – Par un règlement du 8 novembre 1974 (8), le Commissaire au contrôle des banques fixa les règles concernant l’établissement et le dépôt auprès de lui de situations financières mensuelles à dresser par les OPC soumis à sa surveillance.
2. Loi de 1983 relative aux organismes de placement collectif
27. – L’essor considérable des OPC durant les années soixante-dix fit apparaître la nécessité de régler plus systématiquement l’organisation, le fonctionnement et la surveillance de ces organismes. Initialement déposée à la Chambre des députés le 31 décembre 1979 (9), la loi du 25 août 1983 ne fut adoptée que quatre années plus tard, à la satisfaction de toutes les parties intéressées.
Dans l’exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement déplora l’absence de réglementation spécifique en matière d’OPC et déclara que « dans un but de protection de l’épargne, il paraît urgent de préciser les bases juridiques sur lesquelles reposent ces organismes et d’instaurer des règles de fonctionnement de ces organismes pour éliminer ainsi toute insécurité juridique en la matière » (10).
À l’époque déjà, le gouvernement n’était pas insensible à ce que le régime des OPC luxembourgeois fût compatible avec le droit communautaire. Dans les documents parlementaires, il insista sur la nécessité de « fournir aux intéressés un instrument susceptible de subsister sans modification lors de l’introduction dans le droit national des prescriptions édictées en la matière par les directives de la CEE » (11).
La loi de 1983 régit de manière spécifique le fonctionnement des FCP. Elle