Il s'appelait Camil
Par Patricia Vigier
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Originaire du Sud-Ouest, Patricia Vigier devient professeure documentaliste après ses études de lettres et exerce actuellement dans un collège de Gironde. Il s’appelait Camil est son deuxième roman historique après L’évadé de Saint-Seurin, publié aux éditions Il était un bouquin. Chez Le Muscadier, elle avait abordé l’écologie en co-écriture avec Christophe Léon (Les dernières reines) et la guerre en Syrie (Noor envoyée spéciale).
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Aperçu du livre
Il s'appelait Camil - Patricia Vigier
FIN D’ÉTÉ
2021
Faut-il nous quitter sans espoir
Sans espoir de retour
Faut-il nous quitter sans espoir
De nous revoir un jour
C’est la fin des grandes vacances. Les enfants ont fait leurs valises, leurs parents respectifs ne vont pas tarder à arriver pour les ramener chez eux, aux quatre coins de la France. Bras-dessus bras-dessous sur les bancs de chaque côté de la grande table installée sous le tilleul odorant, ils entonnent à tue-tête leur chant.
Oui, nous nous reverrons mes frères
Ce n’est qu’un au revoir
Grands et petits, les cousins se retrouvent tous les étés chez leur arrière-grand-mère, en pleine campagne creusoise pour un mois. Une tradition instaurée depuis plusieurs années dans la famille, à la plus grande joie de l’aïeule.
Les oncles et tantes se relaient pour lui prêter main-forte, quelques jours de congé pris loin des villes étourdissantes, chacun face à la joyeuse troupe pour une autre sorte de tourbillon, plus heureux celui-là. Une organisation bien rodée. Maintenant que plusieurs des enfants sont devenus ados, ils assurent eux-mêmes une bonne partie des tâches, libérant un peu plus les adultes qui en profitent pour prendre le large.
Ce n’est qu’un au revoir mes frères
Grand-mère Marguerite arrive à petits pas précipités, son chignon blanc un peu hérissé.
— Arrêtez-moi ça immédiatement !
Elle dépose avec brusquerie les deux pichets d’orangeade sur la table.
— Qui a eu l’idée… ?
Tous cessent sur-le-champ, les yeux écarquillés, la bouche encore entrouverte. Théo pointe du doigt le liquide répandu sur la toile cirée et s’apprête à faire une remarque.
— Mamie, c’est juste une… tente Mathis.
— Je ne te demande pas d’argumenter, cet air-là n’a rien à faire ici, le coupe sa grand-mère, d’un ton altéré, le souffle précipité. Je ne veux plus l’entendre, c’est compris ?
Prise d’un léger flottement qui confine au vertige, elle s’affaisse sur le bout de banc laissé libre. Les enfants, sonnés par sa réaction inattendue, douchés dans leur élan fraternel pour sceller dans la joie leur séparation, ne semblent pas remarquer les quelques secondes de malaise physique de leur bisaïeule.
— Je ne veux plus l’entendre, répète-t-elle les paupières closes.
Capucine, l’aînée des cousins, laisse le torchon avec lequel elle essuyait les éclaboussures autour des pichets et la rejoint, s’agenouille devant elle, une main pour caresser son bras, le regard interrogateur.
Clara, aveugle à ce qui ne la concerne pas directement, marmonne pour elle-même.
— Pfft, on peut jamais rien faire ici de toute façon !
À douze ans révolus, elle a décrété dès le début de l’été que les vacances chez Mamie, « c’est nul ». Elle a mis une application sans faille à s’ennuyer très officiellement tout le temps de son séjour, et n’a jamais manqué une occasion de râler ou de se plaindre.
Le crissement des pneus d’une première voiture sur le gravier de l’allée met heureusement fin à la tension qui s’est abattue sur la tablée.
— Allez c’est bon on se casse, grommelle Théo.
Il se lève à la suite de Clara.
— Je ne vous oblige pas à revenir l’an prochain si c’est si terrible pour vous…
Marguerite, revenue à elle, tient à leur faire savoir qu’elle a bien entendu.
Tandis que les uns et les autres s’éparpillent pour aller chercher leurs bagages et accueillir leurs parents, Mathis tente de rattraper le coup.
— Tu sais Mamie, on voulait seulement…
— Peut-être, mais pas comme ça. Trouves-en une autre pour la prochaine fois. Si tu as l’intention de revenir, du moins, précise-t-elle la voix soudain enrouée.
Le garçon fait le tour de la table pour l’embrasser longuement.
— Évidemment je veux revenir ma petite Mamie Chérie !
Capucine les enlace et glisse :
— C’était merveilleux, comme toujours, merci Mamie. Nous avons tous passé un super été ensemble, c’est la déception de devoir se quitter qui les rend désagréables.
— Moi je veux revenir bientôt !
Joan les a rejoints, son doudou dans une main, son petit sac à dos dans l’autre.
— Évidemment mon poulet, viens là…
Elle se cale plus confortablement pour prendre le garçonnet sur ses genoux, et faire couiner de grosses bises dans son cou, à leur plus grand délice à tous les deux.
*
La cour a enfin retrouvé son calme après ces semaines de rires, de cris et de cavalcades autour de la maison de famille. La chatte grise de la voisine s’aventure prudemment à travers le parterre de verveine pour vérifier si la place est bien dégagée. Capucine a aidé à ranger les chambres, à lancer une série de lessives et étendre les draps en suivant, derrière en plein sud, face au vent qui monte de la combe. Tout est nettoyé, elle rejoint sa grand-mère qui dénoyaute les mirabelles avant de les mettre à cuire en confiture. La chatte surveille chaque mouvement, assise en bout de table.
— Tu ne veux pas en garder quelques-unes pour faire une tarte ? suggère l’adolescente.
— Pour deux seulement ?
— Un petit crumble alors, je te montrerai comment je mets de la poudre de