L'oppidum de Bibracte Guide Historique Et Archéologique Au Mont Beuvray D'après Les Documents Archéologiques Les Plus Récents by Anonymous
L'oppidum de Bibracte Guide Historique Et Archéologique Au Mont Beuvray D'après Les Documents Archéologiques Les Plus Récents by Anonymous
L'oppidum de Bibracte Guide Historique Et Archéologique Au Mont Beuvray D'après Les Documents Archéologiques Les Plus Récents by Anonymous
GUIDE DU BEUVRAY
Phrourion Bibrachta, (STRABON, IV, 3.)
Le mont Beuvray, situé à 25 kilomètres d'Autun, occupe la pointe méridionale de la chaîne du
Morvan, à laquelle il n'est relié que par le col de L'Echenaux, placé à 255 mètres au-dessous de sa
cime. Les nombreuses sources auxquelles il donne naissance forment autour de sa base un fossé profond de
20 kilomètres de circonférence; les montagnes, qui sont derrière lui, atteignent les Vosges à l'est et se
prolongent jusqu'aux extrémités de l'Armorique; l'Yonne, affluent de la Seine, naît à ses pieds: le
massif de 800 à 900 mètres d'élévation--dont il occupe un des sommets--forme donc le point
d'intersection des trois principaux bassins de la Gaule centrale: ceux de la Loire, de la Seine et de la Saône.
Sur le faîte de cette montagne, aujourd'hui en partie boisée, s'élevait jadis une des plus importantes
cités de la Gaule: BIBRACTE--la capitale des Ãduens, l'oppidum maximae auctoritatis de César, le
Phrourion Bibrachta de Strabon--dont le nom a persisté dans le Biffractum des chartes et dans celui de
Beuvray.
L'occupation d'une pareille place expliquerait, Ã elle seule, l'influence des Ãduens sur les nations limitrophes.
Bibracte, du haut de ses plateaux, présentait le front à chacune d'elles, et pouvait lancer à son gré des
bandes dans leurs vallées qui s'ouvraient à ses pieds, ou les replier en cas d'insuccès dans ses
retranchements inexpugnables.
Si l'on songe aux conditions physiques où se trouvait la Gaule, à ces guerres permanentes qui faisaient de
ce pays un vaste champ-clos, dans lequel les tribus n'étaient occupées qu'à s'attaquer ou à se
défendre, à soutenir ou à entreprendre des sièges, on doit convenir qu'il n'existe, sur aucun point du
territoire Ãduen, un lieu plus merveilleusement approprié que le mont Beuvray aux exigences d'un état
de choses aussi violent.
Avant de décrire les diverses parties de l'oppidum de Bibracte, mises à jour par les fouilles de ces
dernières années, nous essaierons de retracer brièvement l'histoire de cette forteresse dont la destinée
se liait à celle d'une puissante cité, et qui fut, pendant de longs siècles, l'instrument de son salut et de sa
L'OPPIDUM DE BIBRACTE 1
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grandeur.
La position escarpée de la montagne dut en faire, à l'origine, un refuge pour les populations de chasseurs
et de pasteurs nomades qui occupaient le pays; d'autre part, la fête religieuse des sources du Beuvray fut un
puissant appât pour les industries qui trouvaient en même temps, dans cette position retranchée, la
sécurité indispensable à leur travail, et l'écoulement facile de leurs produits.
Les arts et l'industrie des Gaulois éduens restèrent à l'état rudimentaire jusqu'à l'époque où des
peuples plus civilisés--les Carthaginois et surtout les Marseillais--entrèrent en communication avec eux
par les deux grandes voies fluviales du Rhône et de la Saône.[1]
Il serait difficile de fixer la date de ces premières communications (que l'histoire a enregistrées à une
époque relativement récente); nous savons seulement que, 123 ans avant Jésus-Christ, les Marseillais
mirent les Ãduens en rapport avec Rome et obtinrent pour eux le titre de frères du peuple romain.
A l'époque dont nous parlons (un siècle environ avant l'ère chrétienne) la Gaule était divisée en
clans restreints, sans lien entre eux, sans littérature, et sans art proprement dit, presque sans
écriture--puisqu'il était défendu aux druides de s'en servir pour conserver l'histoire et les dogmes.--Les
Ãduens étaient pourtant en pleine prospérité, sous le rapport matériel. Nous n'en voulons pour
preuve que l'état de l'impôt et les entreprises financières de certains chefs éduens--dont l'un,
Dumnorix, fermier de tous les péages de la cité, ne voyageait jamais sans avoir trois cents chevaux à sa
suite.--L'agriculture était très avancée; l'emploi de la marne et de la chaux pour amender les
terres--invention gauloise ou grecque--avait plus que doublé la fertilité des champs. Aedui calce
uberrimos fecere agros. [2] Quant au bétail, il était nombreux et nourri dans de vastes pâtures,
situées quelquefois dans l'intérieur même des oppidum.
Cet état de prospérité fut sérieusement troublé dans le siècle qui précéda l'ère
chrétienne par les luttes des Ãduens avec les Arvernes, les Séquanais et surtout les Germains, appelés
par ces derniers.
Les Ãduens, trop faibles contre tant d'ennemis réunis, furent écrasés à la bataille de Magetobria, dans
laquelle leur noblesse périt presque toute entière. Il fallut livrer des otages, et payer des tributs onéreux
pour obtenir la paix. Le druide Divitiacus refusa seul de souscrire à l'humiliation de sa cité, et se réfugia
à Rome, où il fut l'hôte de Cicéron. Introduit dans le sénat--il parla debout, à la mode gauloise et par
interprète, appuyé sur un bouclier orné de diverses couleurs--qui pour nous était un bouclier
émaillé.[3] L'éloquence de Divitiacus n'obtint qu'un médiocre succès. Ce n'est que lorsque les
Helvètes menacèrent la province romaine que la sympathie des Romains, éveillée par leur intérêt,
GUIDE DU BEUVRAY 2
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On connaît l'histoire de cette campagne où Bibracte est nommée pour la première fois. César,
manquant de vivres, se détourna de la route que suivaient les Helvètes et prit celle de Bibracte, pour
ravitailler son armée qui était alors distante de cette ville d'environ dix-huit milles--quod a Bibracte...
non amplius millibus passuum XVIII aberat.[4] Les ennemis, croyant que les Romains s'éloignaient d'eux
par crainte, revinrent sur leurs pas, et engagèrent l'action où ils furent--comme on sait--taillés en pièces.
Après cette bataille--dite de Bibracte--les Ãduens, malgré leurs divisions intestines, marchèrent d'accord
avec les Romains. Leur cavalerie, commandée par Divitiacus, combattit même dans leurs rangs au nord de
la Gaule lors de l'insurrection des Rémois.
L'alliance dura jusqu'aux entreprises de Vercingétorix. A ce moment, un parti puissant dans la cité
éduenne cherchait à la détacher des Romains; le vergobret venait d'être élu et il avait fallu
l'intervention de César pour pacifier les esprits et fixer le choix du magistrat suprême, mais la cité n'en
continuait pas moins à être travaillée par des factions rivales. La cavalerie éduenne, sous les ordres de
Litavie et de ses frères, s'étant mise en marche pour rejoindre César au siège de Gergovie, les chefs
résolurent de faire passer leurs troupes non à l'attaque mais à la défense de la place. César,
informé de ces menées, déjoua le complot: Litavie--l'un des auteurs de la conspiration--put seul
échapper aux Romains et passa à l'ennemi--avec son escorte; car, dit l'auteur des Commentaires, il est sans
exemple qu'un client gaulois abandonne son chef en péril de mort.
L'échec des Romains au siège de Gergovie fut un encouragement pour le parti qui leur était hostile, et
l'insurrection s'étendit par toute la Gaule.
Après la levée du siège et tandis que César descendait la rive gauche de la Loire pour rallier Labienus,
Litavie gagna rapidement la route de Bibracte, et fut reçu par les Ãduens:--Litavicum Bibracte ab Eduis
receptum.[5]--Le vergobret et le sénat ne tardèrent point à l'y rejoindre.
César apprit cette nouvelle avec une inquiétude qui perce à travers son style, en dépit de sa concision,
et, comme pour se justifier de ne point marcher sur Bibracte, il prononça ces mots qui marquent bien la
position imprenable de cette forteresse et l'impossibilité d'un siège: Bibracte ... quod est apud cos
oppidum maximae autoritatis.[6]
Au même moment, Vercingétorix accourait aussi à Bibracte pour entraîner définitivement la cité
dans son parti. L'assemblée générale des chefs gaulois y fut convoquée:--Totius Galliae concilium
Bibracte indicitur.[7]
Le chef Arverne, acclamé par la foule, fut placé par l'enthousiasme populaire à la tête de toutes les
forces réunies de la Gaule, malgré l'opposition des chefs éduens, humiliés de voir leur cité
obéir à un étranger. Ils fournirent, néanmoins, leur contingent pour la défense d'Alesia, mais la
conduite de plusieurs d'entre eux, faits prisonniers par les Romains, a laissé subsister des doutes sur leur
fidélité à la cause nationale.
Après la prise d'Alesia, César rendit aux Ãduens leurs prisonniers et vint lui-même hiverner Ã
Bibracte:--Ipse Bibracte hicmare constituit.[8]
Il était occupé à y rendre la justice, lorsqu'il apprit que les Bituriges préparaient une nouvelle
insurrection. Ne voulant pas laisser à l'ennemi le temps d'organiser ses forces, il quitta Bibracte la veille des
kalendes de janvier :--Pridic kalendas januarias a Bibracte proficisitur,[9]--avec une faible escorte de
cavalerie:--cum manu equitatis,--et laissant Marc-Antoine à la garde des bagages, il rallia la XIe légion
campée dans le voisinage:--quae proxiima erat,--et la XIIIe qui occupait la limite entre les Ãduens et les
Bituriges. L'ennemi, pris à l'improviste, fut complètement défait. La conquête de la Gaule était
achevée.
Il ne paraît point que César soit revenu à Bibracte, du moins ni lui ni ses historiens n'en ont fait
mention. La forteresse est nommée encore une fois par Strabon, quelques années plus tard, à une date
difficile à préciser: «Les Ãduens--dit ce géographe--ont une ville, Chalon-sur-Saône, et une
forteresse, Bibracte.»
L'organisation nouvelle donnée à la Gaule par Auguste semble avoir décidé de la suppression de
l'ancien oppidum. Rome ne voulut pas laisser entre les mains d'une population toujours remuante une
forteresse de cette importance qui, à un moment donné, pouvait offrir aux insurgés un point d'appui des
plus solides.
Bibracte fut détruite avec Gergovie et remplacée comme elle par une ville de création romaine. Elles
prirent l'une et l'autre le nom d'Auguste: Augustodunum--Augustonemetum;--et Bibracte fut transportée Ã
Autun, comme Gergovie à Clermont.
Les Romains--ces maîtres dans l'art de coloniser--ont fait usage assez fréquemment du moyen dont nous
parlons, soit pour châtier une cité rebelle, soit pour briser les dernières résistances d'un pays
récemment conquis.
Pausanias cite, entr'autres, un grand nombre de villes grecques qu'Auguste, après la bataille d'Actium,
dépeupla entièrement et dont il transporta les habitants dans d'autres cités, pour les punir d'avoir servi le
parti d'Antoine.
Les anciennes forteresses furent détruites, et les récalcitrants tués, vendus à l'encan, ou transportés
en masse.
Les quartiers industriels de Bibracte, les maisons de bois, les ateliers de forgerons et d'orfèvres ont été
indistinctement brûlés; les maisons en pierres, plus riches, ont été déménagées. Les
matériaux de luxe--tels que les mosaïques--ou simplement utiles--tels que les placages en pierre
calcaire--furent partout enlevés pour être employés, sans aucun doute, dans les constructions
d'Augustodunum.
La nouvelle capitale fut bâtie--selon l'usage romain--avec une rapidité bien faite pour nous étonner,
mais dont la création des cités américaines nous offre encore aujourd'hui l'exemple. «En quelques
mois--dit Viollet-le-Duc--les Romains créaient une ville», et il décrit leurs procédés.
L'intervalle de temps qui sépare l'époque où Strabon cite Bibracte, de celle où apparaît pour la
première fois le nom d'Augustodunum dans Tacite, peut être évalué à un maximum de 25 années.
Les médailles fournissent d'ailleurs sur l'abandon de Bibracte et les commencements d'Augustodunum des
renseignements qui concordent avec ceux de l'histoire.
Parmi les deux mille et quelques monnaies trouvées au Beuvray, les plus récentes sont le petit bronze
frappé en Gaule au revers de l'autel de Lyon et la pièce gauloise de Germanus, fils d'Indutillus, qu'on
regarde comme le petit-fils de l'Indutiomar des Commentaires.
Ces deux types, les derniers en date au mont Beuvray, sont les premiers qu'on rencontre à Autun.[11]
Attirées par la curiosité ou l'intérêt vers le nouveau centre qui réunissait l'administration, les
écoles et le commerce, les populations ne connurent bientôt plus le vieil oppidum que par son pèlerinage
et sa foire.
Eumène, à la fin du troisième siècle, cite Bibracte en passant, une fois encore, et comme à titre de
mention historique. La désignation de Florentia, qu'il ajoute à son nom, semble elle-même indiquer que
cette fête du printemps l'empêchait d'être entièrement oubliée.[12]
Tel ne fut pourtant pas son sort, malgré les invasions barbares, qui portèrent le dernier coup à tout ce qui
se rattachait aux anciens centres gaulois, confondus souvent, par la communauté d'un même désastre,
avec les villes de création plus récente.[13]
Le nom de Bibracte fut conservé à la montagne, et se transforma peu à peu en celui de Beuvray qui--pour
le philologue--est exactement le même.
Au seizième siècle, Gaucher, chanoine d'Autun, parlant de deux de ses amis qui se rendaient au Beuvray
pour la foire du premier mercredi de mai, écrit ces mots: «... qui ibant Bibracte.»
Jean Bouchet, dans ses Chroniques d'Aquitaine, parle de Libracte (sic)... «qui était une petite ville
d'Authun qu'on appelle de présent Beuvray.»
Dans tout le bassin de l'Arroux les registres des paroisses mentionnent à la même époque: La
Comelle-sous-Bibracte, St-Léger-sous-Bibracte, etc.
Le passage que le célèbre jurisconsulte Guy-Coquille consacre au mont Beuvray dans son «Histoire du
Nivernais» est à citer en entier:
«La montagne de Beuvray, en la cime de laquelle était l'ancienne Bibracte, est aujourd'hui en dedans le
duché et pays de Nivernois.
Il est vray-semblable que les plus anciennes villes, bâties après le déluge, ayent été mises
ès-cimes des montagnes, et depuis, à cause de l'incommodité des lieux hauts, ayent été
transférées en lieux plus bas et de plus facile accès; ainsi les habitants de ce haut Beuvray se soient
transférés au lieu ou est de présent Authun, et pour l'honneur d'Auguste César l'ayent nommé
Augustodunum.»
La tradition populaire, qui n'est pas moins explicite, témoignerait à elle-même, par son étonnante
persistance à travers les âges, de la grandeur de l'antique Bibracte, et de sa situation, même en l'absence
de textes écrits et de faits matériels:
«En faisant visiter les terrassements qui enveloppent les différents sommets de la montagne, les paysans
rapportent que: «là était autrefois la capitale de tout le pays... que la nuit on entend les charriots, les
hommes et les chevaux courir sur les retranchements...» Ils montrent l'emplacement des portes qui, lorsqu'on
les ouvrait le matin, criaient sur leurs gonds, de façon qu'on les entendait jusqu'à Nevers.»
Quand l'Histoire est muette, il faut se contenter de la Légende--tel est le cas présent--mais, hâtons-nous
de le dire, celle-ci n'a rien d'invraisemblable; en effet, bien que la première ne nous fournisse aucun détail
sur la fin de Bibracte et les commencements d'Augustodunum, il est fort à croire que la forteresse éduenne
ne fut point anéantie sans qu'il y ait eu quelques résistances de la part de la population indigène. D'un
autre côté, il est à peu près démontré que de graves insurrections--dont les historiens ont à peine
parlé--éclatèrent en Gaule avant le commencement de l'empire, et furent réprimées, avec une
cruauté dont César n'avait que trop donné l'exemple.
Un détail fourni par la numismatique vient à l'appui de notre dire, car il accuse assez nettement
l'impuissante rancune du peuple éduen contre Auguste, patron de la nouvelle cité et destructeur de
l'ancienne.
Sur les lisières d'Augustodunum, dans les quartiers pauvres, voisins des remparts où la population des
ouvriers gaulois semblait avoir été parquée, on a recueilli avec soin une grande quantité de
médailles d'Auguste de tous les modules. Presque toutes ont le cou ou la face marquée d'un trait fait par
un instrument tranchant. Nos antiquaires appellent ces pièces des «Auguste à cou coupé.»
L'usage de mutiler les pièces de monnaie, par haine du maître, date de loin, comme on le voit.
Cette dernière disposition était commandée par la nécessité de s'assurer la possession des sources
et des petits réservoirs établis en aval, dont on a retrouvé les bassins parfaitement corroyés. Sur les
pentes trop ardues pour y élever des habitations, les remparts remontent; ils ont même parfois de deux Ã
trois étages construits, selon la nécessité des lieux, soit pour défendre les chemins, soit pour mieux
garantir certains points plus accessibles.
Le périmètre des fortifications embrasse environ 135 hectares sur une longueur de plus de cinq
kilomètres, non compris les ouvrages avancés.[14]
Les murs, fouillés sur plusieurs centaines de mètres, ont été reconnus exactement conformes à la
description donnée par César de ceux d'Avaricum. Ils étaient formés de grillages superposés en
poutres croisées, reliées entre elles à mi-bois et fixées par des chevilles de 25 à 35 centimètres de
longueur.
Dans les explorations on a retrouvé les trous de poutres et nombre de fiches de fer encore en place.
Elle se composait de deux bastions, entre lesquels passait la voie d'entrée, et dont l'un formait sur celui d'en
face un angle saillant d'environ quarante mètres, du haut duquel on pouvait lancer des traits sur l'ennemi, en
cas d'attaque de la porte.
Cette saillie, dont l'isolement eût pu créer un danger, était défendue elle-même par une espèce de
tour rectangulaire établie de l'autre côté du chemin.
Chacun des deux bastions était lui-même couronné d'une tour en bois dont on a retrouvé les
bases--de 11 mètres de côté--et les débris incendiés.
Un large fossé suivait la ligne des remparts jusqu'aux vallées voisines où il était remplacé par un
terrassement dont la crête formait un chemin de ronde de 8 mètres de large qui longeait le pied de toute la
circonvallation.
L'entrée de l'oppidum--comme dans certains châteaux du moyen âge--formait un couloir plus étroit
que la voie, au fond duquel était le seuil des portes, resserré encore par deux fossés taillés dans le
roc, suivant un profil très régulier. Ces fossés étaient établis pour créer une gêne aux
assaillants et faciliter l'écoulement des eaux.
La surface comprise dans l'intérieur de la couronne supérieure des remparts est partagée en trois
régions bien distinctes, formées par trois plateaux, divisés par des vallées.
Ce dernier, resserré entre deux vallées, forme une esplanade triangulaire au sud de laquelle s'élève un
mamelon analogue à celui du Theureau de la Roche.
TERRASSE.
Ce plateau renferme le Temple, le Forum et le Champ de foire.
Temple et Forum.
Le temple du Beuvray--ainsi que le forum et autres dépendances qui l'entourent--parait avoir été
créé uniquement en vue du pèlerinage et de la foire à l'époque où l'oppidum fut abandonné de
gré ou de force par les populations qui l'habitaient.
Les substructions qu'on rencontre sur son emplacement ont révélé les traces d'installations
antérieures remplacées par l'édifice cité plus haut.[15]
Construit avec la solidité des travaux romains, ce temple était flanqué de trois autres constructions au
nord, Ã l'ouest et au sud.
La partie qui regarde le levant comprenait un très gros mur à hauteur d'appui, qui soutenait tout le
terrassement du plateau et laissait la vue libre de ce côté.
Au nord et à l'ouest étaient des boutiques marchandes; au sud le logement des bestiaux et la boucherie,
dépendance obligée du temple.
Une rangée de boutiquesâ-à l'usage des marchands qui se rendaient à la foire-âlongeait les vieux
côtés de la grande voie, séparée d'elle par un trottoir et un portique couvert.
Le temple était entouré d'un portique semblable à celui des boutiques. Il se composait de deux parties:
d'un pronaós ou vestibule de 7 à 8 mètres de côté, et d'une cella surélevée, plus étroite que le
vestibule auquel elle faisait suite.
Quand le christianisme pénétra dans les montagnes du Morvan, le temple du Beuvray fut transformé
en chapelle; mais la partie la plus ancienneâ-c'est-à -dire le vestibule-âfut seule conservée. La cella, où
étaient les idoles, fut entièrement rasée; car on sait que les premiers apôtres n'admettaient pas que les
sacrés mystères soient célébrés dans le sanctuaire même des fausses divinités.â-On la
remplaça par une abside demi-circulaire précédée d'une partie droite plus étroite que le vestibule,
et l'édifice prit ainsi la forme des basiliques constantiniennes du quatrième siècle.
La maçonnerie des parties reconstruites est irrégulière comme un travail fait à la hâte et par des
ouvriers inexpérimentés; le mortier et les moellons en sont aussi également médiocres.
La tradition populaire attribue cette transformation à saint Martin lui-même, et l'on doit convenir qu'Ã
défaut de preuves elle a au moins pour elle d'assez graves présomptions:
La circonstance qui milite le plus en faveur de l'opinion que nous émettons, c'est que la médaille
romaine--la dernière en date parmi celles trouvées dans cette ruine--est exactement contemporaine de
saint Martin. Cette même médaille était aussi la dernière de celles qui accompagnaient l'ex voto de la
Dea Bibracte trouvé--comme on sait--au fond d'un puits scellé d'une dalle, dans l'enclos du petit
séminaire d'Autun.[16]
Le premier établissement chrétien du Beuvray disparut à une époque difficile à préciser. On sait
seulement qu'au douzième siècle, on éleva sur le même emplacement un nouvel édifice, dédié
TERRASSE. 8
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à saint Martin, qui fut ruiné vers 1570 par les soldats de Coligny, et fit place à une chapelle plus petite
encore; celle-ci s'étant écroulée peu d'années avant la Révolution, ne fut remplacée que par une
simple croix de bois.
Les membres du congrès, informés de ce fait, et soucieux de perpétuer le souvenir du passage de saint
Martin sur le Beuvray, votèrent par acclamation un crédit pour l'érection de la croix de pierre qui se
voit au devant de la chapelle actuelle. Cette dernière fut construite par souscription vingt ans plus tard, et
Mgr Landriot, archevêque de Reims, en posa la première pierre en 1871.
Foire du Beuvray.
L'exploration des terrains autour du temple et du forum a permis--en l'absence de textes écrits--de retracer
l'histoire archéologique de cette foire--la plus ancienne de France et peut-être du monde entier.
Elle se tient encore chaque année, au premier mercredi de mai, sur un vaste emplacement dont la
destination n'a jamais varié depuis l'époque gauloise. On y recueille de nombreuses pièces de cités
appartenant à la Gaule, des silex taillés, des morceaux de hache de bronze, des verroteries, des fibules, des
objets de toilette, des émaux, et enfin toutes espèces de fragments de poteries.
Viennent d'abord les poteries gauloises; la céramique romaine[17]--dont les débris ne se trouvent que
dans les boutiques et aux alentours du champ de foire--fait suite dans cette série par rang d'ancienneté
où elle précède les poteries mérovingiennes, ardoisées, et ornementées de grillages, trouvées
en grande quantité sur le même emplacement.
On arrive ainsi aux poteries carlovingiennes blanches et rayées de rouge, puis à celles du moyen âge et
de la renaissance, et enfin à l'époque moderne.
Les monnaies suivent la même série qui est ininterrompue de Philippe-Auguste (1180) jusqu'à nos jours.
Ainsi,--depuis le temps où l'on taillait des silex pour en faire des flèches--toutes les générations ont
laissé des traces et en quelque sorte gravé leur âge sur ce plateau célèbre. Fait unique en
archéologie: car autant vaudrait, pour un géologue, trouver au même lieu la série complète des
assises terrestres à partir du granit.
A l'époque gauloise, les populations accouraient en foule sur la montagne, attirées non-seulement par la
facilité de la vente ou de l'achat des denrées, mais aussi par la grande fête religieuse qu'on
célébrait à la même époque. Les Ãduens allaient porter leurs voeux--referre vota--à la fée
nationale, la DEA BIBRACTE et jeter dans le bassin de sa source sacrée des oeufs, des pièces de monnaie
ou autres offrandes.
Sous la domination romaine, le Beuvray, malgré l'abandon de Bibracte, n'en fut pas moins le rendez-vous
de toutes les populations d'alentour au moment de sa foire et de son pèlerinage, car les
Romains--contrairement à une opinion reçue--furent très tolérants pour la religion des vaincus, toutes
les fois qu'elle ne touchait point à la politique, et acceptèrent avec la plus grande facilité les génies des
sources et des rivières, les fées des fontaines, les maires..., etc., en un mot toutes les divinités des
Gaulois.
TERRASSE. 9
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Les coutumes religieuses du pays éduen étaient d'ailleurs d'une si grande ténacité que le
christianisme lui-même eut grand'peine à les détruire. Saint Ãloi, au sixième siècle, défendait
expressément de chômer au mois de mai; aujourd'hui encore, nous retrouvons la trace de ces coutumes
dans les pratiques superstitieuses en usage chez les paysans de nos montagnes:
Les nourrices viennent comme autrefois aux sources de la fée Bibracte--sanctifiées par les noms de
Saint-Pierre et de Saint-Martin--se laver le sein avant l'aurore pour obtenir un bon nourrissage et jettent dans
l'eau une pièce de monnaie ou un fromage.
Les hommes vont de même, à l'heure matinale, attacher des cordons de lisière autour de la croix et y
déposer des bouquets composés de cinq espèces d'herbes magiques--à la mode des druides--pour
préserver du mauvais oeil leur bétail ou leurs champs; puis ils s'avancent devant la croix, le dos tourné
vers elle, et jettent derrière leur épaule gauche une baguette de coudrier--l'arbre du mal.[18]
On retrouve dans toutes ces pratiques les restes de traditions communes à tous les peuples issus des plateaux
de l'Asie centrale.
Les forums, au moyen âge, furent détruits à une date inconnue et remplacés par de petites loges
dispersées sur le même terrain.
La foire du Beuvray pendant cette période était non-seulement un rendez-vous religieux, mais aussi
servait de prétexte à ces sortes de plaids, dont César a cité quelques exemples chez les Gaulois.
Les fêtes se terminaient généralement par un tournoi auquel prenait part toute la noblesse des environs.
La foule avant de se livrer aux affaires se rendait à la chapelle où étaient célébrés les offices
religieux, et où l'on faisait des offrandes comme au temps d'Eumène--referunt vota templis.
La foire du Beuvray au seizième siècle est ainsi décrite par Guy Coquille:
«En la dite cime du Beuvray se tient une foire renommée par toute la France ... qui représente
beaucoup d'antiquité car elle se tient chacun an le premier mercredy du mois de may.
«Au temps du paganisme les marchands soulaient sacrifier et faire leurs voeux a Maja déesse fille d'Atlas,
et à Mercure son fils, en ce mois de may, pour avoir leur faveur au trafic de leurs marchandises.
Le mois de may est dit majus, en l'honneur de la dite Maja du temps des Romains, ainsi que dit Ovide au
cinquième livre des Fastes; Mercure était le dieu des marchands comme se voit au prologue de la
comédie de Plaute, Amphytrion. Et on voit encore aujourd'huy que cette foire est à jour de mercredy dit de
Mercure et au mois de may dit de Maja.»
De nos jours, quoique singulièrement déchue, cette foire subsiste encore; elle est même l'occasion, entre
les paysans, de rixes parfois sanglantes, car on s'ajourne au premier mercredi de mai pour vider en champ clos
les anciennes querelles sur le sommet de la Terrasse.
TERRASSE. 10
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Des fouilles pratiquées sur ce plateau, au début des explorations, par M. le vicomte d'Aboville, ont mis
à jour les substructions de plusieurs maisons construites avec un certain luxe, et renfermant même des
mosaïques,--bien qu'on n'y ait trouvé que des médailles gauloises.
On rencontra dans ces fouilles les aqueducs et les premières salles d'une vaste habitation, dont les
proportions dépassent tout ce qui a été découvert jusqu'à ce jour au mont Beuvray.
Cette maison--dite du Parc-aux-Chevaux--est construite sur le plan des maisons romaines, mais nous
n'hésitons pas à l'attribuer aux derniers temps de l'indépendance de la Gaule, car on y a trouvé
quarante médailles gauloises et pas une seule médaille de l'empire.
Elle se compose--comme les maisons luxueuses de l'antiquité--d'un atrium entouré de couloirs ou fauces
qui desservent les appartements distribués sur les quatres faces.
Pendant les trois années qu'ont duré les fouilles de ce vaste bâtiment, on chercha inutilement l'entrée
principale aux trois parties les mieux exposées, sud, est, ouest, et c'est avec surprise qu'à la fin du travail
on la découvrit en plein nord dans des conditions qui prouvent que nos aïeux étaient aguerris contre les
intempéries des saisons et la rudesse de l'Hiems gallica.
On accédait au seuil par des marches de granit conduisant à un petit vestibule couvert, qui débouchait
lui-même sur une cour; d'autres cours s'étendaient à droite et à gauche et étaient entourées de
dépendances considérables.
Les appartements--dans plusieurs desquels on a reconnu des traces de mosaïque, des carrelages carrés et
triangulaires en schiste ou formés par des briquettes posées sur champ et imitant la feuille de fougère,
comme nos parquets, des traces de placage en calcaire oolithique autour des pieds-droits des portes, des
cheminées aux brasseros en briques parfaitement construits...--font de cette maison une sorte de petit palais
dont il nous est impossible de préciser la destination, mais que nous oserions presque attribuer au vergobret
si nous avions l'assurance que ce magistrat suprême--pris dans toutes les parties de la cité
indistinctement--avait à Bibracte une résidence fixe. Dans cette hypothèse, il faudrait admettre que les
Gaulois possédaient des bâtiments publics.
Une belle source, située dans l'arrière-cour, et qui, depuis s'est fait jour par dessous le massif de glaise sur
lequel repose l'habitation, va former la fontaine du Loup-Bourrou, qui sort à 150 mètres plus loin, et
conserve encore aujourd'hui une partie de sa voûte gauloise construite en tuileaux et en terre glaise.
Le bâtiment dont on vient de parler--établi dans une anfractuosité qui le mettait à l'abri des coups de
vent et de la foudre--était adossé du côté du levant aux pentes que coupe la grande voie du Rebout et
situé le long d'une chaussée empierrée, non encore explorée.
Au nord et à l'ouest s'étendent de vastes espaces couverts de ruines, principalement dans le bois dit des
Queudres, et à la pointe du Theureau de la Roche.
Au sud de ce quartier jusqu'à la fontaine Saint-Pierre et même au-delà , les mouvements du terrain
indiquent d'autres ruines où quelques sondages ont été pratiqués: on y a découvert entre autres une
vaste écurie dont les cases--au nombre de quatre-vingts--formées par des poteaux carbonisés, à un
mètre de distance les uns des autres, devaient servir non à des chevaux mais à des boeufs,--pour qui cet
espace était suffisant. L'aire d'une grande cheminée demi-circulaire de 1m 70 de diamètre, composée
d'un béton de tuileaux et de terre glaise dur comme la pierre, de 0m 80 d'épaisseur, a été trouvée
derrière cette écurie.
LE CHAMPLAIN
A droite de l'entrée de l'oppidum s'élève un mamelon triangulaire compris entre le rempart et les
vallées de l'Ãcluse et de la Come-Chaudron.
Une voie longeant le retranchement conduit à un petit plateau rocheux escarpé de trois côtés, et
dominé par un monticule dont il n'est séparé que par une esplanade demi-circulaire.
C'est la pierre de la Wivre. Elle recouvre--suivant la légende--un trésor accessible seulement dans la nuit
de Noël--où la pierre, à l'heure de minuit, fait une révolution sur elle-même.
Le sommet, auquel on accède par une rampe étroite, est rasé à l'avant en forme de siège; à l'arrière
est une excavation ordinairement remplie d'eau pluviale et désignée dans le pays sous le nom de
Fontaine des Larmes. Ces traditions, rapprochées de la disposition singulière du lieu, lui donnent un
intérêt historique qu'il est impossible de méconnaître: la légende du trésor rappelle le locus
consecratus--dont parle César--si fréquent dans les cités gauloises, où les populations déposaient
en plein air leurs offrandes aux génies et aux dieux sous la garde du serpent sacré.[19]
Le plateau, d'autre part--grâce à son escarpement isolé, et son inclinaison sur toutes faces qui facilite
l'écoulement des eaux--se prête mieux que tout autre point de l'oppidum à la réunion d'un corps
délibérant.
Abrité par sa situation de l'oreille des curieux, ce locus consecratus--qui dans toutes les cités antiques
était celui du conseil--est pour nous la salle en plein air du sénat gaulois. Elle pouvait contenir facilement
plus de 500 personnes--chiffre auquel César évalue le nombre des chefs d'une des grandes cités de la
Gaule.
L'hémicycle aplani, dont nous avons parlé, séparé du lieu du concilium par une levée de terre
assez prononcée, était destiné vraisemblablement à loger les chariots des chefs et leurs chevaux, qui,
pendant le conseil--d'après les lois les plus anciennes des tribus celtiques--devaient rester attachés au
piquet.[20]
Toute cette partie de l'oppidum était inhabitée. On n'a rencontré autour du monticule qu'une seule
maison dans laquelle fut trouvé un vase couvert d'ornements gaulois.
LE CHAMPLAIN 12
The Project Gutenberg E-Book L'oppidum de Bibracte by J.-G. Bulliot
Les habitations n'existaient que dans la partie orientale voisine de la grande voie de la Croix du Rebout. La
plupart étaient possédées par des artisans--notamment des fabricants de bronze dont les creusets et les
scories ont été recueillis en grande quantité; on a trouvé de distances en distances des cases
funéraires--renfermant jusqu'à 50 ou 60 amphores--qui appartenaient--ainsi qu'on a pu le constater
depuis--aux différents corps de métier occupant cette région.
Une seule de ces vallées--celle de la Come-Chaudron--a été suffisamment explorée pour qu'on
puisse en parler ici:
Le quartier de la Come-Chaudron, parallèle à celui du Champlain, est situé à gauche de la grande voie,
et se compose d'une partie supérieure légèrement inclinée à l'est et d'une vallée profonde
traversée par un faible ruisseau. Les régions fouillées le plus complètement sont à l'entrée
même de la place et servaient de demeure exclusive à des métallurgistes.
Le premier établissement était une fonderie, où, dans de petits fours bien construits, on extrayait le fer
directement par la méthode catalane. Plus loin, des forges isolées, creusées dans le sol et munies de
buses en terre réfractaire, assez semblables aux nôtres, un grand atelier de forgerons de 47 mètres de
long, de vastes hangars construits avec des charpentes et de la terre battue ont offert partout les débris de la
sidérurgie dans toutes ses variétés. Les habitations, sur la pente de la vallée, enterrées de deux
mètres à l'arrière et de plain-pied à la façade, étaient construites, la plupart du temps, en pisé et en
poteaux fixés dans le sol; les parties enfouies étaient seules en maçonnerie de pierres sans chaux,
quelques-unes même cloisonnées avec de simples planches. C'est dans ces réduits, espèces de
tannières, où le soleil ne pénétrait que par la porte, quand elle n'était point abritée sous un auvent,
que les fabricants de Bibracte exerçaient leurs industries, parmi lesquelles une des plus curieuses est celle de
l'émaillerie. Le travail des émaux, qui confine à l'art, apparut pour la première fois au centre de la
Gaule, avec des dates certaines, lors des fouilles de la Come-Chaudron, en 1869; car, on ne mit point
seulement à jour quelques échantillons isolés, mais tout un centre de fabrication, dont les
ateliersâ-comme dans certaines fouilles de Pompéï-ân'auraient paru fermés que de la veille, si l'état
d'altération d'un grand nombre d'objets n'eût témoigné d'un long séjour au sein de la terre.
Les ustensiles gisaient pêle-mêle, les fours étaient encore remplis de charbon; à côté de
spécimens complètement terminés, on en voyait d'autres à peine ébauchés, d'autres en pleine
période de fabrication; tout autour, des fragments d'émail brut, des creusets de terre, des grès à polir,
une quantité considérable de déchets, des bavures, des rognures provenant de la taille; des coques
vitreuses qui conservaient l'empreinte des dessins du bronze, et, par-dessus tout, le témoin même des
opérations, c'est-à -dire la médaille.[21]
Le procédé, employé par les Gaulois pour émailler les bronzes, diffère peu du travail de la
niellure, dans lequel les populations du Caucase ont excellé de tout temps.
Il consistait à graver des traits ou des dessins sur la pièce à décorer, puis à la recouvrir
uniformément, sur toute sa surface, d'une couche d'émail dont on enlevait ensuite l'excès à l'aide de
pierres de grès et de polissoirs.
Un assez grand nombre de ces émaux primitifs de la Gaule ont été trouvés au Beuvray et
déposés dans les vitrines du musée de Saint-Germain-en-Laye; ce sont--pour la plupart--des bossettes,
des clous-ornements, des fleurons..., etc., en un mot, des objets relatifs à l'attelage et au harnachement,
incisés de tailles profondes remplies d'émail rouge.
Les lignes parallèles ou brisées, les chevrons, les feuilles de fougères et les quadrillés qui composent
le dessin de ces émaux ont un caractère purement gaulois. L'ornementation est la même que celle qu'on
voit figurer sur le bouclier du guerrier gaulois dont la statue est au musée d'Avignon. Il est donc de toute
vraisemblance que les couleurs mentionnées par les écrivains et dont nous avons parlé plus haut
comme resplendissant sur les boucliers des chefs gaulois, n'étaient autres que des émaux.
IV EXTÃRIEUR DE L'OPPIDUM
Nous ne citerons que pour mémoire différentes lignes de retranchements échelonnés sur les flancs
de la montagne.
En-dehors de l'oppidum, quelques plateaux placés sur les contreforts, devaient être occupés au moins en
temps de guerre. Ils n'ont point été explorés.
On sait que dans le système gaulois chaque tribu faisait bande à part. Ainsi César rapporte, qu'autour de
Gergovie, les Gaulois avaient couvert la montagne de camps particuliers: Galli usque ad murum oppidi collem
compleverant.
Ce mode de campement n'a rien que de très naturel, si l'on songe que les oppidum étaient un lieu de
refuge universel et que l'occupation des mamelons était nécessaire pour garantir les abords de la place.
Tels étaient à Bibracte: le mont Glandure au N., le Plat des Gaulx à l'E., le Ceris et le mont Audué au
S. qui forment une longue et étroite chaussée dominant d'une part la vallée de Malvaux, et la route
taillée dans le roc qui longe cette vallée, et de l'autre les voies et passages qui conduisent à l'oppidum
du côté du sud-est.
Cette cuvette qui--selon toute apparence--était l'objet d'une vénération particulière chez les Gaulois a
été transformée, par la légende chrétienne en une empreinte du pas de l'âne de Saint-Martin.
L'apôtre, poursuivi jusqu'en ce lieu par les païens, aurait fait franchir d'un bond à sa monture toute la
vallée de Malvaux, et serait allé s'abattre au Foudon, où l'on montre une autre pierre de Saint-Martin.
Les villageois attribuent à l'eau qui séjourne dans le creux du rocher, la même vertu qu'à celle de la
fontaine St-Pierre. On s'en sert comme d'un préservatif contre les fièvres, et il n'est pas rare d'y rencontrer
des pièces de monnaie, des oeufs ou autres offrandes. Les pauvres seuls ont le droit d'y toucher; car celui
qui, sans nécessité, y porterait la main, prendrait la maladie dont a été guéri le donateur.
IV EXTÃRIEUR DE L'OPPIDUM 14
The Project Gutenberg E-Book L'oppidum de Bibracte by J.-G. Bulliot
NOTES:
[Note 1: L'influence grecque dans les poteries et dans les quelques objets de métal trouvés dans les
fouilles du Beuvray, est tellement évidente qu'il n'est pas possible de supposer aux Ãduens d'autres
instituteurs dans les arts que les Grecs et les Marseillais.]
[Note 2: Ce passage de Pline, quoique postérieur de plus de cent ans à l'époque dont nous parlons, n'en
est pas moins probant, car plusieurs des espèces de marne que cite cet auteur ont des noms gaulois.]
[Note 10: Tandis que le fond de la nation française est de race celtique, la langue française n'a conservé
qu'un nombre insignifiant de mots qui puissent être ramenés à une origine gauloise. Fait bien étrange
et qui mieux encore que l'histoire politique montre combien fut absorbante la puissance romaine. (A. Brachet,
Grammaire historique, p. 21.)]
[Note 11: Celui de Germanus est fort rare et ne se trouve que dans les quartiers pauvres.]
[Note 12: Voir pour la discussion de ce texte le remarquable travail de notre savant collègue, M. Roidot,
président du tribunal d'Autun. (Mémoires de la Société Ãduenne, t. I de la nouvelle série, p. 274.)]
[Note 13: On a identifié quelquefois la forteresse gauloise de Bibracte avec Augustodunum, ville
essentiellement romaine. Edme Thomas, entre autres, n'admet pas que «Bibracte Eduorum ait été
placée sur ce petit désert qu'on appelle Beuvray.» «Si Beuvray était l'antique Bibracte--s'écrie
naïvement le bon chanoine--ne devrait-on pas y retrouver les traces de sa grandeur ... des ruines de temples,
de palais, de théâtres, de portiques, de pyramides, de sépulcres, de colonnes, de statues, d'aqueducs?...
etc.» (Edme Thomas, Histoire de l'antique cité d'Autun. p. 11 de la nouvelle édition.) Les moeurs et les
institutions gauloises mieux connues, l'étude de la numismatique locale, les recherches de la philologie
moderne, l'exploration des retranchements du Beuvray, et surtout les fouilles poursuivies depuis tantôt dix
ans, ont fait justice d'une erreur accréditée par des érudits qui rêvaient de villes gauloises bâties sur
le modèle de Rome et d'Athènes.]
[Note 14: Bibracte est le plus grand oppidum gaulois conçu. Le mur païen de Sainte-Odile (Alsace),
Alexia, Gergovie, ont à peine cent hectares de superficie.]
[Note 15: Ce temple était vraisemblablement dédié à la Dea Bibracte, fée des sources du Beuvray.]
NOTES: 15
The Project Gutenberg E-Book L'oppidum de Bibracte by J.-G. Bulliot
[Note 16: Ce puits était évidemment une cachette où furent déposés par les derniers adorateurs de
la déesse Bibracte les ex voto du temple du Beuvray, lors de sa destruction par saint Martin.]
[Note 17: Parmi les débris de poteries romaines, on en a trouvé un marqué du monogramme du
Christ.]
[Note 18: Voir, pour plus de détails, Le culte des eaux sur les plateaux éduens, par M. J.-G. Bulliot.
(Collection des mémoires lus à la Sorbonne 1867, archéologie, p. 11.)]
[Note 19: Le nom conservé à telle pierre se prête de lui-même à notre interprétation: la wivre est un
serpent fantastique. La Fontaine des Larmes a une signification analogue: dans le Morvan, l'usage de prêter
serment sur certaines pierres paraît avoir existé de tout temps, et l'on admettait jadis que quand un
parjure étendait la main la pierre suintait de l'eau. En Bretagne, les Kerguelvans ou pierres des larmes sont
très communes, et on leur attribue la même vertu. La Fontaine des Larmes se retrouve du reste dans un
grand nombre d'oppidum gaulois, parmi lesquels nous pouvons citer le mur païen de la montagne de
Sainte-Odile (Alsace).]
[Note 20: Le Senchus-Mor, recueil de lois irlandaises dont quelques-unes remontent à deux siècles avant
l'ère chrétienne, porte entre autres: «Celui qui coupe la bride d'un chef pendant le conseil doit payer la
valeur des dommages d'honneur aux sept plus nobles personnages de la réunion.»--«Celui qui mine le
tertre appelé lieu d'assemblée devra remplir de lait le trou qu'il aura fait.»]
[Note 21: Voir pour plus de détails l'Art de l'Ãmaillerie chez les Ãduens avant l'ère chrétienne, par MM.
J.-G. Bulliot et Henry de Fontenay, Autun, 1875.]
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