Saint Augustin - Discours Sur Les Psaumes - Ps 45 La Prédication Des Apôtres
Saint Augustin - Discours Sur Les Psaumes - Ps 45 La Prédication Des Apôtres
Saint Augustin - Discours Sur Les Psaumes - Ps 45 La Prédication Des Apôtres
qui croiront 3 . Or, on lappelle fin, non parce quil dtruit, mais parce quil
perfectionne. En effet, nous disons dun pain quil est fini quand il est mang;
dune robe que lon tissait, quelle est finie. Dans le premier cas il y a
destruction, dans le second achvement. Mais comme en allant au Christ nous ne
pouvons nous lever davantage, il est appel la fin de notre course. Nallons pas
croire quune fois arrivs lui il nous reste encore faire de nouveaux efforts
pour aller au Pre. Ainsi le pensait Philippe, qui lui disait : Seigneur, montreznous le Pre et cela nous suffit . En disant: Cela
1. Ps. XLV, 1. 2. Matt. XXVII, 51. 3. Rom. X, 4.
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nous suffit , il cherchait une fin qui complte, qui perfectionne. Mais Jsus lui
rpond: Philippe, voil si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me
connaissez pas encore? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Pre . En lui
donc nous avons le Pre, parce quil est dans le Pre, et que le Pre est en lui, et
que le Pre et lui sont un 2.
2. Quel est donc lavertissement que nous donne le Prophte dans ce cantique o
nous devons reconnatre notre voix, si toutefois nous entrons dans les sentiments
quil expime? ce Dieu est notre refuge et notre force 3 . Certains asiles sont
quelquefois peu srs, et sy abriter cest sexposer plutt que se prserver. Ainsi,
par exemple, tu as recours un homme lev dans le monde pour ten faire un
ami puissant; tu vois un refuge prs de lui. Et telle est nanmoins linconstance
des choses de la terre, et chaque jour on voit tomber tant dhommes puissants,
quaprs avoir choisi un tel asile, cest alors redoublent tes craintes. Auparavant
tu ne craignais que pour toi, mais depuis que cet homme est ton appui, tu crains
aussi pour lui. Plusieurs, en effet, qui avaient eu recours de les protections, ont
t recherchs la chute de leurs protecteurs; et nul ne les et inquits, sils
neussent recherch ces appuis. Pour nous, tel nest point notre appui, mais notre
appui est la force mme. Nous y rfugier, cest y trouver la sret.
3. Il est notre secours dans les afflictions sans nombre qui nous visitent 4 .
Les afflictions sont nombreuses, et dans toute affliction nanmoins il nous faut
recourir Dieu:
nous soyons affligs soit dans nos biens, dans notre sant, soit dans le danger
que courent nos mes, soit dans toute autre chose ncessaire cette vie, le
chrtien ne doit recourir qu Dieu seul ; et sil y recourt, il deviendra fort. Ce
nest point par lui-mme quil sera fort, il ne sera pas son propre appui; mais il
trouvera la force en celui qui lui aura donn asile. Cependant, mes chers frres,
de toutes les afflictions de lme humaine, il nen est pas de plus douloureuse
que la conscience de nos pchs; car sil ny a aucune blessure, et si cet intrieur
de lhomme appel conscience est compltement sain, do que lui vienne la
peine, il se rfugie dans cet intrieur et y trouve Dieu. Mais si de
1. Jean, XIV, 8, 9. 2. Id. X, 30. 3. Ps. XLV, 2. 4. Id. 3
nombreuses fautes ont banni le repos de cette conscience, et que Dieu ny soit
pas, que fera lhomme ? o trouvera-t-il un abri contre les peines? Quil fuie de
aucunement averti, considre ses oeuvres et se mette prier Dieu, que dit-il?
Jai trouv laffliction et jai invoqu le nom de mon Dieu 1 . Il y a donc une
affliction que vous trouvez vous-mme, et une affliction qui vient vous trouver.
Mais pour carter celle que nous trouvons, ou celle qui vient nous trouver, il
nous faut recourir Celui qui est notre refuge dans les afflictions. Aussi David
ayant rencontr laffliction, scriait : Et jai invoqu le nom du Seigneur ; et
ceux que laffliction est venue trouver disaient encore: Dieu est notre refuge et
notre force, il est notre soutien dans les tribulations qui ce sont venues nous
accabler . Mais, puisque Dieu est devenu protecteur, o a-t-il fait voir sa
protection? Touchs de componction , est-il crit, ils dirent dans leur coeur:
Que ferons-nous 2? Ils sont pris comme dun grand dsespoir. Sil est si grand
celui que nous avons mis mort, que deviendrons-nous? Et Pierre: Faites
pnitence, que chacun de vous soit baptis au nom du Christ, et vos pchs vous
seront remis 3 . Car ils nont rien pu trouver de plus grave que ce pch. Quoi
de plus horrible pour un
1. Ps. CXIV, 3. 2. Act. II, 37. 3. Id. 38.
malade que de tuer son mdecin? Oui, quel plus funeste emportement pour le
malade que dter la vie au mdecin? Quand on pardonne un tel crime, que ne
peut-on point pardonner? Ils reurent donc une grande assurance de la part de
celui qui est appel notre refuge et notre force. Que chacun de vous soit
baptis au nom de Jsus ; cest au nom de celui que vous avez mis mort quil
vous faut tre baptiss, et vos pchs vous seront pardonns . Vous navez
connu votre Mdecin quaprs, buvez sans crainte le sang que vous avez
rpandu.
5. Enfin, aprs une telle assurance, quel est leur langage ? Aussi bien, seronsnous sans crainte dans les troubles de la terre 1? . Nagure ils taient dans
linquitude, les voil tout coup dans la scurit; dun trouble excessif ils
passent au plus grand calme. Pour eux le Christ dormait, et ils taient dans le
trouble; le Christ sveille, et, comme nous lavons entendu tout lheure dans
lEvangile, il commande aux temptes et les temptes sapaisent 2 . Comme le
Christ est dans le coeur de chacun de nous parla foi, cette figure nous montre
que tout homme dont le coeur perd la foi est troubl par les ouragans du sicle; il
est troubl comme si le Christ dormait; mais que le Christ sveille, et le calme
se rtablit. Que dit donc enfin le Seigneur? Eh ! o est votre foi 3? Le Christ
sveille et rveille votre foi, afin que le calme du navire devienne aussi le raine
de vos coeurs. Vous tes notre soutien dans ce les afflictions qui sont venues
fondre sur ce nous . Voil ce quil fit pour tablir la paix.
6. Voyez quel fut ce calme. Aussi naurons-nous aucune crainte, quand la terre
serait branle et que les montagnes seraient transportes au milieu de la mer.
Alors mme nous ne craindrons rien. Cherchons ces montagnes transportes, et
si nous pouvons les trouver, il est clair que cest en cela que sera notre scurit.
Car le Seigneur a dit ses disciples: Si vous aviez de la foi comme un grain de
snev, vous diriez cette montagne : Ote-toi et jette-toi dans la mer, et il en
7. Quest-il arriv aprs que les montagnes ont t transfres au sein des mers?
Ecoutez et voyez la vrit. Quand ces choses taient annonces, elles taient
obscures, puisquelles ntaient pas encore accomplies; maintenant quelles sont
accomplies, qui ne les reconnatra? Que lEcriture te serve de livre pour les
comprendre; que toute la terre te serve de livre pour en voir laccomplissement.
Ceux-l seuls peuvent lire dans les livres qui connaissent les lettres; mais dans le
livre du monde entier un idiot peut lire. Quest-il donc arriv quand les
montagnes ont t transfres du sein des mers? Leurs flots ont mugi, ils ce se
sont troubls, quand on prchait lEvangile, ils ont dit : Quelle est cette
parole? Il ce semble que cet homme nou annonce dautres dieux 1. Ainsi
disaient les Athniens. Mais quel tumulte ne soulevrent pas les Ephsiens, qui
voulurent tuer les Aptres, et poussrent dans le thtre ces grands cris: Vive la
grande Diane dEphse 2 , Or, au milieu de ces flots et de ces temptes de la
mer, ils ne craignaient pas, ceux qui avaient pris Dieu pour soutien. Enfin
laptre saint Paul voulait entrer dans le thtre, et il en fut empch par les
disciples, car il fallait quil demeurt dans sa chair cause deux 3. Et toutefois
ce les eaux de la mer se soulevrent ce avec fracas; les montagnes furent
branles ce par sa force as. De qui cette force? Est-ce de la mer, ou plutt de
Dieu dont il est dit: Vous tes notre refuge, notre force, notre ce soutien dans
les tribulations sans nombre qui nous ont assaillis 4? Les montagnes, ou les
puissances du sicle, ont t troubles. Il y a en effet les montagnes de Dieu et
les montagnes du sicle; les montagnes du sicle,
1. Act. XVII, 18. 2. Id. XIX, 28. 3. Phil. I, 24. 4. Ps. XLV, 2.
qui ont le diable pour chef, et les montagnes de Dieu dont le chef est le Christ.
Mais de ces montagnes, les unes ont t branles par les autres. Cest alors
quelles ont lev leurs voix et leurs cris contre les chrtiens quand montaient
leurs flots en courroux. Oui, ces montagnes furent branles, et il se fit un grand
bruit sur la terre et sur les flots. Mais contre qui toutes ces clameurs? Contre
cette ville btie sur la pierre 1. Les eaux mugissent, les montagnes se troublent
la prdication de lEvangile. Que deviens-tu, cit de Dieu? Ecoutez ce qui suit.
8. Les bonds du fleuve portent la joie ce dans la cit de Dieu 2 . Lorsque les
montagnes sont branles, et que la mer slve en courroux, Dieu tmoigne par
limptuosit du fleuve quil nabandonne point sa cit. Quappelle-t-on les
bonds du fleuve? Cette inondation du Saint-Esprit dont le Seigneur a dit : Si
quelquun a soif, quil vienne et ce quil boive; qui croit en moi, des fleuves ce
deau vive couleront de son sein 3 . Ces fleuves coulaient donc du sein de
Pierre, de Paul, de Jean, des autres aptres, des autres vanglistes fidles. Et
comme ces fleuves coulaient dun seul fleuve, les lans multiplis du fleuve
portent la joie dans la cit ce de Dieu . Et pour vous faire mieux comprendre
que cela est dit du Saint-Esprit, voici ce quajoute lvangliste, au mme
endroit : Il disait cela du Saint-Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient
en lui. Car ce lEsprit-Saint ntait pas encore envoy, ce puisque Jsus ntait
pas encore glorifi 4 . Or, aprs que Jsus eut manifest sa gloire par sa
11. Le Dieu des vertus est avec nous, le Dieu de Jacob est notre appui 2. Ce
nest point un homme quelconque, ni une puissance quelconque, ni mme un
ange, ni aucune crature, soit terrestre, soit cleste, mais le Seigneur des vertus
qui est avec nous, cest le Dieu de Jacob qui est notre appui . Celui qui a
envoy les anges, est venu aprs les anges, il est venu pour tre servi par les
anges, il est venu afin dlever les hommes la hauteur des anges. Incomparable
faveur! Si Dieu est pour nous, qui ce sera contre nous? Le Dieu des armes est
ce avec nous .Quel est ce Dieu des armes qui est avec nous? ce Si Dieu est
pour nous as, dit lAptre, qui sera contre nous? lui qui na pas pargn son
propre Fils, qui la livr la mort pour nous, comment ne nous donnerait-il point
toutes choses avec lui 3? Soyons donc en assurance, et dans la paix du coeur
nourrissons du pain de Dieu une conscience pure. Le Seigneur des armes est
avec nous, le Dieu de Jacob est notre appui . Quelle que soit ta faiblesse, vois
quel est ton appui. Un homme tombe malade, on appelle un mdecin: le mdecin
dit quil prend le malade sous sa garantie. Qui donc
1. Juges, VI, 37, 38. 2. Ps. XLV, 8. 3. Rom. VIII, 31, 32.
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est lappui du malade? le mdecin. Grand espoir de salut, puisque cest un
clbre mdecin qui la entrepris. Quel est notre mdecin? Tout autre mdecin
nest quun homme auprs de lui: tout mdecin qui vient prs duni malade, peut
tre malade son tour, except Dieu. Cest le Dieu de Jacob qui nous prend
sous sa garde . Deviens tout fait comme lenfant que les parents
entreprennent dlever. Ceux quon nentreprend pas dlever, on les expose;
ceux quon entreprend dlever, on les nourrit. Or, penses-tu que Dieu se charge
de toi-mme, comme ta mre sest charge de ton enfance? Point du tout; il sen
charge pour lternit. Car cest toi qui as chant dans un autre psaume: Voil
que mon pre et ma ce mre mont abandonn, mais le Seigneur ce ma pris sous
sa garde 1. Cest le Dieu de ce Jacob qui nous sauvera .
12. Venez et voyez les oeuvres du Seigneur 2 . Depuis que le Seigneur a
voulu te sauver, qua-t-il fait? Jette les yeux sur lunivers entier; viens et
regarde. Si tu ne viens, tu ne vois pas; si tu ne vois, tu ne croiras pas; si tu ne
crois pas, tu es loign; si tu crois, tu viens; et si tu crois, tu vois. Comment
vient-on cette montagne sainte? Est-ce pied? est-ce avec des vaisseaux? ou
avec des ailes ? ou avec des chevaux? Que lloignement des lieux ne te cause ni
souci ni trouble, la montagne elle-mme vient vers toi. Cest elle qui tait une
petite pierre, qui a pris de laccroissement, qui est devenue cette grande
montagne remplissant toute la terre 3. Par quelles terres veux-tu aller celui qui
a rempli toute la terre? La voil qui vient, veille-toi, son accroissement veille
mme ceux qui dorment: si tant est que leur sommeil ne soit pas, si profond
quils demeurent insensibles cette montagne qui les frappe, et quils puissent
entendre : Debout, toi qui dors, sors dentre les morts et le Christ sera ta
lumire 4 . Ctait beaucoup pour les Juifs de voir la pierre. Car cette pierre
tait petite encore: la voyant si petite, ils la mprisrent; en la mprisant, ils sy
appelle guerres, les combats contre Dieu. Or, qui combat contre Dieu? limpit.
Que peut faire Dieu limpit? Rien. Que fait contre une pierre un vase de terre
dj fl, quel quen soit le choc? Plus le choc est violent, et plus complte est sa
ruine. Ces guerres taient grandes jadis, elles taient frquentes. Limpit livrait
bataille Dieu, et les vases de terre se brisaient, quand les hommes taient assez
prsomptueux pour compter sur leurs propres forces. Ils sarmaient fors de ce
bouclier dont parle Job propos le limpie : Il sest lanc contre Dieu, le cou
abrit de son bouclier 1 . Quest-ce dire: Le cou abrit de son bouclier?
Cest--dire, en se confiant trop la protection de cette armure. Ressemblaientils ces orgueilleux, ceux qui disaient : Le Seigneur est notre appui et notre
force, il nous soutient dans les tribulations excessives qui sont-venues fondre sur
nous 2 ; ou bien dans un autre psaume : Je ne mettrai point mon espoir dans
mon arc, et mon bras ne me sauvera point 3? Quand un homme reconnat quil
nest rien en lui-mme, quil ne peut rien attendre de lui-mme, ses armes sont
brises entre ses mains, la guerre est finie. Telles sont les guerres apaises par la
voix du Tout-Puissant, par cette voix sortie des nues, qui fit trembler la terre et
incliner les empires: ces guerres ont cess jusquaux extrmits du monde. Il a
bris larc, rompu les lances et jet au feu les boucliers 4 . Un arc, des lances,
des boucliers, du feu. Larc signifie les embches; les lances, lattaque ouverte;
le bouclier, la vaine prsomption dans ses forces; et le feu qui doit consumer tout
cela, est celui dont le Seigneur a dit : Je suis
1. Job, XV, 20. 2. Ps. XLV, 2, 3. Id, XLIII, 7. 4. Id. XLV, 10.
ce venu apporter le feu sur la terre 1 , et dont le Psalmiste a dit : Nul ne peut
se drober ses flammes 2 . Quand ce feu brlera en nous, il ne nous restera
plus aucune arme impie, il faut que toutes soient brises, soient rompues, soient
brles. Demeure donc sans armes et sans appui en toi-mme; et plus tu seras
faible, sans aucune dfense en toi, plus deviendra ton appui celui dont il est dit :
Cest le Dieu de Jacob qui veut nous sauver . Tu avais de la puissance en toimme, et voil le trouble chez toi. Loin de toi ces armes sur lesquelles tu
comptais ; coute cette parole du Seigneur: Ma grce te suffit. Dis ton tour:
Quand je suis faible, cest ce l que je suis fort . Ce mot est de lAptre. Il
avait perdu toutes les armes de sa force, lui qui disait: Pour moi, je nai point
me ce glorifier sinon dans ma faiblesse 3 ; comme sil disait : Je ne cours point
contre Dieu avec le cou abrit par mon bouclier: Moi qui ai dabord t un
blasphmateur, un perscuteur, un outrageux ennemi; mais qui ai ce reu
misricorde, afin que Jsus-Christ ce montrt en moi toute sa patience envers ce
ceux qui croiront en lui, pour la vie ternelle 4. En apaisant les guerres
jusquaux ce confins du monde . Or, quand le Seigneur entreprend de nous
sauver, nous laisse-t-il sans armes? Il nous donne des armes sans doute, mais
dautres armes, celles de lEvangile, de la vrit, de la continence, du salut, de
lesprance, de la foi, de la charit. Ces armes nous les aurons, mais pas de
nous-mmes. Les armes qui venaient de nous sont brles, si tant est que nous
ayons t embrass de ce feu du Saint-Esprit dont il est dit : Il jettera les