Évaluation psychosociale auprès de familles vulnérables
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Aperçu du livre
Évaluation psychosociale auprès de familles vulnérables - George M. Tarabulsy
collaboration.
La pertinence de jumeler expérience pratique et recherche dans l’évaluation psychosociale auprès de familles vulnérables
GEORGE M. TARABULSY, Ph. D.
École de psychologie, Université Laval
Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant
MARC A. PROVOST, Ph. D.
Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières
Groupe de recherche sur le développement de l’enfant et la famille
SYLVIE DRAPEAU, Ph. D.
École de psychologie, Université Laval
ÉMILIE ROCHETTE, M. A.
Département de psychologie, Université de Montréal
LES DÉFIS DE L’ÉVALUATION FAMILIALE ET LES ORIGINES DE CE LIVRE
Deux exemples reflètent à nos yeux les raisons qui nous ont incités à produire cet ouvrage. Le premier avait lieu dans un contexte de protection de l’enfant. L’enfant, alors âgé de 5 ans, était né d’une mère aux prises avec des difficultés majeures de déficience intellectuelle. Cette mère était seule, le père de l’enfant ne faisant plus partie de la cellule familiale depuis quelques années. La question qui animait la discussion sur ce cas portait sur la possibilité que cet enfant puisse être pris en charge par la Direction de la protection de l’enfance et placé en famille d’accueil. On doutait de la capacité de la mère de s’occuper adéquatement de son enfant ; celle-ci avait déjà commis plusieurs actions mettant sa santé en péril. La discussion, très animée, a fait ressortir un point important : malgré le fait qu’une thématique de négligence fasse partie de la vie de cet enfant depuis sa naissance, ses propres compétences intellectuelles n’avaient jamais fait l’objet d’une évaluation. Or, la recherche récente a largement démontré que les enfants de parents ayant une déficience intellectuelle sont très souvent aux prises avec de tels problèmes durant leur développement et nécessitent des actions préventives. Il était donc clair pour tous ceux qui étaient préoccupés par cet enfant que les décisions futures sur la nature de l’intervention à laquelle il allait être exposé nécessitaient une évaluation de son développement intellectuel. Depuis cette discussion, nos travaux ont confirmé que l’évaluation du développement cognitif de l’enfant doit être une priorité. Dans trois différents groupes d’enfants suivis par la Direction de la protection de la jeunesse, provenant de plusieurs régions du Québec (environ 200 enfants), nous avons démontré que la moyenne du développement intellectuel chez les enfants abusés ou négligés âgés de 0 à 5 ans se situait largement en deçà de la moyenne normative (Moss, Tarabulsy, St-Laurent, Bernier et Cyr, 2007).
Le deuxième exemple provient de notre travail de recherche. Il y a quelques années, nous avons commencé à suivre une cohorte de parents à risque sur le plan social avec la collaboration d’infirmières en périnatalité œuvrant auprès de ces familles dans un contexte de CLSC et d’organismes communautaires. Nos questions de recherche avaient une saveur fondamentale, classique, et présumaient une certaine universalité des processus en lien avec le développement de l’enfant. Or, nos discussions avec les infirmières nous ont fait rapidement constater que plusieurs éléments de la famille, que nous considérions comme étant universels, ne l’étaient pas dans un contexte de risque social. Des exemples des questions posées par les infirmières illustrent bien ce point :
Lorsque vous parlez du père, à quel homme faites-vous référence : celui qui habite avec la mère, celui qui a passé les derniers mois avec la mère et l’enfant mais qui n’est plus là ou celui qui est le père biologique de l’enfant, même si l’enfant ne le connaît pas ?
Quand le développement d’un enfant provenant d’un contexte à risque sur le plan social est-il perçu comme problématique ?
Est-ce que toutes les personnes nommées dans un réseau de soutien sont réellement des personnes pouvant offrir un degré de soutien social à des parents ? Certaines ne peuvent-elles pas avoir un impact néfaste sur le bien-être de la famille, même si elles sont nommées dans le questionnaire de soutien social ?
Les observations que nous réalisons lorsque nous nous rendons au domicile des parents semblent contenir plusieurs informations importantes sur le développement de l’enfant. Cependant, vos questionnaires font abstraction de la presque totalité de ces observations. Comment mieux en tenir compte ?
Dans les discussions autour de ces questions, nous avons changé plusieurs questionnaires et nous en avons ajouté d’autres pour pouvoir mieux cerner l’écologie familiale des participantes et participants à nos travaux. À la fin de cette recherche nous avons conclu, comme d’autres l’avaient fait avant nous, que l’évaluation des caractéristiques familiales doit nécessairement tenir compte du contexte de vie spécifique des familles avec lesquelles nous travaillons, surtout dans un contexte de risque social élevé. En tenant compte de ces particularités et en établissant des comparaisons avec des familles à faible risque sur le plan social, nous avons commencé à découvrir que les processus mêmes de développement social et émotionnel de l’enfant peuvent être extrêmement différents selon le contexte de développement (p. ex., Tarabulsy, Provost, Deslandes, St-Laurent, Lemelin, Moss, Bernier et Dassylva, 2003).
Ces exemples illustrent que l’évaluation psychosociale de la famille demeure un défi majeur. La famille comporte plusieurs dimensions qui ont un impact sur le bien-être et le développement de chacun de ses membres. Dans certains cas, l’évaluation oriente le processus de prévention ou d’intervention pouvant impliquer des intervenants et des membres d’une famille pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Dans le contexte d’un tel travail, l’évaluation sert, en quelque sorte, de gouvernail au travail de l’intervenant, lui donnant des points de repère sur l’efficacité de son travail et les directions à prendre sur le plan clinique. Parfois, l’évaluation comporte des dimensions légales sur lesquelles repose l’argumentation d’avocats et les décisions de juges. De telles évaluations nécessitent un rationnel scientifique et une rigueur sans faille afin de diminuer les sources d’erreur déjà nombreuses dans ce travail.
L’objectif général de cet ouvrage est d’aborder l’évaluation psychosociale de la famille pour aider le travail des intervenants sociaux dans un contexte de risque social. Nous l’avons donc écrit d’abord à l’intention de ces intervenants sociaux et de ceux qui sont en formation pour le devenir. Il ne s’agit pas d’un livre de recherche, bien que certaines questions soient soulignées et pointent dans des directions où la recherche ne donne pas encore de résultats probants. Il ne s’agit pas non plus d’un ouvrage exhaustif dans lequel on retrouve toute la matière sur la question de l’évaluation de la famille. Ces livres existent déjà et sont mentionnés régulièrement dans le présent ouvrage comme étant des ressources primordiales pour les intervenants sociaux et les cadres décideurs travaillant auprès de la famille. Cet ouvrage a une portée décidément pratique, portant sur la description de phénomènes et le choix de stratégies d’évaluation pertinentes dans un réseau social qui comprend une diversité de profils d’intervenants.
L’ensemble des auteurs travaille depuis de nombreuses années avec des organismes aidant des familles à risque sur le plan social et leurs textes sont basés sur les relations de travail qu’ils ont développées au cours des dernières années avec des intervenants, des administrateurs et des gestionnaires préoccupés par des questions d’ordre social liées au développement de l’enfant. Parfois, ces collaborations portaient sur le développement de la pratique ; parfois, elles s’organisaient autour de demandes de subventions portant sur des clientèles cibles communes aux chercheurs et aux intervenants ; souvent, ces collaborations s’amorçaient par des discussions autour de thématiques communes aux domaines de la recherche et de l’intervention. Le contenu de ce livre est, en quelque sorte, une suite écrite et logique à de nombreuses discussions qui, pour les auteurs, font partie du quotidien de la recherche. Il se veut un guide pratique et actuel, solidement fondé sur les connaissances fondamentales mais touchant des préoccupations pratiques, adaptées au contexte québécois de l’intervention sociale. Nous souhaitons aussi en modifier le contenu au fil des années, à mesure que des programmes d’intervention et des recherches donneront de nouveaux résultats. En quelque sorte, cet ouvrage n’est qu’une première édition d’un livre qui pourra – devra – être modifié en fonction de besoins pratiques.
OBJECTIFS DU LIVRE ET STRUCTURE DES CHAPITRES
Les objectifs de cet ouvrage se regroupent sous quatre volets que le lecteur retrouvera dans chaque chapitre. Premièrement, nous donnons un aperçu des connaissances de base et des diverses dimensions de l’évaluation familiale en lien avec l’adaptation individuelle et le développement de l’enfant. L’évaluation psychosociale implique un regard sur une panoplie de facettes de la vie familiale – contextes sociodémographiques, contextes sociaux, antécédents parentaux, adaptation parentale, comportements et habitudes parentales, comportements et développement des enfants. Certains constats scientifiques font ressortir l’importance d’aborder ces dimensions dans une perspective d’évaluation, constats que nous souhaitons rappeler afin d’avoir des bases communes de réflexion.
Deuxièmement, nous abordons les connaissances scientifiques liées à l’évaluation sous l’angle d’une réflexion sur les contextes de risque social où travaillent la plupart des intervenants sociaux. À titre d’exemple, chez les familles de classe sociale moyenne ou aisée, la mère a souvent recours à un réseau d’aide dans lequel le conjoint est le membre principal. En revanche, dans un contexte de risque, il n’est pas évident que le conjoint soit la principale source de soutien, ce rôle étant souvent rempli par des membres de la famille d’origine ou par des amis, parfois même par des professionnels du réseau d’aide sociale. Dans les circonstances de risque élevé, le caractère aidant du conjoint/père de l’enfant n’est pas très bien défini, sa présence étant même parfois associée à des difficultés familiales (Jaffee, Caspi, Moffitt, Belsky et Silva, 2001 ; Paquette, 2008 ; Tarabulsy, Bernier, Provost, Maranda, Moss, Larose et Tessier, 2005). Toute la recherche et l’intervention indique que la situation optimale pour un jeune enfant constitue la présence d’un milieu familial intact, imprégné d’affection, de cohérence et où l’enfant a accès à un père et à une mère vivant dans des circonstances où la vulnérabilité personnelle est à un faible niveau. Or, le travail de l’intervenant social l’amène souvent loin de cet idéal et la considération du milieu familial, des pères, des mères, des enfants et des autres acteurs familiaux doit être faite de manière nuancée. Il faut donc réfléchir sur la pertinence d’une forme d’évaluation développée dans des recherches portant sur des familles à faible risque avant de l’utiliser dans des situations de risque social.
Troisièmement, nous présentons de manière concrète des mesures pertinentes au travail des intervenants sociaux. Ces mesures sont sélectionnées et présentées en fonction de leur validité écologique (pertinence pour les circonstances de risque social) et leurs propriétés psychométriques. Nous présentons aussi des informations sur les résultats de recherche pour chacune des mesures, en plus des coordonnées des auteurs des mesures.
Enfin, chaque chapitre comprend une bibliographie annotée, présentant des lectures ou des informations supplémentaires pertinentes pour divers intervenants – cadre, intervenant clinique, etc.
RÉFLEXION SUR LE TRAVAIL DE L’INTERVENTION DANS LES CONTEXTES DE RISQUE SOCIAL
La lecture de cet ouvrage ne réglera pas les difficultés inhérentes au travail de l’intervenant social, dans la mesure où il n’y a aucun raccourci qui est donné pour bien évaluer un dossier dans le contexte d’un processus de prévention ou d’intervention. Au contraire, nous souhaitons que ce livre souligne le besoin des intervenants d’avoir une solide formation dans leur domaine précis et que la rigueur soit de mise dans l’évaluation à toutes les étapes du processus d’intervention. De plus, le livre ne présente pas de méthode structurée pour réaliser le travail de l’intervenant, cette grille devant être développée par chaque milieu sur la base de leurs clientèles et de leurs domaines d’expertise. On ne peut évaluer les situations familiales d’un nourrisson de la même manière qu’on le fait pour une personne du troisième âge. Par conséquent, le lecteur doit considérer plusieurs aspects de cet ouvrage comme des suggestions, avec l’intention précise de provoquer chez les administrateurs et les intervenants une réflexion sur le besoin de structurer les besoins en évaluation.
Nous proposons également qu’une partie importante du travail des intervenants sociaux au Québec soit organisée en considérant les compressions budgétaires qui ont eu lieu au Canada et au Québec au cours des dernières années. Ces compressions ont eu pour effet de créer une surcharge de travail pour l’ensemble des intervenants et des administrateurs du réseau, à tous les niveaux, dans l’ensemble des milieux, diminuant de façon importante les attentes face à l’efficacité de l’intervention et la capacité de répondre de manière appropriée aux besoins sociaux. Le manque de financement du réseau de prévention et d’intervention sociale ne peut permettre aux praticiens d’œuvrer dans un contexte de rigueur et d’efficacité, mais plutôt dans une perspective d’urgence et d’aide minimale. Dans la mesure où il y a une reconnaissance de cet état de fait, nous souhaitons, en fin d’ouvrage, présenter une réflexion sur l’organisation de l’intervention en milieu de pratique comme elle se manifeste au Québec et dans d’autres milieux aux prises avec des problèmes sociaux semblables.
RÉSUMÉ DES CHAPITRES
Le livre contient six chapitres qui touchent chacun un aspect particulier de l’intervention auprès des enfants en difficulté. Sylvie Drapeau, dans le chapitre 1, présente l’approche bioécologique du développement humain qu’elle définit comme l’analyse des interactions continuelles entre les caractéristiques inhérentes à l’enfant et les particularités de son environnement. Elle décrit tout particulièrement les divers niveaux de l’environnement de l’enfant selon l’approche de Bronfenbrenner. Cette approche a le mérite de donner à l’intervenant une sensibilité aux aspects environnementaux qui ne sont pas nécessairement directement liés de près à l’enfant en difficulté. En revanche, il est très difficile de travailler sur certains aspects du milieu comme la pauvreté ou le manque de scolarité des parents. Sylvie Drapeau décrit donc les interventions possibles auprès de l’enfant pour miser sur ses compétences et lui donner un rôle actif dans son développement. Elle termine son chapitre en présentant deux grilles d’évaluation des divers aspects de l’environnement qui permettent à l’intervenant de mieux saisir les enjeux contextuels liés au développement de l’enfant auprès duquel il/elle intervient. Ces mesures nous rappellent que l’enfant est en fait un point de convergence de plusieurs aspects environnementaux.
Au chapitre 2, Stéphane Duchesne décrit les interventions provenant des évaluations du soutien social chez les familles vulnérables. Dans un premier temps, il décrit les principales dimensions du soutien social comme le réseau social, le soutien reçu et la perception qu’un individu donne du soutien social. Ces distinctions sont importantes, puisqu’il faut d’une certaine façon distinguer le caractère objectif et subjectif du soutien et identifier dans quelle mesure différentes situations de risque nécessitent diverses formes de soutien. Par exemple, un enfant peut recevoir beaucoup de soutien mais se sentir seul et rejeté tout de même – dans ce contexte, il est pertinent de tenir compte de différentes formes d’information afin de mieux cerner les problématiques réelles de l’enfant. Stéphane Duchesne nous présente ensuite les processus qui font en sorte que le soutien social peut avoir un effet sur les gens. Il nous présente, dans une troisième partie, trois approches de type cognitif qui ont pour but de modifier concrètement le comportement de l’enfant en abordant ses représentations cognitives, en développant de nouvelles habiletés sociales ou en enseignant directement des habiletés nouvelles à l’enfant. Stéphane Duchesne termine son chapitre en présentant trois questionnaires conçus pour mesurer l’ampleur du réseau et la satisfaction sociale du répondant.
Louise Éthier et Carl Lacharité, au chapitre 3, décrivent les caractéristiques familiales et personnelles des parents dont l’enfant demeure en besoin de protection. Leur revue de la documentation scientifique fait ressortir en particulier que ces parents ont une histoire difficile marquée par la dépression, les troubles de la personnalité, les problèmes cognitifs ou le stress et l’isolement. Le chapitre réserve une partie importante pour présenter les études sur la problématique du père puisque, selon les auteurs, la recherche a longtemps négligé son effet sur la famille. Les deux auteurs présentent aussi des voies d’intervention. Selon eux, la négligence ou la violence envers l’enfant est un phénomène familial et doit être traitée comme telle et non comme un seul problème individuel du père ou de la mère.
Daniel Paquette aborde la question des compétences parentales au chapitre 4. Il y décrit plusieurs idées utiles, incluant des conceptions importantes sur la parentalité, la coparentalité et le rôle des pères et des mères dans le développement de l’enfant. Daniel Paquette décrit comment l’organisation familiale fait que l’enfant expérimente différentes formes d’interactions et de relations avec son père et sa mère durant la première partie de sa vie, et que ces différences contribuent à son développement social, émotionnel et cognitif de façon différente mais complémentaire. Ces questions sont ensuite abordées dans le cadre précis des « dérapages » des compétences parentales qu’implique la maltraitance à l’égard des enfants. Dans cette perspective, il suggère des mesures d’évaluation du fonctionnement parental pour assister l’intervenant afin qu’il cerne mieux les capacités parentales, surtout dans un contexte de risque.
Au chapitre 5, George Tarabulsy et ses collègues décrivent un grand programme de recherche qui a utilisé l’observation de la sensibilité parentale et la sécurité d’attachement lors de visites à domicile. Les auteurs présentent d’abord la théorie de l’attachement, qui apporte un éclairage nouveau sur l’observation des relations parent-enfant. L’avantage de cette théorie est qu’elle se base sur des données empiriques et en particulier sur l’observation systématique du comportement de la dyade mère-enfant. Pour illustrer cette approche, Tarabulsy et ses collègues exposent en détail le type d’observations qu’ils font au domicile des familles et suggèrent des pistes pour intégrer cette évaluation dans une démarche d’intervention. Ils y décrivent les mesures d’observation de l’enfant et des parents, ainsi que d’autres mesures qui permettent de bien cerner les enjeux comportementaux des parents et des enfants.
Au chapitre 6, Annie Stipanicic, Marc A. Provost et Chantal Pilote décrivent les théories et les modes d’évaluation du développement cognitif des enfants. La première partie de leur chapitre fait une présentation rapide des principales théories du développement de l’intelligence en passant par Piaget, Vygotsky et les théoriciens du traitement de l’information. La deuxième partie du chapitre présente une discussion sur les différences individuelles que l’on observe dans le développement intellectuel. Stipanicic, Provost et Pilote expliquent la nouvelle approche de la génétique du comportement et démontrent à quel point la génétique et l’environnement sont également importants dans le développement de l’intelligence. Les auteurs concluent cette section par une description des facteurs de risque tant génétiques qu’environnementaux qui peuvent jouer un rôle délétère sur le développement cognitif. La troisième partie de ce chapitre décrit en détail les principaux instruments de dépistage et d’évaluation utilisés par les intervenants qui travaillent auprès des enfants qui ont des problèmes cognitifs.
Finalement, au chapitre 7, en guise de conclusion, Tarabulsy, Provost, Drapeau et Rochette font un retour sur les collaborations qu’ils ont eues avec les divers milieux d’intervention du réseau québécois des services sociaux. Ils identifient trois lieux où le maillage entre chercheurs et intervenants peut s’améliorer pour assurer que la recherche et les préoccupations pratiques convergent de façon optimale, assurant à l’intervention le bénéfice des résultats de la recherche fondamentale.
L’approche bioécologique du développement humain
SYLVIE DRAPEAU, Ph. D.
École de psychologie, Université Laval
Pour toute correspondance concernant ce chapitre, les lecteurs et lectrices doivent s’adresser à : Sylvie Drapeau, École de psychologie, Université Laval, Québec (Québec) G1K 7P4. Courriel : sylvie.drapeau@psy.ulaval.ca.
Quels aspects de l’environnement des enfants ont un impact sur leur développement ? Quels facteurs influencent la façon dont les parents interagissent avec leurs enfants ? Comment expliquer que tous les enfants ne réagissent pas de la même manière à des environnements en apparence identiques ? Voilà quelques-unes des grandes questions posées par l’approche bioécologique du développement humain. Cette approche, qui puise ses sources dans diverses disciplines telles l’écologie, la théorie générale des systèmes, les théories des organisations, consiste en l’étude de l’interaction entre les êtres vivants et leur milieu ou environnement. Le présent chapitre expose tout d’abord les grands principes et concepts de l’approche bioécologique¹, telle qu’elle a été développée par Urie Bronfenbrenner et ses collègues. Par la suite, les implications de cette approche sur le plan de l’intervention seront approfondies.
QUELQUES PRINCIPES DE BASE
L’approche bioécologique est basée sur le postulat que le comportement humain résulte d’une adaptation progressive et mutuelle entre la personne et son environnement. Le développement humain y est défini globalement comme étant « le phénomène de la continuité et du changement dans les caractéristiques biopsychologiques des êtres humains, en tant qu’individus et en tant que groupes » (Bronfenbrenner et Morris, 2006, p. 793, traduction libre).
Plus précisément, le développement humain concerne « le processus par lequel la personne acquiert une conception plus étendue, mieux différenciée et plus valide de l’environnement écologique et devient motivée et apte à initier des activités qui font connaître, supportent ou restructurent cet environnement » (Bronfenbrenner, 1979, p. 27, traduction libre).
Le nouveau-né, bien qu’ayant peu d’autonomie et de moyens de communiquer, perçoit et influence les comportements et les attitudes de sa mère. L’enfant d’âge scolaire interagit avec un plus grand nombre d’adultes et d’enfants, et ce, dans différents milieux. Pour sa part, l’adolescent comprend de mieux en mieux les diverses forces agissant dans son environnement et possède un rayon d’action beaucoup plus vaste. En retour, l’environnement doit s’adapter à la personne en développement. Par exemple, le parent laisse progressivement plus d’autonomie et de pouvoir décisionnel à son enfant au fur et à mesure que ce dernier acquiert des habiletés motrices, cognitives, émotionnelles et sociales.
Pour rendre compte adéquatement de la réalité d’un individu ou d’un groupe, il faut donc non seulement considérer ses caractéristiques propres, mais il faut également tenir compte de l’environnement dans lequel il est appelé à évoluer. L’individu et son environnement sont des systèmes qui s’influencent mutuellement, changeant avec le temps et s’adaptant réciproquement aux transformations qu’ils connaissent. Chaque personne réagit aux pressions de son environnement selon ses