Nicole Decoopman
Nicole Decoopman
Nicole Decoopman
ADMINISTRATIVES INDPENDANTES
PAR
Nicole DECOOPMAN
Professeur l'Universit de Picardie Jules Verne
Cres pour rguler certains secteurs sensibles et pour viter un interventionnisme tatique direct, les autorits administratives indpendantes ont progressivement pris leur place dans le systme politico-administratif franais l
Leur dnomination paradoxale qui allie les qualificatifs administratif et indpendant marque l'originalit de ces instances situes en marge des institutions
administratives classiques.
Leur fonction de rgulation sectorielle dans des domaines tels que l'information et la communication, les activits conomiques et financires, les rapports avec les administrs, a conduit le lgislateur confrer aux autorits
administratives indpendantes des moyens d'action diversifis qui vont toujours au-del d'une simple fonction de consultation. Sans doute, toutes ces
autorits - au nombre d'une quinzaine - ne bnficient pas de moyens juridiques puissants conformment d'ailleurs l'inspiration d'origine qui privilgiait l'influence morale exerce par ces organismes. Cependant, l'volution
s'est manifestement oriente dans le sens d'un enrichissement progressif des
prrogatives accordes. Aux instances les plus richement dotes (COB, CSA)
ont t octroys le pouvoir d'dicter des rglements et de prendre des dcisions individuelles, de larges moyens d'investigation, la facult de prononcer
1. V. not. Colliard (C.-A.) et Timsit (G.) (dir.), Les autorits administratives indpendantes, PUF, Coll. "Les Voies du Droit", 1988. Gentpt (M.), Les autorits administratives
indpendantes, Montchrestien, Clefs Politique, 1991. Gudon (M.-J.), Les autorits administratives indpendantes, L.G.D.J., Coll. "Systmes", 1991.
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pour les autres autorits concernes par le transfert de comptence, en particulier pour le conseil de la concurrence? A priori, on est tent de rpondre de
faon positive, les raisons pratiques (viter le jeu des questions prjudicielles
et l'laboration de jurisprudences divergentes) valant galement dans cette
hypothse. Cependant, l'article 15 de l'ordonnance du 1er dcembre 1986 est
plus prcis que l'ordonnance du 28 septembre 1967 (art.12) : il vise les seuls
recours en annulation et en rformation. On peut se demander s'il n'exclut
pas ainsi les recours en indemnisation, d'autant plus que le texte applique la
directive constitutionnelle n'admettant que des amnagements prcis et limits. La solution inverse prsenterait toutefois l'avantage de permettre l'harmonisation des solutions retenues dans ce domaine.
En second lieu, la comptence judiciaire s'tend-elle aux actions en responsabilit non fondes sur l'illgalit d'une dcision? La question dj envisage par l'arrt du 29 mai 1991 fait l'objet d'une rponse positive dans un
arrt de la cour d'appel de Paris du 15 janvier 199335 Cette juridiction examine la responsabilit ventuelle de l'Etat "en raison du fonctionnement ou des
activits" de la COB, adoptant ainsi une conception large de la thorie des
blocs de comptence mise en oeuvre par le Conseil constitutionnel et le
Tribunal des conflits.
Ces interrogations tmoignent des incertitudes qui subsistent ; elles illustrent galement la dynamique de la thorie des blocs de comptence qui,
lorsque ne sont pas en cause des actes de puissance publique, joue en faveur
du juge judiciaire et entrane un effritement de la comptence administrative.
Ce phnomne ne signifie pas ncessairement un recul du droit administratif :
il n'en serait ainsi que si un lien tait tabli entre la comptence et le fond
(arrt Blanco). Au contraire, la prennit de la jurisprudence Giry 36 selon
laquelle le juge judiciaire, saisi de litiges administratifs en raison de simples
considrations de procdure, doit appliquer le droit administratif, aboutirait
une extension du domaine du droit administratif. L'arrt prcit de la cour
d'appel de Paris du 15 janvier 1993 qui, comme les juridictions administratives 37 , considre que la responsabilit de l'Etat du fait de l'activit de la COB
ne peut tre retenue qu'en cas de faute lourde va dans ce sens. Cependant, la
comptence judiciaire n'entrane-t-elle pas un gauchissement des rgles du
droit public pour des raisons tant de fond que de techniques procdurales ?
L'examen de l'tendue et de l'intensit du contrle exerc sur les autorits
35. JCP 1993, d.E, II, 414, note M. Dobkine ; D. 1993.273, note C. Duconloux-Favard ;
Rev. dr. bancaire et bourse 1993. 93, obs. M. Germain et M.A. Frison-Roche; Bull. Joly
Bourse et Produits financiers 1993. 148.
36. Casso Civ. 23 novembre 1956, Les grands arrts de la jurisprudence administrative,
9 d., p. 554. Adde, Weil (P.), "A propos de l'application par les tribunaux judiciaires des
rgles du droit public, ou : les surprises de la jurisprudence Giry", Mlanges Eisenmann,
Cujas, 1975, p.377.
37. Trib. adm. Paris 21 mars 1983, Gaz. Pal. 1984,1, somm. 157. - Trib. adm. Paris 5
avril 1979, pre. et en appel CE 22 juin 1984, Rev. soc. 1985.634, note J.J. Daigre . - Trib.
adm. Paris 5 mars 1990, JCP 1990, d.E, II,15838, nO 14, obs. A. Viandier et J.J. Caussain;
Bull. Joly 1990. 958.
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administratives indpendantes par les juridictions administratives et judiciaires devrait apporter des lments de rponse.
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(suite note 39) ducteur d'quipement lectrique, de vingt millions de francs la socit
France-Loisirs. Sur cette affaire, v. infra.
40. La COB peut prononcer une sanction pcuniaire qui ne peut excder dix millions de
francs ou le dcuple des profits raliss (Ord. 28 sept. 1967, art. 9-2). La commission a, en
vertu de ce texte, prononc une amende de dix millions de francs l'encontre d'une personne
physique (BuU. mens. COB, dcembre 1992, suppl. p. 3).
41. On sait depuis l'arrt Oztrk (21 fvrier 1984) que les sanctions rpressives prononces par l'administration font partie de la "matire pnale". Cf. Abraham (R.), "Les incidences de la Convention europenne des droits de l'homme sur le contentieux administratif
franais", RFDA 1990. 1061.- Helali (M.-S.-E.), "La convention europenne des droits de
l'homme et les droits franais et communautaire de la concurrence", Rev. trim. dr. euro 1991.
335 S.
42. Avis nO 317-341 du 6 mai 1976, cit par B. Genevois, RFDA 1989-227.
43. V. not. dc. 17 janvier 1989 pre. propos du pouvoir de sanction du CSA.
44. Sur l'interprtation de la dcision, V. B. Genevois pre.
45. Ibid.
46. Chapus (R.), Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 1991, p. 145.
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47. CE 14 juin 1991, RFDA 1992.1016, note J.L. Autin. Cet auteur considre que le
Conseil d'Etat a opr un contrle restreint. CE 26 juillet 1991, AJDA 1991. 911, obs. J.P.
Thron.
48. CE 11 dc. 1991, D. 1992. 359, note C. Debbasch. Dans cette dcision, le Conseil
d'Etat estime que le retrait d'autorisation "ne prsente pas un caractre manifestement excessif" alors que dans l'arrt prcit du 14 juin 1991, l'adverbe "manifestement" n'est pas utilis.
49. En ce sens, Delvolv (P.), pre. ; Canivet (G.), "Le juge et l'autorit de march", Rev.
jurisp. com. 1992.185.
50. Le Conseil d'Etat, tenu par les conclusions des parties, n'a sernhle-t-il pas encore us
de ce pouvoir de rformation.
51. En ce sens, Delvolv (P.), pre. ; Canivet (G.), pre. ; Couret (A.), "Les droits de la
dfense devant la COB", Bull. Joly 1998, 379, p.l089.
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52. Decoopman (N.), "Le pouvoir d'injonction des autorits administratives indpendantes", lCP 1987.1.3303.
53. V. implicitement mais ncessairement, CE 20 mars 1991, RRl 1992. 539, note A.
Boyer, CE 14 juin 1991, pre. Ces arrts ne permettent pas de dterminer l'tendue du contrle exerc: normal ou restreint.
54. CE Ass. 16 avril 1986 et 17 dc. 1986, RFDA 1987. 21, concl. M. Fornacciari.
55. CE 19 janvier 1990, Ass. "La tl est nous", RRl 1991. 889, note A. Boyer.
56. Sur le contrle minimum, Debbasch (C.) et Ricci J.-C.), Contentieux administratif, 5
d., Dalloz, 1990, p.828. Le commissaire du gouvernement, M. Fornacciari prconisait dans
ses conclusions pre. sur l'arrt du 17 dcembre 1986 l'exercice d'un contrle de l'erreur
manifeste d'apprciation.
57. CE Ass. 12 mars 1982, CGT, RDP 1982.1697, note J.M. Auby; AlDA 1982. 541,
concl. Dondoux.
58. CE 16 nov. 1990, AlDA 1991. 214, concl. B. Stirn; RFDA 1991. 635, note D. Truchet.
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contrle. Elle peut paratre tonnante si l'on songe au refus du juge administratif de se livrer un contrle d'opportunit. Cependant, les positions de l'un
et de l'autre ne sont pas aussi loignes que les formules utilises semblent
l'indiquer. D'une part, lorsque le juge administratif fait porter son contrle
sur certains lments relevant de l'opportunit, il intgre ceux-ci dans la lgalit 67 : l'extension du contrle de lgalit absorbe ainsi le contrle d'opportunit. D'autre part, le contrle d'opportunit voqu par le juge judiciaire
respecte la sphre d'apprciation de l'autorit concerne. Ainsi, propos du
prix des actions propos aux actionnaires minoritaires dans le cadre d'une
offre publique de retrait, la cour d'appel de Paris dfmit le rle du conseil des
bourses de valeurs et apprcie la mthode et les critres utiliss par cet organisme, encadrant ainsi son pouvoir discrtionnaire 68 ; mais l'intrieur du
cadre fix, le conseil dispose d'un entier pouvoir d'apprciation et peut choisir
le prix minimal69 Les dmarches du juge administratif et du juge judiciaire
sont en ralit parallles. Elles pourraient diverger en ce qui concerne les
consquences du contrle, c'est--dire la possibilit pour le juge de rformer
les dcisions contestes.
Le juge administratif, saisi d'un recours pour excs de pouvoir, ne peut
videmment qu'annuler la dcision, il ne peut la rformer. La question est
plus dbattue propos du juge judiciaire. Certains auteurs, mme s'ils nuancent leur propos, penchent en faveur de la reconnaissance d'un pouvoir de
rformation 70, solution qui permettrait d'unifier le contrle exerc
l'encontre de l'ensemble des dcisions des autorits administratives indpendantes par le juge judiciaire. Or, on l'a vu, ce dernier dispose d'un pouvoir de
rformation en ce qui concerne les sanctions et les injonctions, et les textes
oprant transfert de comptence ne font aucune distinction selon la nature de
la dcision. Pourtant, l'octroi d'un pouvoir de substitution nous parat ici
excessif. Sans mme voquer l'interdiction pour le juge de se faire administrateur dans la mesure o le juge judiciaire est moins tenu que le juge administratif par les principes qui rgissent le droit public, il apparat que le besoin de
protection des personnes est moins pressant en l'absence de pouvoirs crcitifs
et surtout, la possibilit pour le juge de se substituer un organe de rgulation
ruine le bien-fond du recours de telles instances. Jusqu' prsent, la jurisprudence n'offre d'ailleurs pas d'exemples de l'exercice d'un tel pouvoir de
substitution; au contraire, la cour d'appel de Paris a refus de se substituer
au conseil des bourses de valeurs dont elle venait d'annuler une dcision de
(suite note 66) Marchi; D. 1989. 160, note P. Le Cannu. De faon encore plus nette, Paris
24 juin 1991, socit Devanlay c. socit Nouvelles Galeries, Bull. Joly 1991, 289, p. 806,
obs. A. Viandier, Rev. jurisp. com. 1991. 305, note C. Goyet.
67. Vedel (G.) et Delvolv (P.), Droit administratif, t.l, PUF, 1992, p. 535.
68. Paris 7 nov. 1990, Bull. Joly 1991. 62, note P. Le Cannu ; et, de faon plus prcise,
Paris 18 avril 1991, Bull. Joly 1991.610, note P. Le Cannu; Jep 1991, d.E, II,167, note A.
Viandier ; Rev. socits 1991. 765, note D. Carreau et J.Y. Martin.
69. Paris 8 juill. 1992, Bull. Joly 1992 . 1210, note L. Faugrolas.
70. Delvolv (P.), "La nature des recours devant la Cour d'appel de Paris contre les actes
des autorits boursires", art. prc. ; Canivet (G.), "Le juge et l'autorit de march", art.
prc.
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retrait de carte de remisier71 Il est nanmoins significatif que de telles questions soient poses propos d'autorits dites indpendantes. Mme en l'absence d'un pouvoir de substitution, le contrle du juge reste approfondi: la
soumission au droit des autorits administratives indpendantes parat prioritaire. L'examen de la porte des contrles permet cependant de montrer que
l'indpendance de ces instances est sauvegarde.
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Un autre grief est souvent invoqu par les justiciables propos des autorits administratives indpendantes, celui relatif la composition de l'instance.
La frquence de ce grief rsulte de l'originalit de la composition des organes
de rgulation qui bien souvent comptent des magistrats, des professionnels et
des personnalits choisies intuitu personae ; elle montre aussi la suspicion que
peut engendrer la prsence de professionnels au sein d'une instance charge
de rguler leur secteur d'activit. Le juge, judiciaire et administratif, fonde
rarement une annulation sur ce motif15. Il estime que s'agissant de dcisions
administratives et non juridictionnelles, il n'est pas ncessaire qu'elles mentionnent la composition dn collge 76 De plus, l'absence d'incompatibilits
lgales explique le rejet de recours mettant en cause l'impartialit de certaines
instances 77.
La vigilance du juge est au contraire requise quant l'application du principe du contradictoire lors du prononc des sanctions. La garantie des droits
de la dfense - principe constitutionnel-l'exige et les textes attribuant un pouvoir de sanction l'organisent. L'apprciation de la jurisprudence est sur ce
point nuance. La premire dcision de sanction de la COB soumise au juge a
t annule par la cour d'appel de Paris en raison du non-respect du principe
du contradictoire et de la prsomption d'innocence 78 De mme, en matire de
concurrence, le juge judiciaire s'est attach faire respecter la rgle selon
laquelle "l'instruction et la procdure devant le conseil de la concurrence sont
pleinement contradictoires" (Ord. 1er dcembre 1986, art.18). Ainsi, le principe du contradictoire joue-t-il l'gard du plaignant ds le dpt de la requte 79 Cette jurisprudence s'est dveloppe et la Cour a affirm que le principe
devait s'appliquer propos de la vrification par le conseil du respect des
injonctions qu'il avait prononces dans une dcision antrieure8, bien que les
textes ne l'imposent pas dans le cadre de cette procdure. Dans d'autres cas
cependant, la mise en oeuvre du principe est moins bien assure. Tel est le cas
de l'enqute pralable l'gard des personnes suspectes d'avoir enfreint les
rgles de la concurrence o l'impratif d'efficacit du contrle parat primer
la garantie des droits de la dfense8l Le rle du commissaire du gouvernement
ou la prsence du rapporteur au dlibr restent galement discuts au regard
du principe de la contradiction82
75. V. propos de la CNCL, les rfrences cites par Pauliat (H.), art. pre.
76. V. par exemple CE 9 nov. 1990, D. 1992, somm. corn. 19, obs. M. Vasseur; Paris 10
mars 1992, Rev. socits 1992. 346, obs. M. Vasseur; Bull. Joly 1992. 425, note A. Viandier.
77. Paris 10 mars 1992, pre. V. galement dans le cadre d'une action en responsabilit,
Paris 15 janv. 1993, pre.
78. Paris 15 janv. 1993, pre.
79. Paris 10 mars 1988, BOCe 19 mars 1988, p. 75 ; 30 juin 1988, BOCe 9 juillet 1988,
p.188.
80. Paris 16 nov. 1989, aff. GIE Cartes bancaires, BOCe 18 nov. 1989, p. 283.
81. Vogel (L.), "Les tendances actuelles du droit de la concurrence en France", art. pre.,
nO 36. Boutard-Labarde (M.-C.) et Gaudemet (Y.), "Le contentieux des sanctions pcuniaires
du conseil de la concurrence", Les Petites AffloChes, 25 avril 1990, p. 7, nO 22 s.
82. Boutard-Labarde (M.-C.) et Gaudemet (Y.), art. pre.
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83. V. Paris 13 juill. 1988, Holophane, pre. ; 10 mars 1992, pre. Le principe du contradictoire parat beaucoup plus rarement voqu devant le juge administratif; v. cependant CE
14 juin 1991 pre. ; Il dc. 1991, D. 1992, IR 158.
84. Cpr. Paris 13 juill. 1988, pre. : "il n'est pas tabli que l'instruction a t mene d'une
faon clandestine et frauduleuse" et Paris 10 mars 1992, pre. : "la procdure suivie par le
conse n'a manqu ni la loyaut, ni aux garanties de la dfense". V. en faveur d'une extension du principe du contradictoire aux dcisions non crcitives, Viandier (A.), "La comptence du juge judiciaire en matire de recours contre certaines dcisions du CBV", Bull. loly
1991. 773; Couret (A.), "Marchs financiers et garanties des liberts (Libres propos autour de
l'application de la loi du 2 aot 1989)", D. 1992. chr. 160.
85. BOCe 4 fvr. 1988, p. 38.
86. Paris 9 nov. 1989, BOCe 18 nov. 1989, p. 275 ; V. de faon un peu plus prcise, Paris
21 mai 1990, aff. France-Loisirs, D. 1990. 523, note C. Gavalda.
87. Casso Corn. JO mars 1992, D. 1992.355, note C. Gavalda.
88. Casso Corn. 8 dc. 1992, Ets. Phihor, BOCe 18 dc. 1992, p. 379.
89. CE 18 mai 1990, Association armnienne d'aide sociale, AlDA 1990. 722, cond. B.
Stirn.
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La motivation des dcisions d'autorisation n'est en revanche pas ohligatoire, comme l'a rappel le Conseil d'Etat90 Sur ce point, le juge judiciaire adopte une conception plus large de l'obligation de motivation dans la mesure o il
tend celle-ci aux dcisions "consacrant ou refusant l'exercice d'un droit ou
d'une prrogative"91 ; le juge judiciaire participerait ainsi l'extension de la
procdure administrative non contentieuse. De faon plus pragmatique, seule
une motivation suffisante peut permettre un rel contrle au fond.
2) Les censures juridictionnelles pour illgalit interne sont rares. Pour le
juge judiciaire, le contrle au fond est surtout l'occasion de participer l'laboration et l'approfondissement des rgles substantielles du droit de la
concurrence et du droit boursier, juridicisant ainsi des rgles dont l'aspect
technique parat parfois prdominant. L'aspect sanctionnateur du contrle
n'est alors que secondaire. Il n'est pas pour autant inexistant. Le grief implicite de violation de la loi a ainsi permis d'annuler une dcision de la COB ayant,
alors qu'elle ne disposait pas l'poque de ces prrogatives, retir un numro
d'enregistrement un document d'information de placements en biens divers 92.
De mme, le Conseil d'Etat a annul une dcision de la CNCL ayant refus un
temps d'antenne une organisation reprsentative l'chelle nationale93
Le contrle au fond des dcisions de sanction est dterminant. Le contrle
de la matrialit des faits ne pose pas de problmes particuliers94 , celui de la
proportionnalit est en revanche plus dlicat dans la mesure o il intgre
ncessairement une part de subjectivit. Les formules ngatives utilises par le
Conseil d'Etat l'issue d'un contrle entier sont significatives95 Les formules
positives employes par la cour d'appel de Paris - notamment dans l'affaire
France-Loisirs96 - semblent indiquer un contrle plus troit de l'adquation de
la sanction la faute et au dommage occasionn. Cependant, c'est en raison
du caractre gnral de la motivation et d'une apprciation insuffisante de la
proportionnalit que la Cour de cassation a cass certains arrts de la cour
d'appel de Paris 97 , renforant ainsi ses exigences en la matire : le caractre
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98. V. Richer (L.) , "La proportionnalit des sanctions dans le droit de la concurrence",
Les Petites Affiches, 8 juillet 1991, p. 4. De faon plus gnrale, Delmas-Marty (M.) et TeitgenColly (C.), Punir sans juger ? De la rpression administrative au droit administratifpnal,
Economica, 1992.
99. Loi nO 92-1442, 31 dc. 1992, art. 1er.
100. V. Paris 14 janv. 1993, BOCe 13 fvrier 1993, pAO; 25 mars 1993, BOCe 17 avril
1993, p. 1I7.
101. Paris Il mars 1993, BOCe 26 mars 1993, p. 104.