Bruxelles : Ceci n'est pas une ville: L'Âme des Peuples - Nouvelle édition
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À propos de ce livre électronique
Bruxelles séduit et interroge. Comment cette ville, faite de bric et de broc, où les balafres urbanistiques côtoient les splendeurs architecturales, peut-elle autant charmer, attirer, être jalousée par les autres grandes villes d’Europe ?
Capitale multiculturelle de l’État belge, Bruxelles est enclavée en Flandre, alors qu’on y parle surtout le français. Composée de dix-neuf communes aussi différentes que la populaire Molenbeek ou la bourgeoise Uccle, elle est devenue la clé de voûte d’un royaume aux forces centrifuges, tout en générant de sa tension linguistique une intense créativité artistique. Traverser Bruxelles, c’est faire un voyage dans le temps autant qu’un tour du monde des sabirs et des saveurs.
Ce petit livre n’est pas un guide. C’est un décodeur. Il invite le lecteur à découvrir la lente métamorphose d’une vieille bourgeoise qu’on pensait assoupie jusqu’à ce que l’Europe ne la sorte de sa torpeur et n’en fasse, elle aussi, sa capitale. Parce que sous son côté rugueux, elle fait montre d’un sacré caractère, bien décidée à mériter son titre de cité mondiale. Bruxelles demande à être racontée, pour être mieux comprise. Ceci n’est pas une ville. Ceci est bien plus qu’une ville.
Un grand récit suivi d'entretiens avec Roel Jacobs (Personne à Bruxelles n'a jamais pu parachever son œuvre), Fatima Zibouh (Les jeunes des familles aisées croient que Molenbeek c'est le Far West) et Philippe Van Parijs (Bruxelles doit miser sur le trilinguisme).
Une nouvelle édition (2017) de ce voyage linguistique, culturel et historique pour mieux connaître les passions bruxelloises. Et donc mieux les comprendre.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
- "(...) Belle et utile collection petit format chez Nevicata, dont chaque opuscule est dédié à un pays en particulier. Non pas un guide de voyage classique, mais, comme le dit le père de la collection, un «décodeur» des mentalités profondes et de la culture. Des journalistes, excellents connaisseurs des lieux, ont été sollicités (...). A chaque fois, un récit personnel et cultivé du pays suivi de trois entretiens avec des experts locaux. - Le Temps
- "Comment se familiariser avec "l'âme" d'un pays pour dépasser les clichés et déceler ce qu'il y a de juste dans les images, l'héritage historique, les traditions ? Une démarche d'enquête journalistique au service d'un authentique récit de voyage : le livre-compagnon idéal des guides factuels, le roman-vrai des pays et des villes que l'on s'apprête à découvrir." - Librairie Sciences Po
À PROPOS DE L'AUTEUR
Journaliste spécialisé sur l’actualité internationale, notamment pour Le Vif L’Express, François Janne d’Othée a toujours gardé Bruxelles comme port d’attache. Il en connaît autant ses angles attachants que ses recoins moins glamour, et souvent romanesques.
En savoir plus sur François Janne D'othée
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Aperçu du livre
Bruxelles - François Janne d'Othée
AVANT-PROPOS
Pourquoi Bruxelles ?
« Bruxelles ma belle /Je te rejoins bientôt / Aussitôt que Paris me trahit » chante le Belgo-Néerlandais Dick Annegarn. Quelle est donc cette ville qui agit comme un aimant sur tant de Français, et pas forcément les plus fortunés, et qui a réussi en catimini (en stoemelings, dit-on en bruxellois) à se faire adouber capitale de l’Europe ? C’est sans doute un mélange de beaucoup d’ingrédients : une cité à taille humaine, très verte, pas arrogante pour un sou, qui fait penser à une agglomération de villages et même de hameaux, avec une diversité ethnique, linguistique, sociale et religieuse qui en font un fascinant kaléidoscope.
L’objectif de ce livre est d’entrer dans l’intimité de cette ville devenue « région » en 1989, qui ne se résume pas à la trilogie Grand-Place – Atomium – Manneken-Pis, et qui se retrouve aussi peu dans l’image de « Bronx-elles » ou de « Molenbeekistan » , véhiculée par ceux qui n’y habitent pas, que dans celle de monstre bureaucratique ressassée par les europhobes de tout poil.
C’est d’abord une ville qui ne se laisse pas appréhender facilement : ses secrets sont parfois enfouis derrière les façades, dans les îlots intérieurs, et même sous terre. C’est aussi une ville qui bouge et adore faire la fête sans chichis. Son dynamisme n’est pas seulement le produit de cette rencontre entre latinité, germanité et cultures venues d’ailleurs. C’est qu’elle doit sans cesse se réinventer, à l’image de la carnavalesque Zinneke Parade, tant son identité reste incertaine.
C’est enfin une tour de Babel qu’on aime ou qu’on déteste, en fonction de l’humeur, du temps, du quartier, des rencontres... Une ville de bric et de broc où l’affreux côtoie le splendide, où un parcours en tram fait entendre d’innombrables idiomes, où un audacieux bas-relief sur les passions humaines peut jouxter la grande mosquée financée par l’Arabie saoudite, où la Grand-Place réussit à passer pour un modèle d’unité architecturale alors qu’elle oppose deux styles radicalement différents. On comprend pourquoi Bruxelles est tant prisée par les cinéastes : car elle peut passer pour n’importe quelle ville !
Pour le reste, il faut la découvrir à pied, à vélo, en rollers, en tram, en bus... Elle a la faculté de rendre gai comme de donner subitement le blues. Elle connaît ses moments d’euphorie, comme lors des nombreux festivals de musique, de la course des 20 km de Bruxelles ou de la Fête annuelle de l’Iris (symbole de la ville), mais elle a aussi connu ses moments de douleur. Qu’on songe ici aux terribles attentats du 22 mars 2016 à l’aéroport ainsi qu’à la station de métro Maelbeek (32 morts), à la tuerie du musée Juif (4 morts en 2014), à la tragédie du Heysel avant le match de football Juventus-Liverpool (39 morts en 1985), à l’incendie du grand magasin Innovation de la rue Neuve (323 morts en 1967), la plus grande tragédie qu’ait connue la Belgique.
Y a-t-il un esprit bruxellois ? Oui, dans le sens où il fait la synthèse de ce pays parfois surréaliste qu’est la Belgique, terre natale de René Magritte. S’il n’y avait Bruxelles, il n’y aurait sans doute plus de Belgique. Elle est la clé de voûte de tout l’édifice. Mais qui est elle-même fragilisée par sa complexité institutionnelle, coincée entre les Régions flamande et wallonne. Ajoutons que l’esprit bruxellois est indissociable de l’accent bruxellois, indispensable pour prononcer des phrases cultes telles que « Arrête une fois de zieverer, dikkenek ! »¹. À ne pas confondre avec l’accent belge, qui n’existe pas en tant que tel.
Et puis, il y a la vocation internationale. Peu de villes peuvent se targuer d’avoir une compagnie aérienne à leur nom. « Car Bruxelles est une marque forte » entend-on. Plus forte que la Belgique ! Si c’est le cas, c’est grâce à l’Europe et à ses douze étoiles, qui l’ont fait passer de ville de province à cité mondiale. Les retombées économiques de la présence de l’Union européenne sont évidentes, même si le Bruxellois moyen adore critiquer les salaires jugés mirobolants des eurocrates.
Cette capitale en perpétuelle mutation, qui a inauguré non sans casse le plus grand piétonnier d’Europe, ne se voile pas la face devant les innombrables défis qui l’attendent, à commencer par le boom démographique. Où va-t-on loger tout le monde ? Trouver des écoles ? Des crèches ? Et surtout, des emplois ? Bruxelles est la ville la plus jeune du Royaume, mais aussi celle avec le plus fort taux de chômage. La dernière réforme de l’État belge² devrait lui permettre de moins dépendre des autres niveaux de pouvoir et de davantage trouver des solutions originales aux défis générés par le chômage, la radicalisation, la pollution et la mobilité catastrophique.
Ouverte sur le pays et le monde, mais prisonnière de ses frontières institutionnelles, Bruxelles a développé depuis son « indépendance » en 1989 cet état d’esprit des pionniers, après avoir été longtemps abandonnée à son sort. Le développement futuriste qui s’annonce tout au long du canal, et jusqu’au plateau du Heysel, sont des signes de cette confiance retrouvée dans l’avenir, malgré les vicissitudes de la menace terroriste. La vieille bourgeoise assoupie est devenue cosmopolite et avant-gardiste : le lifting est saisissant. Reste à en faire une ville où chacun pourra trouver sa place, comme autant de pièces d’un grand puzzle urbain.
1. « Arrête un peu de dire des bêtises, espèce de grande gueule ».
2. En décembre 2011.
Ceci n’est pas une ville
Tout autour, ce sont des bois et des champs. On dirait presque un village gaulois, s’il n’était peuplé d’un bon million d’âmes¹. C’est sans doute la chance des Bruxellois. En moins d’une demi-heure, ils peuvent passer du