Ce document présente une revue de littérature sur le management interculturel. Il aborde les aspects généraux de la gestion des ressources humaines et de la culture d'entreprise en tant qu'instruments de gestion de la diversité culturelle. Le document analyse également l'éthique du travail en Roumanie socialiste et postsocialiste en tant que principale différence culturelle affectant les interactions interculturelles dans les entreprises étrangères en Roumanie.
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Ce document présente une revue de littérature sur le management interculturel. Il aborde les aspects généraux de la gestion des ressources humaines et de la culture d'entreprise en tant qu'instruments de gestion de la diversité culturelle. Le document analyse également l'éthique du travail en Roumanie socialiste et postsocialiste en tant que principale différence culturelle affectant les interactions interculturelles dans les entreprises étrangères en Roumanie.
Description originale:
un cas pratique du management interculturel en romanie.
Ce document présente une revue de littérature sur le management interculturel. Il aborde les aspects généraux de la gestion des ressources humaines et de la culture d'entreprise en tant qu'instruments de gestion de la diversité culturelle. Le document analyse également l'éthique du travail en Roumanie socialiste et postsocialiste en tant que principale différence culturelle affectant les interactions interculturelles dans les entreprises étrangères en Roumanie.
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Cross-cultural management in Romania : the case of
foreign direct investments of SMEs
Veronica Mateescu To cite this version: Veronica Mateescu. Cross-cultural management in Romania : the case of foreign direct investments of SMEs. domain stic.educ. Universite Paris-Est, 2008. French. <NNT : 2008PEST0269>. <tel-00469057> HAL Id: tel-00469057 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00469057 Submitted on 1 Apr 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entic research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinee au depot et `a la diusion de documents scientiques de niveau recherche, publies ou non, emanant des etablissements denseignement et de recherche francais ou etrangers, des laboratoires publics ou prives. 1 THSE pour obtenir le grade de Docteur de lUniversit Paris-Est Spcialit : Sciences conomiques prsente et soutenue publiquement par Veronica-Maria MATEESCU le 24 octobre 2008 Le management interculturel en Roumanie : Le cas des investissements directs trangers des PME trangres Cross-cultural Management in Romania: The Case of Foreign Direct Investments of SMEs Directeur de thse Dr. Nathalie FABRY, Matre de Confrences, HDR Membres du Jury : o Pierre DUPRIEZ, Professeur, ICHEC (Bruxelles, Belgique) Examinateur o Nathalie FABRY, MCF, HDR, Universit Paris-Est Directeur de Thse o Xavier RICHET, Professeur, lUniversit de Paris 3 Sorbonne Nouvelle Rapporteur o Ahmed SILEM, Professeur, Universit Lyon 3 Rapporteur
2 Rsum Cette thse, consacre lanalyse du management interculturel, prsente dans la premire partie une revue de la littrature afin dapprhender ltat actuel des recherches dans le domaine du management interculturel. Dans cette perspective, nous abordons les aspects gnraux de la gestion des ressources humaines et de la culture dentreprise, entendus comme des instruments managriaux de gestion des diffrences culturelles dans une organisation (chapitre 2). Dans les chapitres suivants (3 & 4), lanalyse a port sur le discours relatif la diffrence culturelle et sur lthique postsocialiste du travail, entendue comme la principale diffrence culturelle qui affecte les interactions interculturelles dans les entreprises trangres en Roumanie. Ces aspects seront davantage dvelopps de manire applique dans la deuxime partie. Les chapitres de la deuxime partie de la thse sont consacrs, dune part, lanalyse de la gestion de la diffrence culturelle dans des petites et moyennes entreprises (PME) implantes en Roumanie et, dautre part, une proposition dordre mthodologique en vue de ltude du management interculturel en Roumanie. Ces analyses et ces propositions prennent appui sur lidentification des principales pratiques de management interculturel dans les entreprises multinationales (EMN) actives en Roumanie releves chez les managers et employs des EMN et sur trois tudes de cas ralises sur des PME de lindustrie du textile et du bois avec participation italienne au caprftital social.
Mots-cls : management interculturel, Roumanie, diffrence culturelle, thique postsocialiste du travail, entreprises multinationales, petites et moyennes entreprises, avantage de cot, trafic de perfectionnement passif, culture organisationnelle, gestion des ressources humaines.
3 Abstract This thesis, dedicated to the analysis of the cross-cultural management, presents in its first part a literature review in order to comprehend the actual stage of the cross-cultural management research. From this point of view we will approach general aspects of the human resources management and of the organizational culture, perceived as managerial instruments for the management of the cultural differences into an organization (chapter 1). In the following chapters (2 & 3), the analysis concerned the discourse on cultural difference and the post-socialist work ethic, perceived as the major cultural difference that impacts the cross- cultural interactions in the foreign enterprises from Romania. These aspects will be developed from an applied perspective in the second part of our thesis. The chapters of the second part of the thesis are dedicated, on one hand, to the analysis of cultural differences management in the foreign SMEs from Romania, and, on the other hand, to a methodological proposition regarding the study of the cross-cultural management in Romania. These analyses and propositions are based on the identification of the main cross- cultural management practices in the multinational corporations in Romania, through the analysis of the interviews, from the Romanian economic press, with employees and managers of the multinational corporations and on three case studies on SME with Italian participation on social capital, from textiles and wood industries.
Keywords: cross-cultural management, Romania, cultural difference, post-socialist work ethic, multinational corporations, small and medium-sized enterprises, cost advantage, outward processing trade, organizational culture, human resource management.
4 Table des matires Rsum____________________________________________________________________ 2 Abstract ___________________________________________________________________ 3 Table des matires___________________________________________________________ 4 Liste des tableaux et annexes __________________________________________________ 6 Introduction gnrale________________________________________________________ 7 Premire partie : Vers une gestion efficiente des diffrences culturelles au sein des entreprises________________________________________________________________ 18 Introduction__________________________________________________________________ 18 1. Ltat des recherches dans le domaine du management interculturel _________________ 20 1.1. L'enjeu du management interculturel pour les entreprises __________________________________20 1.2. Les volutions au sein du domaine du management interculturel ____________________________35 1.2.1. Le management interculturel un domaine remis en question ________________________35 1.2.2. Le contexte thorique de la constitution du domaine du management interculturel ________40 1.2.3. Les principaux modles axs sur la culture nationale _______________________________45 1.2.4. De nouvelles pistes dans le domaine du management interculturel _____________________63 2. Lapproche interculturelle comme vecteur de changement _________________________ 66 2.1. La gestion des ressources humaines et la diversit culturelle dans les entreprises multinationales ___68 2.2. La culture dentreprise et la diversit culturelle dans les entreprises multinationales _____________81 3. Lthique du travail source de diffrence culturelle ______________________________ 90 3.1. Lthique du travail dans la Roumanie socialiste _________________________________________94 3.2. Lthique du travail dans la Roumanie postsocialiste_____________________________________104 4. Le management interculturel dans la Roumanie post socialiste_____________________ 118 4.1. Un survey de la littrature roumaine sur les pratiques de management lre postsocialiste ______118 4.2. Les pratiques de management interculturel dans les entreprises multinationales implantes en Roumanie__________________________________________________________________________124 Conclusion __________________________________________________________________ 137 Deuxime partie : Une approche empirique du management interculturel en Roumanie143 1. Mthodologie de la recherche applique________________________________________ 143 2. Cadre gnral de lanalyse ___________________________________________________ 153 2.1. Aperu des investissements directs trangers en Roumanie________________________________153
5 2.1.1. Des raisons et formes dinternationalisation des EMN et des PME____________________153 2.1.2. Des repres gnraux sur les IDE italiens en Roumanie ____________________________157 2.1.3. Facteurs dattractivit et obstacles pour les IDE en Roumanie _______________________159 2.2. Analyse territoriale de notre recherche applique________________________________________162 2.3. Analyse sectorielle de notre recherche ________________________________________________165 2.3.1. Lindustrie roumaine du textile et de la confection ________________________________165 2.3.2. Lindustrie roumaine du bois _________________________________________________177 3. Etude de cas : lentreprise X du secteur du textile________________________________ 180 3.1. Lhistorique de la constitution de lentreprise __________________________________________180 3.2. Lanalyse des lments de management interculturel_____________________________________182 3.2.1. Lorientation managriale par rapport la diffrence culturelle ______________________182 3.2.2. Lanalyse de la culture dentreprise ____________________________________________194 3.2.3. Pratiques de gestion des ressources humaines ____________________________________201 3.3. Synthse _______________________________________________________________________207 4. Etude de cas : lentreprise Y du secteur du bois _________________________________ 209 4.1. Lhistorique de la constitution de lentreprise __________________________________________209 4.2. Lanalyse des lments de management interculturel_____________________________________210 4.2.1. Lorientation managriale par rapport la diffrence culturelle ______________________210 4.2.2. Lanalyse de la culture dentreprise ____________________________________________218 4.2.3. Pratiques de gestion des ressources humaines ____________________________________224 4.3. Synthse _______________________________________________________________________231 5. Etude de cas : lentreprise Z du secteur du textile ________________________________ 232 5.1. Lhistorique de la constitution de lentreprise __________________________________________232 5.2. Lanalyse des lments de management interculturel_____________________________________233 5.2.1. Lorientation managriale par rapport la diffrence culturelle ______________________233 5.2.2. Lanalyse de la culture dentreprise ____________________________________________239 5.2.3. Pratiques de gestion des ressources humaines ____________________________________245 5.3. Synthse _______________________________________________________________________251 6. Comparaisons et analyse des pratiques de terrain________________________________ 253 6.1. Les lments de convergence _______________________________________________________253 6.2. Les lments de diffrenciation _____________________________________________________258 6.3. Synthse _______________________________________________________________________261 Conclusion gnrale_______________________________________________________ 266 Bibliographie ____________________________________________________________ 272 Annexes_________________________________________________________________ 292
6 Liste des tableaux et annexes Tableaux : Tableau 1 Les principaux modles des dimensions de la culture nationale_____________________ 46 Tableau 2 Types de stratgies /orientations managriales et leurs implications pour le management interculturel des entreprises multinationales____________________________________
80 Tableau 3 Des facteurs dterminants pour linvestissement ltranger des EMN_______________ 155 Tableau 4 Des repres gnraux sur les IDE italiens en Roumanie___________________________ 159 Tableau 5 Facteurs gnraux dattractivit et obstacles gnraux pour les investisseurs trangers en Roumanie (1991-1 janvier 2007)_____________________________________________
160 Tableau 6 Repres dans le dveloppement conomique dune petite ville de Maramure_________ 164 Tableau 7 Lhistorique de la constitution des entreprises X, Y et Z une approche comparative___ 256
Annexes Annexe 1 Guide dinterview pour les employs roumains (interview semi-structur)______________ 293 Annexe 2 Guide dinterview pour les directeurs/associs roumains (interview semi-structur)______ 295
7 Introduction gnrale
Notre intrt pour le management interculturel en Roumanie a dbut dans le contexte de la transition 1 . Louverture du pays sest traduite par un intrt croissant pour ltude des thories et des pratiques de gestion considres comme des lments facilitateurs pour guider les entreprises roumaines dans leur volution vers lconomie de march. Le savoir-faire et les pratiques de gestion occidentaux devant servir de principaux repres voire des modles suivre et appliquer. Le domaine du management interculturel est peu dvelopp en Roumanie. La littrature roumaine dans ce domaine consiste, le plus souvent, dans la description des diffrents modles et taxonomies emprunts la littrature occidentale. De plus, cette littrature consiste vulgariser, de faon assez alatoire et rductrice, une varit de concepts de management vhiculs par la littrature occidentale. Les interactions culturelles, pourtant importantes en prsence dun grand nombre dinvestissements directs trangers, ne font pas assez lobjet de recherches spcifiques. La question laquelle notre thse essaie de rpondre est : Comment faut-il approcher le management interculturel en Roumanie ? . Notre recherche nous a place devant deux hypothses principales et quelques hypothses secondaires que nous avons essayes de rsoudre.
(H1) Le management interculturel, comme domaine de recherche, peut se dvelopper par ltude (analyse comparative) des units de dimensions raisonnables, qui permettent lanalyse qualitative (spcialement dune manire interprtativiste et poststructuraliste). (h1.1) Le management interculturel gnral peut utiliser encore les modles intgrants, tels que celui propos par HOFSTEDE (1980), mais seulement dans la mesure o
1 La transition est une notion sur laquelle nous aurons loccasion de revenir, en raison de sa non neutralit smantique, par sa nature tlologique (passage du socialisme au capitalisme dmocratique).
8 ceux-ci, par leur notorit, peuvent constituer une base de discussions pour des recherches particularises qui remettent en question ces modles. (h1.2) Linfluence relle des prdterminations culturelles ne peut tre tudie que dans lensemble des rapports stratgiques qui particularisent le sujet approch. (h1.3) Dans le cas de la Roumanie, lthique postsocialiste du travail doit tre prise en compte comme la principale diffrence culturelle qui influence les interactions culturelles.
(H2) Le management interculturel, comme domaine pratique, peut guider les processus de gestion, par lintermdiaire de la gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle, dans la mesure o il y a des analyses des situations relativement similaires celles qui doivent tre rsolues ou dans la mesure o les spcialistes en gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle ont les comptences ncessaires pour produire telles analyses. (h2.1) Les diffrences culturelles sont gres (au moins dune manire intuitive) dans le processus de gestion des ressources humaines et dans le processus de production /reproduction de la culture organisationnelle. Ces outils peuvent tre utiliss, avec plus de succs, sils sont bass sur des comptences de management interculturel ou sil y a de lexprience interculturelle antrieure. (h2.2) Dans le cas de la Roumanie, et aussi dans le cas dautres pays o on peut rencontrer une thique du travail qui contrevient aux prescriptions dune thique protestante du travail prsente dans le management dinfluence anglo-saxonne, les diffrences constates doivent tre utilises. Lalternative, qui prescrit le changement des mentalits , est, dune part, une impossibilit pratique et, dautre part, un facteur nuisible aux relations de travail.
La premire partie de notre thse dbute avec un chapitre ddi ltat actuel des recherches dans le domaine du management interculturel. Il nous permettra de comprendre le contexte de la constitution du management interculturel et les volutions au sein de ce domaine. Ce chapitre mettra galement en vidence lenjeu du management interculturel pour les entreprises. Cette analyse de ltat actuel des recherches en management interculturel offrira le cadre gnral de comprhension et dvaluation des recherches en management interculturel en Roumanie. Le management interculturel sest dvelopp dans les annes 1980 comme un domaine indpendant dtude au sein du management. Pourtant, il nest pas encore un domaine dtude
9 clairement dfini, car on sinterroge encore sur sa nomenclature, sa thorie, sa mthodologie de recherche et ses applications pratiques. Parmi les facteurs qui dterminent ce manque de clart concernant la nomenclature du management interculturel, on peut mentionner la superposition avec la nomenclature dautres disciplines qui tudient le phnomne culturel dans le domaine organisationnel, telles que : le management international, le management compar, le management international des ressources humaines, le marketing international, la ngociation internationale, la communication interculturelle, la sociologie de lorganisation /de lentreprise, la psychologie organisationnelle, le comportement organisationnel etc. Un autre facteur qui contribue au manque de clart concernant la nomenclature du management interculturel est lemprunt de notions issues de lanthropologie, le plus important tant celui de culture . Plus que dautres disciplines qui tudient la culture, le management interculturel est valu par ses rsultats pratiques et par sa capacit de guider dune manire efficace les actions managriales. Ainsi, un des principaux problmes auxquels sont confronts les chercheurs en management interculturel est de donner une dfinition adquate de la culture 2 . Les dfinitions de la culture employes dans les recherches interculturelles dans le domaine organisationnel sont soit trop troites, en ne permettant pas la comprhension de ce phnomne complexe quest la culture, soit trop larges, en incluant des facteurs non culturels. Relie cette question dune dfinition trop large de la culture est celle de la difficult de sparer les facteurs culturels dautres facteurs non culturels qui influencent lactivit et le processus de gestion dune entreprise, une des questions auxquelles le management interculturel tente de rpondre est la mesure et la manire dont la culture influence le processus de gestion dune entreprise. Cette question sinscrit dans la sphre plus large du dbat sur le sujet de la convergence /divergence culturelle. De plus, la difficile dlimitation du domaine du management interculturel est le rsultat dun faible dveloppement de la thorie dans le domaine. Car, mme si ce dernier ne peut plus tre considr ses dbuts, la thorie a t peu affine pendant cette priode. La recherche en management interculturel est domine dune approche dterministe et positiviste de la culture. La principale unit danalyse est la culture nationale, laccent est mis en gnral sur les diffrences culturelles, comprises dhabitude comme des diffrences entre des systmes de valeurs. Une tendance rcente parmi les chercheurs dans le domaine est la remise en question de la thorie et de la mthodologie dominantes en matire de management interculturel. Ainsi,
2 La dfinition de la culture est aussi un dfi pour lanthropologie : KROEBER et KLUCKHOHN (1952) en identifiaient 164.
10 on propose dapporter une lecture capable dexpliquer les diffrentes pratiques de management lintrieur dune culture et de clarifier la signification de la notion de culture . De plus, il semble important doprer un changement de niveau danalyse en passant du niveau de la culture nationale celui des interactions culturelles. On propose galement un changement de mthodologie de recherche, en passant dune recherche quantitative, base en gnral sur le cadre offert par les modles axs sur les dimensions /orientations de la culture nationale, une recherche qualitative de terrain qui permettrait une meilleure comprhension du phnomne culturel tudi. Pourtant, un changement de perspective ne signifie pas une minimisation du rle jou par les recherches bases sur les modles axs sur les dimensions nationales de la culture car celles-ci jouent un rle important en management interculturel. Nanmoins il convient duvrer la reconnaissance et la lgitimit du relativisme culturel dans les sciences de la gestion. Une autre caractristique du management interculturel est le manque dinstruments clairement dfinis et distincts de gestion de la diffrence culturelle. Ainsi, les instruments le plus souvent utiliss dans ce but sont ceux qui appartiennent la gestion des ressources humaines (GRH) et /ou la culture dentreprise, le management interculturel ne bnficiant pas en gnral dune structure distincte (dpartement, division etc.) dans le cadre dune organisation. Le deuxime chapitre de la premire partie de la thse analyse ce rle jou par la gestion des ressources humaines et par la culture dentreprise dans la gestion des diffrences culturelles. Au-del de son rle dinstrument de gestion des diffrences culturelles, la GRH est approche dans la perspective de linfluence de la culture sur ses pratiques spcifiques. Ainsi, la thorie applique concernant la GRH et linfluence de la culture sur les pratiques de GRH est marque par la mme opposition entre convergence et divergence qui est spcifique la thorie gnrale dans le domaine du management interculturel, en existant tant des partisans de luniversalisme des pratiques et des domaines de GRH que des partisans de la spcificit culturelle de la GRH. La culture dentreprise peut tre analyse comme le produit des interactions des membres dune entreprise et aussi comme un instrument managrial. Lanalyse de la culture dentreprise entendue comme le produit des interactions des individus permet la mise en vidence des diffrents conditionnements culturels et non-culturels des individus. Au niveau de lentreprise, les diffrents niveaux de la culture (nationale, rgionale, occupationnelle, de genre, de gnration, organisationnelle) sont en interaction. Lanalyse de la culture organisationnelle est donc une riche source dinformations utiles pour le management
11 interculturel. La perspective de la culture dentreprise comme instrument managrial suppose une action consciente, intentionne du management sur la culture, pour atteindre les objectifs de lentreprise, la culture dentreprise tant mise en relation avec la performance de lentreprise. Ainsi, du point de vue du management interculturel, on peut, par exemple, instrumentaliser la culture de lentreprise afin dobtenir de bonnes performances en termes defficacit et defficience productive par la composition multiculturelle du personnel employ. La culture dentreprise comme instrument managrial pose aussi le problme de la cration/projection stratgique et de lanalyse dune culture dentreprise. Un des modles danalyse est celui par niveaux, propos par SCHEIN (1985) que nous allons utiliser dans notre recherche applique. Nous approchons aussi dautres facteurs qui influencent la GRH et la culture dentreprise dans leur effort de gestion des diffrences culturelles. Ainsi, il y a des facteurs comme le type /stratgie de lentreprise multinationale, lorientation du management du sige social (ethnocentrique, polycentrique, gocentrique conformment la classification de PERLMUTTER, 1969), la stratgie concurrentielle utilise, lexprience internationale dans la gestion des affaires, la rponse donne au dilemme global-local (intgration globale et/ou diffrentiation locale), le risque peru de la technologie et de la culture nationale dune filiale, les caractristiques de lindustrie, les conditions politiques, conomiques, socioculturelles et les exigences lgales etc. qui influencent la manire dapprocher la diffrence culturelle. Tant la gestion des ressources humaines que la culture dentreprise sont approches par leur rle dinstruments de gestion des diffrences culturelles dans les entreprises multinationales. En gnral, la littrature dans le domaine du management interculturel est centre sur lexprience des entreprises multinationales. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet intrt de la recherche interculturelle pour lanalyse des entreprises multinationales : la prsence internationale de longue date des entreprises multinationales, qui les a confrontes depuis longtemps au dfi dun environnement et dune ressource humaine multiculturels ; le pouvoir financier, qui leur a donn lopportunit dinvestir elles-mmes dans des recherches concernant limpact des diffrences culturelles sur leur activit (comme le cas clbre de la recherche faite pour IBM par HOFSTEDE (1980), en qualit de consultant personnel) ; leur pouvoir conomique qui les a rendues plus visibles pour le grand publique, ce qui a entran le dveloppement de pratiques qui prennent en considration la diversit culturelle, le respect pour celle-ci tant un de points trs actuels dintrt gnral etc.
12 Le troisime chapitre de la premire partie de la thse repose sur lthique du travail dans la Roumanie socialiste et postsocialiste. Nous considrons que pour la recherche dans le domaine du management interculturel, lthique du travail doit constituer la principale direction danalyse, parce que le management interculturel suppose la gestion efficiente des diffrences culturelles, les aspects dune culture qui influencent le travail ayant une importance majeure. Dans le cas dun pays en transition, comme celui de la Roumanie, ltude de lthique du travail est mme plus importante pour le management interculturel. Car la fin du rgime communiste a engendr non seulement un changement de systme politique, mais aussi un changement dordre conomique, social et culturel. Le changement dans la sphre du travail a t un des changements les plus importants pour la vie des gens lre postsocialiste. La comprhension de lthique du travail dans la Roumanie postsocialiste est conditionne par la comprhension de lthique du travail dans la Roumanie socialiste. Car lthique postsocialiste du travail est caractrise tant par changement que par continuit par rapport lthique socialiste du travail. Si le changement par rapport lthique socialiste du travail est valoris positivement, les lments de continuit sont en gnral blms ou nis, car on vhicule souvent lhypothse que la persistance des valeurs et des comportements de travail socialistes a jou/joue un rle important dans lobstruction de lavancement conomique du pays dans la priode postsocialiste. Parce que le management gre des faits sociaux et non pas des desiderata (politiques), il nest alors pas possible, pour une gestion efficace et responsable, dignorer le pass qui ne sestompe que difficilement. Cette hypothse est vhicule aussi par la littrature roumaine en management interculturel, qui contribue ainsi la reproduction de la diffrence quon fait au niveau plus gnral de la socit roumaine entre valeurs et comportements de travail socialistes ou capitalistes . Les caractristiques de la littrature roumaine sur la diffrence culturelle lre postsocialiste sont approches dans le quatrime chapitre de la premire partie de la thse. La tendance dominante consiste survaloriser les valeurs et les comportements capitalistes et rejeter ceux tiquets socialistes . Or la dichotomie nest pas aussi simple que cela et nous pensons que lanalyse interculturelle permet dintroduire davantage de subtilits et de nuances. On ne peut construire et installer une conomie de march en faisant table rase du pass. Il faut composer avec les rsiliences historiques et sociales. Cest ce que nous allons dmontrer. En effet, les valeurs et les comportements de travail issus de la priode socialiste sont en gnral rejets car considrs comme responsables de blocages la rforme conomique
13 dans la priode postsocialiste. Le discours acadmique sur la diffrence culturelle comme les croyances des employs et des managers des entreprises (multinationales ou non) voire de la population roumaine tient les valeurs et les mentalits pour responsables des faibles progrs conomiques et les moindres performances des entreprises. Popularise par les mdias, la vindicte de la mentalit roumaine , y compris la mentalit communiste , est devenue la principale manire dexpliquer les problmes conomiques et sociaux de la Roumanie post-communiste. En gnral, la littrature roumaine relative au management interculturel est peu originale et se contente souvent de reprendre les diffrentes notions de la littrature occidentale. Les recherches dans le domaine sont en gnral des essais, plus ou moins fonds mthodologiquement, didentification des dimensions /orientations de la culture nationale roumaine sur la base des diffrents modles. La littrature roumaine dans le domaine du management interculturel semble tre plutt anime par lintention de trouver des modalits pour changer de ralit afin que celle-ci saccorde aux diffrents modles de management occidentaux. Elle nest pas mue par la ncessit de trouver des adaptations de ces modles aux contraintes de la ralit de la transition en Roumanie. La problmatique qui nous anime ici est la suivante : comment utiliser la gestion des diffrences culturelle pour que ces diffrences aient un impact positif sur lefficience conomique et sur les performances des entreprises ? En dautres termes, comment transformer les diffrences culturelles, dabord perues comme des obstacles la croissance des entreprises, en atouts de comptitivit ? Notre position est que nous ne devons pas effacer le pass dun trait et faire table rase du communisme. Il faut composer avec certaines pratiques et habitudes solidement ancres et en introduire de nouvelles. Nous pensons que lthique du travail constitue une diffrence culturelle fondamentale dans le cas de la Roumanie postsocialiste. Au lieu de blmer, il convient dessayer de comprendre cette thique du travail afin de lutiliser au mieux. Au lieu dappliquer des recettes interculturelles importes, on doit se concentrer sur leur adaptation aux contingences locales. Nous rejetons lhypothse dune homognit des pratiques car, en ralit, il y a plusieurs perspectives, toutes de nature culturelle. Pour tudier la manire dont lthique du travail influence les relations de travail interculturelles dans la Roumanie postsocialiste nous avons fait une recherche secondaire sur les pratiques de management interculturel des entreprises multinationales implantes en Roumanie. La recherche secondaire a t base principalement sur des interviews ralises auprs de directeurs gnraux, de directeurs des ressources humaines et des employs qui
14 travaillaient dans des entreprises multinationales en Roumanie, interviews parus dans la presse spcialise. Dans lanalyse des pratiques de management interculturel des entreprises multinationales implantes en Roumanie nous avons suivi aussi le rle jou par la gestion des ressources humaines et par la culture dentreprise dans la gestion des diffrences culturelles, en identifiant la gestion des ressources humaines comme le principal instrument utilis pour la gestion des diffrences culturelles. En gnral, les pratiques de gestion de la diffrence culturelle des entreprises multinationales implantes en Roumanie sinscrivent dans les modles prsents par la littrature spcialise. La spcificit pour la Roumanie serait lexistence de conditions favorables, conomiques et culturelles (la puissance financire des entreprises multinationales, des avantages de cot en tant que facteur principal de lattraction de la Roumanie pour les IDE, le rle de modle des entreprises multinationales pour le monde roumain daffaires, la valorisation positive des valeurs et pratiques de travail occidentales etc.) pour une potentielle orientation ethnocentrique des entreprises multinationales par rapport la diffrence culturelle. La recherche secondaire a indiqu aussi linfluence des facteurs structurels, conomiques, sociaux et lgislatifs sur lapproche de la diffrence culturelle. Lanalyse des pratiques de management interculturel des entreprises multinationales implantes en Roumanie a fourni peu dinformations sur linteraction culturelle, le haut degr de formalisation et de standardisation spcifique aux entreprises multinationales en diminuant lvidence de linfluence de la culture sur les pratiques de gestion. De plus, le type de recherche, bas sur une analyse des sources secondaires, est moins pertinent quune recherche applique pour ltude de linteraction culturelle. La deuxime partie de notre thse repose sur une approche de terrain du management interculturel en Roumanie, qui consiste dans ltude des interactions culturelles dans les PME trangres installes en Roumanie. Notre intrt pour ltude des pratiques de management interculturel dans les PME sest dvelopp graduellement, tant le rsultat tant de lapprofondissement des connaissances dans le domaine que le rsultat de lexprience pratique. Dabord, ltude de la littrature spcialise a attir notre attention sur la concentration des recherches principalement sur les entreprises multinationales, les PME tant des units danalyse en gnral ngliges. Puis, pendant notre premire anne dinscription en thse, notre exprience professionnelle en tant que conseiller en ressources humaines dans le cadre dun projet dont le but tait le conseil et lemployabilit des personnes mises en situation de chercher ou de
15 changer demploi, nous a offert lopportunit de connatre en profondeur, pour une certaine priode de temps, le march de travail roumain. Un assez grand nombre de personnes conseilles avaient travaill dans des PME avec participation trangre au capital social, dont un grand nombre produisaient en systme TPP (trafic de perfectionnement passif). Lexprience, raconte par ces personnes, leurs conditions de travail assez dures dans ces entreprises ont suscit notre intrt pour la spcificit des interactions culturelles dans les entreprises qui sont orientes vers lavantage de cot. Dans la mme priode nous avions dbut notre recherche applique qui, ce temps- l, visait des pratiques de management interculturel dans des entreprises multinationales. Les premiers rsultats obtenus offraient peu dinformations pertinentes sur linteraction culturelle relle, tant dans une trs grande mesure biaiss par la formalisation du discours, lintrieur de lentreprise, sur la diffrence culturelle. Nous avons donc dcid de changer dunit danalyse en nous orientant vers ltude du management interculturel dans les PME. mesure que notre dmarche de recherche avanait, nous avons pu constater quen fait, pour plusieurs raisons, lemploi des PME comme unit danalyse pour les interactions culturelles prsente des avantages par rapport aux entreprises multinationales. Par exemple, les PME sont moins biaises que les entreprises multinationales par le discours sur la valorisation /reconnaissance de la diffrence culturelle qui a transform celle-ci dans les entreprises multinationales en une question de biensance sociale. Aussi, par leurs dimensions plus rduites, les PME offrent lopportunit dtudier plus en profondeur les interactions culturelles, sans discours convenu. De mme, par leur capacit dabsorption de la main duvre sur le march du travail roumain, capacit qui est plus grande que celle des entreprises multinationales, les PME sont plus reprsentatives pour ltude des interactions culturelles. galement, ltude des PME offre la possibilit dtudier la manire dont la gestion efficiente des diffrences culturelles peut se produire en labsence de connaissances formalises et en labsence dinstruments managriaux, tels que la gestion des ressources humaines et /ou la culture organisationnelle, qui permettraient la gestion de la diffrence culturelle. Dans ltude des interactions culturelles au sein des PME, nous avons gard notre intrt pour la manire dont la recherche de lavantage cot influence lapproche de la diffrence culturelle. Par consquent, nous nous sommes concentre sur ltude des investissements dorigine italienne qui prennent le plus souvent la forme des PME, tant concentrs dans des domaines intensifs en travail tels que lindustrie du textile et de la confection, lindustrie du cuir ou lindustrie du bois, les investisseurs italiens tant attirs en
16 Roumanie surtout par lavantage cot (la recherche de lavantage cot est reflte tant par linvestissement dans des domaines intensifs en travail et faible valeur ajoute que par la prfrence des investisseurs italiens pour le systme de production de type TPP). Nous avons tudi trois PME capitaux dorigine italienne, de la mme localit, deux du secteur du textile, qui produisent en systme TPP et une du secteur du bois. Les entreprises ont voulu rester anonymes, leurs noms tant donc remplacs par des lettres : X, Y, et Z. Lapproche de terrain dbute avec une prsentation de la mthodologie de recherche, qui a souffert des changements pendant la recherche, par la ncessit dadapter linstrument danalyse lobjet recherch. Par exemple, notre intention initiale, concernant la mthodologie de recherche, consistait dans lemploi du questionnaire comme le principal instrument de recherche, mais a t modifi la suite des premiers rsultats obtenus. Ainsi, les rsultats pour linfluence de la culture nationale sur les valeurs /comportements de travail et pour la culture organisationnelle taient peu concluants, parce que les rsultats obtenus la suite des interviews contredisaient les rsultats obtenus la suite des questionnaires. Une explication dans ce sens-l tait lintrt manifest de la part des sujets interrogs pour donner des bonnes rponses afin que les rsultats de lenqute soient bons , ce qui avait entran une distorsion dans leurs rponses, les managers des entreprises influenant parfois les rponses donnes et slectionnant les employs pour rpondre aux questionnaires. galement, les rsultats des questionnaires ont t influencs par la pression de la conformit avec les opinions dun certain groupe (une caractristique rencontre au niveau des ouvriers tait la manire collective de rpondre aux questionnaires), par la proccupation pour sauver les apparences ou par la peur dexprimer leurs opinions sur leurs suprieurs hirarchiques. En consquence, nous avons chang de mthode de recherche, en optant pour linterview en dehors de lentreprise, ce qui nous a permis lobtention des rsultats plus significatifs pour lobjet recherch. La deuxime partie prsente galement le cadre gnral de lanalyse de la recherche applique. Cela consiste en un aperu des investissements directs trangers en Roumanie, une analyse territoriale et une analyse sectorielle de lindustrie du textile et du bois. Il sagit dobtenir une meilleure comprhension du contexte plus gnral susceptible dinfluencer les facteurs culturels. Les trois PME retenues sont analyses sparment, puis en comparaison, en suivant des lments de convergence et de diffrenciation entre leurs pratiques de management interculturel. Les principaux lments suivis dans ltude des PME sont : lhistorique de la constitution des entreprises, linfluence de lthique du travail sur le
17 processus de gestion, les pratiques de gestion des ressources humaines et la culture dentreprise. Lhistorique de la constitution des entreprises nous permet didentifier les principaux facteurs dattractivit pour les investisseurs trangers en Roumanie, les prmisses trouves la base des relations de travail, les ventuels changements dans la manire dapprocher la diffrence culturelle de la part de la direction des entreprises et les facteurs qui ont dtermin ces changements (si ncessaire). Les pratiques de gestion des ressources humaines sont analyses tant dans la perspective de linfluence de la culture sur celles-ci que dans la perspective de leur rle dinstrument de gestion de la diffrence culturelle. La culture dentreprise est analyse, en suivant le modle des niveaux de SCHEIN (1985), tant dans la perspective de la culture dentreprise comme le produit des interactions des membres organisationnels, que dans la perspective dinstrument managrial. Le caractre dinstrument managrial de la gestion des ressources humaines et de la culture dentreprise est de plus intressant dans ce cas, les PME nayant pas en gnral de savoir-faire et des pratiques formalises et standardises dans ces domaines. Nous avons suivi aussi la manire dont lorientation des investisseurs vers la recherche dun avantage cot influence les relations de travail et lapproche de la diffrence culturelle. Egalement, nous avons analys linfluence dautres facteurs non-culturels (conomiques, sociaux, lgislatifs, politiques, sectoriels, organisationnels, contextuels, individuels etc.) sur les interactions culturelles. Finalement, nous proposons une analyse dynamique, et non pas seulement une analyse statique, du phnomne tudi. Nous accordons galement une plus grande attention aux recherches petite chelle qui permettent une meilleure comprhension des interactions culturelles et la prise en considration des divers conditionnements de lacteur social parmi lesquels le travail joue un rle important.
18 Premire partie : Vers une gestion efficiente des diffrences culturelles au sein des entreprises
Introduction
La question centrale pose par notre recherche la thorie est comment adapter le management interculturel, de logique anglo-saxonne, la situation de la Roumanie postsocialiste ? . Une question drive est de savoir si pour la Roumanie un modle import est ncessaire ou conviendrait-il plutt de dvelopper un modle spcifique de management interculturel. Le premier chapitre de cette premire partie sera consacr une prsentation de ltat actuel des recherches dans le domaine du management interculturel. Mme si les rsultats de cette revue indiquent des limites du domaine, on doit remarquer limportance gagne par linterculturel dans le domaine du management. Une autre remarque qui simpose est la prfrence des chercheurs pour les entreprises multinationales comme des bases danalyse de linterculturel. Dans le deuxime chapitre, nous approchons la gestion des ressources humaines et la culture organisationnelle comme des outils utiliss dans la gestion de la diffrence culturelle. ce point nous proposons la littrature en management interculturel de faire une distinction plus claire entre le management interculturel et lapproche de la diffrence culturelle. Car, au moins jusqu ce jour, le management interculturel est plutt un cadre danalyse, il na pas ses propres instruments de gestion de la diffrence culturelle. Nous avons constat que, le plus souvent, la littrature en management interculturel prsente des diffrents exemples de gestion de la diffrence culturelle laide des pratiques de GRH et de la culture organisationnelle. Cette distinction entre cadre danalyse et outils de gestion de la diffrence culturelle pourrait rduire la superposition quon fait souvent entre la nomenclature du management interculturel et celle de GRH et de la culture organisationnelle. Lanalyse de lapproche de la diffrence
19 culturelle rvle lutilisation de ces outils de gestion principalement par les entreprises multinationales qui ont tant le savoir-faire que la structure ncessaire. Les deux premiers chapitres expriment trs nettement notre positionnement thorique. Ils indiquent en effet lexistence dun cadre danalyse (le management interculturel) et des outils dapproche de la diffrence culturelle (la GRH et la culture organisationnelle) qui pourraient tre appliqus en tout pays sans distinction. Dans le troisime chapitre nous examinerons dans une premire section dans quelle mesure ce cadre danalyse et les outils de gestion de la diffrence culturelle peuvent tre appliqus en Roumanie. Cette question pourrait tre pose pour tout autre pays. Mais, dans le cas de la Roumanie, il est important de la poser, parce que le pays est en transition et appelle une prise en considration de la possibilit du transfert du savoir-faire et des pratiques de gestion. Ainsi, nous avons prsent les diffrences culturelles qui pourraient influencer le processus de gestion des entreprises en Roumanie. Nous avons essay didentifier si le cadre danalyse propos par le management interculturel gnral qui explique les diffrentes variations dans le processus de gestion par lexistence de diffrences culturelles nationales sapplique aussi au cas de la Roumanie. En suivant la littrature dans le domaine et aussi le discours non acadmique, illustr dans la presse spcialise, nous avons pu constater quen gnral, quand on pose le problme des diffrences culturelles qui affectent le processus de gestion, celui-ci est fait moins en termes des diffrences culturelles nationales et de plus en termes des valeurs et comportements de travail (lthique du travail). Pourtant, lthique du travail napparat pas dans la littrature roumaine en management comme une diffrence culturelle qui influence la gestion dune entreprise. Lthique postsocialiste du travail, par ses lments contradictoires et son caractre changeant, est un lment culturel difficile dfinir et comprendre. Pour comprendre lthique postsocialiste du travail, nous considrons quune dmarche essentielle est la connaissance et la comprhension de lthique socialiste du travail. Car les valeurs et les comportements de travail ont t les principaux sujets de lidologie communiste qui essayait de changer les rapports entre travail et capital. La fin du rgime communiste na pas signifi leffacement des valeurs et des comportements de travail spcifiques cette priode-l. Lthique postsocialiste du travail est caractrise tant par un changement que par la continuit par rapport lthique du travail socialiste. Le troisime point de la premire partie de notre thse est ddi donc lthique socialiste et postsocialiste du travail, en suivant les lments de continuit et de changement.
20 Le cadre danalyse propos par le management interculturel gnral sest rvl peu adquat pour rendre compte de la situation de la Roumanie, une autre diffrence culturelle simposant comme plus importante que les diffrences culturelles nationales : lthique postsocialiste du travail. Le dernier chapitre de la premire partie de notre thse (4) repose sur la manire dont la diffrence culturelle est approche en Roumanie, par les entreprises multinationales, laide des outils de GRH et de la culture organisationnelle. Les rsultats de la recherche secondaire indiquent une concordance entre la manire dutiliser ces outils en gnral et la manire dont ils sont utiliss par les entreprises multinationales en Roumanie. Les entreprises multinationales implantes en Roumanie ne semblent pas prendre en compte lthique postsocialiste du travail comme diffrence culturelle dans le processus de gestion. Pourtant, celle-ci se manifeste, une de ses principales formes tant la valorisation positive de lOuest, qui permet en fait aux entreprises multinationales dutiliser leurs pratiques de gestion, assez standardises et parfois mme tre ethnocentriques, sans tre rejetes par les employs roumains.
1. Ltat des recherches dans le domaine du management interculturel
1.1. L'enjeu du management interculturel pour les entreprises
La prsence des diffrences culturelles dans les relations commerciales nest pas rcente (on peut mme dire quelle date de plusieurs milliers dannes, du premier contact commercial entre des personnes qui provenaient de cultures diffrentes), pourtant elle na pas bnfici pendant une longue priode de lattention des chercheurs, des consultants, des managers et, en gnral, des personnes impliques dans le monde de lentreprise. Do cet intrt si accr (et en constante croissance) pour ltude de limpact des diffrences culturelles sur lactivit des entreprises, intrt qui a donn naissance un domaine dtude indpendant : le management interculturel (MI). Une premire explication serait le changement /lvolution produit(e) dans les conceptions de lentreprise et sur lindividu en tant que membre dune entreprise. Ainsi, lentreprise rationnelle et lindividu peru comme homo oeconomicus ont t remplacs par lentreprise comme un construit par des individus qui sont devenus acteurs, par lentreprise
21 comme systme des liens sociaux et par lentreprise comme lieu dapprentissage de la coopration 3 . De mme, on a dmontr que lentreprise est cratrice de culture et didentit 4 . Ce rle de lentreprise a engendr un intrt croissant pour la culture organisationnelle (culture dentreprise 5 ). Lintrt pour la culture dentreprise doit tre compris dans le contexte conomique et social spcifique pour la priode dmergence de la notion de culture dentreprise (les annes 1970-1980) : la menace des comptiteurs japonais pour les entreprises amricaines, la crise conomique des annes 1980, la restructuration industrielle. Tous ces facteurs ont pos pour le management des entreprises la question de la ncessit de rhabiliter limage de lentreprise par lintermdiaire dune approche plus oriente sur lindividu et de trouver une modalit de mobiliser le personnel employ 6 . La solution a t donne par la culture dentreprise. Le management interculturel et la culture dentreprise doivent tre perus comme fortement relis entre eux, comme nous le verrons plus tard, tant par leur caractre dinstruments managriaux que par leur but final de cration de lavantage comptitif pour lentreprise. Luniversalisme du management a t aussi mis en question par des tudes grande chelle qui dmontraient limpact des diffrences culturelles nationales sur lactivit des entreprises (nous dtaillerons plus loin cet aspect). En mme temps, les entreprises ont commenc accorder une importance accrue la ressource humaine, qui tait perue comme facteur davantage comptitif. Ainsi, ds les annes 1980, limportance stratgique de la ressource humaine est devenue un leitmotiv dans le domaine conomique, la qualit et la mobilisation du personnel ayant tendance se transformer en atouts pour lentreprise dans la mme mesure que le progrs technologique ou une position dominante sur march 7 . En outre, la ressource humaine est de plus en plus importante pour une entreprise lre de l conomie de la connaissance 8 , dans laquelle le capital intellectuel constitue une ressource essentielle. Les notions de capital humain et gestion stratgique des ressources
3 Voir Philippe BERNOUX, La sociologie des entreprises, Paris, Editions du Seuil, 1995. 4 Renaud SAINSAULIEU, Lidentit culturelle au travail. Les effets culturels de lorganisation, 3 e dition, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1988, p. 345. 5 La sociologie des organisations /de lentreprise diffrencie entre entreprise et organisation (Denis SEGRESTIN, Sociologie de lentreprise, Armand Collin, Paris, 1992, p. 72 ; Ph. BERNOUX, op. cit., p. 13). Dans notre thse, nous utiliserons les deux termes comme des termes interchangeables. 6 Denys CUCHE, Noiunea de cultur n tiinele sociale, Institutul European, Iai, 2003, p. 144. 7 Bernard GAZIER, Strategiile resurselor umane, Iai, Institutul European, 2003, p. 21. 8 En mars 2000, le Conseil Europen de Lisbonne a assign lUnion Europenne lobjectif stratgique de devenir l'conomie de la connaissance la plus comptitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance conomique durable accompagne d'une amlioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohsion sociale , le terme tant lanne 2010 (COMMISSION EUROPENNE. DIRECTION GENERALE DE LEDUCATION ET LA CULTURE, Mise en oeuvre du programme de travail "Education et formation 2010" , novembre 2004, http://ec.europa.eu/education/policies/2010/doc/basicframe_fr.pdf, consult le 24 novembre 2006).
22 humaines sont devenus trs populaires parmi les entreprises au moins au niveau de la rhtorique (pour des raisons davantage de rputation, du gain de la lgitimit institutionnelle etc.), leur adoption relle ntant pas toujours garantie 9 . Pour grer cette ressource dune manire efficace et pour quelle constitue une source davantage comptitif, on doit prendre ncessairement en compte, au-del dautres facteurs (conomiques, sociaux, organisationnels, personnels etc.), linfluence de la culture sur le comportement et les valeurs de travail. Aussi, pour rester comptitives dans un environnement de plus en plus concurrentiel, les entreprises ont t menes sur la voie de linternationalisation. Invitablement, cette dmarche dinternationalisation a engendr la confrontation entre les entreprises et la ralit de la diffrence culturelle, bien sr des degrs divers selon le degr dinternationalisation et la forme dinternationalisation choisie 10 . Quel que soit le degr dinteraction, on doit tenir compte de lexistence de la diffrence culturelle, car lomission/la minimisation de son impact sur lactivit de lentreprise pourrait tre gnratrice de rels problmes pour le management des entreprises internationales 11 . Par exemple, une des principales causes dchec /des difficults dans le management des alliances, des joint-ventures, des acquisitions internationales sest avre tre la mauvaise gestion de la diffrence culture. 12 Ainsi, une tude interne effectue par Siebel Systems a indiqu que toutes les acquisitions de cette entreprise avaient chou cause des conflits culturels 13 . De mme, aprs la cration de Daimler Chrysler (en 1998), les diffrences culturelles entre lentreprise dorigine amricaine (Chrysler) et lentreprise dorigine allemande (Daimler-Benz) ont cr des difficults dans les relations de travail, en gnrant des conflits concernant les systmes de compensation, le processus de la prise des dcisions (au niveau des cadres dirigeants), le code dhabillement, lhoraire de travail (au niveau des employs situs sur des niveaux hirarchiques plus bas) etc. 14 . Les lments culturels
9 Somboon KULVISAECHANA, Human capital development in the international organization: rhetoric and reality , Journal of European Industrial Training, Vol. 30 No. 9, 2006, p. 723, la base de donnes Emerald, consulte le 30 juillet 2007. 10 N.-J. ADLER, International Dimensions of Organizational Behavior, quatrime dition, Ohio, South-Western Thomson Learning, 2002, pp. 6-10. 11 Olivier MEIER, Management interculturel, Paris, Dunod, 2004, p. 65. 12 John HARPER, Sylvette CORMERAIE, Mergers, marriages and after : how can training help ? , Journal of European Industrial Training, volume 19, no. 1, 1995, pp. 24-29, http://caliban.emeraldinsight.com/vl=916747/cl=74/nw=1/fm=html/rpsv/cw/mcb/03090590/v19n1/s4/p24. Voir aussi Ren OLIE, Culture and Integration Problems in International Mergers and Acquisitions , dans Terence JACKSON (ed.), Cross-cultural Management, Oxford, Butterworth Heinemann, 1995, p. 310. 13 Gnter K. STAHL, Synergy Springs from Cultural Revolution , Financial Times, 5 octobre 2006, http://www.ft.com/cms/s/de124234-52fa-11db-99c5-0000779e2340.html, consult le 21 dcembre 2006. 14 Ibidem.
23 influencent les comportements quotidiens au travail, modifient les interactions au sein de lentreprise en remettant en cause luniversalisme peru et suppos des pratiques de gestion. 15
Une entreprise peut se trouver, galement, grce la mobilit croissante de la force de travail, face une composition multiculturelle du personnel dans son propre pays dorigine, son besoin de rester comptitive en rclamant aussi la prise en considration de la diffrence culturelle et donc des comptences de management interculturel 16 . Un autre facteur, qui doit tre pris en considration dans leffort de comprendre lintrt accord la diffrence culturelle et son impact sur lactivit de lentreprise, est le fait que ltablissement (establishment) actuel valorise positivement la diffrence culturelle. Par consquent, il y a une tendance gnrale surtout dans lUnion Europenne et aux Etats- Unis de reconnaissance et de prservation de la diversit culturelle. Dans ces conditions, les entreprises multinationales (EMN) qui, par leur taille, par leur pouvoir et par leur contribution lconomie mondiale, sont trs visibles et constituent les cibles les plus accessibles aux critiques du grand public, ont aussi adopt le discours de la reconnaissance de la diversit culturelle. Reconnaissance qui, parfois, reste seulement au niveau des dclarations officielles. Car, mme si le discours formel est celui de reconnaissance de la diffrence culturelle et de son impact positif sur lentreprise, [...] la mise en uvre de ce principe se rsume souvent adjoindre aux oprations de gestion qui restent fondamentalement inchanges un vernis interculturel peu efficace 17 . Pourtant, il y a des EMN qui napprochent pas la reconnaissance de la diversit culturelle seulement comme une opportunit pour donner une bonne image ses parties prenantes (stakeholders), mais comme un lment dimportance majeure pour leurs stratgies daffaires, en liant la conscience culturelle, la stratgie et la performance 18 . Par exemple, des pratiques de gestion assez courantes parmi les EMN sont les programmes de formation culturelle en vue de lexpatriation, les programmes de formation pour le travail en quipes multiculturelles, la rdaction des journaux internes dans les langues des pays o lentreprise a ses filiales etc. prsent, peu dEMN sont restes ancres dans une approche limite /provinciale ou ethnocentrique, car ces approches pourraient affecter leur comptitivit.
15 Pierre DUPRIEZ, Le couple culture et management dans un contexte de transition , dans Pierre DUPRIEZ (coordin.), Entreprises roumaines en transition : tudes de cultures organisationnelles, Collection Mouvements conomiques et Sociaux, ditions LHarmattan, 2005, pp. 25-26. 16 N.-J. ADLER mentionne lexistence dun multiculturalisme domestique (domestic multiculturalism) (N.-J. ADLER, op. cit., pp. 136-138.) 17 Sylvie CHEVRIER, Le management interculturel, Presses Universitaires de France, Paris, 2003, p. 121. 18 Finn Drouet MAJLERGAARD, Release the Power of Cultural Diversity in International Business , p. 1, http://www.clubofamsterdam.com/contentarticles/cross_cultural_competence/Release%20the%20power%20of% 20cultural%20diversity%20in%20international%20business.pdf, consult le 25 novembre 2006.
24 Mme si lintrt pour le management interculturel et pour la gestion de la diffrence culturelle est croissant, la diffrence culturelle et son impact sur lentreprise ne sont pas toujours reconnus et pris en compte. Dans les EMN, les cadres dirigeants ont souvent des perceptions diffrentes sur la diffrence culturelle. Paradoxalement, ayant en vue les raisons de lintrt pour la diffrence culturelle mentionnes ci-dessus qui suggrent les bnfices quune entreprise pourrait obtenir de la prise en considration de la diffrence culturelle, lattitude la plus rpandue parmi les cadres dirigeants est celle de ne pas considrer la diversit culturelle comme une source de bnfices pour lentreprise, mais comme une source de problmes. Nous signalerons une recherche particulirement illustrative de ce type de raisonnement, cest celle qui a t effectue parmi les communauts acadmiques et de management. Elle rvle que celles-ci avaient une meilleure comprhension des problmes poss par le multiculturalisme que de ses avantages, le multiculturalisme tant donc considr comme un problme plutt quune ressource utiliser 19 . La recherche a vis des consultants canadiens (Montral) spcialiss dans le dveloppement organisationnel donc directement concerns par la gestion de la culture et des diffrences culturelles au cas o le dveloppement organisationnel comprend un [] ensemble de technologies conues pour grer et dvelopper la culture dune organisation 20 . On a pos la question de la manire dont ces consultants se rapportaient limpact de la culture nationale et ethnique sur leur organisation et sur leur rle de consultants dans le domaine du dveloppement organisationnel et de la manire dont ils / elles percevaient cet impact (positif, ngatif, bnfique, nuisible etc.) 21 . Les rsultats des entretiens pris dans une premire phase de la recherche ont indiqu que les consultants canadiens dans le domaine du dveloppement organisationnel ne percevaient aucun impact de la diversit culturelle sur leur organisation. Ainsi, deux tiers de ceux-ci considraient quen fait la diversit culturelle navait aucun impact, tandis que, lexception dun seul consultant qui a mentionn un impact positif, les autres consultants rapportaient seulement un impact ngatif de la diffrence culturelle 22 . Mme si les rsultats de cette recherche refltaient la situation existante il y a environ 20 ans, la conception sur la diversit culturelle en tant que source de problmes persiste encore. Ainsi, le plus souvent la diffrence culturelle est perue comme discordance, en considrant que toute diffrence culturelle comporte des effets ngatifs sur les activits
19 N.-J. ADLER, op. cit., p. 42. 20 Nancy J. ADLER, Organizational Development in a Multicultural Environment , The Journal of Applied Behavioral Science, vol. 19, no. 3, 1983, p. 349, http://jab.sagepub.com, consult le 18 fvrier 2007. En original : [] a set of technologies designed to manage and develop the culture of an organization . 21 Ibidem, p. 349. 22 Ibidem, p. 353.
25 organisationnelles et les performances des firmes. Cette conception est encore dominante dans le domaine du management interculturel. 23 Par exemple, on considre que lentreprise multinationale perd de sa cohrence en devenant multiculturelle 24 . Parmi dautres problmes qui sont mis la charge de la diversit culturelle il y a : la croissance de lambigut, de la complexit et de la confusion dans lorganisation, la difficult dobtenir le consensus, des msententes dans la communication etc. 25 Les tentatives de dfinir le management interculturel renvoient aussi la ncessit de dpasser les obstacles, les difficults et les problmes poss par la gestion dune ressource humaine culturellement diffrente. Par consquent, le management interculturel est apprhend, principalement, comme une mthodologie de manipulation des diffrences culturelles perues comme des sources de conflits, de frictions ou de malentendus 26 . Pourtant, nous avons pu remarquer que, progressivement, lide que la diversit culturelle tait source de difficults faisait place celle selon laquelle on pourrait tirer des bnfices de cette diversit culturelle. Cette amorce de changement est perceptible au niveau de la communaut acadmique. Par exemple, le management interculturel est dfini [...] par les questions auxquelles il tente dapporter des rponses : quelles difficults les diffrences culturelles suscitent-elles dans le management des entreprises et, surtout, quelles sont les voies envisageables pour dpasser ces obstacles mais aussi de profiter de la diversit culturelle 27 ou comme tant concern par la construction [...] des articulations entre porteurs de cultures diffrentes afin de minimiser les consquences ngatives des diffrences pour les individus et les entreprises et de bnficier des ressources potentielles quoffre chaque culture 28 . La perception de la diversit culturelle comme une source de problmes pour les entreprises reste donc seulement une des approches possibles de celle-ci. Une autre approche possible, on pourrait dire une approche idale, est celle qui consiste considrer la diversit culturelle comme une ressource utiliser et une potentielle source davantage comptitif. Rcemment, on remarque le dbut dune tendance parmi les chercheurs dans le domaine du
23 Hamid YEGANEH, Zhan SU, Conceptual Foundations of Cultural Management Research , International Journal of Cross-Cultural Management, vol. 6(3), 2006, p. 370, http://ccm.sagepub.com, consult le 19 fvrier 2007. 24 Pierre CONSO, Les stratgies des firmes multinationales , dans Christian DE BOISSIEU (ed.), Les mutations de lconomie mondiale, Ed. Economica, Paris, 2000, p. 85. 25 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 109. 26 Anne-Marie SDERBERG, Nigel HOLDEN, Rethinking Cross Cultural Management in a Globalizing Business World , International Journal of Cross Cultural Management, vol. 2(1), 2002, p. 104, http://ccm.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007. 27 S. CHEVRIER, op. cit., p. 3. 28 Ibidem, p. 4.
26 management interculturel de remettre en question lhypothse de la diffrence culturelle en tant quobstacle et /ou de considrer les diffrences culturelles comme une source davantage comptitif pour les entreprises globales 29 . Parmi les potentiels avantages de la diversit culturelle, on mentionne : des perspectives multiples, un plus haut degr dacceptation des nouvelles ides, une crativit et flexibilit croissantes, une meilleure comprhension des employs locaux, une meilleure capacit dinteraction avec les clients locaux etc. 30 Autres approches possibles de la diffrence culturelle (on pourrait les appeler des approches intermdiaires sur une chelle o les deux ples opposs sont la diversit culturelle comme source de problmes et la diversit culturelle comme source davantage comptitif ) sont : lignorance, la minimisation et la ngation de la diversit culturelle et de son impact sur lactivit de lentreprise. Lignorance de la diversit culturelle peut prendre plusieurs formes et par consquent peut avoir des effets diffrents sur lactivit dune entreprise. Par exemple, une des formes dignorance (ou peut-tre mme de ngation) de la diffrence culturelle est la conception des politiques gnrales des entreprises sans prendre en considration le fait que les employs proviennent de cultures diffrentes 31 . Une autre forme est celle de lignorance de la diffrence culturelle dans le cas des acquisitions et des fusions. Ainsi, une enqute effectue parmi des managers franais et allemands impliqus dans des acquisitions et fusions internationales a indiqu que la majorit des conflits avaient une base culturelle, plus de 50% de ceux interviews dclarant que les diffrences culturelles dans la manire de travail reprsentaient la principale source de tensions au lieu de travail. Mais, selon les dclarations des sujets interrogs, les diffrences culturelles, en dpit de leur rle important pour les relations de travail, ntaient pas perues par les dirigeants du sige central comme importantes 32 . Lignorance de la diversit culturelle peut produire, dans les cas les plus graves, lchec des diffrents projets. Pourtant, elle continue dexister, pour des raisons varies : le management na pas les comptences ncessaires pour reconnatre la diversit culturelle ; le management reconnat la diversit culturelle, mais lui manque les comptences ncessaires pour sa gestion ; la reconnaissance de la diversit culturelle peut produire des problmes plus graves que son omission ; les bnfices attendus de la reconnaissance de la diversit culturelle ne
29 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 370. 30 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 109. 31 Guo-Ming CHEN, William J. STAROSTA, Foundations of Intercultural Communications, Allyn and Bacon, Boston, 1998, p. 215. 32 J. HARPER, S. CORMERAIE, op. cit., p. 25.
27 justifient pas les cots attendus ; le travail, par sa nature, noffre pas lopportunit dobtenir des avantages de lexistence de la diversit culturelle 33 . La minimisation de limpact de la diffrence culturelle sur lactivit dune entreprise peut supposer soit une conception universaliste sur le monde, soit une importance diminue accorde la diffrence culturelle. Ainsi, la minimisation peut se manifester sous la forme de la considration de la diffrence culturelle seulement comme un problme de gestion des demandes lgales ou comme une partie de limage dune entreprise responsable sociale 34 . Par exemple, lemploi des managers locaux pourrait tre considr comme une pratique qui dmontre lintrt de la direction de lentreprise pour la diversit culturelle et mme son orientation polycentrique ou gocentrique. Pourtant, une autre explication serait aussi possible savoir que la lgislation du pays daccueil autorise lemploi dun nombre limit de managers expatris 35 ou demande un certain nombre obligatoire demploys locaux. Par exemple, la lgislation ghanenne prvoit dans le cas des entreprises commerciales impliques exclusivement dans lachat et la vente des biens et qui sont la proprit totale ou partielle des non-Ghanens, ct dune somme minimale obligatoire du capital social ou juridique qui doit tre dorigine ghanenne, lobligation demployer au moins 10 Ghanens 36 . Une autre forme de minimisation de limpact de la diversit culturelle quon peut rencontrer au niveau des entreprises multinationales est celle de labandon des questions lies la diversit culturelle la charge des individus impliqus dans les interfaces culturelles (lexpatri, le membre dune quipe de projet interculturel) 37 . Par consquent, la coordination interculturelle est rduite lajustement mutuel, interpersonnel 38 , nexistant pas une politique officielle cohrente dans ce sens-l. On cre, par consquent, une sorte de kaizen 39 culturel. La minimisation de limpact de la diversit culturelle peut tre aussi le rsultat de lhypothse des dirigeants conformment laquelle la diversit culturelle a un impact ngatif sur lorganisation. Ainsi, on choisira une stratgie de minimisation des sources de diversit culturelle et de son impact sur lorganisation. Les faons dimplmenter ces stratgies de minimisation tant la slection dune main duvre culturellement homogne, et /ou lessai de
33 Richard MEAD, International Management. Cross-cultural Dimensions, Blackwell Publishing, Malden, Oxford, Carlton Victoria, 2005, p. 19. 34 G.-M. CHEN, W.-J. STAROSTA, op. cit., p. 220. 35 R. MEAD, op. cit., p. 361. 36 http://www.belonline.org/business2.htm, consult le 22 dcembre 2006. 37 S. CHEVRIER, op. cit., p. 100. 38 Ibidem, p. 100. 39 Le concept de kaizen (lment spcifique pour le management japonais) suppose des amliorations (changements) graduelles et continues qui peuvent tre effectues par tout employ dune entreprise (http://valuebasedmanagement.net/methods_kaizen.html, consult le 22 dcembre 2006).
28 socialisation (acculturation) de tous les employs selon les modles comportementaux de la culture dominante 40 . La ngation de la diffrence culturelle suppose soit un manque dintrt pour la diffrence culturelle, soit son rejet, parfois agressif. Une des formes illustratives pour la ngation de limpact de la diversit culturelle sur lactivit de lentreprise est la catgorie des perspectives considres contexte faible des auteurs dans le domaine du management et des affaires internationales (nous dtaillerons plus bas cet aspect). Le point commun de ces perspectives est donn par la minimisation de limpact de la distinction nationale sur le management et lorganisation 41 . Lhypothse fondamentale de ces perspectives tant celle dune convergence du management et de lorganisation des entreprises de pays diffrents, convergence qui est rendue possible par lengagement des entreprises dans une conomie qui se globalise et par limpact du changement de technologie 42 . Par exemple, une des principales causes de lchec des missions des managers expatris est leur propension accorder trop dimportance lexpertise technique et scientifique et chercher appliquer des recettes standardises de management sans tenir compte de contexte. Par consquent, les managers sont souvent expatris sans une formation /prparation pralable dacculturation, ce qui affecte leur capacit de sadapter la culture du pays hte, en dterminant ainsi dans une trs grande mesure lchec de la mission dexpatriation 43 . Les problmes dadaptation culturelle constituent la raison la plus souvent invoque par les managers expatris pour justifier leur retour avant que la mission internationale soit acheve 44 . Linvisibilit de la culture pourrait tre une explication des dernires trois approches de la diffrence culturelle, peu de managers pouvant identifier son impact positif ou ngatif sur lactivit quotidienne de leurs entreprises 45 . Et, comme nous lavons dj mentionn, non seulement les managers sont affects par cette ccit culturelle (cultural blindness), mais aussi les consultants dans le domaine du dveloppement organisationnel et les spcialistes dans le domaine du management. Les rsultats de ltude effectue parmi les consultants dans le domaine du dveloppement organisationnel de Montral, tude que nous avons dj mentionne, sont trs illustratifs pour la manifestation de linvisibilit de la
40 N.-J. ADLER International Dimensions, p. 115. 41 John CHILD, David FAULKNER, Robert PITKETHLY, The Management of International Acquisitions, Oxford, University Press, 2003, p. 33. 42 Ibidem, p. 33. 43 Mark MENDENHALL, Garry ODDOU, The Dimensions of Expatriate Acculturation: A Review , dans T. JACKSON (ed.), op. cit., pp. 342-343. 44 Jean Marie HILTROP, Maddy JANSSENS, Expatration: Challenges and Recommendations dans T. JACKSON (ed.), op. cit., p. 357. 45 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 105.
29 culture et de la ccit culturelle . Ainsi, si dans une premire phase de la recherche, les rsultats des entretiens indiquaient que les consultants canadiens ne percevaient aucun impact de la diversit culturelle sur leur organisation, les rsultats des questionnaires qui ont t administrs dans une deuxime phase de la recherche ont t compltement diffrents, la plupart des consultants en percevant limpact de la culture sur lorganisation 46 . Lexplication trouve pour cette diffrence tait le fait que le construit de culture na pas t donn aux interviews, tandis que dans le cas des questionnaires il apparaissait dune manire explicite 47 . On rvle ainsi [] linvisibilit de la culture comme un construit explicatif [] 48 et le manque de conscience (lack of awareness) des consultants dans le domaine du dveloppement organisationnel concernant le construit de culture dans lexplication du comportement organisationnel 49 . Les diffrentes approches de la diffrence culturelle mentionnes ci-dessus se retrouvent dans les types suivants de stratgies de gestion de la diversit culturelle : 1) Lignorance de la diffrence culturelle (cette stratgie drive de la perception de labsence de tout impact de la diffrence culturelle sur lorganisation) ; 2) La minimisation de la diffrence culturelle (cette stratgie drive de la perception de la diversit culturelle comme cratrice de problmes pour lorganisation) ; 3) La gestion de la diffrence culturelle (cette stratgie drive de la perception de la diversit culturelle comme une source tant de problmes que davantages pour lorganisation ; elle suppose la prparation des managers afin quils reconnaissent et utilisent les diffrences culturelles pour crer de lavantage pour lorganisation). 50
Les premires deux stratgies sont les plus communes, en se produisant dune manire en quelque sorte naturelle, tandis que la troisime est plus rarement rencontre 51 . Cette troisime stratgie, appele synergie culturelle (cultural synergy), considre la diversit culturelle comme une ressource essentielle pour toute organisation globale 52 . Les diffrentes approches de la diversit culturelle sont importantes dans la perspective des cots et des bnfices quelles impliquent pour une organisation, car : la diversit culturelle a des impacts potentiels tant positifs que ngatifs ; lapproche
46 Nancy J. ADLER, Organizational Development , p. 356. 47 Ibidem, p. 359. 48 Ibidem, p. 361. En original : [] the invisibility of culture as an explanatory construct []. 49 Ibidem, p. 361. 50 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 114. 51 Ibidem, p. 115. 52 Ibidem, p. 116.
30 organisationnelle de la diversit, et non pas la diversit en soi, dtermine les cots et les bnfices finales de lorganisation 53 . Lapproche organisationnelle de la diversit culturelle et les cots et les bnfices pour organisation qui en rsultent font partie de la sphre dtude du management interculturel. Le management interculturel est mis en relation, le plus souvent, avec lide de la gestion de la diversit culturelle dans le but dassurer la comptitivit dune entreprise 54 . Ainsi, on pose la question des actions que les managers doivent entreprendre dans le but dobtenir des rsultats efficients et efficaces dans des milieux multinationaux et multiculturels 55 et des bnfices conomiques obtenus la suite dune bonne gestion de la diversit culturelle 56 . De mme, on peroit une liaison entre le succs dune entreprise globale et la conscience et la sensibilit culturelle de sa direction 57 . Par consquent, nous considrons quune bonne dfinition du management interculturel serait : la gestion efficiente des diffrences culturelles. lexception des problmes et des bnfices apports une entreprise par une ressource humaine culturellement diffrente, le management interculturel essaye aussi de donner des rponses aux questions telles que : si la culture a de linfluence sur le comportement de travail des individus employs dans une organisation ? Dans quelle mesure le style managrial doit-il tre modifi quand on travaille avec des gens qui proviennent de cultures diffrentes ? Dans quelle mesure la gestion des interactions interculturelles est-elle diffrente par rapport la gestion des interactions culturelles au sein dun groupe homogne du point de vue culturel 58 ? Toutes ces questions montrent la difficult de dfinir exactement le domaine de recherche du management interculturel, dans un contexte o celui-ci nest pas encore une discipline clairement dlimite lintrieur du management 59 , en suscitant des dbats sur sa nomenclature, sur les manires pertinentes de grer la diversit culturelle et sur la notion de culture elle-mme 60 .
53 Ibidem, p. 115. En original: Cultural diversity has both potential advantageous and disadvantageous impacts; the organizations approach to diversity, and not the diversity itself, determines its ultimate costs and benefits. 54 S. CHEVRIER, op. cit., p. 5. 55 Nancy J. ADLER, Cross-cultural Management: Issues to Be Faced , International Studies of Management and Organization, vol. XIII, No. 1-2, M.E. Sharpe, Inc., 1983, p. 41. 56 R. MEAD, op. cit., p. 17. 57 Henry W., LANE, Joseph J. DISTEFANO, Martha L. MAZNEVSKI, Introduction dans Henry W., LANE, Joseph J., DISTEFANO, Martha L. MAZNEVSKI (eds.), International Management Behavior, quatrime dition, Oxford, Blackwell Publishing, 2002, p. 4. 58 N.-J. ADLER, Cross-cultural Management , p. 8. 59 A.-M. SDERBERG, N. HOLDEN, op. cit., p. 103. 60 S. CHEVRIER, op. cit., pp. 6-7.
31 La notion de culture a t emprunte par les chercheurs dans le domaine organisationnel dautres disciplines des sciences sociales, telles que lanthropologie, la sociologie et la psychologie, et sa dfinition a t modifie afin quelle serve aux diffrents intrts et orientations de recherche de ce domaine 61 . Mais, mme si le nombre de dfinitions donnes la culture dans la littrature du domaine du management est trs grand (en gnral, la culture fait lobjet dun grand nombre de dfinitions, KROEBER et KLUCKHOHN (1952) en identifiant 164 dfinitions donnes la culture seulement jusquen 1950 62 ), la plupart de celles-ci chouent dans leur essai de dfinir la culture (celui-ci est un problme plus gnral pour les tudes culturelles), les principales deux tendances tant de donner la culture soit une dfinition trop troite, soit une dfinition trop large et peu claire, qui englobe aussi des facteurs non-culturels (conomiques, sociaux etc.) 63 . Pourtant, mme si les dfinitions abondent, les chercheurs sont peu intresss par les hypothses thoriques incorpores par ces dfinitions, la culture tant perue plutt comme [] un domaine dintrt qui fait rfrence a quelque chose de "flou", dhumain, de non quantifiable, difficile expliquer en termes rationnels et qui a une tiquette de convenance, cest--dire "culture" . 64 Nous considrons que la difficult de dfinir exactement le domaine de recherche du management interculturel drive aussi du fait que celui-ci se superpose avec dautres disciplines. Ainsi, le sujet des diffrences culturelles et de leur impact sur les entreprises est abord galement par : o Le management international/multinational/global : LANE, DISTEFANO, MAZNEVSKI (1998), MEAD (1994), MOCKLER (2002) o Le management international des ressources humaines : ARMSTRONG (1996) SCHULER, DOWLING et DE CIERI (1993), DOWLING et DE CIERI (1998) o Le marketing international : CZINKOTA et RONKAINEN (1987), USUNIER (1992) o La communication interculturelle : BENNETT (1998), GUDYKUNST (2003), GUO- MING et STAROSTA (1998) o La sociologie de lorganisation/de lentreprise : BERNOUX (1995), CROZIER (1963), DIRIBARNE (1989), SAINSAULIEU (1977) o La psychologie organisationnelle : SCHEIN (1985), TRIANDIS (1995)
61 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 365. 62 A.-L. KROEBER, Clyde KLUCKHOHN, Culture. A Critical Review of Concepts and Definitions, Cambridge, Massachusetts, U.S.A., Peabody Museum of American Archaelogy and Ethnology, Harvard University, 1952, p. 149. 63 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 366. 64 A.-M. SDERBERG, N. HOLDEN, op. cit., p. 107. En original : [] an area of interest, referring to something "soft", human, unquantifiable, difficult to account for in rational terms and provided with a label of convenience, namely "culture"
32 o Le comportement organisationnel : ADLER (1982), JOHNS (1996), MULLINS (1995) o La culture organisationnelle : GERHART et FANG (2005), VAN MUIJEN (1999) Cette superposition du domaine dtude du management interculturel avec celui dautres disciplines se reflte aussi dans les dfinitions donnes au management interculturel. Ainsi, le management interculturel est dfini aussi en tant que domaine indpendant dtude quen tant quune extension dautres domaines du management. Un exemple dans ce sens-l est la dfinition suivante donne au management interculturel dans le but de le distinguer par rapport au management international : [le management interculturel est] le dveloppement et lapplication des connaissances sur la culture dans la pratique du management international, dans le cas o les individus impliqus ont des identits culturelles diffrentes. Ces individus font ou non partie de la mme filiale [...] 65 . Cette superposition avec le domaine du management international peut tre interprte aussi dans la perspective du management interculturel comme une discipline acadmique dveloppe lintrieur du management international. 66 Par consquent, linterdisciplinarit du management interculturel peut parfois le transformer, dans une certaine mesure, en un prolongement des domaines avec lesquels sa nomenclature se superpose. Par exemple, la sphre de recherche du management interculturel se superpose dans une certaine mesure avec celle de la gestion internationale des ressources humaines (GIRH), le MI pouvant tre peru comme une extension /branche de la GIRH, qui est oriente sur limpact de la culture sur le management, sur lorganisation et sur le comportement de travail. La sphre de recherche du MI se superpose aussi, dans une certaine mesure, avec celle du marketing international, par lintrt du MI pour comprendre et trouver des modalits efficaces pour travailler avec des clients, des partenaires, des fournisseurs etc. qui proviennent de cultures diffrentes. Un exemple dans ce sens-l est la dfinition suivante donne au management interculturel : [la gestion interculturelle] explique le comportement des individus au sein des organisations qui ont des employs et des clients qui proviennent dun grand nombre de cultures diffrentes [...]elle dcrit le comportement organisationnel lintrieur des pays et des cultures ; et, peut-tre le plus important, elle essaye de comprendre
65 R. MEAD, op. cit., p. 16. En original : the development and application of knowledge about culture in the practice of international management, when the people involved have different cultural identities. These people may or may not belong to the same business unit [...] . 66 A.-M. SDERBERG, N. HOLDEN, op. cit., p. 104.
33 et damliorer l'interaction entre collgues, directeurs, cadres, clients, fournisseurs, et partenaires dalliance qui proviennent de pays et de cultures du monde entier 67 . Lapproche interdisciplinaire est invitable et mme recommande dans le cas de la gestion interculturelle 68 (linterdisciplinarit est une caractristique de la science de la gestion dans son ensemble, sa thorie empruntant dautres disciplines, telles que : conomie, droit, psychologie, psychologie sociale 69 etc.), mme si elle peut parfois gnrer des ambiguts concernant la nomenclature du domaine. Mme si le management interculturel est si complexe et pose tant des questions, il est trop souvent approch au niveau du sens commun. Un exemple dans ce sens-l pourrait tre Au-del du choc des cultures. Dpasser les oppositions pour mieux travailler ensemble , livre crit par Charles HAMPDEN-TURNER et Fons TROMPENAARS. Limpression gnrale donne par le livre est celle dun manuel extensif de training dans le domaine du management interculturel. Pour remdier ce petit inconvnient, les auteurs ont opt pour un style dcriture quils appelaient lhumour srieux 70 . Ce style est caractris par lutilisation de dessins adquats pour les thmes abords, par lanalyse/linterprtation des films clbres et des livres plus ou moins connus et par lappel aux vnements mdiatiques connus. Lappel aux histoires et aux films emblmatiques 71 pour une culture est expliqu par les auteurs du livre ainsi : Une histoire est un moyen trs puissant de transmettre une culture. Dailleurs, elle adopte souvent une structure proche de celle du mythe et de larchtype culturel 72 . Ces histoires et films idalisent leurs valeurs prfres tout en intgrant des valeurs contraires 73 . Tout au long du livre, on est donc accompagn par des films et par des rcits auxquels les auteurs consacrent une partie importante de leur ouvrage (les films sont prsents dans une plus grande mesure que les rcits, en existant mme une rubrique de filmographie, insre aprs celle de bibliographie 74 ). On peut retrouver ainsi la
67 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 11. En original : Cross-cultural management explains the behavior of people in organizations with employee and client population from many different cultures. Cross- cultural management describes organizational behavior within countries and cultures; and, perhaps most important, seeks to understand and improve the interaction of co-workers, managers, executives, clients, suppliers, and alliance partners from countries and cultures around the world. 68 Geert HOFSTEDE (Cultures Consequences. International Differences in Work-Related Values, Volume 5, Cross-Cultural Research and Methodologies Series, Sage Publications, Beverly Hills, London, 1980, pp. 34-35) fait, par exemple, la recommandation dune approche multidisciplinaire dans le cas de toutes les tudes interculturelles (cross-cultural studies). 69 Jacques ROJOT, Thorie des organisations, Ed. Eska, Paris, 2003, pp. 440-441. 70 Charles HAMPDEN-TURNER, Fons TROMPENAARS Au-del du choc des cultures. Dpasser les oppositions pour mieux travailler ensemble , ditions dOrganisation, Paris, 2004, p. XXXI. 71 Ibidem, p. 23. 72 Ibidem, p. 24. 73 Ibidem, p. 23. 74 Ibidem, pp. 411-412.
34 description des films et des rcits tels que Le Train sifflera trois fois de Fred ZINNEMANN vs. Les Misrables de Victor HUGO 75 que les auteurs considrent comme reprsentatifs pour la dimension universalisme-particularisme ; Casablanca et Ikiru (Vivre) dAkira KUROSAWA 76 pour la dimension individualisme-collectivisme ; le roman La lettre carlate de Nathaniel HAWTHORNE et le film La Garonnire 77 pour la dimension vision densemble-vision de dtail ; Le Septime Sceau dIngmar BERGMAN vs. La Ballade de Narayama de Shohei IMAMURA 78 pour la dimension motivation endogne- motivation exogne etc. Les auteurs citent aussi des posies ; par exemple, pour la valeur temps squentiel de la dimension temps squentiel- temps synchronique, sont cits des vers de Chien du ciel du pote victorien Francis THOMPSON 79 . Il semble donc que les diffrences culturelles aient tendance sintgrer la culture gnrale 80 . Mme plus, les recherches structuralistes et fonctionnalistes de lanthropologie culturelle, devenues populaires, ont commenc trouver des applications pratiques en divers domaines, de sciences politiques au management. Un problme est le fait que la vulgarisation de ces recherches anthropologiques a produit souvent des conceptions essentialistes de la culture et des applications en concordance avec ces conceptions. Les prmisses mthodologiques de lanthropologie qui ciblaient linterfrence la plus rduite possible afin que les donnes ne fussent pas biaises, sont devenues souvent des conclusions pratiques pour dautres sciences : on ne peut pas svader dune culture, les cultures ont des frontires claires, les individus sont les porteurs dune culture, lappartenance une culture dfinit les individus et les diffrencie par rapport dautres individus 81 etc. Ces conclusions font partie de ce que les anthropologues daujourdhui appellent essentialisme culturel . On cre ainsi une discordance entre ltude scientifique de la culture et son approche managriale (cette situation est plus visible en Roumanie o la formation managriale peut tre considre en se trouvant encore ses dbuts et, de plus, on essaye de rcuprer le dcalage par rapport lOccident). Le domaine de recherche du management interculturel risque donc de rester seulement au niveau du discours formel. Nous proposons que le domaine bnficie davantage de son interdisciplinarit et quon utilise une autre approche, en
75 Ibidem, pp. 24-30. 76 Ibidem, pp. 96 -104. 77 Ibidem, pp. 163-174. 78 Ibidem, pp. 286-293. 79 Ibidem, p. 328. 80 Veronica-Maria MATEESCU, Au-del du choc des cultures. Dpasser les oppositions pour mieux travailler ensemble compte rendu , Studia Europea, vol. 1, 2006, pp. 336-337. 81 R.-D. GRILLO, Cultural Essentialism and Cultural Anxiety , Anthropological Theory, vol. 3(2), 2003, p. 158, http://ant.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007.
35 particulier par lemprunt non seulement aux notions mais aussi la mthodologie des sciences sociales telles que lanthropologie et la sociologie. Car linterdisciplinarit constitue un plus et non pas un manque pour tout type dapproche, un des exemples les plus illustratifs en la matire tant le cas de lanthropologie culturelle qui a emprunt des notions et des mthodes aux sciences exactes et aux sciences humaines. On doit prciser, pourtant, que lessentialisme culturel, en dpit de ses limites, reprsente un apport important pour ltude des organisations et quil ne faut pas renoncer ltude des diffrences culturelles et revenir lide de one best way qui a domin pour longtemps la thorie et les pratiques de gestion. Mais il faut affiner les recherches interculturelles pour quelles ne tombent pas dans lessentialisme.
1.2. Les volutions au sein du domaine du management interculturel
1.2.1. Le management interculturel un domaine remis en question
Une des tendances de la littrature (relativement) rcente dans le domaine du management interculturel est linterrogation sur son tat actuel. Les principaux aspects approchs sont la thorie, la mthodologie de recherche et les implications pratiques dune certaine approche thorique et /ou mthodologique. La thorie dans le domaine du management interculturel est, en gnral, considre comme faiblement dveloppe par rapport ses dbuts et on parle mme dune approche a- thorique de la recherche dans le domaine 82 . La thorie existante choue dans sa capacit de guider dune manire adquate la recherche et la pratique dans le domaine 83 , une des principales raisons tant la manire dont la culture est approche. Ainsi, la culture est le plus souvent conue dans une perspective essentialiste (comme nous lavons dj mentionn), structuraliste 84 et positiviste 85 , la principale implication de ces perspectives sur la culture tant la ngligence des interactions culturelles qui se produisent lintrieur dune organisation. Car, la perspective essentialiste conoit la culture comme
82 Zeynep AYCAN, Cross-cultural Industrial and Organizational Psychology. Contributions, Past Developments, and Future Directions , Journal of Cross-Cultural Psychology, vol. 31, no. 1, janvier 2000, p. 111, http://jcc.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007. 83 Ibidem, p. 111. 84 Udo STABER, Social Capital Processes in Cross Cultural Management , International Journal of Cross Cultural Management, vol. 6(2), 2006, p. 189, http://ccm.sagepub.com, consult le 19 fvrier 2007. 85 Z. AYCAN, op. cit., p. 117.
36 ayant des frontires clairement dfinies, lappartenance une culture dfinit les individus, qui ne peuvent pas sen vader. Cette appartenance les diffrencie par rapport aux autres individus, porteurs leur tour, dune autre culture (voir GRILLO (2003), cit plus haut). La culture comme structure est perue comme un cadre normatif et dinterprtation pour les expriences individuelles, avec un haut degr de stabilit, ce qui prsume un degr lev de stabilit dans les orientations et les motivations des individus 86 . Lapproche positiviste de la culture prsume sa conception comme un phnomne objectif, qui peut tre mesur, observ et analys dune manire prcise 87 . Par consquent, les chercheurs qui sinscrivent dans cette tendance prtent une attention soutenue la dfinition de la culture, afin que celle-ci soit facile oprationnaliser et donc mesurer 88 . Ces chercheurs prfrent des mthodes quantitatives de recherche. Les rsultats des recherches prennent le plus souvent la forme des modles des dimensions /orientations culturelles. Ces modles sont prfrs parce quils ont lavantage de la simplification et ainsi dune meilleure comprhension de la notion abstraite de culture 89 . Lutilisation des modles est satisfaisante aussi parce quelle offre une combinaison quilibre entre gnral et particulier et cre une liaison entre phnomnes qui tiennent de niveaux diffrents : individuel, de groupe, socital et parce que ces modles sont faciles communiquer 90 . Mais, cette approche fait lobjet dune intense critique. Parmi ses principales limites, on peut mentionner : lutilit pratique rduite dans les relations daffaires et dans la prdiction du comportement organisationnel (dans ces recherches laccent est mis sur gnralisations et lois universelles), une validit externe diminue (laccent est mis sur laccroissement de la validit interne, sur la relation cause-effet), la concentration sur des aspects limits du phnomne culturel et, par consquent, la ngligence de sa comprhension en profondeur 91 . Une des principales questions poses sur la mthodologie de recherche dans le domaine du management interculturel est celle de la manire dont linfluence de la culture sur lorganisation est conue par les chercheurs. Car leur conception dtermine lhypothse de recherche et linterprtation des rsultats. On peut identifier ainsi deux grandes catgories de chercheurs du domaine : ceux qui sont les adeptes de luniversalisme concernant les variations
86 U. STABER, op. cit., p. 189, p. 191. 87 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 362. 88 Monir TAYEB, Organizations and National Culture: Methodology Considered , Organization Studies, 15/3, 1994, p. 430, http://oss.sagepub.com, consult le 15 fvrier 2007. 89 Terence JACKSON, Zeynep AYCAN, Editorial: From Cultural Values to Cross Cultural Interfaces , International Journal of Cross-Cultural Management, vol. 6(1), 2006, p. 6, http://ccm.sagepub.com, consult le 19 fvrier 2007. 90 Z. AYCAN, op. cit., p. 116. 91 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 362.
37 dun certain phnomne (valeurs, attitudes, comportement etc.) travers les organisations trouves aux milieux diffrents et ceux qui considrent ces variations comme le rsultat de linfluence de la culture 92 . La dernire catgorie comprend son tour plusieurs sous- catgories de chercheurs : ceux qui reconnaissent lexistence et le rle de la culture dans lorganisation, mais la considrent comme un inconvnient pour la recherche cause de la difficult de ltudier et par consquent peuvent lexclure comme variable de la recherche 93 ; ceux qui considrent la culture comme un facteur rsiduel et qui dans le cas o il ny a pas dexplications non culturelles pour les diffrences trouves, les attribuent la culture 94 ; ceux qui considrent la culture comme un des facteurs majeurs dans lexplication des diffrences trouves ; et enfin ceux qui considrent la culture comme le facteur fondamental qui tablit le cadre pour la comprhension des diffrences trouves 95 . Ces positions dfendues par les diffrents chercheurs sinscrivent dans le dbat sur la convergence /la divergence culturelle. Ainsi, une recherche effectue parmi les tudes dans le domaine du management et des affaires internationales a identifi deux perspectives fondamentalement diffrentes : les perspectives contexte faible (tudes de convergence) et les perspectives contexte fort (tudes de divergence) 96 . Les perspectives contexte faible luniversalisme conomique, les thories de la technologie, luniversalisme psychologique, et les thories deffets transnationales sont fondes sur lhypothse de la convergence dans gestion et organisation, convergence qui serait le rsultat de : 1) lentre des nations et des entreprises dans une conomie globale caractrise par la recherche de lefficacit et de lutilit ; 2) limpact du changement technologique qui a limin les barrires de communication et dinformation et a produit, en consquence, des besoins similaires darrangements de travail et d'organisation ; 3) lacceptation de luniversalit des besoins humains et des structures de motivation ; 4) la globalisation de la production au sein des entreprises multinationales, ce qui a produit un certain degr de similitude de leurs stratgies et pratiques ; 5) la prmisse que tous les directeurs du monde se confrontent aux mmes dfis comme rsultat dune forte et croissante interdpendance des conomies. 97
92 Meni KOSLOWSKY, Abraham SAGIE, Shmuel STASHEVSKY, Introduction: Cultural Relativism and Universalism in Organizational Behaviors , International Journal of Cross-Cultural Management, vol. 2(2), 2002, p. 131, http://ccm.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007. 93 M. TAYEB, op. cit., p. 433. 94 Ibidem, p. 434. 95 Ibidem, p. 443. 96 J. CHILD, D. FAULKNER, R. PITKETHLY, op. cit., p. 32, p. 33. 97 Ibidem, pp. 33-39.
38 la diffrence des approches contexte faible , les approches contexte fort la thorie culturelle et la thorie institutionnelle sont fondes sur lhypothse de la divergence dans la gestion et lorganisation, divergence rsultant de linfluence de la culture sur les diverses pratiques de gestion, influence qui produit des caractristiques nationales spcifiques au management, et sur lhypothse que la gestion et les affaires ont des bases institutionnelles diffrentes dans chaque socit 98 . La position de la divergence culturelle est remise en question pour des raisons tant thoriques que mthodologiques. On sinterroge ainsi sur la primaut de la culture par rapport dautres facteurs dans la prdiction des comportements des individus dans une organisation. On pose galement la question du manque dune thorie adquate sur la pertinence de la culture pour le management et les organisations, parce quil y a des aspects qui ne sont pas clairs, tels que : quels sont les traits organisationnels dtermins par la culture ? Quelle est limportance de la culture par rapport dautres facteurs : conomiques, technologiques, politiques etc. 99 ? La sparation de la culture par rapport dautres facteurs qui peuvent dterminer des diffrences entre les organisations travers le monde est une des questions importantes pour la recherche interculturelle en management. Une des raisons de cette difficult de sparer la variable culture par rapport dautres variables dcoule des difficults lies la dfinition de la culture. Ainsi, celle-ci est dfinie soit dune manire trop troite, soit dune manire trop large, en incluant aussi des facteurs non-culturels (conomiques, sociaux etc.). Pour leur part, certains chercheurs considrent quil y a autant de forces universelles que de diffrences culturelles qui influencent les individus et les processus organisationnels, dterminant ainsi des variations entre les organisations dans le monde. Ces chercheurs 100 ont une approche mixte de la question de luniversalisme et du relativisme culturel, en partant de lhypothse de lexistence dun certain essentiel commun , qui est universel, donc stable et transfrable dune culture lautre et des lments qui diffrent dun groupe culturel lautre 101 . Lintrt pour la sparation de la culture dautres facteurs non culturels qui influencent les structures et les pratiques organisationnelles nest pas rcent car des tudes comparatives
98 Ibidem, pp. 39-44. 99 Ibidem, p. 41. 100 Voir M. KOSLOWSKY et all, op. cit., p. 133, M. TAYEB, op. cit., p. 440, Sanjay T. MENON, Introduction to ISSWOV Special Section Cultures Consequences for 21st Century Research and Practice , International Journal of Cross-Cultural Management, vol. 4(2), 2004, p. 138, http://ccm.sagepub.com, consult le 21 juillet 2007 et aussi Harry C. TRIANDIS, The Study of Cross Cultural Management and Organization: The Future , International Journal of Cross-Cultural Management, vol. 1(1), 2001, p. 18, http://ccm.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007 101 M. KOSLOWSKY et all, op. cit., p. 133.
39 se sont penches sur cet aspect ds le dbut des annes 1960 102 . Ainsi, parmi les thories les plus connues concernant lapproche non culturelle on peut trouver : la thorie de la contingence (parmi les principaux thmes de cette thorie, on peut rencontrer : leffet homognisateur de lindustrialisation pour les organisations travers le monde ; lautomatisation et le progrs technologiques transformeraient les relations sociales et les attitudes envers travail ; les lments contextuels, tels que : la dimension de lorganisation, lindustrie, la dpendance par rapport dautres organisations, sont les principaux facteurs dterminants de la structure dune organisation ; les pratiques et les processus organisationnels varient en fonction dun de trois stades de dveloppement o se trouve une organisation, qui varient de petite jusqu internationale 103 ) ; la thorie politico-conomique, qui considre que linfluence majeure sur une organisation est celle de la nature du systme socioconomique (y compris le capitalisme et le socialisme) dun pays ; et finalement lapproche de leffet socital qui met laccent sur la manire dont une organisation est constitue socialement par son environnement, en soulignant particulirement le rle du systme ducationnel, du systme des relations industrielles et de lEtat 104 . Le dterminisme et la sous-estimation du rle de la culture 105 sont quelques unes des critiques apportes ces thories. Ultrieurement, les thories qui considrent la culture comme le principal /le seul facteur responsable des variations dans la structure et les processus organisationnels, au dtriment des facteurs non-culturels, ont fait lobjet de mmes critiques. Une troisime approche sest ainsi dveloppe, en direction de la reconnaissance de linfluence de la culture sur les structures, sur les processus organisationnels et sur le comportement de travail. Ce cadre danalyse prend aussi en considration le fait que la signification et linfluence de la culture sont variables et quelles ne peuvent tre prvues avec prcision ni calcules sans prendre en compte dautres facteurs tels que : les facteurs conomiques, les milieux sociaux et daffaires, le secteur dactivit, les intrts de lorganisation, les personnalits des individus impliqus etc. 106 Une sparation plus claire entre les facteurs culturels et non-culturels qui influencent une organisation reste pourtant ncessaire, un point de dpart pouvant tre celui dune dfinition de culture qui ne soit ni trop troite, ni trop large.
102 Z. AYCAN, op. cit., p. 111. 103 Ibidem, pp. 111-112. 104 Ibidem, p. 112. 105 Ibidem, p. 113. 106 R. MEAD, op. cit., p. xi, p. 7 et Jean-Claude USUNIER, Marketing Across Cultures, (troisime dition), Financial Times Prentice Hall, Harlow: England, London, New York, 2000, p. 3.
40 1.2.2. Le contexte thorique de la constitution du domaine du management interculturel
Mme si ce dbat sur linfluence de la culture est prsent si vivace, pour longtemps, dans lhistoire de la science de la gestion et de la thorie des organisations, elle a t compltement ignore, les chercheurs dans ces domaines tant intresss notamment par lidentification de one best way pour la gestion des organisations, mme si les intrts de recherche taient de nature diffrente (les thories traditionnelles, la thorie des relations humaines). On peut considrer que la voie pour la prise en compte de limpact de la culture sur lorganisation a t ouverte par les thories de la contingence structurelle, les premires qui remettaient en question, mme si seulement partiellement, lide de one best way dans la gestion dune entreprise et qui posaient la question de lexistence dune relation entre organisations et leur environnement 107 . Cette voie ouverte par la contingence structurelle na pas t pourtant dveloppe que plus tard en direction de lidentification dune relation entre organisations et culture, les intrts des chercheurs en suivant des voies diffrentes : le comportement de lindividu dans lorganisation et ses raisons, les relations entre individu et organisation, lindividu en tant quacteur, le pouvoir, la hirarchie, les mcanismes dintgration sociale, les raisons dapparition des entreprises etc. Ce parcours sinueux a nanmoins conduit un claircissement graduel concernant la question de la relation entre environnement et organisation (les organisations conues comme systmes ouverts, lenvironnement agi , lcologie, lcologie des populations dorganisations, la dpendance de ressources des organisations pour en mentionner seulement quelques unes des plus importantes et des plus rcentes thories qui posent la question dune relation entre environnement et organisation). Lenvironnement est soit compris dune manire gnrale (voir lanalyse PESTEL), soit rduit lenvironnement immdiatement proche une organisation, la culture comme une composante de lenvironnement en apparaissant seulement dune manire tangentielle. Si la culture apparaissait dans ces thories, elle tait approche surtout dans la perspective de son influence sur le comportement de lindividu dans lorganisation, mais ce sujet, son tour, ntait pas approfondi. En revanche, avec le dveloppement des thories no-institutionnalistes, la question de linfluence de la culture (qui est indniablement incluse dans lenvironnement) et de la relation entre organisation et socit devient plus claire (plusieurs auteurs
107 J. ROJOT, op. cit., p. 87 passim.
41 institutionnalistes posent un signe dgalit entre institutions et effets culturels ou historiques, tandis que dautres font la diffrence entre culture et institutions 108 ). Dans les annes 1970- 1980, les thories qui prenaient en compte la culture et son influence sur les entreprises entraient dune manire claire dans la sphre dintrt des chercheurs dans le domaine organisationnel qui, ce temps-l, sinterrogeaient sur les changes /relations tablis(es) entre entreprise et socit. Dans les annes 1970, apparaissaient des thories managriales qui posaient la question de la diversit dans lorganisation, dans la gestion et dans la motivation des individus, en fonction de pays. Une des thories apparues ce moment-l et qui est devenue une des plus connues, comme nous le verrons plus tard, tant celle de Geert HOFSTEDE 109 . Cet auteur a clairement rvl lexistence dune relation entre culture et organisation et a remis en question lethnocentrisme dominant des tudes interculturelles quil tenait pour responsable du faible dveloppement du domaine 110 . Avant que la relation entre organisations et culture soit tudie dune manire explicite, les recherches sont premirement concentres sur linfluence de la socit globale sur les organisations. Une des recherches considre comme fondamentale pour la constitution du courant de lanalyse socitale est celle effectue en 1982 par Marc MAURICE, Franois SELLIER et Jean-Jacques SILVESTRE 111 . Selon SILVESTRE, les organisations industrielles ne tendent pas vers des modles universels parce quelles tendent reproduire et renforcer des patterns produits par linteraction spcifique leurs activits 112 . Les diffrences sont vues comme le rsultat de leffet socital, compris comme le rsultat de la combinaison de plusieurs lments qui diffrent en fonction de socit, tels que le salaire, la structure hirarchique, le systme de formation, lorganisation industrielle et le systme des relations de travail. On ne cherche pas dexplications pour ces diffrences dans lhistoire et dans la culture des pays 113 . Une autre tude qui confirmait ce temps-l lexistence de leffet socital et de son influence sur les organisations tait celle dErhard FRIEDBERG et Christine MUSSELIN (1989), dans une comparaison faite entre les systmes
108 Pour dtails sur cette diffrence, voir ROJOT, op. cit., pp. 427-429. 109 Denis SEGRESTIN, op. cit., p. 186. 110 Daniel BOLLINGER, Geert HOFSTEDE, Les diffrences culturelles dans le management. Comment chaque pays gre-t-il ses hommes ?, Les ditions dOrganisations, Paris, 1987, p. 43. 111 J. ROJOT, op. cit., p. 457. 112 Franois EYRAUD, David MARSDEN, Jean-Jacques SILVESTRE, Occupational and Internal Labour Markets in Britain and France , International Labour Review, vol. 129, no. 4, 1990, p. 502, la base de donnes PROQUEST, consulte le 12 mai 2008. 113 Denis SEGRESTIN, op. cit., p. 186, p. 187, p. 188.
42 universitaires de France et de lAllemagne qui rvlait la distance existante entre les deux systmes universitaires, cause des traditions culturelles et institutionnelles de ces pays 114 . La reconnaissance de limportance des diffrences nationales pour les formes de dveloppement industriel et pour les mthodes de gestion est graduellement ne, en bnficiant dune quasi-unanimit parmi les sociologues, les conomistes et les spcialistes de gestion, parmi les thoriciens et les praticiens de lentreprise 115 . Cest ainsi que dbute la recherche dexplications substantielles de lorigine des diffrences entre les pays compars, lexplication de leffet socital tant considre comme insuffisante. Un chercheur qui ce temps-l dclarait dune manire claire son intention de dpasser leffet socital tait Philippe DIRIBARNE (1989) qui expliquait les diffrences entre pays en tenant compte de leur processus de management ancr dans lhistoire. DIRIBARNE a lanc lide de la ncessit dun management culturel, y compris une forme de management qui prenait en considration les traditions de chaque pays et qui employait les attributs de chaque culture nationale comme des ressources afin que la gestion ft efficace 116 . En faisant une comparaison entre le fonctionnement de trois entreprises de lindustrie mtallurgique implantes en France, aux tats-Unis et en Hollande, DIRIBARNE identifiait trois modles dorganisations et de relations hirarchiques qui avaient leurs racines dans les traditions culturelles et historiques nationales 117 : aux tats-Unis le modle du contrat juste (fair contract) ; en France le modle de la logique de lhonneur ; en Hollande le modle du consensus 118 . DIRIBARNE se diffrenciait ainsi tant par rapport la thorie de leffet socital que par rapport la thse de Michel CROZIER. CROZIER (1963), dans son analyse des dysfonctions de la bureaucratie, dfinissait le phnomne bureaucratique comme un phnomne culturel franais . Il partait de lhypothse de lexistence de diffrences entre les structures et les modes daction bureaucratiques dans les socits occidentales et aussi entre lEst et lOuest, en trouvant des explications pour ces diffrences dans le systme social et culturel des socits respectives. 119 CROZIER mentionnait lexistence dun modle franais de bureaucratie et il dcrivait le fonctionnement du systme bureaucratique franais dans la perspective des relations interpersonnelles et intergroupes caractrises par [] lisolement de lindividu, la
114 Christine MUSSELIN, The Long March of French Universities, Routledge U.S.A., 2004, p. 103 115 Denis SEGRESTIN, op. cit., p. 190. 116 Ibidem, p. 191, p. 192. 117 Philippe DIRIBARNE, The Usefulness of an Ethnographic Approach to the International Comparison of Organizations , International Studies of Management & Organization, vol. 26, no. 4, Winter 1996-1997, p. 31, la base de donnes PROQUEST, consulte le 12 mai 2008. 118 Ibidem, pp. 31-32. 119 Michel CROZIER, Le Phnomne bureaucratique, Paris, Editions du Seuil, 1989, p. 257.
43 prdominance des activits formelles par rapport aux activits informelles, lisolement de chaque strate et la lutte de toutes les strates entre elles pour leurs privilges [] 120 . Pour CROZIER, le problme de lautorit et de la peur envers les relations de dpendance et le problme du changement et de la faiblesse du pouvoir central omnipotent sont des traits culturels plus gnraux pour la socit franaise. Faute de donnes chiffres, CROZIER fonde sa dmonstration sur des tudes ethnologiques 121 , sur lanalyse des crits historiques, philosophiques et sociologiques concernant la France 122 . Il explique ces caractristiques par lhistoire et la centralisation administrative et autoritaire de la France 123 . Il fait aussi une comparaison entre le systme bureaucratique franais et les systmes bureaucratiques sovitique et amricain, en expliquant les diffrences par lhistoire des pays considrs 124 , par le rgime politique ce temps-l (dans le cas du systme bureaucratique sovitique) 125 , par lvolution gnrale de la socit industrielle (dans le cas du systme bureaucratique amricain) et par les traits culturels de ces socits 126 . En analysant deux caractristiques principales du modle bureaucratique franais propos par Michel CROZIER les rgles impersonnelles et la peur par rapport aux relations en face--face, peur manifeste surtout sous la forme de lvitement des conflits ouverts entre lindividu et le groupe , Philippe DIRIBARNE montrait que celles-ci ntaient pas des caractristiques gnrales de toutes les organisations franaises. Dans les entreprises analyses, le rle central attribu aux rgles impersonnelles tait absent et les conflits taient exprims de manire ouverte, parfois agressive 127 . Par consquent, DIRIBARNE a cherch des explications pour les rsultats obtenus et les a trouves dans le principe de lhonneur, concept compris et employ au sens que lui avait attribu MONTESQUIEU, cest--dire signifiant un ensemble de droits, dobligations et de privilges qui distinguait, dans lAncien Rgime, un tat dun autre tat 128 . DIRIBARNE oppose ainsi un modle bas sur le principe de lhonneur au modle bureaucratique de CROZIER. DIRIBARNE considre ce comme une caractristique de longue date de la socit franaise, qui a persist au long du temps et qui se reflte dans les organisations modernes franaises 129 . La notion d honneur
120 Ibidem, p. 262. 121 Ibidem, p. 265. 122 Ibidem, p. 266, p. 267, p. 268. 123 Ibidem, p. 271. 124 Ibidem, p. 278. 125 Ibidem, p. 279. 126 Ibidem, p. 282. 127 Philippe DIRIBARNE, The Honour Principle in the Bureaucratic Phenomenon , Organization Studies, 1994, n o 15/1, pp. 83-84. 128 Ibidem, p. 85. 129 Ibidem, p. 81.
44 est troitement relie avec celle de statut , qui spare les nobles de ceux moins nobles, la perte du statut tant une privation trs grave et difficile tolrer. DIRIBARNE considre que le systme d tats a persist dans la socit franaise, dans la mesure o il est susceptible dtre identifi dans les organisations modernes franaises sous la forme de trois tats diffrents : les ouvriers manuels, le personnel de surveillance et les ingnieurs, les relations hirarchiques entre ceux-ci tant profondment marques par le statut de chaque tat . Une forme de manifestation de cette diffrence de statut est lexistence de relations amicales entre les membres du mme tat tandis quentre les membres des tats diffrents des relations caractrises par un haut degr de formalit prvalent 130 . Le principe de lhonneur a des manifestations multiples au sein des organisations franaises, telles que le sens du devoir (celui-ci suppose laccomplissement des obligations qui traditionnellement reviennent une certaine catgorie occupationnelle et il est associ une forte rsistance aux situations de dpendance envers des individus qui ne font pas partie de cette catgorie occupationnelle 131 ), limportance du statut , la distance entre diffrents niveaux hirarchiques, le dsir dindpendance 132 etc. En France, lintrt pour la notion de culture a gnr, au-del de lapproche dont le principal reprsentant tait Philippe DIRIBARNE, deux autres types dapproche : ltude des micro cultures datelier, des subcultures professionnelles et des formes de sociabilit collective dveloppes dans les entreprises (LIU, 1981 ; REYNAUD, 1982 ; RIBEILL, 1984 ; BOUVIER, 1989) et lapproche du travail et de lentreprise comme des centres de production identitaire et culturelle 133 . Le prcurseur de cette dernire approche a t SAINSAULIEU (1977), qui posait la question de lexprience de travail en tant que cratrice de culture 134 , et de la contribution du travail au faonnement de la culture et de lidentit dun individu. Car, le travail organis, par les relations quil implique, peut avoir un effet profond sur les normes, les valeurs et les idologies des individus, le lieu de travail en constituant ainsi un cadre pour lapprentissage culturel 135 . SAINSAULIEU a identifi quatre modles culturels de relations qui pouvaient apparatre au travail : le modle fusionnel ou de masse, le modle de ngociation, le modles des affinits et le modle de retraite, chacun de ces modles tant spcifique une certaine catgorie professionnelle (OS, cadres de production, des professionnels trs qualifis, etc.). Le
130 Ibidem, p. 85-86. 131 Ibidem, p. 85. 132 Ibidem, p. 88. 133 C. LAFAYE, op. cit., p. 72. 134 Renaud SAINSAULIEU, op. cit., p. 345. 135 Ibidem, p. 346.
45 modle de relations peut pourtant se changer suite aux transformations produites dans lenvironnement interne ou externe dune entreprise 136 . La culture dentreprise est considre comme le rsultat de linteraction des identits collectives existantes au sein des organisations, identits qui peuvent tre redfinies la suite des changements auxquels se confronte une entreprise, changements qui crent lopportunit pour des nouveaux apprentissages culturels 137 . Dans la mme priode, la littrature anglo-saxonne en management tait caractrise aussi par lapparition des recherches qui mettaient au centre de leur analyse la question de linfluence de la culture sur lactivit des organisations et sur leur gestion. Comme nous lavons dj mentionn, une des recherches les plus connues, qui est considre comme un point de rfrence pour la dmonstration de linfluence de la culture sur la gestion et lorganisation, est celle de HOFSTEDE 138 . La conclusion principale de sa recherche, mene entre 1967 et 1969 et entre 1971 et 1973, tait celle que les organisations taient influences par la culture (culture-bound 139 ). Sur la base des rsultats de cette recherche, corrls avec dautres tudes comparatives et avec des analyses statistiques, HOFSTEDE a dvelopp quatre dimensions dans lesquelles les systmes de valeurs des pays pourraient tre arrangs ; ces dimensions ont t appeles les dimensions des cultures nationales 140 .
1.2.3. Les principaux modles axs sur la culture nationale
Il y a plusieurs modles axs sur les dimensions /orientations de la culture nationale, en plus du modle de HOFSTEDE, tels que les modles proposs par HALL (1959), KLUCKHOHN et STRODTBECK (1961), TROMPENAARS et HAMPDEN-TURNER (2000), pour ne mentionner que les modles les plus souvent cits dans la littrature en gestion interculturelle (tableau 1).
136 Ibidem, pp. 435-438. 137 Ibidem, pp. 446-447. 138 Voir Geert HOFSTEDE, Cultures Consequences et Geert HOFSTEDE, Managementul structurilor multiculturale. Software-ul gndirii, Ed. Economic, Bucureti, 1996. 139 Idem, Cultures Consequences, p. 372. 140 Ibidem, pp. 11-12.
46 Tableau 1 : Les principaux modles des dimensions de la culture nationale 1959 : HALL o cultures contexte fort / cultures contexte faible ; o cultures mono chroniques / cultures poly chroniques ; 1961 : KLUCKHOHN et STRODTBECK o la relation par rapport la nature ; o les relations interpersonnelles ; o le type dactivit humaine ; o la nature humaine fondamentale ; o lorientation par rapport au temps ; o lemploi de lespace ; 1980 : HOFSTEDE o la distance par rapport au pouvoir ; o individualisme vs. collectivisme ; o masculinit vs. fminit ; o lvitement de lincertitude ; o lorientation long terme / lorientation court terme ; 2000 : HAMPDEN-TURNER et TROMPENAARS o universalisme / particularisme ; o individualisme / collectivisme ; o vision de dtail / vision densemble ; o statut social acquis / statut social attribu ; o motivation endogne / motivation exogne ; o temps squentiel / temps synchronique ;
OSLAND et BIRD 141 ont identifi vingt-trois dimensions gnralement utilises dans la comparaison des cultures. Ces dimensions ont dhabitude deux ples opposs, seules quelques-unes, telles que les dimensions proposes par KLUCKHOHN et STRODTBECK (1961), ayant une position dintermdiaire (par exemple, la dimension relations interpersonnelles a les deux ples opposs individualisme et collectivisme et une position intermdiaire, la hirarchie ). On fait mme une diffrence entre dimensions et orientations culturelles. Les dimensions sont des traits culturels bipolaires et dichotomiques 142 , tandis que les orientations culturelles sont des notions qui ne sont pas ncessairement dichotomiques et linaires 143 . Conformment cette distinction, les modles de KLUCKHOHN et STRODTBECK (1961) et de TROMPENAARS et HAMPDEN- TURNER (2000) comprennent des orientations culturelles, tandis que les modles proposs par HOFSTEDE (1980) et HALL (1959) comprennent des dimensions culturelles. Les modles axs sur les dimensions /orientations de la culture nationale ont marqu une tape importante dans la constitution du domaine du management interculturel et reprsentent encore, comme nous lavons dj vu, un point de rfrence dans lapproche de la culture en management. Si on fait une revue bibliomtrique de ces recherches finalises par la cration des modles des dimensions /orientations de la culture nationale, il faudra commencer avec la recherche de HOFSTEDE. Celle-ci est la recherche la plus cite dans la littrature spcialise.
141 Allan BIRD, Joyce S. OSLAND, Teaching cultural sense-making , dans Nakiye Avdan BOYACIGILLER, Richard Alan GOODMAN, Margaret E. PHILLIPS (eds.), Crossing Cultures: Insights from Master Teachers, Routledge, New York, 2003, p. 89 142 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 366. 143 Ibidem, p. 367.
47 Ainsi, une tude effectue par SNDERGAARD (1994) 144 sur les comptes-rendus, les citations de Cultures Consequences. International Differences in Work-Related Values (le premier livre o HOFSTEDE a prsent les rsultats de son tude effectue pour IBM HERMES ce temps-l) et les rpliques de ltude prsente dans Cultures Consequences Identifiaient, entre 1986 et 1994 145 , 1036 citations SSCI (Social Sciences Citation Index) de Culture's Consequences , 36 comptes-rendus, 61 rpliques de ltude et 274 utilisations du modle des quatre dimensions propos par HOFSTEDE. Ltude du HOFSTEDE est considre comme un point de rfrence pour le dveloppement et la reconnaissance du management interculturel parce quelle a confr pour la premire fois de la lgitimit au relativisme culturel, dont HOFSTEDE se dclarait ladepte 146 , en offrant [...] une vision alternative lhypothse de convergence des cultures qui rgnait jusque-l dans le monde des affaires [...] 147 . Pourtant, une des limites de ltude de HOFSTEDE est mme luniversalit de son modle. On considre quavant ltude de HOFSTEDE, la grande majorit des recherches dans le domaine tait a-thorique (aspect, qui comme nous lavons dj mentionn, caractrise encore le domaine du management interculturel), et se rduisait la comparaison des diffrents phnomnes managriaux dans diffrents pays. Aprs ltude de HOFSTEDE, on a commenc employer des aspects mesurs de la culture pour les relier avec des processus managriaux 148 . De mme, le succs du premier livre de HOFSTEDE sur les consquences de la culture a gnr un accroissement de limportance accorde aux explications bases sur la culture dans le monde des relations daffaires qui ont prcd lapparition de son livre (voir HALL, qui avait publi, avant ltude de HOFSTEDE, trois livres en 1959, 1966, 1976) 149 .
144 Cf. Jan ULIJN, Geert HOFSTEDE, the Founder of a Culture "Science" , contribution Dale Research Encyclopedia of Management (troisime dition), p. 5, http://fp.tm.tue.nl/capaciteitsgroep/osm/ulijn/papers/HOFSTEDE.doc, consult le 25 dcembre 2006. 145 Mikael SNDERGAARD, In my opinion' - Mikael Sndergaard on 'Cultural differences' , http://international-business-center.com/geert-HOFSTEDE/Sondergaard.shtml, consult le 26 dcembre 2006. 146 G. HOFSTEDE, Cultures Consequences, p. 374. 147 Sylvie CHEVRIER, op. cit., pp. 57-58. 148 H.-C. TRIANDIS, op. cit., p. 17. 149 S.-T. MENON, op. cit., p. 135.
48 1.2.3.1. Le modle des dimensions culturelles nationales, propos par Geert HOFSTEDE
Lenqute du HOFSTEDE sest droule auprs environ 116 000 personnes (employs dIBM) en deux vagues (1967-1969 et 1971-1973), dans 40 pays 150 . HOFSTEDE a largi ultrieurement son analyse 53 pays et rgions (50 pays et 3 rgions) 151 dans lesquelles IBM avait ses filiales. Le but de lenqute tait lvaluation de lattitude des employs dIBM envers le travail (leur degr de satisfaction), sur plan international 152 ; les rsultats de lenqute concernaient plutt les valeurs que la satisfaction et les conceptions des employs 153 . En partant de ces rsultats, corrls aux donnes obtenues par une recherche auprs des managers participants aux cours dInternational Management Development et aux donnes tires dautres tudes comparatives et analyses statistiques, lauteur a identifi quatre dimensions principales dans lesquelles pouvaient tre ordonns les systmes de valeurs des pays respectifs. Ces dimensions ont t nommes les dimensions de la culture nationale 154 . Une dimension est un aspect dune culture qui peut tre mesur par rapport dautres cultures 155 . Les quatre dimensions montrent certaines corrlations significatives avec des indices gographiques, conomiques, dmographiques et politiques 156 . Ces dimensions sont la distance par rapport au pouvoir (leve /faible), lvitement de lincertitude (faible /fort), lindividualisme (versus collectivisme) et la masculinit (versus fminit). Ultrieurement, une cinquime dimension se dgageait de lenqute de Michael BOND (1988). Celui-ci, professeur lUniversit chinoise de Hong Kong, a utilis un questionnaire ralis par des Chinois et inspir par la culture chinoise afin dviter la distorsion culturelle dtermine par lorigine occidentale des chercheurs. Le questionnaire portait sur limportance relative des valeurs. La dimension identifie tait le dynamisme confucen, qui avait deux ples : orientation long terme et orientation court terme 157 . Les dimensions identifies par HOFSTEDE forment un modle quadridimensionnel des diffrences entre les cultures nationales, chaque pays recevant un certain pointage pour chaque dimension. HOFSTEDE a dcrit seulement les extrmes de chaque dimension, mais il
150 Geert HOFSTEDE, Cultures Consequences, p. 11. 151 Idem, Managementul structurilor multiculturale. Software-ul gndirii, Bucureti, Ed. Economic, 1996, p. 31, p. 35. 152 Idem, Cultures Consequences, p. 57. 153 Ibidem, p. 58-59 154 Ibidem, pp. 11-12. 155 Idem, Managementul structurilor multiculturale..., p. 30. 156 Idem, Cultures Consequences, p. 12. 157 Idem, Managementul structurilor multiculturale..., p. 31.
49 les considrait plutt comme des idaux-types car, en ralit, la majorit des pays se situaient entre les deux extrmes 158 . Les dimensions de la culture sont prsentes sous laspect de leur influence sur la socit en gnral, sur la famille, sur lcole et sur le lieu de travail. Si on suit ces dimensions de la culture nationale dans la perspective de leur influence sur lactivit des organisations, sur le processus de management et sur le comportement, les relations et les valeurs de travail, on pourra retrouver, en principal, les lments suivants : La distance par rapport au pouvoir dfinit la mesure o les membres moins puissants des institutions et des organisations dun pays sattendent et acceptent que le pouvoir soit ingalement distribu 159 . Une distance leve ou faible par rapport au pouvoir influe diffremment lorganisation et le management dune entreprise. Ainsi, dans les pays caractriss par une grande distance par rapport au pouvoir, les ingalits hirarchiques sont vues comme existentielles, les diffrences de rmunration entre niveaux hirarchiques sont grandes, on met laccent sur les privilges et les symboles associs un certain statut, il y a une forte centralisation, les subordonns attendent des directives, et le chef idal est vu comme un autocrate bienveillant ou un bon pre . La Malaisie, le Guatemala, Panama, les Philippines, le Mexique et le Venezuela sont situs sur les premires 6 positions de 53, avec lindice de la distance par rapport au pouvoir le plus lev. Les pays distance faible par rapport au pouvoir favorisent la dcentralisation, la hirarchie ayant seulement un rle conventionnel, les diffrences de salaire tant faibles, les privilges et les symboles du statut tant cachs, on pratique un management consultatif et le chef idal est vu comme un dmocrate . La Norvge, la Sude, la Rpublique Irlande, la Nouvelle Zlande, le Danemark, Isral et lAutriche sont situs sur les dernires 6 positions de 53, avec lindice de la distance par rapport au pouvoir le plus faible 160 . Dans les pays avec une grande distance par rapport au pouvoir, les suprieurs et les subordonnes considrent que la transgression des limites entre les deux niveaux de la hirarchie quivaut lindiscipline, tandis que dans les pays avec une faible distance par rapport au pouvoir, la transgression des limites est quelque chose de normal.
Individualisme vs. collectivisme les cultures individualistes sont caractrises par des liaisons chaotiques entre des individus. Laccent est mis sur la capacit de chacun prendre soin de soi-mme et /ou de sa famille. En change, les cultures collectivistes sont
158 Ibidem, p. 31, p. 32. 159 Ibidem, p. 44. 160 Ibidem, p. 42, pp. 52-54.
50 caractrises par des liaisons troites entre les membres de la socit qui, ds leur naissance, sont intgrs dans des sous-groupes trs solidaires. Ces sous-groupes les protgent pendant toute la dure de leur vie, et reoivent, en contrepartie, leur loyaut 161 . Lindividualisme ou le collectivisme dune socit influence le type de contrat social qui gouverne les relations de travail. Ainsi, dans les socits collectivistes, le contrat social prend la forme dun contrat moral, la relation patron-employ tant conue comme une liaison de famille, tandis que dans les socits individualistes, le contrat social est bas sur des avantages rciproques. Dans les socits collectivistes, les intrts du groupe sont pris en considration dans les dcisions de recrutement et de promotion, tandis que dans les socits individualistes ces processus sont fonds sur des rgles et des comptences. Lindividualisme favorise un management autocratique, la tche tant plus importante que la relation. loppos, le collectivisme favorise un management participatif, existant une primaut de la relation sur la tche. HOFSTEDE nuance cette dichotomie (individualisme collectivisme), en prcisant quen ralit, dans les socits collectivistes et dans celles individualistes, les relations patrons- employs peuvent tre plus diversifies. Ainsi, il y a des cas dans les socits collectivistes o le patron ne respecte pas les intrts des employs dans leur qualit de membres dun sous- groupe dintrts communs et leur tour, les employs ne lui rpondent pas par la loyaut. Dans les socits individualistes, on peut rencontrer des situations o les patrons tablissent avec leurs employs une relation de type protection-loyaut, relation considre caractristique aux socits collectivistes, en se crant ainsi une forte cohsion de groupe 162 . Une autre diffrence entre les socits collectivistes et celles individualistes rside dans les rfrentiels axiologiques. Ainsi, dans les socits collectivistes, les individus et les circonstances sont jugs selon des standards diffrents, en fonction de lappartenance ou non appartenance dun individu un certain groupe ce sont des socits particularistes. loppos, dans les socits individualistes, les individus et les circonstances sont jugs selon les mmes standards, car celles-ci sont des socits universalistes. 163 Les premires 6 pays (sur 53) avec lindice dindividualisme le plus lev sont : les Etats-Unis, lAustralie, la Grande Bretagne, la Canada, la Hollande et la Nouvelle Zlande, loppos, avec lindice
161 Ibidem, p. 69. 162 Ibidem, pp. 82-86. 163 Geert HOFSTEDE, The Business of International Business is Culture , dans Terence JACKSON (ed.), op. cit., p. 152. La distinction socits particularistes socits universalistes est traite dune manire plus dtaille par HAMPDEN-TURNER et TROMPENAARS.
51 dindividualisme le plus bas se situant le Pakistan, lIndonsie, la Columbia, la Venezuela, la Panama, lEquateur et la Guatemala 164 (des socits collectivistes).
Masculinit vs. Fminit cette dimension rvle lexistence de certaines valeurs dominantes dune socit et la spcificit de la distribution des rles des sexes dans la socit. 165 On peut parler dun ple assertif (dans la classification des socits) qui a t nomm masculin et dun ple modeste, prvenant, fminin . Les socits situes au ple masculin favorisent des valeurs telles que lorientation vers le succs matriel, vers la reconnaissance du travail bien fait et vers lavancement hirarchique, le travail stimulateur tant positivement apprci. Les socits situes au ple fminin favorisent les bonnes relations avec le suprieur hirarchique, laccent tant mis sur la coopration, sur la scurit du lieu du travail et sur la qualit de la vie. La masculinit est la caractristique des socits o les rles sociaux des sexes sont bien dfinis, tandis que la fminit est la caractristique des socits o les rles sociaux des sexes se superposent 166 . Dans les entreprises de socits fminines , laccent est mis sur la qualit de la vie (on travaille pour vivre) et des conditions de travail, sur lgalit et la solidarit. Les conflits sont rsolus par compromis et ngociation, les managers cherchant le consensus et utilisant lintuition dans leur travail. Dans les entreprises de socits masculines , on accorde une grande importance au travail (on vit pour travailler) et laccent est mis sur les performances, lquit et la comptition entre les pairs. Les conflits sont rsolus par confrontation et on attend des managers quils soient autoritaires et prennent des dcisions ; chacun est rcompens en fonction de sa performance professionnelle 167 . Les pays les plus masculins sont : le Japon, lAutriche, le Venezuela, lItalie, la Suisse et le Mexique et les plus fminins sont : la Finlande, lex Yougoslavie, le Costa Rica, le Danemark, la Hollande, la Norvge et la Sude 168 .
Lvitement de lincertitude cette dimension fait rfrence la tolrance de lincertitude et de lambigut de la part dune socit. Elle est dfinie par HOFSTEDE comme [...] la mesure o les membres dune culture se sentent menacs par des situations
164 G. HOFSTEDE, Managementul structurilor multiculturale..., p. 72. 165 Idem, The Business of International Business.. , p. 152. 166 Idem, Managementul structurilor multiculturale..., pp. 102-103. 167 Ibidem, pp. 112-117. 168 Ibidem, p. 104.
52 incertaines ou mconnues 169 . Lvitement de lincertitude peut tre faible (lincertitude est considre comme un aspect normal de la vie, il y a un faible niveau de stress, les individus sont l'aise dans des situations mconnues ou ambigus) ou fort (lincertitude est vue comme un pril qui doit tre prvenu, il y a un niveau lev de stress, les individus ne sont pas laise dans des situations mconnues ou ambigus). Dans les socits caractrises par une aversion lincertitude, lactivit des entreprises est gouverne par un grand nombre de rgles formelles ou informelles qui ont pour but le contrle des droits et des responsabilits des employs. Dans les socits caractrises par un faible vitement de lincertitude, on assiste un rejet motionnel des rgles 170 . Dans les pays avec un haut degr dvitement de lincertitude, lengagement vie est souvent pratiqu tandis que dans les pays avec un degr bas de lvitement de lincertitude il y a une grande mobilit de la main-doeuvre. Les 6 premiers pays avec le degr dvitement de lincertitude le plus haut sont la Grce, le Portugal, le Guatemala, lUruguay, la Belgique et le Salvador. A loppos se situent la Grande Bretagne, la Rpublique dIrlande, Hong-Kong, la Sude, le Danemark, la Jamaque et Singapour 171 .
Lorientation long terme vs. Lorientation court terme cette cinquime dimension a t dcouverte ultrieurement par BOND (1988) et a t ajoute aux quatre dimensions prsentes ci-dessus. Chaque ple de cette dimension est associ certaines valeurs. Ainsi, les valeurs associes lorientation sur long terme sont lconomie et la persvrance tandis que les valeurs associes lorientation sur court terme sont le respect pour la tradition, laccomplissement des obligations sociales et la protection de la face . Les valeurs positives et ngatives associes cette dimension envoient aux enseignements de Confucius. Cest pourquoi cette dimension a t appele le dynamisme confucen ; mais elle peut tre applique aussi aux pays sans hritage confucen. 172
Les critiques les plus souvent apportes au modle de HOFSTEDE, rsumes par HOFSTEDE lui-mme 173 sont : 1) lenqute nest pas une modalit approprie pour mesurer les diffrences culturelles ;
169 Ibidem, p. 135. 170 Ibidem, p. 143-144. 171 G. HOFSTEDE, Managementul structurilor multiculturale..., p. 135. 172 Ibidem, p.154. 173 Geert HOFSTEDE, Dimensions Do Not Exist A Reply to Brendan McSweeney , Human Relations, vol. 55, no., 11, [Novembre] 2002, p. 38, dans Brendan McSweeney, Is National Culture A Myth?, Background papers for Research Seminar, 12th November 2003, Royal Holloway, University of London, www.rhul.ac.uk/Management/News-and-Events/seminars/mcsweeney.pdf, consult le 24 dcembre 2006.
53 2) les nations ne sont pas les meilleures units pour tudier les cultures ; 3) ltude des filiales dune entreprise ne peut pas offrir des informations au sujet de la totalit dune culture nationale ; 4) les donnes dIBM sont anciennes et donc dpasses ; 5) quatre ou cinq dimensions ne sont pas suffisantes. Le rsum de ces principales critiques a t fait par HOFSTEDE dans le but de donner une rponse aux critiques de ses travaux (cf. la critique de McSWEENEY 174 ).
HOFSTEDE 175 apporte des contre arguments suivants : 1) Lenqute ne devrait pas tre la seule modalit de mesure des diffrences culturelles ; 2) Il est daccord avec cette critique, mais il argumente que les nations sont souvent les seules units accessibles /disponibles pour faire des comparaisons, en reprsentant donc une meilleure alternative la variante du manque de toute unit danalyse; 3) Par sa recherche, il a mesur les diffrences entre les cultures nationales et par consquent tout ensemble dchantillons fonctionnellement quivalents pourrait offrir des informations sur ces diffrences ; 4) On suppose que les dimensions identifies existent depuis longtemps ; seules les donnes restes valides la suite des deux tudes effectues ultrieurement ont t gardes et la validit de ces donnes a t teste par dautres mesures externes ; 5) Il nexclut pas la possibilit de la dcouverte dautres dimensions de la culture nationale, mais celles-ci doivent tre indpendantes tant statistiquement que conceptuellement par rapport aux dimensions dj identifies et elles doivent tre valides par des corrlations significatives avec des variables externes.
On peut identifier dans le contre argument du HOFSTEDE linfluence de lapproche positiviste de la culture, dont il est tributaire. La critique de McSWEENEY concerne essentiellement la mthodologie de recherche employe par HOFSTEDE (HOFSTEDE inscrit
174 Brendan MCSWEENEY, HOFSTEDE's Model of National Cultural Differences and Their Consequences: a Triumph of Faith - a Failure of Analysis , Human Relations, Vol. 55, No. 1, [Janvier] 2002, pp. 89-118, www.it.murdoch.edu.au/~sudweeks/b329/readings/mcsweeney.doc, consult le 24 dcembre 2006. 175 Geert HOFSTEDE, Dimensions Do Not Exist , p. 38
54 les critiques de McSWEENEY dans les catgories 1, 3 et 4 176 voir les critiques numres ci-dessus). Ainsi, les principales critiques quil apporte ltude de HOFSTEDE sont : a) lemploi de la notion de culture nationale (il ny a pas dvidence claire que chaque nation ait une culture distincte, influente et descriptible) 177 ; b) la conception de la culture est : implicite, essentielle, frquemment causale (par consquent, HOFSTEDE est daccord avec le dterminisme culturel national), unique du point de vue territorial et partage 178 ; c) le nombre de sujets interrogs nest pas reprsentatif (le nombre de questionnaires appliqus est cumulatif pour les deux priodes o les recherches ont t effectues ; de plus, seulement dans le cas des 6 pays ont t interrogs plus de 1000 sujets pour les deux recherches cumules 179 ) et les chantillons ne sont pas nationaux, car les sujets interrogs font partie dune seule entreprise et principalement dun seul dpartement 180 ; d) HOFSTEDE considre que la diffrence parmi les employs dIBM est donne par la culture nationale dans les conditions o ceux-ci font partie de la mme culture organisationnelle et professionnelle, son erreur tant le caractre unitaire attribu aux derniers deux types de culture, dans les conditions o il y avait une littrature qui avait dmontrait lexistence de cultures multiples, contradictoires dans lintrieur de la mme organisation 181 .
1.2.3.2. Le modle des dimensions culturelles nationales, propos par Edward T. HALL
Un autre modle qui propose des dimensions de la culture nationale est celui de HALL (1959). Ce modle, la diffrence des modles proposs par HOFSTEDE (1980), KLUCKHOHN et STRODTBECK (1961), TROMPENAARS et HAMPDEN-TURNER (2000) qui approchent la culture comme un systme de valeurs, approche la culture dans une perspective cognitive, tant parmi les rares cas de typologies culturelles qui mettent laccent sur les structures cognitives 182 .
176 Ibidem, p. 39. 177 B. MCSWEENEY, op. cit., p. 89. 178 Ibidem, pp. 92-93. 179 Ibidem, p. 94. 180 Ibidem, p. 95. 181 Ibidem, pp. 95-97, p. 98. 182 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 367.
55 Un des principaux apports des tudes de HALL au domaine du management interculturel est celui quelles sont parmi les premires qui posent, clairement, la question dune liaison entre les diffrences culturelles nationales et le monde des affaires (les relations daffaires, le comportement de travail etc.) 183 . Mais, une des limites de ses tudes rside dans la gnralisation des rsultats obtenus au niveau de lentire socit. De mme, lapproche de la culture, comme dans le cas dautres modles cits ci-dessus, est dterministe 184 (la culture est perue comme un ordinateur dont le programme guide toutes les actions et les ractions des individus 185 voir la similarit, ultrieure, de la conception de HOFSTEDE, qui dfinit la culture comme un logiciel de lesprit ). HALL considre que les diffrences entre cultures rsultent de la manire dont celles-ci traitent le temps, lespace et la communication, toute culture pouvant tre caractrise en partant de ces trois coordonnes. 186
On peut ainsi distinguer, en fonction de leur systme de communication, des cultures o la communication suppose une forte rfrence au contexte ( contexte fort ) et des cultures o la communication est faible rfrence ou sans rfrence au contexte ( contexte faible ). On entend par contexte [...] linformation qui, indpendamment de la forme (symbolique, matrielle ou iconographique) entoure un vnement et qui est inextricablement li lvnement 187 . Une culture peut se situer, du point de vue du contexte, sur une chelle comparative, de fort faible 188 , sa position tant dtermine par le rapport entre les informations vhicules par le message explicite et les informations contenues par la situation elle-mme ou intriorises par les interlocuteurs 189 .
Cultures contexte fort vs. Cultures contexte faible Dans les cultures contexte fort, la plus grande partie de linformation se trouve dj dans la personne qui communique, seulement une petite partie de linformation se retrouvant dans le message transmis dune manire explicite. loppos, dans les cultures contexte faible, la plupart de linformation se trouve dans le message transmis explicitement. Les cultures contexte riche (les Franais, les Japonais, les Arabes, les Mditerranens, etc.) sont
183 Edward T. HALL, Mildred REED HALL, Les diffrences caches. Une tude sur la communication interculturelle entre Franais et Allemands, Hambourg, Stern, avril 1984, pp. 8-10. 184 S. CHEVRIER, op. cit., p. 41. 185 Edward T. HALL, Mildred REED HALL, Key Concepts : Underlying Structures of Cultures dans H.-W. LANE, J.-J. DISTEFANO, M.-L. MAZNEVSKI (eds.), op. cit., 2002, p. 64. 186 E.-T. HALL et M. REED HALL, Les diffrences caches, p. 20. 187 Ibidem, p. 39. 188 E.-T. HALL, Mildred REED HALL, Key Concepts: Underlying Structures. , p. 66 et E.-T. HALL et M. REED HALL, Les diffrences caches, p. 39. 189 E.-T. HALL et M. REED HALL, Les diffrences caches, p. 39.
56 caractrises par des rseaux informels extensifs constitus par la famille, les amis, les pairs, les clients etc. Il y a des fortes relations personnelles. Le flux de linformation est lev, linformation circule librement, les canaux dinformations sont rarement surchargs ( cause de la frquence leve des contacts) 190 , les individus disposent de linformation ncessaire lavance ( [...] ils sont dj "contexts" 191 ). Les cultures contexte faible (les Allemands, les Suisses, les Nord-europens etc.) sont caractrises par une stricte dlimitation entre le travail et les relations personnelles, cette segmentation influenant toutes les sphres de la vie quotidienne. Par consquent, les individus de ces cultures ont besoin dinformations dtailles chaque fois quils sont en interaction avec quelquun 192 (en labsence des rseaux dinformations, ils doivent retenir toutes les informations une seule fois 193 ). Le flux de linformation est lent, linformation est trs prcise, en diminuant (parfois, en liminant) toute marge dinterprtation. Le risque est celui dune information abondante qui peut devenir inexploitable, en surchargeant les organisations 194 . Dans chaque culture il y a un glissement sur cette chelle, dun contexte faible un contexte fort en communication (ou inversement), ce glissement en refltant le changement apparu dans une relation, au sens de son chauffement ou de son refroidissement 195 .
Cultures mono chroniques vs. Cultures poly chroniques. En fonction de la manire dont le temps est trait, il y a des cultures mono chroniques et poly chroniques. Une conception mono chronique du temps signifie une approche squentielle des choses faire (on fait une seule chose dans un certain moment du temps). Le temps est conu dune manire linaire, il est divis en units, il y a une grande attention accorde lhoraire, la ponctualit et au respect des termes fixs, les interruptions ne sont pas agres ; le temps est conu comme quelque chose presque tangible (il doit tre dpens , pargn , sauv etc.). HALL considre que le temps mono chronique nest pas naturel, il est un construit culturel, il est le rsultat de la rvolution industrielle de lAngleterre qui a impos la main duvre de respecter un certain horaire. Les individus mono chroniques (les Suisses, les Allemands et les Scandinaves en particulier) appartiennent des cultures contexte faible, ils ont un grand respect pour la vie prive et la proprit de quelquun, ils mettent laccent sur promptitude, sur la ralisation
190 Ibidem, p. 44. 191 Ibidem, p. 45. 192 Idem, Key Concepts: Underlying Structures. , p. 67. 193 Idem, Les diffrences caches, pp. 40-41. 194 Ibidem, p. 44. 195 Idem, Key Concepts: Underlying Structures. , pp. 66-67.
57 des plans etc. Dans ce type de cultures, on favorise les relations court terme. 196 Le monochromatique peut conduire une intensification des diffrences entre ceux qui font partie du groupe (in-group) et ceux qui ne font pas partie du groupe (out-group) 197 . Une conception poly chronique du temps signifie une approche synchronique des choses faire (on peut faire plusieurs choses la fois). Laccent est mis sur une grande implication dans des relations interpersonnelles. Par consquent, la relation a primaut sur lhoraire, on naccorde donc de limportance la ponctualit et aux termes respecter, les interruptions pendant le travail sont quelque chose dhabituel, les plans changent souvent. Les individus poly chroniques appartiennent des cultures contexte fort, ce qui peut expliquer laccent mis sur la cration de rseaux informels et lorientation vers relation et vers sa durabilit 198 . La distinction entre les relations personnelles et les relations daffaires est minimale, les relations avec les clients, par exemple, tant, dans leur grande majorit, des relations personnelles, amicales 199 . Relatif lespace, HALL na pas suivi le modle appliqu au temps et la communication, les cultures ntant pas inscrites dans des catgories dichotomiques. Il prsente seulement plusieurs lments qui tiennent lespace et qui sont traits diffremment en fonction de culture : la territorialit, lespace personnel, le sens spatial et pluri sensoriel et la signification des signes relatifs lespace 200 .
1.2.3.3. Le modle des dimensions culturelles nationales, propos par Charles HAMPDEN- TURNER et Fons TROMPENAARS
HAMPDEN-TURNER et TROMPENAARS (2000) approchent le sujet des diffrences culturelles en utilisant la mthodologie du dilemme. Ils justifient ce choix mthodologique par leur croyance dans lexistence dun nombre limit de dilemmes authentiquement universels 201 en dpit de la diversification des rponses culturelles, parfois discordantes et hostiles 202 . Cette hypothse de travail est similaire celle de KLUCKHOHN et STRODTBECK (1961), qui considrent aussi quil y a des questions universelles et des rponses spcifiques chaque socit.
196 Ibidem, pp. 70-71. 197 Idem, Les diffrences caches, p. 23. 198 Idem, Key Concepts: Underlying Structures. , pp. 71-72. 199 Idem, Les diffrences caches, p. 24. 200 Ibidem, pp. 47-49. 201 Charles HAMPDEN-TURNER, Fons TROMPENAARS, Au-del du choc des cultures. Dpasser les oppositions pour mieux travailler ensemble, Paris, ditions dOrganisation, 2004, p. XXXI. 202 Ibidem, p. XXXI.
58 HAMPDEN-TURNER et TROMPENAARS ont identifi six de ces "dilemmes archtypiques" 203 , les rponses ces dilemmes en gnrant six dimensions de la diversit culturelle 204 : 1) universalisme /particularisme ; 2) individualisme /collectivisme ; 3) vision de dtail /vision densemble ; 4) statut social acquis /statut social attribu ; 5) motivation endogne /motivation exogne et 6) temps squentiel /temps synchronique. Comme on peut le voir, chaque dimension est structure autour de valeurs binaires. Les auteurs ont essay de dpasser les inconvnients de cette approche, en postulant que seule la rconciliation des valeurs opposes pourrait tre une source de richesse pour les entreprises, en gnrant des cercles vertueux, tandis que le conflit de ces valeurs crerait des cercles vicieux. 205 La principale conclusion faite par les auteurs aprs dix-huit ans de recherches transculturelles 206 , savoir que les diffrences entre les cultures ne sont ni arbitraires ni fortuites. En fait, les valeurs de lune sont limage inverse des valeurs de lautre [] 207 , nous semble un peu nave 208 . Les dimensions antrieurement mentionnes ont t identifies la suite de lapplication dun questionnaire qui contenait des dilemmes /des affirmations pour lesquelles les sujets interrogs avaient seulement deux variantes possibles de rponse. Ultrieurement, a t dvelopp un questionnaire qui comprenait 5 variantes de rponse, en offrant ainsi aux personnes interroges la possibilit de choisir [] soit une seule solution, comme dans lancien questionnaire, soit une rconciliation qui utilise des squences alternatives ou encore le compromis 209 , la polarisation des rponses tant ainsi rduite. 210
Universalisme vs. Particularisme. Pour les socits universalistes, la rgle est la plus importante. Elle sapplique quel que soit le contexte et les relations. Pour les socits particularistes, lexception est la plus importante, une attention particulire tant accorde aux circonstances particulires et aux contraintes relationnelles. Les cultures particularistes cherchent des solutions spcifiques, pour chaque situation, tandis que celles universalistes considrent quune solution qui une fois a permis la rsolution dun problme avait une
203 Ibidem, p. XXXI. 204 Ibidem, p. XXXII. 205 Ibidem, p. 56. 206 Ibidem, p. XXI. 207 Ch. HAMPDEN-TURNER, F. TROMPENAARS, op. cit., p. XXI. 208 Cette dcouverte est le rsultat de lappareil conceptuel utilis par les auteurs. Mthodologiquement, lcriture est tributaire au structuralisme. Les auteurs prennent et dveloppent un thme de Ferdinand TNNIES (1887), thme qui a t fait clbre par Talcott PARSONS. 209 Ch. HAMPDEN-TURNER, F. TROMPENAARS, op. cit.,, p. 385. 210 Dans Fons TROMPENAARS, Charles HAMPDEN-TURNER, 21 Leaders for The 21 st Century. How Innovative Leaders Manage in The Digital Age, Oxford, Capstone Publishing Ltd., 2001, les dilemmes sont accompagns par les 5 variantes de rponse.
59 applicabilit gnrale dans des situations similaires. Pour les socits universalistes, sont caractristiques les rgles, les codes, les lois et les gnralisations, tandis que dans celles particularistes prdominent les exceptions, les circonstances, les relations. la suite des rponses donnes au dilemme du piton renvers par une automobile conduite par un ami proche, parmi les pays les plus universalistes figurent : la Suisse, les Etats-Unis, le Canada, la Sude, lAustralie, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et parmi les pays les plus particularistes on peut retrouver : la Core du Sud, la Chine, lIndonsie, le Npal, le Japon et Singapour. 211
Individualisme vs. Collectivisme. Dans les cultures individualistes, lintrt et laccomplissement personnel sont dominants. Les individus aiment les emplois qui leur permettent de travailler indpendamment, on reconnat les mrites professionnels individuels. Dans les cultures collectivistes les intrts du groupe et la proccupation pour le bien-tre de la socit sont dominants. Le dilemme est celui des moyens damliorer la qualit de vie de chacun : par un maximum de libert et dopportunits pour un individu ou par lintrt constant de lindividu pour le bien de ses concitoyens. Les socits individualistes (Grande- Bretagne, Etats-Unis, Australie etc.) sont caractrises par concurrence, indpendance, intrt, progrs et panouissement personnels, tandis que les socits collectivistes (Japon, Singapour etc.) mettent laccent sur coopration, lien social, altruisme, service public et hritage social. 212
Vision de dtail vs. Vision densemble. la base de cette dimension se trouvent deux dilemmes. Le premier dilemme est celui de la manire dont lentreprise est conue : lentreprise comme un systme destin effectuer efficacement des fonctions et des tches ou lentreprise comme un groupe dindividus travaillant ensemble. Le deuxime dilemme envisage la mesure o la responsabilit pour une erreur commise au lieu de travail revient lindividu ou au groupe qui na pas remarqu lerreur. Parmi les pays o la vision de dtail est dominante, on peut rencontrer : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada etc., tandis que la Core du Sud, le Japon, la Thalande, la Malaisie, Singapour, la France, le Portugal, etc. sont caractriss principalement par une vision densemble. 213
211 Ch. HAMPDEN-TURNER, F. TROMPENAARS, Au-del du choc des cultures, pp. 2-5. 212 Ibidem, pp. 61-65. 213 Ibidem, pp. 124-125.
60 Statut social attribu vs. Statut social acquis. Dans certaines cultures, une position sociale est le rsultat des ralisations et des actions personnelles (le statut acquis), tandis que dans dautres cultures, un certain statut est obtenu en fonction de lge, de lducation, de lappartenance dun individu une famille, un certain groupe etc. (le statut attribu). Lvaluation de cette dimension a consist dans les rponses laffirmation : Ce qui compte le plus dans la vie, cest de penser et dagir en fonction de votre personnalit, mme si vous ne parvenez aucun rsultat. 214 Le pourcentage le plus lev des personnes qui rejettent lide dagir en fonction de leur personnalit et de risquer de nobtenir aucun rsultat (statut acquis) a t enregistr par les Etats-Unis, le Canada, lAutriche, le Royaume-Uni, la Sude etc. et le pourcentage le plus bas (statut attribu) en Yougoslavie, Core, Pologne, Russie, Japon etc. 215
Motivation endogne vs. Motivation exogne. Le dilemme pos est celui de lorigine de la vertu. Les cultures caractrises par une motivation endogne considrent la vertu comme une qualit intrieure, son origine tant dans [...] ntre me, ntre volont [...] , tandis que les cultures caractrises par une motivation exogne considrent que la vertu a son origine [...] dans les rythmes naturels, dans la beaut et la puissance de la nature [...] 216 . Cette dimension a t value en fonction du degr daccord des dirigeants de nationalits diffrentes avec certaines affirmations. Par exemple : Sans un coup de pouce, on ne peut tre un dirigeant efficace , Se fier au destin na jamais rien donn de positif , Pour trouver un bon travail, il faut tre au bon endroit, au bon moment . Parmi les pays caractriss par une motivation endogne se trouvent : les Etats-Unis, le Canada, lAustralie, le Royaume-Uni etc., la motivation exogne tant dominante en Chine, Hongkong, en Sude, en Indonsie, en Russie etc. 217
Temps squentiel vs. Temps synchronique. Le temps squentiel est le temps divis en secondes, minutes, et il est compar une flche, tandis que le temps synchronique est le temps rcurrent, cyclique, la programmation. 218 Deux mthodes ont t utilises pour lvaluation de cette dimension : le test des cercles de Tom Cottle, laide duquel on teste la reprsentation des individus de la relation entre prsent, pass et avenir et une question concernant la signification relative du pass, du prsent et de lavenir pour les personnes
214 Ibidem, p. 199. 215 Ibidem, pp. 197-200. 216 Ibidem, p. 247. 217 Ibidem, pp. 251-254. 218 Ibidem, p. 317.
61 interroges. Les Etats-Unis se caractrisent par une conception squentielle du temps, tandis que Hongkong, la Chine, la Core du Sud etc. ont une conception synchronique du temps. 219
1.2.3.4. Limites des modles axs sur la culture nationale
Tous les modles des dimensions /orientations culturelles ont comme unit danalyse la culture nationale. La culture est approche dune manire positiviste : la culture est un phnomne objectif qui peut tre mesur, investigu, grce une mthodologie quantitative de recherche. Parmi les limites principales de ces modles on peut mentionner lessentialisme, luniversalisme, le rductionnisme, la concentration sur des lments trs gnraux et la ngligence des interactions culturelles. De mme, ces modles ont une capacit limite dexplication et de prvision du comportement organisationnel au niveau micro 220 et ils ne prennent pas en considration les facteurs organisationnels, individuels, conomiques, contextuels, etc. On doit prciser quil y a aussi des chercheurs qui emploient des modles des dimensions culturelles, mais qui ont une approche plus nuance de ceux-ci. TRIANDIS (2001) est un des chercheurs qui proposent de dtailler ces diffrentes dimensions 221 . Il tudie galement la manire dont ces dimensions sont influences par des facteurs historiques et quelle est leur spcificit en fonction de contexte. TRIANDIS pense quainsi ces dimensions faciliteront une meilleure adaptation du phnomne managrial aux contraintes culturelles 222 . Par exemple, TRIANDIS propose un affinement de la dimension individualisme collectivisme quil considre comme la plus importante pour les recherches interculturelles. Il fonde sa proposition sur ses recherches menes surtout dans lExtrme-Orient et dans lAmrique du Nord. Les rsultats de ces recherches ont dmontr lexistence des individus idiocentriques (dont la pense, les sentiments et le comportement sont semblables aux individus de cultures individualistes) et des individus allocentriques (dont la pense, les sentiments et le comportement sont semblables aux individus de cultures collectivistes) et que ces individus se trouvent, dans des proportions diffrentes, tant dans les cultures
219 Ibidem, pp. 319-321. 220 H. YEGANEH, Z. SU, op. cit., p. 367. 221 H.-C. TRIANDIS, op. cit., p. 18. 222 Ibidem, p. 20.
62 individualistes que dans les cultures collectivistes 223 . La dimension individualisme- collectivisme se trouve en interaction avec celle de la distance par rapport au pouvoir , spcifique au collectivisme et lindividualisme. TRIANDIS a identifi deux variations pour chaque dimension : horizontale et verticale. Il y a donc lindividualisme vertical, lindividualisme horizontal, le collectivisme vertical et le collectivisme horizontal. Par exemple, tandis que le collectivisme horizontal est spcifique au kibboutz isralien, le collectivisme vertical est spcifique aux cultures traditionnelles telles que celle de lInde ou de la Chine rurale 224 . TRIANDIS a identifi galement dautres dimensions de la variation culturelle, telles que : les cultures serres (tight cultures) et les cultures lches (loose cultures) et la complexit culturelle (des conomies des chasseurs et collecteurs vs. conomie des services). Il a identifi une corrlation entre la dimension collectivisme-individualisme et les deux dernires dimensions mentionnes 225 . Dautres dimensions de la variation culturelle proposes par TRIANDIS sont : la verticalit (hirarchie extrmement importante vs. hirarchie pas trop importante) ; le style passif vs. style actif (les individus changent lenvironnement pour tre en accord avec eux- mmes ou ils changent pour tre en accord avec lenvironnement) ; universaliste vs. particulariste ; diffuse vs. spcifique (les individus jugent lautre dune manire holiste ou spcifique) ; attribu vs. acquis ; instrumental vs. expressif (laccent est mis sur faits /actions ou sur lexpression des sentiments) ; la suppression vs. lexpression motionnelle (les individus expriment ou ils nexpriment pas leurs motions ngatives) 226 . Le caractre gnral et dterministe de ces dimensions demeure pourtant, mme si elles sont plus nombreuses ou plus raffines. Par consquent, les essais dapplicabilit de ces modles afin de mettre en vidence limpact des diffrentes dimensions /orientations sur la gestion dune organisation, sur le comportement, sur les valeurs et les relations de travail se finalisent avec des descriptions gnrales, considres comme applicables toutes les organisations et tous les individus de cultures respectives. La valeur de ces tudes rside dans le fait quelles ont essay dattirer lattention sur le besoin de comprhension culturelle et doffrir la possibilit de faire des comparaisons
223 Harry C. TRIANDIS, The many dimensions of culture , Academy of Management Executive, vol. 18, no. 1, fvrier 2004, p. 90, p. 91, la base de donnes EBSCO, consulte le 15 fvrier 2007. 224 Ibidem, p. 91. 225 Ibidem, p. 92, p. 93. 226 H.-C. TRIANDIS, The Study of Cross Cultural Management , p. 18.
63 interculturelles 227 . Elles ont soulign et ont accentu linfluence de la culture nationale sur la gestion des entreprises. En dpit de leurs interrogations sur le relativisme culturel, elles font rfrence, comme nous lavons dj mentionn, un systme conceptuel universaliste 228 . De plus, ces analyses des dimensions/orientations culturelles prsentent le danger de strotyper la culture dans sa totalit 229 . De plus, elles sont dans lincapacit faire des prvisions lgard du comportement spcifique individuel et dtre utilises dans la recherche dune interaction plus efficace (par exemple dans le monde des affaires) avec des personnes dautres cultures ou davoir une comprhension en profondeur dune culture 230 . Ces tudes chouent donc offrir aux organisations /entreprises les informations ncessaires pour la solution des problmes pratiques auxquelles elles sont confrontes.
1.2.4. De nouvelles pistes dans le domaine du management interculturel
Le problme de lincapacit des modles offrir des solutions aux entreprises est assez spcifique au management interculturel. Celui-ci, plus que dautres domaines qui tudient la culture, est test /valid par les rsultats pratiques obtenus 231 . Car le management interculturel est un domaine appliqu et tout ce qui concerne ce sujet est [donc] appliqu 232 Mais, ltat actuel des recherches en la matire offre trop peu de possibilits demployer la thorie existante pour rsoudre les problmes pratiques rencontrs par les entreprises. Comme nous lavons dj mentionn, la grande majorit des recherches se concentrent sur des analyses au niveau macro et ngligent les analyses au niveau micro. Le principal niveau danalyse du management interculturel est celui de la culture nationale 233 . Lanalyse se focalise sur les diffrences culturelles, en se dsintressant de la question des similarits potentielles. lextrme, ce type dapproche peut transmettre lide
227 Ibidem, p. 96. 228 S. CHEVRIER (op. cit., p. 60) fait galement cette remarque dans son analyse des limites de l'tude de HOFSTEDE. Nous considrons que cette limite peut tre tendue toutes les tudes qui proposent des modles des dimensions nationales dune culture. 229 H.-W. LANE, J.-J. DISTEFANO, M.-L. MAZNEVSKI, op. cit., p. 97. 230 S. CHEVRIER, op. cit., p. 59. 231 Michael Harris BOND, Ping Ping FU, Selda Fikret PASA, A Declaration of Independence for Editing a New International Journal of Cross Cultural Management? , International Journal of Cross Cultural Management, vol. 1(1), 2001, p. 25, http://ccm.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007. 232 H.-C. TRIANDIS, The Study of Cross Cultural Management , p. 18. En original : [] everything on this topic is applied . 233 Bejamin STAEHELI, Cross-Cultural Management within Switzerland: An In-depth Case Study of a Swiss Financial Services Company, Dissertation no. 2787, Der Universitt St. Gallen, Hochschule fr Wirtschafts -, Rechts- und Sozialwissenschaften, BS-Verlag, Zrich, 2003, p. 82, www.unisg.ch/www/edis.nsf/wwwDisplayIdentifier/2787/$FILE/dis2787.pdf, consult le 10 fvrier 2007.
64 que les systmes sociaux sont extrmement diffrents, rendant ainsi toute comparaison impossible 234 . Cette conception dbouche sur la perception conflictuelle de la diffrence culturelle et en fait une source de problmes pour une organisation. Lanalyse des diffrences culturelles nationales prend en gnral la forme de lanalyse des diffrences entre des systmes de valeurs qui sest rvle tre tonnement efficace pour la prvision des diffrences culturelles dans une varit des pratiques managriales existantes . 235
Mais, les pratiques organisationnelles ne sont pas influences seulement par les valeurs dominantes, mais aussi par une varit de facteurs situationnels immdiats, tels que des facteurs organisationnels ou des facteurs relis des politiques lgislatives des diffrents gouvernements. Par consquent, les recherches en management interculturel doivent aussi prendre en compte ces facteurs et se concentrer sur les analyses au niveau individuel. 236 Ltat actuel des recherches a suscit de nombreuses recommandations concernant la thorie, la mthodologie et (implicitement) les applications des recherches en management interculturel. Ainsi on recommande (pour ne mentionner que les recommandations les plus importantes faites par les chercheurs dans le domaine) : 1. le dveloppement de thories meilleures , capables dexpliquer les variations des pratiques de management lintrieur dune culture 237 ou des thories capables dexpliciter la signification de la notion de culture ou de se prononcer sur luniversalit /la spcificit culturelle de certains aspects de management 238 ; 2. la concentration plus forte des recherches sur le comportement des individus et lexploration des construits alternatifs utiliss dans les diffrentes cultures pour lexplication du comportement social 239 ; 3. ltude du dveloppement historique des valeurs et des attitudes dans une certaine culture et la corrlation entre les valeurs plus gnrales dune culture et les valeurs /les attitudes spcifiques une organisation 240 ; 4. ltude des changements dans la culture nationale et linfluence de la globalisation sur ceux-ci (en direction dune certaine convergence culturelle 241 ) ;
234 M.-H. BOND, P.-P. FU, S.-F. PASA, op. cit., p. 26. 235 Peter B. SMITH, The End of the Beginning? , International Journal of Cross Cultural Management, vol. 1(1), 2001, p. 22, http://ccm.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007. En original : [] surprisingly effective in predicting differences in a variety of actual management practices at the cultural level . 236 Ibidem, p. 22. 237 Ibidem, p. 21. 238 H.-C. TRIANDIS, The Study of Cross Cultural Management , p. 18. 239 M.-H. BOND, P.-P. FU, S.-F. PASA, op. cit., p. 26. 240 M. TAYEB, op. cit., p. 437.
65 5. la prise en compte des changements produits dans la nature du travail managrial et dans les comptences demandes aux managers ; 6. la prise en compte des tendances du monde global des affaires, ce qui entranerait finalement un changement de domaine dintrt dans la recherche interculturelle et mme une redfinition du management interculturel au dtriment de lessentialisme, en direction dune valorisation positive de linteraction lintrieur et lextrieur dune entreprise 242 ; 7. la concentration des recherches de management interculturel sur les processus /les mcanismes qui se trouvent la base des diffrences culturelles, car seule la prise de conscience de lexistence de diffrences culturelles ne permet pas la prdiction des effets des actions managriales 243 ; 8. des recherches dans des domaines plus relis lamlioration du potentiel humain et aux conditions au lieu de travail, tels que le recrutement et la slection du personnel, la gestion de la performance, la sant et la scurit des employs etc., ces recherches en permettant une meilleure direction des pratiques managriale dans les diffrents contextes culturels 244 . Dautres recommandations sont faites au sens de la prise en compte de la contribution des vnements internationaux (par exemple, louverture du march chinois, louverture des marchs dEurope Centrale et de lEst aprs la fin du rgime communiste etc.) aux dynamiques interculturelles, en se crant ainsi des nombreuses interfaces culturelles (les IDE, les partenariats commerciaux internationaux, etc.). Ces recommandations visent la mise en contexte de ltude du management interculturel 245 et un changement de niveau danalyse de la culture en direction des interactions /interfaces interculturelles 246 .
241 S.-T. MENON, op. cit., p. 139. 242 A.-M. SDERBERG, N. HOLDEN, op. cit., p. 113. 243 U. STABER, op. cit., p. 109. 244 Z. AYCAN, op. cit., p. 110, p. 118. 245 T. JACKSON, Z. AYCAN, op. cit., p. 8., p. 9. 246 Ibidem, p. 10.
66 2. Lapproche interculturelle comme vecteur de changement
La littrature en management interculturel (et non seulement le MI, mais aussi en management international, management compar, management global, management international des ressources humaines, etc., des domaines qui approchent aussi la question de linfluence de la culture sur lactivit des entreprises) est, en gnral, centre sur lexprience des entreprises multinationales, considres comme des sujets dtude prioritaires pour la recherche interculturelle. Cette importance accrue accorde aux entreprises multinationales a plusieurs explications. Une premire explication rsiderait dans la prsence internationale de longue date des EMN, qui les a confrontes depuis longtemps au dfi dun environnement complexe et dune ressource humaine multiculturelle. Car, linstitution de lentreprise multinationale 247
et le phnomne de linternationalisation des affaires ne peuvent pas tre spars 248 . En commenant avec la domination des entreprises multinationales qui avaient leurs siges aux Etats-Unis, aprs la deuxime Guerre Mondiale, en continuant avec lexpansion, dans les annes 1970, de lactivit internationale des multinationales qui avaient leurs siges en Europe de lOuest et au Japon et avec lmergence, en 1980 249 , des multinationales issus des pays en dveloppement pour finir par la croissance rcente des multinationales en provenance de lEurope Centrale 250 , la multinationale, quel que soit son pays dorigine, est devenue une prsence habituelle pour le monde conomique actuel. Ainsi, les managers des entreprises multinationales, qui ont t et sont encore dominantes dans le commerce et la production mondiale, ont t parmi les plus exposs au
247 Une dfinition commune de lentreprise multinationale est celle dune entreprise qui dtient et gre des investissements dans autres pays que celui o elle a son sige central (cf. Richard MEAD, op. cit., p. 249; Robert J. MOCKLER, Management strategic multinaional. Un proces integrativ pe baz de contexte, Ed. Economic, Bucureti, 2001, p. 27). 248 Don R. BEEMAN, Falling Between the Chairs: An Essay on International Business Activities Which Do Not Conform to Our Models , dans Richard N. FARMER, (ed.), Advances in International Comparative Management. A Research Annual, volume 1, JAI Press Inc., Greenwich, London, 1984, p. 84. 249 Raj AGGARWAL, The Strategic Challenge of Third World Multinationals: A New Stage of the Product Life Cycle of Multinationals? , dans R.-N. FARMER, op. cit., p. 104; Henri F.HENNER, Commerce international, Montchrestien, Paris, 1992, pp. 296-297. 250 Bogdan NEAGU, Achiziii i fuziuni: s-au nscut primele multinaionale din noua Europ , http://www.businessmagazin.ro/articole/ACHIZITII-SI-FUZIUNI--S-au-nascut-primele-multinationale-din- noua-Europa-4625-1.html, consult le 17 Mai 2006.
67 dfi de la coordination et de lorganisation des individus issus de cultures diffrentes et qui travaillaient dans la mme entreprise 251 . Dans son activit ltranger, chaque entreprise multinationale est confronte au dilemme global-local auquel elle donne une rponse spcifique. Ce dilemme fait rfrence au besoin dune entreprise multinationale dquilibrer les besoins dintgration globale avec ceux de rceptivit /sensibilit la spcificit locale 252 . Il se reflte dans une srie de dcisions importantes quune entreprise multinationale doit prendre lgard de son activit ltranger : la structure organisationnelle, la relation de contrle sige-filiales, le processus dcisionnel, les politiques de gestion des ressources humaines, la standardisation ou ladaptation du produit, etc. Parmi les facteurs qui imposent aux entreprises multinationales dtre rceptives la spcificit locale (ie. dadapter leur stratgie, leurs systmes et leurs produits aux besoins dun march national spcifique), on peut citer les diffrences culturelles, qui influencent les prfrences des consommateurs, les valeurs et le comportement de travail 253 . Une autre explication de la position centrale des entreprises multinationales dans la recherche interculturelle est le pouvoir financier, qui leur donne lopportunit dinvestir elles- mmes dans des recherches concernant limpact des diffrences culturelles sur leur activit (comme dans le cas clbre de la recherche faite pour IBM par HOFSTEDE, en qualit de consultant personnel 254 ). Le succs de ces recherches peut partiellement tre attribu au fait mme quils dcrivent le fonctionnement des entreprises multinationales qui, par leur pouvoir conomique et par le fait quelles se trouvent au cur de la mondialisation, sont plus visibles et donc plus soumises lattention des observateurs. Ces derniers, prsent, montrent un intrt croissant pour le comportement thique des multinationales, depuis que la proccupation pour la morale concerne dsormais le domaine conomique 255 . Ainsi, les entreprises multinationales doivent faire face un double dfi : rconcilier les exigences imposes par la concurrence accrue dans une industrie qui se globalise avec les exigences sociopolitiques des pays o elles dveloppent des activits. De mme, elles doivent faire face
251 Bruce KOGUT, International Management and Strategy , dans Andrew PETTIGREW, Howard THOMAS et Richard WHITTINGTON (eds.), Handbook of Strategy and Management, Sage Publications, London, Thousand Oaks, New Delhi, 2002, p. 261. 252 R.-J. MOCKLER, op. cit., p. 27 ; Randall S. SCHULER, Peter J. DOWLING, Helen DE CIERI, An Integrative Framework of Strategic International Human Resource Management , The International Journal of Human Resource Management 4:4 Dcembre 1993, p. 719. 253 H.-W LANE, J.-J., DISTEFANO, M-L. MAZNEVSKI, (eds.), op. cit., 2006, p. 169. 254 G. HOFSTEDE, Cultures Consequences, p. 57. 255 P. CONSO, op. cit., p. 84.
68 aux exigences de rconcilier lintrieur les interactions entre des individus qui proviennent de milieux culturellement et historiquement diffrents 256 . Les entreprises multinationales ont donc t parmi les premiers tre intresss par la cration et le dveloppement de pratiques qui prennent en considration la diversit culturelle. Parce que le respect pour la diversit culturelle est un des sujets actuels dintrt gnral 257 et les entreprises multinationales qui sont plus soumises aux critiques par leur visibilit, doivent sadapter aux exigences de la socit. De plus, il ne faut pas oublier lorigine principalement amricaine des premires entreprises multinationales et le fait que les auteurs anglo-saxons ont eu une contribution extrmement importante au dveloppement du management interculturel (et du management en gnral), en utilisant dans leurs recherches les sujets disponibles ce temps-l (les entreprises multinationales, dans le cas ci-prsent). Une autre explication serait celle que le management compar qui a pos, antrieurement au management interculturel, la question de la culture comme une des sources de similarits et de diffrences entre les systmes de management est un phnomne dvelopp paralllement avec linternationalisation de lentreprise et lapparition de lentreprise multinationale aprs la Deuxime Guerre Mondiale 258 . Le management international sest constitu aussi comme discipline acadmique dans les annes 1960, ses sujets dtude tant surtout les entreprises multinationales ( ce temps-l, le management international tait peru comme le management de lentreprise multinationale 259 ).
2.1. La gestion des ressources humaines et la diversit culturelle dans les entreprises multinationales
Le management interculturel na pas dvelopp des outils clairement dfinis et distincts de gestion de la diffrence culturelle, les outils le plus souvent utiliss dans ce but tant ceux qui appartenaient la gestion des ressources humaines et /ou la culture dentreprise.
256 Taeb HAFSI Les prils du management stratgique des organisations internationales , dans Marina RICCIARDELLI, Sabine URBAN, Kostas NANOPOULOS (eds.), Mondialisation et socits multiculturelles. Lincertain du futur, P. U. F., Paris, 2003, p. 52. 257 Ibidem, p. 52. 258 Nancy J. ADLER, Robert DOKTOR, Gordon REDDING, From the Atlantic to the Pacific Century: Cross- cultural Management Reviewed , dans J.-G. HUNT, J.-D. BLAIR, (eds.), Yearly Review of Management of the Journal of Management, 1986, volume 2, no. 12, p. 296. 259 A.-M. SDERBERG, N. HOLDEN, op. cit., p. 109.
69 Le management interculturel ne bnficie pas, en gnral, dune structure distincte (dpartement, division, etc.) dans le cadre dune organisation. De mme, peu de managers occupent des postes de directeur de linterculturel , mme si, en ralit, presque tout directeur, quel que soit son niveau hirarchique, joue un rle de directeur de linterculturel. Une des raisons a cela tant le fait quon ne sait pas toujours quelles sont les attributions dun directeur de linterculturel 260 . On parle aussi dune gestion interculturelle des ressources humaines , considre comme un domaine en cours de dveloppement dans la sphre plus large de la gestion internationale des ressources humaines 261 . Comme nous lavons dj mentionn dans la premire partie de notre dmarche thorique, les domaines du management interculturel et celui de la gestion des ressources humaines se superposent en quelque sorte. Le management interculturel peut mme tre considr comme une extension de la gestion des ressources humaines qui est oriente sur limpact de la culture sur le management, sur lorganisation, sur les valeurs, sur les relations et le comportement de travail. La GRH a commenc jouer, de plus en plus, un rle stratgique pour le succs dune entreprise 262 . Compte tenu des changements dans les exigences de lenvironnement de la firme, les facteurs cls de succs (FCS) ne sont plus les mmes. Il en rsulte des nouvelles exigences concernant les comptences et le rle du dpartement de GRH dans une entreprise 263 . On peut comprendre ainsi mieux pourquoi la GRH est le principal mdiateur et dveloppeur des comptences de management interculturel au sein dune entreprise 264 . La reconnaissance et la valorisation de la diffrence culturelle sont devenues en effet des facteurs cls de succs pour les entreprises contemporaines et la GRH a d, ainsi, dvelopper des comptences dans ce domaine. La thorie applique concernant la GRH et linfluence de la culture sur les pratiques de GRH est marque par la mme opposition entre convergence et divergence qui est spcifique la thorie gnrale dans le domaine du management interculturel.
260 Rodrigue FONTAINE, Cross-cultural Management : Six Perspectives , Cross-Cultural Management : An International Journal, vol. 14, no. 2, 2007, p. 125, www.emeraldinsight.com/1352-7606.htm, consult le 15 mai 2007. 261 Zeynep AYCAN, The interplay between cultural and institutional/structural contingencies in human resource management practices , The International Journal of Human Resource Management, 16 :7, juillet 2005, p. 1108, la base de donnes EBSCO, consulte le 31 juillet 2007. 262 Michael J. MORLEY, Patrick GUNNIGLE, Michelle OSULLIVAN, David G. COLLINGS, New directions in the roles and responsibilities of the HRM function , Personnel Review, vol. 35, no. 6, 2006, p. 611, la base de donnes Emerald, consulte le 30 juillet 2007. 263 Russ ROBERTS, Paul HIRSCH, Evolution and Revolution in the Twenty-first Century: Rules for Organizations and Managing Human Resources , Human Resource Management, lt 2005, vol. 44, no. 2, p. 171, la base de donnes EBSCO, consulte le 31 juillet 2007. 264 A.-M. SDERBERG, N. HOLDEN, op. cit., p. 104.
70 Ainsi, il y a des partisans de luniversalisme tant en matire de pratique que de thorie de la GRH 265 . Dans une autre perspective, la notion de gestion des ressources humaines , qui a longtemps t considre comme un concept universel de gestion, est devenue une notion culturellement spcifique 266 . La perspective contextualiste de la GRH a un grand nombre dadeptes. Il est dsormais acquis 267 que les pratiques des ressources humaines sont calibres en fonction de facteurs contextuels tels que la dimension de lentreprise, lindustrie, les lois, les caractristiques de la force de travail etc. Mais, si linfluence de ces facteurs contextuels sur les pratiques de GRH est largement reconnue, linfluence de la culture constitue encore un sujet en dbat. On pose la question de la manire dont la culture influence les pratiques des ressources humaines par rapport dautres facteurs contextuels 268 et de son ampleur, mme si, dans la littrature spcialise, les diffrences entre pays sont perues essentiellement en termes de diffrences nationales de culture, surtout des diffrences entre valeurs culturelles 269 . Lenjeu de ce dbat sur luniversalisme et la spcificit des pratiques de GRH est celui de la possibilit du transfert des modles et des pratiques de GRH dun pays lautre, question importante dans le contexte de linternationalisation /mondialisation des affaires 270 . Les tudes concernant linfluence de la culture sur les pratiques de GRH cherchent identifier limpact potentiel des diffrentes dimensions de la culture nationale sur des pratiques de GRH. Par exemple, un grand nombre dtudes ont suivi, et ont dmontr, les variations dans les pratiques de GRH travers les cultures, en employant le modle dHOFSTEDE (1980). Comme on la pu dj voir dans la section prcdente de notre thse, une telle approche a comme limites principales le dterminisme et lessentialisme. Un exemple de consquence dune telle approche est le rsultat de la mise en pratique dune des hypothses de base qui considre la culture nationale comme dterminante dans les diffrences entre les organisations des pays. Dans ce contexte, linadquation entre la culture nationale et les pratiques managriales est gnratrice dchecs, en produisant, par
265 Franois PICHAULT, Jean NIZET, Les pratiques de gestion des ressources humaines. Approches contingente et politique, Paris, ditions du Seuil, fvrier 2000, p. 20. 266 Monir TAYEB, Conducting Research Across Cultures: Overcoming Drawbacks and Obstacles , International Journal of Cross-Cultural Management, vol. 1(1), 2001, p. 91, http://ccm.sagepub.com, consult le 15 fvrier 2007. 267 Barry GERHART, Meiyu FANG, National Culture and Human Resource Management: Assumptions and Evidence , The International Joutmal of Human Resource Management, 16:6, juin 2005, p. 971, la base de donnes EBSCO, consulte le 31 juillet 2007. 268 Zeynep AYCAN, The interplay between cultural , p. 1083. 269 B. GERHART, M. FANG, op. cit., p. 973. 270 Mark EASTERBY-SMITHY, Danusia MALINA, Lu YUAN, How culture-sensitive is HRM? A comparative analysis of practice in Chinese and UK companies , The International Journal of Human Resource Management, 6 :1, fvrier 1995, p. 31, la base de donnes EBSCO, consult le 6 aot 2007.
71 exemple, la discrimination des employs qui sont atypiques par rapport la moyenne des diffrentes dimensions culturelles, moyenne calcule pour chaque culture 271 . Par consquent, linfluence de la culture nationale sur les pratiques de GRH ne doit pas tre surenchrie. Elle doit tre comprise seulement comme un des facteurs qui peuvent dterminer des variations dans la GRH des organisations travers le monde. Par exemple, une tude dont le but tait une nouvelle analyse statistique des rsultats obtenus par HOFSTEDE (1980) a indiqu, contrairement aux rsultats de HOFSTEDE, un rle diminu de la culture nationale dans la variation des valeurs des individus. Un rle plus important dans cette variation tait jou par lorganisation laquelle les individus appartenaient 272 . De mme, une tude qui suivait lexplication du rle de la culture dans plusieurs domaines de la GRH (la planification de la ressource humaine et le management de la carrire, lanalyse et le design du poste, etc.) identifiait tant linfluence des contingences culturelles (les diffrentes dimensions de la culture nationale) que des contingences structurelles /institutionnelles (par exemple, le degr de syndicalisation, les cots, le type de lindustrie, le type de lemploi etc.) sur ces domaines 273 . La littrature en GRH est domine depuis plus de vingt ans par la question de lintgration globale et de la diffrentiation locale. 274 Les entreprises multinationales sont confrontes au dilemme global-local qui influence leur stratgie gnrale. Par consquent, ce dilemme et la rponse donne par une entreprise celui-ci influencent aussi la gestion des ressources humaines. Les stratgies et les politiques des ressources humaines doivent, dune part, satisfaire les besoins de contrle global et de coordination entre les filiales dune EMN et, de lautre, satisfaire les besoins dautonomie et de respect pour la spcificit locale. La rponse donne par lentreprise multinationale au dilemme global local est influence par une srie de facteurs endognes et exognes tels que : le type dactivit, la technologie disponible, les comptiteurs, le degr de changement (les caractristiques de lindustrie), les conditions politiques, conomiques, socioculturelles et les exigences lgales (les caractristiques du pays /de la rgion) 275 . De mme, les politiques de GRH dune EMN sont influences par le risque concernant la technologie et la culture nationale dune filiale peru (perception influence par culture et par personnalit) par les cadres du sige social 276 .
271 B. GERHART, M. FANG, op. cit., p. 983. 272 Ibidem, p. 981, p. 982. 273 Zeynep AYCAN, The interplay between cultural , p. 1088, passim. 274 Ibidem, p. 1083. 275 R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., p. 725. 276 R. MEAD, op. cit., p. 317, p. 318.
72 Ainsi, si le risque peru concernant la technologie, la culture 277 , le secteur dactivit et le transfert de lavantage comptitif du sige social une filiale ou dune filiale lautre filiale est lev, la dcision du sige social sera demployer des directeurs expatris (avec la mme nationalit que le pays dorigine de lEMN) pour occuper les plus hautes positions hirarchiques dans la filiale respective, afin dassurer un degr lev de contrle et de diminuer ainsi le risque peru. Parce que les managers expatris pourraient exercer un contrle culturel , qui est considr comme plus efficace que le contrle bureaucratique . Le contrle bureaucratique est fond sur le dveloppement dune culture de lefficacit impersonnelle et bureaucratique. Cette culture est cre par le renforcement de la des rgles impersonnelles qui gouvernent les processus de GRH (slection, recrutement, formation, compensation) et les comportements des individus et par limportance accorde au rendement dans toutes les filiales de lentreprise. loppos, le contrle culturel recherche le dveloppement de la loyaut des filiales envers la socit-mre et envers les dirigeants du sige social et aussi limplmentation des valeurs de lentreprise mre un niveau plus profond que pourrait le faire le contrle bureaucratique Lemploi dun grand nombre de managers expatris dans le but dtre des modles pour les employs des filiales est une des techniques utilises en vue de lexercice dun contrle culturel . 278
Parmi les facteurs internes les plus importants qui ont de linfluence sur les stratgies de GRH dune EMN et sur lapproche de la diversit culturelle, on peut mentionner : le type et la stratgie de lentreprise multinationale, lorientation de la direction du sige social (ethnocentrique, polycentrique, gocentrique), la stratgie concurrentielle utilise, et lexprience internationale dans la gestion des affaires 279 .
Linfluence du type dEMN sur la GRH Une classification souvent employe pour dmontrer la manire dont le dilemme global-local se manifeste dans lactivit dune entreprise multinationale est celle de BARTLETT et GHOSHAL (1989). Conformment cette classification il y a quatre types de stratgies dentreprises : lentreprise /la stratgie globale, lentreprise /la stratgie multidomestique, lentreprise /la stratgie internationale et lentreprise /la stratgie
277 G. HOFSTEDE (cf. R. MEAD, op. cit., p. 318) a trouv un rapport entre les besoins levs d'viter l'incertitude et une haute distance par rapport au pouvoir caractristiques pour le sige social et la tendance de celui-ci de pratiquer un contrle centralis des filiales. 278 Alfred M. JAEGER, Contrasting Control Modes in the Multinational Corporation: Theory, Practice and Implications , International Studies of Management and Organization, vol. XII, no. 1, 1982, pp. 58-82, passim. 279 R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., p. 725.
73 transnationale 280 . Parmi les lments de la gestion des ressources humaines influencs par le type de stratgie on peut identifier : les comptences interculturelles des managers, le respect des besoins locaux des employs, la nationalit des dirigeants des filiales, les tches de la gestion internationale stratgique des ressources humaines. Ainsi, si dans le cas des stratgies multidomestique 281 et transnationale 282 , on peut parler dune attention particulire porte aux besoins locaux des employs (et la spcificit locale en gnral), dans le cas des stratgies globale 283 et internationale 284 cette attention est minimale. Par consquent, les comptences interculturelles et interpersonnelles et le degr de flexibilit demands aux managers sont diffrents, par exemple ils devant tre bien dvelopps dans le cas des entreprises avec une stratgie transnationale 285 . Les questions les plus importantes qui constituent la tche de gestion des ressources humaines internationales 286
sont : la ncessit de contrler les liaisons entre les units dune entreprise multinationale (diffrentiation et /ou intgration) et la ncessit dadministrer les oprations internes (chaque unit doit fonctionner selon les conditions les lois, la politique, la culture, l'conomie etc. dun environnement local spcifique et, en mme temps, selon la stratgie gnrale de lentreprise) 287 . SCHULER, DOWLING, DE CIERI 288 ont identifi les principales tches de la gestion des ressources humaines en fonction du type dentreprise. Ainsi, la seule tche de GRH pour lentreprise internationale serait le choix du directeur gnral. Dans le cas de lentreprise multinationale, la GRH est concerne par la slection des directeurs rceptifs la spcificit locale et qui peuvent contrler de faon autonome les units locales. La GRH de lentreprise transnationale est concentre sur la slection et le dveloppement des directeurs qui peuvent quilibrer les perspectives locales et globales.
280 Christopher A. BARTLETT, Sumantra GHOSHAL, Managing Across Borders: The Transnational Solution, deuxime edition, Harvard, Business School Press, 2002, pp. 15-18. 281 R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., p. 747. 282 H.-W. LANE, J.-J. DISTEFANO, M.-L. MAZNEVSKI (eds.), op. cit., 2006, p. 170. 283 Ibidem, p. 169. 284 Ibidem, p. 170. 285 Ibidem, p. 170. 286 La relation entre la gestion des ressources humaines internationales et les besoins stratgiques des affaires a produit le dveloppement de ce quon appelle gestion internationale stratgique des ressources humaines (GISRH). Ainsi, deux des composants stratgiques principaux des entreprises multinationales sont : la relation entre les units de lEMN et les oprations internes fortement relies leur tour avec la rponse au dilemme global-local . Ces intrts stratgiques ont une influence importante sur les fonctions, les politiques et les pratiques de gestion des ressources humaines internationales dune EMN (R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., pp. 720-721.) 287 Ibidem, p. 721, p. 723. 288 Ibidem, p. 748.
74 Le type /stratgie dentreprise influence aussi lapproche de la diffrence culturelle. Ainsi, tandis que dans le cas des entreprises multidomestique et transnationale, la diffrence culturelle est reconnue et prise en considration, dans le cas des entreprises globales et internationale, elle reoit peu dattention. Une analyse de lapproche de la diffrence culturelle en fonction du type dentreprise a identifi les approches suivantes : 1) La phase domestique de lentreprise est caractrise par une approche ethnocentrique de la diffrence culturelle. Ainsi, la conception dominante dans le processus de gestion est celle du pays dorigine, les systmes des ressources humaines niveau global ne sont pas considrs comme significatifs, la rceptivit pour les diffrences culturelles nest pas significative, les mmes produits /services sont offerts aux consommateurs nationaux et trangers. 2) La phase multidomestique de lentreprise la sensibilit interculturelle a une importance critique pour le succs des entreprises orientes vers march. Parce que ces entreprises considrent chaque march tranger comme tant unique. Par consquent, lentreprise conoit et lance sur les marchs trangers des produits et des services culturellement appropris. La gestion des employs de diffrents pays est faite aussi en utilisant des approches culturellement appropries ; 3) La phase multinationale de lentreprise la concurrence croissante des prix, engendre par lexistence dun grand nombre de produits presque identiques, engendre parmi les entreprises multinationales une approche caractrise par une trs grande sensibilit aux cots, alors que lattention pour la diffrence culturelle a diminu ; 4) La phase (transnationale) globale les stratgies globales de ressources humaines deviennent essentielles. Le succs de lentreprise dpend de comptences du management de diriger linteraction culturelle, les quipes multinationales et les alliances globales. La culture est un facteur concurrentiel dimportance critique. Lavantage comptitif est obtenu par la pense stratgique et la personnalisation de masse et galement par ladaptation des produits et des services finals et leur commercialisation de niches de march segmentes sur la base de la nationalit et de lappartenance ethnique. Laccent est mis, simultanment, sur les cots les plus bas des produits et des services et sur des modalits de livraison rapides et en mme temps culturellement sensibles 289 .
289 N.-J. ADLER, International Dimensions, pp. 7-11.
75 Linfluence de lorientation managriale sur la GRH Un autre facteur interne qui influence la GRH des entreprises multinationales et lapproche de la diffrence culturelle est lorientation des dirigeants du sige social. Lorientation managriale a t propose par PERLMUTTER, en 1969, comme un nouveau paramtre pour tablir le degr de multinationalit dune entreprise. Par orientation managriale, PERLMUTTER comprenait lorientation vers "les personnes, les ides et les ressources trangres" des siges sociaux et des filiales, et dans les environnements hte et domestique 290 . Ce nouveau paramtre pouvait tre rendu oprationnel par les index externes des capitaux propres dans le pourcentage des ressortissants de pays diffrents et des ressortissants trangers qui occupaient des positions hirarchiques suprieures. Conformment ce critre, trois orientations (tats desprit) essentielles concernant la gestion des entreprises multinationales ont t identifies parmi les cadres internationaux: orientation ethnocentrique (vers le pays dorigine), orientation polycentrique (vers le pays daccueil), et orientation gocentrique (vers le monde) 291 . Lorientation managriale influence la manire dont les employs des filiales sont perus par les dirigeants du sige social, les critres dvaluation de la performance dans les filiales, la nationalit des dirigeants des filiales, les mcanismes de contrle et lattitude envers la diffrence culturelle. Lorientation managriale ethnocentrique est caractrise par la supriorit perue des ressortissants du pays dorigine sur tous les trangers, dans les siges sociaux ou dans les filiales. Les mmes critres de performance sont appliqus aux employs et aux produits dans le pays daccueil et dans le pays dorigine. Le processus de communication prend la forme du conseil et des directives du sige social envers ses filiales. Lidentit nationale de lentreprise est celle du sige social, les positions hirarchiques principales, autour du monde, sont occupes seulement par les ressortissants du pays dorigine 292 . Ayant en vue la supriorit perue des ressortissants du pays dorigine sur tous les trangers, les entreprises multinationales avec une orientation ethnocentrique emploieront, le plus probablement, pour diriger les filiales, des managers expatris qui ont la nationalit du pays dorigine. Dans ce type dorientation, la diffrence culturelle sera plutt ignore (ou rduite au minimum).
290 Howard V. PERLMUTTER, The Tortuous Evolution of the Multinational Corporation , Columbia Journal of World Business, janvier-fvrier 1969, p. 11. 291 Ibidem, p. 11. 292 Ibidem, pp. 11-12.
76 Lorientation ethnocentrique pourrait engendrer lapparition du phnomne de rsistance culturelle (ses manifestations pourraient tre si nombreuses quune tentative de les numrer est soumise au risque dtre trop rductive) dans les filiales dune EMN. Pourtant, les modles culturels du pays dorigine pourraient tre accepts. Cette acceptation pourrait prendre soit la forme de linternalisation et de la mise en pratique des modles culturels imposs, soit la forme de limitation, sans internalisation, de ces modles (limitation sans internalisation doit tre comprise plutt comme une incapacit internaliser les modles culturels imposs quun rejet de ceux-ci). Cette dernire forme dacceptation peut engendrer une caricature des modles culturels originaux, en donnant naissance, par exemple, ce quon peut appeler, parodiquement, les nouveaux riches de lentreprise. Bien sur, au-del de ces dichotomies, plutt thoriques, la ralit est plus complexe, la culture des entreprises tant le rsultat des interactions spcifiques de tous les acteurs impliqus. Lhypothse essentielle (base sur lexprience ou sur la tendance individuelle dun des dirigeants) trouve la base de lorientation managriale polycentrique est celle dune diffrence entre les cultures du pays daccueil et du pays dorigine. Une autre hypothse est celle de la difficult de comprendre les trangers. Les caractristiques principales de lorientation polycentrique sont : o on considre que les ressortissants des pays daccueil connaissent mieux leur intrt que les dirigeants de lentreprise-mre ; o lidentit de la filiale est principalement locale ; o le sige social considre que le meilleur mcanisme de contrle des filiales est celui financier ; o les standards de performance, les bnfices et les mthodes de formation sont diffrents pour chaque pays ; o les positions hirarchiques suprieures sont occupes par des directeurs locaux, mais ceux-ci nont pas accs aux positions hirarchiques les plus leves dans le sige social, ce qui pourrait engendrer un fort ethnocentrisme de leur part. Lentreprise polycentrique peut tre vue comme une confdration forme des filiales quasi indpendantes, qui fonctionnent comme des centres autonomes 293 . Lorientation polycentrique implique la reconnaissance de la diffrence culturelle et son utilisation dans lavantage de lentreprise. Par consquent, il y a peu de chances dapparatre la rsistance culturelle au sein des sous divisions. Bien sur, celle-ci nest pas
293 Ibidem, pp. 12-13.
77 exclue car, souvent, le sige central trace les lignes directrices gnrales, ce qui pourrait engendrer des conflits avec les directeurs (qui, en gnral, sont des managers locaux) ou avec le personnel des filiales. De plus, lessai du sige central dassurer une certaine coordination et unit de lentreprise pourrait faire natre la situation o le centre tente dimposer une culture dentreprise base sur des valeurs et des principes gnraux daction. Il y a aussi le risque que les managers locaux qui, souvent, suivent des stages de formation /amlioration professionnelle et de familiarisation avec la philosophie de lentreprise au sige central deviennent attachs des nouvelles modalits de travail et de gestion de la ressource humaine de la socit mre, modalits qui peuvent tre en contradiction avec les valeurs et les attentes du personnel local. Les managers qui ont une orientation gocentrique cherchent de crer une approche mondiale tant au niveau de lentreprise mre que dans les filiales ltranger, qui ne sont plus conues comme des satellites ou des villes des tats indpendants , mais comme une partie dune totalit, avec une comptence spcifique et une contribution aux objectifs mondiaux. Les caractristiques principales de lorientation gocentrique sont : o les meilleures personnes sont slectionnes, indpendamment de leur nationalit, pour occuper des positions hirarchiques essentielles tout autour du monde ; o le sige social et les filiales collaborent, tablissent conjointement des normes universelles et prennent ensemble les dcisions concernant les nouveaux produits, les usines et les laboratoires ; o le but du systme de compensation est la motivation des directeurs des filiales afin quils travaillent pour des objectifs mondiaux de lentreprise ; o la communication entre les filiales de lEMN est encourage ; o les besoins locaux des filiales sont respects. 294
Dans le cas dune orientation managriale gocentrique, la diversit culturelle est reconnue et employe pour crer des avantages pour lentreprise, dune manire synergique, les distinctions entre les cultures des membres tant dpasses par organisation et par gestion 295 . Pourtant, comme dans le cas de lentreprise ethnocentrique, la rsistance culturelle peut se manifester dans des filiales, mais cette fois-ci elle ne sera pas envers les modles culturels du pays dorigine de lEMN, mais envers les modles culturels proposs par lentreprise. Bien sur, il est aussi possible que ces modles culturels soient accepts (sous la
294 Ibidem, p. 13. 295 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 116.
78 forme soit de linternalisation, soit de limitation). Mme si, dans le cas de ce type dorientation managriale, on part de la prmisse que linfluence du pays dorigine ou du pays daccueil na pas dimportance, a peut rester seulement au niveau des dclarations, car on ne peut pas ngliger linfluence de la culture sur les individus. Indiffremment de la culture dentreprise idale projete par les dirigeants et soutenue par une certaine structure organisationnelle qui la favorise (dans le cas de lentreprise gocentrique, par exemple, par lextrme mobilit des niveaux managriaux suprieures en fonction des besoins de lentreprise, par llimination de la distinction sige centralsous divisions et pays doriginepays daccueil), la culture dentreprise relle est le rsultat des interactions entre les diffrents acteurs impliqus. De mme, on ne peut pas ignorer le fait que lentreprise a un rle trs important dans le processus de construction de lidentit de lindividu 296 . Lindividu pourrait donc arriver un haut degr didentification avec lentreprise, par lassimilation /limitation des modles culturels de celle-ci. Les trois orientations managriales proposes par PERLMUTTER (1969) ne peuvent pas tre trouves en tant que telles. Chaque entreprise a un certain degr dethnocentrisme, de polycentrisme ou de gocentrisme 297 ; elle peut mme identifier son degr dethnocentrisme (E), de polycentrisme (P) et gocentrisme (G), en fonction de produit, de fonction et de critre gographique, en dterminant de cette faon son profil EPG 298 . De mme, il ny a pas une volution de lentreprise ethnocentrique lentreprise polycentrique et puis celle gocentrique. Chaque entreprise, en fonction de sa situation spcifique, peut sinscrire dans un certain type ou dans une combinaison de ces types ou elle peut suivre un autre modle, qui ne fait pas partie de ces typologies (qui, comme toute classification, ont leurs limites et fonctionnent plutt comme des idaux-types 299 ).
Linfluence de lexprience internationale et de la stratgie concurrentielle de lentreprise sur la GRH Un autre facteur qui influence la gestion des ressources humaines et lapproche de la diffrence culturelle est lexprience internationale de lentreprise. Par exemple, une tude ralise parmi les directeurs internationaux des ressources humaines indiquait que les entreprises avec plus dannes dexprience internationale avaient des pratiques plus diverses
296 Richard JENKINS, Social Identity, Routledge, London and New York, 1996, p. 25. 297 H.-V. PERLMUTTER, op. cit., p. 11. 298 Ibidem, p. 14. 299 Max WEBER, Caracterul obiectiv al cunoaterii n domeniul tiinelor sociale i politice (1904) , pp. 9- 66, dans Max WEBER, Teorie i metod n tiinele culturii, Ed. Polirom, Iai, 2001, pp. 46-66.
79 en matire de GRH que les entreprises moins exprimentes dans lactivit internationale. Ainsi, les entreprises avec plus dexprience internationale taient plus flexibles concernant leurs pratiques des ressources humaines quelles adaptaient aux demandes locales ou rgionales et avaient lexprience ncessaire de grer des besoins organisationnels plus complexes. loppos, les entreprises moins exprimentes internationalement taient plus ethnocentriques dans leur approche de la ressource humaine, en considrant quun seul ensemble de pratiques en matire de ressource humaine tait valable partout dans le monde 300 . Lexprience internationale de lentreprise influence galement le degr de contrle exerc par le sige social sur ses filiales (le contrle est plus strict quand il y a moins dexprience internationale) et la dcision demployer des directeurs expatris ou des directeurs locaux la direction des filiales locales 301 . La manire de concevoir la diffrence culturelle ne peut pas tre considre seulement comme le rsultat de lexprience internationale, le type /la stratgie dentreprise, la phase de dveloppement de lentreprise, lorientation du management du sige social, etc. doivent tre aussi pris en considration. La stratgie comptitive dune entreprise multinationale est un autre facteur interne qui influence la gestion des ressources humaines et lapproche de la diffrence culturelle. Par exemple, si la stratgie comptitive de la filiale dune entreprise multinationale est base sur lamlioration de la qualit, ses politiques et pratiques en matire de ressources humaines seront plus galitaires, participatives et orientes vers lquipe que celles dune entreprise multinationale dont la stratgie comptitive est la rduction des cots 302 . Si la stratgie comptitive est celle de la direction par cot gnral (overall cost leadership) 303 et de loffre des produits au prix le plus bas possible aux consommateurs, limportance de la conscience de la diffrence culturelle concernant le produit aura diminu, laccent tant mis sur la concurrence des prix 304 . Ce type de stratgie comptitive influencera, de mme, la politique des ressources humaines de lentreprise qui, le plus probable, emploiera un manager local quun manager expatri, le premier tant moins coteux que le dernier. Nous considrons que les raisons qui dterminent linvestissement ltranger influencent aussi la stratgie de GRH dune entreprise multinationale et sa perspective sur les diffrences culturelles. Par exemple, si le facteur principal dattractivit pour linvestissement ltranger est lavantage cot (de la main-duvre, de la production.), il y a une grande
300 P.-J. DOWLING, cit dans R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., pp. 752-753. 301 R. MEAD, op. cit., p. 318. 302 R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., p. 752. 303 Michael E. PORTER, Competitive Strategy. Techniques for Analyzing Industries and Competitors, The Free Press, New York, 1998, p. 36. 304 N.-J. ADLER, International Dimensions, p. 10.
80 possibilit que lentreprise multinationale ait une approche plus ethnocentrique dans ses politiques et pratiques de GRH et dans la manire de percevoir la diffrence culturelle au sein de ses employs. Nous avons ralis notre travail de terrain au sein de ses employs , parce quil est plus difficile de maintenir une approche ethnocentrique dans les rapports avec les consommateurs (particulirement dans le cas des consommateurs trangers), une approche plus sensible la spcificit locale tant demande de la part de lentreprise multinationale afin de vendre ses produits et de raliser ses buts. Pourtant, la recherche de lavantage cot pourrait coexister avec la prise en compte de la spcificit locale. Par exemple, par un systme de motivation non financire, qui nengendre pas des cots pour lentreprise. Ainsi, dans une des PME que nous avons recherches, qui produisent en systme TPP (trafic de perfectionnement passif), lavantage cot tant donc important, la directrice gnrale avait institu un systme de motivation non financire, en accordant des jours libres pour des ftes religieuses importantes pour les individus de la rgion respective.
Tableau 2 : Types de stratgies /orientations managriales et leurs implications pour le management interculturel des entreprises multinationales
Auteurs Typologie des stratgies/orientations Consquences pour le management interculturel BARTLETT et GHOSHAL (1989) o lentreprise /la stratgie globale ; o lentreprise /la stratgie multidomestique ; o lentreprise /la stratgie internationale ; o lentreprise /la stratgie transnationale ; o les critres de recrutement et de slection des dirigeants des filiales ; o les comptences managriales demandes pour les positions dirigeantes ; o le respect des besoins locaux des employs ; o les tches de la gestion internationale stratgique des ressources humaines ; BARTLETT et GHOSHAL (1989) o lentreprise /la stratgie globale ; o lentreprise /la stratgie multidomestique ; o lentreprise /la stratgie internationale ; o lentreprise /la stratgie transnationale ; o les critres de recrutement et de slection des dirigeants des filiales ; o les comptences managriales demandes pour les positions dirigeantes ; o le respect des besoins locaux des employs ; o les tches de la gestion internationale stratgique des ressources humaines ; ADLER (1986) o phase /stratgie domestique ; o phase /stratgie multidomestique ; o phase /stratgie multinationale ; o phase /stratgie globale (transnationale) ; lapproche de la diffrence culturelle : o ethnocentrique ; o importance critique de la sensibilit interculturelle ; o importance diminue de la diffrence culturelle cause de la concurrence des prix ; o la culture est un facteur concurrentiel dimportance critique ;
81 2.2. La culture dentreprise et la diversit culturelle dans les entreprises multinationales
Le management interculturel et la culture dentreprise sont fortement relis entre eux, les interactions entre des individus qui proviennent de cultures diffrentes en se produisant dans le cadre dfini dune organisation, cadre gnrateur dune culture spcifique. De mme, si on considre que la culture dentreprise peut tre perue non seulement comme le produit des interactions des membres dune entreprise, mais aussi comme un instrument managrial, on pourra mieux comprendre la liaison entre la culture dentreprise et le management interculturel. Car, le management interculturel instrumentalise la culture de lentreprise afin dobtenir des bnfices de la composition multiculturelle du personnel employ. La culture dentreprise peut donc tre considre, ct de la gestion des ressources humaines, comme un des outils managriaux utilisables par une entreprise multinationale dans le but de la gestion de la diffrence culturelle. En fait, tant le management interculturel que la culture dentreprise ont le mme but : la recherche des instruments prdictibles pour assurer le contrle organisationnel et des instruments meilleurs pour le management de lorganisation 305 . Une des questions importantes pour le management interculturel est la relation cre entre la culture dune entreprise multinationale et la culture nationale dans la mesure o les employs sont issus de cultures nationales diffrentes. Une tude ralise par LAURENT en 1983 a essay de rpondre cette question de la relation cre entre la culture dune entreprise multinationale et la culture nationale de ses membres. Ont t identifis quatre indices ou dimensions qui diffrenciaient, dune manire significative, les cultures nationales du point de vue des idologies managriales collectives 306 . Ces indices ou dimensions sont les organisations en tant que systmes politiques, les organisations en tant que systmes dautorit, les organisations en tant que systmes de formalisation de rle et les organisations en tant que systmes de relations hirarchiques 307 . Lhypothse de recherche a t celle selon laquelle les conceptions des managers europens sur la signification du management appropri sont influences, dans
305 Linda SMIRCICH, Concepts of Culture and Organizational Analysis , Administrative Science Quarterly, Vol. 28, No. 3, Organizational Culture. (Sep., 1983), p. 347, la base de donnes JSTOR, consulte le 28 juillet 2007. 306 Andr LAURENT, The Cultural Diversity of Western Conceptions of Management , International Studies of Management and Organization, vol. XIII, No. 1-2, M.E. Sharpe, Inc., 1983, p. 78. 307 Ibidem, p. 78.
82 une mesure significative, par leur origine nationale, la culture nationale en influenant fortement lidologie managriale 308 . Andr LAURENT (1983) pose le problme de linfluence de la culture nationale non seulement sur les ides implicites des managers concernant lorganisation, mais aussi sur les thories explicites des chercheurs 309 . Initialement, ltude a t ralise, pendant 1977-1979, sur 817 sujets de 10 pays occidentaux (9 pays europens et les Etats-Unis), puis elle a t rplique, partiellement, sur des tudiants franais et britanniques MBA INSEAD et sur des tudiants franais MBA ISA, une cole franaise daffaires. Ltude a bnfici aussi dune rplique de plus grandes proportions dans deux entreprises multinationales qui avaient le sige social aux Etats-Unis 310 , un des principaux lments suivis tant linfluence de la culture organisationnelle de lentreprise multinationale sur les diffrences culturelles nationales. La recherche de LAURENT (1983) a t enrichie par ltude de la question de savoir si des diffrences dans les conceptions sur le management et sur les organisations persistaient dans les conditions dune culture organisationnelle potentiellement homognisatrice dune entreprise multinationale ou bien si celle-ci tait suffisamment forte pour intgrer les diffrences nationales 311 . Les rsultats de la recherche dans une des entreprises multinationales tudies (du secteur chimique) ont indiqu les effets consistants et dominants des cultures nationales des pays impliqus dans la recherche 312 et le manque dun effet homognisateur de la culture de lentreprise multinationale en direction dune standardisation des conceptions de management travers les cultures nationales. Les rsultats de la recherche effectue dans la deuxime entreprise multinationale (du secteur dquipements de bureau) ont indiqu une stabilit gnrale des modles nationaux des idologies managriales 313 . La conclusion gnrale de ces tudes a t celle de lexistence de cartes mentales collectives qui sont nationalement lies et qui ne sont pas influences par la convergence conscutive la professionnalisation croissante du management et lintensification de linternationalisation des affaires 314 . Les rsultats de ltude dAndr LAURENT (1983) doivent tre compris dans le contexte de son temps, quand les identits nationales taient plus accentues, la diversit
308 Ibidem, p. 77. 309 Ibidem, p. 81. 310 Ibidem, p. 89. 311 Ibidem, pp. 89-90. 312 Ibidem, pp. 90-91. 313 Ibidem, p. 94. 314 Ibidem, p. 95.
83 culturelle tait moins promue et la globalisation ntait pas encore si intense. De mme, linfluence de la culture dentreprise ne peut pas tre nglige, au sein dune entreprise les diffrents niveaux de la culture (nationale, dentreprise, professionnelle, etc.) tant obligatoirement en interaction 315 . La culture dentreprise est une notion produite par le milieu amricain daffaires et repris ensuite par le management des entreprises europennes. La naissance de cette notion et sa signification pour lentreprise doivent tre comprises dans le contexte conomique et social spcifique pour la priode o il est apparu (les annes 1970-1980). Ainsi, dans les annes 1970, les entreprises amricaines taient confrontes la menace des comptiteurs japonais tandis que les entreprises europennes taient profondment affectes par la crise conomique et par la restructuration industrielle des annes 1980. Le management des entreprises europennes se confrontait la ncessit de rhabiliter limage de lentreprise par lintermdiaire dune approche plus humaniste et de trouver une modalit de mobiliser le personnel employ 316 . La solution a t donne par la culture dentreprise. La culture dentreprise reprsentait donc un lment stratgique dobtenir la loyaut des employs envers lentreprise (mme leur identification avec lentreprise) et leur adhsion aux objectifs proposs par la direction des entreprises 317 . De mme, dans les annes 1980, il y avait un intrt croissant dans le milieu acadmique (les coles dans le domaine des affaires) et parmi les consultants pour les problmes de coordination et dintgration structurelle auxquels les entreprises confrontaient la suite de la globalisation croissante. Aussi, un certain type de culture dentreprise (la cultures forte ) tait associ la performance de lentreprise 318 la suite de lapparition des quatre livres clbres ce temps- l : Theory Z : How American Business Can Meet the Japanese Challenge (OUCHI, 1981), The Art of Japanese Management : Applications for American Executives (PASCALE et ATHOS, 1981), Corporate Cultures : The Rites and Rituals of Corporate Life (DEAL et KENNEDY, 1982) et In Search of Excellence : Lessons from Americas Best Run Companies (PETERS et WATERMAN, 1982) 319 . Tous les quatre livres prsentaient la culture dentreprise comme un lment essentiel pour la performance de lentreprise, les premiers deux en expliquant le succs des entreprises japonaises notamment
315 J. ROJOT, op. cit., p. 471. 316 Denys CUCHE, op. cit., p. 144. 317 Ibidem. 318 Robert GOFEE, Gareth JONES, Organizational Culture : a Sociological Perspective , dans Cary L. COOPER ; Sue CARTWRIGHT ; P. Christopher EARLEY (eds.), The International Handbook of Organizational Culture and Climate, John Wiley & Sons, Ltd., West Sussex, England, 2001, p. 3. 319 Kathryn A. BAKER, Chapter 11. Organizational Culture , 06.08.02., http://www.wren- network.net/resources/benchmark/11-OrganizationalCulture.pdf, p. 1, consult le 4 dcembre 2006.
84 par leur culture dentreprise 320 . La culture dentreprise tait donc considre comme une source davantage comptitif ; et, le plus important, comme une source davantage comptitif durable grce la difficult dtre rapidement et facilement imiter par les comptiteurs 321 . Les quatre livres posaient aussi la question de la possibilit de grer la culture dentreprise dans le but damliorer lavantage comptitif dune entreprise 322 . On peut voir donc que, ds le dbut, la culture dentreprise a t conue et employe en tant quoutil managrial. Pourtant, il ne faut pas se dsintresser de la contribution des membres de lentreprise sa construction. On peut distinguer ainsi entre la culture dentreprise intentionne , qui rsulte des actions des cadres dirigeants et la culture dentreprise courante , qui rsulte des interactions quotidiennes des membres de lentreprise 323 , cest--dire entre la culture dentreprise en tant quoutil managrial et la culture dentreprise en tant quun rsultat des interactions intra organisationnelles. Linstrumentalisation de la culture dentreprise permet aux dirigeants la mobilisation du personnel employ pour atteindre les objectifs de lentreprise. De mme, on suppose que la culture dentreprise accroisse la loyaut et le degr didentification des employs avec lentreprise respective. Car la notion de culture dentreprise rpond un problme trs actuel des socits contemporaines : le problme dintgration, le desserrement des contraintes sociales traditionnelles qui menace aussi lunit de lentreprise, en offrant une solution par son appel la tradition, lhistoire de lentreprise, aux lments de continuit 324 . Mais, la conception de la culture dentreprise en tant quoutil managrial est soumise des critiques, en se posant la question si la culture dentreprise peut tre vraiment gre et, mme plus, si celle-ci nest quune [] idologie cultive par la direction de lentreprise dans le but du contrle et de la lgitimation de son activit 325 . La conception de la culture dentreprise comme un instrument managrial a suscit lintrt des chercheurs sur son processus de constitution. Ainsi, on considre que la culture dune entreprise peut se crer en deux manires. Une premire modalit de cration de la culture dentreprise est par lintermdiaire des interactions spontanes au sein dun groupe qui nest pas structur, ces interactions en gnrant, graduellement, des modles et des normes de
320 Ibidem. 321 R. GOFEE, G. JONES, op. cit., p. 3. 322 K.-A. BAKER, op. cit., p. 1. 323 Leonardo LIBERMAN, Ingemar TORBIRN, Variances in staff-related management practices at eight European country subsidiaries of a global firm , International Journal of Human Resource Management 11:1 February, 2000, p. 40. 324 Ph. BERNOUX, op. cit., p. 188. 325 L. SMIRCICH, op. cit., p. 346. En original : [] ideology cultivated by management for the purpose of control and legitimation of activity .
85 comportement pour le groupe respectif 326 . Une deuxime manire de cration de la culture dentreprise est celle o un individu cre un groupe ou devient son leader, en imposant, ds le dbut, aux membres du groupe, slectionns sur des critres de similarit de pense et des valeurs, ses propres visions, objectifs, valeurs et hypothses concernant la manire de faire les choses 327 . Mais la culture ne se forme pas du dbut, les valeurs et les croyances du leader doivent conduire le groupe envers le succs pour quelles soient partages par les membres du groupe respectif. Seulement la suite de la preuve de leur validit, le groupe actionnera de nouveau en se guidant aprs ces valeurs et croyances. Le renforcement continu des comportements qui ont eu du succs passera, graduellement, les valeurs et les croyances initiales dans un plan de plus en plus moins conscient, en les transformant dans des hypothses fondamentales, tenues pour acquises (taken for granted) et qui ne sont pas ngociables 328 . La culture organisationnelle, ds ses dbuts, a t mise en relation avec la performance de lentreprise. Comme nous lavons dj mentionn, la culture organisationnelle est entendue comme une potentielle source davantage comptitif durable pour lentreprise. Car, on suppose que la culture organisationnelle cre les tats desprit (mentaux, motionnels, attitudinaux) adquats pour soutenir la performance des employs 329 . La culture organisationnelle est donc troitement relie avec lefficacit organisationnelle. Par consquent, la culture dentreprise constitue lobjet des valuations afin didentifier, dans quelle mesure elle soutient la performance des employs. Lintrt pour la culture organisationnelle (dentreprise) est donc encore trs actuel. Ainsi, les chercheurs sont intresss par la comprhension et la mesure de la culture organisationnelle, tandis que les praticiens sont plus intresss par le fait si la culture organisationnelle peut tre gre et change 330 . Par consquent, la liaison entre le management interculturel et la culture organisationnelle apparat dune manire trs claire. Le management interculturel poursuit lobtention de lavantage comptitif par une gestion adquate de la diffrence culturelle tandis que la culture organisationnelle est un lment essentiel pour une entreprise en vue dobtention davantage comptitif durable. On peut donc considrer le management
326 Edgar H. SCHEIN, Organizational Culture and Leadership, troisime dition, Jossey-Bass, San Francisco, 2004, p. 15. 327 Ibidem, p. 15, p. 16. 328 Ibidem, p. 16. 329 Paul R. SPARROW, Developing Diagnostics for High Performance Organization Cultures , dans Cary L. COOPER, Sue CARTWRIGHT, P. Christopher EARLEY (eds.), op. cit., p. 86. 330 Karel DE WITTE, Jaap J. VAN MUIJEN, Organizational Culture: Critical Questions , p. 584.
86 interculturel comme le management de la culture des entreprises qui ont une ressource humaine culturellement diffrente. La culture dentreprise est influence, directement et /ou indirectement, tant par la culture nationale que par le secteur dactivit de lentreprise, par la culture occupationnelle et par les parties prenantes (stakeholders) les consommateurs, le gouvernement, le public en gnral 331 etc. De mme, elle est influence par les nombreux niveaux de la culture quun individu apporte avec soi au moment o il devient le membre dune entreprise. Ainsi, au-del du niveau national et occupationnel, lindividu amne avec soi un niveau rgional et/ou ethnique et/ou religieux et/ou daffiliation linguistique, un niveau de genre et un niveau de gnration de la culture 332 . Dans lentreprise, tous ces niveaux de la culture sont en interaction, lentreprise tant un lieu de transformation culturelle 333 . Comme nous lavons dj mentionn au dbut de cette section, plusieurs tudes ont dmontr que la culture dentreprise navait pas un effet homognisateur sur les diffrences culturelles nationales, celles-ci se prservant au sein dune entreprise multinationale. Pourtant, il ne faut pas ngliger le rle dintgration jou par la culture organisationnelle, surtout dans le cas des entreprises multinationales qui se confrontent au besoin de coordination de leurs filiales gographiquement disperses (voir le dilemme global-local auquel se confronte toute EMN). Lidal est celui dune culture organisationnelle unitaire qui prend aussi en considration les diffrences culturelles. Il y a mme des suggestions concernant les instruments employer dans le but de construire une culture organisationnelle unitaire pour une entreprise multinationale, tels que : linstauration de Company Way (la Faon de la Maison) laide de rgles et de procdures, lemploi des mcanismes dacculturation (la cration dun langage spcifique lentreprise, un profil prdfini utilis pour la slection des futurs employs, des sminaires daccueil, la cration des bibles, des livrets thiques et comportementales, des chartes dentreprise, des journaux internes, la dnationalisation par la rotation des cadres, par lexpatriation des cadres etc.) 334 . Si on analyse cette proposition de cration dune culture de groupe unitaire, on peut identifier une proposition de coordination /intgration ralise. Dans ce cas, la coordination ou lintgration peuvent tre obtenues soit par le processus de travail, soit par un contrle bureaucratique. On signalera, comme une variante restreinte du contrle bureaucratique, la
331 Ibidem, pp. 588-589 et Karel DE WITTE, Jaap J. VAN MUIJEN, Organizational Culture , European Journal of Work and Organizational Psychology, 1999, 8 (4), p. 498. 332 G. HOFSTEDE, Managementul structurilor multiculturale, pp. 26-27. 333 P. DUPRIEZ, op. cit., p. 34. 334 Jean BRILMAN, Gagner la comptition mondiale, Paris, Les ditions dOrganisations, 1991, p. 476, p. 477.
87 coordination par le biais des mcanismes stricts de contrle financier 335 . Mais, ces mcanismes de coordination /intgration, qui permettent latteinte des objectifs de lentreprise 336 , engendrent le risque dun manque dinternalisation des valeurs de lentreprise et dune adhsion seulement formelle des employs aux rgles /procdures de lentreprise cause des relations plutt formelles quils font dvelopper. Par consquent, dautres mcanismes de coordination /intgration ont t proposs : la coordination par lidologie qui suit linternalisation des valeurs partages de lentreprise 337 et le contrle culturel qui suit de mme linternalisation des valeurs partages de lentreprise et le dveloppement de la loyaut des filiales envers la socit mre et envers les cadres suprieurs du sige social 338 . Le contrle culturel pourrait tre exerc par lintermdiaire des expatris qui jouent un rle dagents de liaison entre le sige social et les filiales de lentreprise multinationale 339 , car lemploi des expatris permet, plus que le contrle bureaucratique, le dveloppement des relations informelles et ladhsion des employs aux valeurs /normes de lentreprise. Car, il y a, par exemple, des dimensions de linformation transmise du sige social aux filiales qui sont influences par la culture, linteraction directe tant la meilleure modalit de raliser sa bonne transmission et comprhension 340 . Le contrle bureaucratique pourrait tre prfr par les dirigeants du sige social dans le cas o ils peroivent un haut degr de risque conomique et politique dans les pays o lentreprise a des filiales, la coordination par des politiques et des procdures tant considre comme meilleure que celle par des agents de liaison. Pourtant, on enregistre une tendance de diminution de la confiance faite la possibilit dintgration organisationnelle par des mcanismes formels, ce qui confre la culture organisationnelle un rle dintgration plus important 341 . Ce changement de mcanismes dintgration est, dans une trs grande mesure, le rsultat du changement de structure /forme organisationnelle des entreprises, de lapparition des nouvelles formes organisationnelles (des quipes de projet, des rseaux, des alliances
335 Philippe DIRIBARNE, National Cultures and the Integration of Foreigners , European Journal of Education, vol. 28, no. 3, 1993, p. 359. 336 H-W. LANE, J.-J. DISTEFANO, M.-L. MAZNEVSKI, Implementing Strategy, Structure and Systems dans H.-W. LANE, J.-J., DISTEFANO, M.-L. MAZNEVSKI (eds.), op. cit., 2006, p. 182. 337 H. MINTZBERG, Managing Otherwise , dans Henry MINTZBERG, Joseph B. LAMPEL, Sumantra GHOSHAL, James Brian QUINN (eds.), The Strategy Process: Concepts, Contexts, Cases, quatrime dition, Financial Times/ Prentice Hall, p. 466. 338 A.-M. JAEGER, op. cit., pp. 64-66. 339 G. HOFSTEDE, Cultures Consequences, p. 392. 340 H-W. LANE, J.-J. DISTEFANO, M.-L. MAZNEVSKI, op. cit., 2006, p. 183. 341 R. GOFEE, G. JONES, op. cit., p. 4.
88 etc.), et de nouveaux fondements du contrat psychologique 342 cr entre employeur et employ 343 . Ainsi, une tude concernant le changement de structure de quatre entreprises de langue allemande (dune structure conomique une structure de type rseau) indiquait la croissance de limportance de la culture organisationnelle comme mcanisme de coordination la suite de ce changement. 344 . Car si les frontires traditionnelles des organisations scroulent, la coordination restera la charge des conceptions des dirigeants et des employs concernant la manire de travailler dans des organisations dlimites plutt par des frontires psychosociales 345 . Pourtant, on ne doit pas ngliger les diffrences qui pourront apparatre au sein de la culture organisationnelle et qui ne seront pas ncessairement le rsultat dune diffrence de culture nationale. Ainsi, on peut rencontrer, dans la littrature spcialise, plusieurs approches de la culture organisationnelle : lapproche de lintgration, lapproche de la diffrentiation et celle de la fragmentation 346 . Si dans la perspective de lintgration, la culture organisationnelle comprend des hypothses, des croyances, des valeurs et des normes largement partages, il y a une forte consistance lintrieur et entre diffrents niveaux de la culture et la culture peut tre change par les managers de niveau suprieur 347 , dans la perspective de la diffrentiation, il ny a pas de consensus et de consistance culturelle, car lintrieur dune organisation il existe plusieurs subcultures (dpartementale, professionnelle etc.) et le changement de la culture de haut en bas est difficile raliser 348 . La perspective de la fragmentation met laccent sur la divergence dans linterprtation des individus concernant les lments culturels, sur linconsistance des manifestations culturelles et sur le caractre situationnel et ngociable des diffrentes valeurs, normes et cognitions pour le mme individu 349 . Les perspectives de la fragmentation et de la diffrentiation influencent la manire dont est peru le changement de
342 Le contrat psychologique comprend les croyances individuelles explicites et implicites relatives aux obligations mutuelles qui existent entre employeur et employes D. M. ROUSSEAU cite dans Tania SABA, Mathieu BLOUIN, Louise LEMIRE, Modalits de travail temps plein ou partiel et son influence sur les attitudes et comportements au travail : Leffet mdiateur de la violation du contrat psychologique , Canadian Journal of Administrative Sciences (Revue canadienne des sciences de ladministration), 23(4), 2006, p. 321. 343 Paul R. SPARROW, op. cit., p. 86. 344 Ibidem, p. 86. 345 Ibidem, p. 87. 346 Michael HARRISON, Arie SHIROM, Organizational Diagnosis and Assessment. Bridging Theory and Practice, Sage, Thousand Oaks, California, 1999, p. 265. 347 Ibidem, p. 265. 348 Ibidem, p. 266, p. 267. 349 Ibidem, p. 267.
89 culture organisationnelle, celui-ci tant peru plutt comme le rsultat dun processus graduel de ngociation et rinterprtation que celui dun changement planifi 350 . Comme on la pu dj saisir dans la prsentation de la culture dentreprise en tant quoutil managrial, cette approche repose principalement sur une approche intgrationniste de la culture dentreprise. Le caractre dinstrument managrial de la culture organisationnelle et sa liaison avec la performance de lentreprise fait de lanalyse de la culture dentreprise un instrument important en vue de son changement afin quelle ralise les objectifs de lentreprise et quelle en soutienne les buts, avec une finalit accepte. La recherche de la culture organisationnelle pose des problmes tant du point de vue de la mthodologie employe que de lobjet dtude. Ainsi, il y a des questions sur le contenu de la culture organisationnelle (il y a des critiques sur lutilisation de la culture organisationnelle en tant que poubelle pour toutes les variables organisationnelles quon ne peut pas dcrire exactement 351 ), la dfinition ou lapproche la plus adquate, les dimensions et les domaines de la culture organisationnelle et les cultures quil faut tudier (on prend en compte la liaison entre la culture organisationnelle et dautres cultures qui ont un impact essentiel sur celle-ci : la culture nationale, la culture occupationnelle etc.) 352 . Un modle danalyse de la culture organisationnelle est celui par niveaux, propos par SCHEIN (1985), qui nous servira dans lanalyse des cultures des entreprises tudies dans notre recherche applique. Le terme niveau dsigne le degr de visibilit du phnomne culturel pour lobservateur 353 . Ainsi, il y a des manifestations facilement identifiables de la culture organisationnelle, runies sous la dnomination dartefacts, mais aussi des hypothses de base, fondamentales, inconscientes, qui sont perues comme le noyau de la culture et qui sont si profondment incorpores quelles sont difficiles identifier. Un niveau intermdiaire entre artefacts et hypothses fondamentales est celui des croyances, valeurs, normes et rgles de comportements exposs par les membres dun groupe dans le but de la description de la culture pour les autres et pour eux mmes 354 . Les artefacts constituent le niveau le plus visible de la culture organisationnelle, en incluant tous les produits visibles dun groupe tels que : la configuration de lenvironnement physique de lentreprise, le langage, la technologie, les produits, les crations artistiques, le
350 Ibidem, p. 268. 351 K. DE WITTE, J.-J. VAN MUIJEN, Organizational Culture: Critical Questions , p. 585. 352 Ibidem, p. 585, p. 586, p. 587, p. 588. 353 E.-H. SCHEIN, op. cit., p. 25. 354 Ibidem
90 style de lentreprise, les valeurs dclares officiellement, les rituels et les crmonies observables 355 etc. Mme si le niveau des artefacts est le plus visible, son analyse pourrait rendre difficile le dchiffrement de la culture, cause des hypothses fondamentales quil reflte. Car, on ne peut pas identifier la signification plus profonde dun certain artefact pour un groupe et, de mme, on ne peut pas savoir si lartefact respectif reflte ou non une hypothse de base importante pour la culture du groupe respectif 356 . Aussi, linfrence dune certaine hypothse la suite de lobservation dun artefact est dangereuse cause de la projection inhrente comprise par chaque interprtation. Pour viter ces dangers et obtenir une comprhension plus claire et correcte de la culture dun groupe, il faut, ct des artefacts, faire aussi lanalyse des valeurs, des normes exposes et des principes quotidiens dopration des membres dune organisation 357 . Lanalyse de chaque niveau suppose une certaine mthodologie. Ainsi, si pour les artefacts on peut utiliser lobservation, pour lanalyse des valeurs et des normes on peut utiliser lentretien ou le questionnaire, tandis que pour les hypothses fondamentales une mthode de type ethnographique serait plus approprie 358 . Par la comprhension des hypothses fondamentales et dautres niveaux de la culture dentreprise, on peut mieux grer le changement de culture organisationnelle et mieux linstrumentaliser pour atteindre les buts de lorganisation. Cest dans cette perspective que nous sommes intresse par lanalyse des cultures organisationnelles qui pourrait offrir des informations sur la manire dont la diffrence culturelle est instrumentalise ou comment celle-ci pourrait tre instrumentalise efficacement pour atteindre les buts de lorganisation.
3. Lthique du travail source de diffrence culturelle
Les diffrences culturelles nationales, comme nous lavons dj mentionn au dbut de notre dmarche thorique, sont conues en gnral comme des diffrences entre les systmes de valeurs. De ces systmes de valeurs, les valeurs relies au travail ont une importance majeure pour le domaine du management interculturel. Ltude des valeurs relies au travail en Roumanie est particulirement importante suite la fin du rgime communiste qui a engendr non seulement un changement de systme
355 Ibidem, pp. 25-26. 356 Ibidem, pp. 27. 357 Ibidem. 358 P. DUPRIEZ, op. cit., p. 37.
91 politique, mais aussi conomique, social et culturel. Cette tude des valeurs est dautant plus importante que beaucoup de personnes, issues du milieu acadmique ou non, pensent que ces valeurs sont responsables de la lente mutation de lconomie depuis lentre en transition. Limportance du travail en Roumanie a t approche par des diffrentes recherches au sein de la population roumaine qui visaient une gamme plus large de sujets, telles que les Baromtres dOpinion Publique ou des recherches concernant la perception des valeurs capitalistes en Roumanie 359 . Ainsi, concernant limportance du travail et le travail en tant que vecteur de succs dans la vie, 71% de sujets interrogs considraient, qu long terme, le travail apporte une vie meilleure, tandis que 25% considraient que le succs dans la vie est plutt le rsultat de la chance et des relations 360 . Le Baromtre dOpinion Publique de 2005 indiquait aussi que, au moins au niveau des dclarations, le travail jouait un rle important pour la vie quotidienne. Il tait considr comme gnrateur de comportements moraux positifs. Ainsi, 76% de sujets interrogs considraient quil fallait avoir un emploi pour mettre en vidence les aptitudes professionnelles, 73% accordaient au travail un rle principal, mme si cela signifiait moins de loisir, 67% considraient le travail comme une obligation envers la socit et 59% considraient quil serait humiliant dtre pay sans travailler 361 . Ltude des valeurs lies au travail a aussi une grande importance pour les investisseurs trangers implants en Roumanie qui sinterrogent sur le degr de spcificit de ces valeurs et sur la ncessit dadapter leurs pratiques de gestion aux conditions locales. On ne peut pas comprendre les valeurs et les comportements de travail de la Roumanie postsocialiste si on ne comprend pas les valeurs et les comportements de travail qui prvalaient sous la Roumanie socialiste. Car, pendant le socialisme, le culte du travail que ltat voulait instituer et les ractions de la population envers cette tentative ont transform le travail en symbole et en ont fait une valeur clef 362 . Lidologie socialiste du travail imposait lobligation de tous les membres de la socit de participer la construction du socialisme en fonction de ses possibilits . Ainsi, tous les individus taient classifis en productifs et non productifs et lappel lide de lapport de chaque membre de la socit la construction du socialisme tait employ par les
359 GALLUP ORGANIZATION ROMANIA, FUNDAIA HORIA RUSU, Capitalismul n mentalitile romnilor.Studiu privind percepia i asumarea valorilor capitaliste n Romnia , http://www.gallup.ro/download/Capitalism_Gallup_Horia%20Rusu.pdf, consult le 08 Janvier 2007. 360 Ibidem, p. 62. 361 FUNDATIA PENTRU O SOCIETATE DESCHISA, Valori legate de munc , Barometrul de Opinie Public, lautomne 2005, p. 1, http://www.osf.ro/ro/detalii_program.php?id_prog=19, consult le 9 aot 2007. 362 David A. KIDECKEL, Colectivism i singurtate n satele romneti. ara Oltului n perioada comunist i n primii ani dup Revoluie, Polirom, Iai, 2006, p. 16.
92 autorits comme un moyen de justification pour la mobilisation grande chelle de la force de travail 363 . Lhomognisation qui en a rsult a transform lindividu en membre productif noy dans les masses socialistes, crant ainsi les masses sans visage 364 . De mme, le socialisme a eu lintention de crer un nouvel tre humain : ltre humain socialiste. Cet essai a engendr des changements profonds dans les valeurs, le style de vie et dans la manire dont les gens se rapportaient la famille, aux amis, au lieu de travail etc. Ltat socialiste roumain a vu dans la transformation du travail un lment essentiel pour le changement social 365 . Ainsi, ltat contrlait non seulement le travail et les ressources, mais aussi le sens et la culture, en limitant le champ possible daction, idologiquement et socialement, de ceux qui travaillaient 366 . Ce type de contrle culturel pourrait tre une des explications de la difficult dune grande partie de la population active roumaine de sadapter aux nouvelles exigences de travail dans le post socialisme. Car, les systmes conomiques sont aussi des systmes culturels. En consquence, la comprhension de la manire dont le travail tait peru et pratiqu pendant le socialisme est vitale pour la comprhension des changements produits aprs la fin du rgime socialiste dans la sphre des relations, des valeurs et des comportements de travail. Car, le changement dans la sphre du travail est un des changements les plus importants pour la vie des individus dans le post socialisme 367 . De mme, la comprhension de lthique socialiste du travail est essentielle pour la comprhension de la relation entre les habitudes dveloppes pendant lconomie de la pnurie (un des traits principaux de lconomie socialiste) et les habitudes de travail qui tendent tre cres (ou qui ont t dj cres) par lintroduction des pratiques daffaires et des idologies de travail dorigine occidentale 368 , car lthique postsocialiste du travail est caractrise tant par un changement que par la continuit par rapport lthique socialiste du travail. Avant dapprocher le thme de lthique du travail en Roumanie, il faut faire quelques clarifications dordre terminologique et mthodologique. Les ex-socits communistes sont
363 Gail KLIGMAN, Politica duplicitii. Controlul reproducerii n Romnia lui Ceauescu, Humanitas, Bucureti, 2000, p. 35. 364 Ibidem, p. 151. 365 Ibidem, p. 31. 366 Ibidem, p. 32. 367 Ainsi, D.-A. KIDECKEL (op. cit., p. 12), qui a effectu une de ses recherches anthropologiques dans la Roumanie socialiste et aussi, pour une courte priode de temps dans la Roumanie postsocialiste, a identifi le changement dans le travail comme tant, dans la rgion quil a tudie (ara Oltului), ( ) laspect immdiat et le plus persistant et dterminant de la vie postsocialiste dans la rgion () . 368 Katherine VERDERY, op. cit., pp. 24-25.
93 gnralement connues sous la dnomination de socits en transition. Pourtant, il ny a pas de consensus concernant lutilisation de terme transition, des termes comme postcommunisme ou post socialisme tant aussi employs. Nous considrons donc quon impose quelques dlimitations conceptuelles avant de traiter le sujet de lthique du travail (entendue comme lensemble des valeurs et des principes qui gouvernent les relations de travail) dans la Roumanie socialiste et postsocialiste. Dans notre thse, nous utiliserons le terme post socialisme pour dsigner la priode qui dbute la fin du rgime socialiste en 1989. Une des raisons pour lesquelles on prfre lutilisation du terme post socialisme rside dans sa capacit dsigner, du point de vue temporel, la priode qui dbute aprs la chute du rgime de Ceauescu en 1989 369 . De plus, on ne peut pas parler dune transition du socialisme au capitalisme, la dmocratie ou lconomie de march. Les transformations des pays aprs la fin du socialisme ont pris plusieurs formes qui sont plus ou moins proches des conomies de march occidentales 370 . Si on parle de transition, on parle dun mouvement vers un but prdtermin (un mouvement tlologique), ce qui entrane lomission de la spcificit de ce processus pour les pays de lEurope Centrale et de lEst. Ainsi, on considre que tous les pays ex-communistes suivent le mme but final : le capitalisme dmocratique. Mais, en fait, celui-ci est le but triomphaliste des Amricains, but qui est considr comme la fin de lhistoire. En revanche, dans le post socialisme, il ny a pas un but final suivre, car le capitalisme dmocratique ne doit pas tre ncessairement choisi comme un but atteindre, chaque pays pouvant choisir une autre variante 371 . La description du systme socialiste et de lthique du travail spcifique ce systme sera faite dune manire gnrale, sur la base de la littrature, particulirement conomique et anthropologique, dans le domaine du socialisme. Notre intention est de tracer seulement un cadre gnral de rfrence, car nous avons conscience quen ralit le socialisme a connu des voies varies 372 . Dans la description de la manire de fonctionnement du systme socialiste en Roumanie nous mettrons laccent seulement sur les lments relis, directement ou indirectement, lthique du travail.
369 Monica HEINTZ, Changes in Work Ethic in Postsocialist Romania, PhD Thesis, University of Cambridge, 2002, p. 18, http://monica.heintz.free.fr/HEINTZ_PhDthesis.pdf, consult le 25 novembre 2004. 370 Katherine VERDERY, Socialismul-ce a fost i ce urmeaz, Institutul European, Iai, 2003, p. 28. 371 Les remarques sur la distinction entre transition et post-socialisme ont t faites par le professeur David A. KIDECKEL pendant la confrence : Post-socialism and Changing Value , dans le cadre de Lectures and workshops on developing, integrating, and evaluating the anthropological curriculum. American anthropology in American universities, Mars-Avril 2005, Facult dEtudes Europennes, Universit Babe-Bolyai Cluj- Napoca, Roumanie. 372 D.-A. KIDECKEL, op. cit., p. 34.
94 3.1. Lthique du travail dans la Roumanie socialiste
Les conomies socialistes peuvent tre des conomies planification centralise ou des conomies o il y a une proprit sociale (au sens de proprit de lEtat) des moyens de production 373 . La Roumanie socialiste a eu une conomie de planification centralise, en fonctionnant daprs le modle sovitique, caractris par un haut degr de centralisation. Ce type dconomie privilgie les relations verticales entre les agents conomiques, les entreprises fonctionnant daprs les directions des autorits hirarchiques. La notion de march nest pas prise en considration, lentreprise ayant seulement une fonction dcisionnelle 374 . Ce systme de planification centralise a gnr, dans lopinion de Katherine VERDERY, la fragilit du systme socialiste car en ralit, le pouvoir central navait pas russi faire une bonne planification et exercer un contrle adquat sur celle-ci 375 . On peut parler dun cercle vicieux cr dans la relation entre le pouvoir central (le Centre) qui tait allocateur de ressources et les entreprises bnficiaires de celles-ci. Ainsi, parce que le Centre augmentait chaque anne les indicateurs du plan accomplir par les entreprises, mais sans fournir temps les ressources ncessaires pour son parachvement, les directeurs des entreprises ngociaient le plan, en transmettant au Centre une demande plus grande dinvestissement et de matires premires quen ralit, pour prvenir ainsi la situation dtre en incapacit accomplir le plan. Par consquent, le Centre tablissait ds le dbut une planification la base des faux indices, les besoins rels des entreprises tant ignors 376 . Le faux rapport sur leurs besoins permettait aux entreprises de stocker les matires ncessaires pour un futur cycle de production ou pour faire du troc avec dautres entreprises, dans le but dobtenir dautres matires premires 377 . Le stockage et lamplification des budgets ont t parmi les facteurs qui avaient engendr la pnurie, qui tait devenue un phnomne chronique dans lconomie socialiste, do sa dnomination, consacre par Jnos KORNAI (1980), d conomie de la pnurie . La spcificit des systmes socialistes ntait pas la pnurie, mais son caractre gnral et chronique 378 . La pnurie chronique et gnrale est le rsultat du fait que le systme socialiste, dans sa forme classique , est un systme contraint par des ressources, donc une
373 Franois SEUROT, Les conomies socialistes, Presses Universitaires de France, Paris, 1983, p. 3. 374 Ibidem, pp. 3-9. 375 K. VERDERY, op. cit., p. 39. 376 Ibidem, pp. 39-40. 377 Ibidem, p. 40. 378 Jnos KORNAI, Drumul nepietruit al transformrii, Kriterion, Bucureti, Cluj, 2000, p. 25.
95 faible contrainte budgtaire 379 . Au ple oppos se trouve le systme capitaliste qui, dans sa forme classique , est un systme contraint par demande 380 , donc une forte contrainte budgtaire. Les manifestations principales de la faible contrainte budgtaire sont la survie et la croissance des entreprises assures par ltat paternaliste quimportent leurs performances conomiques et leur situation financire 381 . Gnralement, les contraintes budgtaires faibles ne sont pas efficientes, car la situation financire dune entreprise ne la contraint aucune action, largent ayant seulement un rle passif 382 . Dans ces conditions, le gaspillage des ressources par les entreprises, qui ne sont soumises aucune sanction, devient quelque chose dhabituel comme leur demande croissante, presque insatiable, de ressources 383 . Les entreprises et les consommateurs finaux (les mnages) entre ainsi en comptition pour ressources, les entreprises ayant lavantage de la faible contrainte budgtaire. Car les entreprises sont moins, voire pas du tout, sensibles aux cots, tandis que les mnages, qui bnficient dune forte contrainte budgtaire, sont trs sensibles aux prix 384 . Cette comptition pour des ressources alloues par le Centre sest dveloppe aussi entre entreprises o entre les diffrents segments de la bureaucratie. Dans ces conditions, la logique de la redistribution fonctionne sous la forme du pouvoir le plus grand confr au segment bureaucratique qui dtient la quantit la plus grande des ressources distribuer. Ainsi, les systmes socialistes similaires celui qui a fonctionn en Roumanie peuvent tre considrs comme des bureaucraties de redistribution 385 . Par consquent, la redistribution, ou plutt lallocation bureaucratique , devient le principe de lgitimation du socialisme 386 . Laccumulation de profits, source de pouvoir dans les socits capitalistes, ntait pas importante. La plus importante tait laccumulation de ressources productives (des ressources qui produisaient dautres ressources utilisables).
379 Idem, The Reproduction of Shortage , dans Jnos KORNAI, Contradictions and Dilemmas. Studies on the Socialist Economy and Society, The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, London, England, 1986, p. 15. 380 Ibidem, p. 9. 381 Ibidem, p. 13. 382 Ibidem, p. 14. 383 Ibidem, p. 16. 384 Ibidem, p. 26. 385 Katherine VERDERY, Ethnic relations, economies of shortage, and the transition in Eastern Europe , dans C.- M. HANN, Socialism : Ideals, Ideologies and Local Practice, Routledge, London and New York, 1993, p. 178. 386 Katherine VERDERY, Compromis i rezisten. Cultura romn sub Ceauescu, Bucureti, Humanitas, 1994, pp. 48-49. Elle justifie lutilisation du terme allocation bureaucratique et non celui de redistribution par son intention dviter la confusion entre la redistribution socialiste et dautres formes de redistribution plus connues dans lanthropologie conomique (p. 49).
96 Le capital de pouvoir et, plus important, la relation de dpendance des membres du systme envers ltat (relation qui soulignait la supriorit paternaliste de ltat sur ses citoyens 387 ) taient ainsi maintenus. Comme dans dautres systmes de redistribution o le pouvoir dtenu par les chefs est menac par le pouvoir de redistribution dautres chefs , dans le systme socialiste le pouvoir allocateur dun bureaucrate est menac par le pouvoir allocateur dautres bureaucrates ; ceux-ci se trouvent, donc, constamment, sous la pression de dtenir une quantit aussi grande que possible de ressources 388 . La lutte pour ressources est devenue une constante du systme socialiste caractris par une conomie centralement planifie (mais mal planifie et contrle), par une faible contrainte budgtaire, par paternalisme et par lallocation bureaucratique comme principe lgitimateur de ltat. Car, le Centre accumulait des ressources pour garder sa lgitimit devant la population par son pouvoir de redistribution 389 (le contrat social essentiel du socialisme tait la proccupation de ltat de satisfaire les besoins de tous ses membres 390 ), les bureaucrates de tout niveau accumulaient des ressources pour gagner du pouvoir par rapport dautres bureaucrates, les entreprises stockaient des ressources matrielles et humaines pour russir accomplir les demandes imprvisibles des plans et pour obtenir les ressources ncessaires pour la production, les consommateurs cherchaient des ressources en vue de satisfaire leurs besoins par des moyens directs ou indirects (laccs des individus certains biens tant assur seulement sils avaient les ressources ncessaires). Par consquent, la pnurie est devenue une constante du systme socialiste. En outre des facteurs ci-dessus mentionns, la pnurie a t aussi le rsultat de la tension fondamentale entre les deux sources qui assuraient la lgitimit et le pouvoir des bureaucrates : la redistribution et laccumulation de ressources 391 . Ainsi, tandis que la redistribution confrait de la lgitimit au systme par lassurance des biens ncessaires pour la population (en prouvant, ainsi, que ltat respectait le contrat social), laccumulation des ressources lui confrait le pouvoir. Pratiquement, la tension sest cre entre lindustrie des biens de consommation et lindustrie lourde, car ltat avait choisi, pour garder son pouvoir, sacrifier la consommation en faveur de la production et du contrle de celle-ci. En fait, ltat profitait du fait que le contrat social socialiste garantissait au peuple la satisfaction des besoins
387 K. VERDERY, Socialismul, p. 47. 388 K. VERDERY, Ethnic relations. , p. 179. 389 K. VERDERY, Socialismul, p. 48. 390 Ibidem, p. 46. 391 Ibidem, p. 49.
97 fondamentaux, mais il ne garantissait pas la qualit des produits offerts en vue de leur satisfaction 392 . Le sacrifice de la consommation sest manifest sous la forme des queues 393 , qui sont devenues un phnomne habituel pour les socits socialistes, mais qui taient ignores par la rhtorique officielle publique 394 . La queue tait une des expressions les plus visibles de lconomie de la pnurie, surtout dans la Roumanie des annes 1980, quand le stockage des aliments qui dpassait les besoins dun mnage pour un mois tait devenu un dlit pnal 395 . La queue 396 coexistait, paradoxalement, avec des stocks des produits non vendables 397 . Cette situation tait le rsultat dune production de moyens de subsistance qui entretenait la pnurie de moyens de subsistance par une production insuffisante de produits demands par la population, par une production de grandes proportions des produits moins demands et par le fait que beaucoup de produits taient inutilisables cause de leur qualit 398 . Les queues infirmaient, en pratique, la loi fondamentale du socialisme, qui proclamait comme raison de son existence la maximalisation de la satisfaction pour tous les ouvriers 399 . En fait, les ouvriers dveloppaient des nombreuses stratgies en vue dassurer la satisfaction de leurs besoins fondamentaux dans une socit qui tait [] en mme temps une socit industrialise et une de type chasseurs-collecteurs, o les citoyens devaient lutter pour satisfaire leurs besoins de subsistance quotidienne. 400 . Ainsi, la ngligence des besoins des consommateurs a transform la consommation dans une question politique 401 . De mme, lexprience humiliante vcue par un consommateur dans son essai de satisfaire ses besoins fondamentaux 402 dans les conditions o sur le march dune conomie de la pnurie il y avait une ingalit de positions entre le vendeur et
392 Ibidem, p. 49. 393 Ibidem, p. 49. 394 Pavel CMPEANU, Romnia: coada pentru hran un mod de via, Litera, Bucureti, 1994, p. 10. 395 Ibidem, p. 9. 396 La dfinition conomique de la queue, dfinition donne par P. CAMPEANU (op. cit., p. 26), est: le fil dattente [qui] apparat comme adaptation du systme de distribution la condition de la pnurie [] elle a la fonction conomique de rduire la demande au niveau de loffre par des moyens de nature non-conomique : lordination temporelle de laccs lacte dchange et le conditionnement, par par le biais du temps, de lemploi de largent [] . En original: irul de ateptare apare ca adaptare a sistemului de distribuie la condiia penuriei [] are funcia de a reduce cererea la nivelul ofertei prin mijloace de natur extraeconomic: ordonarea temporal a accesului la actul de schimb i condiionarea prin timp a utilizrii banilor [] . 397 Ibidem, p. 13. 398 Ibidem, pp. 12-13. 399 Ibidem, p. 148. 400 G. KLIGMAN, op. cit., p. 84. En roumain : [] n acelai timp o societate industrializat, dar i una de tipul vntori-culegtori n care cetenii trebuiau s se lupte pentru a-i satisface nevoile subzistenei zilnice. 401 K. VERDERY, Socialismul, p. 51. 402 Ibidem, p. 97.
98 lacheteur en faveur du premier 403 la influenc plus profondment, au niveau psychologique. Ont t crs ainsi certains types dattitude, comme rsultats des rles jous par des individus trouvs constamment dans la mme situation 404 . Et, le plus souvent, lacheteur /le consommateur, qui avait une position infrieure sur le march du vendeur 405 , jouait un rle de subordonn, tant obissant et humble pour ne pas fcher /ennuyer le vendeur qui pouvait lui retirer laccs aux biens, si rares, de consommation. Par contre, le vendeur dveloppait la conscience de son pouvoir, de sa capacit de punir le consommateur ou de le mettre dans des situations dsavantageuses 406 . Dans les conditions o la consommation tait un problme quotidien de survie et dadaptation 407 , les individus avaient dvelopp un grand nombre de stratgies pour se procurer les produits /les services dont ils avaient besoin. Ces stratgies sont runies sous la dnomination d conomie informelle ou d conomie secondaire . L conomie secondaire a permis aux individus de satisfaire une grande partie de leurs besoins qui ntaient pas satisfaits par lconomie formelle 408 . Les stratgies incluses dans l conomie secondaire supposaient des mthodes trs varies afin de se procurer des produits /des services, mthodes qui frlaient parfois lillgalit 409 : le pot-de-vin, lappel aux connaissances personnelles, aux parents, aux amis 410 , lutilisation illgale (mme le vol) de lquipement de lentreprise, la manipulation des biens de ltat pour les vendre sur le march noir 411 etc. Par exemple, la suite dtude approfondie des stratgies dveloppes par les habitants de Sntana (localit du dpartement dArad, trouve la frontire de la Roumanie avec lHongrie) pour couvrir les manques dans leur consommation, ont t identifies plusieurs stratgies desquelles deux taient dominantes : le petit trafic de frontire avec la Hongrie et les cadeaux, la marchandise et les devises dont les habitants de Sntana
403 Jnos KORNAI dans Economics and Psychology: An Interview with Jnos Kornai , dans J. KORNAI, Contradictions and Dilemmas, p. 63. 404 Ibidem, p. 64. 405 La cration dun march du vendeur est une traite spcifique pour le march dune conomie de pnurie, traite conscutive mme lingalit de pouvoir entre les vendeurs et les acheteurs (J.KORNAI dans Economics and Psychology , p. 62). Sur ce march, la concurrence nest pas entre les vendeurs en faveur de lacheteur, mais entre les acheteurs pour gagner la faveur du vendeur par flatterie et pot-de-vin (J. KORNAI, Drumul nepietruit, p. 62.) 406 J. KORNAI dans Economics and Psychology , p. 63. 407 Liviu CHELCEA, Puiu LEA, Romnia profunda n comunism: dileme identitare, istorie locala si economie secundara la Sntana, Nemira, Bucureti, 2000, p. 187. 408 K. VERDERY, Socialismul, p. 50. 409 Ibidem, p. 50. 410 L. CHELCEA, P. LEA, op. cit., pp. 187-188. 411 K. VERDERY, Socialismul, p. 50.
99 bnficiaient par lintermdiaire des Allemands qui avaient migr en Allemagne 412 . Pour le petit trafic , les habitants de Sntana avaient deux options : acheter les produits disponibles dans le systme de distribution (pour a, ils devaient dvelopper des relations avec les entreprises productrices ou avec les rseaux de distribution; ces relations taient bases sur la parent ou sur lchange) ou sapproprier ces produits de lieux o ils travaillaient : des entreprises ou la C.A.P. Cooprative Agricole de Production) 413 . Les pratiques dappropriation des produits sur le lieu de travail pour la consommation personnelle ou pour tre vendus sur le march noir sont, de nos jours, encore habituelles dans certaines entreprises roumaines. La raret des biens de consommation a chang les habitudes de consommation (par exemple, les emballages de certains produits taient gards pour leur valeur dornement, pour dautres activits dans le mnage le stockage ou la cuisine ou mme pour leur valeur motionnelle 414 ) et a entretenu le mythe du consumrisme occidental 415 . Dans une certaine mesure, la consommation des produits occidentaux a constitu une forme de rsistance envers le systme, VERDERY parlant mme dun style de consommation qui a cr des identits sociales rsistantes 416 . Lconomie informelle /secondaire, qui coexistait avec celle dtat et qui ne pouvait pas tre spare de celle-ci, a profondment influenc la relation des individus avec leur lieu de travail, qui [] constituait un micro cosmos institutionnalis de la socit socialiste en cours ddification 417 . Car lintgration dans un systme de relations et, comme nous lavons vu, (mme) les ressources et les biens produits par lentreprise assuraient aux individus la possibilit de satisfaire leurs besoins. De plus, les bnfices sociaux et le sentiment de scurit dans un milieu sociopolitique peru comme imprvisible faisaient les individus plus vulnrables la menace avec la perte de leur emploi, menace instrumentalise par le pouvoir pour faire les individus (et leurs familles) se conformer des attentes plutt de nature idologique que relies avec leurs emplois 418 . Si ntaient pas ces explications, la dpendance et la vulnrabilit de lindividu par rapport son emploi sembleraient paradoxales dans un systme qui offrait des opportunits demplois tous ses membres, crant, ainsi, un sentiment de scurit.
412 L. CHELCEA, P. LEA, op. cit., pp. 192. 413 Ibidem, pp. 198-199. 414 Ibidem, p. 212. 415 Ibidem, p. 187. 416 K. VERDERY, Socialismul, p. 53. 417 G. KLIGMAN, op. cit., p. 39. En original: [] constituia un microcosmos instituionalizat al societii socialiste n curs de edificare . 418 Ibidem
100 La pnurie de biens de consommation a t accompagne, pendant longtemps, par la pnurie de force de travail 419 . En effet, le plan tant imprvisible et les cycles de production variables, lentreprise se devait davoir sa disposition la ressource humaine ncessaire pour pouvoir accomplir temps les indices imputs. Par consquent, ce qui tait appel le chmage au lieu de travail 420 stait dvelopp grande chelle. Les mmes traits du systme socialiste qui avaient gnr lconomie de la pnurie ont gnr aussi la stabilit des prix, des salaires, des lieux de travail et des services sociaux, crant un sentiment de scurit au sein de la population et des mnages qui pouvaient anticiper leur situation financire 421 . La situation de la scurit de lemploi pendant le rgime socialiste apparat comme une controverse : dune part, la scurit de lemploi tait assure par loi, dautre part, elle dpendait, en fait, de la conformit des employs aux demandes idologiques. Les employs taient dpendants de leurs emplois et vulnrables aux pressions de se conformer aux attentes du pouvoir et, en mme temps, ils taient en position de force, les cadres ayant, cause de la pnurie de la force de travail 422 , moins dinfluence sur les ouvriers que les cadres capitalistes. Car la pnurie de la force de travail transformait les ouvriers en ressource de valeur, qui devait tre stocke comme toute autre matire premire 423 . De mme, il y avait une complicit entre les cadres et les ouvriers qui permettait au systme de fonctionner mme de manire imparfaite 424 . Une des manifestations de cette complicit tait les primes accordes aux ouvriers pour certains compromis. Une des expressions souvent utilises cette poque-l, expression extrmement illustrative pour la complicit entre les cadres et les travailleurs, tait : Ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler 425 . Ltatisation du temps 426 (expression qui signifie la monopolisation du temps par ltat par lintermdiaire des rituels, des sances, des horaires quotidiens de travail, des queues 427 etc.), la pnurie de force de travail pnurie qui a dtermin le stockage de la main duvre par lentreprise en vue de bien sacquitter de ses tches de production qui avaient un rythme irrgulier (des priodes inactives suivies par des priodes dintense activit) 428 et la
419 J. KORNAI, Drumul nepietruit, p. 79. 420 Ibidem, p. 80. 421 Ibidem, p. 86. 422 K. VERDERY, Socialismul, p. 43. 423 Ibidem, p. 42. 424 G. KLIGMAN, op. cit., p. 34. 425 En original : Ei se fac c ne pltesc, noi ne facem c muncim. 426 Lexpression est emprunte par K. VERDERY lcrivain roumain Norman MANEA (K. VERDERY, Socialismul, p. 72.) 427 Ibidem, p. 72, p. 82. 428 Ibidem, p. 76.
101 navette faite par les villageois pour travailler dans la ville (pratique qui persiste aussi dans la Roumanie postsocialiste) ont gnr des nouveaux repres temporels pour les individus. Ainsi, le nouvel tre humain socialiste est devenu un tre humain arythmique 429 . Une des consquences potentielles de cette arythmie est un dsquilibre permanent des individus et linstitution de lincertitude comme rgle 430 . Lincertitude et le sentiment de scurit taient donc tous les deux des caractristiques du systme socialiste. Nous considrons que les effets de cette coexistence peuvent tre identifis dans le rapport ambivalent lgard de lincertitude spcifique la socit roumaine postsocialiste (nous discuterons dans la section examinant la Roumanie postsocialiste les rsultats pour la Roumanie concernant lvitement de lincertitude une des dimensions de la culture nationale du modle propos par HOFSTEDE (1980). Pendant le socialisme, le temps tait aplani, ralenti et transform dans un temps non linaire 431 . On peut parler mme dun autre ordre temporel, profondment diffrent su temps capitaliste fortement reli la croissance des profits, lefficacit et lefficience 432 . Non seulement lordre temporel tait diffrent, mais aussi les conceptions de lindividu et de lactivit 433 . Par exemple, mme sil y avait des horaires formels et obligatoires de travail, des nombreuses personnes faisaient la queue pendant le programme du travail. Si, dans certains cas, cela tait possible par le caractre discontinu du travail qui permettait de faire la queue, dans beaucoup de cas, celle-ci tait une pratique tolre par les cadres 434 . De mme, la pnurie de force de travail, comme nous lavons dj vu, gnrait du chmage sur le lieu de travail. Ainsi, certaines priodes, les ouvriers navaient rien faire mais devaient tre prsents dans lentreprise. Mais, que lentreprise ait ou non une activit de production, les ouvriers devaient participer aux rituels de production organiss par le Parti communiste (des comptitions entre les brigades des entreprises, des journes volontaires de travail, etc.). Ces rituels gnraient des ractions ngatives parmi les travailleurs qui y participaient, dans leur grande majorit, sans engagement, montrant mme du mpris envers ces activits. Ainsi, sest dvelopp le culte du non travail comme une forme de rsistance envers le culte du travail qui tait employ de manire propagandiste pour mobiliser les individus raliser les objectifs du
429 Ibidem, p. 94. 430 Ibidem, p. 95. 431 Ibidem, p. 72. 432 Ibidem, p. 63. 433 Ibidem, p. 65. 434 P. CMPEANU, op. cit., p. 102.
102 plan 435 . De mme, le culte du non travail tait une forme de rsistance (et en mme temps dimitation) contre les chefs de Parti qui taient rcompenss plutt en fonction de critres idologiques quen fonction de leur performance professionnelle. La distinction entre eux (les cadres) et nous (les travailleurs) tait trs prgnante 436 mais aussi antagoniques. Dans sa recherche effectue sur la priode socialiste dans une des rgions de la Roumanie, KIDECKEL (2006) a surpris cette attitude ambivalente de nous envers eux . Ainsi, tandis que les membres des coopratives socialistes soulignaient cette diffrence, ils essayaient en mme temps de crer des bonnes relations avec eux , la solidarit conomique et de travail au sein de nous tant faible 437 . Cette relation paradoxale (relation dunit par antagonisme avec eux et en mme temps de faible solidarit) entre les membres du mme groupe (le groupe nous ) pourrait trouver son explication dans la mfiance instaure entre collgues (chacun pouvait tre un informateur de la police secrte) 438 et, en gnral, au niveau de la socit, car le socialisme a cr des individus qui taient profondment mfiants, gocentriques et apathiques 439 . La mfiance et latomisation de la socit ont fait leur apparition sur le fond dun collectivisme grande chelle, qui tait officiellement soulign 440 . Pour rsumer, lthique du travail pendant le systme socialiste a t profondment influence par le culte du travail institu par lEtat socialiste et par lintention de celui-ci de crer le nouvel tre socialiste , lidentit sociale de lindividu tant dfinie dans une trs grande mesure par sa qualit de membre productif, value par sa contribution la construction du socialisme. Le travail et le lieu de travail sont devenus ainsi essentiels pour la vie des individus. De mme, les caractristiques principales de lconomie socialiste, la planification centralise, la pnurie et la contrainte budgtaire faible (qui taient toutes dans une forte interdpendance), ont eu des consquences majeures sur la constitution de lthique socialiste du travail. Ainsi, la planification centralise a gnr la concentration des cadres sur la ralisation des indices imputs et mme sur leur dpassement (voir la contribution la
435 K. VERDERY, Socialismul, p. 44. 436 Ibidem. P. Cmpeanu (op. cit., p. 155) mentionnait, par exemple, lexistence des magasins spciaux destins ceux de lhirarchie officielle (les membres de la nomenclature) o laccs tait permis sur la base des cartes de membre et o, contrairement au reste des magasins, il ny avait pas de queue. Dans les conditions o la pnurie avait institu la queue comme une ralit (dure) pour la vie de la plus grande majorit de la population, lexistence de ces magasins soulignait trs clairement la distinction entre eux et nous . 437 D.-A. KIDECKEL, Colectivism, p. 17. 438 G. KLIGMAN, op. cit., p. 39. 439 D.-A. KIDECKEL cit dans Thomas C. WOLFE, Cultures and Communities in the Anthropology of Eastern Europe and the Former Soviet Union , Annu. Rev. Anthropol, no. 29, 2000, p. 204. 440 K. VERDERY, Socialismul, p. 96.
103 construction du socialisme) souvent au dtriment de la qualit (la production des biens de consommation pour la population a t la plus affecte par le manque de qualit, lintrt pour lindustrie lourde en jouant aussi un rle important). Les faux indices du plan, conscutifs aux faux rapports des cadres sur les besoins de leurs entreprises, ont gnr une proccupation pour le stockage de tout type de ressources, y compris la ressource humaine ; stockage qui, son tour, a engendr la pnurie. La pnurie de la force de travail a t accompagne par lapparition du phnomne du chmage sur le lieu de travail. Ainsi, sest cre une relation de dpendance de lindividu par rapport son lieu de travail non pour des raisons financires (la pnurie des biens de consommation faisait la rcompense financire moins motivante), mais pour laccs aux rseaux de relations qui permettait aux individus la satisfaction de leurs besoins de consommation. De mme, la pnurie de force de travail et limprvisibilit du plan, qui ont dtermin le stockage de la ressource humaine ont cr une relation de dpendance de lentreprise envers ses employs. Cette dpendance rciproque a cr des relations de complicit entre les cadres et le reste demploys. En mme temps, cette relation tait base sur un profond antagonisme, qui rsultait de la distance perue par les employs ( nous ) par rapport aux cadres ( eux ). La contrainte budgtaire faible, en raison de laide permanente accorde par ltat paternaliste aux entreprises, a encourag le gaspillage des ressources, le manque dintrt pour la qualit et la performance, le manque de responsabilit tant de la part des cadres que des employs. De plus, la scurit du lieu de travail pour tous thoriquement il ny avait pas du chmage pendant le socialisme, mais en pratique celui-ci existait, masqu par exemple sous la forme du chmage sur le lieu de travail a gnr une faible proccupation pour la qualit du travail, une diminution de la responsabilit des employs et mme une autre approche du temps. Ainsi, la suite de son tatisation , le temps est devenu aplani, ralenti, en se transformant dans un temps non linaire. Lindividu est devenu arythmique, son temps tant dfini par les rythmes irrguliers de la production, par la participation aux rituels de production dans des buts idologiques, par les queues quil devait faire pour obtenir un minimum de biens de consommation ou par la navette quune grande partie de la population rurale devait faire pour travailler dans les grandes entreprises de lindustrie lourde qui taient, gnralement, situes dans des rgions urbaines.
104 Les relations de travail ont t profondment affectes par la mfiance et par la poursuite de lintrt personnel, doubles, en mme temps, de la conscience de la ncessit de maintenir de bonnes relations avec les autres pour avoir accs aux ressources. La comprhension de lthique socialiste du travail a une importance fondamentale pour le management interculturel des entreprises implantes en Roumanie car, mme si le post socialisme a apport des changements profonds dans lthique du travail, il y a des lments de lthique socialiste du travail qui persistent encore de nos jours.
3.2. Lthique du travail dans la Roumanie postsocialiste
Le post socialisme a apport une transformation profonde dans lthique du travail. Aprs la fin du rgime communiste (la Rvolution de 1989), lthique socialiste du travail a t mise sous les projecteurs, en devenant un sujet dintrt central dans le discours des autorits, des mdias, et de la population roumaine en gnral. La forme sous laquelle lthique socialiste du travail apparat le plus souvent dans ce discours est celle de la mentalit communiste qui, en gnral, a une connotation ngative car considre comme responsable de la crise sociale et conomique daprs la Rvolution de 1989. Cette opinion est devenue trs populaire, tant partage par une grande partie de la population roumaine. La mentalit tait ainsi rendue responsable de la dsorganisation et des inerties existantes en Roumanie. Cette perception ngative de lthique socialiste du travail, si largement rpandue, a eu des consquences importantes pour la formation de lthique postsocialiste du travail. Ainsi, lessai mme dchapper toute influence de la mentalit communiste est devenue un lment de lthique post socialiste du travail. Un autre lment constitutif de lthique postsocialiste du travail, corrl avec celui mentionn antrieurement, est le ftichisme de lOuest. Ainsi, lOccident est devenu un fournisseur de modles concernant lorganisation, la gestion des entreprises, les comportements et les valeurs de travail (le ftichisme de lOuest se manifeste un niveau plus gnral dans la socit roumaine) 441 . Le rejet de la mentalit communiste a cr, sur le march du travail, une distinction entre ceux qui ont travaill pendant le rgime communiste et ceux qui ont commenc travailler aprs (distinction avec une connotation ngative pour ceux qui font partie de la premire catgorie).
441 Monica HEINTZ, Etica muncii la romnii de azi, Curtea Veche, Bucureti, 2005, pp. 2-21.
105 Cette distinction nest pas toujours formule clairement mais elle se manifeste assez souvent sous la forme dune discrimination par lge. Le critre ge peut fonctionner ainsi comme un instrument important dans la structuration des relations entre les acteurs sociaux, car la diffrence dge ne fonctionne plus seulement au sens classique de distinction entre gnrations, mais elle est devenue la ligne de dmarcation entre deux mondes distinctifs. Plus que jamais lge devient un problme identitaire. La diffrence culturelle entre des gnrations formes dans les deux systmes socio-conomiques incompatibles (socialiste et post socialiste) est, souvent, plus importante que les diffrences ethniques et /ou rgionales traditionnelles 442 . Lge fonctionne ainsi comme un des principaux critres dexclusion du march du travail, tant associ certains comportements, comptences, qualits personnelles et professionnelles 443 . Pour luder la lgislation contre la discrimination sur le march du travail, les employeurs formulent souvent les annonces qui contiennent des descriptions du profil du candidat pour un certain poste en faisant rfrence certains comportements, comptences, habilets, etc. lge ntant pas mentionn. Pour schmatiser, lemploy idal serait : une personne dynamique , avec un aspect physique agrable et une tenue dcente , qui a esprit dorganisateur , des habilets de communication et de ngociation , qui fait preuve de srieux (comme nous le verrons dans les tudes de cas de la deuxime partie de notre thse, le srieux est valoris positivement dans la culture roumaine), de flexibilit , de disponibilit pour un horaire prolong de travail et dadaptabilit un milieu [de travail] jeune et dynamique . Ces demandes sont presque universellement valables, quel que soit le poste annonc. Si on passe au-del de ces formulations et de la dclaration souvent rencontre : nous ne sommes pas intresss par lge, chacun a le droit de travailler, mais, vous savez, nous sommes un collectif [des gens] jeune et, peut-tre, pour une personne ge serait plus difficile de sadapter [] , on dcouvrira quen fait lge demand (souvent le maximum accept) est de 35 ans (et pour des postes qui supposent linteraction avec le public : 30 ans) 444 . Le revers de cette situation est une perception ngative de la part des personnes plus ges de la nouvelle mentalit , la mentalit des jeunes. Si les premiers se trouvaient dans la position dembaucher une jeune personne, ils pourraient bloquer son accs pour des
442 En Roumanie, il y a la perception de lexistence des importantes diffrences culturelles entre les anciennes rgions historiques de la Roumanie (Moldavie, Transylvanie, Oltnie, Banat etc.) 443 Veronica MATEESCU, Scurt raport despre starea pieei muncii clujene [1] , Exit. Revist de critic social, dite par Institutul de Antroplogie Cultural, Cluj-Napoca, no. 1, juillet 2004, p. 6. 444 Ibidem, p. 8.
106 raisons telles que : le manque dexprience professionnelle, la formation professionnelle superficielle , le manque de srieux (perception conscutive, souvent, une mobilit professionnelle plus grande des jeunes et de leur conception plus relche sur le contrat psychologique qui structure la relation entre employ et employeur). On peut donc voir la manire dont lge, comme construit culturel, devient un des principaux critres de positionnement sur le march du travail, tant une sorte de garantie implicite dune certaine formation professionnelle ou des modalits correctes de rapport avec le travail 445 . Nous avons pu saisir ces aspects concernant la manire dont lge, associ une certaine mentalit , fonctionne comme un des principaux critres dexclusion sur le march de travail, dans notre qualit de conseiller en gestion des ressources humaines dans le cadre dun projet financ par des fonds PHARE, projet qui sest droul pour 9 mois (avril 2003- dcembre 2003) Cluj-Napoca (Roumanie). Pendant les 9 mois, nous avons connu la situation de presque 600 personnes en situation de chercher /changer un emploi, et nous en avons conseill directement environ 300. Mme si lexprience sur le march de travail de Cluj-Napoca na pas pris la forme dune recherche sur un chantillon reprsentatif, en vue dune gnralisation au niveau du march du travail roumain, dautres faits quotidiens rvlent que lexclusion pour des critres dge fonctionne en Roumanie un niveau plus gnral que le march de travail de Cluj-Napoca. De mme, une tude ralise par HOUGAARD JENSEN, RASMUSSEN et RUTHERFORD concernant les conomies en transition, la capacit dentrepreneuriat et la distribution entre gnrations indiquait que les nouvelles entreprises dans les conomies de transition ont une forte prfrence pour les recrutement des jeunes 446 , au dtriment des gnrations anciennes qui pouvaient tre mises en position dinfriorit mesure que le secteur priv prenait de lampleur (par exemple, en 1998, dans les pays baltiques, les personnes ges moins de 30 ans avaient, en moyenne, 2 fois plus de chances que les personnes de plus de 50 ans dtre employes dans des entreprises cres dans la priode de transition) 447 . De mme, les entreprises nouvellement cres paient des salaires meilleurs que les anciennes entreprises. Ainsi, sest cre une disproportion entre les jeunes et les anciennes
445 Ibidem, p. 9. 446 Svend E. HOUGAARD JENSEN, Tobias N. RASMUSSEN, Thomas F. RUTHERFORD, Economic Transition, Entrepreneurial Capacity, and Intergenerational Distribution , IMF Working Paper (WP/02/180) October 2002, http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2002/wp02180.pdf, consult le 05 Janvier 2007. 447 Tobias RASMUSSEN, Les gnrations de la transition conomique , FMI Bulletin, Problmes conomiques, mercredi 28 Mai 2003, hebdomadaire no. 2811, p. 31.
107 gnrations, au bnfice des premiers 448 . Selon lavis des auteurs, les raisons de cette prfrence des entreprises nouvelles pour les jeunes sont soit que les jeunes ont des comptences qui sont plus demandes sur le march du travail, soit que ces comptences doivent tre acquises et la balance cots-bnfices est favorable aux jeunes 449 . Nous considrons que dans le cas du march du travail roumain, lge est certes associ des comptences, mais, aussi une certaine mentalit , fonctionnant comme un critre de distinction /exclusion sur le march de travail. On peut identifier ainsi un des lments constitutifs de lthique post socialiste du travail : la ngation de lthique socialiste du travail. Mais, la fin du communisme en tant que systme socio-conomique na pas signifi sa disparition complte comme systme culturel. En fait, KIDECKEL (2005) considre que les relations interpersonnelles dans la socit roumaine post socialiste sont caractrises par un mlange de valeurs /pratiques socialistes et valeurs /pratiques capitalistes 450 . Ainsi, la pauvret partage et les relations personnelles spcifiques au socialisme coexistent avec laccumulation et le calcul rationnel spcifique au capitalisme. galement, la permanence, le collectivisme et l'obissance des caractristiques de la socit socialiste coexistent avec linstabilit (changement), lindividualisme et la pense critique des caractristiques de la socit capitaliste. Les effets potentiels de ce mlange de valeurs /pratiques sont : 1) l'quivalence entre l'avarice prive et le bien-tre public, ce qui produit la polarisation de la socit roumaine (les personnes trs riches et les personnes trs pauvres) ; 2) les individus sont perus comme un capital ; 3) laffaiblissement des relations sociales; 4) la perte de lidentit de communaut des entreprises et des personnes ; 5) la parent, lamiti et la camaraderie dans les relations de travail sont affectes par la concurrence 451 . Lanalyse que nous ferrons en ce qui suit lthique du travail dans la priode post socialiste poursuivra tant les lments qui ont persist de lthique socialiste du travail que les changements apports par le post socialisme. Un des changements profonds produits aprs la fin du communisme a t llimination de la pnurie des produits et des services, accompagne par llimination de la pnurie de
448 Svend E. HOUGAARD JENSEN, Tobias N. RASMUSSEN, Thomas F. RUTHERFORD, op. cit., p. 3. 449 Ibidem, pp. 3-4. 450 David A. KIDECKEL, confrence : Post-socialism and Changing Value , Confrences et ateliers sur le dveloppement, lintgration et lvaluation du programme dtudes anthropologiques. Anthropologie amricaine dans des universits amricaines (Lectures and workshops on developing, integrating, and evaluating the anthropological curriculum. American anthropology in American universities). 451 Ibidem.
108 force de travail 452 . son tour, llimination de la pnurie de force de travail a t accompagne par la dtrioration du sentiment de scurit spcifique la priode socialiste 453 . Lindividu a gagn donc en qualit de consommateur (car le march du vendeur a t remplac par le march du consommateur), mais il a perdu en qualit demploy 454 . La dtrioration du sentiment de scurit (en gnral, non seulement la scurit de lemploi) a dtermin les individus dvelopper des nouvelles stratgies de vie et crer ce quon appelle portefeuille dconomies . Ses lments composants renvoient fortement lconomie informelle spcifique au systme socialiste. Car, le portefeuille dconomies comprend : 1) lconomie officielle, lgale, marchande ; 2) les conomies sociales, a-lgales, non payes la production des alimentes dans le mnage, des petites rparations, laide des amis et des proches, laide non paye qui a la base des relations (les amis des amis) et 3) lconomie illgale, marchande le paiement ou la rception du pot-de-vin, lutilisation de la devise forte, lengagement dun ou plusieurs membres dune famille dans lconomie secondaire. Ce portefeuille dconomies existe aussi en Occident, mais il a pour but lobtention des ressources supplmentaires ou constitue une activit de loisir (jardinage, bricolage), tandis que dans les pays de lEst il peut tre une ncessit 455 . Les conomies composantes du portefeuille, connues aussi comme les conomies multicolores du socialisme, sont, en plus des facteurs dj mentionns, le rsultat du dclin des marchs formels du travail. Ce dclin a dtermin la flexibilisation force de la main-duvre et ladoption de stratgies demploi flexibles et multiples en vue dobtenir un revenu adquat. Sont apparus ainsi, complmentairement au portefeuille dconomies , les ouvriers de portefeuille . Ces derniers existent eux aussi dans les pays conomie de march de lOuest, mais, par rapport aux ouvriers de pays ex-communistes, ils se situent loppos de lchelle sociale. 456
Aprs la fin du communisme, les individus ont t mis dans la situation dadopter des nouveaux comportements en tant que propritaires dentreprises, employs et consommateurs 457 . Car, le changement de systme des contraintes budgtaires (dune
452 J. KORNAI, Drumul nepietruit, p. 81. 453 Ibidem, p. 86. 454 Ibidem, p. 87. 455 Richard ROSE, Who Needs Social Protection in East Europe? A Constrained Empirical Analysis of Romania , dans Societies in Transition: East-Central Europe Today, Prague Papers on Social Responses to Transformation, Volume I, A Central European University Publication, avril 1993, pp. 178-184. 456 Adrian SMITH, Alison STENNING, Beyond household economies: articulations and spaces of economic practice in postsocialism , Progress in Human Geography 30, 2 (2006), p. 194. 457 J. KORNAI, Drumul nepietruit, p. 25.
109 contrainte faible une contrainte forte) et le dclin de ltat paternaliste ont oblig les propritaires des entreprises sintresser au profit et la situation financire des entreprises. Les employs ont t confronts au dfi du chmage rel et de lemploi fond sur des critres de comptences professionnelles. Car, mme si les relations personnelles pouvaient faciliter encore laccs certain poste, la comptence professionnelle est devenue un critre important dembauche et de maintien de lemploi. Les individus qui ont travaill pendant le communisme taient donc obligs changer leur comportement 458 pour sadapter aux nouvelles exigences du march du travail. Tous ces changements qui ont affect profondment le sentiment de scurit des individus pourraient constituer une explication pertinente pour le haut degr dvitement de lincertitude mis en vidence par ltude effectue par INTERACT et GALLUP ROUMANIE en janvier 2005 et dite en avril 2005. Le but de cette tude tait lidentification de la position de la Roumanie du point de vue des dimensions de la culture nationale du modle propos par HOFSTEDE (1980). Outre les limites gnrales des modles axs sur les dimensions de la culture nationale, ltude ralise pour la Roumanie a ses propres limites et erreurs mthodologiques et dinterprtation. Par exemple, parce que le score pour lindex de la distance par rapport au pouvoir (IDP) avaient t tonnamment bas 459 (29), une autre recherche a t effectue en mars 2005, afin de vrifier lexactitude des rsultats obtenus la suite de la premire recherche. Mme si la deuxime recherche avait eu des rsultats semblables (le score pour lIDP avait t 33), linterprtation donne par les ralisateurs de ltude a t quen fait, lIDP pour la Roumanie est trs haut (environ 70) mais que les rpondants roumains navaient pas donn de rponses sincres. Si les rpondants roumains donnaient des rponses sincres, le score de la distance par rapport au pouvoir serait, pour la Roumanie, mme plus haut que celui obtenu pour la Bulgarie, en se situant proximit du score obtenu par la France 460 . Les ralisateurs de cette tude ont ignor toute explication dordre culturel, historique et socio-conomique, prfrant rpter la recherche afin dobtenir des rsultats conformes leurs attentes strotypes. Ils ont mentionn clairement leur dcision dviter [] l o il a t possible, des explications et des excuses de notre histoire nationale [] Lhistoire appartient au pass et elle nest plus utile pour nous, seulement en tant quune excuse pour les
458 Ibidem, p. 27. 459 Adina LUCA (INTERACT), Studiu despre valorile si comportamentul romanesc din perspectiva dimensiunilor culturale dupa metoda lui Gert HOFSTEDE , p. 5, Avril 2005, http://customer.kinecto.ro/2005/Interact/Overview%20Cross%20Cultural.pdf, consult le 28 dcembre 2006. 460 Ibidem, p. 5.
110 checs du prsent, par consquent nous nous sommes concentrs sur la manire dont nous pourrions influencer le futur [] 461 Pourtant, la prise en considration de lhistoire leur aurait permis de comprendre le score bas de la distance par rapport au pouvoir, car on pouvait trouver des explications pertinentes (et non pas des excuses ) dans la manire dont le systme socialiste avait fonctionn. Par exemple, lhistoire dune relation de complicit entre autorits et population, complicit qui a rsult partiellement de lconomie informelle, pourrait constituer une explication pertinente pour le score bas de lIDP. De mme, lapparence dune forte distance par rapport au pouvoir dans la socit roumaine pourrait tre comprise plutt par la persistance de la distinction entre nous et eux , car la transition la privatisation na pas limin cette distinction, elle la reformule sur dautres bases. Ainsi, eux sont devenus ceux qui avaient des privilges et de largent, lorsque la corruption bureaucratique, spcifique au systme socialiste, a t remplace par le march 462 . galement, linterprtation des rsultats obtenus pour la Roumanie pour les autres dimensions du modle propos par HOFSTEDE (1980) (ces rsultats sont : collectivisme degr bas de lindividualisme, fminit et orientation court terme) nest pas nuance et ne prend pas en considration le contexte actuel (mme si les ralisateurs de ltude dclaraient quils suivaient les [] les pratiques applicables et efficientes pour le milieu culturel roumain actuel 463 ) et le pass socialiste de la Roumanie. Par exemple, concernant le collectivisme, on nglige le fait que le collectivisme et lindividualisme coexistent dans le post socialisme comme dans le socialisme (mme si pendant le socialisme le discours officiel tait celui dun collectivisme grande chelle). De mme, pendant la priode socialiste ont t observes des ractions de refus de luniformisation dcoulant du collectivisme officiel. Ainsi, les ouvriers ont eu des ractions ngatives vis--vis de leur participation aux rituels de production organiss, dans des buts idologiques, par les chefs du Parti communiste (voir Lthique du travail dans la Roumanie socialiste ). Il est important de prendre en considration les lments mentionns antrieurement, car prsent les entreprises actives en Roumanie montrent un intrt croissant pour la cration dune culture organisationnelle forte. Et, dans beaucoup de cas, dans la dmarche de cration dune culture organisationnelle forte , la direction des entreprises met
461 Ibidem, p. 2. En original (en roumain): [Am evitat de asemenea], acolo unde a fost posibil, explicaii i scuze ale istoriei noastre naionale [] Istoria ine de trecut i nu ne mai este de folos, dect ca o scuz pentru eecurile prezentului, aa c ne-am concentrat asupra modului n care putem influena viitorul. 462 S. SAMPSON, op. cit., p. 266. 463 A. LUCA (INTERACT), op. cit., p. 2. En original (en roumain): [] practicile aplicabile i eficiente n mediul cultural romnesc din prezent.
111 laccent sur des valeurs /comportements tels que solidarit , travail en quipe , loyaut envers lentreprise et emploie les rituels organisationnels en tant quinstrument pour la cration /consolidation de ces valeurs /comportements. De mme, les idologues de la culture organisationnelle mettent laccent sur la transformation de lentreprise dans une grande famille, en renvoyant ainsi la terminologie utilise pendant le socialisme. Car, lide de la cration dune grande famille tait souvent vhicule pendant le socialisme, mais une plus grande chelle ; ltat avait un rle paternaliste et par son intervention dans la vie de la famille par le biais du contrle de la reproduction il se substituait, symboliquement, au pre de la famille traditionnelle (ainsi, les citoyens de ltat socialiste taient traits comme des enfants 464 , on parlait dun socialisme lintrieur dune seule famille , de relations fraternelles avec lUnion Sovitique , la terminologie employe en renvoyant fortement la sphre des relations de famille 465 ). De mme, comme dans le socialisme, par lintermdiaire de la culture organisationnelle (si on la peroit comme un instrument managrial) on poursuit la manipulation des individus laide de lidologie afin que les buts de lentreprise soient atteints. En fait, dans beaucoup de cas on demande aux individus de mettre les intrts de lentreprise au-dessus de leurs intrts personnels. De plus, leffort des cadres dirigeants de crer une culture organisationnelle unitaire et forte est, dans une certaine mesure, un essai dhomognisation, en renvoyant aussi des pratiques du rgime socialiste dont un des principaux buts tait la transformation des individus dans des membres productifs de la socit. Aussi, des pratiques actuelles de certaines entreprises renvoient fortement des pratiques /rituels de production socialistes. Par exemple, lemploy du mois pourrait tre considr, en quelque sorte, lquivalent de la distinction du hro du travail socialiste accorde ceux qui dpassaient ou contribuaient au dpassement des indices imputs par le plan de production. Il est donc possible que les dirigeants des entreprises soient confronts aux ractions de rsistance de la part des employs ou leur participation seulement formelle aux rituels organisationnels. Ces ractions pourraient tre rencontres non seulement parmi des employs qui ont travaill pendant le socialisme, mais aussi parmi des employs qui ont
464 J. KORNAI ( Degrees of Paternalism , dans J. KORNAI , Contradictions and Dilemmas, pp. 52-53) fait une parallle entre les types de relations conomiques entre parents et enfants et les degrs de paternalisme de lEtat, en identifiant 5 cas pures , chacun refltant un certain degr de paternalisme : 1) des subventions en nature acceptation passive ; 2) des subventions en nature des dsires activement exprims ; 3) allocation financire ; 4) auto-soutenance (lenfant est) assist ; 5) auto-soutenance lenfant est laiss se dbrouiller tout seul. 465 G. KLIGMAN, Politica duplicitii, p. 51.
112 commenc travailler dans la priode aprs la Rvolution de 1989. Car ces derniers pourraient tre influencs par le discours qui stigmatise le communisme et tout lment qui renvoie celui-ci. Pourtant, il est possible que cette approche de la culture organisationnelle ait du succs exactement pour les raisons pour lesquelles elle est rejete. Car une partie de ceux qui ont travaill pendant le socialisme pourrait retrouver ainsi une sorte de continuit qui leur crerait un sentiment de scurit dans un monde devenu, dans une trs grande mesure, incertain. Un autre comportement qui pourrait apparatre parmi les employs roumains est celui de la mfiance envers lidologie et les pratiques de la culture organisationnelle, mme si formellement les employs semblent montrer un intrt certain. Cette mfiance est le rsultat de la discordance perue entre dclarations et faits, entre apparence et ralit, discordance qui pourrait tre considre comme une autre caractristique du systme socialiste. Une des consquences de la fausse ralit cre par le biais de la rhtorique officielle socialiste a t une divergence accrue entre la reprsentation publique et les croyances personnelles, ce qui avait transform [] la dissimulation et lhypocrisie dans des formes habituelles de lchange interpersonnel [] 466 . En outre, la clbration de la rhtorique officielle dans la sphre publique par lintermdiaire de rituels offrait aux individus, pendant le socialisme, la possibilit de se conformer publiquement aux exigences officielles et, en mme temps, de leur rsister, plus ou moins passivement, par des activits dans lconomie secondaire ou par la pense personnelle 467 . Il y a donc la possibilit que cette rsistance apprise /internalise influence les relations actuelles de travail et lappropriation ou lacceptation des valeurs promues par la culture organisationnelle officielle , car [] les effets nocifs sur le long terme des modles de communication se comptent parmi les pratiques intriorises du pass qui se rpercutent ngativement sur le prsent [] 468 . Une approche nuance simpose aussi concernant linterprtation donne la dimension fminit , identifie comme une des dimensions de la culture nationale roumaine (conformment au modle de HOFSTEDE (1980). Car on peut identifier des lments qui indiquent le fait quen Roumanie il y a aussi des valeurs spcifiques une
466 Ibidem, p. 47. En roumain : [] disimularea i prefctoria n forme obinuite ale schimbului interpersonal [] . 467 Ibidem, p. 46. 468 Ibidem, p. 47. En roumain: Efectele duntoare pe termen lung ale modelelor distorsionate de comunicare se numr printer practicile interiorizate ale trecutului care se repercuteaz negativ asupra prezentului.
113 dimension masculine de la culture nationale, telles que la comptition ou lorientation vers le gain, vers le succs matriel/financier 469 . La proccupation pour le gain financier est trs rpandue dans la socit roumaine, ayant des rpercussions sur les comportements et /ou le discours des individus. Par exemple, une tude ralise en 2006 par Synovate (entreprise de recherche de march dAegis groupe PLC) en vue didentifier les raisons qui dterminaient les employs roumains changer demploi, identifiait lopportunit dobtenir un meilleur gain financier comme le principal facteur de motivation. Lanalyse des rsultats obtenus pour la Roumanie (lenqute a t effectue aussi dans dautres pays, son but principal tant ltude de lattitude des employs envers leur emploi) indiquait lattachement des employs roumains leur emploi. Mais cet attachement tait plutt un attachement mercantile quaffectif, car 70% de personnes interroges qui avaient manifest leur intention de trouver un nouvel emploi renonceraient lemploi actuel seulement sils recevaient un salaire meilleur 470 . Ces valeurs masculines doivent tre comprises dans la perspective du mlange, spcifique la socit roumaine post socialiste, de valeurs socialistes et capitalistes voir KIDECKEL (2005). Par exemple, outre lintrt pour le gain financier (valeur considre comme masculine ) qui motive les individus dans le choix /le changement demploi, ltude rvlait lexistence dun besoin de scurit de lemploi (valeur considre comme fminine ). De mme, une des conclusions principales dune tude ralise par Gallup Organization Romania ( la demande de la Fondation Horia Rusu, en dcembre 2005) sur la perception et linternalisation des valeurs capitalistes en Roumanie tait celle de lexistence de valeurs spcifiques au systme capitaliste, telles que la proprit prive, la comptition, la libre initiative a ct des fortes croyances qui soutenaient lintervention de lEtat en conomie et dun trs haut degr daversion envers les risques (des valeurs considres spcifiques au systme communiste) 471 . galement, on doit prendre en considration la ncessit pour des personnes aux faibles ressources de dvelopper des portefeuilles dconomies afin dobtenir les revenus ncessaires pour vivre. De mme, la polarisation de la socit roumaine en trs riches et trs pauvres et lenrichissement rapide de ceux qui ont profit du changement de rgime
469 G. HOFSTEDE, Managementul structurilor multiculturale, p. 117. 470 Maria VASCHI, Salariul, motivul suprem pentru un nou loc de munca , Capital, 16/05/2006, http://www.capital.ro/index.php?section=articole&screen=index&id=23829&cauta=Synovate, consult le 08 janvier 2007. 471 GALLUP ORGANIZATION ROMANIA, FUNDAIA HORIA RUSU, Capitalismul n mentalitile romnilor... , p. 86.
114 politique et conomique 472 ont dtermin lapparition des valeurs qui pouvaient tre considres comme faisant partie de la catgorie des valeurs masculines (lorientation vers le gain financier et lobtention des biens matriels, lintrt pour la russite, comptitivit 473
etc.). Les valeurs fminines doivent aussi tre comprises par le mlange de valeurs socialistes et capitalistes spcifiques la priode postsocialiste. Car, si on fait lanalyse des valeurs considres comme fminines et masculines par ltude de HOFSTEDE (1980), on peut trouver une certaine similarit entre les valeurs fminines et les valeurs spcifiques au socialisme et aussi entre les valeurs masculines et les valeurs capitalistes voir les valeurs identifies par KIDECKEL (2005), mentionnes ci-dessus. Lorientation court terme doit aussi tre comprise dans le contexte des changements apports par la fin du socialisme dans la vie des individus et par linstabilit et limprvisibilit du milieu conomique et sociopolitique roumain aprs la Rvolution de 1989. Aussi, le passage dun ordre temporel lautre, dun temps lent, presque immobile, un temps alerte, de la scurit de la situation financire dun individu /mnage linscurit peut tre considr comme un des facteurs qui ont dtermin une orientation court terme. Le renversement de ce rgime [le rgime socialiste] r ouvre, pour la Roumanie, les mouvements temporaux de la production de marchandises, de la consommation, de la discipline du travail, tous ceux-ci bass sur le temps des personnes qui assument linitiative. 474 Les raisons mentionnes antrieurement, comme les raisons qui ont men au dveloppement du portefeuille dconomies , pourraient constituer des explications pour le haut degr de lvitement de lincertitude identifi pour la Roumanie 475 (conformment au modle des dimensions de la culture nationale de HOFSTEDE (1980). Nous considrons quen Roumanie (et en gnral dans toute socit en transition), lincertitude est forte et lun des domaines o lincertitude est spcialement forte est celui du travail. En vue de diminuer cette incertitude, les individus ont dvelopp, comme on la pu
472 Dans la priode immdiate de la fin du communisme, des nombreux entrepreneurs privs, qui ont russi senrichir par des petites affaires sans investir que des sommes modiques dans leur cration et fonctionnement sont apparus. Les barons locaux sont apparus aussi, et les gens parlaient de lexistence de mafia , par mafia en comprenant tout rseau auquel les gens navaient pas accs et aussi les individus qui avaient (et qui affichaient publiquement) dargent et des privilges (les nouveaux eux de la distinction eux - nous ) (cf. S. SAMPSON, op. cit., p. 266). 473 D. BOLLINGER, G. HOFSTEDE, op. cit., p. 149. 474 K. VERDERY, Socialismul, p. 100. En roumain : Rsturnarea acestui regim redeschide Romnia spre micrile temporale ale produciei de mrfuri, consumului, disciplinei muncii, toate bazate pe timpul persoanelor care preiau iniiativa. 475 ce point, une autre erreur de ltude apparat, la dimension lvitement de lincertitude tant appele le niveau danxit [en Roumanie] (A. LUCA, INTERACT, op. cit., p. 1, p. 8.).
115 dj voir, diffrentes stratgies de vie, telles que la cration dun portefeuille dconomies ou le travail ltranger. Une des raisons de la migration internationale est la maximisation du revenu et la minimisation du risque dchec dans le pays dorigine 476 . Les statistiques du Ministre du Travail, de la Solidarit Sociale et de la Famille (Ministerul Muncii, Solidaritii Sociale i Familiei) de la Roumanie indiquaient pour lanne 2005, 42 758 personnes qui travaillaient ltranger par lintermdiaire de lOffice pour la migration de la main-duvre (Oficiul pentru Migraia Forei de Munc) 477 . Pour le premire trimestre de lanne 2006, les statistiques indiquaient 12 377 personnes qui travaillaient ltranger par lintermdiaire de lOffice pour la migration de la main-duvre et 2 324 personnes qui travaillaient par lintermdiaire des agents privs 478 ; pour le deuxime trimestre de lanne 2006, elles indiquaient 20 446 personnes qui travaillaient ltranger par lintermdiaire de lOffice pour la migration de la main-duvre et 8 334 personnes par lintermdiaire des agents privs 479 ; et pour le troisime trimestre de lanne 2007, les statistiques indiquaient 13 586 personnes qui travaillaient ltranger par lintermdiaire de lOffice pour la migration de la main-duvre et 2 612 personnes par lintermdiaire des agents privs 480 . Mais, pour obtenir un tableau complet sur le travail ltranger il faut avoir des informations aussi sur le nombre de personnes parties illgalement travailler ltranger, le travail ltranger au noir tant un phnomne trs rpandu parmi les ressortissants roumains. Une tude sur la migration conomique des Roumains entre 1990-2006 indiquait quenviron un cinquime des mnages roumains (plus dun million) avaient au moins un membre parti, lgalement ou illgalement, aprs 1989, travailler ltranger 481 . Le travail ltranger, surtout en Occident, fait partie, dans une certaine mesure, de ce quon peut appeler le ftichisme de lOccident. On peut considrer que ce ftichisme trouve une partie de ses racines dans lre socialiste o, comme nous lavons dj mentionn, le consumrisme occidental tait mythifi, une partie de la population dveloppant mme une
476 Douglas S. MASSEY et al, Theories of International Migration: A Review and Appraisal , http://ssr1.uchicago.edu/NEWPRE/Pop2/Massey.html, consult le 10 aot 2007. 477 DEPARTAMENTUL PENTRU MUNCA N STRINTATE - OFICIUL PENTRU MIGRAIA FOREI DE MUNC, Buletin Statistic Trimestrial n Domeniul Muncii, Solidaritii Sociale i Familiei , nr.1(53)/2006, p. 1, http://www.mmssf.ro/website/ro/statistici/migratie53.pdf, consult le 06 Janvier 2007. 478 Ibidem, nr. 2(54)/2006, p. 1, p. 3, http://www.mmssf.ro/website/ro/statistici/migratie54.pdf, consult le 06 Janvier 2007. 479 Ibidem, nr. 3(55)/2006, p. 1, p. 3. 480 Ibidem, nr. 4(56)/2006, p. 1, p. 3. 481 Dumitru SANDU, Explorarea Europei prin migraii pentru munc:1990-2006 , dans Locuirea temporar n strintate. Migraia economic a Romnilor : 1990-2006, Fundaia pentru o Societate Deschis, Bucureti, noiembrie 2006, p. 23, http://www.osf.ro, consult le 2 Mars 2007.
116 forme de rsistance envers le rgime par le biais de la consommation des produits occidentaux procurs sur le march noir. Dans la priode suivant immdiatement la fin du communisme, on a pu parler dune vraie faim des produits occidentaux car une des principales consquences de la Rvolution de 1989 a t la pntration libre des produits occidentaux sur le march roumain. Pour beaucoup dEst europens la vraie rvolution a t le dveloppement du consumrisme 482 . Une autre manifestation du ftichisme de lOuest est la valorisation positive des valeurs et des pratiques occidentales par une grande partie de la socit roumaine. Monica HEINTZ 483 considre que la comparaison avec les pays occidentaux (non seulement en termes dconomies, mais aussi en termes de mentalits ) est la raison principale de limage ngative de la mentalit roumaine. Car celle-ci est tenue pour responsable (par les autorits et par les mdias roumains, et puis, la suite de linternalisation du discours officiel, par une grande partie de la population roumaine) des crises sociales et conomiques auxquelles est confronte la Roumanie aprs la fin du rgime communiste 484 . On peut observer que le rejet de la mentalit communiste est fond tant sur lchec de la transition que sur le succs peru du capitalisme. Ainsi sest accentue la tension entre la vieille mentalit et la nouvelle mentalit , renforant le critre de lge comme une diffrence identitaire importante. Le succs conomique des pays occidentaux a incit une grande partie de la socit roumaine suivre les modles occidentaux en ce qui concerne le travail et mme le style de vie 485 . Les symptmes principaux du ftichisme de lOccident seraient : limitation des apparences occidentaux (par vtements, par musique, par lutilisation des mots anglais ou franais mme sil y a leur version roumaine, etc.) ; le respect exagr pour tout ce qui provient de lOccident, respect qui est accompagn de mpris pour tout ce qui provient de l'Est ; lmigration dans les pays occidentaux ; leffort de prsenter une image favorable de la Roumanie lOccident 486 ... Nous ajouterons aussi le rve dune grande partie des jeunes roumains de travailler pour les grandes entreprises multinationales implantes en Roumanie. Ainsi, pour un grand nombre de jeunes roumains, un emploi dans une telle entreprise multinationale reprsente un
482 S. SAMPSON, op. cit., p. 268. 483 M. HEINTZ, Etica muncii, p. 21. 484 Ibidem, pp. 24-25. 485 Ibidem, p. 21. 486 Ibidem, pp. 21-23.
117 idal professionnel 487 et les jeunes employs roumains des entreprises multinationales ont commenc mme constituer une partie importante de la classe moyenne de la socit roumaine 488 . Car, les entreprises multinationales prfrent, en gnral, embaucher des jeunes entre 25-35 ans. Par exemple, les employs du centre de services et doprations dOracle Roumanie sont, en proportion de 80% des jeunes gs de 25-30 ans 489 . Aussi, les employs roumains de Philips Roumanie sont plus jeunes, avec une moyenne de 7-8 ans, que leurs homologues de lOccident 490 , la moyenne dge de tous les employs de Philips en Roumanie tant de 33 ans. De mme, les entreprises multinationales jouent un rle de modles pour le monde roumain des affaires, car par leur exprience et par leur savoir-faire, les entreprises multinationales ont eu un rle particulirement important pour lconomie roumaine qui, aprs la fin du communisme et de lconomie centralise, avait t confronte un vide thorique et pratique. Ainsi, les entreprises multinationales peuvent tre vues comme des faiseurs de tendances ou mme des pionniers pour le monde roumain des affaires, un grand nombre de pratiques de management tant introduites en Roumanie par les entreprises multinationales. Aussi, les enqutes indiquent une prfrence des consommateurs roumains pour des marques trangres 491 , tous ces facteurs pouvant favoriser, comme on le verra, une approche ethnocentrique de la part des entreprises multinationales actives sur le march roumain.
487 ***, Marile companii finaneaz pregtirea pentru afaceri a studenilor performani , Capital, 14/10/04, http://www.capital.ro/index.php?arhiva=1&a=16713&ss=all%7Call%7C1-1-2004%7C5-7- 2005%7C0%7C4%7CMultinationale&p=1, consult le 5 mai 2006. 488 ***, Rzboi euro-dolar? Nu, competiie SUA-Europa , Capital, 25/07/02, http://www.capital.ro/index.php?arhiva=1&a=7138&ss=all%7Call%7C1-1-2002%7C31-12- 2002%7C0%7C3%7Cmultinationale&p=1, consult le 5 mai 2006. 489 Alina PAHONCIA, Oracle angajeaz 500 de oameni ntr-un an , Ziarul Financiar, 9 aot 2007, http://www.zf.ro/articol_136053/oracle_angajeaza_500_de_oameni_intr_un_an.html, consult le 10 aot 2007. 490 Delia ONIGA, Mihaela Coroiu, HR & quality officer la Philips Romania: In ultimii trei ani am avut o rata de retentie de peste 90% , Ziarul Financiar, 9 aot 2007, http://www.zf.ro/articol_135434/mihaela_coroiu__hr___quality_officer_la_philips_romania__in_ultimii_trei_an i_am_avut_o_rata_de_retentie_de_peste_90_.html, consult le 10 aot 2007. 491 ***, nainte de a se brbieri, brbaii i numr banii , Capital, 19/09/02, http://www.capital.ro/index.php?arhiva=1&a=7461&ss=all%7Call%7C1-1-2002%7C31-12- 2002%7C0%7C2%7Cmultinationale&p=1, consult le 7 mai 2006.
118 4. Le management interculturel dans la Roumanie post socialiste
4.1. Un survey de la littrature roumaine sur les pratiques de management lre postsocialiste
La littrature roumaine dans le domaine du management interculturel est rcente. lexception dun nombre trs rduit de livres qui, par leurs titres, renvoient directement la problmatique du management interculturel, la question de la diffrence culturelle et de son impact sur la gestion des entreprises est aborde en termes de culture organisationnelle, de management et marketing international, ou de management des ressources humaines. Ce sont des domaines qui, comme on a pu le voir au dbut de la premire partie de notre thse, sont intresss aussi par linterculturel. La littrature roumaine dans le domaine du management interculturel (et du management en gnral) ou dans dautres domaines qui approche la diffrence culturelle et son impact sur lentreprise et le processus de gestion, est, en gnral, fortement influence par la littrature occidentale, qui on emprunte aussi bien les concepts que les pratiques, sans que le contexte conomique, social, lgislatif, culturel de la Roumanie soit pris en considration. Les principaux emprunts sont faits la littrature anglo-saxonne dominante. Une recherche effectue auprs des journaux amricains lists parmi les meilleurs dans le domaine du management indiquait une prfrence pour les crits des auteurs Nord- amricains et une sous reprsentation ou biais des crits des auteurs non Nord-amricains 492 . Cette situation pourrait affecter ngativement le dveloppement de la thorie gnrale du management par la ngligence de la diversit des recherches dans le domaine et par la cration soit de deux thories diffrentes (avec des cadres de rfrences et une littrature diffrente, toutes les deux se dclarant valides), soit une thorie considre comme gnralement valable, mais qui reflte en fait les paradigmes et les cadres de rfrences des chercheurs amricains 493 . De mme, on doit prendre en compte le cas o les auteurs non occidentaux contribuent eux-mmes la reproduction des paradigmes occidentaux. Ainsi, une revue des articles publis dans International Journal of Cross Cultural Management, 5 ans aprs son lancement
492 Yehuda BARUCH, Global or North American? A Geographical Based Comparative Analysis of Publications in Top Management Journals , International Journal of Cross Cultural Management, vol. 1(1), p. 121, http://ccm.sagepub.com, consult le 22 juillet 2007. 493 Ibidem, p. 122.
119 (en 2006), indiquait quen dpit de lintention exprime par les diteurs de promouvoir des diffrents paradigmes de pense, les recherches des auteurs non occidentaux avaient suivi principalement le paradigme occidental (en mprisant parfois leurs connaissances et la logique locales), contribuant plutt au renforcement des tudes dj existantes et /ou leur rplique dans dautres rgions quau dveloppement des paradigmes ou des mthodologies alternatives 494 . Cette influence de la littrature occidentale doit tre comprise tant dans le contexte dun vide thorique et pratique du point de vue managrial auquel est confronte la Roumanie immdiatement aprs la fin du communisme que dans le contexte de la valorisation positive de lOccident, qui, comme on la dj vu, est un phnomne assez rpandu dans la socit roumaine. Ainsi, au dbut de la constitution du management comme domaine de recherche dans la Roumanie postsocialiste, il y avait des travaux des auteurs roumains qui, en fait, grce leurs connaissances, plus ou moins avances, de langues trangres, reproduisaient des textes des auteurs occidentaux, sans tre des traductions autorises. Cette situation refltait la situation plus gnrale de lconomie roumaine dans la priode suivante la Rvolution de 1989. Ainsi, un grand nombre daffaires (en gnral de petite envergure) taient diriges selon lintuition ou par des ex-cadres dentreprises dEtat qui avaient bnfici des privatisations et avaient conforts ainsi leur position sociale 495 . Il y avait aussi le cas des ex-dirigeants dentreprises dtat qui avaient utilis les relations tablies pendant le socialisme et se sont associs aux investisseurs trangers, afin de bnficier de leur exprience professionnelle. Autres entrepreneurs ont volu surtout en fonction de leur intuition dans la mesure o il ny avait pas de repres pratiques concernant le management dune entreprise dans des conditions de concurrence, dabsence de la planification centralise, de contraintes budgtaires fortes et dun march qui ntait plus du vendeur mais du consommateur. Les repres thoriques manquaient aussi, car il ny avait pas une littrature dans le domaine du management dans la mesure o les entreprises taient diriges daprs des critres idologiques. Il est vrai quil y avait de recherches sociologiques dans des entreprises pour valuer la russite du socialisme dans la cration du nouvel tre humain socialiste , mais
494 T. JACKSON, Z. Aycan, op. cit., pp. 5-6. 495 S. SAMPSON, op. cit., p. 269. De la catgorie des nouveaux riches font partie aussi : des ex-participants dans lconomie secondaire dont les activits taient permises aprs la Rvolution de 1989 ; des ex-employs des entreprises dEtat, un grand nombre avec formation technique ou professionnelle suprieure, qui avaient cr leur propres petites affaires ; des ex-salaris qui avaient perdu leurs emplois, tant obligs douvrir des petites boutiques, des kiosks etc. pour survivre ; des libres professionnels et des artisans qui avaient eu le droit (seulement dans quelques pays est europens) de faire du commerce (S. Sampson, op. cit., pp. 269-270).
120 ayant en vue le caractre clairement idologique de ces types de textes 496 , ils ne peuvent pas tre considrs comme reprsentatifs dune base thorique dans le domaine du management des entreprises. De mme, llimination des sciences sociales du cursus des facults pendant le rgime communiste a dtermin une orientation technique parmi les dirigeants des entreprises, issus des coles dingnieurs. Un grand nombre de ceux-ci ont continu leur carrire aussi aprs la fin du communisme. Ainsi, une tude de la distribution des managers roumains en fonction de profession indiquait que 6 698 sur 9 817 managers taient des ingnieurs 497 . Ceux-ci ont t aussi parmi les premiers professeurs de management, qui a t introduit, aprs la fin du communisme, comme discipline dtude dans des nombreuses facults. Dans ces conditions, la littrature occidentale dans le domaine est devenue un point de repre tant thorique que pratique. Mais cette situation a aussi une partie ngative car cette littrature nest pas adapte la spcificit de la Roumanie postsocialiste et offre rarement une comprhension de la situation des entreprises. Elle ne contribue pas, par consquent, favoriser le meilleur fonctionnement des entreprises et lenrichissement et au dveloppement de la thorie dans le domaine du management. La tendance parmi les auteurs roumains dans le domaine du management semble tre plutt celle de ladaptation des conditions existantes des modles de management que de ladaptation du management aux conditions existantes, ce qui permettrait la gestion efficace de ces dernires. Cette tendance rvle que le management est plus quun mot, il est une tiquette. Une tiquette qui ne fait pas de rfrence un domaine acadmique en tant quun corpus de connaissances rserves pour la comprhension du comportement conomique ou un ensemble des techniques pour la gestion de ce comportement, mais un modle culturel garanti par le succs de la manire amricaine /occidentale de gestion conomique. Dans ce contexte, le management interculturel peut tre considr un sujet plutt adjacent et, le plus souvent, il est rduit la prsentation des modles axs sur des dimensions de la culture nationale (HALL, 1959, HOFSTEDE, 1980 ; KLUCKHOHN et STRODTBECK, 1961 ; TROMPENAARS, 2000) les plus connus. Le modle le plus souvent cit est, comme dans la littrature occidentale, celui propos par HOFSTEDE (1980).
496 Un des crits qui nous a attir lattention cause de sa rigueur scientifique, mais qui est profondment biaise par lidologie est celle de Honorina CAZACU, Mihail CERNEA, Gheorghe CHEPES, C. VLAD (Colegiul de ndrumare i redacie), Profilul spiritual al clasei muncitoare n socialism. Pe baza unor cercetri sociologice n uzine, Ed. Academiei Republicii Populare Romne, Bucureti, 1964. Le but de la recherche tait ltude de la formation et de lenrichissement du profil spirituel de louvrier en socialisme (p. 10). 497 Cezar MEREU, (coord.), Tranziia managementului societilor comerciale romneti, perioada 1990- 2000, Ed. Tehnic, Bucureti, 1995, p. 73.
121 La littrature roumaine dans le domaine est domine dans une trs grande mesure par une approche positiviste de la culture, rsultant de la tendance des chercheurs roumains importer en Roumanie les recherches finalises par la cration des modles des dimensions culturelles nationales. Cette tendance nest pas spcifique la Roumanie, elle sinscrit dans une tendance plus gnrale parmi les chercheurs dans le domaine du management interculturel 498 . Ainsi, comme on la pu dj voir dans la section de notre thse sur lthique postsocialiste du travail, en 2005, INTERACT et GALLUP ROUMANIE ont initi une recherche dans le but didentifier les dimensions de la culture nationale roumaine en partant du modle propos par HOFSTEDE (1980). Cet essai nest pas unique. Par exemple, en 1999, a t publi un livre dont le but tait dtudier la culture organisationnelle des entreprises de trois cultures nationales diffrentes, la Roumanie tant un des pays tudis 499 . Si, comme on la dj vu, ltude ralise par INTERACT et GALLUP ROUMANIE (2005) portait des erreurs mthodologiques et dinterprtation, ltude prsente dans ce livre de 1999 tait soumis des erreurs mthodologiques et dinterprtation plus graves. Par exemple, les dimensions culturelles sont mal dfinies et les rsultats refltent plutt les prjugs de lauteur, car, en labsence des formules de calcul utilises par HOFSTEDE (1980) en vue de dterminer les scores pour les dimensions quil a proposes, lauteur devinait le positionnement de la Roumanie, linterprtation des rsultats se basant sur des analogies 500 . La grande majorit de ces essais est mthodologiquement et conceptuellement dficitaire. On pourrait parler plutt dune littrature de popularisation (alatoire et rductive) dune varit des notions de management vhicules par la littrature occidentale. De plus, lapproche de celles-ci reste assez souvent au niveau du sens commun. Mme si les chercheurs roumains ne traitent pas directement la question de linteraction culturelle au sein des entreprises, celle-ci rsulte de leur intrt pour lanalyse des systmes de valeurs lies au travail des employs roumains. Ainsi, on peut remarquer deux
498 T. JACKSON, Z. AYCAN, op. cit., p. 6. 499 Silvia BRSAN, Cultura organizaional i dezvoltarea organizaiilor (La culture organisationnelle et le dveloppement des organisations notre traduction du titre), Briliant, Bucureti, 1999. 500 Par exemple, la distance par rapport au pouvoir a t dtermine sur la base de linscription de la Roumanie dans le groupe des pays latins : Je crois quon peut apprcier, en labsence de la formule de calcul utilise par HOFSTEDE pour dterminer le PDI [Power Distance Index lindex de la distance par rapport au pouvoir] que la Roumanie situerait entre lInde (PDI=77) et Jamaque (PDI=45), plage de valeurs o on retrouve aussi dautres pays avec des influences latines : Brsil (69), France (68), Columbia (67), Salvador (66), Portugal (63), Espagne (57), Italie (50), Argentine (49). (S. BRSAN, op. cit., p. 33). En original : Cred c se poate aprecia, n lipsa formulei de calcul folosite de Hofstede pentru determinarea PDI, c Romnia s-ar situa ntre India (PDI=77) i Jamaica (PDI=45) plaj de valori n care se gsesc i alte ri cu influene latine: Brazilia (69), Frana (68), Columbia (67), Salvador (66), Portugalia (63), Spania (57), Italia (50), Argentina (49).
122 grandes tendances : 1) le rejet de la mentalit communiste et la tentative de dmontrer lexistence de valeurs occidentales (valorises positivement) partages par les employs roumains et 2) lappel une spcificit culturelle roumaine, valorise aussi positivement, qui aurait persist au long de lhistoire, quel que soit le rgime politique. Les auteurs qui sinscrivent dans la premire tendance considrent le plus souvent que la mentalit est un lment important pour le succs dune entreprise et que, par consquent, la mentalit ( communiste ) des employs roumains doit tre change afin que les entreprises roumaines aient du succs. Et parce quelle est vue comme un facteur qui pourrait alourdir le processus de transition au capitalisme. Par exemple, un des livres dont lobjectif tait didentifier des aspects dominants des cultures des organisations roumaines dans le contexte des changements conomiques 501 partait de la prmisse que la capacit dune entreprise faire face aux changements et initier des changements tait dtermine par les caractristiques des ressources humaines . Les cultures des organisations roumaines, homognises par lconomie centralise, par lidologie et par la politique communiste, devraient donc tre changes 502 . La prmisse de lanalyse des cultures des entreprises roumaines tait celle de la possibilit de lexistence, dans le cadre des entreprises actuelles, de certaines rminiscences dune "culture organisationnelle de type socialiste" qui pourrait bloquer ou rendre difficiles lefficacit et la restructuration des entreprises roumaines 503 . De mme, un des lments suivis par cette recherche a t la mise en vidence [] des aspects principaux au niveau de la mentalit des salaris et des cultures organisationnelles qui auraient la capacit freiner un changement rapide 504 . On peut rencontrer aussi une autre variante de distance par rapport la mentalit communiste : la dmonstration de lexistence de valeurs occidentales des employs roumains. Les rsultats de ltude voque dans le paragraphe prcdent sont un exemple dans ce sens-l. Ainsi, dans lanalyse des valeurs de travail identifies, les auteurs ont fait une distinction entre valeurs modernes (par exemple, loption pour une rtribution en fonction de performance et de comptence professionnelle) et valeurs traditionalistes (par exemple, loyaut envers lentreprise, respect pour la hirarchie) 505 . Dans la logique de ce discours, les valeurs modernes sont associes aux valeurs capitalistes et les valeurs traditionalistes aux celles socialistes :
501 Cezar MEREU (coord.), Luana POP, Carmen VLAICU, Lucian POP, Culturi organizaionale n spaiul romnesc. Valori i profiluri dominante, FIMAN, 1998, p. 14. 502 Ibidem, p. 13. 503 Ibidem, pp. 23-24. 504 Ibidem, p. 13. 505 Ibidem, p. 65.
123
[] nous pourrions mme conclure que les "effets" paternalistes du socialisme rel sont plutt en cours de sestomper, tandis que des valeurs typiquement modernes de lthique du travail couples avec le professionnalisme et lefficacit semblent devenir de plus en plus reprsentatives de la population demploys 506 . Les auteurs qui sinscrivent dans la deuxime tendance font lapologie des lments considrs comme faisant partie dune spcificit culturelle roumaine qui na pas t dtruite, en dpit de lessai sauvage de destruction totale de la part de la dernire tragdie historique qui a t le communisme 507 . Cette description de la spcificit culturelle roumaine est fonde sur une bibliographie qui comprend une idologie essentialiste et, parfois, des lments qui sinscrivent dans le dterminisme bio culturel 508 . Par exemple, parmi les valeurs et les croyances les plus profondes que les Roumains apportent dans des organisations il y a lessence paysanne, profondment conservatrice et encore fonctionnant sur la base des hypothses fondamentales et des croyances manifestes par le biais des lgendes, des mythes, des hros, des superstitions et des symboles depuis 2000 ans . Car les Roumains sont des gens qui, comme loiseau Phoenix et comme leurs anctres, les Loupes, sont prpars lutter, renatre de leurs cendres et construire un monde nouveau 509 . Une autre tendance (plus rarement rencontre), situe entre les deux tendances mentionnes antrieurement, consiste dans des essais de dfinir une spcificit du management roumain, spcificit pour laquelle on cherche des explications de nature historique et culturelle. Par exemple, on parle dun management cleptocratique 510
(management cleptocratic) roumain qui est un produit-emblme de la transition vers lconomie de march, mais qui a ses racines dans des priodes plus anciennes de pillages, par le biais du vol et de la corruption 511 (dans une certaine mesure, on peut parler toujours dun blme de la mentalit, mais de la mentalit roumaine en gnral, non seulement de celle communiste). La littrature roumaine dans le domaine du management interculturel semble
506 Ibidem, p. 70. En original : [] am putea chiar concluziona c efectele paternaliste ale socialismului real sunt mai degrab pe cale de estompare, n timp ce valori tipic moderne ale eticii muncii cuplate cu profesionalism i eficien par a deveni din ce n ce mai reprezentative la nivelul populaiei de angajai. 507 Carmen Aida HUTU, Cultur organizaional i transfer de tehnologie. Premise pentru transformarea competitiv a organizaiilor romneti, Ed. Economic, Bucureti, 1999, p. 95. 508 R.-D. GRILLO, op. cit., p. 160. 509 C.-A. HUTU, op. cit., p. 108. En original : [] cele mai profunde valori i credine pe care romnii le aduc cu ei n organizaii [] [] esena rneasc, eminamente conservatoare i nc funcionnd pe baza unor prezumii fundamentale i credine manifestate prin legende, mituri, eroi, superstiii i simboluri vechi de dou mii de ani [] [] oameni care, ca pasrea Phoenix i strmoii Lupi, sunt gata s se lupte, s renasc din propria cenu i s construiasc o lume nou [] . 510 Ioan MIHUT, Euromanagement, Ed. Economic, Bucureti, 2002, p. 246. 511 Ibidem, p. 246. En original : un produs-emblem al tranziiei la economia de pia, care i are ns rdcinile n mai vechi perioade de jafuri, prin hoie i corupie.
124 tre plutt anime par lintention de trouver des modalits pour changer de ralit afin que celle-ci saccorde aux diffrents modles de management occidentaux. Elle nest pas mue par la ncessit de trouver des adaptations de ces modles aux contraintes de la ralit de la transition en Roumanie.
4.2. Les pratiques de management interculturel dans les entreprises multinationales implantes en Roumanie
Les entreprises multinationales, par leur rle de modle pour le monde des affaires de la Roumanie et celui didal de carrire professionnelle (notamment pour les jeunes personnes) constituent un lment reprsentatif pour lthique post socialiste du travail. En Roumanie, les culturel sont les promoteurs aussi des pratiques de management interculturel, que des pratiques plus gnrales de management, de management des ressources humaines, de marketing, de culture organisationnelle, etc. Afin didentifier les pratiques les plus communes de management interculturel au sein des entreprises multinationales implantes en Roumanie, nous avons ralis une recherche secondaire base principalement sur des entretiens avec des directeurs gnraux, des directeurs de ressources humaines et /ou des employs qui travaillaient dans des entreprises multinationales en Roumanie, entretiens relevs dans la presse spcialise. Dans cette recherche nous avons poursuivi les pratiques de gestion des ressources humaines des culturel, car celles-ci pouvaient fournir des informations sur lorientation du management des entreprises respectives relative la diffrence culturelle ; comme nous lavons dj mentionn, le management interculturel pourrait tre considr, en quelque sorte, une branche de la gestion des ressources humaines (GRH) qui prend en considration la diffrence culturelle et, en mme temps, la GRH est le principal mdiateur et dveloppeur des comptences de management interculturel lintrieur dune entreprise. Par consquent, nous nous avons concentr sur les principaux processus de GRH : recrutement, slection, intgration, formation, dveloppement (gestion de carrire), valuation, motivation/ rmunration, congdiement et retraite. De mme, nous nous sommes concentre sur : (1) l'identification des lments du comportement de travail et du comportement du consommateur qui sont influencs par la culture ; (2) lidentification des modalits par lesquelles les entreprises multinationales
125 rpondent / sont affects par les diffrences culturelles dans leurs oprations internes (nous avons suivi galement des aspects dorganisation, de culture organisationnelle et de comportement organisationnel) et externes (les activits de marketing, les relations avec les parties prenantes) ; (3) l'identification des lments qui suggrent une orientation ethnocentrique, polycentrique ou /et gocentrique des entreprises multinationales (par exemple, les rapports entre le sige social et les filiales, lemploi pour diriger les filiales des cadres qui sont des ressortissants du pays daccueil ou des cadres expatris, la prdominance des stratgies et des politiques du sige social, les rponses donnes au dilemme global- local , limportance des filiales pour lactivit de lentreprise, lautonomie des filiales etc.); (4) lidentification des facteurs dattractivit qui dterminent les entreprises multinationales investir en Roumanie (comme nous avons mentionn, ceux-ci influencent les pratiques de GRH et de marketing, aussi que la perception et lapproche des diffrences culturelles). Notre recherche secondaire sur les pratiques de GRH des entreprises multinationales qui sont actives en Roumanie a indiqu une grande attention prte par les journalistes aux politiques de compensation et de bnfices des culturel Cet intrt pourrait tre considr comme une rflexion de lintrt plus gnral au niveau de la socit roumaine pour les facteurs qui motivent les gens travailler, le facteur financier jouant un rle trs important dans le choix dun emploi ou dans la motivation de changer un emploi (voir la section Lthique du travail dans la Roumanie postsocialiste de notre thse). La politique de compensation et de bnfices dune entreprise est une des politiques de GRH les plus influences par les diffrences culturelles, parce que celle-ci est fortement relie la motivation des individus pour travailler, motivation qui est culturellement diffrente 512 . Ainsi, les politiques de compensation et de bnfices des entreprises multinationales qui sont actives en Roumanie sont potentiellement influences tant par les valeurs de lthique postsocialiste du travail, que par les valeurs plus gnrales de la socit roumaine. La revue des articles sur les politiques de compensation a indiqu quen gnral les culturel offraient des salaires plus levs que les entreprises roumaines, soient elles grandes ou PME, prives ou dtat (par exemple, les salaires offerts par Oracle Roumanie sont de 300 euros pour le niveau dentre et peuvent arriver 1000 euros 513 ). Mais, mme si les salaires des employs des culturel sont plus hauts que ceux des employs sur des positions similaires des entreprises roumaines, ils sont plus bas par rapport leurs homologues de lOccident. Par
512 G. HOFSTEDE, Cultures Consequences, p. 376. 513 Alina PAHONCIA, Oracle angajeaz .
126 exemple, le salaire dun directeur financier est environ 50%-60% par rapport la moyenne des directeurs financiers de lOccident 514 . Pourtant, lapparition de la tendance parmi les employs roumains dexiger des salaires plus levs, la lgislation roumaine qui impose des impts sociaux levs pour les employeurs, la ncessit de prserver lavantage de cot (si cest le cas) et la concurrence avec dautres entreprises multinationales (dj actives ou rcemment entres sur le march roumain), ont dtermin les culturel introduire aussi, au-del dune petite augmentation des salaires, des avantages sociaux (assurance maladie, tlphone mobile, logement dentreprise, voiture de fonction, et, le plus rpandu, les tickets-repas) 515 . Lintroduction des avantages sociaux est dtermine aussi par la tendance des employs roumains de quitter une entreprise pour un salaire meilleur, mme si a ne suppose pas toujours une croissance salariale significative. Par exemple, il y a eu des cas quand les employs avaient quitt leur emploi pour une rmunration de 5% ou 10% plus haute ou pour moins de 30 euros en plus 516 . Ainsi, par leurs politiques de compensation, les culturel sont, en gnral, localement sensibles tant dune perspective culturelle, que lgislative, la comptition jouant aussi un rle important dans cette rceptivit locale. On peut considrer que, du point de vue des pratiques de compensation, la tendance parmi le culturel actives en Roumanie est celle du polycentrisme voir la classification des orientations managriales, propose par PERLMUTTER (1969). Mais, en fait, ces pratiques sont gnralement rpandues parmi des culturel tout autour du monde, comme lindique la littrature dans les domaines du management international, de la gestion des ressources humaine et du management des affaires internationales, avec peu de modifications, en conformit avec les conditions lgislatives et /ou culturelles spcifiques aux pays respectifs. Relatif aux pratiques des culturel en matire de recrutement du personnel, nous avons identifi les programmes de stage pour des tudiants et des diplms (particulirement pour des tudiants) comme lune des pratiques les plus courantes des culturel qui ont leurs filiales en Roumanie. Quelques exemples dans ce sens-l sont : Quadrant Amroq Beverages (QAB) Career Practically (un programme de stage pour des tudiants dans leurs dernires annes dtude ; ce programme leur offre la possibilit de travailler dans des dpartements multiples
514 Delia ONIGA, Salariul unui CFO local, la jumatate fata de vestul Europei , Ziarul Financiar, 9 juillet 2007, http://www.zf.ro/articol_131784/salariul_unui_cfo_local__la_jumatate_fata_de_vestul_europei.html, consult le 13 aot 2007. 515 Capital, 01/08/02 ; 10/10/02 ; 23/12/02 ; 19/09/03 ; 19/02/04 ; 04/03/04 ; 11/11/04 ; 27/01/05 ; 28/12/05 ; 07/03/06. 516 Mihaela POPESCU, Roxana PRICOP, Angajaii fac regulile ; Ziarul Financiar, 2 avril 2007, http://www.zf.ro/articol_118724/angajatii_fac_regulile.html, consult le 13 aot 2007.
127 de lentreprise : production, R&D, approvisionnement, marketing, ressources humaines), Raiffeisen Trainee (un programme de stage organis pour la troisime fois en 2005, par Raiffeisen Bank pour les jeunes diplms), les programmes de stage organiss par Orange Roumanie 517 etc. Les programmes de stage offrent lentreprise lopportunit de choisir les meilleures personnes ou celles avec le plus grand potentiel et, en mme temps, ils fonctionnent comme une mthode pour la formation du personnel et pour la gestion de la carrire. En plus, ces programmes offrent lentreprise loccasion de familiariser les futurs employs avec sa culture organisationnelle et de maintenir les candidats qui rpondent le mieux aux exigences de lentreprise, non seulement du point de vue professionnel, mais galement du point de vue cultural /axiologique. Les culturel pourraient obtenir, par lorganisation de programmes de stage, dautres avantages, tels quune visibilit plus grande et la cration de bons rapports avec la communaut. Une autre pratique de recrutement (et de slection) du personnel rencontre parmi les culturel actives en Roumanie est la coopration de celles-ci avec des universits sous la forme des sponsorisations des programmes de spcialisation professionnelle ou sous la forme des bourses dtudes confres aux meilleurs tudiants. De cette faon, les culturel crent une masse de candidats do elles peuvent employer les meilleurs. Lorganisation des coles de ventes et de marketing et des sminaires sur diffrents thmes, la possibilit que les tudiants fassent leurs recherches pour le diplme dans une entreprise, la participation aux foires de travail, la candidature en ligne et le dbauchage (dans le cas o le personnel spcialis est limit) sont dautres pratiques employes par les culturel dans le processus de recrutement (et de slection). En ce qui concerne les critres employs dans le processus de slection du personnel, ceux-ci sont multiples, en variant de la demande de parler certaines langues trangres (particulirement langlais) jusquaux exigences davoir un certain type de comportement et de comptences sociales. On peut trouver ainsi des exigences telles que : comportement proactif , capacit de travailler en quipe , comptences de communication , flexibilit , ouverture d'esprit , confiance en soi , dynamisme , orientation sur laccomplissement des buts , esprit entreprenant etc. 518 Comme nous lavons dj mentionn dans la section sur lthique postsocialiste du travail, ces comptences sont souvent associes un certain ge qui, son tour, est associ une certaine mentalit . Ces exigences comportementales et comptences sociales sont mises en relation avec ladquation
517 Capital, 14/10/04. 518 Capital, 24/06/05.
128 du profil axiologique du candidat aux valeurs de lentreprise et la manire occidentale de travail, cette adquation tant considre comme essentielle pour lentreprise et pour le succs professionnel de lemploy. Lexprience de volontariat est galement apprcie dans la slection des employs 519 , un nombre croissant dtudiants roumains tant impliqu dans des activits volontaires (lactivit volontaire la plus commune est ladhsion aux associations dtudiants), mme si lEnqute de lopinion publique de mai 2005 indiquait une participation faible aux activits volontaires dune grande partie de la population de la Roumanie. Une explication possible serait le fait que les tudiants sont la cible principale des culturel dans le processus de recrutement /slection et quil y a des culturel qui exigent explicitement lnumration des activits volontaires dans la candidature pour un emploi 520 . Aussi, les culturel sont les principaux partenaires pour les associations dtudiants dans le dveloppement des projets et des diffrentes activits ou, comme nous lavons dj mentionn, les sponsors pour lorganisation de diverses coles et sminaires ou mme les organisateurs de programmes de stage et de confrences, tant les acteurs conomiques les plus impliqus, en Roumanie, dans de diverses activits de responsabilit sociale corporative 521 . Toutes ces activits rendent les culturel plus visibles et leurs crent une image dentreprises qui apprcient le volontariat. Le processus dintgration des nouveaux employs ne fait pas le sujet des entretiens, pas mme reli au sujet de la culture organisationnelle. La culture organisationnelle est trs prsente dans le discours des managers /employs des culturel, surtout sous la forme des valeurs de lentreprise et comme un lment qui diffrencie, positivement, le travail dans des culturel par rapport au travail dans des entreprises roumaines. Lanalyse des pratiques de formation du personnel des culturel a indiqu le stage de spcialisation pour des employs (dhabitude, ceux-ci sont des spcialistes et des cadres) dans dautres filiales de la respective entreprise multinationale comme tant lune des pratiques souvent employes par les culturel actives en Roumanie. Par exemple, Kraft Foods Romania a envoy des employs roumains travailler, pendant trois semaines, dans sa filiale de lAfrique du Sud ; ces employs (deux techniciens et un chef de dpartement ; on peut voir que les employs des niveaux hirarchiques plus bas ont aussi la possibilit de formation/dveloppement) ont eu la tche de former leurs collgues dans la production de bonbons Sugus. Une autre forme de formation /dveloppement est lexpatriation des
129 directeurs, pour un certain nombre dannes, dans une ou plusieurs filiales de lentreprise multinationale (missions internationales). Lexpatriation apparat, galement, comme une pratique de promotion en soi ou comme une condition ncessaire pour la promotion (il y a un grand nombre dentreprises multinationales qui ont des programmes de gestion de la carrire, un certain nombre de missions internationales tant souvent une condition obligatoire pour la promotion, soit elle horizontale ou verticale). Kraft Foods Romania a pratiqu aussi lexpatriation des directeurs ; ainsi, en 2002, lentreprise multinationale a expatri cinq directeurs roumains pour travailler dans ses filiales de lEurope de lOuest 522 . En plus, un programme automatis pour lvaluation et le dveloppement des managers a t introduit dans la filiale de la Roumanie, cause des changements dans la structure dquipe managriale. Ainsi, des personnes exprimentes ont t dplaces sur dautres positions et des personnes plus jeunes et plus inexprimentes les ont remplaces. Ce programme a t cr spcialement pour Kraft Foods par Lominger (tats-Unis) et, avant son implmentation en Roumanie, il a t employ dans les filiales de Kraft Foods du Benelux et de Grande-Bretagne, Kraft Foods ayant lintention de lutiliser dans toutes ses filiales 523 . La manire de prendre la dcision demployer ce programme en Roumanie (la dcision a t prise par le directeur gnral de la division de Gestion du Dveloppement Organisationnel de Kraft Foods International aprs une exposition des raisons par les spcialistes roumains en ressources humaines de la filiale de la Roumanie) et la formation de deux des spcialistes roumains dans le domaine de la gestion des ressources humaines afin quils puissent appliquer lavenir en Roumanie, sans aide, ce programme dvaluation et de dveloppement du leadership, indiquent une orientation gocentrique des cadres dirigeants du sige social de Kraft Foods. Une autre entreprise multinationale qui pratique tant les stages de spcialisation dans dautres filiales que lexpatriation (temporaire ou dfinitive) est Michelin. Ainsi, tous les employs de Michelin, quimporte leur niveau hirarchique, peuvent, potentiellement, bnficier de stages de spcialisation /formation dans dautres pays, selon le plan national annuel de dveloppement des employs. Par consquent, pour les emplois internationaux sont slects les meilleurs employs, aprs au moins une anne de surveillance. Si un/une employ(e) a un rendement exceptionnel, mme sil ny a aucun besoin de personnel, il/elle est assign(e) la mission internationale. On peut identifier, dans ce cas, un lment qui indique une orientation gocentrique du management, lentreprise utilisant dans ses filiales les
522 Capital, 19/09/02. 523 Capital, 22/08/02.
130 meilleures personnes, nimporte leur nationalit. Aprs une anne dactivit en Roumanie, sur la liste d'or de Michelin figurait, en 2002, un grand nombre demploys dsigns pour des stages de spcialisation /formation ltranger, quelques-uns de ceux-ci tant dsigns pour lexpatriation long terme ou mme dfinitive 524 . La performance professionnelle apparat ainsi comme lune des conditions pour lavancement sur lchelle hirarchique dans une entreprise multinationale. Autres conditions pour la promotion professionnelle sont : lexprience professionnelle antrieure dans la mme entreprise, dans une autre entreprise multinationale ou dans le secteur dactivit de lentreprise multinationale et la spcialisation dans un certain domaine, acquise la suite des tudes universitaires suprieures (master, doctorat). Avant la promotion, les employs sont souvent inclus dans des programmes de gestion de la carrire internationale. Parmi les principaux critres de slection pour participer ces programmes, on peut identifier : des comptences de leadership, la capacit daccomplir des tches qui exigent un haut degr de responsabilit, le potentiel de dveloppement, parler couramment au moins une langue trangre, etc. 525
Parmi les entreprises multinationales implantes en Roumanie qui ont des programmes de gestion de la carrire internationale, on peut mentionner GlaxoSmith-Kline, Hoffmann-La Roche, Coca-Cola HBC etc. Ainsi, GlaxoSmith-Kline a un programme de dveloppement de 6 mois pour tous les employs qui ont une bonne performance professionnelle, nimporte leur domaine dactivit (jusqu 2005, les principaux domaines taient celui financier et logistique, les pays o se dveloppaient ces programmes tant Grande Bretagne et Slovaquie). Hoffmann-La Roche organise, pour une priode de 2 semaines jusqu 3 mois (mme pour plus dune anne), de diffrents programmes de formation du personnel qui se droulent dans dautres filiales de lentreprise. Le but de ces programmes de formation est lacquisition des comptences professionnelles qui permettent une implmentation plus rapide de certains processus, la fin des programmes les employs ayant la possibilit de retourner leur filiale ou de continuer leurs carrires dans dautres filiales. Coca-Cola HBC a des programmes de gestion de la carrire internationale pour les employs haut potentiel et pour ceux qui ont une performance professionnelle excellente et constante ; le systme de gestion de la carrire internationale inclut 26 pays et la mobilit dans lintrieur de ce systme permet le dveloppement de styles managriaux diffrents qui peuvent tre adapts la spcificit des units locales. Dautres exemples dentreprises multinationales actives en Roumanie qui
131 pratiquent la gestion de la carrire internationale sont : Allianz-iriac Asigurri, 3 M, Raiffeisen Bank, McDonalds, Procter&Gamble Romania et Honeywell 526 . Lvolution professionnelle lintrieur dune entreprise multinationale peut tre horizontale ou verticale. On peut rencontrer en tant que forme verticale dvolution professionnelle la promotion dune position dirigeante locale une position dirigeante rgionale ou dun niveau managrial moyen un niveau managrial suprieur. Par exemple, le directeur gnral de McDonalds Roumanie a t avanc, en 2001, sur la position de coordinateur des activits de McDonalds pour la Bulgarie, la Serbie, le Montngro, la Macdoine et la Slovnie et, en 2002, il a t charg aussi de la Gorgie et de lAzerbadjan 527 . De mme, une forme dvolution professionnelle verticale est le remplacement des managers expatris qui dirigent les filiales existantes en Roumanie par des managers locaux (dorigine roumaine). Ainsi, Interbrew Romania a remplac les managers expatris avec des managers locaux et, ultrieurement, le manager gnral dorigine roumaine a t avanc sur la position de manager rgional, sa place tant nomm le directeur de marketing dInterbrew Romania 528 . Lvolution professionnelle horizontale offre aux employs la possibilit de travailler sur des positions similaires, mais dans dautres emplacements o lentreprise multinationale a des filiales ou dans dautres dpartements de la mme filiale ou dans dautres dpartements dautres filiales. Ce type dvolution professionnelle est rpandu lintrieur des entreprises multinationales parce que laccs aux positions dirigeantes suprieures ou mme aux positions dirigeantes moyennes est limit et parce que le march roumain du travail semble devenir plus stable dans les conditions o les principaux joueurs conomiques et les entreprises trangres les plus fortes sont dj entrs sur le march roumain et les niveaux salariaux restent relativement stables 529 . Les pratiques dvaluation de la performance professionnelle ont reu, pour la priode recherche, peu dattention de la part de la littrature conomique. Nous avons pu constater la lecture de quelques articles crits sur ce sujet que, gnralement, les filiales des entreprises multinationales de Roumanie importent les systmes d'valuation de la socit mre, recevant les manuels avec les rgles et les politiques dvaluation pour les mettre en pratique en Roumanie. Un exemple de systme d'valuation, mais qui mesure les comptences managriales /de leadership et non pas la performance professionnelle, est celui dj mentionn dans les paragraphes prcdents, employ par Kraft Foods Roumanie qui utilise les
132 rsultats de cette valuation pour le dveloppement individuel et organisationnel 530 . Un autre exemple est le systme dvaluation pratiqu par Philips Roumanie, o lvaluation est standardise dans toutes les filiales de Philips autour du monde. Parmi les modalits dvaluation, il y a le programme La gestion de la performance des employs (People Performance Management) qui suppose lvaluation des rsultats de lanne prcdente des employs par rapport aux domaines principaux de responsabilit de lemploi, aux programmes de formation auxquels lemploy a particip, au comportement de lemploy envers les valeurs de lentreprise et aux comptences de leader 531 . Pour la priode de temps recherche, il ny a aucun article concernant les pratiques en matire de congdiement /retraite des entreprises multinationales qui ont leurs filiales en Roumanie. Les seuls aspects traits dans les articles recherchs concernent le dpart du personnel des entreprises multinationales, en sidentifiant les raisons qui motivent les gens changer leur lieu de travail et aussi, quelques informations concernant le taux de rtention du personnel. Par exemple, 3M Roumanie sest confronte en 2004 avec un taux du dpart volontaire du personnel plus grand par rapport aux annes prcdentes ; lentreprise a connu sa plus grande stabilit en ce qui concerne le personnel pendant 1999-2000, quand aucun employ na quitt lentreprise. La raison principale du dpart du personnel tait lopportunit de travailler sur des positions dirigeantes suprieures pour les entreprises trangres entres sur le march roumain, celles-ci offrant une rmunration et des avantages sociaux plus attrayants 532 . Lanalyse des pratiques en matire de GRH des entreprises multinationales avec des filiales en Roumanie indique, en gnral, une orientation gocentrique de la part du management de la socit mre, mme si le milieu conomique et socioculturel roumain pourrait tre considr comme favorable pour une orientation ethnocentrique. Ainsi, parmi les conditions socioculturelles favorables pour une orientation ethnocentrique de la part des entreprises multinationales, la valorisation positive de lOccident avec ses multiples formes de manifestation (voir la section sur lthique postsocialiste du travail) joue un rle essentiel. On peut ajouter aux manifestations de la valorisation positive de lOccident le fait que les entreprises multinationales, ct de lUnion Europenne, sont considres par les lites politiques, conomiques et de la socit civile roumaines, parmi les principaux promoteurs du capitalisme en Roumanie, ct dune partie des entreprises roumaines, par la promotion
133 dun autre type de culture, bas sur lthique du travail et un ensemble des valeurs qui se retrouvent dans le capitalisme occidental 533 . Au-del de ces facteurs socioculturels, lavantage cot, qui apparat comme lun des principaux facteurs dattractivit pour les investisseurs trangers en Roumanie, constituerait aussi une prmisse pour une orientation ethnocentrique de la part du management des entreprises multinationales. Ainsi, notre recherche secondaire a indiqu lavantage cot (cots bas de production, cots bas dopration, force de travail bon march) comme lun des principaux facteurs dattractivit pour les entreprises multinationales actives en Roumanie. Mme aprs lintgration lUnion Europenne en janvier 2007, lun des principaux facteurs dattractivit pour les investisseurs trangers en Roumanie est rest le cot bas de la main duvre. Une recherche ralise par Ernst&Young a indiqu la Roumanie comme tant la premire de la rgion et parmi les premiers 10 pays de lEurope prfrs comme destinations des investissements trangers, le cot encore bas de la main duvre et le potentiel de croissement de la productivit du travail tant mentionns parmi les principaux facteurs dattractivit de la Roumanie 534 . La recherche secondaire a indiqu aussi, ct de lavantage cot, dautres facteurs dattractivit pour les culturel, tels que : la perspective de lintgration de la Roumanie lUnion Europenne (valable jusquau 1 er Janvier 2007, quand la Roumanie est devenue membre de lUnion Europenne), la haute qualification professionnelle et les comptences linguistiques de la force de travail, la dimension du march, la proximit gographique et culturelle par rapport lOccident, linfrastructure existante, le processus de privatisation et les facilits offertes aux investisseurs trangers et, en gnral, un climat favorable aux investissements. Lorientation vers lavantage de cot pourrait gnrer une moindre importance accorde la diffrence culturelle (minimisation de la diffrence culturelle) ou mme lignorance de la diffrence culturelle et, par consquent, une orientation ethnocentrique du management. Pourtant, lorientation vers lavantage de cots est affaiblie par les changements dans les attentes des employs roumains en ce qui concerne les salaires reus, dans le sens dune croissance de ceux-ci. De mme, la comptition croissante entre les culturel actives sur
533 GALLUP ORGANIZATION ROMANIA, FUNDAIA HORIA RUSU, Capitalismul n mentalitile romnilor... , p. 150. En original : () un alt tip de cultur, bazat pe etica muncii i pe un set de valori care se regsesc n capitalismul occidental . 534 Mihai BOBOCEA, Ernst&Young: Romania, in top 10 al destinatiilor europene pentru investitii , Ziarul Financiar, 15 fvrier 2007, http://www.zf.ro/articol_112060/ernst_young__romania__in_top_10_al_destinatiilor_europene_pentru_investitii .html, consult le 13 aot 2007.
134 le march roumain pour la force de travail hautement qualifie, comptition qui dtermine aussi un croissement des salaires, rend plus difficile la poursuite (extrme) de lavantage cot. Par consquent, les culturel qui sont menes en Roumanie seulement par des avantages de cots pourraient quitter la Roumanie en sorientant vers dautres marchs plus avantageux de ce point de vue. Lintgration de la Roumanie lUnion Europenne a t aussi un facteur dinquitude pour les investisseurs concerns par lavantage cot, dans la perspective dune croissance du cot de la force de travail. Parmi les secteurs les plus affects par la croissance des cots salariaux sont ceux o on pratique principalement la production en systme TPP (trafic de perfectionnement passif) lindustrie du textile et de la confection et aussi lindustrie du bois, lindustrie du cuir etc., dans ces secteurs lavantage suivi tant exclusivement celui du cot. Nous approcherons plus tard, dans la deuxime partie de notre thse, le sujet des industries o prdomine la production de type TPP et leur situation courante, de mme que les prvisions concernant leur situation aprs lintgration de la Roumanie lUnion Europenne. Comme nous lavons dj mentionn (voir la section La gestion des ressources humaines et la diversit culturelle dans les entreprises multinationales de notre thse), lorientation ethnocentrique est rpandue surtout parmi les entreprises trouves au dbut de leur activit dinternationalisation ou parmi les entreprises qui exportent des produits fortement associs au pays dorigine, dans ce cas la diffrence culturelle pouvant tre considre comme un produit en soi mme 535 . De mme, lorientation ethnocentrique peut tre rencontre dans le cas des entreprises qui fonctionnent ltranger dans des environnements compltement nouveaux ou avec un haut degr de risque peru et aussi dans des pays o il ny a pas de savoir-faire, de technologie et/ou de lexprience dans le secteur dactivit. Celui-ci a t le cas de plusieurs pays ex-communistes immdiatement aprs la fin du rgime communiste. En outre, dans ces pays il y avait une grande demande pour des produits trangers, nimporte leurs caractristiques. Car, les produits trangers, au-del du fait quils satisfaisaient des besoins rprims depuis longtemps, ils taient associs la libert ; SAMPSON 536 considrait que, en 1989, la vraie rvolution a t celle du consumrisme. Dans ces conditions, une approche ethnocentrique nest pas nuisible pour les buts defficacit dune entreprise, car elle constitue mme une variante optimale de la gestion conomique des diffrences culturelles.
535 N. Al. POP, I. DUMITRU, op. cit., p. 64. 536 S. SAMPSON, op. cit. p. 268.
135 Si en matire de gestion de la ressource humaine lorientation du management des culturel actives en Roumanie est principalement gocentrique, en matire de marketing lorientation est plutt polycentrique, car le profil du consommateur roumain a chang graduellement (dans une grande mesure comme rsultat des efforts de marketing des entreprises trangres dans leur essai de se diffrencier par rapport aux comptiteurs), dun consommateur autrefois facilement satisfaire par nimporte quel produit tranger un consommateur sensible la personnalisation des produits /services. Les conditions socio-conomiques exigent aussi une approche polycentrique en ce qui concerne les activits de marketing des culturel actives en Roumanie. Par exemple, les recherches de GFK Roumanie ont indiqu la polarisation des consommateurs roumains en deux grands segments : de premire qualit et conomique . Les consommateurs du segment moyen (ce segment se trouve encore dans un stage naissant) se dplacent, graduellement, en raison des cots croissants des services publics et des biens de large consommation, vers le segment conomique . Afin de rpondre ces conditions spcifiques, les entreprises ont adapt leurs activits de marketing, particulirement leurs politiques de prix. Ainsi, Kraft Roumanie a diversifi son portefeuille de marques pour les catgories conomique et de premire qualit , Unilever et Henkel ont offert des produits de nettoyage bon march pour le segment conomique ou ont lanc des marques locales clairement positionnes pour le segment moyen-conomique , tandis que Coca- Cola a rorient ses politiques des prix, en se concentrant sur le segment conomique , etc. 537
En concluant, lanalyse des pratiques de management interculturel des entreprises multinationales implantes en Roumanie a indiqu que llment culturel qui a la plus grande influence sur lactivit de celles-ci consiste dans les valeurs gnrales et de travail changeantes, en raison de leur forte influence sur les comportements des employs et des consommateurs. Fortement reli cet lment, nous avons identifi des conditions favorables pour une approche ethnocentrique de la part des entreprises multinationales dans leurs pratiques de GRH et de marketing. Ces conditions sont le rsultat non seulement des conditions culturelles, mais aussi des conditions conomiques telles que : la puissance financire des entreprises multinationales, lavantage de cot en tant que facteur principal de lattraction de la Roumanie pour les IDE ou le rle de modle des entreprises
537 Capital, 15/08/02 ; Capital, 07/08/02.
136 multinationales pour le monde roumain daffaires (celui-ci pourrait galement tre considr comme un lment culturel). Mais, mme sil y a des conditions favorables pour une approche ethnocentrique de la part des entreprises multinationales, la recherche secondaire a indiqu quen gnral, dans leurs pratiques de GRH, les entreprises multinationales avec des filiales en Roumanie avaient une approche gocentrique, alors que dans leurs activits de marketing elles montraient une approche polycentrique. Les rsultats de notre recherche secondaire concernant linfluence de la culture sur les pratiques de GRH des entreprises multinationales confirment les conclusions dautres recherches qui ont indiqu que, dans le cas des entreprises multinationales (aussi que dans le cas des entreprises larges qui oprent dans des industries avec une technologie sophistique et des organisations du secteur publique), linfluence de la culture sur les pratiques de GRH tait moins vidente, celles-ci tant plus standardises, formalises et structures que dans le cas des petites organisations, dans le domaine des services, proprit prive ou de famille 538 . Nous avons obtenus des rsultats similaires en ce qui concerne linfluence de la culture sur les pratiques de GRH dans le cas des PME que nous avons tudies. Donc, si dans le cas des culturel, les contingences avec la plus grande influence sur les pratiques de GRH sont celles structurelles et institutionnelles 539 , dans le cas des petites organisations, les contingences les plus influentes sont celles culturelles. De plus, dans le cas des culturel, mme si chaque entreprise a sa culture organisationnelle unique et distincte, on peut identifier une certaine similarit des valeurs exposes, des principes, des normes, des codes de comportements, pouvant mme parler dune culture des entreprises multinationales . Cette similarit peut tre considre comme le rsultat de certaines exigences extrieures applicables dans le cas de la grande majorit des culturel (par exemple, ladoption dun comportement socialement responsable), aussi que comme le rsultat de la prfrence du management de celles-ci pour lemploi de diplms des MBA. Ainsi, une tude ralise par QS et TopMBA.com a indiqu que de plus en plus les entreprises, de secteurs divers dactivit, employaient des diplms des MBA, les entreprises qui sont des leaders de march tant particulirement intresses par ceux-ci 540 . Les dclarations dun manager roumain de la filiale Accenture en Roumanie (manager qui,
538 Zeynep AYCAN, The interplay between cultural , p. 1113. 539 Ibidem, p. 1113 540 Delia ONIGA, Scolile de MBA, centre de recrutare pentru angajatorii de top , Ziarul Financiar, 13 aot 2007, http://www.zf.ro/articol_136388/scolile_de_mba__centre_de_recrutare_pentru_angajatorii_de_top.html, consult le 13 aot 2007.
137 antrieurement, avait travaill comme country manager pour Motorola) en ce qui concerne son adaptation au nouvel emploi chez Accenture sont illustratives pour lexistence de cette similarit entre les cultures des culturel Ainsi, celui-ci dclarait que son adaptation tait facile grce son exprience antrieure dans la culture multinationale : les principes sont les mmes, latmosphre est la mme [] 541 . Il ny a pas une approche prescrite en ce qui concerne la diffrence culturelle qui assurerait le succs conomique dune entreprise. Lentreprise peut choisir une approche ou une autre ou seulement des lments de chaque approche, afin de contrler conomiquement les diffrences culturelles et de raliser ses buts. L'orientation /lapproche ethnocentrique, gocentrique ou polycentrique des entreprises multinationales implantes en Roumanie est influence non seulement par des facteurs culturels, mais galement par des facteurs conomiques, sociaux et lgislatifs. Ainsi, nous pouvons conclure que linfluence de la culture sur le management et lorganisation est une vrit incontestable, mais que dans son activit ltranger une entreprise multinationale doit galement prendre en compte lexistence dautres facteurs, non culturels.
Conclusion
Le management interculturel est un domaine dtude qui prsente un intrt croissant pour les entreprises, quelles soient grandes, petites ou moyennes. Les raisons de lintrt pour le management interculturel sont multiples, en partant dhistoires dchecs des entreprises qui ont ignor la diffrence culturelle jusqu lexistence dune tendance la reconnaissance et la valorisation de la diffrence culturelle. Le management interculturel doit prouver son efficacit dans le guidage des actions des entreprises. Des diffrentes revues de ltat actuel des recherches dans le domaine du management interculturel posent la question de la faible capacit de la thorie guider la pratique dans ce domaine. Cette faible capacit est mise au crdit dun faible dveloppement de la thorie, dune nomenclature peu clairement dfinie du management interculturel, dune
541 Alina PAHONCIA, Accenture: Interesul pe care il arata investitorii Bucurestiului demonstreaza ca acesta este locul in care trebuie sa fii , Ziarul Financiar, 31 juillet 2007, http://www.zf.ro/articol_134718/accenture__interesul_pe_care_il_arata_investitorii_bucurestiului_demonstreaza _ca_acesta_este_locul_in_care_trebuie_sa_fii.html, consult le 13 aot 2007. En original : Principiile sunt aceleai, atmosfera e aceeai (...) .
138 conception de la culture principalement positiviste, essentialiste et dterministe, conception qui influence la mthodologie de recherche en rduisant sa capacit analyser linteraction culturelle. Dans ces conditions, apparat naturellement la question fondamentale : Comment le management interculturel peut-il tre mis en uvre ? Ayant en vue le caractre appliqu du management interculturel, relativement aux autres domaines qui tudient la diffrence culturelle, la question peut tre approche plusieurs niveaux. Il y a un niveau simple qui est moins coteux et qui consiste dans lutilisation des modles classiques , axs sur des dimensions/orientations de la culture nationale, et dune mthodologie principalement quantitative. Ce type dapproche a plusieurs limitations, telles que lessentialisme, luniversalisme, le rductionnisme, la concentration sur des lments trs gnraux, la ngligence des interactions culturelles, la capacit limite dexplication et de prvision du comportement organisationnel au niveau micro, ... Il y a aussi un niveau plus approfondi qui demande une mthodologie qualitative. Ce type de recherche a aussi ses dsavantages. En premier lieu, celui dtre plus coteuse que la recherche base sur lutilisation des modles axs sur des dimensions de la culture nationale. galement, le degr de profondeur gagn par le type danalyse est menac par le caractre changeant de la culture. Pourtant, ce type danalyse ne perd pas sa valeur, en offrant une description plus adquate des faits sociaux que les modles mentionns antrieurement. En dpit de leurs limitations, les modles axs sur les dimensions de la culture nationale ont une certaine valeur pratique, mais ils noffrent pas la possibilit dun avancement du point de vue thorique. Car, mme si les diffrentes dimensions sont nuances ou si on ajoute dautres dimensions, le rsultat final est celui de lobtention des donnes trs gnrales, parfois strotypes, sur une culture, sans offrir la possibilit de la comprhension de linteraction culturelle. la diffrence, la recherche de type qualitative, par la simple prsence du chercheur, qui lui permet linterprtation de tout fait quil constate (les affirmations, les ngations, mme le refus de rpondre des questions dans certaines circonstances rvlent des faits de culture ) offre une information plus riche sur linteraction culturelle. De mme, ce type de recherche permet la mise en vidence du fait que certains lments considrs comme non- culturels (sociaux, conomiques, politiques, etc.) sont en fait des lments culturels ou se trouvent dans une troite interdpendance avec les lments culturels. Le meilleur exemple dans ce sens-l est lthique du travail. Car, dans lthique du travail on retrouve des habitus
139 qui normalement ne sont pas inscrits dans la culture traditionnelle, nationale ou rgionale du groupe tudi, mais plutt dans les catgories de lconomique, du social, du politique, etc. La recherche qualitative permet la mise en vidence du mcanisme de fonctionnement de la logique des pratiques sociales, cest--dire de la manire dont les individus grent ce quon appelle ralit . Si au niveau thorique la distinction entre les facteurs culturels et ceux considrs comme non-culturels semblent avoir une certaine logique, la recherche de terrain montrera le caractre forc de cette sparation. Ainsi, lhypothse (essentialiste) que la culture nationale reste inchange tandis que les lments sociaux et conomiques, lducation etc. sont passagers tombe. Parce que, pour tout chercheur pratiquant la recherche culturelle qualitative, le changement dans la culture nationale est un fait assez vident. Vraiment, le changement dans la culture nationale ne se produit pas si rapidement que dans le cas des facteurs considrs comme non-culturels, mais ce nest pas une raison suffisante pour refuser le caractre culturel ces derniers. Car comme les lments culturels, ces lments se diffusent, se transmettent 542 . Une autre question concernant le management interculturel est celle des instruments spcifiques utiliss dans la gestion de la diffrence culturelle. En fait, le management interculturel na pas ces instruments. Le plus souvent, la gestion de la diffrence culturelle est la tche de la gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle. La culture organisationnelle aussi est assez souvent la tche de la gestion des ressources humaines. Linstrumentalisation de la culture organisationnelle par laction intentionne, consciente des dirigeants sur ses valeurs, ses normes et ses hypothses fondamentales offre la possibilit de grer la diffrence culturelle. En mme temps, lanalyse de la culture organisationnelle considre non comme un instrument, mais comme un construit qui rsulte des actions des acteurs organisationnels, offre la possibilit de comprendre la manire dont les diffrentes cultures sont en interaction au niveau de lentreprise. Par consquent, lanalyse des pratiques de gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle, qui sont les instruments couramment utiliss dans la gestion de la diffrence culturelle, est une mthodologie adquate pour obtenir des informations sur linteraction culturelle au sein des entreprises.
542 Transmission est la traduction du mot latin traditio (voir A. R. RADCLIFFE-BROWN, Structur i funcie n societatea primitiv. Eseuri i discursuri, Ed. Polirom, Iai, 2000, p. 12). Quand on utilise le mot tradition , tout le monde comprend quon parle de culture . Malheureusement, quand on utilise le mot transmission , cette liaison avec la culture est occulte. Et quand on parle de mass mdia, on considre comme mass mdia culturelle principalement le folklore, les on-dit . En fait, lducation scolaire et la tlvision (qui souvent ne sont pas considres comme des facteurs culturels) ont une influence culturelle plus forte que ce canal de distribution de linformation.
140 Si au niveau des entreprises multinationales linstrumentalisation des pratiques de gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle dans le but de grer la diffrence culturelle est une situation assez courante, la situation est diffrente au niveau des PME, confrontes aussi la ralit de la diffrence culturelle la suite de leur internationalisation. Car, la plus grande partie des PME manque du savoir-faire dans le domaine de la gestion, pratique dune manire principalement empirique. Aussi, tant leurs pratiques de GRH que leur culture organisationnelle sont peu formalises. Ds les annes 1990, les tudes indiquaient que la taille dune entreprise influenait le degr de formalisation et de sophistication des pratiques de GRH qui, dans le cas des PME, sont peu formalises ou sophistiques 543 . Jusqu prsent, la situation na pas beaucoup chang. Le renouvellement dune recherche effectue parmi des PME amricaines dans les annes 1990 indiquait, plus de 10 ans aprs ltude initiale, quun nombre plus rduit de PME avait un dpartement formel 544 et quen gnral les pratiques de GRH avaient stagn ou mme rgress dans certains domaines 545 . Il y a aussi dautres recherches qui confirment le manque de formalisation de lactivit de GRH dans les PME. Par exemple, une recherche qui valuait la GRH dans les PME, en se basant sur des tudes de cas des PME de Rpublique dIrlande, indiquait quaucune des entreprises tudies navait une stratgie de ressources humaines explicite ou formalise 546 , la GRH tant souvent mergente et informelle. Les rsultats dune recherche sur le dveloppement de la ressource humaine dans une PME de Finlande indiquaient aussi quil ntait pas aussi formalis ou visible que dans le cas des grandes entreprises 547 . Notre recherche sur des PME en Roumanie a obtenu le mme rsultat. Dans ces conditions, la probabilit demployer formellement la GRH en tant quinstrument managrial de gestion de la diffrence culturelle est assez faible. Mais a ne signifie pas que dans les PME, comme nous le verrons dans notre recherche de terrain, la diffrence culturelle ne constitue pas le sujet de la gestion, mme si dune manire moins formelle/explicite ou mme consciente.
543 Jeffrey S. HORNSBY, Donald F. KURATKO, Human Resource Management in Small Business: Critical Issues for the 1990s , Journal of Small Business, juillet 1990, pp. 12-16, la base de donnes EBSCO, consulte le 7 aot 2007. 544 Ibidem, p. 77. 545 Ibidem, p. 88. 546 Brian HARNEY, Tony DUNDON, Capturing complexity: developing an integrated approach to analysing HRM in SMEs , Human Resource Management Journal, vol. 16, no. 1, 2006, p. 61, la base de donnes EBSCO, consulte le 31 juillet 2007. 547 Essi SARU, Organisational learning and HRD: how appropriate are they for small firms? , Journal of European Industrial Training, vol. 31, no. 1, 2007, p. 36, la base de donnes Emerald, consulte le 30 juillet 2007.
141 Nous avons approch le sujet du management interculturel en Roumanie plusieurs niveaux. Un des niveaux a t celui de la littrature roumaine dans le domaine du management interculturel. La principale conclusion a t le faible dveloppement du domaine, tant du point de vue thorique que pratique. Linterculturel est trs peu tudi par la littrature roumaine, le plus souvent il prend la forme des prsentations des diffrentes thories ou des encadrements de la culture nationale roumaine dans des diffrentes dimensions proposes dans la littrature en management interculturel gnral . Une autre conclusion a t celle de lchec de la plus grande partie de la littrature roumaine spcialise exercer son rle de promoteur et de formateur de savoir-faire pour la gestion conomique de la diffrence culturelle. La principale raison de cet chec est que la diffrence culturelle la plus importante pour toute interaction culturelle dans le cadre dfini dune entreprise /organisation active en Roumanie na pas t correctement identifie. Ou, mme si elle tait correctement identifie, elle a t nie ou minimise, dautres diffrences tant mises en vidence. Cette diffrence culturelle, qui a t ignore, minimise ou nie est lthique postsocialiste du travail. La littrature roumaine se contente de reprendre le discours plus gnral dominant qui consiste rejeter lthique communiste du travail qui, comme Monica HEINTZ (2005) la prcis, prend le plus souvent la forme de la mentalit communiste . Lintrt port au type de mentalit , communiste et capitaliste est dtermin par son association au succs ou lchec des entreprises en transition. Difficile dfinir et comprendre, cause de son caractre changeant et parfois contradictoire, lthique postsocialiste du travail influence lactivit de toute entreprise en Roumanie, quelle soit capital tranger ou roumain, quelle soit entreprise multinationale ou PME. Car le changement dans la sphre du travail a t un des changements majeurs des tats post socialistes, la fin du rgime communiste signifiant un changement de systme politique, conomique et culturel. Notre recherche secondaire sur les pratiques de management interculturel des entreprises multinationales implantes en Roumanie a identifi lthique du travail comme un lment culturel qui influenait le processus de gestion, par sa valorisation positive de lOuest qui permettait parfois mme lethnocentrisme des culturel Pourtant, le haut degr de formalisation et de standardisation spcifique aux entreprises multinationales a diminu lvidence de linfluence de la culture sur les pratiques de gestion. De plus, le type de recherche, base sur une analyse des sources secondaires est moins pertinent quune recherche applique dans ltude de linteraction culturelle. Le problme principal de la littrature roumaine en management interculturel est celui quimporte la position dfendue, la plus grande partie des chercheurs roumains se contente de
142 constater lexistence dune tension entre diffrentes pratiques ou entre diffrentes thiques du travail , sans offrir de solutions. Au lieu dessayer de trouver des modalits pour le changement/ladaptation des pratiques, lattention a t porte au changement des individus afin quils soient adquats aux pratiques. On produit ainsi lillusion que les bonnes cultures produiraient un bon management, les mauvaises, un mauvais management . 548 Pourtant, il ny a pas de bonne culture qui produit un bon management, mais seulement un bon management, adquat la culture envisage. Pour rpliquer le succs, il ne faut pas rpliquer le systme de management qui a produit le succs. Il faut produire des systmes de management adapt une culture parce que, ainsi que Pierre DUPRIEZ la fait remarquer, tout management est culturel 549 . Le management en soi est un systme culturel qui, souvent, est incompatible avec les prdterminations des natifs . Le management interculturel, par la reconnaissance et la prise en compte de la diffrence culturelle dans le processus de gestion, devrait corriger ce problme. Pour russir, le management interculturel doit identifier correctement les diffrences culturelles qui influencent le processus de gestion. Pour le management interculturel en Roumanie, notre analyse de la littrature relative au discours managrial et aux outils dapproche de la diffrence culturelle dans les entreprises multinationales a montr que lthique du travail tait la diffrence culturelle fondamentale qui devait tre prise en compte. Nous considrons quun bon management interculturel en Roumanie, qui est un facteur cl de succs pour les entreprises, est un management qui se conduit daprs une logique dhybridation, prenant en compte tant des lments de management interculturel gnral , adapts la ralit de la Roumanie, que lthique post socialiste du travail comme diffrence culturelle fondamentale. Notre proposition est renforce par les rsultats de notre recherche de terrain dans des PME trangres qui a valoris lthique post socialiste du travail comme le principal lment culturel qui influenait le processus de gestion. Le but du management interculturel en Roumanie devrait tre de rendre connue cette diffrence culturelle, afin quelle soit prise en considration par les entreprises trangres et roumaines et quelle soit intgre dans la gestion des entreprises afin quelles puissent atteindre efficacement leurs objectifs.
548 P. DUPRIEZ, Le couple culture et management , p. 31. 549 Ibidem, p. 26.
143 Deuxime partie : Une approche empirique du management interculturel en Roumanie
1. Mthodologie de la recherche applique
Lapproche du management interculturel en Roumanie a impliqu deux types de recherche : le premier type, ou recherche primaire, est lidentification des pratiques de management interculturel en Roumanie. Plus prcisment, lobjectif de la recherche primaire a t lidentification des pratiques de management interculturel au niveau des PME capital tranger actives en Roumanie, celles-ci tant assez nombreuses en Roumanie. La prsence des PME est favorise par la lgislation roumaine qui permet aux investisseurs trangers de constituer des entreprises sous la forme juridique de S.A.R.L. (la forme juridique la plus rpandue en Roumanie grce au capital social rduit de constitution et aux demandes administratives flexibles) dans les mmes conditions que les investisseurs roumains. Les PME ont la plus grande capacit dabsorption de la main duvre sur le march du travail, en reprsentant 97% du nombre total dentreprises de Roumanie 550 . Parmi les PME participation trangre, nous avons choisi dtudier les pratiques de management interculturel dans les PME italiennes qui reprsentent le plus gros contingent de PME trangres en Roumanie. En effet, lItalie peut tre considre comme linvestisseur principal en Roumanie du point de vue de la cration demplois (il y a plus de 500 000 emplois crs directement ou indirectement par les entreprises italiennes) 551 .
550 AGENIA ROMN PENTRU INVESTIII STRINE, http://arisinvest.ro/level0.asp?ID=4&LID=2, consult le 27 dcembre 2007. 551 http://www.italian- embassy.org.ae/Ambasciata_Bucarest/Menu/I_rapporti_bilaterali/Cooperazione_economica/, consult le 23 mars 2008.
144 Les trois entreprises que nous avons tudies sont des S.A.R.L., avec participation dorigine italienne au capital social. De mme, toutes les trois sont des PME 552 et sont localises dans le dpartement de Maramure, dans le Nord-Ouest de la Roumanie (le Nord- Ouest de la Roumanie est la rgion o est concentr le plus grand nombre dinvestisseurs italiens), dans des industries intensives en travail : lindustrie du textile et de la confection et lindustrie du bois. Nous considrons donc que les entreprises tudies sont reprsentatives des IDE italiens en Roumanie. Les objectifs du deuxime type de recherche, la recherche secondaire, ont t lidentification des principaux lments constitutifs de lthique postsocialiste du travail et lidentification de la relation entre lthique socialiste du travail et lthique postsocialiste du travail, qui sont essentielles pour le management interculturel des entreprises capital tranger implantes en Roumanie, quelle que soit leur taille. De mme, nous avons tudi le discours relatif la diffrence culturelle dans lentreprise, tel quil apparat dans la littrature postsocialiste dans le domaine du management, ce discours tant un des symptmes de lthique postsocialiste du travail. La recherche secondaire a suivi aussi lidentification des pratiques de management interculturel dans les entreprises multinationales actives en Roumanie telles quelles sont refltes dans les interviews ralises auprs des directeurs et des employs des entreprises multinationales, interviews parues dans la littrature conomique roumaine. Notre recherche secondaire est base aussi sur lanalyse des statistiques, de la lgislation, des baromtres dopinion publique et des tudes concernant des diffrents lments relis au travail. La recherche secondaire nous a permis la cration dun cadre gnral de comprhension pour les donnes obtenues la suite de la recherche primaire. Revenons celle-ci, qui est centrale dans notre thse, en prsentant les aspects mthodologiques. La mthode de recherche employe est celle de ltude de cas, les instruments utiliss tant le questionnaire, linterview et lobservation participative. Initialement, nous avons eu lintention de raliser une enqute base sur des questionnaires auprs dun chantillon reprsentatif des PME, qui nous aurait permis la gnralisation statistique des rsultats obtenus. Nous avons appliqu 80 questionnaires dans
552 Conformment la lgislation roumaine en vigueur la date de la ralisation de notre recherche (la Loi 346 concernant la stimulation de la cration et du dveloppement des petites et moyennes entreprises), une entreprise tait considre en faisant partie de la catgorie des PME si elle accomplissait les conditions suivantes : 1) le nombre moyen annuel demploys tait moins de 250 ; 2) le chiffre daffaires annuel tait moins ou gale avec 8 millions euros ou les rsultats du bilan comptable pour lanne prcdente ne dpassaient pas 5 millions euros ; 3) le critre dindpendance tait respect (taient considres comme indpendantes les PME dont le capital social ou les droits de vote ntaient pas dtenus en proportion de plus de 25% par une autre entreprise ou par plusieurs entreprises qui ne faisaient pas partie de la catgorie des PME).
145 quatre PME, ayant leur sige social dans deux villes du dpartement de Cluj et de Maramure, afin didentifier les principales pratiques de gestion des ressources humaines, des lments de culture organisationnelle et des lments qui pourraient illustrer linfluence de la culture nationale sur les pratiques de management et sur les valeurs/comportements de travail. Pour cette partie du questionnaire nous avons utilis quelques unes des questions du questionnaire initial de HOFSTEDE 553 (1980). Notre questionnaire tait double, afin quon puisse identifier les concordances ou les discordances entre les dclarations des managers et des employs ou entre la culture dclare et la culture vcue 554 . Le directeur gnral dune des entreprises o nous avons appliqu des questionnaires tait intress par les rsultats obtenus la suite de linterprtation des questionnaires. ce moment-l, nous avons ralis, pour la premire fois dans notre dmarche de recherche, que les rsultats obtenus taient peu satisfaisants, les informations sur la culture organisationnelle et sur linfluence de la culture nationale sur les comportements /valeurs de travail tant peu pertinentes. Les informations sur les pratiques de gestion des ressources humaines taient plus pertinentes, car nous avions suivi seulement lidentification des formes de manifestation des principaux processus de GRH (recrutement, slection, intgration, valuation etc.). Pourtant, certaines informations sur les pratiques de GRH ont t, ultrieurement, invalides par les informations obtenues la suite des interviews (voir le cas de lentreprise X prsente dans notre thse). Mais, si les rsultats des questionnaires taient peu pertinents pour le thme tudi, le processus de lapplication des questionnaires a t une riche source dinformations sur la spcificit culturelle des sujets interrogs. Ainsi, pendant le processus de recherche, nous avons t confronte plusieurs situations qui avaient influenc ngativement la pertinence des informations obtenues la suite de lapplication des questionnaires, ce qui nous avait dmontr la ncessit de changer dinstrument de recherche. Une des situations les plus suggestives a t celle rencontre dans une des entreprises tudies de la petite ville du dpartement de Maramure. Dans une premire tape, lassocie roumaine a insist pour raliser elle-mme les questionnaires aux employs, en invoquant limpossibilit pour nous dadministrer les questionnaires pendant lhoraire du travail (argument valable, dans la mesure o les employs avaient une norme raliser, chaque interruption risquant de reprsenter une diminution de leur productivit et donc de leur
553 G. HOFSTEDE, Cultures consequences..., pp. 405-410. 554 Pierre DUPRIEZ et Gisle PAQUET, Repres pour la recherche. Questions de mthode , dans Pierre Dupriez (coord.), Entreprises roumaines en transition, p. 199.
146 rmunration) ou pendant la pause repas (largument apport par lassocie roumaine : il ny avait pas un rfectoire et la plus grande majorit des employs allait la maison pendant lheure accorde pour le repas ou ils travaillaient encore pour raliser la norme ou pour corriger les rebuts). Pourtant, nous avons obtenu la permission de parler aux gens, soit pendant la pause repas, soit leur sortie de lentreprise, la fin de lhoraire du travail. Mais, les employs de lentreprise Y ont refus de rpondre aux questions au prtexte quils navaient pas le temps. Nous avons donc accept que lassocie roumaine applique les questionnaires aux employs. Elle nous a promis dappliquer les questionnaires aux employs qui pourraient nous offrir les informations dont nous avions besoin pour obtenir des bons rsultats dans notre enqute et quelle leur expliquerait, sils ne comprenaient pas toutes les questions . En dpit de notre insistance dappliquer les questionnaires tous les employs de lentreprise, elle nous a retourn plusieurs questionnaires qui navaient pas t complts, la raison invoque tant labsence des employs et le fait quelle avait appliqu, pourtant, les questionnaires ceux quelle savait quils taient srieux et capables de rpondre aux questions. Elle a ajout quelle avait essay de prendre en compte toutes les classes sociales afin que la recherche s ias bine (cest une expression difficile traduire en franais ; dans une traduction approximative serait obtenir de bons rsultats ). Nous avons accompagn lassocie roumaine dans latelier pour ramasser les questionnaires et rpondre aux ventuelles questions de la part des employs. Tandis que lassocie roumaine demandait aux employs dsigns pour complter les questionnaires sils les avaient compltes et apportes, un des employs allait derrire elle et, en imitant sa voix, disait : Avez-vous travaill avant 1989 ? Avez-vous travaill au temps de Nicu Ceauescu ? . Mme si le persiflage /la moquerie sautait aux yeux, lassocie roumaine semblait tre indiffrente et elle ne faisait aucun commentaire lgard de la situation cre. Nous avons ralis ainsi, quen fait, au moins une part des questionnaires avait t complte de manire collective par les ouvriers, les rponses donnes, presque identiques, confirmant cette hypothse. Nous avons galement t confronte cette faon de complter collectivement les questionnaires dans le cas dune des entreprises du dpartement de Cluj. Nous avons eu la possibilit dobserver la manire dont les questionnaires taient complts, tandis que nous attendions dans un bureau voisin (les sujets interrogs sont sentis intimids par notre prsence). Mme si nous leurs avons dit que pour toute sorte dincomprhension ils pouvaient nous demander des explications, ceux qui ne comprenaient pas demandaient des explications leurs collgues et surtout un dentre eux. Leur chef nous a dit que celui-ci tait surnomm
147 le philosophe dans son groupe de travail, car il tait plus duqu que ses collgues. On peut y identifier une importante source dautorit /de respectabilit dans la socit roumaine : lducation, qui a t rvle aussi par nos tudes de cas auprs des PME de dpartement de Maramure. De mme, nous avons pu identifier la tendance de lindividu se conformer lopinion de la majorit du groupe. Par exemple, des questions ont t lues haute voix et la rponse slectionner a t choisie lunanimit. Nous avons galement pu remarquer la volont de remplir correctement le questionnaire pour ne pas tre soumis aux moqueries des copains. Il y a aussi des questions (par exemple, celles qui concernaient les relations avec les suprieurs hirarchiques) qui ont reu des rponses correctes (surtout parce que le chef tait avec nous dans le bureau voisin et il pouvait entendre les discussions). Au retour des questionnaires, plusieurs ouvriers ont exprim leur proccupation de donner les bonnes rponses afin que nous obtenions des bons rsultats ( s ias bine ) pour notre recherche. Dans le cas dune des entreprises, les rsultats obtenus des questionnaires en ce qui concerne les critres de slection du personnel ont t invalids par les rsultats des interviews. Ainsi, mme si plus de la moiti des employs (19 sur 31 qui ont complt les questionnaires) ont choisi la variante exprience antrieure de travail dans le domaine comme critre trouv la base de leur slection (question ferme, des variantes de rponses multiples), la mme rponse tant donne par la directrice gnrale, les interviews (prises tant aux ouvriers qu la directrice gnrale) dmontraient que seulement quelques employs avaient de lexprience antrieure de travail en domaine, les critres de slection pratiqus dans lentreprise X tant en fait les relations personnelles/les recommandations, la volont /la capacit de lemploy dapprendre et le respect des rgles du travail. Cette insistance pour sauver les apparences et pour donner les bonnes rponses peut tre considr comme une caractristique culturelle non seulement pour la rgion tudie, mais aussi pour une grande partie de la socit roumaine, lune des explications possibles tant la culture de la honte qui est encore prsente dans un grand nombre des communauts de la Roumanie, tant rurales quurbaines. Une autre explication pourrait tre la duplicit caractristique pour la priode socialiste qui a affect presque tous les niveaux de la vie sociale des individus. Les paroles de la comptable dune des entreprises sont extrmement suggestives dans ce sens-l. Ainsi, comme un vrai sociologue, elle nous a dit :
[] si vous appliquez des questionnaires, vous napprendrez rien de sincre [] que vous appreniez 10 000 de mensonges et de sottises, il serait mieux que vous cherchiez les gens et leurs parliez aprs lhoraire du travail [] voyez o ils prennent leur caf et parlez leur, car ils vous diront [] si vous
148 leurs montrez une carte dtudiant et vous leurs dites cest pour lcole, cela na pas dautre intrt ; sinon ils croiront que le chef [linvestisseur italien] vous a impos les questions ou que qui sait quoi a vous sert [] vous savez les gens, quand ils voient des papiers [] pendant la rcration ce nest pas bien [les interviews], car ils ne vous diront rien parce que les autres les entendent et ils vous diront seulement des mensonges [] ou sils compltent les questionnaires, sinfluenceront rciproquement [].
Dans le cas dune des entreprises, nous avons essay dinterviewer les ouvriers pendant lhoraire du travail, avec la permission de la directrice gnrale qui nous avait mis disposition le bureau des cadres et avait accord 10 minutes chacun des ouvriers qui voulaient tre interviews ; ce temps na pas t considr comme pause, car il tait inclut dans le temps produit. Ainsi, nous avons eu la possibilit de discuter avec les ouvriers, mais la plupart des interviews ont t ralises en prsence de la directrice gnrale qui, mme si elle faisait semblant dignorer la discussion, intervenait si elle estimait que les rponses donnes par les ouvriers ntaient pas correctes et, de mme, les ouvriers lui demandaient quand ils ne savaient pas la rponse. Un exemple dans ce sens a t leur position dencadrement, car une grande partie des ouvriers savaient les attributions de leur emploi, mais ils ignoraient lencadrement qui figurait dans le contrat de travail. La variation des rponses et de lattitude des ouvriers en fonction de la prsence ou de labsence de la directrice gnrale (de temps en temps celle-ci sortait du bureau) nous a indiqu quune mthode de recherche plus adquate serait celle de prendre des interviews en dehors de lentreprise. Par consquent, en faisant nous mme appel la spcificit culturelle locale, par un systme de relations personnelles et de recommandations, nous avons pris des interviews en dehors de lentreprise, le plus souvent tant invits chez les personnes interviewes, ce qui nous permettait une meilleure comprhension du phnomne tudi. Ainsi, pendant la priode avril 2005 dcembre 2006 et janvier - aot 2007 nous avons pris plusieurs interviews en profondeur avec 30 personnes, ce qui nous permettait de suivre, dans une certaine mesure, lvolution de la situation des entreprises recherches. Aussi, notre recherche longitudinale a permis lenregistrement des changements produits dans lactivit des entreprises 555 et dans le parcours professionnel de certains employs. Car, au-del des employs qui sont rests dans la mme entreprise, nous avons interviews des sujets qui avaient travaill pour deux des trois entreprises tudies, en plusieurs combinaisons : pour les entreprises X et Y, pour les entreprises Z et X ou pour les entreprises Y et Z. De mme, nous avons interviews des employs des trois entreprises qui avaient dmissionn, taient partis travailler ailleurs et
555 David KNOKE, Peter V. MARSDEN, Arne L. KALLEBERG, Survey Research Methods , dans Joel A. C. BAUM (ed.), Companion to Organization, Blackwell Publishers Ltd., Oxford, Malden, 2002, p. 783.
149 ensuite taient revenus dans ces entreprises ou des employs qui avaient dmissionn et travaillaient dans dautres entreprises ou ne travaillaient pas du tout. Lutilisation des mthodes qualitatives de recherche drive de lobjet mme de notre recherche qui est reprsent par la spcificit culturelle et par linteraction des cultures diffrentes dans le cadre dfini dune organisation. Car, lacteur social est soumis, consciemment ou inconsciemment, plusieurs conditionnements quon pourrait les nommer, en gnral, culturels, le travail contribuant au faonnement de la culture et de lidentit dun individu (voir SAINSAULIEU, dans la premire partie de notre thse). De mme, lemploi des mthodes qualitatives de recherche est justifi par notre intrt pour lanalyse de la culture des entreprises considres. La littrature sur la recherche de la culture organisationnelle fait une distinction entre la recherche du climat organisationnel et la recherche de la culture organisationnelle. Ainsi, la recherche du climat organisationnel peut tre ralise simplement par des mthodes quantitatives, en valuant les aspects mesurables, en particulier les attitudes et les perceptions des employs et /ou des conditions organisationnelles observables considres comme proches des perceptions des employs (par exemple, le niveau dimplication individuelle, le degr de dlgation, la distance sociale rsultant de la diffrence de statut et du degr de coordination entre units, etc.). En change, la recherche de la culture organisationnelle suppose une approche anthropologique pour pouvoir comprendre les aspects cruciaux mais en grande partie, invisibles, de la vie organisationnelle 556 et lemploi dune mthodologie de recherche qualitative. En gnral, le climat organisationnel se rfre un set de conditions qui existent et qui ont un impact sur le comportement de lindividu 557 . Ces conditions sont des caractristiques objectives dune organisation et peuvent tre observes laide de plusieurs modalits. Quoiquil y ait un dbat entre les chercheurs concernant le climat organisationnel (si celui-ci est une proprit de lorganisation ou de lobservateur), la majorit des tudes utilisent des mthodes quantitatives. Dans ces recherches, les membres de lorganisation compltent des questionnaires standard concernant quelques conditions ou systmes de lintrieur de lorganisation. Aussi, comme nous lavons dj mentionn dans la premire partie de notre thse, la majorit des tudes publies sur la culture nationale et sur
556 K.-A.BAKER, op. cit., p. 2. 557 D.-R., DENISON cit dans Jaap J. VAN MUIJEN, Karel DE WITTE, Gaston DE COCK, Zoran SUSANJ, Claude LEMOINE, Dimitri BOURANTAS, Nancy PAPALEXANDRIS, Imre BRANYCSKI, Enzo SPALTRO, Jorge JESUINO, Jos GONZALVES DAS NEVES, Horia PITARIU, Edvard KONRAD, Jos PEIR, Vincente GONZLEZ-ROM, David TURNIPSEED, Organizational Culture: The Focus Questionnaire , European Journal of Work and Organizational Psychology, Psychology Press Ltd., 1999, 8 (4), pp. 553-554.
150 son impact sur lactivit organisationnelle sont bases sur une mthodologie de recherche quantitative. Pourtant, en dpit de la similarit conceptuelle entre le climat organisationnel et la culture organisationnelle, il faut tenir compte de la spcificit mthodologique 558 , car les perceptions sont facilement mesurer en utilisant le questionnaire, mais, pour dcrire les hypothses de base, pour dchiffrer les symboles et dcomposer les significations dans une image plus riche, plus complte et valide, on a besoin des approches qualitatives 559 . La recherche de la culture organisationnelle, qui nous intresse comme cadre de manifestation de linteraction entre diffrentes cultures, pose des problmes tant en ce qui concerne la mthodologie employe, que lobjet dtude. Ainsi, il y a des questions en ce qui concerne le contenu de la culture organisationnelle (il y a des critiques sur lutilisation de la culture organisationnelle en tant que poubelle pour toutes les variables organisationnelles quon ne peut pas dcrire exactement 560 ), la dfinition ou lapproche la plus adquate, les dimensions et les domaines de la culture organisationnelle et les cultures quon doit tudier (on prend en considration la liaison entre la culture organisationnelle et dautres cultures qui ont un impact essentiel sur celle-ci : la culture nationale, la culture occupationnelle, etc.) 561
Nous avons opt pour une analyse de la culture organisationnelle sur le modle des niveaux propos par SCHEIN (1985). Les niveaux de la culture organisationnelle sont : les hypothses fondamentales, les valeurs, les normes comportementales, les modles de comportement, les artfacts et les symboles. Mme si ces croyances et valeurs sont des sources meilleures de prdiction pour le comportement des individus dans lorganisation que les artfacts, elles ont aussi des limites. Ainsi, les valeurs et les croyances peuvent rester seulement au niveau des dclarations, en se crant une discordance entre ce quon dit et ce quon fait. Pour faire, donc, une analyse correcte de la culture organisationnelle, on doit distinguer entre les valeurs qui sont seulement des rationalisations ou des aspirations et celles qui sont vraiment congruentes avec les hypothses fondamentales. Les hypothses fondamentales sont tenues pour acquises, tant le rsultat dun succs constant dans la rsolution des problmes avec lesquels le groupe sest confront pendant son
558 Jaap J. van MUIJEN et all, op. cit., p. 555. 559 Jaap J. van MUIJEN cit dans Jaap J. van MUIJEN et all, op. cit., p. 555. En original : Perceptions are easily measured with questionnaires, but to describe basic assumptions, decipher symbols and to unfold meanings into a richer, more complete and valid picture (or painting) one needs qualitative approaches . 560 K. DE WITTE, J.-J. VAN MUIJEN, Organizational Culture: Critical Questions , p. 585. 561 Ibidem, p. 585, 586, 587, 588.
151 activit 562 . Elles supposent, dhabitude, un haut degr de consensus parmi les membres dun groupe, ayant la tendance de ne pas tre confrontes ou dbattues. Par consquent, les hypothses fondamentales sont difficiles changer 563 , encore plus parce quelles peuvent constituer un mcanisme cognitif de protection pour le groupe respectif 564 . De mme, elles assurent le pouvoir dune culture par le fait quelles sont partages et, par consquent, rciproquement renforces par les membres dun groupe. Les hypothses de base sont souvent relies des aspects fondamentaux de la vie (tels que : la nature du temps et de lespace, la nature humaine, lactivit humaine, limportance du travail etc.) 565 . Les hypothses fondamentales crent les modles de cognition, les perceptions et les sentiments exposs par les membres dun groupe 566 . Par consquent, si lon comprend les hypothses fondamentales, on peut mieux comprendre les autres niveaux de la culture et les grer de manire adquate 567 . Si lon comprend les hypothses fondamentales et les autres niveaux de la culture dentreprise, on peut mieux grer le changement de la culture organisationnelle et mieux linstrumentaliser pour atteindre les buts de lorganisation. Cest dans cette perspective que nous sommes intresse lanalyse des cultures des entreprises qui ont constitu les sujets de nos tudes de cas. Cette analyse pourrait offrir des informations sur la manire dont la diffrence culturelle est instrumentalise ou comment celle-ci pourrait tre instrumentalise efficacement pour atteindre les buts de lorganisation. Mais, on doit prciser que, mme si nous nous reposerons dans notre recherche sur ce modle niveaux, nous le ferrons pour des raisons de clart, car nous sommes consciente du fait que ces niveaux produisent une sparation artificielle de la culture, sparation qui nexiste pas en ralit. Les pratiques de GRH nous intressent tant dans la perspective de leur caractre dinstrument managrial dans la gestion de la diffrence culturelle, que dans la perspective de linfluence des facteurs culturels et non-culturels sur celles-ci, qui dterminent leur spcificit au niveau des entreprises. Ltude des cultures organisationnelles est un instrument danalyse dune importance majeure pour le management interculturel, car les interactions interculturelles se produisent dans le cadre dfini dune organisation, cadre gnrateur dune culture spcifique et, comme nous lavons dj mentionn, cadre o se produit la transformation culturelle.
562 Ibidem, p. 30. 563 Ibidem, p. 31. 564 Ibidem, p. 36. 565 Ibidem, p. 35. 566 Ibidem, p. 38. 567 Ibidem, p. 36.
152 De mme, lanalyse des pratiques de gestion des ressources humaines et lanalyse de la culture organisationnelle offrent des informations sur la manire dont on essaye dinstrumentaliser la diffrence culturelle ou sur la manire dont la diffrence culturelle pourrait tre efficacement prise en compte pour atteindre les buts de lorganisation. Pour mieux comprendre linfluence des facteurs considrs parfois comme non- culturels (conomiques, sociaux, dmographiques, lgislatifs, etc.) sur les interactions culturelles au sein des entreprises, nous avons procd une analyse territoriale et sectorielle. Pour une meilleure comprhension des facteurs considrs comme culturels , nous avons choisi de dcouper des units danalyse de dimensions rduites pour surprendre ce que les ethnologues appelaient fait social total . Par consquent, nous avons tudi des PME, qui, par leur taille plus rduite que celle des entreprises multinationales, permettaient une recherche et une comprhension plus approfondies de linteraction culturelle. De mme, les informations obtenues sont moins biaises que dans le cas des entreprises multinationales o fonctionne la pression de la conformit avec le discours officiel et les programmes de reconnaissance /valorisation de la diffrence culturelle qui ont transform celle-ci en une question de correction sociale. En gnral, dans les PME on pratique la gestion dune manire empirique, intuitive, le savoir-faire dans les domaines de gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle est rduit, parfois inexistant. On peut ainsi mieux saisir linfluence de la culture sur le processus de gestion et la manire dont la diffrence culturelle est intgre ou non dans la poursuite des objectifs de lentreprise. Loption pour ltude de cas comme mthode de recherche est justifie par le fait que nous avons essay de donner des rponses des questions de type comment ? et pourquoi ? et dtudier un phnomne contemporain vu dans un contexte rel , dans ces conditions ltude de cas tant lune des stratgies de recherches les plus appropries 568 . De mme, ltude de cas, ct dautres mthodes qualitatives, telles que lobservation participative, les approches ethnographiques, lanalyse du discours et lanalyse du contenu des documents dune entreprise, est utilise /recommande dans ltude des phnomnes organisationnels, permettant la comprhension en profondeur de la culture 569 ; notre exprience pratique confirme son efficacit.
568 Robert K. YIN, Studiul de caz. Designul, colectarea i analiza datelor, Polirom, Iai, 2005, p. 17, p. 22. 569 Z. AYCAN, Cross-cultural industrial and organizational , p. 117.
153 2. Cadre gnral de lanalyse
2.1. Aperu des investissements directs trangers en Roumanie
2.1.1. Des raisons et formes dinternationalisation des EMN et des PME
Lentreprise multinationale et le phnomne de linternationalisation des activits ne peuvent pas tre spars, la multinationale, peu importe son pays dorigine, devenant une prsence habituelle pour le monde conomique actuel. HENNER (1992) distingue trois vagues dans la constitution des entreprises multinationales, en commenant sa chronologie aprs la deuxime Guerre Mondiale. La premire vague, entre 1950 et 1965 environ, correspond aux flux dinvestissements des entreprises amricaines en Europe de lOuest. La deuxime vague est place de 1965 (environ) 1975, au cours de laquelle les entreprises amricaines et europennes tendent crer des units de production dans les pays bas salaires dAsie du Sud-est. La troisime vague a dbut en 1978 et dure jusqu prsent. Elle est caractrise par deux lments : un rinvestissement aux tats-Unis, marqu par la fermeture de filiales amricaines en Europe, linvestissement des entreprises europennes et japonaises dans des filiales aux tats-Unis ou au Canada et lmergence des entreprises multinationales du Tiers Monde (certaines entreprises des Nouveaux Pays Industrialiss commencent investir dans les pays industrialiss pour mieux pntrer le march amricain et contourner les obstacles non tarifaires) 570 . On doit ncessairement ajouter cette classification lapparition des pays Est europens comme pays htes des IDE et en particulier ceux qui sont/ont t des candidats intgrer lUnion Europenne 571 . Car, mme sil ny a pas dopinion unanimement reconnue concernant lexistence dun lien de causalit entre les IDE et la croissance conomique, on considre que les pays candidats ont obtenu des avantages la suite de lattraction des IDE par laccs la modernisation, par le contact avec les meilleures pratiques occidentales, par le dveloppement du commerce international, lobtention daides externes et dune assistance
570 H.-F. HENNER, op. cit., p. 294. 571 Nicoleta-Dorina RACOLA-PAINA, Veronica-Maria MATEESCU, Aspects actuels des investissements directs trangers en Roumanie , Studia Universitatis Babe-Bolyai, Studia Europea, L, 2-3, 2005, p. 245.
154 financire 572 . Dautres effets positifs des IDE sont galement identifis : le transfert de technologie, de savoir-faire, de comptences managriales, (selon le cas), la croissance de la performance conomique lexportation pour les secteurs qui ont attirs des IDE 573 , la cration de nouveaux emplois, donc, implicitement, la croissance de la qualit de la vie 574 . Lintrt des investisseurs trangers pour ces pays relativement nouveaux sur la carte des IDE est dmontr aussi par le Rapport 2007 sur lInvestissement Mondial des Nations- Unies. Ce rapport indique quen 2006 le flux dinvestissements vers les pays de lEurope du Sud-est et les pays de la Communaut des tats Indpendants avait enregistr une croissance significative par rapport aux deux annes prcdentes 575 . Les principaux pays destinataires sont rests les mmes que dans les annes prcdentes : la Fdration Russe, la Roumanie, le Kazakhstan, lUkraine et la Bulgarie 576 . Le besoin dinvestissements directs trangers est une caractristique commune pour tous les pays post-communistes (considres comme des conomies en transition) o le besoin de capital et dinvestissements ne peut pas tre satisfait par les possibilits conomiques et financires spcifiques de ces pays 577 . HOLMES (1997), dans son analyse des principales composantes des conomies post-communistes, inclut les programmes dinvestissements trangers parmi les principales mthodes utilises par les gouvernements des Etats respectifs, en vue de la privatisation de lconomie (un des traits et des buts majeurs des conomies post- communistes). LAgence Roumaine pour Investissements trangers (Institution du Gouvernement roumain pour les IDE) considrait la politique quelle dveloppait pour attirer des IDE, avant lintgration lUnion Europenne, comme un processus qui pouvait suppler le besoin interne de capital, comme une source dacquisition de nouvelles technologies, de
572 Nathalie FABRY, Sylvain ZEGHNI, Attractiveness and Inward-Foreign Direct Investment Pattern in The Candidate Countries dans Maria BRSAN, Tiiu PAAS, (eds.) Competitiveness of National Economies and the Efficient Integration into the European Union, EFES, Cluj-Napoca, 2003, p. 139. 573 Leslie HOLMES, Postcomunismul, Iai, Institutul European, 2004, pp. 338-341. Les rsultats de ltude de Voicu BOSCAIU et Anda MAZILU ( Evaluarea impactului investiiilor strine directe asupra industriei prelucrtoare , www.cerope.ro/pub/study41ro.htm, consult le 2 novembre 2005) montrent la croissance de lintensit de lexportation dans lindustrie manufacturire roumaine suite la prsence des IDE dans ce secteur. Aussi, Gbor HUNYA ( FDI Led Economic Growth in Romania? dans M. BIRSAN, T. PAAS, (eds.) op. cit., pp. 174-175) a montr quune prsence significative des IDE dans un certain secteur attire une croissance de la performance lexportation de celui-ci. 574 E.-I. ANGHEL, Investiiile strine directe, modernizarea i nzestrarea cu factori, vol. 19, Bucureti, Centrul de Informare i Documentare Economic, 2002, p. 7. 575 UNITED NATIONS CONFERENCE ON TRADE AND DEVELOPMENT, World Investment Report. Transnational Corporations, Extractive Industries and Development , United Nations, New York and Geneva, 2007, http://www.unctad.org/en/docs/wir2007_en.pdf, consult le 07 avril 2008, p. xix. 576 Ibidem, p. 61. 577 Ioan DENUA, Investiiile strine directe, Ed. Economic, Bucureti, 1998, p. 89.
155 savoir-faire, dun management moderne et un aspect considr comme important comme un vecteur de changement des mentalits et des comportements sociaux 578 . Les raisons /facteurs qui dterminent linvestissement ltranger constituent un sujet qui a une longue histoire et qui prsente encore un grand intrt. Ainsi, au cours du temps, a t dvelopp un grand nombre de thories de linvestissement direct tranger telles que : la thorie classique, la thorie de lavantage monopolistique /oligopolistique, la thorie du cycle de vie du produit, la thorie de la rduction du risque, la thorie du potentiel du march, la thorie du comportement organisationnel, la thorie de la prfrence pour une certaine devise 579 , etc. Les facteurs dterminants linvestissement ltranger tant diffrents en fonction de lapproche thorique (voir le tableau 3).
Tableau 3 : Des facteurs dterminants pour linvestissement ltranger des EMN 580
La thorie classique les diffrences entre les taux dintrt ; La thorie de lavantage monopolistique /oligopolistique un facteur qui permettra lEMN dobtenir/dvelopper un avantage monopolistique/oligopolistique sur le march tranger : o les imperfections du march ; o lentreprise a un capital intangible (des diffrents types de comptences) ; o lobtention dconomies dchelle ; o lobtention du contrle sur le march tranger ; o la prvention de la comptition ; La thorie du cycle de vie du produit linvestissement ltranger est une partie naturelle du cycle de vie des produits et des processus dune EMN La thorie de la rduction du risque la rduction du risque gnral concernant les revenus et, par consquent, la maximisation de la valeur de lentreprise La thorie du potentiel du march le haut potentiel du march tranger La thorie du comportement organisationnel o lorientation internationale des cadres dirigeants ; o laccomplissement des buts de croissance de lentreprise en vue de la prservation de sa valeur de march et des opportunits de financement ; La thorie de la prfrence pour une certaine devise la scurit confre par les devises fortes et stables ;
La littrature sur linternationalisation des activits nest pas intresse seulement par les facteurs qui poussent une EMN sinternationaliser, mais aussi par linternationalisation
578 ROMANIAN AGENCY FOR FOREIGN INVESTMENTS, The Legal and Institutional Framework Regarding Foreign Investment , Romanian Business Digest, 2004, www.tipograph-21.ro/RBD/Articles. 579 R. AGGARWAL op. cit., pp. 105-109. 580 Ibidem, p. 106 et D.-R. BEEMAN, op. cit., pp. 85-89.
156 des PME. La littrature sur linternationalisation des PME est croissante, mais elle en est encore ses dbuts 581 . Linternationalisation des PME est traite, en gnral, dans la littrature, en suivant lopposition entre lapproche traditionnelle (le modle Uppsala ou linternationalisation par tapes, applicable aussi au cas des EMN) et lapproche base sur les rseaux (network approach). Lapproche traditionnelle suppose quune entreprise internationalise son activit en parcourant les tapes suivantes : 1) exportation directe, 2) exportation indirecte (par lintermdiaire des reprsentants indpendants), 3) le dveloppement des filiales commerciales ltranger, 4) ltablissement des units de production ltranger. Lhypothse de base de ce modle est que chaque tape dinternationalisation est un pralable lautre. Ltape courante dinternationalisation dune entreprise est donc un facteur important de comprhension de sa future internationalisation. Mais, lapproche traditionnelle de linternationalisation a t mise en question par la ralit laquelle sont confrontes les entreprises. Car, par exemple, un surplus de ressources pourrait placer lentreprise dans une tape plus avance de linternationalisation ou les conditions stables et homognes du march pourraient lui permettre lobtention des connaissances prcieuses autrement que par lexprience internationale 582 . Il y a aussi des cas o on demande plutt une combinaison de formes dactivits internationales quune forme spcifique une certaine tape 583 . De mme, il ne faut pas oublier le cas des entreprises nes globales , qui ne passent pas par les tapes dinternationalisation proposes par le modle traditionnel, car elles adoptent une vision globale ds leur cration. Il y a ainsi des entreprises qui dveloppent leurs activits en ciblant soit un march mondial par sa nature, soit une niche qui a un potentiel trs limit sur le march national 584 . Lapproche base sur des rseaux met en vidence limportance des relations, formelles ou informelles, pour le processus dinternationalisation des PME. LEnqute Entreprise 2003, ralise par European Network for SME Research (ENRS) auprs des PME de lUnion Europenne, indiquait que les PME internationalises collaboraient plus
581 Annika LAINE, Sren KOCK, A Process Model of Internationalization New Times Demands New Patterns , p. 1, http://zSzzSzwww.impgroup.orgzSzuploadszSzpaperszSz83.pdf/a-process-model-of.pdf/, consult le 26 novembre 2006. 582 Ibidem, pp. 2-3. 583 COMMISSION EUROPEENNE. DG ENTREPRISES, Linternationalisation des PME , Observatoire des PME europennes, 2003, n4, p. 28, consult le 26 novembre, 2006, http://ec.europa.eu/enterprise/enterprise_policy/analysis/doc/smes_observatory_2003_report4_fr.pdf. 584 Ibidem, p. 27.
157 souvent que les autres PME, quil sagisse dune coopration formelle ou informelle 585 et que la collaboration internationale avait un impact plus important sur la comptitivit des PME que les ventes ltranger 586 . Une des formes dinternationalisation des PME est leur participation en tant que membres de rseaux informels mondialiss ou des rseaux lectroniques. De plus, les PME peuvent sinternationaliser par leur participation comme partenaires dans des alliances stratgiques internationales ou dans des fusions et acquisitions internationales (dans les dernires formes dinternationalisation mentionnes, les PME peuvent tre non seulement des partenaires, mais aussi des cibles) 587 . Pourtant, lexportation, qui est la forme traditionnelle dinternationalisation des PME, reste encore une des principales formes de prsence des PME sur les marchs trangers. Les PME ont dvelopp aussi dautres formes dinternationalisation, plus complexes que lexportation, telles que les partenariats trangers, les investissements trangers, les rseaux transfrontaliers 588 etc.
2.1.2. Des repres gnraux sur les IDE italiens en Roumanie
Lorsque les PME internationalisent leur activit sous la forme dIDE, le dterminant est plus le faible cot de la main-duvre que lintgration lconomie mondiale par une chane de production internationale 589 . Les IDE italiens en Roumanie en sont une illustration. Ils sont concentrs principalement dans des industries intensives en main doeuvre, telles que lindustrie du textile et de la confection et lItalie, comme lAllemagne, est le principal bnficiaire de la production de type TPP (trafic de perfectionnement passif). la diffrence des investisseurs hollandais, franais, ou amricains, qui sont pratiqus particulirement par les grandes entreprises, les investisseurs italiens sont le fait de PME 590 . Les statistiques pour
585 Ibidem, p. 23. 586 Ibidem, p. 51. 587 K. SAKAI, cit dans OCDE, 2 eme Confrence de lOCDE des ministres en charge des petites et moyennes entreprises (PME) : Promouvoir lentreprenariat et les PME innovantes dans une conomie mondiale : vers une mondialisation plus responsable et mieux partage, Istanbul, Turquie 3-5 juin 2004, Faciliter laccs des PME aux marchs internationaux , p. 12, http://www.oecd.org/dataoecd/4/15/31946178.pdf, consult le 26 novembre 2006. 588 Ibidem, p. 9. 589 P. CONSO, op. cit., p. 73. 590 Fabien SAUNIER, Investissements Directs Etrangers en Roumanie , Ambassade de France en Roumanie, Mission Economique, p. 2, http://www.missioneco.org/economie/, 25 aot 2004, consult le 20 octobre 2005
158 lanne 2003 indiquaient lItalie comme le principal investisseur PME en Roumanie 591 . Le 31 dcembre 2007, les statistiques de lOffice National du Registre du Commerce de Roumanie indiquaient lenregistrement dun nombre provisoire de 24 477 entreprises italiennes 592 . Lactivit de type TPP et linvestissement en PME sont des caractristiques galement repres pour les investisseurs allemands 593 , mais dans une moindre mesure que pour les investisseurs italiens. Les investissements italiens sont concentrs, principalement, dans les dpartements du Nord-Ouest de la Roumanie et, particulirement, dans le dpartement de Timi o, un vrai district industriel a t mis en place 594 . Les districts industriels sont spcifiques lconomie italienne. Ce sont [] des systmes de production gographiquement dfinis, caractriss par un grand nombre de PME qui sont impliques dans des tapes diffrentes du processus de production dans une certaine industrie 595 . Le Groupe dEconomie Applique (Grupul de Economie Aplicat) de Roumanie mentionnait, dans une revue des tudes les plus importantes sur les clusters de Roumanie, lexistence dune recherche dont le principal rsultat indiquait que, dans le cas de la Roumanie, on ne pouvait pas parler de districts industriels mais plutt de proto districts industriels, dans les industries du textile, du bois et de la poterie 596 . Les districts industriels supposent lexistence de relations tant formelles quinformelles entre leurs membres constitutifs. Les investisseurs italiens sont prsents en Roumanie aussi par des partenariats commerciaux. Une tendance plus rcente tant lentre dun grand nombre de banques et dinstituts de crdit (la Banque Italo-roumaine, proprit du groupe Veneto Banca, Banca di Roma, Unicredit Roumanie, San Paolo IMI Roumanie, Daewoo Bank, ...) 597 . La mme situation peut tre rencontre dans le cas des investisseurs allemands en Roumanie o, ct
591 Agenia Naional pentru ntreprinderi Mici i Mijlocii, Raport anual. Investiii strine directe n IMM, http://mimmc.ro/raport_anual/macroeconomia/raport_anual_investitiistraine, consult le 24 mars 2008. 592 Minsterul Justiiei; Oficiul Naional al Registrului Comerului, Societi Comerciale cu Participare Strin la Capital. Sinteza statistic a datelor din registrul central al comerului la 31 decembrie 2007 date provizorii, no. 116, p. 4, http://www.onrc.ro/statistici/is_decembrie_2007.pdf, consult le 24 mars 2008. 593 F. SAUNIER, loc. cit. 594 AMBASADA ITALIEI LA BUCURESTI, BIROUL ECONOMICO-COMERCIAL, loc. cit. 595 Suzanne BERGER, Richard M. LOCKE, Il Caso Italiano and Globalization , MIT IPC Globalization Working Paper 00-008, 2000, p. 2, http://ipc-lis.mit.edu/globalization/globalization%2000-008.pdf, consult le 16 mai 2006. En original : []geographically defined production systems characterized by a large number of small and medium-sized firms that are involved in various stages of the production process in a particular industry. 596 Drago PSLARU, (Grupul de Economie Aplicat Le Groupe dEconomie Applique), Ctre o politic industrial bazat pe aglomerri economice competitive clustere (II). Indentificarea clusterelor emergente n Romnia , p.3, http://www.gea.org.ro/documente/ro/clustere/identificareclusteredragospislaru.pdf, consult le 16 mai 2006. 597 AMBASADA ITALIEI LA BUCURESTI, BIROUL ECONOMICO-COMERCIAL, loc. cit.
159 des PME, il y a aussi des investissements des grandes entreprises (Heidelberg, Siemens, Ruhrgaz, Metro, Selgros etc.) 598 . Dans les statistiques de lOffice National du Registre du Commerce (Roumanie) relatives la classification des entreprises avec participation trangre, en fonction du pays dorigine, on peut identifier, la fin de lanne 2007, dans lordre du montant du capital souscrit : la Hollande, lAutriche, lAllemagne, la France, lItalie, le Chypre, les tats-Unis, la Grande Bretagne, la Grce et les Antilles hollandaises 599 (le top des premires 10 pays). Mais, en gnral, le Registre du Commerce Roumain prend en considration seulement le capital initial souscrit tout en excluant les investissements financs par emprunt bancaire ou profits rinvestis (sauf sils sont capitaliss), il est donc possible quil y ait une sous- estimation du stock des IDE en Roumanie 600 .
Tableau 4 : Des repres gnraux sur les IDE italiens en Roumanie o le plus grand nombre dentreprises implantes en Roumanie (24 477 entreprises, la date de 31 dcembre 2007) o linvestisseur principal en PME en Roumanie ; o la cration denviron 500 000 emplois ; o linvestissement dans des industries intensives en travail et faible valeur ajoute : textile, cuir, bois ; o un des principaux bnficiaires de la production de type TPP (trafic de perfectionnement passif) dans le secteur du textile ; o la concentration dans les dpartements du Nord-Ouest de la Roumanie ;
2.1.3. Facteurs dattractivit et obstacles pour les IDE en Roumanie
Un intrt relativement rcent est port aux facteurs dvelopps par les pays de lEurope Centrale et de lEst afin dattirer des IDE. Parmi les raisons et les facteurs dattractivit principaux qui dterminent les investisseurs trangers choisir les pays de lEurope Centrale et de lEst on peut mentionner lemplacement, les avantages de proprit et dinternalisation, les avantages comptitifs ou lexistence de facteurs orients sur la demande (la dimension et la croissance du march, laccs sur des marchs locaux et rgionaux, les
598 F. SAUNIER, loc. cit., p. 2. 599 Minsterul Justiiei; Oficiul Naional al Registrului Comerului, Societi Comerciale cu Participare Strin la Capital. Sinteza statistic a datelor din registrul central al comerului la 31 decembrie 2007, p. 8. 600 F. SAUNIER, loc. cit., 05 octobre 2004.
160 besoins et les prfrences spcifiques des consommateurs etc.) et/ou des facteurs orients sur loffre (le niveau de la comptition sur le march local, les matires premires et la disponibilit des ressources, la qualification, les habilits, lexprience et la productivit de la main duvre, le march du travail local etc. 601 ) etc. RICHET (2007) mentionne aussi le niveau de dveloppement conomique, lmergence des nouveaux besoins de consommation la suite de la fin du rgime communiste, le systme national dinnovation qui a permis le dveloppement, des standards assez levs, de lenvironnement scientifique et technique, une qualification de la main duvre proche de celle des pays de lUE, le diffrentiel de cot du travail, la mthode de privatisation des entreprises dans certains pays post socialistes, leffet de proximit 602 . ceux-ci sajoutent dautres facteurs, tels que : lintgration verticale, la possibilit de surmonter les barrires aux exportations et aux importations, des raisons stratgiques, des diffrents incitations politiques 603 . En Roumanie, de 1990 janvier 2007, date de lintgration lUE, le volume dIDE a considrablement augment. Si les obstacles aux IDE ont t partiellement abolis, les principaux facteurs dattractivit sont rests, en gnral, les mmes : les faibles cots de production, la main duvre bon march et hautement qualifie et, jusquau 1 er janvier 2007, la perspective de lintgration de la Roumanie lUnion Europenne. On peut donc parler plutt dune attractivit passive quactive 604 . Ce type dattractivit peut tre avantageux moyen terme, mais il nest peu compatible avec lintgration lUnion Europenne et avec la convergence rgionale qui devraient crer des conditions pour un dveloppement durable. 605
601 N. FABRY, S. ZEGHNI, op. cit., p. 143. 602 Xavier RICHET, Dlocalisations de proximit et intgration rgionale : les stratgies des grands groupes industriels dans lEurope largie , 1re version, mai 2007, p. 5, p. 6, http://www.ps2d.com/site/PDF/colloque_2007/parallele%201/xavier_richet.pdf, consult le 14 mars 2008. 603 Xavier RICHET, Nouvelles conomies de march et stratgies des firmes multinationales, Rgion et Dveloppement, n 16, 2002, p. 232, http://www.regionetdeveloppement.u- 3mrs.fr/pdf/R16/R16_ND_Richet.pdf, consult le 12 mars 2008. 604 N. FABRY, S. ZEGHNI, op. cit., p. 149. 605 Ibidem, p. 145.
161 Tableau 5 : Facteurs gnraux dattractivit et obstacles gnraux pour les investisseurs trangers en Roumanie (1991-1 janvier 2007) Facteurs dattractivit Obstacles o les bas salaires o les faibles cots production o la qualification et la productivit de la main duvre o lintgration lUnion Europenne o la dimension du march o laccs dautres marchs par sa position commerciale stratgique o la richesse en ressources naturelles o le potentiel industriel significatif o le taux unique de limpt sur le profit (16%). o linstabilit lgislative o la restructuration conomique lente o le niveau insatisfaisant des infrastructures o linstabilit politique o le manque de culture managriale o lthique daffaires o la bureaucratie o la corruption o La lgislation o la qualit douteuse des informations sur ltat conomique de la Roumanie o le climat des affaires o la fluctuation du cours de change o ladoption des normes de lUE o la croissance des salaires dans la perspective de lintgration lUE ;
LAgence Roumaine pour Investissements trangers prsente les suivants facteurs dattractivit pour les IDE en Roumanie : la dimension du march ; la possibilit davoir accs dautres marchs par sa position commerciale stratgique ; la richesse en ressources naturelles ; le potentiel industriel significatif ; la main-duvre qualifie et avec des comptences dans le domaine des langues trangres ; le taux unique de limpt sur le profit qui a t rduit de 25% 16% ; aprs janvier 2007, lintgration de la Roumanie lUnion Europenne qui offre la possibilit daccs au March Unique Europen et qui apporte la Roumanie des financements post-adhsion qui permettront lamlioration de linfrastructure 606 , etc. Parmi les principaux obstacles pour les IDE en Roumanie, au cours du temps, on peut identifier : le cadre lgislatif, la restructuration conomique lente, le niveau insatisfaisant de linfrastructure, linstabilit politique, le manque de culture managriale, lthique des affaires 607 , la bureaucratie, la corruption, la lgislation, la qualit douteuse des informations concernant ltat conomique de la Roumanie 608 , le climat des affaires 609 , etc. Le Baromtre
606 KPMG Romania SRL, Investment in Romania , 2007, http://arisinvest.ro/level1.asp?id=283&LID=1, consult le 20 mars 2008. 607 Maria BRSAN, Foreign Direct Investment in Romania , Caietele Tranziiei, Institutul de Antroplogie Cultural, Facultatea de Studii Europene, Universitatea Babe-Bolyai, Cluj-Napoca, 2000, p. 44. 608 I. DENUA, op. cit., pp. 159-163. 609 F. BONCIU, loc. cit.
162 des Investisseurs trangers 610 indiquait, en mai 2005, comme facteurs ngatifs, moyen terme, pour lactivit des entreprises avec capital tranger implantes en Roumanie : la fluctuation du cours d change (26%), linstabilit lgislative (20%), la corruption (16%), la bureaucratie (14%), ladoption des normes de lUE pour le domaine de lentreprise (10%) et la croissance des salaires dans la perspective de lintgration lUE (6%), 2% de ceux questionns indiquant un autre facteur. Les donnes statistiques de janvier 2008 indiquaient, par rapport la mme priode de l'anne prcdente, une croissance de 67,4% des flux dIDE en Roumanie, encore attractive pour les IDE dans la rgion de lEurope de Sud-est 611 .
2.2. Analyse territoriale de notre recherche applique 612
Les trois PME tudies ont leur sige social dans la mme localit. Cette localit est situe dans le Sud-ouest du dpartement de Maramure qui fait partie de la rgion Transylvanie, dans le Nord-Ouest de la Roumanie. Comme nous lavons mentionn dans la section prcdente, la rgion du Nord-Ouest de la Roumanie est prfre par les investisseurs italiens. La localit o se trouvent les PME tudies est traverse par la route europenne E 58 qui fait la liaison entre les villes de Cluj-Napoca (une de plus grandes villes de la rgion de Transylvanie et le chef-lieu du dpartement de Cluj) et Baia Mare (le chef-lieu du dpartement de Maramure) ; de plus, elle est situe au carrefour de plusieurs routes dpartementales. La localit est situe une distance de 8 km par rapport au chemin de fer Baia Mare-Dej-Bucureti, plus prcisment par rapport la gare de Satulung ; elle se trouve
610 FUNDATIA PENTRU O SOCIETATE DESCHISA, THE GALLUP ORGANIZATION, Barometrul de Opinie Public, Romnia, mai 2005, p. 15, p. 16, http://www.gallup.ro/romana/poll_ro/releases_ro/pr050530_ro/pr050530_ro.htm, consult le 19 septembre 2005 611 http://arisinvest.ro/news_detail.asp?ID=548&LID=2, (la page web de LAgence Roumaine pour Investissements trangers), consult le 23 mars 2008. 612 Pour les informations gnrales concernant la localit o se trouvent les trois PME tudies, nous avons utilis lobservation personnelle et trois monographies ralises sur la rgion o se trouve la localit respective. Mme si ces monographies ne respectent pas tous les standards acadmiques dcriture, elles nous ont fournis des informations trs utiles. Les 3 monographies consultes sont : Diana Cristina LUPAN, Monografia Comunei, judeul Maramure, mmoire de diplme, Facultatea de Geografie, Universitatea Babe-Bolyai , Cluj-Napoca, 2004 ; Simion CIURTEA, Monografia comunei din punct de vedere istoric, 1986 ; Valeria NAGY, ara Chioarului studiu de geografie turistic (Le pays de Chioar tude de gographie touristique ; notre traduction du titre), 1992. Toutes les trois monographies sont indites, nous les avons consultes grce lamabilit de leurs auteurs.
163 une distance de 25 km par rapport Baia Mare, 60 km par rapport Dej et 120 km par rapport Cluj-Napoca. La situation proche de Baia Mare permet aux habitants de la localit de faire la navette pour y travailler. Mais labsence de gare dans cette localit alourdit le dplacement Baia Mare et peu dentreprises de Baia Mare mettent la disposition des employs de cette localit des moyens de transport, le dplacement se faisant alors le plus souvent par auto-stop. On prfre donc, assez souvent, travailler au sein des entreprises locales, mme si celles-ci offrent parfois des conditions de travail moins satisfaisantes que les entreprises de Baia Mare. Depuis longtemps, la petite ville joue un rle important dans la rgion. Ainsi, aprs la Deuxime Guerre Mondiale, la localit est devenue, successivement, rsidence darrondissement (ancienne subdivision administrative dun dpartement en Roumanie), rsidence de district. A prsent elle est une ville qui comprend 8 localits (ex-villages lorsque la localit avait le statut de commune) et 3 hameaux. Du point de vue dmographique, il y a une faible croissance ; ainsi, en 1992 on comptait 8 482 habitants et en 2003 8 100 habitants, y compris les habitants des villages mentionns ci-dessus. De plus, la petite ville se confronte un phnomne de migration de la population dans un double sens : vers lintrieur la migration de la population des ex-villages, actuels quartiers, vers cette localit ; et vers lextrieur surtout dans la ville Baia Mare, pour des raisons conomiques et sociales. Aprs 1990, on a enregistr un accroissement du phnomne dmigration cause de la diminution de loffre de travail, la population jeune migrant, dfinitivement ou temporairement, vers dautres rgions du pays ou ltranger. La structure de la population par ge indiquait, en 2003, lexistence de 2 442 habitants (du nombre total de 8100) de moins de 18 ans (30,14%) ; 4 778 des habitants gs entre 18 et 62 ans (59,11%) et 870 des habitants de plus de 62 ans (10,74%). La plus grande majorit de la population, ge entre 18 et 55 ans, a termin un lyce ou une cole de mtiers. La proportion des analphabtes se situe sous 1%. 17% de la population a suivi des tudes suprieures, et est employe dans ladministration, lenseignement public, la sant, lconomie et la justice. Mme si dans les ex-villages membres de la petite ville lactivit dominante est lagriculture, une grande partie des agriculteurs ont termin lcole de mtiers ou la filire technologique du lyce de cette localit, et ont obtenu des diplmes de mcaniciens agricoles. Sur lensemble de la petite ville on enregistrait, en 2003, 186 socits commerciales et 454 associations familiales et personnes physiques autorises (une de plus grandes densits
164 dentreprises par habitant au niveau de la Roumanie), prsent, 3 units bancaires dveloppant leurs activits dans cette localit. La petite ville prsente donc un assez grand potentiel dattractivit pour les investisseurs de fait de la prsence dune force de travail duque et qualifie et de matires premires.
Tableau 6 : Repres dans le dveloppement conomique dune petite ville de Maramure
Avant la Premire Guerre Mondiale (1849-1918) o rle principal de lagriculture dans lactivit conomique de la rgion ; o lorganisation des foires pour des produits agricoles ; o 3 agences bancaires ; o rle croissant de la petite industrie dans lactivit conomique de la rgion ; o des entreprises dans la petite industrie : une fabrique de bois sci, deux moulins et des ateliers artisanaux ; Entre les deux Guerres Mondiales o rle principal de lagriculture dans lactivit conomique de la rgion ; o rle croissant de lindustrie dans lactivit conomique de la rgion ; o la cration des moulins avec des presses pour huile ; o la cration dune entreprise dans lindustrie du bois, dune unit textile, dune entreprise dans le domaine de lusinage de cuirs et dune centrale lectrique ; Pendant le rgime communiste o rle important de lagriculture dans lactivit conomique de la rgion ; o la cration des Coopratives Agricoles de Production (C. A. P.) dans les villages, lexception des deux villages ; o la cration dune Entreprise Agricole dtat (I. A. S.) profil arboricole et dune S. M.A. (Station pour la Mcanisation de lAgriculture) ; o rle principal de lindustrie dans lactivit conomique de la rgion ; o la cration de la Section des Confections, du Centre pour des lgumes et des fruits et de la Cooprative Viitorul ( Le Futur ) ayant des activits dans les domaines suivants : constructions, usinage du textile, du cuir et du bois, prestation des services, en comprenant aussi des moulins lectriques et 23 units commerciales ; Aprs 1989 (pendant le post socialisme) o rle principal de lagriculture dans lactivit conomique de la rgion ; o diminution de la production agricole et de la quantit des produits agricoles destins la commercialisation ; o la pratique grande chelle de lagriculture de subsistance ; o rle important de lindustrie dans lactivit conomique de la rgion ; o spcificit de lindustrie : lorientation vers lusinage des ressources naturelles existantes dans la rgion ; o 6 entreprises prives dans le domaine de la production des confections et des textiles (qui ont cr plus de 300 emplois); o 4 moulins ( crales) dans la rgion analyse ; o 4 entreprises prives dans le domaine de la panification et des produits de ptisserie ; et des presses pour huile ; o plusieurs associations familiales dans le domaine de la distillation de lalcool et de son embouteillage ; o 2 entreprises prives dans le domaine du dbit et du faonnage du bois et 8 entreprises prives, capital social dorigine roumaine ou trangre, dans le domaine de lusinage du bois dans le but dobtention des produits finis ; o 3 entreprises dans le domaine de lusinage du marbre et des matires mtalliques ; o des entreprises dans le secteur commercial et des services ;
165 2.3. Analyse sectorielle de notre recherche
Les trois entreprises tudies sont des PME avec participation, intgrale ou partielle, dorigine italienne au capital. Elles dveloppent des activits de production dans lindustrie du textile et de la confection et dans lindustrie du bois, qui sont, comme nous lavons prcis dans la section examinant les IDE en Roumanie, des domaines dinvestissement prfrs des investisseurs italiens. Deux de trois entreprises enqutes sont actives dans lindustrie du textile et de la confection, en produisant en systme TPP (trafic de perfectionnement passif), une caractristique aussi des investissements italiens en Roumanie. Nous allons faire, avant de prsenter les tudes de cas ralises, une description gnrale de la situation de lindustrie du textile et de la confection et de lindustrie du bois en Roumanie, pour inscrire les rsultats de nos tudes dans une sphre plus large dinterprtation. Ces industries sont affectes par la rcente intgration de la Roumanie lUnion Europenne, car elles sont des industries intensives en travail, avec une position basse dans la chane de valeur, leur fonctionnement tant ngativement influenc par la potentielle perte de lavantage du cot la suite de lintgration.
2.3.1. Lindustrie roumaine du textile et de la confection
Dans le secteur du textile et de la confection, les relations commerciales Roumanie- Italie datent de la priode communiste, lItalie tant un des principaux pays o la Roumanie exportait ses textiles /confections. Bien dveloppe pendant le communisme, quand elle jouait un rle extrmement important dans lconomie roumaine par sa participation lexportation afin que les dettes externes de la Roumanie soient payes (la concentration de la Roumanie sur des exportations afin de payer ses dettes externes a commenc ds les annes 1980 613 ), lindustrie du textile et de la confection a souffert un choc aprs la fin du rgime communiste, quand les grosses entreprises dtat ont du rduire leur personnel ou mme arrter leur activit. Une des solutions qui permettait la survie de ces entreprises a t, depuis 1990, la production en systme lohn ou TPP (trafic de perfectionnement passif). Quelques-unes des entreprises ont
613 Camelia HANDOLESCU, Comunitatea Europeana considera Romania un furnizor ieftin si convenabil de confectii de calitate , Dialog textil, fvrier 2001, p. 13, http://www.dialogtextil.ro/, consult le 18 septembre 2006.
166 gard les relations daffaires, dveloppes pendant le rgime communiste, avec les clients traditionnels de lOuest, en continuant de produire pour ceux-ci en systme TPP. Le trafic de perfectionnement passif (TPP) est un mcanisme dinvestissement et de commerce tabli entre lUnion Europenne et les pays est-europens. Il est bas, principalement, sur lexportation de matriel brut ou daccessoires dhabillement semi manufacturs de lUnion Europenne dans lEurope de lEst o ceux-ci sont traits. Le client fournit tous les matriels au producteur qui fournit seulement la main duvre et le lieu de travail. Ensuite, les produits finis sont rimports par le client, qui paye des taxes seulement sur la valeur ajoute ltranger. Le design, lacquisition et le marketing se ralisent dans le pays o le producteur /le dtaillant (ce systme est utilis tant par des producteurs que par des dtaillants, mais le plus souvent par des producteurs) a son sige, tandis que les oprations intensives en travail (couper, coudre, emballer, etc.) sont transfres dans un pays o il y a des producteurs en systme lohn 614 . Les dnominations pour ce mcanisme dinvestissement et de commerce sont multiples : TPP (trafic de perfectionnement passif), production dassemblage, production partage (production sharing), couper-faire-faonner (cut-make-trim ou CMT), production de type couper-faire (cut-make ou CM production), Lohnsystem (du mot allemand lohn qui signifie salaires 615 cest la dnomination la plus utilise en Roumanie) ou Ishleme (terme dorigine turque pour broder /broderie) 616 . Les exportations de textiles et de confections sur les marchs occidentaux ont continu aprs la Rvolution de 1989, qui marquait la fin du rgime communiste. En fait, la Roumanie sest transforme en ce que lon appelle, dune manire en quelque sorte pjorative, la machine coudre de lEurope 617 . Car, mme si la Roumanie a une tradition de longue date dans le domaine du textile et de la confection (au XIX e sicle il y avait une industrie textile pour la laine, au dbut du XX e sicle lindustrie cotonnire sest dveloppe et la fin des annes 1940 lindustrie de la confection), prsent, la plus grande majorit de la production se dveloppe en systme lohn 618 .
614 Regina BARENDT, Bettina MUSIOLEK (coordination), Workers Voices. The situation of women in the Eastern European and Turkish garment industries , 2005, http://www.cleanclothes.org/ftp/05- workers_voices.pdf, p.6, consult le 22 septembre 2006. 615 Ibidem. 616 Bettina MUSIOLEK (and others), Made in... Eastern Europe. The new fashion colonies , Berlin, 2004, http://www.cleanclothes.org/ftp/Made%20in%20Eastern%20Europe.pdf, consult le 22 septembre 2006, p. 14. 617 Andrei PENA, Industrie, 16 ani, caut ncredere de sine , Dialog textil, dcembre 2005, p. 5, http://www.dialogtextil.ro/, consult le 18 septembre 2006. 618 , Romania - factory visits , http://www.cleanclothes.org/publications/easteuroma.htm, consult le 11 mai 2006.
167 ct de la Pologne, la Roumanie est le principal pays TPP de lEurope de lEst dont les principaux bnficiaires sont lAllemagne et lItalie. Il y a plusieurs raisons qui ont fait du systme de production de type lohn une option attractive pour les producteurs roumains dans lindustrie du textile et de la confection : 1) lindustrie du textile et de la confection, qui tait un secteur conomique stratgique pour la Roumanie communiste, a perdu la scurit des commandes de la part des clients ltranger qui, pendant le rgime communiste, taient assures par un organisme spcialement cre dans lintrieur du Ministre du textile (COMFEX); 2) initialement, les managers roumains ont vu dans le systme de production de type lohn une bonne solution court terme, car les entreprises quils /elles dirigeaient navaient pas de ressource financire pour acheter des matriels. Le systme de production de type TPP leur assurait, rapidement et sans trop de risques, des disponibilits 619 ; 3) aprs la Rvolution de 1989, le march roumain du textile et de lhabillement a t envahi par des produits doccasion et, ds les annes 1993-1994, par des produits chinois dont les prix plus rduits rpondaient dans une plus grande mesure aux demandes des consommateurs roumains dont les revenus rels avaient t diminus 620 ; 4) la production en systme lohn est considre comme une tape de transition ncessaire pour lindustrie de la confection. Les producteurs roumains obtiennent de lexprience et ont lopportunit damliorer le processus de production, la qualit des produits, le respect des termes de livraison et la spcialisation du personnel 621 . prsent, il y a mille dentreprises, dans leur grande majorit des PME, qui produisent en systme lohn. Un cas souvent rencontr parmi les PME est celui de la production pour dautres entreprises Roumaines qui produisent elles aussi en systme lohn (sous-traitant), mais dont la capacit de production est dpasse par le volume de la commande. En gnral, les PME sont spcialises dans la production pour des commandes de petites dimensions. Dans les conditions o elles nont pas le pouvoir financier pour faire un processus complet de production et les consommateurs roumains ont un pouvoir dachat en gnral rduit, prfrant lhabillement moins cher (par exemple, dans les annes 1993-1994, une chemise produite en Roumanie cotait 6 000-7 000 ROL, tandis quune chemise dorigine
619 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 41. 620 Camelia HANDOLESCU, loc. cit. 621 Maria PARCALABESCU, Despre industria textila romaneasca , Dialog textil, novembre 2001, http://www.dialogtextil.ro, consult le 18 septembre 2006.
168 chinoise cotait 2 000 ROL 622 ), les entreprises de lindustrie du textile et de la confection (les PME en spcial) ont un haut degr de dpendance par rapport aux entreprises de lUnion Europenne. Ce degr de dpendance est accru par le fait que lindustrie du textile et de la confection est extrmement importante pour la Roumanie dans la perspective du commerce et de lemploi de la main duvre. Ainsi, dans la priode allant de dcembre 1990 novembre 2006, 20 785 entreprises avec activit dans le domaine de la confection de lhabillement (dont 14 486 S.A.R.L.), ont t enregistres lOffice National du Registre du Commerce 623 . En outre, les fournisseurs TPP se trouvent sous la pression dune livraison rapide, des marges rduites de profit, des termes de paiement serrs ( cause du manque du capital), pressions qui se transforment en pressions sur les ouvriers et affectant profondment (dans un sens ngatif) leurs conditions de travail 624 . Il y a plusieurs raisons qui rendent la Roumanie (et lEurope de lEst en gnral) attractive pour les producteurs /dtaillants de lindustrie du textile et de la confection : la tradition dans la production du textile, la main duvre qualifie et bon march, linfrastructure existante, la capacit productive suffisante, la proximit gographique de lUnion Europenne qui permet une livraison rapide (par exemple, en un seul jour, un long vhicule peut faire un AR entre la Roumanie et lItalie), des taux de change favorables pour les investisseurs qui emploient les euros et les dollars amricains (une exception a t lanne 2005, quand la monnaie nationale, leu, sest apprcie), le rgime commercial de lUnion Europenne qui favorise le systme TPP dans les pays de lEurope de lEst 625 . En outre, lindustrie du textile nest pas une grande consommatrice dnergie, elle ne ncessite pas de grands investissements et 99,5% des entreprises font partie du secteur priv 626 . Une autre raison dattractivit pour la dlocalisation de certains processus de production en Europe de lEst et Turquie, mme si moins prise en considration dans la littrature, est le manque de respect pour et la faible amlioration des standards de travail 627 .
622 ***, Lohn-ul este inca o solutie pentru Romania , Dialog textil, janvier 2003, p. 6, http://www.dialogtextil.ro, consult le 18 septembre 2006. 623 OFICIUL NATIONAL AL REGISTRULUI COMERTULUI, Operaiuni n Registrul Central al Comerului. Sinteza statistic a datelor din Registrul Central al Comerului la 30 noiembrie 2006 date provizorii , no. 180, p. 11, tableau no. 6, http://www.onrc.ro/statistici/sr_2006_11.pdf, consult le 23 janvier 2006. 624 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 6. 625 Ibidem, p. 5. 626 Maria GRAPINI, Despre industria textila romaneasca. Managementul de calitate - conditia nr. 1 a succesului in afaceri, Dialog textil, juillet-aot 2001, p. 1, http://www.dialogtextil.ro, consult le 18 septembre 2006. 627 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 5.
169 Ainsi, des recherches effectues par Clean Clothes Campaign (CCC) 628 en Europe de lEst et en Turquie au sein des entreprises de lindustrie de la confection ont rvl des abus et le manque de respect pour les droits de travail des ouvriers systmatiques (une premire recherche a t effectue en 1998 et puis en 2002 et 2005, les rsultats de la dernire recherche indiquant, essentiellement, les mmes problmes quen 1998 629 ). Les rsultats des recherches effectues par Clean Clothes Campaign correspondent dans une trs grande mesure aux rsultats de nos tudes de cas. Ainsi, les problmes les plus habituels identifis par les recherches effectues par CCC dans les entreprises qui produisent en systme TPP sont : 1) la suppression du droit dassociation et du droit de ngociation collective 630 ; 2) les salaires ne sont pas pays ; 3) les salaires sont calculs dune manire peu claire ; 4) les travailleurs survivent, en gnral, par des activits agricoles de subsistance partages avec la famille largie; 5) le temps excessif de travail (souvent forc) ; 6) les heures supplmentaires de travail ne sont pas payes ; 7) les conditions de travail mettent en danger la sant des ouvriers ; 8) il y a des formes de discrimination dans le travail ; 9) le travail informel est substantiel (et croissant) 631 . Nous avons compar les rsultats des recherches faites par CCC aux rsultats de notre recherche. Les diffrences et les similarits identifies se prsentent de la manire suivante : 1. Nous navons pas identifi de problmes en ce qui concerne les droits dassociation et de ngociation collective. 2. Les salaires sont pays et, en gnral, ils sont pays temps, lexception dune des entreprises enqutes o nous avons pu identifier des retards, de 1 2 jours, dans le paiement des salaires. Le paiement temps des salaires constitue lune des principales raisons de lattachement des employs lentreprise et un facteur essentiel dans le choix dun emploi.
628 Clean Clothes Campaign est une campagne internationale dont le but est lamlioration des conditions de travail dans les industries globales dhabillement et des vtements sportifs. Plus de 200 organisations (des organisations non gouvernementales, des syndicats) et des individus originaires du pays o sont produits des articles dhabillement participent la campagne. Les campagnes sont autonomes au niveau national et travaillent ensemble au niveau europen. Le secrtariat international de la campagne se trouve Amsterdam (informations prsentes sur la page web officielle de CCC : http://www.cleanclothes.org/cccs.htm, consult le 22 septembre 2006). 629 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 4. 630 Les dclarations dun manager italien sont trs illustratives dans ce sens-l: Les Italiens viennent en Roumanie exactement parce quil ny a pas de syndicats dans ce pays. Les conditions sont trs favorables pour nous, notamment celles qui concernent les relations demploi, pour le moment. () vous savez, les employeurs veulent avoir la capacit de licencier les ouvriers, sil le faut. (B. MUSIOLEK (and others), op. cit., p. 7). 631 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 4.
170 3. Dans lune des entreprises tudies, il y a une manire clairement dfinie et connue par les ouvriers, de calcul du temps travaill et du paiement de celui-ci, tandis que dans lautre entreprise le calcul du salaire nest pas clair. 4. En gnral, lagriculture est une source principale de revenus, le revenu obtenu par lemploi officiel tant considr comme un revenu en complment des autres sources de revenus dun mnage 632 . Mais, il y a aussi des cas o le salaire est le seul revenu dun mnage, les familles respectives bnficient daide social de la part de lEtat. 5. Le temps de travail est aussi excessif. Dans lune des entreprises tudies, on peut parler plutt de lexistence dun temps de travail manipul que forc, le management de lentreprise menace de recourir la dlocalisation de la production dans un autre pays et de fermeture de lentreprise si les ouvriers refusent de travailler plus afin que les commandes soient ralises temps. Mais, dans lautre entreprise (lentreprise Z), on peut parler dun temps de travail forc dans les conditions o les ouvriers qui refusent le temps supplmentaire de travail sont menacs de licenciement et doivent tous rester dans lentreprise jusqu ce que la commande soit termine et les rebuts retouchs. 6. Dans lune des entreprises tudies, les heures supplmentaires sont toujours payes, mme si elles sont mal payes. Mais, dans lautre entreprise (o le salaire nest pas calcul dune manire claire) les heures supplmentaires ne sont pas toujours payes ; il y a mme un cas o les ouvriers ont travaill continuellement 24 31 heures et ils nont pas reu le paiement pour le travail supplmentaire. 7. Les conditions de travail sont assez difficiles, elles prsentent des risques pour la sant des ouvriers (luminosit inadquate, le travail dans la position assise, des tempratures inadquates). 8. Nous navons pas saisi de formes de discrimination relies au travail 633 .
632 Les mmes rsultats ont t obtenus par Gabor KOLUMBAN la suite dune recherche effectue auprs des entreprises de lindustrie du textile et de la confection de la rgion centrale de la Roumanie (les dpartements de Covasna et Harghita). Ainsi, les revenus obtenus la suite du travail dans une entreprise sont considrs plutt comme complmentaires aux revenus quun mnage obtient par des sources multiples que comme la base de survie pour une famille. La situation est diffrente dans le cas des jeunes ouvriers qui travaillent dans la ville o la seule source de revenu est le lieu de travail. (Gabor KOLUMBAN, Human Resource Policy Implications of the Regional Workforce Migration Pattern. Case of the Clothing Industry in the Center Region of Romania , p. 83, www.cenpo.ro/files/06%20Migration.pdf , consult le 15 juillet 2006). 633 La recherche effectue par Clean Clothes Campaign a identifi, parmi les formes de discrimination des femmes, la discrimination en fonction dge dans le processus de recrutement; ainsi, la discrimination est faite dans les cas des femmes qui ont plus de 35 ans et qui sont mres. La mme situation nous lavons rencontre sur le march de travail de la ville de Cluj-Napoca, la discrimination en fonction dge tant une pratique assez rpandue, nimporte le domaine dactivit de lentreprise (pour plusieurs dtails, voir la section sur lthique postsocialiste du travail de notre thse).
171 9. Le travail est, en gnral, formel, mais il y a aussi des cas de travail informel surtout parmi les ouvriers pris lessai (Le Code du Travail roumain prvoit que, pendant la priode dessai, le salari a tous les droits et toutes les obligations prvues dans la lgislation du travail, dans le contrat collectif de travail, applicable selon le cas, dans le rglement interne et dans le contrat individuel de travail 634 ).
Au-del de la recherche effectue par Clean Clothes Campaign, il y a aussi dautres recherches effectues en Roumanie parmi les entreprises qui produisent en systme lohn. Une partie des rsultats de ces recherches sont similaires aux rsultats que nous avons obtenus la suite de notre recherche. Par exemple, lune des similarits est la difficult pour ces entreprises de recruter des ouvriers non qualifis car les individus connaissent les difficults inhrentes une production lohn 635 . Aussi, une recherche effectue au sein des entreprises de lindustrie du textile et de la confection de la rgion centrale de la Roumanie indiquait que le modle de la migration de la main duvre dans la rgion (spcialement dans les rgions rurales) et le dveloppement conomique local avaient engendr la pnurie sur le march de la main duvre peu qualifie 636 . Ainsi, le systme de gestion des ressources humaines de ces entreprises est trs sensible aux fluctuations de la main duvre, fluctuations qui sont saisonnires (dans le cas des entreprises tudies de la rgion centrale de la Roumanie, les fluctuations de la main duvre sont corrles avec la priode des travaux agricoles et des ftes traditionnelles et avec les donnes rapportes de la migration pour la rgion respective 637 ). La fluctuation de personnel est considr comme un problme assez commun pour lindustrie de la confection, les employs quittant les entreprises pour des conditions de travail et /ou des salaires meilleurs. Les rsultats de notre recherche primaire ont indiqu une pratique assez commune, non seulement des entreprises de lindustrie de la confection, mais aussi de lentreprise de lindustrie du bois, dacceptation des employs qui taient partis de lentreprise pour travailler ailleurs et qui ensuite avaient voulu revenir. Une interview du directeur dune entreprise de lindustrie de la confection qui produisait en lohn dans le milieu rural, a rvl que lacceptation du retour des employs partis pour travailler ailleurs ntait pas une pratique spcifique aux entreprises de la rgion que nous avions tudie, mais ctait une pratique
634 ***, Cap. 1. ncheierea contractului individual de munc , art. 31, al. 5, Codul Muncii Adnotat http://www.codulmuncii.ro/titlul_1_1.html, consult le 22 janvier 2007. 635 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 41. 636 G. KOLUMBAN, op. cit., p. 78. 637 Ibidem.
172 rencontre aussi dans dautres entreprises roumaines : Ils partent pour travailler ailleurs, en croyant que cela sera mieux, mais, aprs, ils reviennent chez nous, je ne men inquite pas. 638 La principale raison de mcontentement des ouvriers roumains qui travaillent dans lindustrie du textile et de la confection sont les salaires bas, un grand nombre douvriers tant obligs davoir plusieurs emplois (nous considrons quil est extrmement difficile davoir encore un ou mme plusieurs emplois ayant en vue le temps excessif de travail spcifique aux entreprises de lindustrie du textile et de la confection qui produisent en systme lohn) ou davoir un champ o ils cultivent des lgumes pour la consommation dans le mnage (ou pour faire troc avec leurs collgues de travail) pour sassurer un standard minimum de vie 639 . Ces pratiques conomiques ne se rencontrent pas uniquement parmi les ouvriers de lindustrie du textile et de la confection, elles sont assez rpandues dans la socit roumaine dans son ensemble (voir le portefeuille dconomies dvelopp pendant le post socialisme). Dans les cas des entreprises que nous avons tudies, le fait davoir plusieurs emplois nest pas une pratique utilise pour complter les revenus. Lagriculture reprsente, pour la grande majorit des employs, lactivit de base qui assure la satisfaction des besoins dun mnage, tandis que lemploi formel reprsente seulement une source de revenu supplmentaire. Et, au cas o il ny a pas la possibilit dobtenir des revenus supplmentaires par lagriculture, les familles respectives bnficient de laide social de lEtat. Les ouvriers sont aussi mcontents du rapport ngatif entre le paiement reu et le volume de travail. Une autre similarit identifie est la mconnaissance de leurs droits par de nombreux ouvriers 640 . Ainsi, ils signent leurs contrats de travail sans les lire et, dans le cas dune des entreprises tudies, mme sils reoivent des bulletins de salaire, ils ne connaissent pas exactement son systme de calcul. De mme, ils ne connaissent pas exactement leurs droits concernant le cong annuel et son paiement. Ainsi, dans une des entreprises enqutes, les ouvriers nutilisent pas leur cong annuel (il y a des cas douvriers qui ont obtenu de 1 3 jours de cong, aprs des ngociations prolonges avec la direction de lentreprise), la direction en invoquant des fausses prvisions lgales concernant les vacances. La direction proposait aux ouvriers un paiement en compensation de labsence du cong, mais le Code roumain du travail prvoit que lemployeur est oblig daccorder un cong tous les employs qui pendant une anne
638 Amelia TURP-BALAZS, Marconfpop SA fabrica lenjerie barbateasca n lohn , Dialog textil, juin 2005, pp. 24-25, http://www.dialogtextil.ro/, consult le 18 septembre 2006. 639 B. MUSIOLEK (and others), op. cit., p. 41. 640 Ibidem, p. 42.
173 navaient pas pris intgralement le cong auquel ils avaient droit et que la compensation en argent du cong annuel qui na pas t effectu ntait permise que dans le cas de la cessation du contrat individuel de travail 641 . Une autre similarit identifie est lexistence des priodes o les entreprises nont pas dactivit cause de labsence des commandes, pendant ces priodes les ouvriers tant alors obligs prendre un cong. Pendant notre recherche, une des entreprises na pas fonctionn tout le mois daot et la premire semaine du septembre, les ouvriers de lentreprise en taient mcontents, car leur revenu avait beaucoup diminu en labsence de la possibilit deffectuer des heures supplmentaires rmunratrices. Les employeurs ont ainsi la possibilit de prsenter les heures supplmentaires (qui dpassent beaucoup le temps lgal de travail) comme une opportunit quils offrent aux ouvriers afin que ceux-ci gagnent mieux, dans les conditions o, en ralit, les salaires dans lindustrie de la confection peuvent tre dcrits comme des salaires de famine (starvation wages) 642 . En Roumanie seuls les ouvriers du domaine forestier sont plus mal pays que ceux de lindustrie de la confection. De toute manire, le paiement du salaire minimum aux ouvriers qui travaillent dans des entreprises qui produisent en lohn rsulte des pressions faites par les principales institutions financires mondiales 643 . En 2005, les donnes de CNIPMMR (Consiliul Naional al ntreprinderilor Mici i Mijlocii din Romnia Le Conseil National des Petites et Moyennes Entreprises de Roumanie) indiquaient un nombre de 1 000 000 personnes qui taient payes avec le salaire minimum (310 RON, salaire brut, ce temps-l) 644 . En 2006, le salaire minimum brut tait de 330 RON et, depuis le 1 er janvier 2007, il est de 390 RON pour une moyenne de 170 heures de travail par mois (2, 29 RON par heure) 645 . Les dernires donnes statistiques publies en janvier 2007 par lInstitut National de Statistique indiquaient pour novembre 2006 un salaire moyen nominal brut de 1 213 RON, la valeur la plus basse du salaire moyen nominal net senregistrant dans les activits de production des articles dhabillement : 550 RON 646 . De
641 ***, Capitolul 3. Concediile , art. 141, alin. 3 et 4, Codul Muncii Adnotat, http://www.codulmuncii.ro/cautare.php?search=concediu, consult le 22 janvier 2007. 642 Ibidem, p. 7. 643 Ibidem, p. 4. 644 Caterina NICOLAE, Patronatele lamuresc problema salariului minim pe economie , Adevarul, no. 4503/23.12.2004, http://www.cnipmmr.ro/noutati/sal_min2005.htm, consult le 22 janvier 2007. 645 ***, Salariul minim pe economie va creste de la 1 ianuarie, Wall-Street, 22 Decembrie 2006, http://www.wall-street.ro/articol/Economie/23597/Salariul-minim-pe-economie-va-creste-de-la-1-ianuarie.html, consult le 22 janvier 2007. 646 INSTITUTUL NATIONAL DE STATISTICA, Ctigul salarial mediu n luna noiembrie 2006 , Communiqu de Presse, no. 10, 12 janvier 2007, p. 1, http://www.insse.ro/statistici/comunicate/castiguri/a06/cs11r06.pdf, consult le 22 janvier 2007.
174 mme, ces statistiques indiquaient, pour novembre 2006, un salaire moyen brut de 695 RON et de 550 RON dans lindustrie manufacturire des produits dhabillement 647 . La pression de travailler excessivement, les heures supplmentaires mal payes, les bas salaires et le manque de reprsentation syndicale /professionnelle des travailleurs sont des lments caractristiques des relations de travail pr fordistes 648 . Ainsi, dans la priode o la force de travail devait apprendre sadapter au rythme horaire de lindustrie, en renonant au rythme du travail dans lagriculture ou au rythme autocontrl de lartisan, et devait apprendre rpondre aux stimulants financiers, la principale pratique utilise par les patrons tait de payer la main duvre si peu pour le travail effectu quelle devait travailler constamment toute la semaine pour obtenir un gain minimum 649 . Cette situation est entirement applicable dans le cas des ouvriers qui travaillent, prsent, dans des entreprises qui produisent en lohn dans le milieu urbain, o ils ne bnficient pas dautres sources supplmentaires de revenu. Au-del de ces relations de travail de type pr fordiste, nous avons pu identifier dans une des entreprises enqutes un lment spcifique la priode du management scientifique (et, donc, la priode fordiste) : le silence impos aux ouvriers pendant lhoraire du travail, afin que la discipline et lefficacit ne soient pas perturbes, seuls les cadres ayant le droit de parler aux ouvriers pendant lhoraire du travail dans le but de leur donner des instructions afin que la productivit soit amliore. Cette pratique est trs semblable une des mthodes utilises pour atteindre lobjectif du management scientifique du volume de travail le plus grand possible : lisolement de chaque ouvrier par rapport au groupe de travail et le transfert du contrle sur le processus de travail envers les agents directeurs qui donnaient louvrier des ordres prcis concernant les oprations faire et la production raliser 650 . Un des prils souvent mentionns dans la littrature sur les entreprises qui produisent en lohn tait lintgration de la Roumanie lUnion Europenne qui menacerait, par la croissance salariale potentielle, lavantage cot qui attire les investisseurs trangers en Roumanie. Un grand nombre dentreprises (la plupart des petites entreprises) dont la survie dpend des commandes reues seraient, donc, menaces de disparition. Parmi les solutions vhicules figure lessai de la part de ces entreprises de dvelopper une marque propre et de sorienter vers la production pour le march domestique. Ainsi, la Stratgie nationale dexportation pour 2006-2009 propose, parmi dautres pistes daction, la transformation de lindustrie de la confection. Lun des objectifs de la stratgie tant laccroissement des
647 Ibidem, p. 3. 648 Ibidem. 649 Eric HOBSBAWM, Era Revoluiei (1789-1848), Chiinu, Cartier, 2002, p. 61. 650 Eric HOBSBAWM, Era Imperiului (1875-1914), Chiinu, Cartier, 2002, pp. 62-63.
175 exportations directes et le passage graduel de la production en lohn au dveloppement dune production intgre sous marque propre (le design et le marketing seront, donc, raliss aussi en Roumanie) 651 , les entreprises verticalement intgres tant profondment affectes par le systme de production de type lohn qui ne leurs permet pas dutiliser leur propre matriel dans la production de lhabillement 652 . Mme lUnion Europenne, dans la perspective de lintgration de ces pays, qui affectera la production en systme lohn, faisait la recommandation dune rorientation qui signifierait, dans une premire phase, plutt une production de type demi lohn quune production sous marque propre 653 . Aprs lintgration des pays de lEurope de lEst lUnion Europenne, lindustrie du textile et de la confection de ceux-ci aura, thoriquement, la chance dtre intgre verticalement 654 . Avant mme de lintgration lUnion Europenne, les milles petits producteurs ont t confronts de grandes difficults pendant lanne 2005, qui a t considre comme lanne la plus difficile pour lindustrie textile et de la confection de la Roumanie. En effet, aprs 6 ans de croissance conscutive, tous les indicateurs enregistraient une diminution drastique et un grand nombre de producteurs se sont trouvs proches de la faillite 655 (Mihai PASCULESCU, le premier vice-prsident de FEPAIUS la Fdration Patronale de lIndustrie Lgre estimait dans une interview prise par la revue Dialog textil Dialogue textile quenviron 25% des entreprises ont fait faillite dans les conditions o 80% de celles- ci exportaient des textiles /des confections 656 ). Les principaux facteurs qui affectaient ngativement lindustrie du textile et de la confection roumaine en 2005 taient : lapprciation de la monnaie nationale et la suppression, ds le 1 er janvier 2005, des quotas sur les importations europennes de textiles chinois risquant de faire perdre de sparts de marchs aux entreprises roumaines 657 . En outre, laugmentation du salaire minimum et celle des prix ont contribu augmenter les cots de
651 ***, ROMNIA. Strategia Nationala de Export 2005-2009 , Bucarest, octobre 2005, http://www.ugir1903.ro/download/SNE_2005.pdf, consult le 24 janvier 2007. 652 R. BARENDT, B. MUSIOLEK, op. cit., p. 6. 653 Ibidem, p. 7. 654 B. MUSIOLEK (and others), op. cit., p. 16. 655 ***, Ce sectoare ne duc in UE si ce ne trage in jos , EurActiv, le 27 janvier 2006, http://www.romani- online.co.uk/Stiri/Economie/Ce-sectoare-ne-duc-in-UE-si-ce-ne-trage-in-jos.html, consult le 18 septembre 2006. 656 ***, O viziune pesimista , Dialog textil, janvier 2006, p. 6, http://www.dialogtextil.ro, consult le 18 septembre 2006. 657 Daniel DIANU, Economia romneasc: ce este de urmrit n 2006? dans SOCIETATEA ACADEMIC DIN ROMNIA, Raport de analiz i prognoz anual 2006 , mars 2006, p. 9, http://www.sar.org.ro/files/18_pwr%202006.pdf, consult le 24 janvier 2007.
176 production 658 . Dans ces conditions, un grand nombre dinvestisseurs trangers ont menac de se retirer de Roumanie 659 . En 2006, dans une runion officielle o ont particip la prsidente de FEPAIUS (Maria GRAPINI, ce temps-l) et les investisseurs trangers et roumains de lindustrie du textile et de la confection, les investisseurs ont mentionn, au-del des facteurs dj numrs ci-dessus, que les facteurs suivants avaient un impact ngatif sur leur activit : a) des cots hauts avec les salaires et avec les congs mdicaux et de maternit (les femmes reprsentent la plus grande partie de la main duvre employe dans lindustrie textile et de la confection 660 ) ; b) la fluctuation du personnel, un grand nombre demploys en migrant dans les pays occidentaux pour des salaires meilleurs ; c) le manque dinfrastructure, ce qui alourdit laccs certaines rgions du pays ; d) le Code fiscal qui permet l'immixtion de ltat dans la gestion des affaires prives ; e) lincertitude sur les prvisions fiscales et limpossibilit de les connatre trois annes lavance ; f) lapplication rtroactive de la lgislation fiscale ; g) le manque de ressources pour le niveau actuel de dveloppement de lindustrie de la confection ; h) une productivit encore basse par rapport aux pays de lUnion Europenne ; i) un Code de travail inadquat en vue dassurer le changement de la culture et de la mentalit des Roumains 661 (on peut voir une forme de manifestation du rejet de la mentalit comme explication de la faible performance conomique (voir la section Lthique du travail pendant la Roumanie postsocialiste de notre thse). En gnral, les publications roumaines qui abordent le sujet de la production en systme lohn sont concentres plutt sur les avantages apports par ce type de production aux entreprises de lindustrie de la confection et sur les effets ngatifs des diffrents facteurs sur
658 Dana CHIORAN, Lohnul-perspective i provocri , http://forumworks.ccir.ro/works.htm, consult le 15 juillet 2006. Les mmes facteurs sont mentionns aussi dans ***, Ce sectoare ne duc in UE si ce ne trage in jos , EurActiv, le 27 janvier 2006, http://www.romani-online.co.uk/Stiri/Economie/Ce-sectoare-ne-duc-in-UE- si-ce-ne-trage-in-jos.html, consult le 18 septembre 2006. 659 Amelia TURP-BALAZS, De la Bruxelles la Botosani , Dialog textil, juillet-aot 2006, pp. 16-18, http://www.dialogtextil.ro, consult le 18 septembre 2006. 660 Du total de 4 424 802, qui reprsente le total de la population fminine employe, 952 416 sont employes dans lindustrie manufacturire qui occupe le deuxime lieu aprs lagriculture, la chasse et la sylviculture o travaillent 1 428 166 femmes (cf. INSTITUTUL NATIONAL DE STATISTICA, Ocuparea i omajul n trimestrul III 2006 , Communiqu de Presse, no. 16, 22 janvier 2007, p. 10, http://www.insse.ro/statistici/comunicate/ian2007/16press.pdf, consult le 22 janvier 2007). 661 A. TURP-BALAZS, loc. cit.
177 lactivit de production des entreprises. Elles sintressent moins aux conditions de travail des ouvriers. Dans le cas o on pose le problme de limpact ngatif de la production en systme lohn, celui-ci est considr plutt dans la perspective des effets sur lindustrie du textile et de la confection roumaine et sur lentreprise en gnral (la difficult de dvelopper des marques propres, la menace pour les entreprises qui sont verticalement intgres etc.), que dans la perspective de lemploy. La question de la production de type lohn est envisage le plus souvent dans la perspective de limpact ngatif de lintgration de la Roumanie lUnion Europenne et de la perte de lavantage cot, qui entraneront la dlocalisation de la production dans dautres pays et, donc, la perte de lemploi pour un grand nombre dindividus. On peut ainsi comprendre, le manque de raction envers les conditions en gnral prcaires de travail dans les entreprises qui produisent en systme lohn, car la cration demplois semble tre plus importante que lamlioration des conditions de travail 662 . Nous avons galement rencontr cet argument (la cration des emplois), doubl par celui de la valeur de linvestissement apporte lconomie locale, dans le cas des entreprises enqutes, comme justification pour le temps excessif de travail et pour labsence du paiement des heures supplmentaires.
2.3.2. Lindustrie roumaine du bois
Lindustrie du bois reprsente, comme lindustrie du textile et de la confection, un domaine dintrt pour la Stratgie nationale dexportation pour 2006-2009 . Ainsi, un axe principal daction propos est la concentration sur la production de meubles grande valeur ajoute dans lindustrie de lusinage du bois 663 . 24 832 entreprises dans lindustrie de lusinage du bois ( lexception de la production du meuble) dont 14 884 sont des S.A.R.L., ont t enregistres lOffice National du Registre du Commerce dans la priode dcembre 1990 novembre 2006 664 . La situation de lindustrie roumaine du bois est trs semblable celle de lindustrie du textile et de la confection. Comme lindustrie du textile, lindustrie du bois est une industrie intensive en travail et faible valeur ajoute. De mme, les conditions des ouvriers sont
662 B. MUSIOLEK (and others), op. cit., p. 6. 663 ***, ROMNIA. Strategia Nationala de Export . 664 OFICIUL NATIONAL AL REGISTRULUI COMERTULUI, Operaiuni n Registrul Central al Comerului. Sinteza statistic a datelor din Registrul Central al Comerului la 30 noiembrie 2006 date provizorii , no. 180, p. 11, tableau no. 6, http://www.onrc.ro/statistici/sr_2006_11.pdf, consult le 23 janvier 2006.
178 semblables celles des travailleurs dans lindustrie du textile car les IDE recherchent le bnfice dune main duvre bon march pour exporter sur les marchs de lUE. Nous considrons quon peut aussi parler dune production en systme lohn dans le cas de lindustrie de lusinage du bois, mme si le terme lohn est communment utilis seulement pour lindustrie textile. Comme nous lavons vu, lohn est une de dnomination possible pour la production de type TPP qui est, en fait, une forme de dlocalisation de la production. Ce systme pourrait tre dfini comme une coopration en ce qui concerne la production, base sur un contrat lgal, entre des entreprises indpendantes de pays diffrents. Gnralement, ce systme ne suppose pas une implication du point de vue du capital de la part de lentreprise qui contracte la production, mais le transfert de certains processus de production une entreprise trangre. Dhabitude, les matires premires et les composantes de production sont exportes ltranger et puis rimportes en tant que produits finis ; ces rimportations peuvent bnficier dun traitement prfrentiel, tant exempts, partiellement ou totalement, des droits de douane 665 . Le processus de dlocalisation de la production, notamment dans lindustrie du textile et de la confection, de lUnion Europenne dans lEurope de lEst a t stimul par des facteurs tels que les faibles cots du travail, la main duvre relativement qualifie et/ou la proximit gographique 666 . Les ouvriers de lindustrie de lusinage du bois ont eu des priodes o ils taient encore plus mal pays que les ouvriers de lindustrie du textile. Ainsi, tandis quen juillet 2006, le salaire moyen brut dans lindustrie de la production des textiles tait de 749 RON et celui net de 580 RON et dans lindustrie de la confection de 665 RON (brut) et, respectivement, 527 RON net, dans lindustrie de lusinage du bois et des produits en bois, lexception du meuble, le salaire moyen brut tait de 656 RON et celui net de 510 RON 667 . Ces diffrences sont indiques aussi trs clairement par les tudes de cas que nous avons effectues. Ainsi, tandis quun ouvrier du domaine de la confection recevait, en 2005, 2 RON/heure supplmentaire, un ouvrier du domaine de lusinage du bois recevait 0,8 RON 1,4 RON/heure supplmentaire. Les dernires donnes de lInstitut National de Statistique ont montr un changement dans le paiement des employs de lindustrie du bois, dans le sens dune croissance du salaire moyen nominal brut un niveau presque gal (mme plus que) au salaire moyen nominal brut dun employ de lindustrie de la confection. Ainsi, tandis quun
665 ***, Outward Processing Definitions and Concepts , Economic Bulletin for Europe, 0041638x, vol. 47, 1995, p. 109; la base de donnes Academic Search Premier, access le 15 mai 2006. 666 Ibidem, p. 119. 667 INSTITUTUL NAIONAL DE STATISTIC, Ctigul salarial mediu i efectivul salariailor n luna iulie 2006 , Communiqu de presse, no. 45, 5 septembre 2006, http://www.insse.ro/statistici/comunicate/castiguri/006/cs07ro6.pdf, consult le 15 septembre 2006.
179 employ de lindustrie de lhabillement bnficiait en novembre 2006 dun salaire moyen brut de 695 RON (550 RON salaire moyen net), un employ de lindustrie de lusinage du bois et des produits en bois et en radeau, lexception du meuble, bnficiait en novembre 2006 dun salaire moyen brut de 717 RON (555 RON salaire moyen net) 668 . Cette croissance du salaire moyen dans lindustrie de lusinage du bois et des produits en bois et en radeau, lexception du meuble, peut tre explique soit par des primes occasionnelles dont ont bnfici les employs, soit par une production plus grande 669 . la diffrence de lindustrie du textile et de la confection, dans lindustrie du bois, les investisseurs sont attirs non seulement par la main duvre bon march, mais aussi par le cot bas et par la disponibilit de la matire premire. Ainsi, mme sil y avait un volume de coupe tabli par la loi, la rcolte na jamais respect les quotas ce qui a dsquilibr le stock existant de bois (il y a un grand nombre de procs en justice pour coupe illgale du bois) 670 . La plus grande partie de la production de lindustrie de lusinage du bois est destine lexportation. Comme dans le cas de lindustrie textile, laccent est mis sur limpact positif de linvestissement par la cration demplois et non pas sur les conditions de travail difficiles dans lindustrie ou sur les effets ngatifs dune production croissante sur lenvironnement (par exemple, dans un discours tenu par un snateur dans une sance du Snat roumain, sur le sujet des nouvelles taxes introduites en 2005 pour les oprateurs de lindustrie de lexploitation et de lusinage du bois dans le but de constituer un fond pour la protection de lenvironnement, le snateur accentuait la capacit de cette industrie de crer des emplois 400 000 emplois dont 120 000 seulement dans le secteur de la production 671 ). Les caractristiques gnrales de lindustrie du textile et de la confection et de lindustrie du bois influencent fortement les pratiques de management des entreprises dans ce domaine et, comme nous allons voir dans les tudes de cas prsentes ci-aprs, lorientation du management par rapport la diffrence culturelle.
668 Idem, Ctigul salarial mediu n luna noiembrie 2006 , Communiqu de Presse, no. 10, 12 janvier 2007, p. 1, http://www.insse.ro/statistici/comunicate/castiguri/a06/cs11r06.pdf, consult le 22 janvier 2007. 669 Ibidem, p. 2. Cette explication est donne pour la croissance salariale par rapport au mois doctobre 2006. Nous considrons quelle est valable aussi pour expliquer la croissance salariale enregistre en novembre 2006 par rapport au juillet 2006, notre opinion tant soutenue par la croissance enregistre dans la production de lindustrie manufacturire, dans la priode juillet-novembre 2006 (cf. INSTITUTUL NATIONAL DE STATISTICA, Indicele produciei industriale n luna noiembrie 2006 , Communiqu de Presse, no. 8, 12 janvier 2007, p. 1, http://www.insse.ro/statistici/comunicate/ipi/a06/ipi11r06.pdf, consult le 22 janvier 2007. 670 MINISTERUL AGRICULTURII, PDURILOR I DEZVOLTRII RURALE, Raport privind starea pdurilor Romniei n anul 2005 , pp. 57-60. 671 http://www.cdep.ro/pls/steno/steno.stenograma?ids=6029&idm=1,04&idl=1, consult le 15 dcembre 2006.
180 3. Etude de cas : lentreprise X du secteur du textile
3.1. Lhistorique de la constitution de lentreprise
Lentreprise X est une PME dont le capital souscrit est intgralement priv et dorigine italienne, les investisseurs trangers tant des personnes physiques. Constitue en 2001, son objet principal est la production darticles dhabillement et daccessoires. Plus prcisment, lentreprise produit, en systme TPP, des maillots de bain. En 2004, le chiffre daffaires de cette entreprise se situait entre 100 001 et 500 000 . Sa structure organisationnelle comprend : un propritaire, dorigine italienne, une directrice gnrale, dorigine roumaine, une contrematre, une adjointe la contrematre et 33 ouvriers. La forme juridique de lentreprise est la S.A.R.L. (socit responsabilit limite). Le bnficiaire des produits est une entreprise italienne, dtenue aussi par le propritaire de lentreprise X. Initialement, la production a t ralise dans cette entreprise, mais prsent elle a t intgralement dlocalise en Roumanie, lentreprise italienne tant en relation avec lentreprise X. Les clients finaux sont des entreprises multinationales. La dcision dinvestir en Roumanie a t motive par la peur de perdre une les principaux clients, pour des raisons de cots. Car, la production dans lentreprise italienne tait plus coteuse quen Roumanie, cause du cot de la main duvre. En fait, les reprsentants de cette EMN ont attir lattention du propritaire italien sur la Roumanie, en mentionnant quils prfreraient acheter des produits manufacturs en Turquie, Portugal, Tunisie, Roumanie o les prix des produits taient plus avantageux. La principale raison dinvestir en Roumanie a donc t le cot bas de la main duvre. La dcision dinvestir en Roumanie et non pas dans dautres pays mentionns par les reprsentants de lentreprise multinationale a t prise par des raisons conjoncturelles : la femme du patron italien tait dorigine roumaine. Par consquent, elle la accompagn dans sa dmarche de slection de lemplacement pour lunit de production. Aprs la visite faite en Moldavie (rgion situe dans lEst du pays) et Bucarest (la capitale de la Roumanie) dans le but de choisir un emplacement, le patron italien, mcontent des conditions rencontres (pauvret, mentalit communiste ), a recouru aux services dun intermdiaire italien qui soccupait de la constitution des entreprises, capital italien, en Roumanie, particulirement dans le dpartement de Maramure, o il avait des relations personnelles.
181 Cest ainsi que la petite ville du dpartement de Maramure a t choisie. La principale raison a t laspect, la position du btiment lu pour loger la nouvelle entreprise et la location demande par le propritaire de lespace. Aucune recherche na t faite en vue dvaluer les facteurs dattractivit spcifiques la zone considre, mme si celle-ci a une attractivit assez haute pour les investisseurs dans lindustrie du textile et de la confection grce la tradition dans ce domaine qui date de la priode dentre les deux Guerres Mondiales (voir la courte prsentation de la rgion). Pendant le rgime communiste, dans la petite ville et Baia Mare, des usines de confections ont fonctionn (comme nous lavons dj mentionn dans la prsentation de lindustrie du textile et de la confection de la Roumanie, pendant la priode communiste une grande attention tait accorde lindustrie textile dont les produits taient destins surtout lexportation). prsent, dans cette petite ville il y a 6 entreprises prives dans le domaine de la production des confections textiles. Aprs le choix de lemplacement, lintermdiaire italien a t charg damnager lespace lou 672 , loutiller (des machines automatises ont t achetes en Italie) et employer du personnel local (qualifi ou non), linvestissement initial tant estim 2 milliards de ROL. Pour recruter la main duvre, ladministrateur italien a employ une connaissance dorigine roumaine, sans aucune formation de spcialit ou exprience dans ce domaine (ce fait, comme on le verra plus tard, a affect le processus de recrutement), mais qui connaissait la langue italienne. Pour slectionner le personnel employer et puis le former dans la confection des maillots de bain machines automatises, une contrematre dorigine italienne a t expatrie en Roumanie pour (environ) une anne, en recevant un salaire de presque 1 000 euros et la possibilit de loger dans un appartement lou par le patron italien dans la localit o se trouvait lentreprise. Il faut prciser quil y a un patron italien de facto (le propritaire de lentreprise italienne) et un patron (titulaire) de jure qui est son fils. En gnral, dans notre tude de cas, nous ferons rfrence au patron italien de facto et quand il sera le cas nous ferons les distinctions ncessaires.
672 Lespace est la proprit de CONSUM COOP, socit par action, prive, qui donne en location des ex- espaces et btiments commerciaux publiques. En 2005, le montant de la location tait de 500 dollars amricains mensuels et il est devenue de 500 euros aprs lapprciation de leuro par rapport au dollar ; le contrat tait valable pour 5 ans (nous avons obtenu ces informations de la directrice gnrale de lentreprise). La valeur de la location peut tre considre comme basse ayant en vue la zone o se trouve le btiment.
182 3.2. Lanalyse des lments de management interculturel
3.2.1. Lorientation managriale par rapport la diffrence culturelle
Lanalyse des lments de management interculturel a rvl un mlange dignorance et dutilisation (ou une approche sensible la spcificit locale) de la diffrence culturelle. Les deux approches sont clairement partages entre la partie dorigine italienne et la partie dorigine roumaine de la direction de lentreprise. Ainsi, tandis que linvestisseur italien suit principalement lavantage cot, en ignorant dans une trs grande mesure la diffrence culturelle, la directrice gnrale dorigine roumaine a essay dutiliser la diffrence culturelle dans le bnfice rciproque des employs et de lentreprise. Lhistoire de lentreprise nous a rvl lexistence de deux tapes assez diffrentes dans lorientation du management vers la diffrence culturelle. Ainsi, le premier stade est caractris par une attitude domission de la diffrence culturelle, tandis que le deuxime, mme si des lments dignorance de la diffrence culturelle persistent encore, est caractris par une attitude plus sensible la spcificit locale. Nous avons identifi comme principal facteur qui a dtermin ce changement dans lorientation du management vers la diffrence culturelle la nomination la direction de lentreprise de la Roumanie dune directrice gnrale dorigine roumaine, elle aussi habitante de la petite ville o se trouve lentreprise. Par la suite, nous allons prsenter, en suivant lhistorique de lentreprise, les manifestations de ces deux approches de la diffrence culturelle dans le processus du management de lentreprise. Le processus initial de recrutement de la main duvre sest bas sur la diffusion dans la communaut locale (la petite ville et les ex-villages appartenants) de linformation quun Italien ouvre un atelier de couture (C. I., une des premires couturires employes), information propage par un systme de communication informel, bas sur des relations personnelles, systme spcifique aux communauts traditionnelles (mme si la localit o se trouvent les entreprises est enregistre comme ville, elle a gard son caractre rural dans une trs grande mesure). Ce systme informel de communication peut tre vu aussi comme une continuation des pratiques du rgime socialiste o laccs aux informations vitales tait permis grce lappartenance des rseaux largis des relations personnelles. 673
673 Gail KLIGMAN (Politica duplicitii, p. 49) dcrit la manire dont, pendant le rgime socialiste, la dpendance des citoyens envers lEtat pour la satisfaction minimale des besoins a engendr une modification des
183 De plus, ctait le ramnagement du btiment situ mme au centre de la petite ville on nettoyait dj les fentres (C.I., couturire) qui a attir lattention et a suscit lintrt concernant la nouvelle destination de lespace 674 . Les personnes intresses (en gnral femmes ; pendant la priode o nous avons effectu notre recherche il y avait un seul homme employ, celui-ci tant parmi les employs avec exprience antrieure dans le domaine de la couture) sadressaient lemploye roumaine (M.) qui les enregistrait en vue dun futur contact au moment o lentreprise commencerait effectivement fonctionner (elle crivait leur nom et leur numro de tlphone dans un cahier, car lentreprise ne bnficiait pas, au moment de notre recherche, dun systme informatis pour la gestion de son activit). Lunit de production a dbut en 2001, avec 3 couturires roumaines sous la coordination, pour la partie de production, de la contrematre italienne expatrie (F.), la partie administrative revenant ladministrateur italien (E.) et son assistante roumaine (M.). Quand le volume de marchandise produire a augment, 2 personnes ont t engages. Au moment de notre recherche, lentreprise comptait 35 employs. Si on peut identifier dans le processus de recrutement du personnel des lments qui pourraient renvoyer une approche de la spcificit locale de la part du management cest parce que le processus de recrutement a t la tche de lassistante roumaine de ladministrateur, qui tait originaire de la rgion et donc familiarise avec la manire locale de faire aller les choses . Durant cette priode de fonctionnement de lentreprise, ladministrateur italien, par son comportement, a donn la communaut locale limpression quen fait il tait le propritaire de lentreprise. Par exemple, des interviews prises aux employes parmi les premires dans lentreprise, a rsult qu linauguration de lentreprise, ladministrateur italien avait tenu un discours o il parlait de son entreprise, de la qualit du travail qu il demandait aussi en Italie quen Roumanie, de sa contribution la cration de nouveaux emplois en Roumanie. Ladministrateur (E.) interviewait en premier les employs potentiels et seulement aprs (si ctait le cas des emplois dans la production) ils taient tests (mis en situation professionnelle) par la contrematre italienne. Des interviews il
relations sociales, en se crant des rseaux sociaux nouveaux, caractriss par une dpendance interpersonnelle au niveau des activits quotidiennes. Car, pour lobtention des biens de consommation et les services ncessaires, ont t cres des rseaux informels qui sont la base des conomies secondaires (pour plusieurs dtails, voir la section sur lthique socialiste du travail de notre thse). 674 Antrieurement, ont travaill sur cet espace un magasin universel proprit dtat (qui a fait faillite aprs la Rvolution de 1989) et un grand nombre de petits magasins privs qui, leur tour, ont fait faillite. En Roumanie, une grande partie de la population est intresse par les questions concernant les ex-proprits dEtat qui, aprs la Rvolution, ont t privatises, quelques unes de celles-ci dans des conditions considres comme douteuses.
184 ressort que ladministrateur avait donn limpression davoir le dernier mot, en imposant une grande distance hirarchique, en crant une atmosphre de travail marque par la tension, et parfois mme par la terreur :
E. [ladministrateur italien] a eu la langue bien pendue 675 et il a t avec le "qui je suis" 676 , mais F. [la contrematre italienne] dcidait [] E. hurlait sur tout le monde. (C.I., couturire)
Celui-ci [E.] tait une sorte dadministrateur, pour dire comme a, mais tout le monde savait, de fait, quil tait le patron, tu sais et il tait un psychopathe. Un psychopathe, oui, parce que, un moment donn, il ma menac de madministrer une vole Oh, mais quels supplices jai du subir (T.R., lex-directrice gnrale)
On peut y dchiffrer le dbut dun des aspects spcifiques au contrat psychologique qui a t la base de la construction de la culture dentreprise X et qui peut tre considr parmi les hypothses fondamentales de cette culture (mme si celle-ci a, invitablement, volu, on peut encore trouver des manifestations de cette hypothse dans diffrents pratiques et normes comportementales) : la discordance entre lapparence (ce quon dit qui est) et la ralit (ce qui est). Ainsi, parmi les manifestations de cette discordance on peut trouver : E., qui prtend tre le propritaire, en ralit il est seulement ladministrateur de lusine ; il y a deux propritaires : un propritaire de facto et un propritaire de jure (les employs ne connaissent pas cette nuance) ; la personne qui est appele pour occuper une position dirigeante (le cas initial de lex-directrice gnrale) dcouvre quen ralit elle doit occuper une position de secrtaire et que la secrtaire doit, de temps en temps, faire des petites oprations dans latelier de production ; la contrematre (M., dorigine roumaine, successeur de la contrematre italienne) na pas lexpertise professionnelle affiche. Cette discordance prend, parfois, la forme des strotypes nationaux ngatifs : les Italiens ne sont pas srieux (perception rpandue tant parmi les employs que dans la communaut locale, surtout dans la priode o E. administrait laffaire ; en gnral, celui-ci est un strotype ngatif trs rpandu en Roumanie) ou () il y avait un grand mensonge l- dessous, comme partout o on parle des Italiens. (T.R., lex-directrice gnrale). La manire dont E. (ladministrateur italien) et M. (la secrtaire dE.) ont anim le processus de recrutement (manque dorganisation et dfinition peu claire des attributions des postes de travail) et leur comportement envers les employs ont cr une mauvaise impression au sein de ces derniers et par leur intermdiaire dans la communaut locale, en renforant le strotype ngatif concernant le srieux des Italiens.
675 Expression utilise ici dans le sens de parler bien, mais sans fondement . 676 Dans le sens de linfatuation .
185 On peut voir comment les diffrences culturelles sous la forme des strotypes ngatifs sont instrumentalises dans le cas des conflits et quand les intrts stratgiques des acteurs organisationnels sont mis en jeu. 677 Cette instrumentalisation est dautant plus vidente dans les conditions o, en gnral, lexception de la perception du comportement de ladministrateur italien, les perceptions des employs de cette entreprise, au temps de notre recherche, contredisaient le strotype ngatif concernant le srieux des Italiens. Ainsi, les employs de lentreprise X considrent, en gnral, que le propritaire italien est srieux , insinuant le fait que, la diffrence dautres entreprises roumaines ou trangres, dans lentreprise X les promesses sont respectes, les salaires sont pays temps (mme sils sont considrs bas, le fait en soi dtre pays temps est un signe du srieux) et les gens sont employs lgalement sur la base du contrat de travail (le plus important bnfice tant le payement des assurances sociales, surtout les assurances maladie).
Jai travaill aussi lemballage des biscuits, pour des Turques, Baia Mare, mais ils ntaient pas srieux, car ils ne mont pas fait de contrat de travail. Jai parl directement avec le patron. Jai attendu quils me fassent le contrat de travail, mais ils ne me lont pas fait. [] Ds que je suis venue [ lentreprise X], ils mont fait les formalits ; a ma plu. [] Jaime aussi le fait quils nous paient temps ; des autres [employeurs] ont une mauvaise rputation [le payement ne se fait pas au terme tabli]. (V.B., confectionneuse)
Cette valorisation positive du paiement temps des salaires est dans une grande mesure le rsultat de la spcificit des conditions de travail dans les entreprises qui produisent en systme lohn. Ainsi, la prcarit des conditions de travail a dtermin la diminution des standards dans lvaluation de la qualit dun emploi, un des principaux critres pour une valuation positive tant le paiement du salaire 678 . Pendant la premire anne de fonctionnement de lentreprise X, la slection du personnel tait ralise par la contrematre dorigine italienne qui tait charge aussi de la qualification /la spcialisation du personnel dans la confection des maillots de bain machines automatises. Aprs lquipement de latelier de couture, lemploi et la qualification /spcialisation de 8 confectionneuses, le patron italien a dcid de changer de modalit de conduire de lentreprise en Roumanie, nayant plus lintention de renouveler les contrats signs avec ladministrateur (E.) et avec la contrematre dorigine italienne. Ainsi, vers la fin
677 Dans son tude de trois quipes interculturelles, Sylvie CHEVRIER a montr la manire dont la culture nationale tait instrumentalise, les acteurs mettant sur le compte de la culture des conflits qui, en fait, avaient dautres causes et la manire dont les strotypes nationaux ngatifs mergeaient surtout par des conflits de pouvoir ou dintrts entre reprsentants de cultures diffrentes, quand ces conflits dintrt concidaient avec des frontires culturelles (Sylvie CHEVRIER, Le management des quipes interculturelles, Presses Universitaires de France, Paris, 2000, p. 174, p. 179.). 678 B. MUSIOLEK (and others), op. cit., p. 6.
186 du contrat de ladministrateur italien, le patron lui a demand dengager une jeune fille pour travailler dans le bureau , une personne qui comprenne ce quon dit, ce quil [le patron] attend [] (T.R.). Press par le temps, ladministrateur italien (E.) a demand lun des employs, qui travaillait la maintenance des machines, de trouver une fille qui travaille dans le bureau [qui soccupe de la partie administrative de laffaire] (T. R., lex-directrice gnrale). Ainsi, celui-ci a contact T.R., sa voisine, dont il savait quelle parlait plusieurs langues trangres et quelle avait dexprience professionnelle dans des entreprises capital tranger (elle a travaill comme traductrice pour des investisseurs chinois, dans le domaine de lusinage de bois), en lui disant quelle remplacera la contrematre italienne (une position dirigeante donc), mais avec des attributions administratives. En ralit, on parlait dune position de secrtaire. T.R. relate sa premire interview en vue dtre employe lentreprise X :
Je me rappelle que ctait mardi quand je suis venue [] Eh, bien, il [E., ladministrateur italien] ma dit : "Tu sais, ici on doit faire a, a" mais il ne me demandait pas si je savais quelque chose sur mon futur emploi ; il ne ma rien demand, seulement ma montr ce que je devais faire [] Je comprenais tout ce quils me disait en italien, mais je ne pouvait pas rpondre, seulement trs, trs peu.
Dans le cas de T.R., le patron italien de droit (An.) a t lui aussi impliqu dans le processus de slection, mais il na pas pris la dcision finale dembauche. Les critres de slection : des connaissances en comptabilit primaire, informatique, dutilisation dInternet, la connaissance de la langue italienne ont t demands plutt pour des raisons rhtoriques que pour oprer un choix rel. Le seul critre pris en considration a t la volont de T.R. dapprendre ce quelle ne savait pas, en particulier la langue italienne. La dcision finale dembauche a t prise, comme toujours (T.R.), par le patron italien de facto (A.), aprs que T.R. let rencontr et aprs quelle et parl aussi avec la femme de celui-ci (elle soccupait de la part de production, ayant exprience de travail comme couturire). Aprs une priode de presque une anne pendant laquelle T.R. a dmontr sa capacit dapprendre et de grer lactivit de lentreprise, T. R. a t nomme comme directrice gnrale de lentreprise X. Jusqu' ce moment de lhistoire de lentreprise, on peut identifier des lments qui tiennent principalement dune approche managriale dignorance de la diffrence culturelle, ces lments en persistant aussi aprs la nomination de T.R. en tant que directrice gnrale. Nous considrons que, partiellement, cette approche de lignorance de la diffrence culturelle est le rsultat des raisons qui ont t la base de la dcision dimplanter une unit de production en Roumanie (des avantages de cot) et de la spcificit de la production en
187 systme de lohn. Ainsi, laccent est mis surtout sur la quantit des produits, sur le respect des standards de qualit et des paramtres techniques imposs par les clients. Aussi, linvestisseur est celui qui a le savoir-faire, qui engage la technologie ncessaire et, en plus, qui fait qualifier /spcialiser la main duvre pour travailler selon les standards considrs comme occidentaux (en Roumanie). De plus, on ne peut pas parler dun besoin de connatre les caractristiques du consommateur roumain, car tous les produits sont exports en Italie et livrs aux grandes entreprises (clients anciens qui ont dj tabli leurs standards concernant les produits). La spcificit culturelle de la main duvre est, par consquent, moins importante dans les conditions o la chose la plus importante est de trouver des gens qualifis ou non qualifis qui soient disponibles pour travailler pour le salaire le plus bas possible, en apprenant utiliser la technologie mise disposition et en respectant les rgles, les procdures et les standards de travail imposs. La considration du travailleur est donc, dans une trs large mesure, une conception instrumentale : louvrier est seulement un excutant qui doit respecter les instructions reues. De mme, la manire de travailler est trs proche de celle propose par le taylorisme : division du travail, une squence doprations clairement dfinie, des temps prcis respecter dans lexcution dune certaine opration, un contrle strict des excutants 679 ; autrement dit, un management scientifique dont le but est la maximisation de la productivit. Un lment qui indique clairement une attitude dignorance de la diffrence culturelle de la part du propritaire italien de lentreprise est la mconnaissance de la langue roumaine et son refus dclar de lapprendre :
Il [le propritaire italien] a dit quil napprendrait pas le roumain. Si nous voulons, nous pourrons apprendre litalien [] Jaime apprendre des langues trangres. Jai travaill en Espagne. (V.B., confectionneuse)
Pour se faire entendre, les dirigeants de lentreprise ont toujours eu recours des employs roumains qui parlaient litalien. Ainsi, ladministrateur italien et la contrematre italienne parlaient seulement italien, M. (lassistante de ladministrateur italien) traduisait si ncessaire. Les premiers employs de lentreprise ont racont que, souvent, la communication verbale ntait pas considre comme ncessaire, la contrematre italienne faisant seulement les oprations respectives, qui seront reproduites ensuite par les employs. Au cas o apparaissaient des mcontentements de la part des cadres dirigeants italiens, ils les
679 Frederick Winslow TAYLOR, The Principles of Scientific Management, passim, http://www.gutenberg.org/catalog/world/readfile?fk_files=12287, consult le 21 mars 2008.
188 exprimaient souvent dans leur langue maternelle, sans traduction, mais avec une communication associe trs expressive. On peut identifier dans ces pratiques la rflexion de la conception instrumentale du management italien sur les ouvriers de lentreprise X. Au moment de notre recherche (4 annes aprs la cration de lentreprise en Roumanie), le propritaire italien parlait aux employs roumains seulement par lintermdiaire de la directrice gnrale (et aprs sa dmission, par lintermdiaire de la contrematre, selon les dclarations des ouvriers interviews ultrieurement). En gnral, la traduction tait faite dans le cas de la communication de haut en bas. La communication de bas en haut bnficiait de traduction seulement dans le cadre dfini des runions formelles, dans lentreprise fonctionnant une norme informelle de comportement qui interdisait aux employs de latelier de production de parler entre eux ou aux chefs (y compris la contrematre, la directrice gnrale, le patron italien et les membres de sa famille) pendant le travail, lexception o ces derniers initiaient la conversation. Au moment de son emploi, lex-directrice gnrale, ne connaissait pas la langue italienne ( seulement un peu , T.R.), mais ses aptitudes apprendre les langues trangres et sa disponibilit apprendre rapidement litalien courant ont assur sa future position dans lentreprise. La connaissance de la langue italienne devenait ainsi un instrument de pouvoir, parce quelle assurait la possibilit de communiquer avec ceux situs des positions dirigeantes et dobtenir certains privilges. Par exemple, la contrematre dorigine roumaine a obtenu cette position grce aussi aux quelques connaissances de langue italienne qui lui avaient donn la possibilit de crer une relation personnelle avec la contrematre italienne qui lavait forme pour lui succder ( prsent, la connaissance de la langue italienne lui assure un rle important dans le cadre de lentreprise aprs la dmission de la directrice gnrale, selon les dclarations des ouvriers interviews ultrieurement). Un autre exemple est celui dune couturire qui, grce des connaissances minimes de langue italienne, a eu la possibilit, dans une situation de crise, dexprimer son opinion auprs du propritaire italien qui la comprise et mme il a voulu intervenir pour changer la situation 680 . De mme, la connaissance de la langue italienne (et la mconnaissance de la langue roumaine de la part du propritaire italien) a permis quelquefois aux dirigeants dorigine roumaine de manipuler les situations et de communiquer au patron italien seulement les aspects qui leur taient favorables, en bloquant la
680 La couturire nous a dclar quelle ne parlait pas trop bien la langue italienne, [] surtout avec les Italiens qui parlent trop beaucoup et trop rapidement et quelle avait russi se faire comprise par le patron italien dans un mlange de roumain, ditalien et de communication non verbale.
189 communication de certains mcontentements de la part des employs de latelier de production (par exemple, la dnonciation de lexistence dun systme abusif de pnalisation institu par les dirigeants roumains pour des retards qui, en ralit, ne dpendaient pas des employs mais des retards des transports en communs 681 ). Les employs de production ressentaient parfois ngativement cette impossibilit de communiquer directement avec le propritaire italien cause de la mconnaissance de la langue (litalien, respectivement le roumain).
Ils [le patron italien et les cadres roumains] viennent dans latelier de production, ils organisent des runions, T. [lex-directrice] traduit. Mme si nous le voulions, nous ne pourrions pas parler ; nous avons voulu lui [au propritaire italien] parler pour demander une augmentation des salaires. (M.B., confectionneuse)
Selon les dclarations des ouvriers, la communication verbale directe entre le patron italien et les employs roumains de latelier de production se rduisait les saluer, soit en italien, soit en roumain.
Nous sommes des Bohmiens, des Roumains, des Hongrois, il [le propritaire] est Italien nous navons pas affaire lui. Il salue : "Bongiorno!", et cest tout. (M.B., confectionneuse, dethnie hongroise)
Il [le propritaire italien] entrait, et les [les ouvriers] saluaient. Au dbut, il organisait des runions, jusquau moment o il avait ralis quil navait pas de comptences dans la communication avec des gens dautres nationalits et il ma laiss [organiser et conduire les runions] ; mais, avant, il naimait pas [les runions] il parlait en italien et je traduisais. (T. R., lex-directrice gnrale)
Un autre exemple qui indique une approche dignorance de la diffrence culturelle et une orientation vers lavantage de lentreprise au dtriment des employs est la recommandation faite par le propritaire italien aux cadres roumains demployer des membres de la mme famille, selon le modle italien au prtexte que les employs seraient plus intresss travailler mieux, pour assurer la scurit de leurs emplois dans les conditions o plusieurs membres en sont dpendants financirement. Ce modle demploi est bti aux dpens des ouvriers roumains car la priorit donne lavantage de cot de fait au dtriment de la progression des salaires. Ce principe est souvent invoqu par le patron italien, qui a dclar
681 Dans la runion o on abordait ce sujet, une des confectionneuses a exprim le mcontentement des employs (elle tait leur reprsentante) et la directrice gnrale a refus de faire la traduction en italien, en laccusant, en roumain, quelle mentait. Cette accusation, cumule avec dautres raisons, a attir la dmission de la couturire, dmission annonce pendant la runion. Offense par laccusation de mensonge, la couturire est alle au domicile personnel du patron italien pour le convaincre quelle disait la vrit. Elle a motiv son action par son intention de sauvegarder son honneur et lintrt de linvestisseur : [] Je suis venue seulement pour vous prvenir [la confectionneuse raconte son entretien avec le patron italien] [] parce que linvestisseur est celui qui a perdre et non pas T. [lex-directrice gnrale] ou M. [la contrematresse].
190 tre dispos fermer ou dlocaliser lentreprise pour un cot plus bas, sans prendre en considration dautres avantages quil aurait sil continuait lactivit dans la localit de dpartement de Maramure et les consquences conomiques pour les employs. Les cadres roumains instrumentalisaient la spcificit de la production en systme lohn en le transformant en moyen de motivation pour les employs. Ainsi ils rendaient les ouvriers responsables de la continuit de lactivit de lentreprise en Roumanie, en justifiant ainsi le programme illgal de travail (le Code roumain du travail prvoit un nombre de 48 heures de travail par semaine, y compris les heures supplmentaires, tandis que, pendant les priodes o il y a un grand nombre de commandes et un terme respecter trop court par rapport au volume de marchandise, on travaille environ 12 heures par jour, y inclus les samedis). De mme, les heures supplmentaires permettent aux ouvriers dobtenir un salaire meilleur, ce qui constitue aussi un facteur motivant pour quelles soient acceptes (cest une situation assez rpandue parmi les ouvriers qui travaillent pour des entreprises roumaine qui produisent en systme lohn).
On reste mme jusqu 8 heures du soir, quand on travailler. On ne peut pas dire quon ne reste pas, parce quon travaille en phase : tous ou personne. Les uns dentre nous prfrent travailler plus [] nous avons des querelles. [] Jai touch un salaire de 3200 000 ROL pour les mois des vacances. On accorde 300 000 ROL en plus pour ceux qui ont une anciennet de 3 ans, de 5 ans. [] Pour ceux qui ne veulent pas rester, M. [la contrematre roumaine] dit que lentreprise sera ferme si on nhonore pas les commandes. (M.B., confectionneuse)
La nomination de T.R. comme directrice gnrale a marqu un changement dans le management de lentreprise. On peut parler dun management plus adapt la spcificit culturelle, type de management qui na pas t le rsultat des connaissances thoriques / dune formation dans le domaine de management interculturel, ni mme dune exprience pratique dans une position dirigeante, mais plutt le rsultat dune bonne intuition de la part de la directrice gnrale. Ainsi, lentreprise passe un nouveau stade de son histoire, stade caractris par le mlange dune approche dignorance de la diffrence culturelle et une approche dutilisation (valorisation) de celle-ci. Des exemples illustratifs peuvent tre trouvs surtout dans les modalits de motivation du personnel qui seront diversifies une fois la directrice gnrale nomme dans cette fonction. Par exemple, la manire doctroyer des jours libres pour tous les employs est devenue un important instrument de motivation positive. Ainsi, mme si on travaille immdiatement aprs les Pques orthodoxes (fte religieuse lgale ; dhabitude, la loi accorde deux jours
191 fris aprs Dimanche de Pques), la directrice gnrale a impos comme rgle interne un jour libre avant les Pques, en le motivant par le fait que la grande majorit des employs taient des femmes et elles devaient faire les prparations ncessaires pour cette fte. Un autre exemple est le jour libre accord pour la fte de la Vierge (15 aot). Mme si celle-ci nest pas considre comme frie, dans la rgion elle constitue un vnement important (cest une fte considre importante en Roumanie, surtout dans le milieu rural). Chaque anne, si la fte de la Vierge tombe au cours de la semaine, la directrice accordait ce jour de libre, en rcuprant le temps de travail dans une autre journe. Aprs la dmission de la directrice gnrale (produite dans la priode immdiatement avant le 15 aot), cette rgle informelle na plus t respecte par le contrematre roumain (M.) qui, jusqu la nomination dun nouveau directeur, tait autorise par le propritaire italien soccuper du bon fonctionnement de lentreprise. Cette dcision a donn naissance des mcontentements parmi les employs, surtout dans les conditions o le jour de samedi de la semaine prcdente a t libre (on travaille 3 samedis par mois, dhabitude entre 7-12,30 heures ou plus, en fonction des commandes, le quatrime samedi du mois tant libre): pourquoi nous navons pas travaill le samedi de libre et pourquoi ils nous ont oblig de travailler exactement dans le jour de la Vierge ? (C.I.). De plus, dautres entreprises locales avaient pris en compte cette fte, existant ainsi des cas o dautres membres de la mme famille avaient eu ce jour libre, cette chose renforant, par consquent, la perception ngative des ouvriers de la dcision de la direction de lentreprise. Un autre exemple est le systme de compensation qui est form par le salaire de base (accord en fonction de normes, de paramtres de temps et du nombre dheures supplmentaires) et par des tickets-repas. Ce systme des tickets-repas est trs rpandu en Roumanie, et cest une modalit souvent utilise par les employeurs, car cette pratique nentrane pas le paiement dimpts, ce qui est aussi avantageux pour lemployeur que pour les employs. Au-del de cet avantage mutuel, ce systme de compensation rpond un problme auquel est confront une part assez grande de la population roumaine : laccs aux biens de consommation courante, qui sont perus comme chers au regard des revenus 682 . Les tickets-repas ont t introduits suite lapparition dune nouvelle entreprise dans le domaine de la confection qui attirait les ouvriers de lentreprise X par un salaire meilleur. Cest ainsi que le propritaire italien a introduit les tickets-repas, mme si la directrice gnrale (selon les dclarations de celle-ci) lui avait propos antrieurement cette compensation pour les
682 Le Baromtre dOpinion Publique de mai 2005 indiquait que pour 37% de la population de la Roumanie les revenus par mnage ntaient pas suffisants pour le strict ncessaire, tandis que 39% de la population considrait que leurs revenus taient suffisants seulement pour le strict ncessaire (FUNDATIA PENTRU O SOCIETATE DESCHISA, THE GALLUP ORGANIZATION, Barometrul de Opinie Public, mai 2005).
192 ouvriers, mais il lavait refus pour des raisons de cot. On peut voir comment un facteur dordre conomique (la comptition) a engendr ladoption dune pratique qui pourrait tre considre sensible la spcificit locale et qui est contraire au principe de la baisse des cots. Une autre modalit de motivation est celle daccorder aux employs quelques mtres du tissu qui na pas t utilis dans la production (en gnral, on utilise le lycra ; lentreprise en reoit une quantit suprieure aux besoins pour palier les dfections et, avec le temps, on constitue un stock qui peut tre partag entre les employs) pour tre utilis par ceux-ci selon leurs souhaits. Un jour (samedi), aprs le programme de travail, est destin la confection des objets dhabillement dsirs par chaque employ, en utilisant les machines de latelier de production. Cette modalit de motivation prend en considration la difficult dacheter des vtements ( cause du pouvoir dachat rduit) et le fait quun grand nombre de mnages prservent lhabitude (frquent pendant le rgime communiste) de transmettre les vtements dune gnration lautre ou de recevoir des vtements dj utiliss par des parents (la famille largie) qui ont une meilleure situation matrielle ; on prserve aussi lhabitude de recevoir des vtements de ceux qui sont partis pour travailler ltranger (un phnomne de grandes proportions en Roumanie, spcifique aussi la petite ville de Maramure) 683 . Une autre modalit de motivation, similaire comme raisonnement celle prsente ci- dessus, est la pratique daccorder chaque employ, une fois par an, un maillot de bain. Mme si la rgle prvoit un seul maillot de bain par employ, on a fait des exceptions pour ceux qui avaient une situation sociale considre comme prcaire (par exemple, mre seule, avec trois enfants mineurs). Pourtant, les deux dernires modalits de motivation doivent tre comprises plutt comme une motivation conscutive lintrt montr par la directrice gnrale pour les ouvriers quau sens dune motivation matrielle avec un impact rel. Une autre pratique est celle du prt dargent aux employs sur les fonds de lentreprise (pratique illgale en fait) et de la retenue de la somme sur le salaire 684 . Cest un systme trs semblable celui dacheter des produits crdit (systme pratiqu depuis longtemps surtout dans les petites communauts o fonctionne encore lconomie de bonne
683 Ces observations personnelles sont confirmes par une tude ralise par Liviu CHELCEA et Puiu LATEA : Cultura penuriei : bunuri, strategii i practici de consum n Romnia anilor 80 , publie dans Adrian NECULAU (coord.) Viaa cotidian n comunism, Iai, Polirom, 2004, pp. 152-174. 684 Pratique qui est caractristique non seulement pour lentreprise X, mais aussi, comme nous le verrons, pour lentreprise Y. Moi-mme, jai travaill dans une cole de Rm. Vlcea et dans une entreprise de Cluj-Napoca o cette pratique tait prsente.
193 foi 685 ), encore en vigueur dans la petite ville de Maramure 686 . On peut y identifier la persistance dun systme spcifique la priode communiste o les relations personnelles, laide rciproque, lappartenance un rseau informel assuraient la possibilit de se dbrouiller , mme de survivre (pour plusieurs dtails, voir la section Lthique du travail pendant la Roumanie socialiste de notre thse). Dans notre justification de lencadrement de lapproche du management pratiqu par linvestisseur italien dans la catgorie ignorance de la diffrence culturelle , nous mentionnions le fait que lentreprise ne visait pas des consommateurs /des clients du march roumain. Mais, au-del des clients, il y a plusieurs catgories de partie prenantes (stakeholders) externes viss /intresss par lactivit de lentreprise (les autorits locales, les partenaires daffaires, la communaut locale etc.), dont limportance ne peut pas tre nglige. Ainsi, mme si on ne conoit pas dactivits de marketing pour le march roumain, la directrice gnrale a initi deux activits qui pouvaient tre incluses dans la sphre de la responsabilit sociale : la sponsorisation dune fte locale (Les Journes du Chioar) et la sponsorisation du dplacement dune formation de danses folkloriques en Italie.
Je lai fait pour limage ; on ne peut pas vivre isol, on a besoin de bonnes relations avec le maire parce que cest comme a ; on ne peut pas se dbrouiller tout seul. (T.R., lex-directrice gnrale)
Au-del de crer une bonne image, la directrice gnrale voulait aussi effacer la mauvaise image cre par le comportement de E. (ladministrateur italien) au sein de la communaut locale. On peut voir, donc, de nouveau, lide de la ncessit davoir de bonnes relations pour se dbrouiller , mcanisme largi du niveau personnel au niveau institutionnel. On peut retrouver la base de ce mcanisme la continuation dun principe de fonctionnement typique aux entreprises de la priode communiste : la dpendance de bonnes relations avec les autorits dtat 687 . De mme, on peut identifier un autre lment culturel spcifique : la honte
685 Pierre BOURDIEU, Raiuni practice. O teorie a aciunii, Bucureti, Meridiane, 1999, pp. 128-130, pp. 140- 142. 686 Il y a, par exemple, un magasin alimentaire, situ au centre de la ville, qui pratique depuis plusieurs annes ce systme, les dbiteurs tant enregistrs dans un cahier ; chaque mois, dans le cas des dbiteurs qui reoivent la pension de retraite, laide de chmage ou lallocation pour les enfants par lintermdiaire de la poste la livraison est faite personnellement, au domicile, par un employ de la poste la propritaire du magasin sen retient la somme due, avant que celle-ci soit livre aux gens respectifs, la propritaire du magasin ayant un accord avec lemploy de la poste et avec les dbiteurs.
687 Katherine VERDERY considre quun des principes centraux de fonctionnement du socialisme a t le pouvoir allocateur, entendu plutt dans le sens dune allocation bureaucratique que dune redistribution. Celui-ci a entran la prolifration de la corruption grande chelle et des relations personnelles, qui aidaient les individus obtenir les biens ncessaires. (Katherine VERDERY, Compromis i rezisten. Cultura romn sub Ceauescu, Bucureti, Humanitas, 1994, pp. 48-55.)
194 prouve par lassociation de lentreprise (par lintermdiaire de ladministrateur italien) aux comportements socialement dsapprouvs. Do lessai de rhabiliter lentreprise (plutt les personnes qui travaillaient dans des positions dencadrement, similaires celle occupe par ladministrateur italien) dans les yeux de la communaut (pour viter de faire jaser le monde en roumain : a intra n gura satului qui a un fort pouvoir de sanction morale 688 ). Lopinion de la communaut est importante, mais lintrt pour une bonne image peut se limiter sauver les apparences. Certains aspects de la culture cre dans cette entreprise en sont une illustration.
3.2.2. Lanalyse de la culture dentreprise
Notre dmarche analytique ultrieure reposera sur la structure par niveaux dune culture organisationnelle, propose par SCHEIN (1985). Ainsi, nous analyserons les hypothses fondamentales, les valeurs, les normes comportementales, les modles de comportements, les artefacts et les symboles de lentreprise X. Pour viter le caractre artificiel dune analyse qui respecte strictement les niveaux mentionns antrieurement qui, en ralit, ne sont pas si clairement spars, nous utiliserons ces niveaux uniquement comme des repres. Nous commencerons notre analyse avec le niveau considr le moins profond et le plus simple changer de la culture dentreprise : les artefacts et les symboles. Ce niveau peut reflter (mais pas ncessairement) les hypothses fondamentales dune culture, donc lessentiel de celle-ci. Lespace est amnag dans un btiment situ au centre de la ville. Ce btiment, actuelle proprit de Consum Coop, a t un magasin proprit dtat avant 1989 (magasin universel , o lon pouvait trouver des chaussures, des ombrelles et tout sorte dautres objets inutilisables L.B., habitant de la petite ville de Maramure). Lentreprise est situe au deuxime niveau du btiment, au premier niveau tant situ un restaurant. Lentre dans lentreprise est dote dun interphone, auquel peuvent rpondre seulement ceux qui se trouvent dans le bureau, les cadres donc. Pendant le travail, seuls les visiteurs agrs par ceux-ci ont le droit dy entrer. Un escalier intrieur assure laccs au bureau et latelier de production o lon peut pntrer par un petit hall commun. Sur les
688 Monica HEINTZ souligne aussi le fort dsir de reconnaissance sociale comme une des caractristiques de la socit roumaine traditionnelle et le fait quun grand nombre dactions sont faites seulement pour viter les on- dit et de ne pas se couvrir de honte (de ruinea lumii). (M. HEINTZ, Changes in Work Ethic, p. 179).
195 murs disposs au long de lescalier il y a quelques grandes affiches (de type papier imprim) encadres en bois (genre de dcoration spcifique beaucoup de maisons de la localit de Maramure), qui reprsentent des mannequins habills des maillots de bain commercialiss par lentreprise commanditaire 689 . Le bureau des cadres (utilis notamment par la directrice gnrale) est conu dune telle manire quon puisse surveiller latelier de production, laccs dans latelier et aussi laccs aux toilettes des employs (les cadres ayant des toilettes spares). Cette possibilit de surveillance est assure par les trois murs construits par des carreaux en verre encadrs de bois (modle nid dabeille), qui offrent lavantage de surveiller sans tre vu(e). Nous navons pas russi dcouvrir la raison lorigine de cet amnagement ralis pendant la priode o ladministrateur italien conduisait laffaire en Roumanie ; nous avons seulement le commentaire ironique de T.R. (lex-directrice gnrale) : pour tout pier . En fait, ce commentaire reflte une des hypothses fondamentales de la culture de cette entreprise : lemploy, pour bien faire son travail et ne pas voler du temps de travail ( leur dpart, les employs sont contrls dans leurs sacs main et ils doivent aussi montrer des parties facilement visibles de leur lingerie intime pour que la contrematre sassure quils navaient pas vol de maillots de bain) doit, en permanence, tre contrl, ce qui reflte une hypothses plus gnrale concernant la nature humaine : dans lhomme il y a du mauvais par sa nature. Cette conception attire un management aux tendances autocratiques, qui pratique une trs forte surveillance, le bon comportement des gens tant attribu lexistence dun systme de contrle et non pas a la bont inne de ceux-ci, conception qui peut tre retrouve la base de la Thorie X de MCGREGOR (1960). Un exemple de la manire dont lespace fonctionne en tant quinstrument de contrle est lincident suivant, qui nous a t relat par lex-directrice gnrale : une fois, la directrice gnrale a vu une des employes entrer aux toilettes o elle tait reste environ 15 minutes, fait qui a suscit sa suspicion (car elle souponnait que lemploye fumait, ce qui tait interdit pendant le travail et surtout aux toilettes o un incendie de petites proportions avait clat cause dune cigarette mal teinte, le stock de matriels dposs dans la pice voisine tant ainsi mis en danger). Par consquent, elle a envoy la contrematre pour voir ce qui sy passait, celle-ci dcouvrit que lemploye se maquillait.
689 Nous avons reu aussi un catalogue de prsentation type brochure A5 pour les modles de maillots de bain commercialiss, mais ces catalogues ntaient pas destins au publique roumain, ils ntaient exposs ni mme dans le bureau des cadres. Nous lavons reu comme cadeau , la directrice gnrale ayant quelques exemplaires apports de lItalie.
196 Dans latelier de production, les machines (leur nombre est variable, en fonction des oprations commandes ; en gnral, il dpasse le nombre demploys) sont situes lune derrire lautre ce qui permet de voir si quelquun tourne la tte pour parler au collgue. Les employs ont dvelopp des tactiques pour contourner cette rgle : ils laissent tomber des morceaux de tissu et se cachent derrire la machine sous le prtexte de soulever le matriel, en parlant au collgue le plus proche. Le sigle de lentreprise a t conu par le propritaire italien de jure (nous navons pas eu la possibilit de linterviewer, nous ne savons donc pas quel message il a voulu transmettre). Les couleurs utilises renvoient aux couleurs du drapeau national roumain. Le nom (italien) de lentreprise peut tre interprt de plusieurs manires : soit comme un reflet de lactivit de lentreprise (la production de maillots de bain), en accord aussi avec le nom de lentreprise dtenue en Italie par le propritaire de facto, soit dans un sens logieux relatif la supriorit de lentreprise par rapport dautres entreprises de la rgion, soit dans un sens de prosprit qui vient de lEst (interprtation donne par une des couturires interviews, les autres en dclarant quelle ne se posaient pas cette question), soit dans un sens de prosprit apporte par lentreprise lEst. Une des normes informelles de comportement (mais qui fonctionne avec le pouvoir dune rgle crite) trs spcifique cette entreprise est le silence impos pendant le travail. Comme nous lavons dj mentionn, cette norme vise les employs, les discussions tant permises seulement si elles sont inities par la contrematre, la directrice gnrale ou le propritaire italien (et sa famille). Linterdiction de parler et la sanction applique en cas de violation de cette interdiction (des critiques verbales parfois trs violentes : elle [M., la contrematre] te faisait vouloir mourir C.A., ex-employe confectionneuse) constitue une des principales raisons de dmissions. Interroge sur les raisons de cette norme de comportement, la directrice gnrale a mentionn son dsir dliminer un bruit supplmentaire celui fait par les machines, bruit quelle entendait de son bureau et qui lempchait se concentrer sur son travail et, en plus, pour des raisons de discipline : Je ne voulais pas quil ft ici comme dans dautres ateliers de couture o cest la pagaille, tout le monde parle, on entend des rires, on parle au tlphone [mobile]. (T.R., lex-directrice gnrale)
Mais, une des couturires employes ds le dbut de lactivit de lentreprise nous a dclar que, en fait, la contrematre italienne avait institu cette rgle, parce quelle ne comprenait pas la langue roumaine :
197 Il est interdit de parler, de sortir pour fumer une cigarette, on peut le faire seulement pendant les pauses. En Italie ce nest pas comme a. F. [la contrematre italienne] a contribu ce silence absurde, car elle ne comprenait pas ce quon disait et elle croyait quon se moquait delle. Nulle part comme chez nous. Cest comme au goulag. (C.I., couturire)
On peut voir comment une norme impose autrefois, qui tient la coutume de lentreprise, a t instrumentalise pour servir dautres buts que celui initial. Les comportements gnrs par cette norme du silence oscillent entre la dmission cause de celle-ci et son acceptation, en passant quelques fois par un tat de terreur :
Elle [M., la contrematre roumaine] ma terroris. Pauvre de moi ! Je nai pas pu me lever de ma chaise. Elle riait et se moquait de tout le monde. Elle criait contre toi, elle te faisait ne pas vouloir sortir de la maison. (C.A., ex-employe, confectionneuse)
Il y a une trs grande fluctuation de personnel. Celles-ci [les actuelles ouvrires], je les ai depuis 2 ans, mais je nai pas engages de personnes comme jaurais voulu ; car elles sont venues, sont restes pour quelque temps, mais elles nont pas russi saccommoder et elles sont parties [], elles nont pas russi saccommoder avec la discipline. Par exemple, une personne, qui faisait 52% du temps je considre que a cest bien aprs 2 semaines de travail , est partie sans mannoncer ; elle ma envoy sa carte horaire par lintermdiaire dune de ses collgues et elle ma transmis quelle se retournait lautre fabrique o elle avait travaill plusieurs annes. [] La raison [pour la dmission de cette ouvrire] a t banale : "que je ne leur permets pas de parler au tlphone mobile", "quelles ne peuvent pas parler toute la journe" [la directrice gnrale imitait les paroles de louvrire], des choses comme a [Dans dautres entreprises] elles ne sont payes avec rien de plus, mais l elles ont cette libert [de parler] [qui les poussent quitter lentreprise X]. T.R. (lex-directrice gnrale)
Lacceptation de la norme du silence drive soit de laccoutumance soit dune interprtation positive :
Je ny [dans le silence impos pendant le travail] vois rien de faux. Si je parle, je vole du temps du travail [] LItalien a impos cette norme. Cest un modle europen. Chez nous [en Roumanie] je nai pas entendu de ne pas parler pendant le travail. Mais, en Italie cest comme a. (V.B., confectionneuse)
On peut dchiffrer du commentaire de cette ouvrire une croyance spcifique la culture de lentreprise X : parce que le propritaire est dorigine italienne, il imposera en Roumanie les modalits de travail spcifiques aux entreprises italiennes. Cette croyance est parfois manipule par les dirigeants roumains pour justifier, comme nous lavons dj vu, une srie de normes (le silence, le temps de travail etc.) qui, en ralit, ne sont pas demands par le propritaire italien. Lintrt des employs roumains pour lactivit de lentreprise de lItalie (lentreprise mre) a dvoil parfois la discordance entre la ralit et lapparence, une autre caractristique majeure du contrat psychologique spcifique cette entreprise.
198 Elle [M., la contrematre roumaine] nous a dit ds le dbut de ne pas parler, car les machines faisaient assez de bruit. [] M. [la contrematre roumaine] et A. [ladjointe de la contrematre] ont t l [ lItalie] et elles ont dit que l ctait diffremment, l on pouvait parler. (M.B., confectionneuse)
Le temps [par phase] est venu de lItalie ; il est calcul aprs le temps dune ouvrire qui nest pas trop rapide. (V.B., confectionneuse)
Elle [M., la contrematre roumaine] dit que le temps [par phase] vient de lItalie, mais, en ralit, il peut tre arrang. En Italie on ne sait pas combien de temps est ncessaire, car ils [les patrons] nont pas datelier de couture l-bas, ils y envoient seulement le matriel [en Roumanie]. (C.A., ex-employe, confectionneuse)
Les dirigeants roumains font aussi des comparaisons entre les modalits de travail en Italie et en Roumanie, en expliquant les diffrences entre celles-ci en termes de mentalits .
[] mme si lItalie est un pays dmocratique, le parti ouvrier [de lItalie] est [pourtant] communiste, cest [les ouvriers italiens ont] donc une mentalit communiste. En change, chez nous [en Roumanie], non [il ny a pas une mentalit communiste]. Mme si nous avons t des communistes, nous sommes trs dmocratiques relativement au travail, cest--dire : a beau jeu beau retour [chacun est rcompens en fonction des rsultats de son travail]; je ne suis pas intresse si tu ne sais pas combien je fais [travaille], que tu as plusieurs problmes que moi et que je taide. Non : jai travaill, je veux largent pour mon travail. En Italie, en change, il nest pas de la mme manire. Par exemple, comment on travaille en pourcentage [la manire dont on calcule le temps travaill] : si je fais 120% et toi, tu ne le fais pas non parce que tu ne veux pas mais parce que tu ne le peux pas que 80%, les 20% que jai en plus compensent ce que tu nas pas russi faire pour que tous fassions 100%. Cest comme a chez eux [en Italie], en change, chez nous ce nest pas comme a. Mais cest ton problme si tu as fait seulement 50% et jen ai fait 75%! Il est clair donc que tu toucheras un salaire plus bas que moi. En Italie, non : le salaire est le mme. (T.R., lex-directrice gnrale)
Les affirmations de lex-directrice gnrale, prsentes ci-dessus, sont en contradiction avec la dimension culturelle du collectivisme identifie comme une caractristique de la culture roumaine la suite de ltude initie en Roumanie par Gallup Organization dans le but de lidentification de la spcificit des dimensions culturelles nationales proposes par HOFSTEDE (1980). Car la faon dont la directrice gnrale dcrit et conoit la manire de calculer le temps travaill et son paiement reflte, en fait, une orientation de type individualiste. Les affirmations suivantes contredisent aussi le rsultat de ltude ralise par Gallup :
Jai travaill [dans la Cooprative Viitorul ] depuis 1986 jusqu la priode de la dmocratie [aprs la fin du rgime communiste] quand elle [la cooprative] a fait faillite. Maintenant [aprs la Rvolution de 1989, qui a marqu la fin du rgime communiste] cest plus stressant, car chacun se cramponne sa fonction, chacun tire leau son moulin [trage focul la oala lui en roumain, en original], surtout les patrons. (C.A., couturire)
Cette contradiction vient confirmer la thorie de KIDECKEL (2005) qui considre que dans la priode postsocialiste les relations interhumaines sont caractrises par un mlange de valeurs
199 /pratiques socialistes et valeurs /pratiques capitalistes (pour plusieurs dtails, voir la section Lthique du travail pendant la Roumanie postsocialiste de notre thse). Une autre norme informelle de comportement spcifique la culture de lentreprise X est le tutoiement impos par lex-directrice gnrale entre ouvriers et entre ouvriers et les cadres roumaines. Cette norme se trouve en contradiction avec une norme culturelle plus gnrale : le vouvoiement des personnes plus ges, des suprieurs hirarchiques et des personnes avec lesquelles il ny a pas de relations interpersonnelles proches (on peut parler dune forte diffrentiation entre in-group et out-group). Aussi, on peut dire que cette norme informelle de comportement se trouve en contradiction avec la dimension culturelle nationale dune distance hirarchique forte par rapport au pouvoir. En plus, lhypothse fondamentale qui se trouve la base de cette norme : galit entre tous les membres de lentreprise quelle que soit leur position hirarchique se trouve dans une contradiction profonde avec lhypothse de lingalit que nous avons prsente antrieurement, en gnrant ambigut et tension (spcifiques au contrat psychologique initial, bas sur la discordance entre apparence et ralit). On peut identifier dans cette norme du tutoiement lemprunt de la part de lex- directrice gnrale dun modle considr amricain , trs la mode en Roumanie, modle popularis par des crits dans le domaine du management et du marketing (T.R. tait tudiante en marketing), par des programmes de training dans des domaines tels que la communication, la ngociation, la culture organisationnelle, le leadership, et, fait non ngligeable, par lintermdiaire des media qui inondent de messages dsirants crer une relation personnalise avec le consommateur / client ( Cest toi qui mrite , Cest pour toi etc.). On peut y identifier une forme de manifestation du ftichisme de lOccident qui peut tre rencontr au niveau plus gnral de la socit roumaine. Tout comme linterdiction de parler pendant le travail, le tutoiement a t accept (pourtant cest une norme moins restrictive que celle du silence) mme si, parfois, la gne provoque par la violation dune prescription culturelle persistait : Chez nous [dans lentreprise] il ny pas tant de vous, ici tout le monde se tutoie. 690 (V.B., confectionneuse ;
690 En roumain : Nu ne mai domnim atta, aicea tt lumea i la per tu. Le verbe a se domni nest pas traduisible en franais. Il est spcifique surtout la rgion de Transylvanie, en dsignant le jargon utilis surtout par les individus moins duqus pendant linteraction avec les autorits (y compris lcole, les suprieurs hirarchiques au lieu du travail, les fonctionnaires, les autorits locales etc.). Le verbe drive du nom domn qui dsignait, souvent, une personne qui occupait une certaine position sociale surtout la suite dune ducation suprieure (comme nous le verrons, lducation, et surtout celle de niveau suprieur, constitue une importante source dautorit). Lexistence et lutilisation en soi de ce verbe refltent une grande distance par rapport au pouvoir, dans le sens du HOFSTEDE, en supposant un certain respect pour le statut social de quelqu'un, la reconnaissance de la diffrence de classe sociale, lutilisation dun autre langage, plus officiel, plus polis et le
200 elle parle ironiquement) ou "Dis-moi M. !" [M., la contrematre lui a demand de lappeler par son prnom] Mais je nai pas pu, car je nai pas les mmes tudes! (C.A., ex- confectionneuse). On peut donc identifier lducation (surtout les tudes suprieures) comme une des sources dautorit 691 . Une histoire raconte par lex-directrice gnrale est illustrative : un moment donn, elle a t mise dans la situation dengager comme confectionneuse (en fait, ouvrire non qualifie, en vue de qualification comme confectionneuse) une des ex- professeurs du lyce de la localit. La contrematre lui a appliqu la mme rgle du tutoiement, mais la directrice gnrale en a t profondment drange et a interdit la contrematre de la tutoyer, celle-ci restant la seule employe pendant la priode o elle a travaill lentreprise X qui tait appele madame X . Illustratif, aussi, est le commentaire, qui nous a t reproduit par une des ouvrires interroges, commentaire fait par M. (la contrematre) aprs la dmission de la directrice gnrale : Il sera bien, celui-ci [le nouveau directeur], au moins il a une facult 692 (C.I., couturire) Une autre source dautorit identifie est la comptence professionnelle, son absence constituant un manque de respect.
F. [la contrematre italienne] connaissait son mtier, mais M. [la contrematre roumaine] est comme le musicien qui ne sait pas reproduire une mlodie daprs les notes, mais daprs loue. (C. I., couturire) 693
Une autre source dautorit trs importante est lhumanit (omenia). Mme si la position hirarchique reste une des plus importantes sources dautorit, le manque dhumanit peut la miner.
T. [lex-directrice gnrale a su comment parler tant avec nous quau chef [le propritaire italien], elle a su comment mnager la chvre et le chou, dans la limite des possibilits. M. [la contrematre roumaine] tiendra tte elle aussi, mais les femmes ne la supportent pas. Elle a le style de regarder den haut () On voit que notre chef [le propritaire italien] est plus calme et plus calcul 694 , mais il est
vouvoiement. Mais, au-del du respect, il y a aussi une forme subtile dironie dans lutilisation de ce verbe ; cest donc une forme de parler ambigu qui implique la fois distance et ironie. 691 Comme nous lavons mentionn dans la prsentation de la localit, 17% de la population a suivi des tudes suprieures, une grande partie des agriculteurs ont termin lcole de mtiers ou la filire technologique du lyce de la localit, ayant des diplmes de mcanicien agricole. 692 ce moment-l, la directrice gnrale tait encore tudiante. 693 C.I. raconte son exprience de travail latelier de couture o elle avait travaill pour environ un mois aprs son dmission de lentreprise X. Elle mentionnait le fait que la propritaire de latelier respectif lui avait impos une certaine modalit de coudre quelle avait respectait seulement quand la propritaire avait t prsente. C.I. considrait quelle savait mieux comment faire son mtier. Elle racontait aussi, avec fiert, que le propritaire italien regrettait quelle avait dmissionn, car il tait conscient de la perte dun bon employ . 694 Le propritaire italien est apprci en comparaison avec ladministrateur italien, qui hurlait tout le monde.
201 comme le temps, ainsi que "sole" 695 darde de ses rayons. Il ne serait un homme mchant, si nexistait pas lavarice. Autrement, il est un homme dhonneur. (C.I., couturire)
Elle [M., la contrematre roumaine] te regarde comme si tu es un homme de rien. Pourtant, on ne doit pas te comporter si misrable avec un tre humain. (C.A., ex-employe, confectionneuse)
Si on fait lanalyse des fondements de cette source dautorit, on dcouvre qu sa base est le besoin individuel de reconnaissance sociale, dtre trait avec respect ; quimporte la position hirarchique, chacun mrite le respect de lautre (dtre trait comme un tre humain ) 696 . On peut donc identifier une autre hypothse fondamentale, partage surtout par les ouvriers de lentreprise X, qui se trouve en discordance avec celle de lingalit profonde perue entre les diffrentes positions hirarchiques et avec celle de ltre humain mchant par sa nature qui, pour accomplir ses tches, doit tre strictement contrl et pnalis.
3.2.3. Pratiques de gestion des ressources humaines
Si on dresse une analyse de cette entreprise du point de vue des principales pratiques de gestion des ressources humaines on peut identifier les caractristiques suivantes.
Le recrutement des ressources humaines Une caractristique essentielle du processus de recrutement est lutilisation des relations et des connaissances personnelles et dun systme informel de diffusion des informations concernant les besoins de personnel de lentreprise. Parfois, lentreprise a recours des annonces publicitaires diffuses par la tlvision locale, surtout quand lappel des relations personnelles na pas donn les rsultats attendus, en raison du phnomne dimmigration de la main duvre.
La slection, la formation et la spcialisation du personnel Mme si plus de la moiti des employs (19 de 31 qui ont complt les questionnaires) ont choisi la variante exprience antrieure de travail dans le domaine comme critre qui se trouvait la base de leur slection (question ferme, des variantes de rponses multiples),
695 En original, en italien. Cest une plaisanterie relative une partie du nom compos de lentreprise X. 696 Monica HEINTZ montre aussi que dans la culture roumaine le respect constitue la base de la reconnaissance sociale, tant un de plus recherchs (dsirs) lments dans les relations interpersonnelles. M. HEINTZ, Changes in Work Ethic, p. 179)
202 les interviews ont dmontr quen fait seulement quelques employs avaient de lexprience antrieure dans le domaine de la confection et que mme ceux-ci ont ncessit une formation sur des machines automatises utilises par lentreprise X et pour le travail du lycra. Des critres de slection plus importants que lexprience /la qualification de spcialit semblent tre la volont /la capacit dapprendre et le respect des rgles de travail (une seule personne a donn, quand elle a complt le questionnaire, cette rponse).
Il ne faut pas ncessairement quils [les ouvriers] aient de lexprience antrieure de travail. Au fur et au mesure, nous [les dirigeants] avons ralis que lexprience ntait pas importante, mais lhabilet. Parce que, sils avaient [les ouvriers] 10 ans dexprience dans une fabrique, ils avaient dj la mentalit et la modalit de travailler [spcifiques aux fabriques communistes] 697 et on ne pouvait plus les habituer travailler comme on le dsirait. Et nous avons ralis que, et a sest dmontr graduellement, il serait mieux si on prenait une personne qui navait jamais travaill dans une fabrique et on la formait de la manire quon dsirait. [] Nous avons pris [engag] aussi des personnes jeunes, ges de 18 ans, des personnes qui nont jamais travaill et elles sont devenues les meilleures [ouvriers], parce quelles navaient aucune mentalit. [Nous leurs avons enseign] que le travail est celui qui offre tout, que si on a un emploi, on a, premirement, une occupation et on ne se plafonne pas 100% mais seulement 50% pour ainsi dire; deuximement, on a une assurance de sant, on a une contribution de retraite, de chmage [] et, la fin du mois, on a, en plus, un revenu qui permet un certain bien-tre en comparaison avec les autres [femmes] qui ne font rien. Tu sais, il a fallu, premirement leur enseigner a. Il a fallu leur offrir une motivation pour venir au travail, pour se souhaiter dtre encadres [] Il y a un pourcentage de 30% qui ont travaill dans une fabrique, le reste [des ouvriers] a t form par nous. T. R. (lex-directrice gnrale)
Chaque ouvrier est polyvalente et est capable de travailler sur des machines diffrentes (machine simple, machine deux aiguilles etc.) en fonction de lopration demande (nettoyage, surfil, la mise de llastique etc.). Chaque opration ncessite lintroduction dun code spcifique sur la machine. Les ouvriers savent seulement quelques codes pour des oprations simples, le travail de programmation tant fait par la contrematre. Ces connaissances de programmation deviennent un instrument de pouvoir car la contrematre refuse de former un autre ouvrier. Mme lex-directrice a accept certains abus de pouvoir de sa part et ne la pas renvoye, car il est difficile de trouver une contrematre forme dans le domaine o nous travaillons ; a ncessite quelques annes de prparation. (T.R., lex- directrice gnrale)
Lintgration du personnel Il ny a pas de procdures spcifiques lintgration des nouveaux employs, leur intgration se produit graduellement sur le poste de travail. Avant dtre employes, les personnes slectionnes sont prises lessai pour 2 3 semaines. La priode dessai lgale est de 1 3 mois, lemployeur tant oblig de payer le(s) employ(s). Dans lentreprise X, cette
697 On peut voir de nouveau la manire dont fonctionne le blme de la mentalit communiste .
203 priode nest pas toujours paye Les premires deux semaines ils ne mont pas pay, [car] jai t dbutante. V.B., confectionneuse). Seulement ceux qui seront employs (et seulement parfois) sont prsents par la contrematre aux employs en postes. En gnral, il ny a pas de problmes graves dintgration, car les gens se connaissent entre eux dune certaine manire, les nouveaux employs tant, le plus souvent, introduits dans lentreprise sur la base dune relation avec une employe et grce aussi au caractre communautaire de la localit. Quelques-uns des employs ont mentionn la cration de deux sous-groupes : les nouveaux venus et les vieux employs, mais cette diffrentiation nest pas ncessairement conflictuelle. On peut identifier mme des situations dinitiation de la part des derniers concernant les rgles informelles dactivit (linterdiction de parler, les sanctions appliques dans le cas de la violation de la rgle de travailler plus aprs lhoraire lgal de travail, le comportement envers la contrematre etc.).
La motivation, la compensation et lvaluation du personnel La modalit principale de motivation positive est de nature financire, la rtribution tant accorde en fonction de la norme ralise, des paramtres de temps et du nombre dheures supplmentaires. Les salaires varient entre 250 RON (environ 70) 698 et 600 RON 700 RON (170 200 ). La possibilit dobtenir un salaire plus lev est la principale raison pour laquelle les heures supplmentaires sont acceptes, surtout dans le cas des confectionneuses qui doivent soutenir financirement leur famille (et, comme nous lavons dj mentionn, sous la pression de la menace que lentreprise sera ferme si les commandes ne sont pas honores). En gnral, les salaires sont considrs bas par rapport au volume de travail.
Jai su que les salaires taient plus bas [que dans dautres entreprises]. Pourtant, il est peu, voyant combien on travaille : [je suis paye avec] minimum [le salaire minime sur conomie] maintenant, mais, en travaillant 10-12 heures par jour, je suis arrive 6-7 millions et 20-22 tickets [des tickets-repas]. Il nest pas suffisant. [] En gnral, personne [des ouvriers de lentreprise X] ne gagne de largent. (V.B., confectionneuse)
un moment donn dans lhistorique de lentreprise, il y avait lemploy du mois qui tait rcompens par des loges apports pendant des runions publiques et par une somme dargent. Mme si lex-directrice gnrale a mentionn cette modalit de motivation comme tant encore en vigueur, seuls les employs anciens sen souvenaient.
698 En 2005, le salaire minimum brut par conomie tait de 310 RON (environ 90 ).
204 De plus, il y a un systme de jours libres, comme nous lavons dj mentionn, qui fonctionne comme instrument de motivation positive, ct du matriel reu pour confectionner des vtements usage personnel et du maillot de bain reu annuellement par chaque employ. Aussi, le jour du 8 Mars La journe de la femme (la majorit des employs sont des femmes) est clbr par un dner pay par le patron italien. Un systme informel de pnalisation fonctionne comme modalit de motivation ngative. Par exemple : 3 retards au travail sont sanctionns par llimination de la somme dargent reue pour la navette, mme sil y a un systme dhoraires la carte qui permet de mesurer si le temps perdu a t ou non rcupr. Un autre exemple : la violation de linterdiction de fumer dans les toilettes est punie par lobligation de nettoyer les toilettes pour une certaine priode de temps. Les employs de latelier de production sont valus en fonction de la norme ralise et des paramtres de temps. Chaque ouvrier doit complter un formulaire (scheda voir lemprunt dun mot dorigine italienne) qui contient le nombre dobjets produits et le temps ncessit pour chaque opration (on reoit un temps de travail tabli par le bnficiaire, mais ce temps peut tre ajust si la grande majorit des employs narrivent pas le respecter). Le temps pour chaque phase est calcul en units (ainsi, une minute a 100 units) ; le nombre de pices produites est multipli au temps par phase et le rsultat est le temps effectivement travaill (le temps produit) ; le temps produit se divise avec le temps de travail (en minutes) et le rsultat correspond au pourcentage de temps travaill. Le paramtre de temps minimum est de 65%. Laccomplissement de ce paramtre est demand ds la priode dessai, en fonctionnant comme critre de slection. Si un employ travaille pour une priode plus longue de temps sous ce paramtre et quil ne soit pas connu pour une bonne performance antrieure, il est licenci. Les opinions des cadres et celles des employs concernant la norme et le temps accomplir sont diffrentes. Ainsi, la directrice gnrale considre que cest un temps assez facile respecter , tandis quune partie des ouvriers le considrent comme un facteur de stress :
On reoit un temps [par les entreprises concdantes] pour chaque article, temps qui devrait tre moyen, car on prend en considration le fait quon va aux toilettes, quon doit changer le fil coudre etc. Les temps morts y sont inclus aussi. Cest, donc, un temps assez facile respecter. Il est vrai, il y a le danger que le temps soit tabli selon une ouvrire rapide et que les ntres [les confectionneuses] ne puissent pas suivre. Mais, en gnral, elles respectent le temps imput. [] Au dbut, elles [les confectionneuses] taient trs, trs stresses par le temps, maintenant elles ne le sont plus. Elles ont ralis que la qualit est importante. La rentabilit maximale pour tous les employs est de 92%. (T.R., lex-directrice gnrale)
205
Pendant les runions, on discute le programme, le pourcentage nous lavons dpass toujours. Mais, ce nest pas facile. On nous donne un temps et cest du stress quand on donne du temps : [sont demandes] rapidit et qualit aussi. [] On a eu des situations o personne navait russi raliser la norme. (V.B., confectionneuse)
Mme si les ouvriers compltent eux-mmes leur scheda, ils nont pas la possibilit de tricher, car les machines indiquent le temps travaill et le nombre total de pices reues pour la production est strictement comptabilis. Au dbut, ils crivaient des pices en plus, mais ils y ont renonc, car ils ont ralis quils ne pouvaient pas tricher. T. R. (lex-directrice gnrale) La qualit du travail est aussi value et les employs qui ont trop de rebuts doivent les corriger la maison et les apporter le lendemain. Le systme dvaluation constitue un fort systme de contrle, et est souvent, daprs les dclarations de certains ouvriers interrogs, utilis abusivement par la contrematre. Soit elle tabli un temps trop court pour lexcution des oprations, soit elle modifie la baisse le temps pass par les employs dans leur scheda ce qui influene la rmunration des employs (do, le plus souvent, un comportement dobissance de leur part).
Elle [la contrematre roumaine] a le toupet de se servir linfini de sa fonction [] Quest-ce quelle peut faire ? Elle te sape du temps : le pourcentage, les heures supplmentaires. () Les filles ne sont pas solidaires, elles ne connaissent pas leurs droits : [voyez-vous] les gens sont des frres et ils ne ressemblent pas les uns aux autres (C.I., couturire)
La communication. La communication (verticale) est essentiellement orale. Comme nous lavons dj mentionn, cest une communication de haut en bas, une caractristique de lentreprise tant le silence impos pendant le travail (seuls les cadres ont le droit de sadresser aux employs). Les employs ont le droit de parler entre eux seulement pendant les pauses (cumulative, il y a environ 50 minutes pendant une journe de travail). La communication de bas en haut se fait, en gnral, dans le cadre formalis des runions (au cas o lopinion des employs est demande, car la plupart des runions sont de nature informative surtout concernant les commandes raliser). Au cas o le patron italien est prsent, la communication est ralise par lintermdiaire dun traducteur (lex-directrice gnrale, la contrematre). La directrice gnrale accordait aussi la possibilit dtre contacte dans son bureau par les employs pour des problmes prcis (surtout de nature personnelle). Les admonestations sont faites, aussi, en priv, dans le bureau des cadres.
206 La promotion La structure organisationnelle de lentreprise noffre pas beaucoup de possibilits davancement sur lchelle hirarchique. Les seules possibilits, jusquau moment o nous avons ralis notre recherche, consistaient, thoriquement, dans lavancement dun des ouvriers de latelier de production vers le poste dadjoint de contrematre (lactuelle contrematre a t initialement confectionneuse et elle a t forme par la contrematre italienne pour lui succder) et de la contrematre sur la position de directeur gnral (mme sil y avait cette possibilit la suite de la dmission de la directrice gnrale, la contrematre a gard sa position car sur le poste de directeur gnral a t nomme une personne extrieure lentreprise). Les conflits On peut parler dun climat organisationnel caractris par des conflits ngatifs, latents, destructifs. la base de ces conflits il y a le type de contrat psychologique cr entre employeur et employs, contrat bas sur la discordance entre apparence et ralit et sur lexistence de prsuppositions fondamentales contradictoires. Un conflit latent qui, jusqu la fin, a clat sous la forme de la dmission de la directrice gnrale, suite un diffrend avec le patron italien. Les principales raisons de mcontentement de la part de la directrice gnrale taient : le manque dintrt du propritaire italien pour le bien-tre de lentreprise en Roumanie, celui-ci en accordant toujours la priorit lavantage cot ( () il est le type de lavide du systme de lohn. , T.R.) ; limplication a minima du propritaire italien dans la direction effective de lentreprise ( il vient une fois par mois et seulement pendant les week-ends ) ; le refus du propritaire italien dlever les salaires tant pour les employs que pour la directrice gnrale (son salaire official tait de 550 RON (environ 157 ) et elle recevait encore 250 qui ntaient pas enregistrs dans la comptabilit, pour viter la fiscalit). La cause majeure de ce conflit a t linstallation dInternet sans laccord du propritaire italien. Par consquent, celui-ci lui a demand de rembourser labonnement Internet et de payer, aussi, le temps vol sur le temps de travail pour naviguer sur Internet (il la estim la valeur du salaire de T.R. pour deux mois ; T.R. soutient quelle na jamais navigu sur Internet pendant lhoraire du travail, seulement aprs.) Dans ces conditions, T.R. a dmissionn (elle avait dj lintention le faire, pour aller se marier et travailler ltranger, mais seulement dans quelques mois). Elle na pas annonc sa dmission aux employs.
207 [] pour quelles [les confectionneuses] doivent rester l ; elles ont un salaire sr et les contributions sociales payes. Elles ne doivent pas partir si je pars, quelles supportent tant quelles peuvent et quelles restent tant que a [lentreprise] marche. (T.R., ex-directrice gnrale) Selon les dclarations des ouvriers interrogs, la dmission de T.R. a t annonce aux employs par la contrematre, sans quelle prcise les raisons, sans les informer sur la future situation de lentreprise. Un nouveau directeur a t nomm, mais celui-ci na pas t prsent aux employs, au moins au dbut de son activit, ceux-ci seulement lont vu dans le bureau. Ce type de comportement envers les employs, dans une situation de crise pour lentreprise, renforce lhypothse fondamentale pour la culture de lentreprise X conformment laquelle les ouvriers sont des simples excutants dont le seul rle est dtre productifs. Les employs ont assum aussi cette attitude et, par consquent, ils ne sidentifient pas avec lentreprise et y restant non pour des raisons de loyaut, mais pour des raisons conjoncturelles, tels quun salaire plus lev que dans des entreprises similaires, les bnfices dun contrat de travail lgal ou la proximit physique de lentreprise par rapport aux logements personnels.
Il semble un emploi stable ; tant que a marche, je marche. Je me suis habitue ici, il est proche [par rapport son logement], et, dans la couture, il ny a pas o aller ailleurs contrat de travail et un salaire meilleur. (M.B., confectionneuse)
Je ne me vois pas en travaillant ici pour des annes. Mais, chaque jour a son souci. (V.B., confectionneuse)
Si [lentreprise] a dure encore 4 ans, il sera bien, si une autre [entreprise] vient, ce sera la mme chose. La manire dans laquelle largent vient nest pas importante. Tant que a marche, les gens y iront. (C.I., confectionneuse)
On peut donc identifier une autre caractristique du contrat psychologique cr entre employeur et employs dans le cas de lentreprise X : une relation bas sur un calcul rationnel rciproque.
3.3. Synthse
On peut donc voir que le degr de dpendance des employs par rapport lentreprise nest pas si lev, contrairement ce que laissent entendre les statistiques qui montrent quune
208 grande partie de la population recherche la stabilit dans le choix dun emploi 699 et les rsultats de ltude du Gallup qui indiquent un fort vitement de lincertitude. Cest vrai, il y a une recherche de stabilit, mais lentreprise nest pas la seule source de stabilit, car les stratgies de vie sont beaucoup plus complexes (cumul de plusieurs sources de revenu). Par exemple, lex-directrice gnrale avait en vue un futur mariage en Allemagne, une grande partie des employs soit sont partis, soit partent encore pour travailler ltranger. Dans ce sens-l, lobservation de Richard ROSE quen Roumanie les individus ne sattendent pas vivre seulement des ressources obtenues dun seul emploi, mais par laccumulation des ressources dun portefeuille dconomies (voir la section Lthique du travail pendant la Roumanie postsocialiste de notre thse) est trs pertinente. Le Baromtre dOpinion Publique de mai 2005 indiquait aussi que dans 48% des mnages interrogs il y avait quelquun qui soccupait du travail agricole, destin seulement lobtention des produits pour la consommation dans le cadre de la famille, 56% des mnages avaient dans leur proprit un potager, un verger, un vignoble etc. et 51 % levaient des btes, tandis que 21 % dclaraient que presque un quart des produits alimentaires consomms par mois taient obtenus dans le cadre du mnage ou reus par des parents, des amis etc. 700
En plus, la grande majorit de la population rurale ne doit pas payer de location pour un logement, car les gens soit habitent avec les parents, parce que le modle de la famille largie y fonctionne encore, soit ils ont des logements en proprit personnelle, achets avec largent obtenu en cadeau de mariage. Semblable la priode communiste, largent continue tre une condition ncessaire, mais pas suffisante 701 .
Plutt je travaille dans lagriculture que je reviens ici [ lentreprise X]. (C.A., ex-employe, confectionneuse)
Cette indpendance des employs par rapport lentreprise (indpendance relative, car on ne doit pas oublier les employs pour lesquels lentreprise constitue la seule source de revenu) mine en quelque sorte le principe du cot le plus bas possible qui gouverne la production en systme TPP. De mme, on ne peut pas dire quil y a ce quon peut nommer pression malthusienne , la concurrence pour ces emplois tant rduite, parce que la densit de la population est faible par rapport la ville, la faiblesse des infrastructures de transports rduit
699 38% de la population investigue tait totalement daccord et 31% partiellement daccord avec laffirmation : Il est mieux davoir un emploi stable, mme si mal pay, que davoir un emploi bien pay, mais instable. (Barometrul de Opinie Public, mai 2005, p. 10.) 700 Barometrul de Opinie Public, mai 2005, p. 14, p. 15. 701 Gail KLIGMAN, Nunta mortului. Ritual, poetic i cultur popular n Transilvania, Iai, Polirom, 1998, p. 189.
209 la concurrence des habitants des rgions voisines. Pour ces raisons, les personnes qui ont dmissionns et qui ont voulu revenir ont t rembauches (cette situation est frquente aussi dans des autres entreprises tudies). Les tickets-repas ont t introduits lorsquun nouvel atelier de couture sest implant et a offert des salaires plus levs et a cherch dbaucher de la main doeuvre. Nous argumentions que lignorance de la diffrence culturelle tait due, partiellement, la spcificit de la production en systme TPP de lentreprise. Il ressort de notre enqute que lon doit prendre en compte la spcificit culturelle de la rgion o on implante lentreprise (faible mobilit des facteurs) et que mme la production de type lohn, pour fonctionner efficacement, doit tre adapte. En outre, la durabilit des cots bas de production dpend de la rapidit de la modernisation et des volutions dans les attentes des gens du milieu rural concernant la qualit de la vie et les habitudes de consommation 702 .
4. Etude de cas : lentreprise Y du secteur du bois
4.1. Lhistorique de la constitution de lentreprise
Lentreprise Y est une PME dont le capital souscrit est intgralement priv, 99% dorigine italienne et 1% dorigine roumaine, les investisseurs tant des personnes physiques. Constitue en 1993, son objet principal est lusinage du bois brut. Les bnficiaires des produits semi-finis (planches, parquet, des briquettes combustibles) sont cinq entreprises italiennes ; celles-ci sont les clients de lentreprise Y depuis sa constitution. En 2004, le chiffre daffaires de lentreprise se situait entre 100 000 et 500 000. Sa structure organisationnelle comprend : un propritaire, dorigine italienne, une associe, dorigine roumaine, une comptable, deux chefs dquipe et 41 ouvriers 703 (dans leur grande majorit des ouvriers non qualifis).
702 G. KOLUMBAN, op. cit., p. 83. 703 Conformment aux informations offertes par le site du Ministre de Finance pour lanne 2005 (http://www.mfinante.ro/contribuabili/link.jsp?body=/bilant.do, consult le 17 aot 2006). Comme nous le verrons, le nombre demploy officiellement dclar ne correspond pas aux nombres dclars par lassocie roumaine.
210 La constitution de lentreprise dans une priode o les investisseurs trangers manifestaient encore de la rticence investir en Roumanie peut tre explique par le fait que linvestisseur italien connaissait dj la Roumanie car il faisant des affaires dj sous le rgime communiste. Aprs la fin du communisme, linvestisseur italien a commenc chercher dautres opportunits dinvestissement. La raison pour laquelle la petite ville de Maramure a t choisie pour y crer lentreprise a t la prsence du bois dans la rgion et son faible cot (comme dans le cas de lentreprise X, linvestisseur italien a t inform sur le potentiel de la rgion par une connaissance personnelle). De mme, une autre raison qui a pouss linvestisseur continuer faire des affaires en Roumanie a t le cot bas de la main duvre et, en plus, la faible concurrence existante. Initialement, le capital de lentreprise a t intgralement dorigine italienne, mais la possibilit pour linvestisseur italien dobtenir, par la loi, le droit de proprit sur le terrain et sur les btiments o lentreprise avait son sige social, seulement sil avait un associ citoyen roumain, la incit a proposer sa secrtaire de devenir son associe ; prsent, celle-ci dtient 1% du capital de lentreprise. Comme dans le cas des entreprises X et Z, lentreprise Y est conue comme une affaire de famille, la fille de linvestisseur italien tant enregistre, officiellement, comme associe ; mais, en fait, elle nest pas du tout implique dans lactivit de cette entreprise.
4.2. Lanalyse des lments de management interculturel
4.2.1. Lorientation managriale par rapport la diffrence culturelle
Lanalyse des lments de management interculturel a rvl une orientation du management vers lutilisation (la valorisation) de la diffrence culturelle (approche sensible la spcificit locale). Cette approche distincte de celle de lentreprise X o on a pu identifier des lments dignorance de la diffrence culturelle mls des lments qui montraient une approche sensible la spcificit locale peut tre interprte comme le rsultat de lexprience antrieure de linvestisseur italien dans la pratique des affaires en Roumanie. En effet, celui-ci tait dans le secteur du bton arm pendant le rgime socialiste. Une tude ralise parmi les
211 directeurs des ressources humaines avec exprience internationale de travail a montr que les entreprises qui ont un plus grand nombre dannes dexprience internationale ont des pratiques plus diverses dans le domaine du management des ressources humaines, en conformit avec les demandes locales et rgionales, tandis que les entreprises qui sont moins exprimentes dans le travail sur le plan international sont plus ethnocentriques dans leur approche de la ressource humaine, considrant quun seul type de pratiques dans le domaine de management des ressources humaines est valable partout dans le monde 704 . Mme si les entreprises X, Y et Z nont pas un dpartement formalis dans le domaine du management des ressources humaines, nous avons constat que les rsultats de cette tude se vrifient aussi dans leur cas. Outre lexprience antrieure de linvestisseur italien en Roumanie, une autre explication de cette approche, qui pourrait tre considre comme sensible la spcificit locale, serait, en fait, une acceptation de la manire dont les employs roumains travaillent, mme si cette manire ne correspond pas ncessairement aux conceptions de linvestisseur italien. Les processus de recrutement, slection et intgration du personnel, comme dans le cas des entreprises X et Z ( lexception du processus de slection dans le cas de lentreprise Z), sont dans une trs grande mesure influencs par la spcificit culturelle de la rgion. Ainsi, pour le recrutement du personnel on utilise les deux mmes mthodes : lannonce publique des employs sur le besoin de personnel de lentreprise et lannonce publicitaire diffuse sur le poste local de tlvision. Tandis que la premire mthode de recrutement est influence par des facteurs culturels, la deuxime est influence par des facteurs socio-conomiques spcifiques la rgion. Ainsi, la premire mthode prend en considration le caractre de communaut traditionnelle de la petite ville de Maramure o linformation est propage par un systme de communication informel, bas sur des relations personnelles. Ce systme pourrait aussi tre considr comme un prolongement des pratiques du rgime socialiste o laccs aux informations importantes (vitales parfois) tait assur par lintgration dans des rseaux largis de relations personnelles. La plus grande majorit des employs de lentreprise sont embauchs la suite dune information reue par ce systme de communication informel. Par exemple, lassocie roumaine a t initialement employe comme secrtaire, elle a entendu parler de lentreprise
704 R.-S. SCHULER, P.-J. DOWLING, H. DE CIERI, op. cit., pp. 752-753.
212 Y par quelquun de connu et presque tous les employs interviews ont mentionn cette source dinformation. Il y a aussi des cas o les employs ont vu , en passant, lentreprise et ils ont demand lassocie roumaine (aprs stre informs, aussi laide des connaissances, sur celui qui dirigeait lentreprise) sil ny avait pas besoin de personnel. Ainsi, de manire informelle, on a constitu une sorte de base des donnes avec des employs potentiels.
Aprs 1989 [la Rvolution de 1989 qui a marqu la fin du rgime communiste], jai travaill Carom [entreprise de la petite ville de Maramure qui produisait de la moutarde], mais celle-ci a t ferme. Carom se trouvait prs de lentreprise de lItalien () Je suis alle parler S. [lassocie roumaine] () Je connaissais sa mre car nous avions fait ensemble la navette [au temps du rgime communiste] Baia Mare. (D.R., ouvrire)
La mthode de recrutement par des annonces publicitaires diffuses sur le poste local de tlvision est utilise seulement au cas o lentreprise na pas russi attirer le nombre dsir demploys. Cette situation est dtermine par le fait que la petite ville est confronte lmigration de la main duvre et il ny a pas dinfrastructure ncessaire qui assure le dplacement de la main doeuvre des villages voisins dans cette localit. En plus, on ne doit pas oublier la concurrence de la part des autres entreprises qui ont besoin douvriers non qualifis (voir la section Courte prsentation de la rgion de notre thse). La mthode de recrutement du personnel par lintermdiaire du systme informel de communication est troitement lie au principal critre de slection de celui-ci: la relation personnelle, critre qui fonctionne mme dans une plus grande mesure que dans le cas de lentreprise X, en dpassant, parfois, mme un autre critre pris en considration en vue de lemploi : le srieux .
Il y a beaucoup de critres [de slection], mais si on a besoin, il faut le prendre [employer], mme sil est un alcoolique, car tu le connais [] Les femmes sont plus srieuses [que les hommes] (S.L., lassocie roumaine)
Le srieux na pas une dfinition trs claire (par exemple, les interviews des employs de lentreprise X ont rvl comme un des sens attribus au mot srieux le respect des promesses, le paiement temps des salaires et le travail lgal). Indiffremment du sens attribu, le srieux est valoris positivement, en constituant une source dautorit et de respectabilit. Nous lavons rencontr (dans son sens de respect des promesses) aussi en association aux strotypes nationaux, ngatifs ou positifs, dans le cas de toutes les trois entreprises tudies.
213 Normalement, cest une grande diffrence entre un Italien, un Allemand et un Hongrois par rapport un Roumain. Car sils [lItalien, lAllemand, le Hongrois] ont promis quelque chose, ils tiennent leurs promesses. De ce ct-ci [les Roumains], on parle beaucoup, mais on ne fait rien. (S.L., lassocie roumaine)
On peut voir de nouveau, comme dans le cas de lentreprise X, comment le strotype ngatif plus gnral concernant le srieux des Italiens est contredit. Et aussi on peut rencontrer le mme strotype national du manque de srieux concernant les Roumains (celui-ci est aussi un strotype assez rpandu en Roumanie). Egalement, les paroles de lassocie roumaine peuvent tre interprtes comme une forme de manifestation de la valorisation positive de lOccident qui, comme nous lavons dj mentionn, est un phnomne rencontr au niveau plus gnral de la socit roumaine post socialiste. Une pratique assez commune pour lentreprise Y est le travail informel. Pourtant, celui-ci ne constitue pas une raison pour lapparition du strotype national ngatif concernant le srieux ou le manque d humanit (omenia) des Italiens, les ouvriers impliqus dans cette forme de travail en le justifiant par le manque dintrt des cadres (en gnral, non seulement dans le cas de lentreprise Y) pour le bien-tre des ouvriers. Nous considrons que, dans certains cas, lapparition de ces strotypes nationaux ngatifs lgard des Italiens est contrainte par le calcul rationnel qui gouverne la relation employeur-employes, car une partie des ouvriers qui travaillent de faon informelle tirent aussi des bnfices de ce type de travail (pour plusieurs dtails, voir la description des pratiques de management des ressources humaines de lentreprise Y). Le processus dintgration des nouveaux employs est, son tour, influenc par le caractre de communaut traditionnelle de la petite ville de Maramure car, son entre dans lentreprise, le nouvel employ connat, directement ou indirectement, une grande partie de ses collgues. Il y a aussi des cas o plusieurs membres de la mme famille travaillent dans lentreprise (des frres, mre et fille, belle-mre et belle-fille). Mais, loppos de lentreprise X, linvestisseur italien na pas fait de recommandations explicites concernant lemploi des membres de la mme famille et quand lentreprise a t confronte la ncessit de la rduction du personnel, il a choisi de licencier les membres les plus jeunes de la famille, dcision motive par la plus grande difficult pour les anciens de trouver un autre emploi. De mme, nous avons rencontr un cas (les personnes impliques dclaraient que ctait le seul dans lentreprise) o la direction de lentreprise avait accept que la belle-mre (retraite, mais qui par la loi a le droit de travailler temps partiel) partaget le travail avec sa belle-fille, afin que toutes les deux bnficient de salaire et en mme temps quelles soccupent de
214 lducation de lenfant de la dernire. Ce type darrangement leur permet de rsoudre aussi des problmes dordre personnel. Mme si lassocie roumaine dclare que toutes les dcisions concernant lentreprise sont le rsultat dun processus consultatif entre elle et linvestisseur italien, elle reconnat quen fait celui-ci a le pouvoir final de dcision : Il est, finalement, cappo di tutti capi (S.L., lassocie roumaine). On peut identifier des strotypes de genre pour la motivation dun pouvoir plus grand de dcision de linvestisseur italien : () il est homme et il a aussi de lexprience pour faire des affaires (S.L., lassocie roumaine). Les ouvriers considrent que celui qui dirige effectivement lentreprise est linvestisseur italien, mme si leurs interactions quotidiennes sont dans leur grande majorit ralises avec lassocie roumaine (linvestisseur italien, mme sil habite en Roumanie, Baia Mare, passe seulement quelques heures dans lentreprise par semaine). Les interviews des ouvriers et lobservation personnelle ont rvl une autorit diminue de lassocie roumaine parmi les employs, une des principales raisons mentionnes par les ouvriers tant le manque de qualification/comptence professionnelle de celle-ci, double de la perception dune relation amoureuse entre celle-ci et linvestisseur italien. On peut voir, pareillement aux rsultats de la recherche effectue dans lentreprise X, que la comptence professionnelle constitue une importante source dautorit. Ainsi, les chefs dquipes sont les plus respects par les ouvriers pour leur comptence professionnelle. De mme, ils sont respects parce quils savent () comment parler aux gens et pour leur humanit (omenie) (sources dautorit identifis aussi dans le cas des entreprises X et Z). Lhumanit (omenia) est aussi apprcie positivement dans les cas de lassocie roumaine et de linvestisseur italien, celle-ci tant perue en se manifestant sous la forme de lemprunt accord aux employs (cest le systme de crdit que nous avons prsent en dtail dans le cas de lentreprise X) pour rsoudre des problmes personnels ou de sant ou sous la forme dargent accord pour des rituels communautaires considrs comme important dans la vie dun individu : les noces (personnelles ou des enfants de quelquun), le baptme des enfants ou lenterrement des parents proches. Une pratique de lentreprise Y, assez commune pour les entreprises /institutions de la Roumanie, est la constitution, au cas o un employ est sujet dun des vnements sociaux mentionns antrieurement, dune sorte de fond commun o les membres dune entreprise dposent, volontairement, une somme dargent (une phrase utilise assez souvent dans ces situations est : chacun donne en fonction de ses possibilits et de son intrt ) qui sera livre lemploy respectif;
215 gnralement, on attend que les cadres dposent une somme dargent plus importante que le reste des employs.
Si on a besoin de faire quelque chose, par exemple daller chez le stomatologue, S. [lassocie roumaine] nous donne de largent et puis elle le tire [retient] du salaire ; elle est une brave femme () Quand quelquun meurt, on collecte de largent. LItalien, le patron, il met un million de lei et le reste [les employs] ce quils peuvent ; il est un brave homme. (D.R., ouvrire)
La dcision de linvestisseur italien de licencier les membres les plus jeunes dune famille dans les cas o plusieurs membres de la mme famille travaillaient pour lentreprise a t aussi apprcie positivement par quelques-uns des ouvriers, qui ont vu une manifestation de son humanit . Egalement, la pratique daccepter que les employs qui sont partis pour travailler ailleurs reviennent dans lentreprise Y est vue, par les ouvriers, comme une manifestation de lhumanit de lassocie roumaine et de linvestisseur italien. Des interviews des ouvriers il ressort que linvestisseur italien emploie lui-mme dans son discours largument de lhumanit (de son humanit ) quand il est mis dans la situation daccepter le retour dun employ.
Vous avez cru quailleurs ctait mieux [que dans lentreprise Y]. Voyez-vous, si jtais un homme mchant, je pourrais ne pas vous reprendre [recevoir travailler de nouveau pour lentreprise Y] [] (Z. A., ouvrire, en racontant un pisode de retournement dun employ) 705
Lemploi de cet argument montre combien le management de lentreprise est adapt la spcificit locale car linvestisseur italien utilise un argument conforme la logique de ses employs. De mme, nous avons pu identifier une autre source dautorit de linvestisseur italien, que nous navons pas rencontre dans les deux autres entreprises tudies : la popularit ( tre populaire ). Cette source dautorit renvoie en quelque sorte au charisme, mais elle est aussi lie la transgression de la distance hirarchique de la part de ceux situs sur des positions hirarchiques suprieures. Cette transgression est perue par les employs comme un signe de respect et dintrt pour eux (ceux-ci sont des comportements aussi positivement valoriss parmi les ouvriers de lentreprise et au niveau plus gnral de la communaut locale). Ainsi, linvestisseur italien parle aux ouvriers pendant les visites rendues dans latelier de production, il montre de lintrt pour leurs problmes, tant professionnels que personnels, et une grande partie des ouvriers ont dclar quils se sentaient plus laise de lui parler que
705 Les paroles de linvestisseur italien sont reproduites par louvrire roumaine qui imitait la manire dont celui- ci parlait (avec des fautes) en roumain : Crezut c n alt parte mai bine. Vzut, dac io om ru, pot s nu mai iau pe tine [] .
216 de parler lassocie roumaine. En plus, il organise des dners (dans latelier de production) diverses occasions (journe de la femme, la fin de lanne, etc.) qui prennent un degr dinformalit assez haut dans les relations avec ses employs.
Nous avons fait la fte pour la fin de lanne [pour clbrer le Nol et le Rveillon] dans notre chre halle [elle parle ironiquement]. Lentreprise paie tout [pour la fte]. Nous avons reu des cadeaux italiens [dorigine italienne] achets de Metro [] Il ny avait pas trop dapritives. Nous avons eu un ordinateur avec [qui jouait] de la musique folklorique. Je suis alle avec la fille [sa petite-fille]. D. [linvestisseur italien] danse avec tout le monde, en cercle, [manire de danser en groupe], il [D]. est trs populaire. (Z. A., ouvrire)
Cette description de la manire dont se droule un rituel organisationnel de clbration est aussi trs illustrative pour le degr de ladaptation du manager italien la spcificit locale. Une autre explication possible du manque dautorit de lassocie roumaine parmi des employs est son jeune ge (environ 25 ans) dans la mesure o il y a des ouvriers plus gs. Car une norme plus gnrale de comportement spcifique la rgion est le respect pour les plus gs et lhypothse dune autorit professionnelle /morale de ceux-ci, autorit qui nest pas le rsultat de leur comptence professionnelle ou de leurs qualits personnelles, mais de leur exprience de vie. Le fonctionnement de cette norme de comportement, nous lavons identifi aussi dans le cas de lentreprise X. Lappartenance la mme gnration que la plus grande partie des ouvriers a facilit lexercice du contrle de la directrice gnrale de lentreprise X, mais il est plus difficile dans le cas de lentreprise Y o il y a des diffrences de gnration plus grandes entre lassocie roumaine et les ouvriers. De mme, plus que dans le cas de lentreprise X, dans lentreprise Y la diffrence dge prend la forme de la diffrence, ngative, de mentalit entre ceux qui ont travaill pendant le rgime socialiste et ceux qui ont commenc travailler pendant la priode post-socialiste (pour plusieurs dtails, voir la section Lthique du travail pendant la Roumanie postsocialiste de notre thse). Une autre source dautorit/respectabilit est la moralit perue de quelquun. Ainsi, une des raisons du manque de respect parmi les ouvriers envers lassocie roumaine est, comme on la dj mentionn, la perception dune relation amoureuse entre elle et linvestisseur italien. Cette relation est considre comme tant lorigine de son avancement de la position de secrtaire celle dassocie, avancement qui nest pas considr justifi dans la mesure o lassocie roumaine () ne sait rien concernant les affaires avec bois . En outre, une autre raison qui mine lautorit de lassocie roumaine aux yeux des travailleurs est
217 la perception du fait quelle a oubli ses origines () elle a oubli do elle tait partie 706
(C. A., travailleuse) et de son comportement hautain .
Pauvre S. [lassocie roumaine] est dbine par tout le monde : quelle se donne des airs, quelle se croit intelligente, quelle est orgueilleuse [] Elle est arrive ici [sur la position dassocie] car elle est lamante de litalien [linvestisseur] [] Il la garde [comme amante] parce quelle est une gogo ; il ne la mne pas dans le monde, elle va toute seule au bord de la mer. Cest piti que de la voir comme a. (C. A., ouvrire)
On peut voir de nouveau, comme dans le cas de lentreprise X, la manire dont fonctionne le pouvoir de sanction morale des on-dit (gura satului). Mme plus que lentreprise X et lentreprise Z, lentreprise Y est une rplique petite chelle des relations humaines spcifiques la communaut traditionnelle qui est la petite ville de Maramure. Ainsi, on peut retrouver le cancan et la rumeur comme formes principales de communication et de socialisation et, aussi, lattitude ambivalente envers la moralit . Car, ce qui est sanctionn par la communaut ne semble pas tre le manque de moralit mais son affichage. Car, en mme temps que le comportement de lassocie roumaine est blm et constitue un des sujets prfrs des cancans, des petits jeux rotiques /flirts sont initis entre les ouvrires et un des chefs dquipe pendant le programme de travail. son tour, ce flirt na pas chapp la sanction morale du petit village quest lentreprise Y. Une des ouvrires impliques dans un flirt a quitt lentreprise suite aux reproches faits par une de ses collgues et des cancans. En dpit de ces incidents , les sujets de conversation entre les ouvriers sont, dans leur plus grande majorit, de nature personnelle. Notre exprience personnelle avec les interviews, pendant la recherche, nous a dmontr quen fait ces sujets de conversation qui pourraient tre considr comme personnel taient, en fait, la manire habituelle de parler entre gens. Ainsi, on cre trs rapidement une sorte de familiarit qui en fait est, dans une trs grande mesure, impersonnelle. Mais, en dpit de cette familiarit au niveau des conversations, en ralit il y a une sparation trs nette entre la famille (largie) et ceux qui ne font pas partie de la famille. Limpression que lentreprise Y est une rplique petite chelle de la communaut traditionnelle de Maramure est amplifie par la distribution des rles selon le genre ce qui
706 Une des dclarations des interviews a t celle que lassocie roumaine, en fait, tait initialement employe comme ouvrire non qualifie et seulement aprs elle tait devenue secrtaire ( la suite de la relation amoureuse avec linvestisseur italien) et, ensuite, associe. Mais nous navons pas russi tablir si ctait la vrit ou seulement une des histoires vhicule dans lentreprise (lassocie roumaine a mentionn seulement son poste de secrtaire dans lentreprise). Vraie ou non, cette histoire de lascension hirarchique de lassocie roumaine, histoire transmise aux nouveaux employs, entretient le manque de respect envers lassocie roumaine et accentue la perception dun comportement actuel inappropri de celle-ci dans la mesure o elle occupait initialement la position hirarchique la plus basse dans la structure de lentreprise.
218 semble reproduire le modle de la communaut locale. Ainsi, mme sils sont associs, en fait, linvestisseur italien est celui qui dirige laffaire (comme nous lavons dj mentionn, lassocie roumaine considre quil est capo di tutti capi) et les dcisions financires et administratives pour les problmes quotidiens reviennent lassocie roumaine. Cette situation renvoie fortement la description faite par KLIGMAN (1988) concernant les rles des femmes et des hommes dune autre commune de Maramure : Ieud, o elle a fait sa recherche pendant le socialisme. Ainsi, malgr le fait que les femmes ont des responsabilits financires et administratives croissantes dans le mnage, les affaires du village taient toujours gres par les hommes du village ou de lextrieur du village 707 . Un autre exemple est le fait que mme si les toilettes de lentreprise sont communes pour les femmes et les hommes, le nettoyage de celles-ci revient seulement aux femmes 708 .
Dans lordre, deux femmes [ouvrires de lentreprise Y], nettoient les toilettes des ouvriers [] Non, les hommes ils ne les nettoient pas [] Au dbut, a ne ma pas sembl tre OK, mais je nettoie plutt que masseoir dans la misre [] . (C.A., travailleuse)
Egalement, les ouvriers interviews ont dclar que les femmes et les hommes sont pays diffremment pour les heures supplmentaires effectues, les hommes recevant plus. Parce que lassocie roumaine na pas mentionn lexistence dune telle diffrence de paiement en fonction de sexe, mais en fonction de la difficult des oprations effectues, nous avons insist sur le sujet, mais la perception des ouvriers est que le paiement est accord en fonction du sexe.
4.2.2. Lanalyse de la culture dentreprise
Comme pour lanalyse de la culture dentreprise ralise pour lentreprise X, nous nous reposerons sur le modle par niveaux de la culture organisationnelle propos par SCHEIN (1985). Nous reprenons lclaircissement fait au dbut de lanalyse de la culture de lentreprise X : pour viter le caractre artificiel dune analyse qui respecte strictement les
707 Gail KLIGMAN, Nunta mortului. Ritual, poetic i cultur popular n Transilvania, Polirom, Iai, p. 11. 708 Cest une rgle informelle qui na pas t mise en question et qui fonctionne avec le pouvoir dune rgle formelle. La mention de cette pratique dans les interviews na pas t le rsultat dune critique ou de linsatisfaction concernant son existence, elle a t mise en discussion relative la parcimonie de lassocie roumaine dans lallocation dargent en gnral, tant mentionn aussi largent pour les produits ncessaires au nettoyage des toilettes.
219 niveaux proposs, niveaux qui, en ralit, ne sont pas si clairement spars, nous les utiliserons seulement comme des repres. Le premier niveau analys est celui des artefacts et des symboles. Lentreprise a son sige dans les btiments o pendant le rgime communiste fonctionnait le Centre de Lgumes et Fruits (CLF). Ainsi, lentreprise est connue des habitants de la localit comme lentreprise qui fonctionne o tait le CLF (on utilise presque toujours cette abrviation et non pas la dnomination complte de lex-centre). la diffrence de lentreprise X, o laccs des visiteurs est plus restrictif, laccs dans la cour de lentreprise Y est trs facile, malgr la prsence dun concierge (pendant notre premire visite, personne ne surveillait lentre dans lentreprise). La manire dont lespace est utilis et entretenu peut fournir des indices sur le systme de contrle existant dans lentreprise et sur limpact de lavantage cot recherch par linvestisseur italien. Les habitants de la localit nous ont dit que lespace navait pas beaucoup chang depuis quil est devenu la proprit de linvestisseur italien. une premire vue, lespace semble tre abandonn ; sur cinq btiments, disposs sparment dans lespace, seulement la moiti est utilise et est tout aussi mal entretenue. Ainsi, il y a un btiment destin la halle o est usin le bois pour des planches et pour le parquet ; un autre btiment est destin la production de briquettes combustibles, tandis quun troisime btiment est destin aux bureaux de lassocie roumaine, de linvestisseur italien et de la comptable. Si la construction de lespace de lentreprise X permet un contrle trs strict, la disposition des btiments o se dveloppe lactivit de lentreprise Y reflte son systme de contrle qui est plus faible. Ainsi, la position du btiment o se trouvent les bureaux des cadres ne leur permet pas de surveiller laccs dans les deux halles de production, une delles ayant mme deux entres. On peut y identifier une possible explication du fait que linvestisseur italien, quand il visite lentreprise, passe la plus grande partie de son temps dans les deux halles de production, en exerant ainsi un contrle plus direct sur les ouvriers. Le contrle des ouvriers est aussi la responsabilit directe dun des deux chefs dquipe (de halle) Mais, cette faiblesse du contrle nexprime pas une hypothse fondamentale contradictoire avec celle exprime par lamnagement de lespace de lentreprise X conformment laquelle lhomme est mauvais par sa nature et pour bien faire son travail doit tre contrl. Car, les interviews indiquent presque la mme conception, mais nuance par une sorte de fatalisme conscutif lexprience : lhomme /lemploy est mauvais par sa nature, on a essay de le changer, mais leffort sest rvl inutile.
220 En vain [nous] leur rptons que ce nest pas bien [comme ils travaillent], ce quils doivent faire, parce que, de toute manire, ils font ce quils veulent. [...] En gnral, celui qui fait une faute, mme sil est pnalis par la suppression dune partie de ses appointements, aprs deux mois il ferra la mme faute. Ils [les ouvriers] oublient trs rapidement quils ont t sanctionns. Mme sils ne sont pas du tout pays [ titre de sanction], ils feront la mme chose ; ils napprennent pas de leurs fautes () (S.L., lassocie roumaine)
Nous considrons que les salaires plus bas que ceux offerts par lentreprise X, les conditions physiques de travail plus difficiles et linvestissement minimum dans les quipements et lamnagement de lespace sont dautres facteurs qui rduisent la possibilit de contrle de la part du management. Aussi, mme si le respect des standards de qualit tablis par les bnficiaires et le respect des termes de livraison sont des conditions ncessaires pour le renouvellement des contrats de production ceux-ci semblent, en fait, avoir peu dimportance pour les ouvriers qui mme si pnaliss pour les rebuts ou pour le retard dans la ralisation de la norme persistent dans les mmes comportements. Cette situation peut tre interprte comme tant le rsultat dun faible intrt du management de lentreprise pour la formation du personnel ou le rsultat dun systme de contrle peu efficient. Cela conforte surtout lorientation du management pour la recherche dun avantage cot. De mme, les produits en soi sont moins soumis aux demandes de qualit que dans le cas de lentreprise X et Z et la matire premire (le bois) est moins coteuse et disponible dans des grandes quantits (situation favorise par les droits de proprit sur le bois qui nexistent pas encore et par le manque de lgislation claire qui tablit la quantit de bois quon pourrait dfricher sans endommager lenvironnement naturel). Lamnagement prcaire des ateliers, le manque de rfectoire, lexistence dun systme daration qui en ralit ne fonctionne pas reflte une autre hypothse fondamentale de la culture de lentreprise Y : les ouvriers sont des simples excutants, il ne faut pas investir pour leur assurer des conditions de travail meilleures. Dautres pratiques du management de lentreprise refltent aussi cette hypothse fondamentale. Ainsi, il y a un grand nombre douvriers qui travaillent de faon informelle, les congs mdicaux des ouvriers lgalement employs ne sont pas pays, le temps travaill dpasse la limite lgale (on travaille 60 72 heures par semaine tandis que la limite autorise par semaine, conformment au Code du travail, est de 48 heures, y compris les heures supplmentaires). Aussi, il ny a pas une procdure dintervention en cas daccidents du travail mme si, selon les dclarations de lassocie roumaine, ils sont assez frquents. Lassocie roumaine considre que ces accidents sont, en fait, le rsultat de la ngligence des ouvriers.
221 Les machines ne sont pas toutes nouvelles [] Il ny a pas de secourisme ; on peut mourir jusqu lhpital [] Un copeau de bois a pntr la main de M. [un ouvrier] quand nous travaillions avec ce htre misrable [] Jai t la seule inquite [] Le chef dhalle est venu, a regard la main de M. et il lui a donn un calmant 709 comme si rien ne stait pass. Je pense, pourtant, que si quelque chose perce ta mainIl [le chef dhalle] lui a dit daller lhpital [] (C.A., ouvrire)
Une autre hypothse fondamentale du management de lentreprise est que lemploy fait des choix rationnels et quil est guid dans son comportement de travail seulement par lintrt conomique. On peut ainsi identifier le modle rationnel-conomique qui est associ aux principes du management scientifique : les individus font des jugements rationnels sur la base des critres conomiques (ils font les choix aprs lvaluation des rsultats de leurs actions, en choisissant ceux qui leur apportent les plus grands bnfices) 710 . Une autre hypothse fondamentale, troitement lie avec celle mentionne dans le paragraphe prcdent est celle dune relation entre employeur et employs base principalement sur un calcul rationnel.
Quand on est sain, ils [les cadres] ont besoin de toi, mais quand on tombe malade [ils disent] "au revoir, merci pour coopration" et a cest tout. (Z. A., ouvrire)
Ils viennent seulement quand ils ont besoin [] Un matin, ils se rveillent et dcident de ne plus venir au bulot [] Ils nannoncent pas, mme sils ont des tlphones ; ils ne veulent pas gaspiller les impulsions [tlphoniques] [] (S. L., lassocie roumaine)
Au-del du besoin , une autre raison qui dtermine le choix de lentreprise Y comme lieu de travail est sa proximit physique par rapport au logement. Cette raison a aussi une grande importance pour les employs des entreprises X et Z dans leur choix de travailler et de rester dans ces entreprises. La prise en compte de cet aspect dans le choix dun lieu de travail est, en grande partie, le rsultat de linfrastructure de transport qui ne permet pas le dplacement facile de la main duvre de la petite ville Baia Mare ou des villages voisins, car il ny a pas de moyens de transport rguliers entre ceux-ci. Ainsi, les habitants des villages voisins qui travaillent Baia Mare ou dans la petite ville de Maramure se dplacent chaque jour soit avec leur automobile (le cas le plus heureux), soit ils font de lauto-stop. Parmi les facteurs qui ont permis la constitution de ce contrat psychologique bas sur le calcul rationnel, il y a une pratique assez commune parmi les habitants de la localit o se trouvent les entreprises : le travail saisonnier (en rgion ou ltranger). Cette pratique permet
709 Un analgsique faible, Algocalmin, utilis en gnral contre les douleurs mineures. 710 Colin CARNALL, Managing Change in Organizations, (deuxime dition), Prentice Hall, N.Y., London, 1995, p. 95.
222 aux ouvriers de dvelopper des relations de travail pour des priodes courtes, de nature surtout transactionnelle, et de revenir plus facilement dans lentreprise qui les a licencis ou quils ont quitt pour un emploi mieux rmunr 711 . Une meilleure rmunration constitue, cte dun travail sur la base dun contrat lgal, la principale raison pour laquelle les ouvriers quittent lentreprise (comportement assez rpandu en Roumanie). Pourtant, au-del de la possibilit de gagner mieux, un autre facteur a aussi une trs grande importance dans le choix de lemploi : le paiement temps du salaire qui, parfois, est plus important que sa valeur. Et mme que le caractre lgal du travail : ( Il na pas dimportance quil [le paiement] soit petit, quil soit grand, un salaire reste un salaire. Il est pay temps. On peut se baser sur cet argent [] ). En continuant lanalyse des artefacts de la culture de lentreprise Y, nous nous reposerons sur le nom de lentreprise. Celui-ci renvoie une possible origine allemande de linvestisseur, mais le drapeau de lItalie arbor lentre dans la cour de lentreprise remet en question cette premire impression. Questionne sur lorigine et la signification du nom de lentreprise, lassocie roumaine a avou quelle ne savait pas sa signification, le nom tant choisi par un ami () hongrois-allemand-roumain (S.L., lassocie roumaine) de linvestisseur italien. En gnral, le nom de lentreprise nest pas utilis par les employs pour indiquer leur lieu de travail ; le plus souvent ils utilisent la formule je travaille chez lItalien (la italianu). la diffrence, les employs de lentreprise X qui nomment leur lieu de travail par le nom de lentreprise. Cette diffrence persiste mme dans la communaut largie de la petite ville de Maramure : lentreprise X est indique en utilisant son nom, lentreprise Y est nomme daprs lorigine de linvestisseur, tandis que lentreprise Z est nomme daprs lactivit de lentreprise qui a prcd lentreprise Z. On peut en dduire une image et une identit plus faible de lentreprise Y aux yeux de ses employs et de la communaut que lentreprise X. La pratique de dsigner une entreprise daprs le nom de son propritaire est assez rpandue parmi les habitants de la localit,
711 Une tude ralise auprs les ouvriers temporaires des entreprises de lAfrique du Sud indiquait la tendance de la cration des contrats psychologiques entre les ouvriers temporaires et leurs employeurs qui, dans une premire phase, sont caractriss surtout par des lments de nature transactionnelle : des obligations impersonnelles, un change principalement conomique, laccent est mis sur laccomplissement des tches prcises, sur les paramtres de temps et sur les compensations dordre financier. Seulement aprs quelque temps, le plus souvent environ 6 mois ou plus, le contrat psychologique sera bas sur des lments de nature relationnelle tels que des obligations socio-motionnelles sur longue terme et moins clairement dfinies, sur lengagement et sur la confiance. (Gregory John LEE, Nicole FALLER, Transactional and Relational Aspects of the Psychological Contracts of Temporary Workers , South African Journal of Psychology, 35(4), 2005, p. 831, p. 833, http://web.ebscohost.com/ehost/pdf?vid=4&hid=115&sid=fdcba897-aa65-4056-ab0a- 48b6e09ab2df%40sessionmgr103, consult le 6 fvrier 2007.)
223 lentreprise X tant une des exceptions. De nombreuses explications sont envisageables parmi lesquelles on retiendra : la culture organisationnelle plus forte de lentreprise X, limage dune entreprise srieuse cre aux yeux de la communaut et mme le fait que linvestisseur italien nhabite pas dans la localit vitant ainsi quil soit familier parmi habitants et parmi ses employs quil rencontre rarement. En outre, on ne doit pas ignorer le fait que lentreprise X a un nom facile retenir et prononcer (cest un nom compos, italien, dont on utilise seulement la premire partie), tandis que les entreprises Y et Z ont des noms assez compliqus. Une autre explication possible pour lemploi de cette dnomination ( chez lItalien la italianu ) serait le fait que lentreprise Y a t parmi les premires entreprises capital tranger ouverte dans la localit (1993) ce qui a suscit lintrt de la communaut locale. Une norme informelle de comportement rvle par les interviews des ouvriers est que les ouvriers doivent rester debout pendant le temps de travail. Ainsi, on a dvelopp un modle de comportement : pendant les visites faites par lassocie roumaine et linvestisseur italien dans la halle de production, les ouvriers se trouvent toujours debout quils travaillent ou fassent semblant de travailler.
Il est interdit de sasseoir [pendant le programme de travail], car on [cest la conception des cadres] ne travaille pas assis, mais debout. Le plus important quand D. et S. viennent [linvestisseur italien et lassocie roumaine] est de ne pas trouver quelquun assis. Beaucoup de mes collgues font semblant de travailler seulement lors quils [linvestisseur italien et lassocie roumaine] viennent pour contrler : ils [les ouvriers] font semblant de ramasser quelque chose ou ils dplacent des choses dun lieu lautre. (C.A., ouvrire)
Il est important que D. [linvestisseur italien], quand il vient, ne te trouve pas assis. Il faut travailler quand il vient. (D., ex-employe, ouvrire non qualifie)
Un autre modle de comportement que nous avons remarqu chez les personnes interviewes tait le fait que, quand on parlait de lassocie roumaine, on imitait sa voix. Ce comportement nous lavons observ aussi pendant notre visite de lentreprise, quand lassocie roumaine demandait aux employs de lui retourner les questionnaires que nous lui avons donns leur intention (voir la section sur la mthodologie de recherche de notre thse) ; ainsi, un des employs allait derrire elle et, en imitant sa voix, disait (tandis que les autres ouvriers riaient) : Avez-vous travaill avant 1989 ? Avez-vous travaill au temps de Nicu Ceauescu ? . Mme si le persiflage et la moquerie sautaient aux yeux, lassocie roumaine semblait tre indiffrente et ne faisait aucun commentaire ce sujet. Un autre modle comportemental, qui est transmis par les anciens employs chez les nouveaux venus, est celui de ne pas contredire linvestisseur italien quand il fait des critiques
224 concernant la manire de travailler, mme si ses critiques ne sont pas toujours exprimes dune manire agrable. Car, mme si ses relations avec les ouvriers sont perues en gnral comme bonnes et il est apprci pour son humanit , linvestisseur italien, comme dans le cas de lentreprise Z, aussi rpond parfois aux mcontentements des ouvriers en leur offrant lalternative de quitter lentreprise (les paroles de linvestisseur italien reproduites par une ouvrire qui nous a racont une dispute entre celui-ci est un de ses employs : Si a [le paiement] ne te convient pas, hors dici ! a cest mon entreprise ! 712 ).
4.2.3. Pratiques de gestion des ressources humaines
Le recrutement des ressources humaines Le recrutement du personnel se produit de la mme manire que dans lentreprise X : par lannonce publique du besoin de personnel parmi des employs de lentreprise et par des annonces publicitaires diffuses par la tlvision locale. La mthode la plus rpandue est la premire, la deuxime tant utilise seulement dans le cas o la premire na pas produit les rsultats attendus.
La slection, la formation et la spcialisation du personnel Le critre principal de slection du personnel est la relation personnelle et la recommandation de la part de quelquun de connu (parents, amis etc.), le srieux tant aussi pris en compte. Lutilisation de ces critres de slection est possible par la spcificit de lactivit de lentreprise, car seulement les chefs dquipe doivent tre qualifis. Dans le cas des ouvriers, la qualification professionnelle na pas dimportance, la grande majorit tant employs comme ouvriers non qualifis. Seule une minorit est forme pour travailler sur des machines automatises. Des interviews des ouvriers ont montr quen gnral, ils exeraient plusieurs activits, ntant pas spcialiss pour certaines oprations ( Quelles activits ? Universelles Il ny a pas quelque chose de fixe ). De plus, il y a un grand nombre douvriers qui ne sont pas lgalement engags, nayant pas de contrat de travail. Le travail sur le march noir, au-del des dsavantages de la non affiliation au rgime de la scurit sociale, a lavantage commun pour lemployeur et les
712 En roumain (en gardant la prononciation incorrecte de linvestisseur italien) : Nu convine, afora ! Aicea firma mia! (En roumain, correctement : Nu-i convine, afar! Aici este firma mea! .
225 employs de lexemption dimpts, et permet aussi une partie des ouvriers de garder leur aide de chmage ou la retraite. Dans ces conditions, lemploi des connaissances peut tre peru comme une modalit pour fournir celles-ci une source supplmentaire de revenus. Labsence de contrat de travail engendre une grande fluctuation de personnel et un trs faible attachement du personnel lentreprise. Un des aspects du contrat psychologique entre employeur et employs est une relation base sur un calcul rationnel et non sur des obligations morales comme on pourrait le croire si on prend en considration que le critre principal de slection est la relation personnelle. Mais, il y a aussi des exceptions, lassocie roumaine engageait des personnes socialement stigmatises dans la communaut locale (en transgressant ainsi le critre, quelle-mme a impos, du srieux ) ayant la base lexistence dune obligation morale personnelle. Le grand nombre douvriers non qualifis de lentreprise Y pourrait offrir une explication pour le statut social peu apprci des employs de lentreprise Y parmi les habitants de la localit. Car, le mtier douvrier non qualifi ne suppose pas une ducation trop leve (et comme nous lavons dj vu, lducation est valorise positivement, en constituant une importante source dautorit /de respectabilit dans la communaut locale) et, de plus, il noffre pas la possibilit dune carrire professionnelle donc la possibilit dun changement de statut social. En plus, lassocie roumaine est perue comme peu duque, elle a achev seulement le lyce de la localit (les positions dirigeantes sont associes, habituellement, aux tudes suprieures). Une des ouvrires de lentreprise Y nous a dclar quelle avait ralis lexistence de cette perception de la communaut quand elle avait chang demploi, pour aller travailler dans une institution publique de la localit qui lui avait apport une attitude respectueuse de la part de ses connaissances, en marquant un changement positif dans son statut social. Au moment de notre recherche, elle est retourne travailler dans lentreprise Y, car lemploi dans linstitution publique tait seulement temporaire, mais lui offrait la possibilit dobtenir, la cession du contrat de travail, laide au chmage, tandis que dans lentreprise Y elle avait toujours travaill sans contrat. Pourtant, elle a continu bnficier du respect de ses connaissances.
Je suis contente de mon emploi [dans lentreprise Y]. Latmosphre est relche. Pourtant lentreprise est mal vue [a une mauvaise rputation] [] Mais la mairie, ils [les habitants de la petite ville de Maramure] travailleraient mme gratuitement. Quand je travaillais ici [dans lentreprise Y], ils [les connaissances] ils me saluaient peine. (C. A., ouvrire non qualifie)
226 La formation du personnel, comme dans le cas de lentreprise X, se rduit la qualification au lieu de travail pour une partie des ouvriers pour les raisons que nous avons mentionnes plus haut. Pour le reste des employs, il ny a pas de programme de formation et de spcialisation. Cette situation est le rsultat de la spcificit de lactivit de lentreprise et de la structure organisationnelle qui ne ncessite du personnel qualifi que pour les positions de chef dquipe et de comptable et qui offre peu de possibilits davancement sur lchelle hirarchique (la seule exception a t celle de lassocie roumaine qui, initialement, a t employe sur un poste de secrtaire ; comme nous lavons dj mentionn, cette promotion avait t plutt le rsultat de la conjoncture que de la performance professionnelle). La formation des ouvriers pour travailler sur des machines automatises est la responsabilit des chefs dquipes, mais de manire informelle on forme les nouveaux venus par les anciens employs qui ont de lexprience, mme si cette pratique ne donne pas toujours les meilleurs rsultats.
[] il [le chef dquipe] ma dit que les autres femmes me feraient apprendre ce que je devais faire. Mais, mme ce moment je ne sais pas trop bien quand une planche a des dfauts [] Aprs cinq mois de travail je ne comprends pas trop bien ce que je dois faire. (C. A., ouvrire)
Nous [les femmes] nous apprenons lune de lautre ce quil faut faire [] Cest facile : mme un enfant de 10 ans pourrait lapprendre. (D.R., ouvrire)
Lintgration du personnel cause de la manire dont se produit la formation du personnel, le processus dintgration de nouveaux employs devient plus facile. En outre, comme dans le cas de lentreprise X, lintgration est facilit par limportance de la communaut traditionnelle de la petite ville de Maramure et par la slection du personnel la suite dune recommandation. Mme si lintgration de nouveaux employs est, thoriquement, la responsabilit dun des chefs dquipe, en pratique les nouveaux employs sont rarement prsents leurs collgues.
Le chef [le chef dquipe] est venu me voir seulement aprs une heure [depuis quand elle a commenc son premier jour de travail]. Personne ne te prsente personne, personne ne sintresse de toi ; seulement on dbine : attention, celle-ci est la belle-fille de la Vieille femme [] (C., ouvrire)
Le travail en quipes facilite aussi lintgration et la socialisation des employs, en se crant des sous-groupes sur la base de laccomplissement des tches communes de travail (le travail est divis en catgories oprationnelles diffrentes), la configuration spatiale suit le principe de la division du travail.
227 La motivation, la compensation et lvaluation du personnel. Le systme dvaluation du personnel productif est construit, partiellement, sur la base de ce caractre collectif du travail. Ainsi, il y a la norme de base qui est calcule soit en heures travailles, soit en m 3 , en y ajoutant les heures supplmentaires et le nombre de longs vhicules chargs chaque mois avec des produits semi-finis destins lexportation en Italie (1 3 longs vhicules par mois). Un long vhicule est charg par une quipe qui soccupe de toutes les oprations ncessaires lobtention des produits semi-finis exports (planches, parquet, briquette combustible). Cest, donc, un systme dvaluation collectif, chaque ouvrier dpendant de la performance de son collgue. Mme si lassocie roumaine a institu un systme de pnalisation salariale individuel pour des rebuts, les ouvriers semblent avoir trs bien intrioris le caractre collectif du travail parce que, mme sils savent qui est responsable des rebuts ou des retards dans le chargement dun long vhicule, ils collectent largent de tous les membres de lquipe pour payer la pnalit. Comme dans le cas de lentreprise X, la rmunration constitue le principal instrument de motivation positive ; on peut mme dire le seul, car, la diffrence de lentreprise X, il ny a pas de bnfices supplmentaires ou dautres modalits non financires de motivation. Le salaire est tabli en fonction de la norme ralise, des heures supplmentaires (payes diffremment en fonction des oprations effectues ; le payement varie entre 0,8 RON/heure (environ 0,22 ) et 1,4 RON/heure (environ 0,40 ) et de lexprience de travail. Sagissant des salaires reus par les ouvriers, leurs dclarations et celle de lassocie roumaine ne se recoupent pas. Ainsi, les premiers dclarent des salaires qui varient entre 250 RON (environ 71 ) et 500 RON (environ 140 ), tandis que lassocie roumaine dclare des salaires entre 400 RON (environ 114 ) et 1 500 RON (environ 428 ). Une possible explication pour cette discordance pourrait tre le fait quun grand nombre douvriers nont pas de contrat de travail. Lassocie roumaine a donc vit pendant les interviews les questions sy rapportant (le travail informel, le payement des droits de scurit sociale des employs, les pointages, le nombre dheures supplmentaires etc.). Les interviews des ouvriers ont dvoil aussi, au-del du fait que le travail au noir est une pratique commune pour lentreprise, lexistence de pointages faux , destins aux contrles des autorits. Conformment ceux-ci, le temps travaill respecte les 48 heures de travail par semaine, y compris les heures supplmentaires, prvues par le Code du travail. Il y a aussi des pointages rels , qui contiennent le temps travaill rellement qui peut atteindre 60 72 heures de travail par semaine. Les ouvriers sont pays sur la base de ces pointages rels.
228 De mme, seuls les ouvriers lgalement employs signent ltat des salaires. Cette situation peut expliquer aussi lhsitation de lassocie roumaine concernant le nombre exact demploys. Initialement, elle a dclar environ 30 employs. Puis, elle a mentionn 60 70 employs. Lobservation personnelle ne nous a pas permis dtablir un nombre approximatif demploys car ils travaillaient en deux quipes (relves) de 7,30 h 16,00 h et de 16,00 h 22,00 h et ceux qui fabriquaient les briquettes combustibles travaillaient seulement pendant la nuit. Les ouvriers nont pas russi indiquer un nombre approximatif demploys, arguant une forte rotation du personnel et le travail par quipes. Une autre explication semble pouvoir tre avance : les ouvriers licencis, ou qui sont partis de lentreprise, avaient la possibilit de revenir dans lentreprise sils le voulaient et si lentreprise avait besoin de personnel. Une pratique qui peut tre considre paradoxale compte tenu du calcul rationnel qui gouverne la relation employeur-employes (cette pratique a t identifie aussi dans lentreprise X) est le crdit ouvert pour les employs qui ont besoin dargent pour diffrents problmes personnels. Cette pratique nest pas le rsultat dune intention de la part du management de faire motiver les employs, mais plutt le rsultat de linfluence du facteur culturel. Au-del de son caractre dinstrument de motivation positive, la rmunration peut constituer aussi un lment de motivation ngative sous la forme de la pnalisation salariale (pnalit) applique en gnral pour des rebuts, pour absentisme ou pour la ngligence des standards de qualit. Une autre sanction applique aux ouvriers au cas o la norme na pas t accomplie est celle de travailler pour la raliser en dehors de lhoraire de travail (y compris les heures supplmentaires), sans que louvrier concern soit pay. On peut donc voir qu la diffrence de lentreprise X, le systme de motivation est moins complexe car le principal instrument utilis est la rmunration. Cette situation peut tre lie tant au calcul rationnel spcifique (contrat psychologique) qu la pratique du travail au noir qui fait du facteur financier (et du paiement temps du salaire) la principale raison qui incite les ouvriers travailler pour lentreprise. Une des principales raisons des intentions de quitter lentreprise est, comme pour lentreprise X, le rapport ngatif entre le volume de travail et le paiement 713 . Si la directrice gnrale de lentreprise X tait consciente de cette raison et la considrait justifie, lassocie
713 Le rapport ngatif entre le volume de travail et le payement est un des sujets frquents des mcontentements quon peut entendre dans un grand nombre de discussions quotidiennes. Il semble que la situation nait pas beaucoup chang pour une partie demploys qui travaillaient aussi pendant le socialisme, quand le rapport ngatif entre le volume de travail et le payement constituait aussi une source de mcontentement (D.-A. KIDECKEL, op. cit., pp. 16-17).
229 roumaine de lentreprise Y tait aussi consciente de cette raison, mais elle considrait que le paiement tait quitable pour le travail effectu et quen fait les ouvriers voulaient gagner plus sans travailler plus et quils mettaient toujours lintrt personnel au-dessus de lintrt de lentreprise.
Cest comme a dans les firmes roumaines : ils [les employs] se rveillent un matin et ils ne viennent plus au travail. (S.L., lassocie roumaine)
Par exemple, une des raisons de labsentisme des employs est leur participation aux travaux agricoles ou dautres activits dans le mnage. Le travail a constitu ds la priode socialiste un sujet de conflit entre ltat socialiste et les mnages du village, la lutte tant donne pour le contrle du temps, de lnergie et de la ressource humaine 714 . Une recherche effectue dans les entreprises de lindustrie du textile de la rgion centrale de la Roumanie, rgion rurale, a indiqu que la fluctuation du personnel tait plus grande pendant les travaux agricoles et les ftes traditionnelles. Ainsi, pour rduire les cots de transport et offrir aux ouvriers la possibilit de participer aux travaux agricoles (en diminuant ainsi, labsentisme), de petites entreprises de production dans lindustrie du textile et du prt--porter ont dlocalis leur production dans les villages 715 . Une autre raison de dmission est la difficult des conditions de travail : lhiver il fait trs froid dans la halle, tandis que lt il y fait trs chaud. Il y a beaucoup de poussire car le systme de ventilation ne fonctionne pas (nous avons observ cet aspect pendant nos visites de lentreprise) et certains ouvriers ont mentionn quils taient admonests sils faisaient fonctionner les ventilateurs. Pourtant, les ouvriers qui travaillaient depuis longtemps dans lentreprise transgressaient linterdiction quand lair devenait irrespirable. Lexplication donne par les ouvriers cette situation tait le dsir des dirigeants dconomiser des frais dlectricit. Les conditions de travail sont visiblement difficiles, une des constatations les plus frappantes que nous avons faites pendant notre recherche, au-del de la poussire qui alourdissait la respiration, tant labsence dun rfectoire. Ainsi, les employs mangeaient soit dans la halle, assis sur des planches ou debout, les machines automatises tant utilises comme tables, soit dans la cour de lentreprise (pendant lt). Un autre facteur dinsatisfaction est labsence de paiement des congs maladies. Le travail au noir, au-del de ses bnfices dj mentionns, constitue un autre facteur
714 Ibidem, p. 31. 715 G. KOLUMBAN, op. cit., p. 78, p. 83.
230 dinsatisfaction qui pousse labandon de lentreprise. Il y a des situations o les ouvriers attendent en vain la signature de leur contrat de travail aprs la fin de la priode dessai. Si dans le cas de lentreprise X le contrle trop strict est une cause importante de dmissions, dans lentreprise Y, le systme de contrle peut tre dfini plutt comme faible. Les ouvriers ne sont pas surveills tout le temps, leur contrle tant partag entre les chefs dquipe, lassocie roumaine et linvestisseur italien. Les chefs dquipe sont les chefs directs qui ont la capacit de rsoudre tout problme qui apparat dans lactivit de production ou dans les relations avec les ouvriers. En pratique, les deux chefs ont leurs responsabilits partages : lun mesure la norme ralise et lautre soccupe du contrle des employs. Lassocie roumaine vient seulement de temps en temps dans la halle, pour une surveillance de routine (pour voire si tout va bien ), tandis que linvestisseur italien, quand il est prsent dans lentreprise (3 4 heures par jour), il passe tout son temps parmi les ouvriers. Mme si le contrle des ouvriers est partag entre 3 personnes, des dclarations de certains ouvriers montrent quen fait ils ne se sentent pas trop contrls, et peuvent se soustraire leurs devoirs : () Oh l l ! De quelle faon on peut tirer au flancLe pauvre D. [linvestisseur italien] vient, S. [lassocie roumaine] vient, le chef [le chef dquipe] vient et puis nous sommes seuls ; nous pouvons faire ce que nous voulons. (C. A., ouvrire)
La communication La communication verticale est orale et principalement informelle. Les runions ont un caractre exceptionnel. Une caractristique de cette entreprise est le fait que linvestisseur italien parle le roumain, ce qui facilite la communication et contribue son caractre informel.
La promotion La structure organisationnelle de lentreprise Z noffre pas de possibilits davancement sur lchelle hirarchique, les positions dencadrement initial ayant un trs haut degr de stabilit.
Les conflits On peut parler dun climat organisationnel peu conflictuel, latmosphre de travail tant la plus relche de toutes les entreprises tudies.
231 4.3. Synthse
Lanalyse des lments de management interculturel au niveau de lentreprise Y a rvl une approche managriale qui utilise la diffrence culturelle (ou une approche sensible la spcificit locale). Cette approche peut tre interprte comme le rsultat de lexprience antrieure de linvestisseur italien en Roumanie et de mme, dans une certaine mesure, dune acceptation de la manire dont les employs roumains travaillent, tant que lavantage cot nest pas remis en cause. Cette approche est aussi facilite par le manque de demande trs stricte de qualit de la part des bnficiaires des produits alors que dans le cas des entreprises X et Z, les standards de qualit varient en fonction des prix des produits. Lentreprise Y fonctionne comme une rplique, petite chelle, des relations humaines spcifiques la communaut traditionnelle de la petite ville de Maramure. Plus que dans le cas des autres entreprises tudies, le contrat psychologique entre employeur et employs est bas sur le calcul rationnel et sur des lments dordre plutt transactionnel que relationnel. Par consquent, la loyaut des employs envers lentreprise est trs faible ce qui se traduit par un fort turnover du personnel. Au-del du calcul rationnel qui fait que les employs sorientent vers dautres emplois qui leur offrent un meilleur gain financier et de meilleures conditions de travail, un autre facteur lorigine des nombreux dparts de personnel est la pratique assez rpandue dans lentreprise Y du travail au noir. Le principe qui gouverne les relations de travail entre employeur et employs est celui du besoin mutuel . Ainsi, les ouvriers qui sont partis pour travailler ailleurs sont rembauchs sils veulent revenir et si lentreprise en a besoin. On a eu des cas o la directrice gnrale avait fait appel aux ex-employs pour leur sils ne voulaient pas revenir car lentreprise enregistrait un dficit de personnel. On peut donc identifier un degr assez rduit de dpendance conomique des ouvriers par rapport lentreprise, qui drive tant de leur situation socio-conomique que dune plus grande mobilit professionnelle qui drive mme de leur manque de qualification. Ainsi, les ouvriers de cette entreprise sont les plus proches de la communaut traditionnelle de la petite ville de Maramure. Ils possdent leur logement avec au moins un potager et /ou des terrains agricoles.
232 5. Etude de cas : lentreprise Z du secteur du textile
5.1. Lhistorique de la constitution de lentreprise
Lentreprise Z est une PME dont le capital souscrit est intgralement priv et dorigine italienne. Constitue en fvrier 2006, son objet principal est la production darticles et daccessoires dhabillement, en systme de production de type TPP. Plus prcisment, on produit des articles dhabillement et de linge pour femmes et hommes. Le sige social officiel de lentreprise Z est Baia Mare, o les investisseurs italiens ont commenc faire des affaires dans lindustrie du textile et dhabillement, mais aussi dans lindustrie de la construction et du transport. Lentreprise de la petite ville de Maramure fait partie dune chane dentreprises de production darticles dhabillement que les investisseurs italiens ont ouvertes dans plusieurs localits du dpartement de Maramure, dans le dpartement de Slaj et dans le dpartement de Cluj. Lentreprise de la petite ville de Maramure emploie 80 personnes. La structure organisationnelle comprend : les propritaires (dorigine italienne), un directeur gnral (dorigine roumaine), un coordinateur des activits des entreprises situes en dehors de Baia Mare, deux contrematres, un inspecteur pour la qualit des produits et 80 ouvriers. Les 80 ouvriers sont partags en deux quipes, lune de 30 ouvriers, lautre de 50 ouvriers. Les deux quipes fonctionnent indpendamment, chacune ayant sa contrematre et chacune produisant des articles dhabillement diffrents. Linspecteur pour la qualit des produits est la mme personne pour les deux quipes. Lquipe forme de 30 ouvriers produit des articles dhabillement pour femmes et lquipe forme par 50 ouvriers produit des articles en soie et des articles de linge pour hommes et femmes. Le bnficiaire des produits est une entreprise italienne qui, son tour, a pour clients les grands noms de lindustrie. La dcision dinvestir en Roumanie a t prise comme dans le cas de lentreprise X pour des raisons conjoncturelles. Les investisseurs italiens ont eu dans leur entreprise des ouvriers dorigine roumaine. En trouvant quils pourraient bnficier en Roumanie dune main doeuvre qualifie et bon march ils ont dcid dy constituer une unit de production, Baia Mare. La cration dune entreprise dans la petite ville de Maramure a t le rsultat de lopportunit pour les propritaires italiens de reprendre, en 2004, une affaire de lindustrie du
233 textile et de lhabillement (les produits taient destins au march canadien), affaire qui ntait plus profitable. lexception du sige qui a t donn en location aux nouveaux propritaires de laffaire, ceux-ci ont bnfici intgralement de lquipement et du personnel employ dans lancienne entreprise. Mais, laffaire sest rvle peu rentable, le loyer de la location tant lev. Par consquent, les propritaires italiens ont ferm lentreprise, le personnel employ (15 ouvriers et une contrematre) ont t transfrs dans lentreprise de Baia Mare. Un microbus a t mis leur disposition pour faire la navette vers lentreprise de Baia Mare. Mme sils avaient un moyen de transport assur pour faire la navette, les employs partis percevaient la situation comme difficile et ils auraient prfr travailler dans la localit o ils avaient leur domicile. Au dbut de lanne 2006, les propritaires italiens ont eu lopportunit dacheter un prix convenable un espace dans la petite ville de Maramure, o auparavant fonctionnait une entreprise dans le domaine de lusinage de la pierre. Ainsi, une autre entreprise a t ouverte. Par consquent, les cots du combustible pour le microbus ont t rduits et les investisseurs ont gagn laccs une force de travail assez nombreuse disponible. En avril 2006, la nouvelle entreprise a commenc fonctionner. Comme dans le cas des entreprises X et Y, il sagit dune entreprise familiale, les propritaires tant poux et pouse.
5.2. Lanalyse des lments de management interculturel
5.2.1. Lorientation managriale par rapport la diffrence culturelle
Lanalyse des lments de management interculturel a rvl comme dans le cas de lentreprise X un mlange dignorance de la diffrence culturelle (ignorance, conscutive souvent, une orientation du management vers lavantage de cot) et son utilisation (une approche sensible la spcificit locale). Mais, la diffrence de lentreprise X, tant lignorance que la prise en considration de la diffrence culturelle dans le processus de management se manifestent dune manire plus attnue. Nous avons identifi aussi des situations o la spcificit culturelle, conomique et sociale de la rgion permet lorientation des investisseurs italiens vers des cots bas. Par exemple, lorientation vers des cots bas sest combine dune manire avantageuse avec lutilisation de la diffrence culturelle la constitution de lentreprise dans
234 la petite ville de Maramure. Ainsi, on a cr de la valeur tant pour linvestisseur orient vers le cot que pour la main duvre, pour laquelle la proximit du lieu de travail par rapport au domicile tait un facteur essentiel dans le choix dun emploi. Toutes les personnes que nous avons interviewes, quimporte lentreprise o elles travaillaient, ont mentionn comme facteurs dterminants de la prise dun emploi : la proximit par rapport au domicile et le travail lgal. Les mmes facteurs sont pris en considration, en principal, dans la dcision de changer de lieu de travail. Ainsi, ceux qui ont t obligs de faire la navette sils avaient lopportunit de travailler, surtout lgalement, ils auraient opt pour un autre lieu de travail, mme si le salaire avait t plus bas et /ou le programme de travail trop charg. Cette spcificit locale a renforc le pouvoir de ngociation des propritaires italiens de lentreprise Z. Ainsi, les plaintes des ouvriers concernant la norme trop grande raliser dans un dlai de temps trop court (ce qui engendre un horaire de travail extrmement charg) sont minimises par les propritaires italiens qui offrant aux employs lalternative de quitter lentreprise sils ne sont pas contents. la diffrence du propritaire italien de lentreprise X qui instrumentalise lavantage cot, en menaant de fermer lentreprise et de dlocaliser la production au cas o la commande nest pas ralise temps, les propritaires italiens de lentreprise Z instrumentalisent, moins clairement la spcificit locale des attentes concernant le lieu de travail. Car, au-del de la proximit par rapport au domicile, lentreprise Z offre aux employs aussi lopportunit de travailler lgalement et, de plus, dinscrire dans le contrat de travail le salaire rel reu ce qui permet lobtention des crdits bancaires et une cotisation plus leve pour la retraite. De mme, le paiement des heures supplmentaires entrane, souvent, le double ment du salaire de base. Ainsi, les propritaires italiens ont t apprcis surtout pour leur srieux qui, comme dans le cas des entreprises X et Y, signifie le travail lgal et le paiement temps du salaire (y compris les heures supplmentaires). Ces avantages sont contrebalancs par une cadence de travail considre comme beaucoup trop longue et inhumaine (dans notre dmarche de recherche, celle-ci tait la description la plus souvent rencontre concernant lentreprise Z).
O travailler [autre part que dans lentreprise Z] ? Baia Mare ? Non, ici il ny a pas de choix [une meilleure opportunit de travail]. Jai travaill aussi pour des Roumains, mme plus [que dans lentreprise Z] et je nai pas t paye. Cest mieux chez lItalien : le salaire est plus grand, je peux obtenir donc un crdit et je toucherai une pension plus grande. Jai fait, depuis que jy travaille, plus de points pour la retraite que javais fait au total [dans toutes les entreprises o elle a travaill]. (V. F. ouvrire non qualifie)
235
Mais, comme nous le verrons, le srieux des investisseurs italiens a t mis en question, le contrat psychologique entre eux et leurs employs a commenc se dtriorer pour aboutir une discordance entre lapparence (ce quon dit que cest) et la ralit (ce que cest). Car, mme si le salaire de base, jusquau moment o nous avons fini la premire priode de notre recherche (janvier 2007), a t toujours pay temps, le paiement pour les heures supplmentaires (dont la valeur, habituellement, est presque gale avec celle dun salaire de base) tait reu avec retard ou pas du tout. Un exemple est le conflit ouvert entre les ouvriers et les propritaires italiens. Ce conflit a t gnr par le fait que les ouvriers de lquipe forme par 50 ouvriers nont pas reu leur paiement dheures supplmentaires (les interviews ont dclars quils avaient travaill, continuellement, 24 31 heures pour honorer une commande). Par consquent, ils ont dclench une grve dune semaine jusqu ce que les investisseurs italiens viennent apporter une solution la situation. Quelques-uns des ouvriers interrogs ont dclar quoutre des investisseurs italiens et le traducteur qui les accompagnait presque toujours aux runions, cette fois-ci les propritaires italiens avaient t accompagns aussi par un garde du corps. La rsolution du conflit na pas t dans en faveur des ouvriers et, finalement, ils nont pas reu le paiement pour les heures supplmentaires effectues. Les investisseurs italiens ont offert aux mcontents lalternative de quitter lentreprise. Les propritaires italiens ont ainsi vit toute explication, en invoquant seulement leur effort dinvestissement et lingratitude des ouvriers par rapport cet effort. Largument de la valeur apporte par linvestissement est souvent employ par les investisseurs qui poursuivent lavantage cot au dtriment des conditions de travail des employs malgr la demande des autorits en faveur dun meilleur traitement du personnel. Personne na dmissionn immdiatement aprs ce conflit. En fait, les ouvriers ont t solidaires. La contrematre, pendant le conflit, a travaill avec lautre quipe non grviste. Un conflit qui se trouvait encore ses dbuts du temps de notre recherche (janvier 2007) tait li au fait que les heures supplmentaires qui avaient t effectues avant Nol nont pas t payes temps. La raison invoque par linvestisseur italien et transmise aux ouvriers par lintermdiaire des contrematres tait la cration dune nouvelle entreprise dans une autre localit du dpartement de Maramure rduisait la capacit de payer aux employs les heures supplmentaires. Les personnes interviewes ne connaissaient pas exactement la situation. Elles parlaient de cet investissement et dun crdit bancaire que linvestisseur navait pas russi obtenir comme causes du retard de paiement des heures supplmentaires.
236 Elles espraient quaprs les ftes dhiver (le Nol et le Rveillon) la situation serait amliore, tout en manifestant leur mcontentement de navoir pas touch cet argent avant les ftes. Pourtant, des interviewes ralises, nous avons pu constater que cette discordance entre apparence et ralit na pas chang limage sur le srieux du propritaire italien. Comme nous lavons dj mentionn dans lanalyse faite pour les entreprises X et Y, le srieux est une importante source dautorit morale et un facteur dattractivit dans le choix dun emploi. Une explication possible pour cette perception de la part des employs serait le fait quen gnral le salaire (y compris le salaire de base) tait pay temps. Mme sil y avait des retards, ceux-ci ntaient pas comments dune manire ngative par les ouvriers. Le commentaire le plus ngatif a t : [] il semble quils [les propritaires italiens] ne respectent toujours pas leurs promesses . Une autre explication serait quen fait, cette poque, il ny a eu quune fois (daprs les dclarations des personnes interroges) o les heures supplmentaires nont pas t payes. De plus, le retard dans le paiement des heures supplmentaires effectu avant Nol a t peru comme un retard et non comme une intention du propritaire italien de ne pas payer les heures supplmentaires. De mme, une part des ouvriers ont fait lexprience de travailler pour des entreprises o ils nont pas t pays pour leur travail, le paiement avec retard apparaissant ainsi comme un moindre mal. Mais, la situation a beaucoup chang entre janvier et aot 2007 quand nous avons repris notre recherche sur lentreprise Z. Car, le conflit dclench par labsence du paiement des heures supplmentaires effectues en dcembre 2006 a escalad au point o les ouvriers nont pas du tout t pays pour le mois de janvier 2007. Presque tous les ouvriers qui faisaient partie de lquipe de 50 ouvriers ont prsents leur dmission, lautre quipe continuant travailler, mais avec un personnel rduit. Ainsi, en aot 2007, il restait dans lentreprise Z seulement 15 ouvriers des 80 employs initiaux. Lquipe qui a dmissionn avait intent un procs aux propritaires italiens, jusqu la date de notre recherche le conflit ntait pas encore solutionn. Pourtant, mme si le srieux des investisseurs italiens a t remis en question, nous avons rencontr parmi les ouvriers qui avaient dmissionn des opinions qui justifiaient la situation cre non pas par un manque de srieux des propritaires italiens, mais par la tromperie de leurs comptables dorigine roumaine. Les mmes opinions, nous les avons rencontres aussi parmi les ouvriers qui taient rests travailler pour lentreprise Z, qui utilisaient cet argument pour justifier leur option dy rester. Pour certains dentre-eux, les
237 investisseurs restaient encore crdibles , parce que jusqu la fin, ils ont commenc payer les heures supplmentaires, mmes si avec des retards . Au-del du srieux , lhumanit (omenia) en tant que source dautorit morale, apparat aussi dans le discours des personnes interroges de lentreprise Z, tant sous la forme de lapprciation positive de son existence, que sous la forme de lapprciation ngative de son inexistence. Seule une des contrematres a apprci, positivement, lhumanit (omenia) des propritaires italiens, mais en la nuanant avec lide de l entente rciproque . On peut y identifier une manifestation de la relation de complicit entre eux et nous que nous avons prsente comme lment constitutif de lthique socialiste du travail gard aussi, en quelque sorte, dans lthique du travail postsocialiste : Ils sont tolrants, mais il faut que nous les entendions aussi (L. I., contrematre). Lide de la comprhension est apparue aussi aprs le conflit finalis avec la dmission dune des quipes douvriers, mais au sens de lappel des investisseurs italiens lhumanit des ouvriers, qui leur faisait comprendre la situation financire critique des investisseurs, situation qui ne leur avait pas permis de payer les salaires temps. Gnralement, lhumanit (omenia) en tant que source dautorit morale sest rvle dans les interviews des ouvriers. En particulier, dans la premire priode de notre recherche, par la critique faite au propritaires italiens pour leur absence dhumanit. Dans quelques cas, labsence de lhumanit (omenia) a pris la forme du strotype national ngatif concernant les Italiens et parfois on a suggr mme le manque de srieux de ceux- ci: Les Italiens sont si abjects. Ils veulent seulement du travail, quant largent, quon attend. (V. F., ouvrire non qualifie)
Celui-ci [le patron italien de lentreprise X] est un brave homme, il sait te respecter, mme si je croyais que tous les Italiens taient pareils [aprs son exprience de travail dans lentreprise Z] (C., confectionneuse)
Nous avons pu rencontrer aussi des strotypes nationaux ngatifs concernant les Roumains, relativement des aspects tels que la correction dans les relations de travail, le dsir de senrichir et /ou obtenir le pouvoir dans une entreprise, la peur dexprimer les opinions devant les suprieures hirarchiques, lacceptation des conditions pires de travail, le manque de solidarit.
Bien, il [le propritaire italien] a eu des employs, des comptables, peut-tre trop nombreux car ils lont escroqu [] parce quil a donn dargent, mais les Roumains, vous savez comme ils sont, lont extorqu [] (D., ouvrire non qualifie)
238 En gnral en confections on travaille beaucoup et, mon avis, ce nest pas la faute aux patrons (mais, il y a aussi leur faute, car ils fixent les termes), cest la faute aux Roumains, nos chefs, qui comme toujours, y prennent une bonne position et ils touchent un salaire de 40 millions lei et ils puis nous exploitent [] (M., ouvrire non qualifie)
Une autre caractristique du contrat psychologique entre employeur et employs - caractristique conscutive la recherche de lavantage de cot de la part de linvestisseur italien, et la spcificit locale des conceptions du travail - est le calcul rationnel sur lequel se fonde la relation entre eux. Ainsi, les ouvriers choisissent de travailler et de rester dans lentreprise, en dpit du programme de travail, pour les raisons dj mentionnes au dbut de notre analyse, tandis que lemployeur bnficie au maximum, pour le prix offert (parfois, comme nous lavons dj vu, sous la valeur ngocie initialement), de leffort de travail de ses employs. Un exemple est la maintenance du mme volume de commandes dans les conditions o, la suite des dmissions, le nombre demploys a diminu de 80 15, ce qui parfois a engendr un horaire de travail de 36 heures non stop, selon les dclarations des ouvriers interrogs. Les paroles dun des employs interviews, dans la description de la manire dont le travail des ouvriers est valu, sont trs suggestives pour le calcul rationnel trouv la base de la relation entre employeur et employs : Eux, ils [les investisseurs italiens] calculent en temps, nous, [les ouvriers] nous calculons en argent . En fait, le calcul en temps est aussi un calcul en argent , car lunit de temps accord pour chaque opration effectue est un indice pour la capacit de production et une grande capacit de production signifie un bnfice financier, surtout pour les entreprises qui produisent en systme TPP. Comme dans le cas de lentreprise X, nous avons identifi des lments dignorance de la diffrence culturelle. Ainsi, linvestisseur italien ne parle pas le roumain, pendant ses visites dans lentreprise il tant le plus souvent accompagn par un traducteur. Quand ce dernier nest pas prsent, la communication est ralise par lintermdiaire de lpouse de linvestisseur italien, elle aussi implique dans lactivit de lentreprise ; mais la communication est unilatrale, car elle comprend le roumain, mais elle ne le parle pas. De mme, quand le traducteur est absent, linvestisseur italien parle aux contrematres en italien, car celles-ci le comprennent (mais elles ne le parlent pas). Pourtant, cette mconnaissance de la langue roumaine de la part de linvestisseur italien nest ressentie dune manire ngative ni par les ouvriers, ni par les contrematres car les ouvriers interagissent directement avec la contrematre de leur quipe, tandis que les contrematres interagissent surtout avec le directeur gnral (dorigine roumaine) et avec le
239 coordinateur des entreprises et le plus souvent par voie tlphonique. Le directeur gnral, le coordinateur des entreprises et les investisseurs italiens travaillent et habitent Baia Mare et visitaient lentreprise de la petite ville de Maramure seulement 2 3 fois par semaine, pour quelques heures, quand ils font le tour ( [] ou "giro", comme ils disent [les investisseurs italiens] - L.I., contrematre) des entreprises situes en dehors de Baia Mare. Le fait que ni les propritaires italiens, ni le directeur gnral nhabitent la localit o lentreprise tudie se trouve pourrait constituer une des explications de la faible image de lentreprise Z parmi les habitants de la localit. De mme, il y a une faible association de lentreprise Z un propritaire dorigine italienne. Lentreprise Z nest connue ni daprs son nom, ni daprs lorigine italienne du propritaire, elle est le plus souvent dnomme en association avec lactivit de lentreprise qui fonctionnait antrieurement dans le sige actuel de lentreprise Z. Des explications dans ce sens-l nous pourrions les trouver tant dans la dure, relativement courte, de fonctionnement de lentreprise que dans le manque dun sigle avec le nom de lentreprise. Egalement, une explication rsiderait dans la faible culture organisationnelle de lentreprise Z et le faible attachement des employs lentreprise. Pourtant, dans la deuxime priode de notre recherche, en aot 2007, nous avons pu enregistrer un changement dans la perception des habitants de la localit sur lentreprise Z la suite de la dmission dun nombre si grand demploys et du procs intent aux investisseurs italiens, lentreprise et lorigine italienne du capital en devenant ainsi plus connues.
5.2.2. Lanalyse de la culture dentreprise
Comme dans le cas de lanalyse des cultures des entreprises X et Y, nous utiliserons les niveaux proposs par SCHEIN (1985) seulement comme des repres. Nous commencerons lanalyse par le niveau le plus visible de la culture dentreprise : les artefacts et les symboles. Lespace de lentreprise est amnag dans un btiment o a fonctionn durant une longue priode une entreprise dusinage de pierres. Laspect extrieur est celui dune halle abandonne, seulement une porte de verre termopan indique que le btiment a t rnov et quune potentielle activit sy dveloppe. Un mr spare les salles o travaillent les deux quipes, ayant des entres spares. Mme si lamnagement dun rfectoire avait t prvu dans les plans initiaux de modernisation de lespace et que quelques actions dans ce sens-l avaient t inities, le rfectoire na pas t finalis, les ouvriers prennent leur repas sur les
240 machines coudre. Sur la faade extrieure il ny a aucun sigle ou inscription avec le nom de lentreprise. Ainsi, le niveau des artefacts (corrl dautres lments de la culture de lentreprise Z) reflte une hypothse fondamentale de la culture de cette entreprise : louvrier est seulement un excutant. Par consquent, il ne faut pas investir pour lui assurer des conditions de travail meilleures. Au-del de labsence dun rfectoire, les conditions physiques de travail sont perues par les ouvriers comme difficiles. Ainsi, en t il fait trop chaud cause de labsence dun systme de ventilation, tandis quen hiver il fait assez froid, mme sil y a un systme de chauffage bois (une des causes du froid est une mauvaise isolation des portes dentre dans les ateliers de production). Les ouvriers interrogs ont mentionn lexistence de plusieurs cas de maladie cause de ces conditions de travail et la diminution de la capacit productive pour la mme raison ( Avec ce froid, on ne peut pas produire ). Le patron italien avait t inform de cette situation, mais jusquau moment o nous avions fini notre recherche, il navait fait aucune dmarche fait pour remdier la situation. Nous considrons quun rle majeur dans la formation de cette hypothse fondamentale ( louvrier est seulement un excutant ) revient lavantage de cot sur lequel est base la production en systme TPP et aussi au calcul rationnel spcifique au contrat psychologique cr entre les propritaires italiens et leurs employs. Cette hypothse fondamentale est reflte par plusieurs pratiques de lentreprise, le programme de travail extrmement charg tant un exemple trs suggestif dans ce sens-l. Les ouvriers ont racont que les jours o ils avaient travaill 24 31 heures ( ce temps-l il y avait encore 80 employs) continuellement, lambulance avait t appele plusieurs fois (quelques-unes des confectionneuses se sont vanouies), mais la production na pas t arrte. Le refus des propritaires italiens de payer ce grand nombre dheures supplmentaires et mme le salaire de base est aussi une manifestation de lhypothse fondamentale mentionne antrieurement. La modalit de communication entre le propritaire italien et les ouvriers par intermdiaire (traducteur ou contrematres) reflte galement une conception instrumentale de lentreprise. De mme, la position de force sur laquelle les propritaires italiens se sont situs, notamment dans la premire priode de notre recherche, dans leurs ngociations avec les employs sur des questions concernant le paiement, le rythme du travail ou les conditions du travail, en offrant aux mcontents lalternative de quitter lentreprise, reflte leur approche instrumentale par rapport lemploy.
241 Cette hypothse fondamentale a t renforce 716 par le calcul rationnel spcifique au contrat psychologique cr entre employer et employs. En fait, cette hypothse est une rflexion du calcul rationnel de lemployeur. Mais, le calcul rationnel des employs renforce aussi cette hypothse, ceux-ci acceptant (pour des raisons varies) de travailler pour cette entreprise. Par consquent, lattachement des employs lentreprise est gnralement faible. Nous considrons que cet attachement faible rsulte aussi de lexistence de deux groupes distincts demploys : ceux qui ont travaill pour lentreprise prise initialement par les propritaires italiens dans la petite ville de Maramure et ensuite, la suite de la faillite de cette entreprise, pour lentreprise dtenue par les propritaires italiens Baia Mare et le groupe de ceux qui ont t employs ultrieurement la cration dune nouvelle entreprise (lentreprise Z) dans la petite ville de Maramure. De mme, le fonctionnement depuis (relativement) peu de temps de lentreprise Z et lhistoire qui a prcd sa cration constituent aussi des raisons pour le faible attachement des employs lentreprise. La crise laquelle est confronte lentreprise Z, crise finalise avec la dmission dun trs grand nombre demploys a rvl quen fait lattachement /la loyaut des employs est plutt envers leurs contrematres quenvers lentreprise. Ainsi, une vingtaine des ouvriers dmissionnaires ont suivi leur contrematre, en travaillant pour une autre entreprise, toujours dans le domaine des confections, Baia Mare et ensuite pour les propritaires de celle-ci dans une entreprise ouverte dans la petite ville de Maramure do les ouvriers taient originaires. Plusieurs de ces ouvriers ont travaill aussi sous la direction de la mme contrematre dans lentreprise prise initialement par les propritaires de lentreprise Z. galement, une partie des ouvriers rests travailler pour lentreprise Z y sont rests pour des raisons de loyaut envers leur contrematre. La rotation du personnel, mme si une des contrematres ne la considre pas trop grande, pourrait constituer aussi une autre explication possible du faible attachement lentreprise. La principale raison pour laquelle les employs quittent lentreprise pendant la premire priode de notre recherche tait le programme de travail trop charg. Les plus affects par le programme de travail sont les employs qui habitent les villages voisins de la localit, car ceux-ci doivent faire la navette et les propritaires italiens nont pas mis leur disposition un minibus ainsi quils avaient procd, avant la cration de lentreprise Z, pour les employs de la petite ville qui travaillaient dans lentreprise de Baia Mare. Pour arriver
716 Conformment Edgar SCHEIN, les hypothses fondamentales se crent la suite du succs ou de la validation sociale dun certain comportement.
242 temps au travail, les employs de villages voisins devaient se mettre en route 2 heures du matin pour tre sures de trouver un moyen de transport. Pourtant, daprs les dclarations dune des contrematres, seulement une des ouvrires des villages voisins a renonc son emploi cause de la navette. Mais, le programme de travail est considr trop charg aussi par les ouvriers qui sont des habitants de la petite ville de Maramure. Ainsi, une part des ouvriers attirs par le salaire plus haut offert par lentreprise Z et par le renom dentreprise srieuse (qui paie temps et qui conclut des contrats de travail avec les ouvriers) sont retourns dans les entreprises do ils taient partis ou avaient cherch un autre emploi. Par exemple, une employe de lentreprise X est partie travailler pour lentreprise Z et elle sest retourne travailler pour lentreprise X, aprs 5 mois de travail dans lentreprise Z. Elle nous a dclar quelle prfrait un salaire plus bas et le silence impos pendant le travail dans lentreprise X que davoir un programme de travail si charg. Elle-mme considrait que la rgle du silence confrait une unit lentreprise X, unit dont lentreprise Z ne bnficiait pas. On peut identifier un autre lment significatif : lhistoire professionnelle est plus relaye par le nombre dannes de travail dans une certaine entreprise, par le domaine dactivit de lentreprise, par la localit ou lentreprise fonctionne ou a fonctionn et par le nom du propritaire que par le nom de lentreprise. Cette situation peut tre rencontre surtout dans le cas des personnes qui ont travaill aussi pendant le rgime socialiste. Ainsi, celles-ci emploient, en gnral, dans la description de leur trajectoire professionnelle, le nom de lentreprise o elles ont travaill (le plus) pendant le rgime socialiste, les entreprises o elles ont travaill depuis le post socialisme tant dsignes en fonction des lments mentionns ci-dessus. Les personnes plus jeunes emploient le nom de lentreprise mais aussi par les lments mentionns ci-dessus pour dcrire leur trajectoire professionnelle. Un cas illustratif dans ce sens-l est celui dune ouvrire qui a travaill tant pour lentreprise Y que pour lentreprise Z et qui, pendant linterview, ne comprenait pas nos rfrences lentreprise Y quand nous utilisions son nom. Louvrire respective dsignait lentreprise Y par la italianu ( chez lItalien ) et par lindication de la main vers la direction o lentreprise ( l-bas ) se trouve et lentreprise Z par ici, o je travaille maintenant , en indiquant aussi la direction o lentreprise est place. Nous considrons que ce type de rapport sur le lieu de travail est trs reprsentatif de la priode de transition caractrise par changements rapides et imprvisibles dans la lgislation de travail (et non seulement), par lapparition du portefeuille dconomies et de louvrier de portefeuille et, en gnral, par une plus grande inscurit de lemploi. Par
243 consquent, le sentiment dappartenance la communaut de lentreprise, sentiment qui autrefois tait assez fort, a beaucoup faibli. Le manque dintrt et de connaissances de la part du management des entreprises (surtout dans le cas des PME o le management est le plus souvent intress par la survie de lentreprise court terme) pour linstrumentalisation de la culture de lentreprise afin daccrotre la loyaut des employs en leur offrant le sentiment dappartenance, contribue aussi laffaiblissement de lattachement des employs leur lieu de travail. De plus, lexprience professionnelle (post socialiste) des ouvriers interrogs a montr que dans la plupart des cas, le travail pour des investisseurs trangers attirs par les avantages cots ne donne pas lieu des amliorations des conditions de travail et dexistence. Tous ces lments alimentent les anticipations souvent sombres sur lavenir de lentreprise telle que :
Seulement Dieu le sait [combien de temps lentreprise fonctionnera encore]. [Il est possible] quun jour il [le propritaire italien] soit parti avec tout [sans annoncer personne] (V. D., confectionneuse)
Une telle perspective peut devenir plus nuance quand elle est combine avec lide de la responsabilit des employs. Ainsi, ceux-ci doivent travailler pour que lentreprise ne soit pas ferme. On peut y voir une similarit avec lentreprise X o lavantage du cot le plus bas est transform en menace de fermeture de lentreprise si les ouvriers ne respectent pas les dlais :
Je ne sais pas combien a [lentreprise] rsistera, seulement Dieu le sait [] [Mais] si nous ne travaillons pas, nous aurons la surprise quil ferme [lentreprise]. (L. I., contrematresse)
Lhypothse fondamentale de louvrier en tant quinstrument dexcution est reflte aussi par le systme de contrle de lentreprise Z, au moins dans sa conception. Ainsi, le propritaire italien a donn aux contrematres la consigne dinterdire aux ouvriers de parler pendant lhoraire de travail (cas identique pour lentreprise X), afin quils se concentrent mieux sur la production et sur la qualit de leur travail et quils ne perdent pas leur temps . Mais, les contrematres nont pas mis en pratique cette instruction car le systme de contrle leur permet de transgresser cette rgle. Les propritaires italiens et le directeur gnral visitent lentreprise seulement 2 3 fois par semaine, pendant quelques heures et le contrle quotidien de lactivit de lentreprise Z est exerc par les contrematres qui rapportent tlphoniquement aux dirigeants de Baia Mare.
244 Les ouvriers, en gnral, ressentent une assez forte distance hirarchique par rapport aux propritaires italiens, et dclarent modifier leur comportement en prsence de ceux-ci (au sens dun plus haut degr de formalisation).
On ne peut pas dialoguer dune manire personnelle dans la prsence des chefs [y compris les propritaires italiens], il faut tre officiel, neutre ; on ne peut pas dire de trop. (C., confectionneuse)
Un autre indice de la forte distance hirarchique par rapport aux propritaires italiens est la crainte des ouvriers dexprimer leurs mcontentements au sujet de leurs conditions de travail. La crainte dexprimer leurs mcontentements se manifeste aussi envers les personnes quils ne connaissent pas (notre cas), cause des potentielles rpercussions ngatives possibles au cas o les propritaires auraient vent de leurs opinions. Par exemple, une des ouvrires interviewes nous a donn au dbut de linterview seulement des rponses socialement correctes , hsitant parler du paiement des salaires, du programme de travail, des relations avec les propritaires italiens. En comprenant sa rticence, nous avons repris les assurances de confidentialit que nous lui avions donnes quand nous lavions contacte pour linterview : [] je ne sais pas si je peux vous dire je travaille pour un Italien etce chef, il est assez fou il veut seulement quon travaille (V.F., ouvrire non qualifie). Les relations avec les contrematres sont plus informelles et leur autorit peut tre mise en question. Ainsi, les ouvriers ont mentionn des conflits verbaux assez durs entre eux et les contrematres, mais ils les ont considrs soit comme quelque chose de normal pour un atelier de couture , soit comme quelque chose de normal pour les relations entre femmes (la plus grande majorit des ouvriers tant des femmes). Dautre part, pour une des contrematres interroges adopter un comportement autoritaire avec les ouvriers est un lment ncessaire pour affirmer sa position dans lentreprise : [] en qualit de contrematre, il faut tre autoritaire sinon ils [les ouvriers] deviennent insolents . Mais, elle comprenait aussi la duret des conditions de travail pour les ouvriers, ce qui la rendait plus indulgente dans les relations avec ceux-ci. Les ouvriers considrent aussi que les contrematres (et les suprieures hirarchiques en gnral) doivent avoir un comportement plus autoritaire dans les relations avec les ouvriers afin que ceux-ci accomplissent convenablement leurs tches et quils suivent les indications donnes. Le caractre diffrenci des relations avec les individus situs sur des positions hirarchiques diffrentes a gnr certains modles de comportement. Ainsi, les relations informelles avec les contrematres et la complicit avec celles-ci dans la transgression de la
245 rgle du silence pendant le programme de travail sont opposer au modle de comportement plus officiel adopt lors des visites des propritaires italiens dans lentreprise. Si lautorit du propritaire drive dans la plus grande mesure de sa position hirarchique, lautorit de son pouse drive de ses connaissances professionnelles et de son implication dans lactivit de lentreprise. On peut saisir de nouveau, comme dans le cas des entreprises X et Y, le fait que lexpertise professionnelle et le travail assidu (cette perception nous lavons rencontre seulement dans le cas de lentreprise Y lgard du travail dun des chefs dquipe) constituent des sources dautorit :
Elle ? Elle est une femme trs diligente, elle travaille beaucoup, du matin soir, surtout lentreprise de Baia Mare [] Elle, la chef, est lorganisatrice de laffaire, car elle est celle qui sait faire le mtier [la couture] [] elle est celle qui se mle [dans des questions de production pendant les visites rendues lentreprise Z] (V.F., ouvrire non qualifie)
Ces sources dautorits diffrentes des propritaires italiens et les dclarations des ouvriers interrogs ont rvl quen fait le propritaire italien tait considr comme le responsable pour de la manire dont lentreprise fonctionnait et comme ayant le plus grand pouvoir de dcision. Nous considrons que les hypothses fondamentales principales pour la culture de lentreprise Z (le calcul rationnel et louvrier en tant quinstrument dexcution ) constituent - ct du court historique de fonctionnement de lentreprise et de lexistence de deux groupes diffrencis par leur historique de travail et par le travail actuel dans cette entreprise - des facteurs explicatifs pour la culture faible de lentreprise Z. Car, ces hypothses fondamentales rendent difficile lapparition des valeurs partages parmi les membres de lentreprise. La crise rcente laquelle est confronte lentreprise a affaibli sa culture, une des questions poses par une partie des employs rests tant la priode pendant laquelle lentreprise survivra.
5.2.3. Pratiques de gestion des ressources humaines
Le recrutement du personnel Comme dans le cas des entreprises X et Y, le recrutement du personnel se fait essentiellement par lintermdiaire des relations et des connaissances personnelles et du systme informel de communication spcifique aux communauts traditionnelles. De plus,
246 lentreprise Z a bnfici dune partie de ses employs la suite de la reprise, dans la petite ville de Maramure, dune affaire dj existante, mais peu rentable, dans le domaine de la confection. De mme, on a diffus des annonces publicitaires sur le poste local de tlvision pour attirer de la main duvre disponible des villages voisins. Le systme de recrutement considr comme le plus efficace par une des contrematres interroge est celui de la communication informelle. Cette spcificit du systme de recrutement a affect lentreprise Z aussi dune manire ngative. Car la suite de la crise qui a engendr la dmission dune grande partie des ouvriers, lentreprise Z sest retrouve en dficit de personnel, et a t confronte la difficult de trouver de nouveaux employs. Une des consquences a t lappel des investisseurs italiens, par lintermdiaire de la contrematre reste dans lentreprise, au retour des employs qui avaient dmissionn, avec la promesse du paiement des salaires et des heures supplmentaires restantes.
La slection, la formation et la spcialisation du personnel la diffrence des entreprises X et Y, dans le processus de slection du personnel, la qualification et lexprience professionnelle est le principal critre pris en considration. On cherche du personnel qui a un certificat de qualification dans le domaine de la confection. Cette prfrence pour un personnel qualifi peut tre considre aussi comme le rsultat de lorientation des investisseurs italiens vers lavantage de cot :
[On nemploie pas] des jeunes filles [sans qualification]cest une perte [un gaspillage] dlectricit, de temps, de qualit (L.I., contrematre)
Pourtant, labsence de qualification professionnelle nempche pas lembauche du personnel si lentreprise en a besoin. Car il y a trois catgories douvriers, en fonction de leur qualification et dannes dexprience professionnelle : dbutants , ouvriers non qualifis et confectionneurs , le salaire de base ngoci tant, dans la premire priode de notre recherche, diffrent en fonction de la catgorie dont ils faisaient partie. Le personnel nest pas form ou spcialis sur le lieu de travail. Si quelquun dsire obtenir une qualification dans le domaine de la confection, lentreprise ne paiera pas de formation ddie. Par consquent, lencadrement initial reste dans une trs grande mesure stable. Au cas o la commande reue suppose la production dun modle nouveau, un technicien issu de lentreprise italienne se dplace pour donner des explications et des
247 indications de production aux contrematres (le technicien parle le roumain) et linspecteur sur les demandes de qualit des produits. leur tour, les contrematres instruisent les ouvriers. Lintgration du personnel Il ny a pas de procdures spcifiques dintgration des nouveaux employs, leur intgration se produisant graduellement, par le travail, ce processus tant favoris par le caractre communautaire de la localit o se trouve lentreprise.
La motivation, la compensation et lvaluation du personnel Le systme de motivation du personnel, comme dans le cas de lentreprise Y, est fortement influenc par lorientation cot, tout en tant moins complexe que dans le cas de lentreprise X. La principale motivation positive est de nature financire. Pendant la premire priode de notre recherche, la politique de compensation du personnel supposait le salaire de base, qui tait ngoci en fonction de la catgorie dencadrement, et le paiement pour les heures supplmentaires. Le paiement des heures supplmentaires dpendait aussi de la catgorie dencadrement. Par consquent, un dbutant tait moins pay quun confectionneur et mme quun ouvrier non qualifi. Mme si la rmunration en fonction de la qualification professionnelle est un principe souvent rencontr dans des entreprises quimporte leur domaine dactivit, la modalit o il est mis en pratique dans lentreprise Z peut laisser sentrevoir une orientation des cadres dirigeants vers le cot le plus bas possible. Ainsi, une femme avec une exprience de travail de 14 ans dans le domaine de la confection, qui a un certificat de qualification dans le domaine du tricotage, est encadre en tant quouvrier non qualifi, car elle na pas un certificat de qualification dans le domaine de la confection. Nous navons pas russi apprendre quelle tait la somme reue par heure supplmentaire en fonction de catgorie, car les ouvriers ne le savaient pas exactement. Pourtant, chaque ouvrier recevait son salaire dans une enveloppe o il y avait aussi des dtails concernant les lments composants la somme totale reue et le nombre total dheures supplmentaire. Nous considrons quune explication possible serait de nature procdurale : le nombre rel dheures supplmentaires nest pas crit dans la pice justificative du salaire parce que celui-ci dpassait beaucoup les prvisions lgales. Car, dans lentreprise Z la dure du temps de travail par semaine est, en moyenne, de 110 heures (selon les dclarations dune des contrematres interroges). Lhoraire rgulier de travail dans lentreprise Z est du lundi au
248 vendredi de 5h 17h (avec pause 8h (30 minutes), repas de midi (20 minutes) et 14h (pause cigarette) et le samedi de 5h 12h. Mais, daprs les dclarations des personnes interroges, cet horaire se prolongeait beaucoup. Ainsi, il y a des jours o les horaires commence avant 5h (2h du matin) et dure jusquau soir. Comme nous lavons dj mentionn, il y a eu mme des situations o lon a travaill en continue pendant 24 heures (les dclarations concernant cet pisode de lhistoire de lentreprise ont vari, de 24 heures 31 heures). De mme, on travaille souvent les dimanches. Par consquent, pour les ouvriers il tait difficile de connatre exactement le nombre dheures supplmentaires et le paiement accord pour celles-ci. Par exemple, une des ouvrires qui a quitt lentreprise Z et qui est retourn travailler pour lentreprise X apprciait que le systme de pointage et de calcul des heures supplmentaires ft plus transparent dans lentreprise X que dans lentreprise Z. Pourtant, nous avons reu des informations sres concernant les catgories dencadrement et le salaire de base net : les dbutants avaient un salaire de base de 400 RON (environ 114 ), les ouvriers non qualifis 500 RON (environ 140 ) et les confectionneurs 600 RON (environ 170 ). De mme, nous avons appris que le paiement des heures supplmentaires doublait le salaire de base. Le salaire de base dune contrematre tait de 1000 RON (environ 285 ). On peut y identifier aussi, au-del dune explication procdurale, un lment de nature culturelle : la moindre attention accorde par les ouvriers (surtout ceux issus de milieux ruraux) aux formes crites qui rglementent leur travail. Ainsi, une situation que nous avons souvent rencontre parmi les ouvriers interrogs dans les trois entreprises, tait la mconnaissance du contenu de leur contrat de travail (si ctait le cas) : le salaire ; sil sagissait dun contrat plein temps ou mi-temps ; lencadrement, etc. Par exemple, dans la partie du questionnaire concernant la position occupe dans lentreprise, un grand nombre douvriers interrogs ont crit les activits droules. De mme, aux interviews, une rponse souvent rencontre la question concernant la position occupe dans lentreprise a t : je ne sais pas exactement . En gnral, les ouvriers se posent des questions concernant leur contrat de travail que lorsquils se trouvent dans la situation davoir besoin de leur assurance maladie. Au-del de la motivation financire sous la forme du salaire de base et le paiement pour les heures supplmentaires, il ny a pas dautres instruments de motivation positive. Dans la deuxime priode de notre recherche, le systme de rmunration a t chang, le paiement tant calcul en fonction de diffrentes phases de la production.
249 Lintroduction de ce nouveau systme, selon les dclarations des ouvriers interviews, a t le rsultat des plaintes des ouvriers concernant le salaire ngoci en fonction de la catgorie dencadrement qui ne permettrait pas une rcompense diffrencie de la performance. Au-del de la motivation financire du personnel, on pratique un systme combin de pnalisation individuelle et collective en cas de rebuts. Tous les membres dune quipe doivent rester dans lentreprise jusqu la finalisation de la vrification de la qualit de toutes les pices produites le jour respectif. En cas de rebut on identifie les personnes responsables qui doivent retoucher la pice ou les pices respective(s). Mais tous les membres de lquipe doivent rester dans lentreprise jusqu la finalisation de la retouche, et effectuent diffrentes oprations simples (nettoyage, surfilage, etc.) ou, sils le veulent, peuvent aider les collgues responsables des rebuts. Par consquent, dans les conditions o le programme de travail est gnralement trs charg, tous les membres dune quipe sont impliqus dans la retouche des rebuts. De plus, laide rciproque est valorise dune manire positive, au-del des exigences fonctionnelles du travail. Une des ouvrires qui a travaill aussi dans lentreprise de Baia Mare nous racontait que dans la priode o elle y avait travaill, le jour de 1 er Mars, le propritaire italien passait par latelier de production et offrait chaque ouvrire un bouquet de perce-neiges. Ce rituel nest pas pratiqu dans lentreprise de la petite ville de Maramure, les ftes religieuses ou laques (8 Mars, journe de la Femme) ne constituant pas doccasions pour rcompenser le personnel dune manire financire ou non financire. Pendant la premire priode de notre recherche, le personnel tait valu en fonction de la norme de production ralise par quipe. Par consquent, les membres dune quipe taient dpendants les uns des autres. Un exemple est la manire dont on retouche les rebuts, lorsque toute lquipe doit rester jusqu la finalisation de la production conformment aux paramtres de qualit demands. Chaque opration avait spcifi le temps de production et la valeur en argent (combien tait paye lopration respective). Ainsi, la valeur en argent du temps travaill apparat trs clairement. Les commandes reues varient entre 1 200 et 2 000 pices et dpendent de la qualit et de la rapidit de la production. Ainsi, il y a des bnficiaires qui font premirement une commande de petites taille (mme 10 pices) et sils sont contents en font une de plus grandes proportions. En gnral, la commande et son temps de ralisation sont mal apprcis au regard des capacits de production. La dmission dun grand nombre douvriers a augment le volume de travail pour le personnel en place et a prolong les horaires du travail.
250 La communication La communication (verticale ou horizontale) est essentiellement orale. La communication de bas en haut se fait dans le cadre formalis des runions. Mais, en gnral, dans le cadre des runions, la communication part du haut vers le bas, la plupart des runions ayant une nature informative. Ainsi, on met laccent sur les commandes raliser et sur la ncessit de respecter les dlais et les standards de qualit. De mme, nous avons pu identifier lintention de la direction de motiver (une forme de motivation ngative), par ces runions, les ouvriers pour travailler de plus, par lintermdiaire des critiques.
[Pendant les runions] ils [les propritaires italiens] disent quils ne sont pas contents par la production, que nous travaillons insuffisamment [] . (V. F., ouvrire non qualifie)
Il y a eu des exceptions quand les employs avaient demand la ralisation des runions pour requrir le paiement de leurs droits salariaux. La communication entre linvestisseur italien et les ouvriers se ralise soit par lintermdiaire dun traducteur qui laccompagne parfois, soit il parle directement aux contrematres en italien (celles-ci comprennent la langue italienne, mais elles ne la parlent pas). Aussi, lorsque le traducteur est absent, la contrematre parle linvestisseur italien en roumain, celui-ci comprend vaguement le roumain, mme sil ne le parle pas. De mme, il est presque toujours accompagn par son pouse qui comprend bien le roumain, mais qui ne le parle que trs rarement. Les runions organises par le propritaire italien et son pouse nont pas un caractre rgulier. Mais, il y a aussi des runions organises parfois chaque jour par les contrematres dans le but dexpliquer aux ouvriers la ncessit de travailler plusieurs heures pour raliser la norme de production et de livrer la commande temps. Une autre forme de communication de bas en haut est celle tlphonique entre les contrematres dune part et les propritaires italiens, le directeur gnral et le comptable de lentreprise (ceux-ci travaillent et habitent Baia Mare), de lautre. Ainsi, chaque jour, les contrematres les informent des cadences de production ralise.
La promotion La structure organisationnelle de lentreprise Z noffre pas de possibilits davancement sur lchelle hirarchique, les positions dencadrement initial ayant un trs haut degr de stabilit.
251 Les conflits Les principaux conflits identifis dans lentreprise Z sont ceux dj prsents, entre les ouvriers et les propritaires italiens, pour des raisons salariales. Des dclarations dune des contrematres interroges et des ouvriers ont montr que les contrematres avaient un rle dinterface 717 qui impliquait souvent des conflits de rle. Car, dune part, elles reprsentent les intrts des propritaires italiens, dautre part elles reprsentent les intrts des ouvriers. Ainsi, elles se trouvent dans la situation de demander aux ouvriers de travailler de plus, tandis quelles doivent transmettre aux propritaires italiens les plaintes des ouvriers concernant lhoraire de travail trop charg et les demandes de paiement des heures supplmentaires. De plus, les contrematres ont, en quelque sorte, un rle de leader et peuvent influencer la dcision des ouvriers de quitter ou de rester dans une entreprise. Le programme prolong de travail, mme sil reprsentait une des raisons principales des mcontentements et des dmissions des ouvriers, na pas engendr de conflits forts sauf en cas de non paiement. Car, il est associ par les employs lopportunit de gagner plus (cest une situation assez rpandue parmi les ouvriers qui travaillent pour des entreprises qui produisent en systme lohn) et il est vu comme une garantie de la prennit de lentreprise et donc de lemploi :
[] dans les entreprises avec capital roumain, ce nest pas toujours sr ; il y a des cas o il y a des commandes, il y en a o il ny en a pas, mais ici [dans les entreprises avec participation trangre au capital dinvestissement], on a beaucoup travailler, mais cest sr [] (C., confectionneuse)
5.3. Synthse
Lanalyse de la culture organisationnelle et des pratiques du management des ressources humaines de lentreprise Z a identifi une orientation du management qui peut tre dcrite comme un mlange dignorance de la diffrence culturelle et son utilisation. Un facteur essentiel qui dtermine lignorance de la diffrence culturelle est lorientation des investisseurs italiens vers lavantage cot, orientation qui est permise parfois mme par des lments qui tiennent de la spcificit culturelle, conomique et sociale de la rgion. Ainsi, la valorisation positive parmi les habitants de la localit dun emploi qui ne suppose pas faire la navette et qui offre la possibilit dobtenir des crdits bancaires par
717 Gary JOHNS, Comportament organizaional, Ed. Teora, Bucureti, 1998, p. 437.
252 lenregistrement dans le contrat de travail du salaire brut rellement gagn par lemploy 718
permet aux propritaires italiens dimposer un temps de travail excessif pour honorer les commandes qui dpassent souvent la capacit de production de lentreprise et leurs permet aussi, parfois, mme de ne pas payer les heures supplmentaires effectues par les ouvriers. La possibilit dobtenir des crdits bancaires accrot le degr de dpendance des employs par rapport lentreprise, en renforant aussi le pouvoir de ngociation des investisseurs italiens. Aussi, par lintermdiaire dune de nos informatrices, habitante de la petite ville, qui travaille dans le domaine de lassistance sociale dans les structures de ladministration publique locale, nous avons appris quun assez grand nombre douvriers de lentreprise Z bnficiait daide sociale de lEtat pour les membres de leur famille. Par consquent, le degr de dpendance des employs par rapport lentreprise est plus haut relativement aux entreprises X et Y, ce qui est reflt aussi dans lacceptation des conditions de travail plus dures. Pourtant, cette dpendance par rapport lentreprise cause des crdits bancaires ou du manque dune autre source de revenu a diminu le pouvoir de ngociation des investisseurs italiens dans les conditions o ceux-ci nont pas pay les heures supplmentaires et pour un mois ni mme le salaire de base. Car, les employs ont t mis dans la situation demprunter largent pour payer leurs versements termes fixes et /ou pour assurer les revenus ncessaires pour les besoins de leurs mnages. Dans les conditions o la situation na pas t corrige, ces employs ont t presss de trouver un autre emploi pour sassurer les revenus ncessaires.
Seulement sil nous donnait de largent et nous resterions [] mais beaucoup de nous ont eu des versements la banque, des taxes payer [] car si on ne paye pas a [] Nous avons eu assez des mensonges et nous sommes parties [] Ici on nous donne largent temps, mme avant de 15 [du chaque mois] Nous sommes intresss seulement quils nous paient temps [] (V., confectionneuse)
Ainsi, une assez grande partie des ouvriers ont suivi leur contrematre, pour travailler dans le domaine de la confection. Dautres ont trouv dautres emplois, en dehors du domaine de la confection, tels que vendeuse, femme de mnage, ouvrier non qualifi dans le domaine des constructions ou conducteur auto. La plus grande pression a t exerce sur les membres de la mme famille qui travaillaient dans cette entreprise. Lexemple dun couple, avec trois enfants, qui travaillait sur la mme position (ouvrier non qualifi) pour lentreprise Z. Pendant un mois, ce mnage na
718 Une pratique assez rpandue parmi les entreprises de la Roumanie est celle denregistrer dans le contrat de travail un salaire plus bas pour viter la fiscalit tant pour lemployeur que pour lemploy, le reste dargent tant reu au noir , ce qui ne permet pas lobtention des crdits.
253 eu aucune source de revenu, lpoux a dcid de dmissionner et de travailler en tant quouvrier non qualifi pour entretenir sa famille et pouvoir payer les versements termes fixes. Lpouse est rest travailler pour lentreprise Z. Mais elle percevait le futur de lentreprise Z dune manire pessimiste, en doutant de sa durabilit. Lalternative quelle envisageait tait soit le retour au lieu de travail antrieur (lentreprise Y) soit le travail ltranger, cette dernire alternative tant envisage aussi par son mari. Les ouvriers qui sont rests travailler dans lentreprise Z taient en gnral moins presss par la question financire car, dans leur mnage, existait une autre source de revenus et /ou un faible endettement. Dautres raisons invoques ont t le pessimisme concernant la possibilit de trouver localement un emploi meilleur, doubl dun refus de faire la navette pour des raisons de cots, tant financiers que de temps, ou la confiance dans le redressement financier des propritaires italiens. De mme, nous avons rencontr, tant parmi les ouvriers partis ailleurs que parmi ceux rests, la perception de la difficult en gnral de travailler dans le domaine de la confection en raison des horaires lourds de travail.
Les femmes partent pour trouver un emploi plus confortable [] cest un travail stressant, aprs tant dannes dans la couture, on est dj fini [] On dit que nimporte o, on travaille 8 heures Dans la couture ce ne serait pas possible [] si on fait des contrles, oui, on travaille seulement 8 heures, mais si on vient aprs lheure 2 ou 3 ou 5 heures du matin, nous serions toujours-l [] (A., confectionneuse)
Ainsi, il y avait des ouvriers qui envisageaient la possibilit de travailler dans dautres domaines et les uns, comme nous lavons dj mentionn, mme lont fait la suite de leur dmission de lentreprise Z.
6. Comparaisons et analyse des pratiques de terrain
6.1. Les lments de convergence
Lanalyse de lhistorique de la constitution des entreprises X, Y et Z indique des similarits du point de vue des facteurs dattractivit qui ont dtermin les investissements en Roumanie. Ainsi, tous les trois investisseurs ont t attirs par la main duvre bon march,
254 sinscrivant ainsi dans la tendance plus gnrale des investisseurs trangers prsents en Roumanie. Les raisons qui ont dtermin lemplacement de lentreprise dans la petite ville de Maramure sont assez varies, mais dans le cas des trois entreprises il y a comme lment commun lavantage cot. Ainsi, dans le cas de lentreprise X, la raison a t laspect, la position du btiment lu pour loger la nouvelle entreprise et la location demande par le propritaire de lespace. Dans le cas de lentreprise Y, les raisons ont t lexistence de la matire premire et son cot bas et dans le cas de lentreprise Z, la reprise dune affaire peu rentable dans le domaine de la confection, une main duvre originaire de la localit et lacquisition dun espace pour le sige de lentreprise un prix convenable.
Tableau 7 : Lhistorique de la constitution des entreprises X, Y et Z une approche comparative
Objet principal dactivit Anne de la cration de lentreprise Facteurs dattractivit pour les investisseurs italiens en Roumanie Raisons qui ont dtermin la localisation de lentreprise Entreprise X o la production (en systme TPP) darticles et daccessoires dhabillement (des maillots de bain) ; 2001 o la main duvre bon march ; o des raisons conjoncturelles (la femme de linvestisseur italien tait dorigine roumaine) ; o laspect, la position du btiment lu pour loger la nouvelle entreprise et la location demande par le propritaire de lespace ; Entreprise Y o lusinage du bois brut (la production des produits semi- finis : planches, parquet, des briquettes combustibles) 1993 o lexprience antrieure de linvestisseur italien de faire des affaires en Roumanie ; o la faible concurrence dans le domaine ; o la main duvre bon march ; o lexistence de la matire premire (le bois) dans la rgion ; o le cot bas de la matire premire ; Entreprise Z o la production (en systme TPP) des articles et des accessoires dhabillement (articles dhabillement pour femmes et aussi des articles de lingerie pour hommes et femmes) ; 2006 o la main duvre bon march ; o des raisons conjoncturelles (la main doeuvre de lentreprise de lItalie de linvestisseur italien tait dorigine roumaine) ; o la prise dune affaire peu rentable dans le domaine de la confection ; o main duvre originaire de la localit; o lacquisition dun espace pour le sige de lentreprise un prix convenable ;
255 Toutes les trois entreprises sont des entreprises familiales. La structure organisationnelle suppose dans les trois cas des cadres dirigeants dorigine roumaine. Dans le cas des entreprises Y et Z, les investisseurs italiens habitent en Roumanie, dans le chef-lieu du dpartement de Maramure et non pas dans la petite ville o se trouvent les entreprises tudies. Ladministration quotidienne des affaires est la tche des cadres dirigeants dorigine roumaine. Dans le cas des entreprises X et Z, il y a un haut degr de contrle des employs et aussi des cadres dirigeants roumains de la part des investisseurs italiens, les dirigeants roumains rendant compte, chaque jour, tlphoniquement, de la production et du fonctionnement de lentreprise. Lanalyse des pratiques de management interculturel a rvl des similarits entre les entreprises X et Z du point de vue de lapproche de la diffrence culturelle, caractrise par un mlange dignorance et utilisation de la diffrence culturelle. Une forte similarit a t identifie concernant les sources dautorit lintrieur de lentreprise. Au-del de lautorit confre par la position formelle, les plus importantes sources identifies sont : le srieux (seriozitatea), lhumanit (omenia), lducation et lexpertise professionnelle. Les deux premires sources dautorit fonctionnent aussi comme des critres dvaluation dun emploi. Le srieux signifie notamment le paiement temps du salaire et le travail lgal, sur la base dun contrat de travail. De mme, nous avons pu identifier des similarits concernant dautres critres dvaluation dun emploi, le plus important critre commun tant la proximit de lentreprise par rapport au logement personnel, pour viter de faire la navette. On pourrait mme considrer que celui-ci est le plus important critre dvaluation dun emploi. Ces critres dvaluation dun emploi permettent aux investisseurs italiens lutilisation de la diffrence culturelle dans la poursuite de lavantage de cot et pour le renforcement de leur position dans les conflits /les ngociations avec les ouvriers relativement leurs mcontentements. Dautres similarits ont pu tre identifies dans la manire dont le caractre de communaut traditionnelle de la localit influence le processus de recrutement, de slection et dintgration du personnel qui se fait sur la base dun systme de communication informel et des relations personnelles. De mme, ce systme peut tre compris comme une continuation des pratiques du rgime socialiste o laccs aux informations vitales tait permis grce lappartenance des rseaux largis des relations personnelles. Autres similarits dtermines par la spcificit culturelle ont pu tre identifies dans le rapport des ouvriers avec le pouvoir hirarchique qui peut tre apprci en gnral comme
256 haut, mais tant doubl dune relation de complicit avec les suprieurs hirarchiques, relation qui a ses racines dans lthique socialiste du travail. La spcificit culturelle, sociale et conomique influence dune manire similaire le degr de dpendance conomique des employs par rapport lentreprise, dans le cas des entreprises X et Y. Les employs de ces entreprises ont un degr assez faible de dpendance conomique par rapport leurs entreprises. Les facteurs qui y contribuent sont : lexistence du portefeuille dconomies , lexistence dautres sources de revenu (lagriculture y joue un rle essentiel), la possession dun logement proprit personnelle (labsence de la pression de la location donc), le fonctionnement (encore) de la famille largie ou mme la mobilit professionnelle donne par le manque de main duvre. Lanalyse de la culture organisationnelle des entreprises X, Y et Z a identifi deux hypothses fondamentales spcifiques aux cultures des trois entreprises : louvrier est seulement un excutant et les relations de travail entre employeur et employs sont bases sur un calcul rationnel . La constitution de ces hypothses fondamentales est fortement influence tant par lorientation des investisseurs vers lavantage cot que par la spcificit culturelle. Lanalyse des pratiques du management des ressources humaines a mis en vidence des similarits dans les processus de recrutement, de slection et dintgration du personnel, qui sont fortement influencs par la spcificit culturelle de la rgion. Les lments culturels qui influencent de plus ces processus sont le systme de communication informel et les relations personnelles spcifiques aux communauts traditionnelles dont la petite ville de Maramure fait encore partie. De mme, dans le processus de recrutement, les trois entreprises utilisent les mmes mthodes : lannonce publique sur le besoin en personnel de lentreprise et la diffusion des annonces publicitaires sur le poste local de tlvision pour attirer ainsi la main duvre disponible des villages voisins, la deuxime mthode tant employe seulement au cas o la premire na pas donn les rsultats attendus. Des similarits ont t identifies concernant les critres utiliss dans le processus de slection de la main duvre. Ainsi, dans le cas des trois entreprises, la relation et la recommandation personnelle jouent un rle important. Dans le cas des entreprises X et Y cest mme le principal critre. Lanalyse du systme de motivation et de compensation a identifi aussi des similarits. Pour toutes les trois entreprises, la principale forme de motivation positive est de nature financire. Le systme dvaluation qui se trouve la base du systme de compensation
257 est similaire pour les trois entreprises tudies. Il sagit dune norme de base raliser laquelle on ajoute les heures supplmentaires effectues, chaque entreprise ayant une modalit spcifique de calcul. La communication (verticale ou horizontale) est essentiellement orale dans les trois cas. Des similarits existent entre les entreprises X et Z du point de vue de lutilisation dun traducteur dans la communication entre les investisseurs et les employs car les investisseurs italiens ne connaissant pas la langue roumaine. De mme, dans ces deux entreprises, la communication verticale est plus formalise, et se produisant surtout dans le cadre des runions. Toutes les trois entreprises sont caractrises par des opportunits rduites de promotion hirarchique, la spcificit de lactivit y jouant un rle essentiel. Lanalyse des pratiques de terrain a rvl des similarits aussi entre les valeurs et les comportements de travail des sujets interrogs. La caractristique de notre recherche dinterviewer des gens qui avaient travaill pour deux ou trois entreprises tudies nous a permis didentifier quelques valeurs et comportements de travail relativement stables, peu dpendants du contexte organisationnel. Les critres pris en considration dans le choix dun emploi en sont un exemple : la proximit par rapport au domicile personnel, le travail lgal, le paiement temps des salaires et des heures supplmentaires. Le rapport lentreprise est principalement pragmatique, le lieu de travail tant considr seulement comme une source de revenus. Lattachement au lieu de travail est faible. Les relations entre employeur et employs sont gouvernes par le principe du besoin rciproque. Une autre similarit identifie est limpact de lorientation vers lavantage cot des investisseurs trangers sur le processus de gestion. Cette orientation se manifeste plus dans les entreprises X et Z organise en systme TPP. Lorientation vers lavantage cot engendre une tendance lignorance ou minimisation de la diffrence culturelle. Elle agit galement en dfaveur dune amlioration des conditions de travail. De plus, elle contribue la constitution des hypothses fondamentales telles que louvrier est seulement un excutant , les relations de travail entre employeur et employs sont bases sur un calcul rationnel que nous les avons pu identifier dans le cas de toutes les trois entreprises tudies. Une autre similarit se retrouve dans lexistence de spcificits culturelles et socio- conomiques fortes de la rgion. Par exemple, loption des employs de travailler dans une entreprise, quimportent les conditions de travail, pourvu que lentreprise se trouve proximit de leurs logements. Ou lacceptation dun salaire plus bas par rapport au volume de travail si le salaire est pay temps.
258 La gestion des trois entreprises est pratique dune manire empirique. La culture organisationnelle et la gestion des ressources humaines manquent le caractre formalis, consciemment pratiqu, dinstruments de gestion de la diffrence culturelle.
6.2. Les lments de diffrenciation
Lanalyse de lhistorique de la constitution des entreprises X, Y et Z indique des diffrences concernant les raisons qui ont dtermin lorientation des investisseurs italiens vers le march roumain. Ainsi, les propritaires des entreprises X et Z y ont t mens par des raisons conjoncturelles. Dans le cas de lentreprise X, la femme de linvestisseur italien tait dorigine roumaine et dans le cas de lentreprise Z la main duvre de lentreprise en Italie, dtenue aussi par les propritaires italiens, tait dorigine roumaine. Dans le cas de lentreprise Y, linvestisseur italien avait de lexprience de faire des affaires pendant le rgime socialiste. Une autre diffrence est donne par le fait que linvestisseur italien de lentreprise Y a t attir, hormis lexistence dune main duvre bon march, par la faible concurrence dans le domaine. Cette diffrence du point de vue des facteurs dattractivit se refltera dans lapproche de la diffrence culturelle. Le degr de contrle est diffrent dans les trois entreprises. Si dans les entreprises X et Z le degr de contrle est plus lev, dans lentreprise Y il est plus bas. Une raison pour le degr plus bas de contrle dans lentreprise Y est la spcificit de son activit, qui ne demande pas les mmes standards de qualit, le mme volume de travail et la mme rapidit dexcution des commandes que dans le cas des entreprises X et Z. galement, les relations entre le propritaire italien et les employs de lentreprise Y ont un haut degr dinformalit, la distance par rapport au pouvoir ntant pas si grande que dans le cas des entreprises X et Z. Une autre diffrence est donne par le fait que, dans le cas de lentreprise X, linvestisseur italien nhabite pas en Roumanie, ladministration de lusine en Roumanie tant la tche des dirigeants dorigine roumaine, ds la constitution de lentreprise. Une autre spcificit pour lentreprise X est lexpatriation, au dbut de lactivit de lentreprise en Roumanie, dune contrematre dorigine italienne pour former les employs roumains. Lanalyse des pratiques de management interculturel a rvl des diffrences entre lapproche de la diffrence culturelle dans lentreprise Y et dans les entreprises X et Z. Dans le cas de lentreprise Y il y a une utilisation de la diffrence culturelle et une approche sensible la spcificit locale, tandis que dans le cas des entreprises X et Z, il y a un mlange dignorance
259 et dutilisation de la diffrence culturelle. Pourtant, une petite diffrence existe aussi entre les entreprises X et Z, car dans le cas de lentreprise Z prdominent des lments dignorance de la diffrence culturelle. Lexplication pour cette diffrence rside dans la composition de lquipe managriale, dans la distribution de son autorit et de sa responsabilit, dans le processus dcisionnel et dans le systme de contrle. Ainsi, dans le cas de lentreprise X, la directrice gnrale dorigine roumaine a t celle qui avait port un changement en faveur dune approche plus sensible la spcificit locale. Des diffrences ont t enregistres du point de vue de linfluence de la spcificit culturelle, sociale et conomique sur le degr de dpendance conomique des employs par rapport lentreprise. Ainsi, si dans le cas des entreprises X et Y le degr de dpendance conomique est assez faible, dans le cas de lentreprise Z il est plus lev. Le principal facteur qui y contribue est un salaire rel plus lev inscrit dans le contrat de travail, ce qui permet aux employs dobtenir des crdits bancaires. Lanalyse de la culture organisationnelle des entreprises X, Y et Z a identifi, ct des hypothses fondamentales similaires pour les cultures de toutes ces trois entreprises, des hypothses fondamentales diffrentes. Par exemple, des hypothses fondamentales spcifiques la culture de lentreprise X sont : lemploy, pour bien faire son travail et pour ne pas voler du temps de travail doit tre contrl en permanence , lhomme est mchant par sa nature ; nimporte la position hirarchique, chacun mrite le respect de lautre ; entre les diffrentes positions hirarchiques il y a une ingalit profonde . Ou lhomme /lemploy est mchant par sa nature et tout essai de changement sest prouv inutile , qui est une hypothse fondamentale spcifique la culture de lentreprise Y. De mme, lanalyse des cultures organisationnelles a rvl des degrs diffrents de leur pouvoir. Ainsi, lentreprise avec la culture organisationnelle la plus forte (dans le sens des valeurs partages) est lentreprise X, tant en fait la seule entreprise qui a bnfici par un effort managrial en quelque sorte conscient (de la part de la directrice gnrale) de la cration dune entreprise unitaire et en quelque sorte distincte. Les rsultats de cet effort sont reflts aussi par limage de lentreprise X dans la communaut locale, tant lentreprise la plus renomme parmi les habitants de la localit (mme sil y a des entreprises plus larges et qui fonctionnent depuis plus longtemps). En labsence de tout effort managrial en ce sens, les cultures des entreprises Y et Z peuvent tre apprcies plutt comme faibles car elles sont exclusivement le rsultat de linteraction entre les membres organisationnels. De plus, la fluctuation du personnel (trs haute dans le cas de lentreprise Y) et, dans le cas de lentreprise Z, le court historique du fonctionnement et lexistence de deux groupes diffrencis par leur
260 histoire de travail et par le travail actuel dans cette entreprise ont rendu difficile lapparition de valeurs partages parmi les membres de lentreprise. Lanalyse des pratiques de gestion des ressources humaines a identifi des diffrences concernant le processus de slection. Ainsi, la relation et la recommandation personnelle exercent un rle important dans les trois entreprises, mais des degrs diffrents. Tandis que dans le cas des entreprises X et Y la relation et la recommandation personnelle est plus importante que la qualification professionnelle, dans le cas de lentreprise Z, le principal critre pris en considration pour la slection du personnel est la qualification professionnelle. Dans le cas de lentreprise X, les ouvriers sont instruits ultrieurement (daprs les dclarations de la directrice gnrale, seulement 30% ont de lexprience ou de la qualification dans le domaine des confections) et dans le cas de lentreprise Y la qualification nest pas importante, les ouvriers en effectuant des activits multiples ( des ouvriers universaux ). Par consquent, la qualification professionnelle nest pas si importante. Concernant la motivation et la politique de compensation du personnel, nous avons identifi tant des similarits que des diffrences. Ainsi, si dans toutes les trois entreprises, la principale forme de motivation positive est de nature financire, seulement dans le cas de lentreprise X le systme de motivation est plus complexe et plus adapt la spcificit locale. Ainsi, les ouvriers de lentreprise X bnficient de tickets-repas, dobjets de vtements produits dans lentreprise et dun systme de jours libres accords en fonction des ftes religieuses importantes dans la rgion. Aussi, il y a un systme de motivation ngative au cas des rebuts qui, dans lentreprise X, consiste dans leur retouche, individuellement, aprs lhoraire de travail et en dehors de lentreprise. Dans le cas de lentreprise Y, les retouches sont faites dans lentreprise, mais en dehors de lhoraire de travail, individuellement, et il y a aussi des pnalits salariales, tandis que dans le cas de lentreprise Z les rebuts sont retouchs individuellement la fin du programme de travail, mais tous les ouvriers sont obligs de rester dans lentreprise jusqu ce que les retouches soient finies. Quant la communication, dans les entreprises X et Z, la communication de bas en haut se fait notamment dans le cadre formalis des runions, tandis que dans lentreprise Y celle-ci est plus informelle, situation explicable par le fait que linvestisseur italien de lentreprise Y parle la langue roumaine et visite lentreprise presque chaque jour, tandis que les investisseurs italiens des entreprises X et Z parlent aux ouvriers seulement par lintermdiaire dun traducteur et ils font des visites plus rares aux entreprises. linverse de leur prsence dans lentreprise, le contrle est plus strict dans le cas des deux dernires entreprises que dans le cas de lentreprise Y.
261 Des diffrences ont t aussi enregistres dans la manire dont la recherche de lavantage cot influence le processus de gestion et lapproche de la diffrence culturelle. Ainsi, dans le cas de lentreprise Y, lorientation vers lavantage cot a attir, comme dans le cas dautres deux entreprises, laggravation des conditions de travail pour les employs. Mais, lapproche de la diffrence culturelle nest pas une de minimisation ou dignorance, la gestion de cette entreprise tant la plus adapte la spcificit locale. Une autre diffrence est donne par lattitude de linvestisseur italien de lentreprise X qui instrumentalise lavantage cot, en menaant de dlocaliser lentreprise au cas o les employs demanderaient une augmentation de leur salaire ou ils refuseraient le temps excessif de travail.
6.3. Synthse
Au-del des diffrences et des similarits rvles par lanalyse des trois entreprises, on peut observer un cadre gnral donn par la spcificit de linfrastructure de la rgion (o sont implantes les entreprises), qui fait que tant lemployeur que les employs sont en quelque sorte captifs . Ainsi, labsence de gare, labsence de moyens de transport rguliers entre les localits voisines, la migration de la main duvre, le besoin des entreprises locales en main duvre non qualifie, une concurrence assez forte pour la main duvre qualifie existante, surtout dans le domaine du textile etc. limitent les prdispositions de toutes les parties impliques. Car ni lemployeur ne peut se permettre de rejeter un individu et ni les employs ne se permettent de rejeter un certain employeur. Cela ne signifie pas que les entreprises nont pas licenci des employs ou que les employs nont pas quitt les entreprises. Mais, assez souvent, des employs qui ont quitt lentreprise, aprs avoir migrs dune entreprise lautre, sont retourns dan lentreprise dorigine. Et ils ont t rembauchs par les entreprises car elles avaient besoin de personnel. Il y a peu de chances de rencontrer une telle situation dans un autre cadre, les employs qui ont quitt lentreprise ayant des fortes rticences y retourner et les employeurs des rticences reprendre une relation de travail qui sest prouve inadapte. Par consquent, on pourrait dire que ce cadre, qui fait partie de la manire de vivre des natifs , flexibilise les options et les prdispositions de toutes les parties impliques, en ne leur permettant pas de devenir dogmatiques. Par exemple, sur le march de travail de Cluj nous avons pu observer que tant
262 lemployeur que les employs ne sont pas prts reprendre une relation de travail aprs rupture. De mme, le degr variable de dpendance des employs par rapport lentreprise peut empcher lignorance de la spcificit locale de la part des investisseurs trangers. Ainsi, dans les entreprises X et Y, il y a un degr assez faible de dpendance conomique des employs par rapport leurs entreprises. Parmi les principaux facteurs qui y contribuent, nous avons pu identifier : lexistence du portefeuille dconomies , lexistence dautres sources de revenu (lagriculture y joue un rle essentiel), la possession dun logement en proprit personnelle (labsence donc dendettement ou de location), le fonctionnement (encore) de la famille largie, etc. Un degr plus haut de dpendance conomique des employs par rapport lentreprise favorise une approche dignorance/minimisation de la diffrence culturelle de la part des investisseurs trangers. Par exemple, dans le cas de lentreprise Z, les salaires plus levs, enregistrs dans le contrat de travail, permettent aux employs dobtenir des crdits bancaires, en les rendant plus dpendants par rapport cette entreprise. La recherche de lavantage cot et lignorance/la minimisation de la diffrence culturelle sont favorises en quelque sorte par la spcificit culturelle et socio-conomique de la rgion. Par exemple, loption des employs de travailler dans une entreprise, quimportent les conditions de travail, si lentreprise se trouve la proximit de leurs logements. Ou lacceptation dun salaire plus bas par rapport au volume de travail si le salaire est pay temps. Dans le cas de toutes les entreprises tudies, la gestion des ressources humaines et la culture organisationnelle ne sont pas formalises, elles manquent le caractre dinstruments (conscients) de gestion de la diffrence culturelle. En gnral, la gestion dans ces entreprises est pratique dune manire empirique. La spcificit culturelle, conomique et sociale de la rgion, la recherche de lavantage cot de la part des investisseurs italiens et la spcificit du domaine dactivit des entreprises ont une forte influence sur les pratiques de gestion des ressources humaines et sur la culture organisationnelle. La diffrence culturelle, mme si elle nest pas reconnue voire mme ignore, est intgre dune manire intuitive au processus de gestion des entreprises. Lorigine roumaine des cadres qui dirigent lactivit quotidienne de lentreprise (directeurs, contrematres, chefs dquipe) joue un rle important. Lanalyse du rle jou par les cadres roumains dans les entreprises tudies fournit des informations riches sur la manire dont les lments culturels influencent le processus de gestion et les relations de travail. Ainsi, pour les cadres roumains il y a une forte pression, qui rsulte de leur rle dintermdiaires entre les demandes des investisseurs italiens et les
263 demandes des employs roumains. Lanalyse de cette pression /tension permet une meilleure identification de la manire dont le systme des relations personnelles (la principale caractristique de cette communaut traditionnelle o fonctionnent les entreprises et aussi un lment de continuit par rapport lthique socialiste du travail) fonctionne et influence la gestion des entreprises. Ce systme de relations personnelles est, dune part, un systme trs pragmatique qui, au-del de toute norme morale ou valeur partage, est utilis par les parties prenantes pour atteindre des objectifs prcis. Dautre part, mme le pragmatisme de ce systme cre limpression de lexistence de normes morales et de valeurs partages qui sous tendent les relations. Parce que ce pragmatisme (et non les normes et les valeurs partages) permet, dans la majorit des cas, dviter la dtrioration des relations suite la volont de chaque partie datteindre ses objectifs. Ainsi, les cadres roumains des entreprises, pris entre deux feux - les demandes des investisseurs italiens et des employs roumains - risquent de dtriorer leur systme des relations lintrieur de la communaut. Pour protger leur position dans ce systme de relations, les cadres roumains initient des actions qui parfois se trouvent en contradiction avec les demandes des investisseurs italiens. Par exemple, dans le cas de lentreprise Z, les contrematres nont pas mis en pratique la directive des investisseurs italiens dimposer aux employs le silence pendant le travail. Un autre exemple est le systme de crdit pratiqu, qui implique le prt dargent aux employs prlevs sur les fonds des entreprises des fins personnelles. De mme, dans le cas de lentreprise X, la directrice gnrale pratiquait un systme de motivation adapt la spcificit locale, qui lui permettait dentretenir de bonnes relations avec les employs et, en mme temps, ne contrecarrait pas lavantage cot recherch par linvestisseur italien. Les employs, leur tour, mme sils quittent les entreprises, essaient de ne pas dtriorer les relations avec elles, afin quils puissent y revenir si besoin y est. Ce systme de relations personnelles a une forte influence sur les pratiques de gestion des ressources humaines et sur la culture organisationnelle. Le caractre pragmatique de ce systme se trouve la base du calcul rationnel et du principe du besoin rciproque qui sous tendent les relations de travail, tout en influenant le contrat psychologique, les valeurs, les normes comportementales et, parfois, les hypothses fondamentales des cultures des entreprises tudies. De mme, dautres lments culturels, tels que limportance du srieux et de lhumanit , influencent les relations de travail, ds la dcision dopter pour un certain
264 emploi. Ces lments, ct de lducation et de lexpertise professionnelle constituent aussi des sources dautorit (informelle) qui influencent les relations de travail. Dautres lments spcifiques lthique du travail des individus de la rgion tudie, tels que le faible attachement par rapport lentreprise, les lments pris en considration dans le choix dun emploi (la proximit par rapport au domicile, le travail lgal, etc.), la mobilit et la tendance de migrer dune entreprise lautre influencent aussi les interactions au sein des entreprises. Pour conclure, parmi les facteurs ayant une influence majeure sur linteraction culturelle dans ces entreprises, nous avons pu identifier : lacquisition ou non dune exprience antrieure de travail des investisseurs trangers en Roumanie, la spcificit de lactivit de lentreprise, la recherche de lavantage cot de la part des investisseurs trangers, les infrastructures de la localit, le rle jou par les cadres roumains dans la direction de lentreprise, le caractre communautaire et traditionnel de la localit et lthique du travail. Lorientation managriale vers la diffrence culturelle est caractrise par un mlange dignorance et de reconnaissance (au sens de lutilisation, de lintgration intuitive dans la gestion de lentreprise) de celle-ci. Lexprience antrieure de travail des investisseurs italiens en Roumanie et la recherche de lavantage cot y joue un rle important. Ainsi, dans le cas de lentreprise Y du secteur du bois, lexprience professionnelle antrieure de linvestisseur italien en Roumanie a dtermin, dans une trs grande mesure, lapproche la plus sensible la spcificit locale des trois PME tudies. La recherche de lavantage cot, dans la mesure o elle entrane une orientation court terme du management de lentreprise, facilite lignorance de la diffrence culturelle. La spcificit de lactivit de lentreprise y joue un rle important. Ainsi, dans le cas des entreprises X et Z du secteur du textile, qui produisent en systme TPP, la recherche de lavantage cot est maximale et les investisseurs italiens implantent les entreprises dans des rgions o ils peuvent obtenir cet avantage. Si lobtention de cet avantage cot est mise en danger, ils sont prts dlocaliser leur usine. Ainsi, dans le cas des entreprises X et Z, nous avons pu identifier des lments dignorance de la diffrence culturelle plus accentus que dans le cas de lentreprise Y, qui ne produit pas en systme TPP et o linvestisseur italien, mme sil recherche lavantage cot, a une orientation sur le long terme concernant le fonctionnement de lentreprise en Roumanie. Au-del des lments ci-dessus mentionns, lethnocentrisme des investisseurs italiens influence aussi lignorance de la diffrence culturelle. Cest notamment le cas des entreprises X et Z, o nous avons pu identifier des lments ethnocentriques comme le refus des investisseurs italiens dapprendre le roumain. Mais, mme dans le cas dune approche ethnocentrique, la diffrence culturelle simpose comme un facteur qui la limite. Par
265 consquent, la diffrence culturelle, mme si elle nest pas gre dune manire consciente, intentionne, doit tre intgre au processus de gestion. Dans les entreprises tudies, cette intgration se produit dune manire intuitive.
266 Conclusion gnrale
Domaine dtude relativement rcent, le management interculturel, avant dtre parvenu consolider ses fondements, est dj remis en question. Les dbats visent ltat actuel des recherches dans le domaine. Les principaux problmes poss visent la nomenclature, la thorie, la conception de la culture et la mthodologie de recherche. Les conclusions principales sont celles dune nomenclature qui nest pas clairement dlimite, dune thorie faiblement dveloppe (on parle mme du management interculturel comme un domaine a-thorique), dune conception sur la culture principalement positiviste , essentialiste et dterministe qui engendre lemploi dune mthodologie de recherche essentiellement quantitative, base le plus souvent sur des modles axs sur les dimensions de la culture nationale. Un autre problme pos dans linterrogation sur ltat actuel des recherches en management interculturel est ltude des cultures nationales , les diffrences entre celles-ci tant perues comme des diffrences entre des systmes des valeurs. Une des principales limites dune telle approche est lomission dautres cultures/niveaux culturels qui influencent lindividu et, implicitement, le processus de gestion : culture rgionale, ethnique, de genre, de gnration, culture organisationnelle, culture occupationnelle etc. galement, linfluence de la variable culture nationale est souvent surestime, linfluence dautres facteurs (conomiques, sociaux, politiques, organisationnels, contextuels, individuels, etc.) qui font partie de stratgies de vie des individus tant souvent ignors. Les tendances rcentes et les nouvelles directions de recherche dans le domaine du management interculturel proposent le dveloppement dune thorie qui guide dune manire efficace la pratique. Ce changement de conception engendra un changement aussi dans la mthodologie de recherche, en faveur de lutilisation dune mthodologie dominante qualitative. De mme, la prise en compte dautres facteurs considrs comme non-culturels, qui influencent le processus de gestion, le comportement organisationnel, les valeurs et les comportements de travail, permet une meilleure comprhension des variations au sein de
267 ceux-ci. La prise en compte de ces facteurs a une importance critique dans le cas des tats post socialistes, o la fin du rgime communiste a marqu un changement de systme politique, conomique et culturel. La dlimitation encore peu claire de la nomenclature et le faible dveloppement thorique du management interculturel nont pas permis la constitution dinstruments spcifiques au management interculturel en vue de la gestion de la diffrence culturelle. Traditionnellement, la gestion de la diffrence culturelle sest rvle tre la prrogative des ressources humaines. prsent, la situation na pas beaucoup chang. La gestion des ressources humaines comprend aussi, assez souvent, la gestion de la culture organisationnelle. Tant les pratiques de gestion des ressources humaines que la culture organisationnelle peuvent tre instrumentalises en vue de la gestion de la diffrence culturelle. Cette instrumentalisation se produit le plus souvent au niveau des entreprises multinationales, qui ont le savoir-faire et linfrastructure ncessaire. Linstrumentalisation de la culture organisationnelle au sens de changement apport aux valeurs, normes, modles de comportement et hypothses fondamentales ne peut annuler son caractre de rsultat des interactions entre les diffrents membres dune organisation. Lorganisation est le cadre o se produit linteraction entre diffrentes cultures/niveaux culturels. La culture organisationnelle est non seulement le produit des interactions entre diffrents facteurs culturels, mais aussi celui des interactions entre facteurs conomiques, sociaux, lgislatifs, industriels, technologiques, contextuels, individuels, etc. Par consquent, lanalyse des pratiques des ressources humaines et de la culture organisationnelle permet la comprhension de la manire dont la diffrence culturelle est intgre aux processus de gestion dune entreprise. Un des principaux problmes dans ltude, au niveau des entreprises multinationales, de linstrumentalisation des pratiques de gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle en vue de grer la diffrence culturelle est la possibilit dobtention des rsultats biaiss par le discours formel de reconnaissance/valorisation de la diffrence culturelle, qui alourdit ainsi la connaissance relle de linteraction culturelle. Ltude de linteraction culturelle au niveau des PME sest avre tre une piste de recherche extrmement utile pour lobtention de riches informations, valides, peu biaises par le discours formel de valorisation de la diffrence culturelle. Ainsi, ltude de linteraction culturelle dans les PME trangres de Roumanie nous a permis une bonne comprhension de la manire dont la diffrence culturelle est intgre au processus de gestion. Et, plus
268 important, cette tude nous a permis de comprendre la principale diffrence culturelle qui influence le processus de gestion des entreprises en Roumanie : lthique post socialiste du travail. Mme si lthique du travail apparat souvent dans le discours sur la diffrence culturelle, surtout dans le contexte des comparaisons entre la Roumanie et lOuest, celle-ci, de rares exceptions prs, nest pas prise en compte dans ltude des interactions culturelles dans les entreprises roumaines. Lanalyse de la littrature roumaine dans le domaine du management interculturel a rvl une des principales causes de cette situation : les auteurs, au lieu de produire des connaissances, reproduisent le discours largement rpandu dans la socit roumaine, de lopposition entre les mentalits communistes et les mentalits capitalistes . De plus, on tente de rpliquer les recherches bases sur les modles classiques axs sur des dimensions de la culture nationale plutt que de suivre ltude des ralits quotidiennes des entreprises confrontes des pratiques, des comportements et des systmes de valeurs diffrents. La littrature roumaine dans le domaine du management interculturel a chou dans lexercice de son rle de promoteur et de formateur de savoir-faire pour la gestion conomique de la diffrence culturelle, pour la simple raison que la diffrence culturelle la plus importante pour toute interaction culturelle dans le cadre dfini dune entreprise active en Roumanie na pas t correctement identifie. Ou, mme si elle a t correctement identifie, elle a t nie ou minimise, dautres diffrences tant mises en valeur. Cette diffrence culturelle, qui a t ignore, minimise ou nie est lthique post socialiste du travail. Difficile dfinir et comprendre, cause de son caractre changeant et parfois contradictoire, lthique postsocialiste du travail influence lactivit de toute entreprise en Roumanie quelle soit capital tranger ou roumain, entreprise multinationale ou PME. Les recherches menes dans le but didentifier une spcificit de la culture nationale , afin que celle-ci soit instrumentalise par les entreprises intresses par une meilleure comprhension de la ressource humaine employe, ont dbouch sur lencadrement de la culture nationale roumaine dans des modles prdfinis de la culture nationale, peu utilisables dans la comprhension de la diffrence culturelle qui affecte rellement les relations de travail. Car les dimensions de ces modles peuvent tre nuances, compltes ou limines, dans des combinaisons multiples, pour quelles puissent reflter la ralit tudie, pour
269 arriver, la fin, une forme totalement diffrente de la forme propose initialement. Un bon exemple est les rsultats de ltude ralise dans le but didentifier les dimensions de la culture roumaine selon le modle de HOFSTEDE (1980). Ainsi, pour donner seulement un exemple, lorientation court terme, identifie comme une des dimensions de la culture nationale de la Roumanie, doit tre comprise dans le contexte dune socit en transition, confronte la disparition dun grand nombre de repres, de nombreuses changements, un haut degr dimprvisibilit et dune socit o des valeurs contradictoires coexistent et o une partie des valeurs sont en voie de formation. Lorientation court terme doit donc tre comprise plutt comme une caractristique contextuelle que comme une caractristique dfinitive de la culture nationale roumaine. Lchec de la comprhension de la diffrence culturelle est parfois accompagn par lchec de la comprhension du but final du management qui est celui dassurer une entreprise, par la gestion efficace des ressources disponibles et des conditions existantes, laccomplissement de ses objectifs. Car, au lieu de connatre /comprendre les ressources et les conditions existantes, en y adaptant le management, et de faire des recommandations pour une gestion efficace, le discours des chercheurs roumains tente plutt de modifier les conditions existantes pour les adapter certains modles managriaux considrs succs. Notre essai danalyse, laide dune recherche secondaire de la presse spcialise, des pratiques de management interculturel des entreprises multinationales implantes en Roumanie a mis en vidence lthique du travail comme un facteur important dans linteraction culturelle. Cet aspect a pu tre tudi plus en profondeur dans les PME, o les pratiques de gestion sont moins formalises et standardises que dans les entreprises multinationales. Ltude de linteraction culturelle au niveau des PME nous a permis de comprendre limportance de la formation des responsables de la gestion des ressources humaines et de la culture organisationnelle. Car, la gestion de la diffrence culturelle est un phnomne compliqu, qui ne peut pas tre rduit la connaissance des lments disparates dont linfluence relve parfois dans des pisodes vidents (par exemple, des conflits considrs comme ayant une base culturelle). La formation la plus approprie pour les responsables de la gestion de la diffrence culturelle serait donc dans le domaine des tudes culturelles. Une telle formation serait utile non seulement dans le cas de lexistence de diffrences culturelles
270 nationales, mais aussi pour la gestion de toute entreprise, influence par de nombreuses autres diffrences culturelles (religion, genre, gnration etc.). Par ailleurs, notre recherche primaire nous a permis de comprendre le rle important que ltude de cas pourrait et devrait jouer dans la formation des responsables de la gestion de la diffrence culturelle. Parce que le management interculturel est un domaine qui tudie le particulier et non pas le gnral. Si on examine dune manire attentive le domaine gnral du management ou du marketing, par exemple, on pourra saisir que ce sont des domaines o une grande partie de la thorie est faite par lintermdiaire des exemples de succs ou dchecs de lactivit des entreprises. Lutilisation de cette mthode permet le dveloppement dune certaine conscientisation des situations des entreprises. Dans le cas du management interculturel, cest la conscientisation de la diffrence culturelle et de son influence sur le processus de gestion. Nous recommandons la ralisation des recherches qui mettent en vidence les conditions existantes (dans notre cas, la diffrence culturelle) afin que celles-ci soient mieux comprises et gres dans des buts defficacit de lentreprise. De mme, pour mettre en question luniversalisme des recherches ralises grande chelle, finalises souvent par la cration des modles de la culture nationale, nous recommandons la ralisation de plusieurs tudes petite chelle, car la ralit peut contredire les rsultats des tudes grande chelle. Dans le cas de la Roumanie, au moins, la ralisation de ces tudes serait extrmement utile tant pour les entreprises multinationales que pour les PME capital tranger. Ainsi, les entreprises multinationales obtiendraient des informations valides sur la gestion dune ressource humaine profondment influence par lthique post socialiste du travail, tandis que les PME auraient accs des exemples plus proches de la ralit quelles affrontent. En plus, les PME deviendraient plus conscientes de lexistence dun impact de la diffrence culturelle sur leur activit et des manires possibles de gestion de celle-ci afin que lentreprise en tire des bnfices. Car, reconnue ou non, linfluence de la diffrence culturelle sur lactivit dune entreprise existe. De mme, la gestion de la diffrence culturelle se produit, dune manire plus ou moins intuitive, les rsultats de nos tudes le prouvant. Parce que, mme dans les conditions dun penchant ethnocentrique de la direction dune entreprise et dune recherche de lavantage cot, la diffrence culturelle est intgre dans les activits et les processus des entreprises respectives. Mais, le problme est que, le plus souvent, cette
271 intgration nest pas faite dune manire consciente, formalise et fluide, mais dune manire peu consciente, informelle et accompagne par des blocages et des frictions. Le management interculturel, comme domaine indpendant dtude, pourrait offrir des connaissances et instruments ncessaires pour la gestion efficace des diffrences culturelles. En plus, il pourrait offrir des connaissances et instruments dautres domaines intresss aussi par la gestion de la diffrence culturelle dans des buts conomiques, tels que la gestion des ressources humaines, la culture organisationnelle ou mme le marketing. Relatif la question centrale pose par notre recherche la thorie ( Comment adapter le management interculturel, de logique anglo-saxonne, la situation de la Roumanie post socialiste ? ), notre rponse est quon ne peut pas tout importer et, en mme temps, quon ne peut pas tout rejeter. Nous proposons donc une logique dhybridation : on importe du management interculturel gnral les lments qui sont assimilables par le tissu social et productif roumain et on prend en mme temps en compte les lments qui sont spcifiques au management interculturel en Roumanie. Nous considrons que llment spcifique au management interculturel en Roumanie est lthique post socialiste du travail qui est la principale diffrence culturelle qui devrait tre mise en valeur dans lanalyse de toute interaction culturelle au sein des entreprises en Roumanie.
Le management interculturel en Roumanie doit donc sinscrire dans une logique dhybridation, en reprenant des lments du management interculturel gnral adapts la Roumanie et en prenant en compte lthique post socialiste du travail comme la principale diffrence culturelle qui doit tre reconnue et intgre dans le processus de gestion. De notre point de vue, les entreprises trangres en Roumanie ainsi que les entreprises roumaines pourraient avoir du succs si elles respectaient un tel modle de management interculturel.
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292 Annexes Annexe 1 : Guide dinterview pour les employs roumains (interview semi-structur)
1. Depuis quand travaillez-vous pour cette entreprise ? 2. Quelle est votre qualification professionnelle ? 3. Avez-vous travaill avant 1989 ? o oui les questions 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et puis 14 o non les questions 11, 12, 13, 14 4. Dans quel domaine ? 5. Dans quelle localit? 6. Aprs 1989, en combien dentreprises avez-vous travaill ? 7. Dans quel domaine dactivit ? 8. Dans quelle localit? 9. Y a-t-il des diffrences entre la manire dont vous travailliez dans le socialisme et la manire dont vous travaillez maintenant ? 10. Quelles sont ces diffrences ? 11. En combien dentreprises avez-vous travaill jusqu prsent ? 12. Dans quel domaine dactivit ? 13. Dans quelle localit? 14. Do avez-vous appris lexistence de votre emploi actuel ? 15. Quelles sont les raisons qui vous ont dtermin de travailler pour cette entreprise ? 16. Quels sont les critres selon lesquels vous avez t slectionn(e) pour travailler dans cette entreprise ? 17. Qui vous a slectionn ? 18. Avez-vous eu une priode dpreuve ? 19. Qui a t le responsable de votre instruction /formation ? 20. En combien de temps vous tes-vous adapt aux exigences de travail de lentreprise ? 21. Quel est laspect que vous le considrez le plus difficil dans votre travail ? 22. Comment trouvez-vous votre horaire de travail ? 23. Vous tes-vous vous intgr facilement ou difficilement dans votre collectif de travail ? 24. Quelles sont vos relations avec : o vos collgues ? o la contrematresse/le chef dquipe ? o la directrice/le directeur gnral ? o linvestisseur/les investisseurs italien(s) ? 25. Combien souvent on organise des runions ? 26. Dcrivez, sil vous plait, en quelques mots, une des runions laquelle vous avez particip. 27. Comment votre norme de travail est-elle calcule? 28. Outre la norme de travail, il y a aussi dautres lments qui sont pris en compte dans votre valuation ? 29. Qui est responsable de lvaluation de votre activit ? 30. Comment votre salaire de base est-il calcul? 31. Combien sont payes les heures supplmentaires ? 32. Combien gagnez-vous, en moyenne, sur mois ? 33. Votre salaire est-il suffisant pour satisfaire vos besoins de vie ? 34. Avez-vous dautres sources de revenu que le salaire ? 35. Y a-t-il un autre membre de votre famille qui a un revenu salarial ? 36. Comment apprciez-vous votre salaire par rapport au volume de travail ? 37. Outre le salaire de base, y a-t-il dautres bnfices ? 38. Y a-t-il un systme de pnalisations dans votre entreprise ? 39. (Si oui) En quoi ce systme des pnalisations consiste-il? 40. Avez-vous t impliqu(e) dans des conflits avec : o vos collgues ? o la contrematresse/le chef dquipe ? o la directrice/le directeur gnral ? o linvestisseur/les investisseurs italien(s) ?
293 41. (Si oui) Quelles ont t les raisons qui ont conduit conflit ? 42. Quels sont vos principaux mcontentements lgard de votre lieu de travail ? 43. Quelles sont les principales raisons pour lesquelles vous restez travailler dans cette entreprise ? 44. Quelles sont les principales raisons pour lesquelles vous choisiriez un autre lieu de travail ? 45. Qui a lautorit la plus grande dans votre entreprise ? 46. Combien souvent linvestisseur italien rend-il des visites lentreprise ? 47. Dcrivez, sil vous plait, une visite de linvestisseur/les investisseurs italien(s) dans lentreprise. 48. Dans quelle langue parlez-vous linvestisseur/aux investisseurs italien(s) ? 49. Considrez-vous quil y ait des diffrences entre le travail dans des entreprises qui ont des propritaires roumains et les entreprises qui ont des propritaires italiens ? 50. (Si oui) Quelles sont ces diffrences ? 51. Considrez-vous quil y ait des diffrences dans la manire de travail entre les gens qui ont travaill pendant le communisme et ceux qui ont commenc travailler aprs 1989 ? 52. (Si oui) Quelles sont ces diffrences ? 53. Depuis quand vous travaillez pour cette entreprise, ont t des priodes dinactivit cause dun manque de commandes ? 54. tes-vous parti(e), jusqu prsent, de cette entreprise pour travailler ailleurs ? 55. Travaillez-vous dans cette entreprise sur la base dun contrat de travail ? 56. Quel est votre poste de travail ? 57. Quelles sont vos principales attributions ? 58. Combien de temps avez-vous lintention de rester dans cette entreprise ?
294 Annexe 2 : Guide dinterview pour les directeurs/associs roumains (interview semi-structur)
1. Depuis quand travaillez-vous pour cette entreprise ? 2. Quelle est votre qualification professionnelle ? 3. Avez-vous travaill avant 1989 ? o oui les questions 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et puis 14 o non les questions 11, 12, 13, 14 4. Dans quel domaine ? 5. Dans quelle localit? 6. Aprs 1989, en combien dentreprises avez-vous travaill ? 7. Dans quel domaine dactivit ? 8. Dans quelle localit? 9. Y a-t-il des diffrences entre la manire dont vous travailliez dans le socialisme et la manire dont vous travaillez maintenant ? 10. Quelles sont ces diffrences ? 11. En combien dentreprises avez-vous travaill jusqu prsent ? 12. Dans quel domaine dactivit ? 13. Dans quelle localit? 14. Avez-vous travaillez jusqu prsent sur une position dirigante ? 15. Do avez-vous appris lexistence de votre emploi actuel ? 16. Quelles sont les raisons qui vous ont dtermin de travailler pour cette entreprise ? 17. Quels sont les critres selon lesquels vous avez t slectionn(e) pour travailler dans cette entreprise ? 18. Qui vous a slectionn ? 19. Avez-vous eu une priode dpreuve ? 20. En combien de temps vous tes-vous adapt aux exigences de travail de lentreprise ? 21. Quel est laspect que vous le considrez le plus difficil dans votre travail ? 22. Comment trouvez-vous votre horaire de travail ? 23. Quelles sont vos relations avec : o les ouvriers ? o la contrematresse/les chefs dquipe ? o linvestisseur/les investisseurs italien(s) ? 24. Combien souvent organisez-vous des runions ? 25. Quel sont les buts de ces runions ? 26. Comment la norme de travail des ouvriers est-elle calcule? 27. Outre la norme de travail, il y a aussi dautres lments qui sont pris en compte dans lvaluation des ouvriers? 28. Comment le salaire de base des ouvriers est-il calcul? 29. Combien sont payes les heures supplmentaires ? 30. Comment trouvez-vous lhoraire de travail des ouvriers ? 31. Qui est le responsable de lvaluation de votre activit ? 32. Combien gagnez-vous, en moyenne, sur mois ? 33. Votre salaire est-il suffisant pour satisfaire vos besoins de vie ? 34. Avez-vous dautres sources de revenu que le salaire ? 35. Y a-t-il un autre membre de votre famille qui a un revenu salarial ? 36. Comment apprciez-vous votre salaire par rapport au volume de travail ? 37. Outre le salaire de base, y a-t-il dautres bnfices ? 59. Y a-t-il un systme de pnalisations dans votre entreprise ? 38. (Si oui) En quoi ce systme des pnalisations consiste-il? 39. Avez-vous t impliqu(e) dans des conflits avec : o les ouvriers ? o la contrematresse/le chef dquipe ? o linvestisseur/les investisseurs italien(s) ? 40. (Si oui) Quelles ont t les raisons qui ont conduit conflit ? 41. Quels sont vos principaux mcontentements lgard de votre lieu de travail ? 42. Quelles sont les principales raisons pour lesquelles vous restez travailler dans cette entreprise ? 43. Quelles sont les principales raisons pour lesquelles vous choisiriez un autre lieu de travail ?
295 44. Dans quelle langue parlez-vous linvestisseur/aux investisseurs italien(s) ? 45. Considrez-vous quil y ait des diffrences entre le travail dans des entreprises qui ont des propritaires roumains et les entreprises qui ont des propritaires italiens ? 46. (Si oui) Quelles sont ces diffrences ? 47. Considrez-vous quil y ait des diffrences dans la manire de travail entre les gens qui ont travaill pendant le communisme et ceux qui ont commenc travailler aprs 1989 ? 48. (Si oui) Quelles sont ces diffrences ? 49. Depuis quand vous travaillez pour cette entreprise, ont t des priodes dinactivit cause dun manque de commandes ? 50. Quelles ont t les causes pour le manque de commandes ? 51. Comment le processus dcisionnel fonctionne-t-il dans votre entreprise ? 52. Combien souvent linvestisseur italien rend-il des visites lentreprise ? 53. Quels sont les buts de ses visites ? 54. Quelles sont vos principales attributions ? 55. Combien de temps avez-vous lintention de rester dans cette entreprise ?