Anorexie Boulimie
Anorexie Boulimie
Anorexie Boulimie
DAVID Clotilde
Mai 2010
Sommaire
Introduction ........................................................................................................................................ 1
I.
Lergothrapie ............................................................................................................................ 3
II.
a.
Lanorexie ................................................................................................................................ 4
b.
La boulimie .............................................................................................................................. 6
III.
a.
Dfinition .................................................................................................................................. 8
b.
c.
d.
IV.
Le plaisir ................................................................................................................................. 11
a.
Dfinition ................................................................................................................................ 11
b.
c.
V.
Ladolescence ....................................................................................................................... 15
VI.
a.
Que fait lergothrapeute pour agir sur les troubles dcrits ? .......................... 21
d.
VII.
VIII.
a.
b.
c.
d.
Discussion .............................................................................................................................. 36
IX.
Apports et limites................................................................................................................ 40
Conclusion ......................................................................................................................................... 41
Bibliographie ..................................................................................................................................... 43
Annexes .............................................................................................................................................. 46
Remerciements
Je remercie Jean-Philippe Guihard pour ses conseils et pour mavoir guid tout au
long de ce travail de fin dtudes.
Je remercie les professionnelles qui ont pris le temps de rpondre mes
questions en me faisant partager leurs expriences.
Je remercie Amlie et Julie de stre replong pour moi dans leurs souvenirs.
Je remercie toute ma famille pour leur relecture si attentive.
Je remercie mes parents pour leur patience et leur soutien durant ces annes de
formation et particulirement ces derniers mois
Je remercie mes amis pour leurs conseils et leur soutien.
Introduction
Comme le prouvent ces journalistes qui suivent de jeunes anorexiques
dans leur combat, ou ceux qui sinfiltrent dans les hpitaux pour dcouvrir le
fonctionnement des structures, les troubles du comportement alimentaire
deviennent un sujet rcurrent dans les mdias.
Fin 2007, une campagne publicitaire italienne, destine promouvoir une
marque de vtements, est mme alle plus loin en montrant aux yeux de tous, le
corps dcharn par lanorexie de la comdienne Isabelle Caro.
La boulimie, quant elle, est un phnomne plus cach, moins expos
peut-tre moins visible aussi. Cette dernire, survenant principalement dans le
milieu tudiant, est moins connue du grand public et trs culpabilisante pour les
malades. Elles y associent une forte charge anxieuse ayant pour consquence le
dveloppement frquent de dpressions.
Si aujourdhui, jai dcid dapprofondir mes connaissances sur ces jeunes
qui souffrent de troubles du comportement alimentaire, cest la fois pour que
lon reconnaisse leur mal-tre mais aussi pour dmontrer que les mcanismes
mis en jeu sont complexes. Il serait rducteur de considrer quil sagit
seulement, pour ces malades, de vouloir ressembler aux mannequins filiformes
des magazines.
En tant que future professionnelle ergothrapeute, jai choisi de ne pas
particulirement mattarder sur les mcanismes de dfense mis en jeu. En
revanche, jai souhait souligner et mettre en avant le rle jou par
lergothrapeute dans la prise en charge de ces adolescentes.
Nayant pas vcu ces situations en stage, jai bas mes recherches sur de
nombreux crits existants. Jai galement tay ces sources par des tmoignages
dergothrapeutes travaillant auprs dadolescentes anorexiques et boulimiques
depuis plusieurs annes.
Par ailleurs, de nombreuses questions personnelles ont t lorigine de
ce mmoire. En effet, les troubles du comportement alimentaire sont une
pathologie quil est encore aujourdhui difficile expliquer. Elle suscite la
fascination envers les malades qui font preuve dune volont exceptionnelle :
malgr la souffrance, elles surpassent leur faim et vont au-del de leurs pulsions
vitales Comment y parviennent-elles ?
Mes recherches mont amenes vers lhyperactivit des anorexiques. Je me
suis alors interroge sur le rle de lergothrapeute dans cette situation : que
faire pour ne pas renforcer lhyperactivit de ces patientes ? Mais finalement, la
question de base nest-elle pas plutt : pourquoi ces anorexiques sont-elles
hyperactives ?
Lergothrapeute, qui est le professionnel de lactivit, prend gnralement
en charge des patients en perte dindpendance qui veulent faire mais ne
peuvent pas. Il peut galement sagir de patients en perte dautonomie, qui, eux,
pourraient mais ne veulent pas. Chez les anorexiques, la problmatique est
diffrente : les patientes ont une attitude volontaire vis--vis des activits et
sont aussi capables de les raliser Comment lergothrapeute peut-il alors
agir ? Quel est son rle ?
Afin de rsoudre cette nigme, jai essay denvisager cette question sous
un autre angle : puisquelles semblent vouloir et pouvoir , quest-ce qui
leur manque pour gurir et passer au-dessus de ce comportement alimentaire
pathologique ? Elles ont une volont dacier, de bonnes capacits tout cela estil insuffisant ?
Cest alors que jai constat un nombre important de rechutes de patientes
anorexiques, mais aussi boulimiques, une fois sorties de lhpital.
Do une interrogation essentielle sur le rle de lergothrapie dans la prise
en charge des adolescentes souffrant de troubles du comportement alimentaire :
comment peut-elle contribuer la diminution des checs de gurison ?
Problmatique
Que fait lergothrapeute pour aider ladolescente souffrant de troubles
du comportement alimentaire devenir actrice de son projet de soins ?
Remarque : Je parlerais dans ce mmoire des jeunes filles souffrant de troubles
du comportement alimentaire. Noublions pas que lanorexie et la boulimie
touchent aussi les garons.
I.
Lergothrapie
Dans ce mmoire qui traite dergothrapie, nous nous devons de
et
dautonomie
personnelle,
sociale,
scolaire
et
professionnelle 1.
Lergothrapie est aussi une thrapie par lactivit : sociothrapeutique,
manuelle, de cration, cognitive, mise en situation cologique, La mdiation est
le moyen privilgi pour parvenir aux objectifs de la prise en charge.
Dautre part, lergothrapeute exerce dans une structure au sein dune
quipe pluriprofessionnelle et interdisciplinaire.
Il porte un regard global sur la personne, tant dun point de ses capacits
que de ses besoins et de son environnement. Les objectifs sont dtermins en
collaboration avec le patient, en fonction de ses attentes et de ses dsirs.
II.
a. Lanorexie
Lanorexie
mentale,
ou
anorexia
nevrosa 2,
est
une
pathologie
psychiatrique dont les signes cliniques sont globalement dcrits par la rgle des
3A:
1. La conduite Anorexique autrement dit, la restriction volontaire de
nourriture. Il sagit dune lutte active contre la faim, en accord avec la
peur de grossir et le dsir de maigrir ;
2.
LAmaigrissement
(secondaire
la
restriction
alimentaire),
(on note par ailleurs que les rsultats de lanorexique sont gnralement
meilleurs en apprentissage quen crativit).
La vie relationnelle de ladolescente anorexique est marque par un
comportement
paradoxal :
elle
prsente
une
relation
de
dpendance et
La
forme
mixte,
hyperphagies
anorexie-boulimie :
incontrles,
la
personne
accompagnes
de
prsente
des
comportements
il
est
important
de
noter
quil
nexiste
pas
dantcdents
American psychiatric Association Practice guidlines for the treatment of patients with
eating disorders (revision). Am J Psychiatry, 2000; 157;1 (Suppl)
b. La boulimie
La boulimie est labsorption dune grande quantit de nourriture en une
priode limite (par exemple en moins de 2h), associe au sentiment de perte de
contrle sur le comportement alimentaire pendant la crise4 (crise survenant au
moins deux fois par semaine pendant trois mois).
Les crises boulimiques sont suivies de comportements compensatoires :
vomissements, utilisation de diurtiques, laxatifs ou lavements. Dans dautres
cas, il sagit de comportements compensatoires inappropris tels que le jene ou
lexercice physique excessif.
Les formes cliniques sont de deux types :
-
La
survenue
des
conduites
est
incontrlable
et
les
6
7
8
Dfinition : Larousse
Ibid.
Ibid.
10
IV. Le plaisir
a. Dfinition
Le plaisir est une sensation ou une motion agrable, lie la
satisfaction dune tendance, dun besoin, lexercice harmonieux des activits
vitales 9.
Le simple fait dtre une sensation ou une motion, lui confre la notion de
subjectivit.
Cette motion positive implique lide de qualit (purs plaisirs, malins plaisirs,
), de quantit (petits plaisirs, plaisirs infinis) et de dure (courts plaisirs,
plaisirs passagers, plaisirs durables)10.
H. Laborit, eutonologue11 et philosophe, pose la question suivante : la
recherche du plaisir nest-elle pas la loi fondamentale qui gouverne les processus
vivants ?
constatons
que
les
adolescentes
souffrant
de
troubles
du
dune crise
de
boulimie,
ladolescente
absorbe
des quantits
11
celui
dapporter
les
lments
nergtiques
et
nutritionnels
Aristote, Ethique et Nicomaque, in Le plaisir, SIMHA S., Paris : Armand Colin, 2004,
(Coll. Vocation philosophique), 186p.
13
Dfinition : Le Grand Larousse en 5 volumes
12
lacte est une notion oppose celle de la puissance et qui consiste dans la
ralisation dune activit, jusque l reste potentielle 14 : lergon.
La premire notion qui ressort de ces deux dfinitions est celle de la
volont : celle de raliser et daccomplir.
Chacun est acteur de son propre plaisir, puisquil est li la satisfaction dune
tendance, dun besoin, lexercice harmonieux des activits vitales 15. Si le
plaisir ne sapprend pas, il se recherche et se dveloppe.
Le plaisir est engendr par les activits que lindividu ralise : les activits
jusque l restes potentielles .
La seconde notion issue des dfinitions prcdentes est celle de la
supriorit de lattitude sur lappartenance.
Le plaisir nat de la satisfaction. Eprouver de la satisfaction cest avoir la
sensation davoir agit correctement, de la faon la plus approprie, selon nos
envies. Cest aussi parvenir un but, une finalit. Le plaisir nat donc des choix
qui ont t effectus pour arriver lactivit.
Pour tre satisfait, il faut tre conscient de lactivit mene.
Le plaisir implique une certaine prise de conscience de ce qui se droule, de
lenvironnement, mais aussi du corps dans lenvironnement.
Il faut donc donner de limportance aux informations transmises via les diffrents
canaux sensoriels. Lindividu est alors conscient des odeurs, des bruits, des
objets,
des
textures,
qui
lentourent.
Il
peut
ainsi
se
placer
dans
lenvironnement.
Pour prendre du plaisir, il faut tre en capacit den prouver.
Dmocrite rsume la situation du choix de se faire plaisir : il nadmet le
plaisir comme critre de la vie bonne ou heureuse, qu condition quil implique
un choix et lactivit proprement humaine du discernement16.
14
15
16
13
Le plaisir est une sensation qui dcoule des besoins, mais qui nest pas inne.
Elle doit faire lobjet dune prise de conscience de lindividu, des choix quil ralise
pour combler ses besoins.
Les choix : voil une des caractristiques de ladolescence. Cette priode critique
de la vie, charnire entre lenfance et le monde adulte, o de nombreuses
problmatiques sont mises en jeu. Nous nous attarderons un moment sur cellesci pour mieux comprendre les enjeux des adolescentes souffrant de troubles du
comportement alimentaire.
14
V.
Ladolescence
Ladolescence, est une priode de la vie intermdiaire entre lenfance et
se
caractrise
par
la
problmatique
du
corps.
Les
15
16
activits
avec
apprentissage
de
techniques,
des
activits
intgrant gnralement
le
mdecin
psychiatre,
lquipe
17
personnes
et
les
lieux
vont
lui
tre
prsents,
la
dmarche
de
lergothrapeute explicite.
Ce
premier
rendez-vous
est
une
source
prcieuse
dinformation
pour
18
Note : Nous veillerons ne pas raliser des activits engageant trop le corps
chez ces patientes pour qui activit signifie perte de calories.
Les moyens seront adapts la patiente, ses dsirs. Elles seront significatives
pour elle.
19
20
21
22
les
services,
lquipe
sattache
particulirement
aux
besoins
23
Permettre ces jeunes de poser des mots sur les sensations et les
difficults, grce aux thrapies proposes par lquipe de soins, est primordial.
Les activits quun ergothrapeute leur propose est un de leur moyen de
sexprimer.
Dans cette relation duelle entre la patiente et le thrapeute, le support de
lactivit permet galement la patiente de garder une certaine distance en
apparence. Cela peut tre rassurant pour elle, car elle garde ainsi un certain
contrle. Cependant, cette notion de matrise nest pas contradictoire la
notion d investissement de la patiente.
Pour des adolescentes rticentes venir en ergothrapie, lobjectif est de
leur donner envie de venir. Si elles prennent du plaisir en tant dans latelier,
alors elles viendront plus facilement que si elles ont limpression de subir les
soins de lquipe. Lobjectif est donc bien de les amener tre au cur de ce
projet de soins, pour quelles en soient les actrices.
24
donc
voulu
tester
la
validit
de
mon
hypothse
auprs
de
25
26
la
compliance
et
lalliance
avec
ladolescente.
Elle
est
accompagnante.
Cette question met en vidence les points sensibles, et les lments
auxquels il faut tre vigilant lorsquon accompagne ces adolescentes
anorexiques et boulimiques : lattitude de lergothrapeute, sa relation
avec la patiente, mais aussi le cadre de laccompagnement.
Le fait de travailler avec des adolescents engendre des problmatiques
supplmentaires, identifies par les ergothrapeutes.
Il doit tre vigilant lentourage familial, cest--dire crer du lien avec les
parents (ladolescente vit souvent chez eux), et tenir compte des problmatiques
intrafamiliales qui existent.
Lergothrapeute est parfois amen tre lintermdiaire entre les adolescents et
les adultes. Il amne ces derniers diffrencier les problmatiques de la maladie
de celles de ladolescence. Grce sa position privilgie et sa connaissance
globale de la patiente, il est loreille attentive de celle-ci.
Il a galement t soulev limportance dtre cratif.
18
27
les
relations
avec
la
famille,
les
questionnements
de
28
les autres. Lobjectif est quelles investissent lactivit, et donc leur prise en
charge. A ce moment l, elles se dcouvrent des capacits mconnues ou
renies, qui les valorisent. Ainsi, elles pourront ritrer lexprience avec plus
dassurance.
En leur faisant redcouvrir le plaisir, ces adolescentes pourront voluer par
rapport leur maladie et leurs symptmes. Cette volution passe par le lcher
prise et limplication des patientes. Effectivement, chaque ergothrapeute
saccorde aussi dire que la motivation de la patiente est primordiale dans le
processus de gurison: sans ladhsion aux soins, aucun soin nest efficace.
Dautre part, le cadre des activits semble important : la dure des
sances est plus ou moins longue selon les structures mais elle est clairement
dfinie. Il est aussi impossible demporter le travail en chambre, dans le but de
prvenir du symptme de lhyperactivit.
Les ergothrapeutes proposent des activits cratives, manuelles, mais
ludiques. Faire preuve de crativit est important auprs des adolescents, afin de
capter leur attention et leur intrt. Par contre, les activits proposes nont
jamais de lien avec lalimentation. Lespace dergothrapie est un lieu part ,
o les activits ont un lien avec lextrieur de la structure et la ralit dune vie
dadolescent : piscine, cinma et muses pour certaines, interventions dartistes
confirms pour dautres.
Chacune des activits est dcrite comme le support dune relation, entre la
patiente et lergothrapeute, et entre ladolescente et ses pairs. Commenons
par la relation avec les autres patientes : effectivement, la table, autour de
laquelle tous les membres du groupe sont assis, est le lieu de discussions et
dchanges autour de lactivit, de la maladie, ou de sujets plus lgers. Dautre
part, si ladolescente ne se retrouve pas dans cette relation de groupe, elle doit
cependant pouvoir se retrouver dans une relation duelle, avec lergothrapeute.
Cela nous amne la dernire notion voque autour du plaisir dans la
prise en charge : lattitude de lergothrapeute. Deux des trois personnes
interroges estiment quil est ncessaire que le thrapeute prenne du plaisir dans
son travail, et dans la relation avec la patiente. Effectivement, son attitude est
communicative, et sil na aucun de plaisir partager un moment avec la
29
patiente, elle le ressentira. Son propre plaisir et ses ractions en seront donc
affects.
Cette question sur la place du plaisir montre quen ergothrapie, de
nombreuses facettes du plaisir sont dcrites et sont mises en lien. Les
patientes doivent se rapproprier leur plaisir pour simpliquer. Il passe par
lactivit, mais aussi par la confrontation la ralit, et la relation avec les
autres. Enfin, le thrapeute doit lui aussi prendre du plaisir dans son
exercice professionnel pour tre plus ouvert et vigilant.
En ce qui concerne son projet de vie, les ergothrapeutes ne pensent pas
que la patiente en soit lactrice. Effectivement, est-ce la malade qui fait des
choix, ou est-ce la maladie qui la pousse faire ces choix ? Voil pourquoi lun
des objectifs de la prise en charge des adolescentes souffrant de troubles du
comportement alimentaire, est de les dtacher de leurs symptmes, pour
quelles puissent redevenir matresses de leurs penses et de leurs dcisions.
Lquipe soignante et lergothrapeute propose alors un accompagnement pour
la guider, et lui permettre de dcouvrir dautres voies explorer. Cest ensuite
ladolescente de sen saisir.
Pour que la patiente soit actrice de son projet de vie, elle doit faire preuve
de motivation et dimplication pour prendre conscience de sa maladie et sen
sortir. Le thrapeute laide dcouvrir les diffrentes possibilits qui soffrent
elle.
Synthse
Je constate, grce ces entretiens, que lergothrapeute a un rle tenir
dans la rappropriation du plaisir par la patiente. Cela passe par lactivit mais
surtout par ce qui sy joue : la relation quelle permet dtablir avec les autres,
les changes et la possibilit de sexprimer grce ce support, la possibilit de
sloigner des symptmes alimentaires le temps de lactivit Enfin, le cadre
est primordial et instaure un espace paisible et scurisant.
Il ressort galement de ces entretiens que ladolescente est actrice de son
projet de soin si elle est implique, et pour cela, elle doit avoir conscience de ses
troubles. Sans cela, impossible davoir le recul ncessaire la gurison.
30
31
19
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juin, pour continuer ces tudes. Elle persiste, et entre en cole dingnieur
paysagiste.
Les apports de lhospitalisation
Pour Amlie, lhospitalisation a t un dclencheur. Les autres patients ont
agis pour elle comme un miroir, et elle a alors pris conscience de ses troubles.
Julie exprime que, pour elle, lhospitalisation a t loccasion de travailler sur
le fond de la dpression, mais aussi sur les symptmes alimentaires de la
boulimie. Dune part elle a ainsi pu se reposer, reprendre de lnergie, mais
galement prendre du recul. Elle-mme parle de coupure et de lcher
prise . Dautre part, lhospitalisation a t loccasion de voir plus clair sur les
causes qui lont conduite la boulimie. Enfin, elle a russi mettre en place un
quilibre alimentaire adapt.
Le cadre des activits proposes
Lors de sa premire hospitalisation en hpital psychiatrique, Amlie ne
participe aucune activit, alors quen centre spcialis, des activits sont
proposes par les infirmires. Il sagit dactivits manuelles comme la peinture ou
les perles par exemple. La salle o elles se droulent est dans le service,
permettant aux adolescentes dy participer sans sortir de ltage. Cest la
patiente qui choisit lactivit quelle veut raliser. Ces activits sont ressenties
par Amlie comme des activits que lon proposerait des enfants ou dans une
maison de retraite.
Julie assiste des sances dergothrapie obligatoires. La prise en charge se
fait en groupe de quinze adolescents environ. Les ateliers durent quatre heures
et ont lieu trois quatre fois par semaine. Les activits proposes sont des
activits
manuelles :
peinture,
dessin
ou
pte
sel
par
exemple.
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mme malade, nest pas inutile, et quelle nest pas exclue de la socit pour
autant. La maladie nempche pas de faire des choses.
Julie, quant elle, assure avoir conscience du bienfait des sances
dergothrapie, mme si elle estime que la dure est trop importante. Daprs
elle, le groupe permet davoir un rythme suivre et dentraner une jeune qui se
sentirait moins bien.
Les souvenirs spontans de lhospitalisation
Amlie retient de son hospitalisation dans un centre spcialis, la besoin de
prendre conscience de la maladie, mais aussi lentre-aide entre les jeunes. Pour
elle, lhospitalisation lui a fait prendre conscience que mme malade, elle ntait
pas exclue de la socit et quelle ntait pas inutile.
Julie, elle, a des souvenirs dun autre ordre, un ordre plus traumatisant,
puisquelle garde le souvenir des toilettes fermes aprs les repas. Cest ce qui
la marqu au cours de son hospitalisation.
Les manques dplorer
Amlie estime que sa premire hospitalisation na pas t bnfique, et que
de nombreux manques sont dplorer. Cependant, elle ne met pas de mots sur
ces manques. En comparaison, sa seconde hospitalisation est pour elle une totale
russite. De celle-ci, elle ne pense pas quil lui manquait quelque chose.
Pour Julie, le principal manque de son hospitalisation, cest la personnalisation
de la prise en charge. Elle a t gne de faire toutes les activits en groupe,
avec les autres jeunes. Elle aurait aim pouvoir sen dtacher. Cependant, elle
estime aussi que le groupe permet de donner un rythme la prise en charge et
de la motivation. Elle ajoutera la fin de lentretien qu la suite de son
hospitalisation, voyant quelle allait bien, elle a stopp son traitement et son
suivi, et a ainsi rechut dans la maladie. Elle conclura qu au final [elle] na
jamais trouv le soignant pour [l]aider sur a [la maladie] .
Synthse
En interrogeant des jeunes qui ont t hospitalises une priode de leur
maladie, je me rends compte quAmlie donne aussi de limportance la prise de
34
35
d. Discussion
Des
notions
importantes
ressortent
de
ces
entretiens
avec
des
36
participation. Lergothrapeute, lui, est prsent pour que ces situations soient
des situations relles. Quil sagisse dune sortie cinma ou piscine, ou dune
activit bijouterie ou peinture, ce sont toutes des activits dans lesquelles le
principe de ralit est prsent : il y a des rgles tenir, des tapes suivre,
Ces activits mettent galement en relation deux ou plusieurs individus, et
recrent un tissu social, auquel ladolescente se trouvera confronte sa sortie
dhospitalisation.
Cest aussi la ralit de lengagement de lindividu. En principe, on ne peut pas
se dsengager sur un coup de tte ou sans raison particulire, que ce soit dans
le travail, les tudes, la vie amicale ou sociale. Lergothrapeute doit tre le
porteur de ce message de ralit.
Enfin, la vie de ladolescente, lorsquelle sortira de la structure, est une autre
ralit. Effectivement, lhospitalisation nest quune tape dans sa vie. Une fois
sortie, elle sera nouveau plonge dans son environnement familial, social et
scolaire. Cest pourquoi le retour peut parfois tre difficile pour ladolescente si
elle nest pas prpare : elle peut fantasmer sur les conditions de son retour
dans le monde , et se retrouver trs dmunie si ses fantasmes sont trop
loigns de la ralit. Lergothrapeute doit donc tre le relais entre lhpital et
lextrieur, en prparant la patiente redevenir une adolescente avant dtre une
malade. Les activits proposes sont des activits proches de celles des
adolescentes : piscine, muses, cinma,
Ce principe de ralit dont lergothrapeute est garant est le support
dchanges avec la patiente. Ils ne sont pas formaliss mais plutt spontans, et
ne portent pas sur la maladie. En effet, latelier dergothrapie est un lieu
part , relais entre le monde hospitalier et lextrieur : cest un lieu neutre .
Les changes sont donc plutt orients vers la connaissance de la personne, ses
activits ou ses loisirs. Grce eux, lergothrapeute cerne au mieux la patiente
et lui propose des activits adaptes ses intrts. Celles-ci ont alors un sens
pour la patiente, car elle les confronte son histoire de vie hors de la structure
de soins.
Lactivit est aussi un support dchanges avec les autres patientes :
plusieurs dentre-elles se retrouvent dans latelier dergothrapie autour dune
table, dans un lieu propice la parole. Les changes sont alors ceux
dadolescentes qui peuvent tourner autour de sujets nombreux et varis.
37
Lactivit est parfois lorigine de ces changes, car elle permet une prise de
contact avec lautre.
Lactivit met aussi en jeu la notion de devenir de lobjet. Pour des
patientes dont la relation lobjet de dpendance est pathologique, il est
intressant de travailler sur le devenir de lobjet quelles ont cr. Un
ergothrapeute notait que les patientes anorexiques ralisent beaucoup dobjets
quelles offrent leur entourage familial ou soignant. Par contre, elles ont des
difficults garder un objet cr. Un des objectifs pourrait-il tre apprendre
garder pour soi ?
Ensuite, la relation entre le thrapeute et ladolescente est base sur
lalliance et la confiance. Elle permet la jeune de sappuyer sur le thrapeute.
Grce cette alliance le thrapeute peut proposer diffrents choix ladolescente
pour laider gurir. Cest ensuite elle de faire la dmarche de sen saisir. Le
thrapeute donc une place daccompagnant dans ses dmarches.
Cest cette attitude qui indique la patiente quelle peut tre en relation
avec lautre.
Le groupe permet aux jeunes de se retrouver entre paires. Les
adolescentes qui sont un stade plus volu dans leur processus de gurison,
sont quelque part un modle pour celles qui ne sont pas rendues un tel
niveau . Ainsi, Amlie dcrit quelle sest rendue compte de son tat en
voyant chez les autres ce quelle ne voyait pas chez elle.
Le groupe donne aussi un rythme et une dynamique dans le soin. Les patientes
se retrouvent rgulirement pour les repas, les activits, les sorties, Cela
permet de porter ladolescente qui ne se sent pas bien et de la faire aller de
lavant.
Enfin, le groupe est un repre social et dappartenance pour ces adolescentes.
Ainsi, mme spare de son environnement familier, la jeune nest pas seule.
Elle existe et elle est reconnue aux yeux des autres.
Grce cet environnement, les patientes vont tre en capacit de lcher
prise. Effectivement, les adolescentes anorexiques et boulimiques sont trs
culpabilises par leur comportement alimentaire. Lcher prise signifie la
38
fois ne pas tre dans la matrise, comme lanorexique peut ltre, mais aussi
accepter linconnu et lexprimentation. Lcher prise cest aussi ne plus
penser ses troubles. Aussi difficile que cela puisse paratre, dautant plus au
cours dune hospitalisation, faire une pause est important. Cest pourquoi tous
les lments doivent tre runis pour crer un espace propice au lcher prise.
Cest lensemble, et uniquement lensemble qui permet la patiente de se
sentir en confiance et qui la met dans de bonnes conditions pour prendre du
plaisir. Si le plaisir est une notion subjective, cest que de nombreux paramtres
environnementaux, personnels et sociaux entrent en compte.
39
souffrant
de
troubles
du
comportement
alimentaire.
Les
40
Conclusion
Alors
que
je
pensais
dmontrer
que
le
plaisir
est
la
cl
de
41
Claudel,
Membre
de
lAcadmie
42
Bibliographie
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du
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Annexes
Questionnaires dentretiens
Entretien 1
Entretien tlphonique auprs dun ergothrapeute travaillant en
Centre Hospitalier Spcialis.
premires hospitalisations non plus. Il y a tous les cas de figures. Qui peuvent
tre des jeunes, des personnes plus ges, des personnes qui ont des anorexies
secondaires une maladie, ca arrive aussi. Il y a des cas particuliers. Il y a
quelques garons pas beaucoup. Jcoute.
5/ Comment slabore le projet de soins du patient ?
Ce ne sont pas des petites questions! Elles sont trs trs larges vos questions !
Alors il y a la thorie et il y a la pratique. En thorie, il y a un plan, un projet. En
pratique, les patientes sont prises en charge. Elles arrivent avec une histoire,
trs souvent elles font un courrier au mdecin. Aprs quoi, elles ont rendez-vous
sans doute, je ne sais pas, je ne connais pas tout le circuit parce que moi je suis
au milieu et aprs on me les adresse moi, au moins aprs une semaine. Jamais
avant. Parce que pendant une semaine elles sont en observation et elles ne
sortent pas des services, la premire semaine au moins. Aprs, on va me dire
plus ou moins, ce quelles peuvent faire ou pas faire. Par exemple, il y a en pour
qui il faut aussi contrler les toilettes, ce que je ne fais jamais, parce que ce nest
pas mon boulot. Donc voil. Elles viennent avec moi. Par contre les diffrentes
tapes : il y a les tapes datelier on va dire, et aprs les tapes o elles peuvent
aussi sortir. On peut les couper en deux. Les tapes atelier donc qui se font au
sein de lhpital toujours et les tapes qui se font en dehors. Les tapes en
dehors, ce nest quand mme pas tout de suite, jamais, pratiquement jamais.
Parce quil faut quelles aient un peu plus de force, quelles aient rcupr un
tout petit peu.
Jai dautres participants, il y a une psychologue, une psychomotricienne, un
kin, elles font de la relaxation aussi. Voil. Et les infirmiers.
6/ Comment, en tant que professionnel, participez-vous llaboration
du projet de vie du patient ?
On va tenir compte de mon avis un petit peu, pas normment.
Le dbut de lhospitalisation se fait avant moi. Lhospitalisation ne se fait pas
avec mon opinion. Si cest a la question pas du tout.
7/ Comment intgrez-vous la notion de plaisir dans votre prise en
charge ?
Et bien elle est fondamentale. Je me bats pour a moi. Parce que justement,
elles ont reni tout a, trs souvent le plaisir nexiste plus. Donc moi, un de mon
travail cest a. Parce que tout ce qui est sous-jacent ces pathologies, cest la
dpression, donc elles sont tristes crever. On peut dire a comme a. Donc il
faut bien essayer de redonner toutes ces notions de plaisir. Alors par tous les
moyens quon peut avoir : a veut dire, elles lont perdu le got de beaucoup de
choses. Dans tous les sens du terme : le got que ce soit le got lui-mme, elles
nont mme plus la faim donc, elles ont perdu le got du plaisir, le got de se
promener, le got de beaucoup de choses. Donc tout a cest reconqurir. Et
donc ctait quoi la question ? Comment ? Par les activits. Il faut avoir la pche
de toute faon. Mais a, a vaut pour les dpressions parce que a vaut pour
beaucoup de pathologies en psychiatrie. Il y a souvent un fond dpressif. Donc
nous de ne pas ltre justement. Du moins de ne pas le nier que a peut exister,
mme chez nous puisque sinon on va le renvoyer, donc on essaye daller au
cinma, la piscine, on fait des choses pas mal agrables, il y a un bel atelier.
Cest souvent sous forme ludique. On fait du thtre mais alors il faut toujours
ramener des choses qui ne soient pas trop intellectuelles puisquune de leur
autre particularit cest de tout intellectualiser. Donc a aussi il faut essayer de
remettre les choses dans le concret. Et aussi, on travaille beaucoup les yeux
bands, justement pour quelles perdent ce contrle. Il faut quelles perdent le
lcher prise, elles en ont beaucoup besoin.
Entretien 2
Entretien auprs dun ergothrapeute travaillant dans un Centre
Hospitalier Universitaire.
elles ne perdent pas, elles sortent dfinitivement. Aprs sinstaure le suivi, soit
elles sortent et elles reviennent au psychodrame de groupe pour certaines mais
pas toutes, au groupe de parole, a cest quasiment toutes. Je ne crois pas que
jen connaisse qui nai pas eu cette prescription. Elles viennent librement donc
elles choisissent en fonction de lemploi du temps ; et un suivi et par un pdiatre
et par un pdopsychiatre donc il y a deux pdopsy chez nous donc soit cest une
consultation conjointe pdopsychiatre et pdiatre, avec un pdopsy, et avec
lautre cest le pdopsychiatre voit la patiente et le pdiatre Donc ce nest pas
conjoint, cest chacun de son ct. Soit on pense que cest un peu fragile ou trs
fragile donc on propose lhpital de jour avec en plus de a un accueil par une
puricultrice, une surveillance du poids, des tensions, des constantes et un repas
collectif non surveill, ce qui permet dtre alert plus vite sil y a une perte de
poids, donc provoquer un entretien plus rapidement avec linterne qui a t en
hospitalisation ou le mdecin rfrent pour que la patiente se ressaisisse. Soit
hospitalise si elle a une perte de poids importante.
3/ Quels adjectifs choisiriez-vous pour dfinir laccompagnement que
vous proposez au patient en tant quergothrapeute?
Pendant lhospitalisation ou aprs ?
Les deux.
En hospitalisation je dirais soignante dj. Ce nest pas facile En fait dans la
structure o je travaille, je suis un peu la rfrente dans lanorexie. C'est--dire
que cest moi quon se rfre pour lavis, de ce quon pense des patients. Au
vue de mon exprience Paris, du coup on me demande beaucoup Alors,
quest ce que tu en penses delle ? Cest grave, ce nest pas grave ? Tu
penses quelle va voluer facilement ou pas ? Donc je ne sais pas comment
qualifier a. Un peu experte on va dire, au niveau de lvaluation. On va dire, moi
je veux minscrire dans cette dynamique l donc amener des observations psy,
parce que tout le reste des observations ne sont pas psy, autre que les mdecins
psychiatres. Au niveau des observations des activits de la vie quotidienne, je ne
sais pas comment on peut appeler a Pas technique mais Psychopathologique.
Et aprs dans le suivi, o l je prends plus de place maintenant, empathique,
soutenante, vigilante cest--dire que cest moi qui alerte les mdecins sur le fait
quil na pas vu les parents depuis longtemps, rappeler au mdecin quil faut
appeler, que les parents ont demand appeler, que lquipe veut quon les
temps lhpital, jai suggr au pdiatre de programmer une fois par mois une
semaine dhospitalisation. Il a relev lide et puis il en a parl aprs en entretien
avec la patiente et ce nest pas en ma prsence que a cest fait mais je peux
participer la rflexion en dehors des entretiens. Mais cest dans les entretiens
que a se construit. Les parents aprs.
6/ Comment, en tant que professionnel, participez-vous llaboration
du projet de vie du patient ?
Moi je pense que jai une conscience plus importante de la ralit de la vie du
patient. Dj parce que je my intresse. Donc par rapport au mdecin qui sy
intresse mais dans le sens quest-ce quen pense le patient . Moi je my
intresse pour ce quelle est, la ralit. Que jai une reprsentation de comment
est leur vie en dehors. Ca je ne sais pas si dans les discussions que jai avec lui
je lai. Du coup je me sens un peu le porteur de a dans les discussions autour
du patient. Ramener la ralit, les lments concrets. On va proposer que le
patient vienne le mercredi matin en suivi. Moi je sais que cest franais/histoirego, lundi matin il ny a rien je dis non. Pour moi la scolarit est importante
maintenir. A cet ge l, rater lcole cest compliqu, peut-tre quon peut choisir
un autre jour. Jessaie toujours de ramener la ralit ou les intrts du patient ou
les conflits Un des psychiatres dit que jai beaucoup en tte lhistoire des
patients et je lai vraiment, jai une qualit mme de ramener lhistoire mme
deux ans aprs, je me souviens de ce que le patient ma racont, parce que jai
une attention particulire, en effet, ce qui se passe en dehors du moment de
lhospitalisation. Cest--dire, je sais ce quest la vie du patient en dehors, je sais
ce quelle va tre la sortie, avec les soins quon impose. Je ne me cantonne pas
mon observation de ce qui sest pass au moment hospitalier. Je veux avoir la
globalit, que ce ne soit quun moment de son parcours, et de linscrire dans sa
vie en fait. Du coup je me sens un peu dpositaire du patient, de sa vie dans les
discussions avec les mdecins quand on discute les choses autour de lui. Je suis
un peu son avocat on va dire. Je dfends ses intrts. Autant je peux tre hyper
rigide sur les soins et ne pas accepter de discuter une proposition de soins avec
le patient mais dans les discussions en quipe, je me sens dpositaire de son
dsir lui. Aprs sur llaboration, cest ce que je disais tout lheure, je peux
avoir des ides ou le fait quon soit ergo, ce que je disais dans le cours cest
quon est cratif, on peut avoir des ides auxquelles les mdecins ne pensent pas
forcment et du coup jose, enfin moi je nai pas de problme hirarchique avec
les mdecins et eux ne mimposent pas une supriorit dans les changes, du
coup je me sens vraiment laise pour proposer des ides sans les imposer et
quon puisse en discuter pour quen effet slabore quelque chose de commun
dans lintrt du patient.
Cest vrai que moi je suis la personne qui formalise dans lquipe les choses,
cest--dire les modalits, mettre sous forme crite, cest moi. Par exemple
mettre en place les groupes de parole jai fait un petit document pour le patient
et sa famille pour quils comprennent ce quon va faire. Ce nest pas quoral, cest
moi qui fait les documents pour aider les patients investir les choses,
comprendre ce quon leur propose et se positionner par rapport aux soins quon
propose.
7/ Comment intgrez-vous la notion de plaisir dans votre prise en
charge ?
Dabord cest ce que je cherche en fait. Dj que jai moi mon plaisir, le plaisir
travailler. Je pense que si moi a me plait de travailler avec eux ils le ressentent
et a joue sur leur propre plaisir eux, leurs ractions. Moi jai beaucoup de
plaisir travailler avec les ados je trouve que cest une population hyper
intressante
et
qui
mintresse
beaucoup
et
jai
envie
queux-mmes
rflchissent leur vie, ce quils font de leur vie, quils prennent du plaisir dans
leurs activits, pas quils y viennent parce que cest propos et quon leur a dit.
Quils investissent les choses. Quils trouvent eux-mmes, quils se trouvent des
capacits quils navaient pas avant, quils ne dcelaient pas. Enfin quils
dcouvrent un plaisir tre cratif, discuter, jouer, tre dans la relation.
Quand jtais beaucoup en hospitalier, jincitais beaucoup les clowns aller vers
les anorexiques qui taient trs fermes ou des patients trs ferms. Pour que
justement il y ait un peu de jeu, un peu de plaisir dans la relation, quon relche
un peu toute cette tension de la souffrance et quon dconnecte et quon soit
dans un plaisir de lchange avec lautre. Les clowns pour a cest le rire, tout de
suite on est dconnect, on est ailleurs dans un autre monde. Ca fait partie dun
lment essentiel quil faut quelles travaillent. Dans les ateliers, je fais intervenir
des gens extrieurs, des artistes pour que justement il y ait un accs une autre
dimension que la technique. Que les patients puissent avoir du plaisir faire ce
quils font, tre valoriss. Aprs cest entre le plaisir et la crativit, ce nest
pas la mme chose mais je pense cest li. Quand on est cratif et dans la
relation aussi on prend du plaisir. Voil cest ce qui me guide un peu. Si moi je
mennuie en atelier, les patients sennuient aussi, il faut changer les choses. Pour
quils sy retrouvent au moins dans la relation de dualit. Si latelier il vient parce
quil ny a que a, il na pas le choix et quon lui dit quil faut quil vienne en
atelier donc au moins dans la relation quil a avec moi il faut ce que ce soit
plaisant ou alors avec les autres ados, quil trouve quelque chose qui lanime quil
soit vivant, quil prenne du plaisir pour voluer. Pour avoir envie dvoluer.
Dailleurs cest lui qui vient de lui-mme ?
Pour les suivis cest variable. Oui et non, cest--dire que parfois on incite, on dit
que le patient, on ne prescrit pas mais quand il veut arrter, on dit ce serait
bien que tu continues une fois sur deux , on le motive. Mais cest lui qui dcide
de venir. Ca peut ltre, dans les conditions dun ado de 17 ans qui ne devrait
plus tre pris en charge par nous et qui veut continuer cet endroit on lui dit
ce moment l tu tengages dans les soins. On ne peut pas te dire oui et que tu ne
viennes pas.
8/ Pensez-vous que le patient soit acteur de son projet de vie ?
Pourquoi ?
Projet de vie ou projet de soins ? Projet de vie.
Moi je pense dj quune anorexique ne peut pas aller mieux si elle ne dcide pas
daller mieux. Ca dpend uniquement delle. Aprs nous on peut laider. Donc
cest elle qui va dcider daller mieux, qui va dcider daffronter ses angoisses,
davancer. Mais en effet sinon nous on est l, on la soutient, elle sait quelle peut
saccrocher nous comme roue de secours, ce sera plus facile mais a viendra
delle... On ne va pas russir la persuader. On peut essayer de la persuader
tant quon veut si elle na pas dcid on ny arrivera pas. Cest elle qui dcide
avec ses propres motivations internes, cest elle qui a choisi. Par contre cest vrai
que concrtement on nest pas riches en propositions, on perturbe sa vie. Cest
quand mme la patiente par exemple qui a crit en disant quelle arrtait la prise
en charge : est-elle actrice de sa vie o est-ce que cest la maladie qui
lenferme ? Je pense que cest plutt la maladie qui lenferme. Et quelle nest pas
tellement actrice de sa vie ce moment l et que nous on a laider se
dgager de cette emprise pour justement devenir actrice de sa vie. Et on
pourrait dire que cest un choix de ne plus tre suivi mais cest surtout la maladie
qui lenvahit, ce nest pas un vrai choix. Que notre ide cest plus de la dgager
de a et aprs elle fera le choix de sa vie. Mais les propositions, je sais qu
certains endroits ce nest pas vraiment ce qui motive, ce nest pas forcment
lobjectif quil y a. Nous cest a. La sortir de ce moment o elle est
compltement enferme, compltement appauvrie dans ses liens aux autres. Par
exemple, le groupe de parole, moi qui ait boug en venant, en disant mais
pourquoi on fait ce groupe de parole lextrieur ? Pourquoi on ne provoque pas
un truc on les laisse parler entre elles mais nous on ny est pas ? Ce serait plus
elles qui dcideraient les choses. Mais non, parce que justement leur problme
cest quelles sont compltement enfermes l dedans, et que si on nest pas l
elles vont encore plus senfermer dans leur pathologie, mme si elles se
soutiennent ou mme si elles sont complices. Nous on est l pour guider vers des
pistes quelles ne voient pas, quelles peuvent prendre si elles veulent. Leur
ouvrir diffrents chemins et non pas que celui de lanorexie. Aprs elles de
dcider bien sr, mais il faut quelles en soient capables. Il ne faut pas quelles
aient des illres comme celle qui a crit qui ne voit pas Mais il faut en faire
des propositions. Ca, on nen fait pas. Cest vrai quen Bretagne on nen fait pas
tant que a, du coup on les guide dans un chemin qui nest pas forcment le leur.
Vous distinguiez projet de vie/projet de soins, alors pour le projet de soins, sontelles actrices ?
Mineures je ne pense pas, je pense que ce sont les parents en fait. Ce sont
surtout les parents qui les aident. Parce qutre enfant ce nest pas tre encore
capable de savoir ce qui est bien pour soi. Derrire une enfant envahie par des
angoisses et tout a, elle les subit totalement, un adulte il pourrait avoir du recul,
se dire bon il faut que je prenne soin de moi pour trouver des stratgies. Un
enfant il va le vivre, il sera compltement pris dedans, il ne pourra pas avoir ce
recul. Et ce sont ses parents qui vivent au quotidien, qui connaissent langoisse
de leur enfant, qui voient comment cest, qui prennent le recul la place de
lenfant. Voil je pense quil y a une distinction entre lenfant et ladulte et que
dans le projet de soins, pour quun enfant soit acteur, cest compliqu. Il faut
quil accde dj la prise de conscience de ses troubles. Parce que ce nest pas
quelque chose qui est normal quil subisse. Certains ils pensent quils sont les
seuls vivre a, quils nont pas le choix, que cest comme a. Ils ne savent pas
quil existe des mdicaments pour les aider, ils ne savent pas quon peut les
aider, que ce nest pas normal ce quils vivent mme si cest dsagrable, ils
pensent que cest normal. Un adulte sait que ce nest pas normal. Quand il ne
sagit pas de psychose Il sait que ce quil vit est un tat quil na pas toujours
eu, il a connu autre chose. Un enfant il subit et il ne sait pas quoi faire de a. Ce
sont ses parents qui vont laider prendre conscience, se dire quil est normal
mais quil lui arrive quelque chose quil ne matrise pas, que cest une maladie.
Enfin bon je parle de lanorexie. En plus elles sont hyper-culpabilises, cest de
leur faute si tout va mal. Il suffit de manger . Cest facile ! Donc on les accuse
tout le temps dtre responsable de tout lucider, donc elles sont dans la
culpabilit permanente donc elles ne voient pas quelles ont dautres choix. Et
donc cest nous de les aider se dgager de a et les encourager sur leurs
qualits, sur leurs capacits, voir quil y a dautres chemins. Aprs elles ont le
choix de les prendre ou de ne pas les prendre. Au moins de leur montrer quelles
ont dautres faons dtre que dans lanorexie. Dans ce sens l projet de soins.
Aprs une fois que dans le projet de soins ont leur montr le chemin l elles
peuvent faire un projet de vie en sachant quelles ont un choix.
Donc elles subissent moins leur projet de vie que leur projet de soins.
Entretien 3
Entretien auprs dun ergothrapeute ayant pris en charge des
patientes dune unit de nutrition.
Cest vrai que ctait apaisant, pour moi a devait tre apaisant. Ca devait tre
structurant. Accompagnant parce que cest un adjectif mais on est dans
laccompagnement vraiment et on est dans quest-ce que je pourrais dire... on
est dans le non-jugement, ce nest pas un adjectif, mais voil, cest aussi amener
un climat de confiance. Pour moi ctait tout a quil y avait autour des
anorexiques. Tout en sachant le travail que moi que je pouvais amorcer ntait
pas forcment repris aprs par la suite, quand elles sortaient. Et on navait pas
forcment une suite. Ca fait une prise en charge un peu morcele mais voil
ctait comme a en Bretagne.
4/ Y a-t-il une particularit travailler avec les adolescents ?
Alors jai toujours t confronte aux adolescents alors l je ne vais pas pouvoir
vous rpondre. Les problmatiques sont toujours un peu autour des mmes
choses. Il se passe toujours quelque chose sur le plan familial, a cest certain,
qui nest pas forcment de lordre du dit ou du non dit. On sent quil y a des
problmatiques intrafamiliales qui font quon en est arriv a. Ceci dit il ne faut
pas non plus jeter la pierre compltement la famille. Ca cest sur un mal tre.
Mais est-ce que cest un problme dadolescent, est-ce que cest un problme
danorexique ? Une non-reconnaissance de soi ca cest sr, enfin une recherche
de soi. Est-ce que cest li ladolescence, je ne sais pas. Pour moi je ne peux
pas vous dire parce que je nai pas t confronte dautres tranches dge.
5/ Comment slabore le projet de soins du patient ?
Dans la mesure o ctait un peu empirique o on mettait en place avec ma
collgue kinsithrapeute des activits qui taient un peu particulires, le
mdecin nous faisait une prescription ergo-kin. En gros mme si ce nest pas
dactualit encore, on faisait notre propre diagnostic quelque part, en tant que
kin, il faut mettre en place le projet du patient. Ce ntait pas un projet en soi
en rducation. Ctait toujours pareil. On nest pas dans un contexte de prise en
charge radaptative ou rducative, ou ducatif. On est dans un projet de passer
lurgence vitale. Donc on est dans le cadre dune hospitalisation o cest le vital
quil faut grer. Donc le projet de soins du patient cest avant tout le vital
grer. Et secondairement ctaient les activits quon pouvait faire avec la kin
de reprise du corps, la kin travaillait beaucoup sur se rapproprier son corps,
retrouver du plaisir. Ctaient les notions de massage, toute cette notion autour
relation du corps et notamment sur tout ce qui tait esthtique, peinture sur le
corps, sur le visage. Pour se rapproprier les choses. Je travaillais aussi avec eux
sur la notion des masques. Qui est aussi une image du corps mais diffrente. Il
sest pass des choses trs intressantes autour du maquillage, autour de tout
a. Mais a t vraiment trs ponctuel. Donc a ctait les activits quon faisait
deux (pas les masques), comme ctait une notion de groupe, pour quon puisse
canaliser un peu ce qui se passait lintrieur du groupe. Pour certains ctait
terrible de se maquiller et pour dautres ca rvlait des choses. La beaut, le ct
beau/laid, le miroir, ctait pris en photo Accepter le regard de lautre, accepter
que ce soit lautre qui dessine sur son visage ou qui peint, laisser lautre faire
quelque sur son visage, cest ce quon leur demandait. Il y avait tout a qui
rentrait dans ce groupe l donc on tait deux.
Entretien 4
Entretien auprs dAmlie, 20 ans, ancienne anorexique.
danorexie, moi jallais au mdecin toutes les semaines, javais des prises de
sang toutes les semaines, une psy deux fois par semaine, une nutritionniste une
fois tous les quinze jours et jallais chez le psychologue une fois par mois. Tu as
des objectifs avec le mdecin. Je fais du cheval, ce qui est devenu mon mtier
aujourdhui vu que je suis professionnelle, mais ce moment l par exemple, je
devais atteindre tel poids pour pouvoir remonter cheval. Parce que quand jai
t accepte la clinique de G, je navais plus le droit de monter cheval et je
nai plus eu le droit jusqu la fin de mon bilan de comptence six mois aprs. On
mavait dis si tu dpasses 42 kg, tu as le droit de monter cheval . Cest
beaucoup objectif objectif pour pousser en fait. Je te dirais que a ne marche
pas. Moi jtais pure anorexique, je ne me suis jamais fait vomir. Il y a plusieurs
formes danorexie mais moi je ne me suis jamais fait vomir. Cest juste
normment un blocage mental, parce que je pouvais manger On est tellement
suivi mme par rapport la ditticienne : on doit noter ce quon mangeait. Ma
premire psy je devais tout noter aussi. On est bourr bloc matin, midi, soir,
goter, avec le matin des crpes, des brioches, tout ce qui est sucr. Le midi, il
faut tout peser : lalimentation, les fculents, la viande, tout est pes. Le pire
cest le soir. Le goter, cest la mme chose que le petit djeuner le matin :
brioche, crpe, fromage blanc, des trucs comme a. Et le soir, tout est pes. En
plus de a tu prenais deux, trois desserts, plus les complments alimentaires,
des briquettes achetes en pharmacie en fait, prescrites par le mdecin. Donc ce
qui ressort de a, sur lalimentation : tu ne pouvais pas mentir. Mais comme cest
un blocage mental, je pouvais manger. Au dbut, quand, jai perdu 20 kg en six
mois sur ma priode, l je ne mangeais quasiment plus. Quand jai repris
manger par contre je ne prenais plus. Lexemple type : jtais en concours quatre
jours, jallais cinq fois la crperie avec ma mre, on mangeait exactement la
mme chose. Elle pouvait prendre 2 kg, moi jen perdais 500. Alors quon avait la
mme alimentation. Il ny avait pas de problme, cest le corps qui refuse. Je
suis descendue 37 kg et je fais 1m69. Et jusquau moment o 37kg on ne
peut plus se regarder par contre. Ca fait trop peur. On est trop maigre, cest
trop, cest trop tout quoi.
2/
Savais-tu
ce
que
tu
voulais
faire
plus
tard
en
entrant
en
hospitalisation ?
Quest-ce que je voulais faire aprs ? Quand je suis tombe malade, surtout ma
deuxime anne, je suis rentre en seconde ce moment l. Jtais dj trs
trs maigre. Ca faisait dj un an que jtais anorexique, je tournais autour de
40 kg. Je navais plus le droit de monter cheval. Je me suis rfugie dans les
tudes. Toujours en tte de classe, seconde gnrale, avoir 18 de moyenne
gnrale. Ca a continu comme a tout le temps, jusqu ma terminale S. Et
mme a a toujours continu comme a. Si tu veux, quand on nest pas bien et
quon na pas le droit de faire autre chose, il faut quon se rfugie, dans un autre
truc que le cheval entre guillemets, du coup moi ca a t les cours. Par contre
dans les sentiments avant dentrer G, je le savais que jallais rentrer avant,
parce que mon mdecin mavait dit : le lendemain de tes championnats de
France de chevaux, si tu fais moins de 40kg, tu vas directement l bas . Cest
ce qui sest pass. Je suis rentre dimanche soir, lundi midi chez le mdecin,
mardi matin 8h hospitalise. Aprs le sentiment G a ne ma rien apport,
part davoir peur des autres, de ne jamais sortir de chez moi et de rien envie du
tout. Un peu le stress. On pouvait te dire il faut sortir, il faut aller voir les
gens , tu ne peux pas ! Tu descends en bas, tu as trop peur ! Javais 16 ans et
puis cest vrai quon se met un peu dans notre bulle. Les ttes danorexiques, on
a peur du regard des gens, on ne saccepte plus du coup on se met dans notre
bulle. Donc l, a ne ma rien apport, part perdre du poids. Je suis ressortie
de l jtais encore plus maigre donc ca ne ma rien chang. Par contre, lautre
a ma apport beaucoup. Jtais en seconde gnrale, pareil. Et le fait de se
retrouver avec des personnes comme nous, dans le physique et tout, je me suis
rendue compte que je ne pouvais pas rester dans cette situation l. Cest--dire
voir les gens accrochs leur lit quand ils ne mangeaient pas, quand ils navaient
pas de force. Moi me voir oblige de rester des journes au lit parce que je
navais que 6 et demi, 7 de tension le matin. Ca, a ma boost par contre. Et je
suis sortie de l, jai pris du poids direct. De voir les autres. De se rendre
compte. Davoir limage de soi travers les autres. Cest a surtout. Et comme
on est tous dans le mme cas, on se soutient un peu les uns les autres, on fait
des choses, on se rend compte quon est quand mme intressants, quon peut
parler. Quand je suis sortie de l, les mdecins ont dit : elle na aucun
problme, elle mange comme les autres, elle va trs bien , ils avaient dit mes
8/ Est-ce que tu prenais plaisir dans les activits que tu faisais ? Dans
toutes ?
Si je me rappelle, oui. Oui.
9/ Quels souvenirs en gardes-tu ?
Avec les autres. Je pense que le plus gros cest dapprendre reconnaitre la
maladie, se rendre compte que cest mental, que cest important quand on est
comme a, ce point l, de se retrouver plusieurs. Pour sentreaider les uns et
les autres et pour souvrir les yeux. Et justement dans les activits a nous rend
compte quon nest pas inutile. On peut faire des choses. Ce nest pas parce
quon na plus du tout de force, quon a du mal a tenir vraiment debout quon est
vraiment exclues de la socit.
10/ Est-ce quil ta manqu quelque chose dans ta prise en charge pour
que ce soit plus efficace, agrable ?
Non je ne pense pas. A N pas du tout. A G tout. A G dans le sens o je ne
faisais rien, je ne faisais strictement rien
A G jtais tout le temps dans ma chambre, sur mon lit pleurer parce que je
ne pouvais pas sortir, je navais plus de tlphone, je navais plus rien. Aprs je
sais qu G je suis arrive dans une priode creuse, o jtais la seule
anorexique ou mme boulimique. Enfin il ny avait aucun autre trouble
alimentaire. Jtais la seule anorexique du coup le mdecin tait en vacances.
Entretien 5
Entretien auprs de Julie, 21 ans, boulimique.
Savais-tu
ce
que
tu
voulais
faire
plus
tard
en
entrant
en
hospitalisation ?
En fait, oui avant de rentrer je savais dj que je voulais faire les concours Que
javais des objectifs dans nimporte quel domaine ? En fait je suis rentre dans
une cole ingnieur paysagiste B. Et il me semble, je ne sais plus, que jai
repass le concours que javais plant lanne prcdente et que javais rat de
peu donc cest aussi partir de l que jai Enfin je pense que cest aussi un
dclencheur parce que je ntais pas trs bien. Donc prs mon hospitalisation jai
retent les concours et je me suis inscrite dans une autre cole. Je voulais soit
lune soit lautre. Au final jai t prise dans une. Enfin bref donc je comptais
continuer les tudes en septembre. Ctait en architecture et celle o je suis
vraiment entrer cest ingnieur paysagiste. Donc cest la conception des espaces
publics.
3/ Lhospitalisation a-t-elle chang quelque chose dans ta vie et dans
tes projets ?
Dans mes projets ? Non enfin pas dans mes projets mais cest sur que ca ma
permis de me reposer surtout, parce que jen pouvais plus. Ctait surtout de la
fatigue et quand je suis ressortie javais plus le courage rien que daller voir mes
copines, avant je ne lavais pas. Oui pendant une priode, on va dire de deux
mois je navais pas envie de sortir, jtais toujours chez moi dans ma chambre.
Ca ma permis de me reposer en fait, et pas de travailler sur des points qui me
gnaient avec la psychologue, et le psychiatre. Et aussi, surtout, davoir un
quilibre forcment par rapport au repas mme si jtais encre trs frustre au
niveau lalimentation. Surtout quils ne traitaient pas forcment Enfin moi je
fais plutt des crises de boulimie mais je ne me faisais pas vomir, je faisais
beaucoup de sport la place. Ils bloquaient les toilettes aprs le repas. Ce ntait
pas forcment adapt mais ce quils disaient cest queux, ils ne traitent pas
vraiment la maladie. Enfin ils ne traitaient pas la boulimie mais vraiment la
dpression. Donc des fois jtais trs nerve par rapport a. Et par rapport
aux repas, ils me cadraient parce que bon, on navait que trois repas et je
mangeais plein de pain. Mais jai limpression que je pensais tout le temps la
bouffe, encore plus l bas je crois. Je ne sais pas trop
Sinon ca a permis de faire une coupure aussi. Parce que javais des projets par
rapport aux tudes et il y avait des concours, pendant un mois ils mont dit non
tas pas le droit de prendre des cahiers donc je navais rien faire part me
reposer. Ca ma permis aussi un peu de lcher prise. Au dbut a me convenait
trs bien et puis au bout de Je ne sais pas combien de temps exactement, je
suis reste quatre semaines. Au bout de vingt jours, je commenais vraiment
en avoir marre. Enfin les vingt premiers jours taient bnfiques et aprs les
derniers temps je commenais en avoir marre. Je voulais vraiment sortir. Et
puis en fait aprs cette demande quils ont commenc faire les dmarches dans
ce sens. Ca ne se fait pas automatiquement parce quen fait Ils mavaient dit
avant de rentrer que ctait un mois, trois semaines. Moi je me dis ctait trois
semaines. En fait sest au bout de trois semaines que jai vu quils ne me
faisaient pas sortir. Et puis je me sentais quand mme un peu mieux. Donc jai
demand, et cest partir de l quils mont fait sortir en fait. Enfin a a pris une
semaine ou dix jours de plus. Je ne sais pas. Enfin bon. Cest vrai que cest loin.
Enfin ca me parait. Jessaie de ne pas y penser ces moments l en fait. Donc je
ne suis pas forcment trs clair l-dessus.
4/ Penses-tu que lhospitalisation ta aid ? En quoi ?
Oui ca ma fait Oui, oui a ma aid dj pour me donner un peu dnergie et
puis surtout jai quand mme beaucoup parl ce moment l. Parce quavant
jallais rgulirement voir un psychiatre et il soccupait de moi que sur un plan
surtout mdicaments enfin il grait vraiment comme ctait le dbut de la prise
en charge sur la dpression. Il soccupait que je sois stabilise, que mon humeur
soit stabilis et aprs il ma dit on travaillera plus pour parler , donc jai
commenc vraiment pendant mon hospitalisation. L jai commenc un peu
voir plus clair comprendre un peu pourquoi ca avait enfin pourquoi comment
dire clat quoi.
5/ As-tu eu des sances dergothrapie ? Sur demande du mdecin ou
ta demande personnelle ?
Oui. Alors l tout le monde y allait. Ctait obligatoire en fait. Donc on tait
quinze jeunes environ. Sur une semaine on devait y aller peut-tre trois ou
quatre fois. Du coup on y allait tous ensemble et puis il y avait une
ergothrapeute avec nous. Cest sr que moi jaime beaucoup les activits, dans
ces moments l je naimais pas rester sans rien faire, donc moi ca maidait. Que
ce soit comme les exercices avec la psychomotricienne, on faisait des exercices
de relaxation. Ou lergothrapie, ca faisait du bien. Et elle nous proposait de
activits manuelles, ou dessiner, un peu comme on voulait, on pouvait faire ce
quon voulait. Elle nous proposait un truc de base et puis aprs on faisait ce
quon voulait.
A chaque fois quon venait, elle nous disait on va faire par exemple . Questce que javais fait, je ne sais plus. Enfin elle nous proposait, on faisait nos
sances chaque fois sur quatre heures. Et puis si on navait pas envie de faire
a, elle nous donnait autre chose faire. Franchement je ne saurais pas
expliquer plus. Parfois ca me paraissait Jaimais bien y aller et je me dis que
pour les jours o jtais fatigue parce que cest vrai que par rapport aux
mdicaments quon me donnait, des fois, je trouvais les sances trop longues en
fait. Mais je sais que a me faisait du bien mais Je ne sais pas exactement.
Enfin nous on a fait du dessin, quelques fois elle a propos la pte sel. Ca
restait des trucs simples. Des activits manuelles.
8/ Est-ce que tu prenais plaisir dans les activits que tu faisais ? Dans
toutes ?
Oui, ca me plaisait. Aprs si elle proposait quelque chose vraiment que je navais
pas envie de faire, ctait la pte sel je crois, je mtais mis peindre. Mais bon
a me plaisait toujours.
plus
de
mdicaments
parce
que
jai
fait
une
rechute
aprs
lhospitalisation. Je ne suis plus trop all voir le psychiatre qui me suivait, parce
que je suis partie B, je me sentais beaucoup mieux donc videmment, jai
arrt de prendre le traitement. Jai fait une rechute donc jai du reprendre un
traitement, et a cest arrt que y a deux mois. Mme pas, un mois je crois.
Donc du coup je pense que maintenant jen ai fini avec a mais encore hier jai
mang jusqu ne plus en pouvoir. Je ne savais pas trop expliquer pourquoi,
javais une angoisse et jai mang. Maintenant jai limpression que cest
automatique. Le truc cest quavant quand je faisais a, aprs je nen sortais plus
dans ma tte jusquau lendemain, je ne me disais pas autre chose jai mang,
jai mang . Maintenant jai tellement lhabitude que a me passe un peu plus
au dessus. Je continue faire mes activits mais jy pense quand mme tout le
temps. Je ne suis pas forcment bien dans ma peau. Je suis toujours en train de
me dire il faut que je fasse un rgime, il faut que je fasse un rgime tout le
temps. Et plus je me dis a et plus a va me faire manger. Au final je nai jamais
trouv le soignant pour maider sur a. Voil.
Rsum
Lanorexie et la boulimie sont des pathologies part entire, qui
touchent 3% de la population des pays industrialiss, principalement
des jeunes filles.
Les troubles du comportement alimentaire conduisent ces adolescentes
renier leur besoin le plus vital : celui de manger. Ils les mnent aussi
refouler leur plaisir.
Pour sortir ces jeunes filles de leur maladie, une hospitalisation est
parfois indispensable. Mais sont-elles alors rellement conscientes des
enjeux ?
Dans
ce
contexte,
nous
nous
interrogerons
sur
le
rle
de
Mots-cls
Anorexie
Ergothrapie
Boulimie
Besoins
Plaisir
Accompagnement