Au cours des premiers temps à Cassagnac, nous avions reçu peu de nouvelles de mon parrain. Mathilde avait su par sa sœur qu’il était reparti au front en qualité de médecin, comme mon père. Ma mère me rappelait de le citer chaque soir dans mes prières, m’expliquant combien Paul était cher au cœur de mon père. J’accédais volontiers à sa demande, même si je gardais peu de souvenirs de lui, je savais qu’il était mon parrain et qu’il m’avait beaucoup gâté avant la guerre.
Mathilde continuait à correspondre avec Camille, celle-ci avait d’abord insisté pour aider ma mère, elle s’était désolée de la voir « s’expatrier » ainsi au bout du département et s’échiner à instruire ces « paysans de rien du tout », mais maman était fière, décidée, et elle n’avait pas cédé aux prières de son amie. Bien sûr, elle l’avait remerciée. Après la mort de Célestin, la situation avait changé et les deux amies vivaient dans deux mondes différents.
L’une continuait à fréquenter les couturières et les modistes, se rendant à des soupers et des bals, portait des bijoux, avait une voiture, des chevaux, et surtout des domestiques à son service. L’autre devait compter chaque sou dépensé, vivait modestement du fruit de son travail. C’était ainsi et l’on n’y pouvait rien puisque Célestin s’en était allé pour toujours.
Cependant, les deux jeunes femmes continuaient de partager les souvenirs de leurs années de pensionnat, de leurs mariages et de la naissance de