Les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2
Les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2
Les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2
RINPOCH
Y O G A S
TIBTAINS
DU
R V E
ET DU SOMMEIL
TRADUIT DE
TANCRDE
L ' A N G L A I S PAR
MONTMARTEL
REMERCIEMENTS
Je tiens remercier les personnes dont la contribution a permis la publication de
ce livre. En premier lieu, et tout particulirement, Mark Dahlby, mon lve et ami
intime, avec qui ce fut un grand plaisir de travailler. Nous avons pass de longues
heures discuter de sujets divers dans les cafs autour de Berkeley. Sans lui, ce
livre n'aurait pas t possible.
Aussi Steven D. Goodman, un collgue et ami, qui amliora le manuscrit par de
nombreuses bonnes suggestions ; Sue Ellis Dyer et Chris Baker, qui proposrent
des modifications rdactionnelles dans une version antrieure de l'ouvrage; Sue
Davis et Laura Shekerjian, qui lurent le texte et donnrent leur avis ; Christine Cox,
enfin, des Editions Snow Lion, qui apporta son grand savoir-faire d'ditrice exprimente au texte et en fit un bien meilleur livre.
Les illustrations des chakras des pages xx et xx furent cres par Monica R.
Ortega. Je veux aussi remercier tous ceux que je n'ai pas cits mais qui m'aidrent
de bien des faons.
Prface
Introduction
Recevoir les enseignements
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1-RVE ET RALIT
22
2-NAISSANCE DE L'EXPRIENCE
23
Ignorance
Actes et rsultats
Karma ngatif.
Karma positif.
Librer les motions
Pollutions de la conscience
Empreintes karmiques et rve
Les six mondes d'existence cyclique
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41
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3- LE CORPS D'NERGIE
Canaux et prana
Canaux (tsa)
Prana (loung)
45
45
47
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Prana karmique
48
49
Prana de sagesse
49
Activit pranique
50
Equilibrer le prana
Prana et esprit
Chakras
Cheval aveugle, cavalier clop
50
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Mtaphores didactiques
2e PARTIE: TYPES ET UTILISATIONS DES RVES
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68
69
71
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4- PRPARATION LA NUIT
Protection
5- PRATIQU PRINCIPALE
Dvelopper la flexibilit
4-DEUX NIVEAUX D PRATIQUE
e
81
85
86
89
91
92
93
93
93
Torpeur.
94
Relchement
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110
110
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7-LES OBSTACLES
Illusion
Relchement
Distraction endogne
Oubli
Les quatre obstacles selon Shardza Rinpoch
136
136
136
137
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9-PRATIQUES SIMPLES
L'esprit pendant l'tat de veille
Se prparer pour la nuit
143
143
145
10-INTGRATION
148
4e PARTIE : SOMMEIL
151
1- S'ENDORMIR ET DORMIR
152
154
Sommeil de l'ignorance
Sommeil samsarique
Sommeil de claire lumire
3- PRATIQUE DU SOMMEIL ET PRATIQUE DU RVE
5 e PARTIE : LA PRATIQUE DU YOGA DU SOMMEIL
1-LA DAKINI SALDJ DU DALMA
154
154
155
6ePARTIE: PRCISIONS
161
162
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3-PRATIQUE DU SOMMEIL
167
Endormissement
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173
6- OBSTACLES
175
7- PRATIQUES DE SOUTIEN
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178
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179
179
180
8-INTGRATIO N
182
Intgration de la claire lumire et des trois poisons .. .182
Intgration aux cycles du temps
185
Unification externe
185
Unification intrieure
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Unification secrte
189
190
192
193
1-CONTEXT E
194
2-ESPRIT ET RIGPA
195
Esprit conceptuel
Conscience non-duelle : rigpa
157
2-PRATIQUE PRLIMINAIRE
Evocation du Matre
Evocation de la dakini
Expression corporelle
Prire ....
Dissolution
Expansion et rtraction
9- CONTINUIT
195
196
198
199
200
201
204
Equilibre
206
Discrimination
206
6-MOI
208
211
DERNIERS MOTS
212
Glossaire
219
PREFACE
Ce livre est ddi Namkhai Norbou Rinpoch, qui inspira grandement ma vie, la fois dans mon enseignement et dans ma pratique personnelle.
D'aprs un dicton tibtain bien connu : "II faut prciser l'appartenance la ligne et exposer l'historique, pour ter les doutes sur
l'authenticit de l'enseignement et de la transmission." Je vais donc
commencer ce livre par une brve histoire de ma vie.
Je suis n peu aprs que mes parents eurent fui l'oppression chinoise au Tibet. Les conditions d'existence taient difficiles et mes
parents me placrent dans un pensionnat chrtien, esprant qu'on y
prendrait soin de moi. Mon pre tait un lama* bouddhiste, ma
mre une pratiquante bun*. Un peu plus tard, mon pre mourut.
Ma mre finit par se remarier avec un homme qui tait un lama
bun. Ma mre et lui dsiraient me voir vivre selon ma propre culture et, l'ge de dix ans, j'entrai au principal monastre bun
Dolanji, en Inde, o je fus ordonn moine.
Aprs avoir vcu au monastre pendant un certain temps, je fus
reconnu par Lopun (le Suprieur) Sangy Tnzin Rinpoch
comme tant la rincarnation de Khyoungtrul Rinpoch, un rudit
fameux, enseignant, crivain et matre de mditation. C'tait un
matre astrologue clbre. Il tait rput au Tibet occidental et dans
l'Inde du nord comme dompteur d'esprits sauvages. Il tait aussi
recherch de toutes parts pour ses capacits magiques de gurisseur.
L'un de ses bienfaiteurs tait un roi local de l'Himachal, en Inde du
Nord. Ce roi et son pouse, ne pouvant avoir d'enfants, prirent
Khyoungtrul Rinpoch de les gurir, ce qu'il fit. Le fils qu'ils eurent
et levrent est l'actuel Premier Ministre de l'Himachal Pradesh,
Virbhardur.
Lorsque j'eus treize ans, mon bon matre-racine, Lopun Sangy
Tnzin, un homme de grand savoir et de haute ralisation, se prpara donner l'un des enseignements les plus importants et les plus
sotriques de la religion bun, la Ligne de Grande Perfection
(Dzogchn*) de la Transmission Orale de Shang Shoung (Shang
Shung Nyn Gyud*). Mon beau-pre rendit visite Lopun
12
prface
13
intress au rve et la pratique du rve. Mon intrt n'est pas seulement thorique. Influenc ds l'enfance par les expriences oniriques de mes matres et de ma mre, et par l'usage que la tradition
bun fait des rves, j'ai fait confiance la sagesse de mes rves et
me suis intensivement exerc au yoga du rve durant ces dix dernires annes. Chaque soir, quand je me mets au lit, j'ai un sentiment de libert. Le travail de la journe est termin. Certaines nuits,
la pratique est couronne de succs, d'autres nuits, elle ne l'est pas,
et l'on peut s'attendre ce qu'il en soit ainsi tant qu'elle n'est pas
trs avance. Je m'endors nanmoins presque chaque nuit avec l'intention de pratiquer le yoga du rve. L'exprience personnelle que
j'ai de ce yoga, et les trois textes cits plus haut, fondent les enseignements de ce livre sur les yogas tibtains du rve et du sommeil.
Il fut labor partir d'exposs oraux que j'ai donns pendant
plusieurs annes en Californie et au Nouveau Mexique. Le ct
informel propre ces enseignements a t en grande partie
conserv. Les mots marqus d'un astrisque lors de leur premire
mention dans le texte figurent dans le glossaire en fin de volume.
Le yoga du rve est un support essentiel du dveloppement de ma
pratique personnelle. Ce fut vrai aussi pour de trs nombreux
matres et yogis* du Tibet. J'ai, par exemple, toujours t impressionn par l'histoire de Shardza Rinpoch, un grand matre tibtain
qui manifesta le corps de lumire (djalu*) - un signe de pleine ralisation - lorsqu'il mourut en 1934. Sa vie durant il eut de nombreux tudiants accomplis, crivit beaucoup de textes importants et
uvra pour le bien du pays dans lequel il vivait. On imagine difficilement comment il put tre aussi productif dans sa vie temporelle
et s'acquitter des multiples responsabilits et des grands projets
entrepris pour le bien d'autrui, tout en ralisant un tel accomplissement dans sa pratique spirituelle. Il a pu le faire parce qu'il n'tait
pas crivain pendant une partie de la journe, enseignant pendant
une autre partie, et pratiquant pendant les quelques heures qui restaient. Sa vie entire tait une pratique, qu'il mdite, crive,
enseigne ou dorme. Il crit que la pratique du rve fut d'importance
primordiale dans sa dmarche spirituelle et fit partie intgrante de
sa ralisation. Cela peut aussi tre vrai pour nous.
INTRODUCTION
Nous passons le tiers de notre vie dormir. Quoi que nous fassions, que nos activits soient vertueuses ou non, que nous soyons
saints ou meurtriers, moines ou libertins, chaque jour finit de mme.
Nous fermons les yeux et nous nous dissolvons dans l'obscurit.
Nous le faisons sans crainte, mme si tout ce que nous connaissons
comme "moi" disparat. Au bout d'une brve priode apparaissent
des images et, avec elles, rapparat notre sens de l'identit. Nous
existons de nouveau, dans le monde apparemment illimit du rve.
Nous prenons part chaque nuit ces trs profonds mystres, allant
d'une dimension d'exprience une autre, perdant notre identit et
la retrouvant, considrant mme que cela va de soi. Nous nous
rveillons au matin et reprenons la vie "relle", mais d'une certaine
faon nous dormons encore et continuons de rver. Les enseignements nous disent que nous pouvons rester jour et nuit dans cet tat
illusoire du rve, ou nous veiller la vrit.
Lorsque nous nous engageons dans les yogas du sommeil et du
rve, nous devenons membre d'une longue ligne. Depuis des
sicles, des hommes et des femmes ont accompli ces mmes pratiques, ont t confronts aux mmes doutes et aux mmes obstacles que nous, en ont tir les mmes bienfaits que nous. Beaucoup
de grands lamas et de yogis accomplis ont fait des yogas du sommeil et du rve leurs pratiques principales et ont, grce elles,
atteint la ralisation. Rflchir ce pass et se remmorer les tres
qui ont ddi leur vie aux enseignements - par lesquels nos anctres
spirituels nous transmettent les fruits de leur pratique - engendre
envers la tradition confiance et gratitude.
Certains matres tibtains pourraient trouver trange que j'enseigne ces yogas des Occidentaux qui n'ont pas effectu certaines
pratiques prliminaires ou n'ont pas certaines connaissances. Les
enseignements taient traditionnellement tenus secrets, en signe de
respect et pour viter qu'ils perdent leur force en tant mal compris
par des pratiquants non-prpars. Ils n'taient jamais exposs publiquement ni donns la lgre, mais taient rservs des personnes
qui s'taient prpares les recevoir.
Les pratiques ne sont pas moins efficaces et valables qu'elles le
furent jadis, mais les conditions du monde ont chang, de sorte que
je tente autre chose. En enseignant ouvertement et simplement ce
qui est efficace, j'espre que la tradition sera mieux prserve et
que davantage de personnes pourront en bnficier. Mais il est
important de respecter les enseignements, pour les protger et pour
favoriser notre propre pratique. Essayez de recevoir la transmission
directe de ces enseignements de la part d'un matre authentique. Il
est bon d'avoir une connaissance livresque de ces yogas, mais il est
meilleur d'en recevoir la transmission orale. Elle cre une
connexion plus forte avec la ligne. De plus, un matre expriment
peut identifier et aider carter les obstacles que l'on rencontre
facilement sur le chemin et qu'il est difficile de surmonter par soimme. Il s'agit l d'un point important ne pas oublier.
Notre existence humaine est prcieuse. Nous avons un corps et un
esprit intacts, dots de toutes leurs possibilits. Nous avons peuttre rencontr des matres et reu des enseignements et nous jouissons en cette vie de la libert de suivre la voie spirituelle. Nous
savons que la pratique est essentielle dans le cheminement spirituel,
de mme que notre aspiration aider autrui. Nous savons aussi que
la vie passe rapidement et que la mort est certaine. Pourtant, dans
notre vie besogneuse, nous avons du mal pratiquer autant que
nous le voudrions. Peut-tre mditons-nous une heure ou deux
chaque jour, mais cela laisse vingt-deux heures pour tre distraits et
ballotts par les vagues du samsara*. Cependant, il existe toujours
un temps de sommeil ; le tiers de notre vie pass dormir peut tre
consacr la pratique.
Un point essentiel de ce livre est de montrer que la pratique nous
permet de dvelopper une conscience plus grande de chaque instant
de notre vie. Si nous y parvenons, la libert et la flexibilit ne cessent d'augmenter et nous sommes moins sous l'emprise de nos proccupations et de nos distractions habituelles. Nous acqurons une
prsence stable et vivante qui nous permet de choisir plus habilement des rponses positives tout ce qui nous arrive, rponses qui
sont plus bnfiques pour autrui et pour notre propre dmarche
introduction
17
introduction
19
en est de mme avec les enseignements. C'est ainsi qu'il faut les
tudier : les couter ou les lire, y rflchir, en comprendre le sens,
et l'exprimenter directement.
Au Tibet, les peaux de cuir neuves sont exposes au soleil et frottes de beurre, pour les assouplir. Le pratiquant est comme la peau
neuve, dure et raide, avec des vues triques et une rigidit conceptuelle. L'enseignement (dharma*) est comme le beurre, il pntre
grce la friction de la pratique tandis que le soleil est comme l'exprience directe; lorsque les deux sont appliqus, le pratiquant
devient souple et docile. Mais on conserve aussi le beurre dans des
sacs de cuir. Quand on abandonne du beurre dans un sac pour plusieurs annes, le cuir du sac devient dur comme du bois et aucune
quantit de beurre frais ne peut plus l'assouplir. Quiconque passe
des annes tudier les enseignements, favorisant normment
l'intellect et trs peu l'exprience pratique, est comme le cuir durci.
Les enseignements peuvent assouplir la dure peau d'ignorance et de
conditionnements mais, lorsqu'ils sont stocks dans l'intellect,
qu'ils ne pntrent pas la personne par la pratique, qu'ils ne sont
pas rchauffs par l'exprience directe, alors la personne peut devenir rigide et dure dans sa conception intellectuelle. Les nouveaux
enseignements ne l'assoupliront pas, ne la pntreront pas et ne la
changeront pas. Nous devons tre attentifs ne pas stocker les
enseignements comme de simples connaissances intellectuelles, de
peur qu'elles obstruent l'accs la sagesse. Les enseignements ne
sont pas des ides collectionner, mais un chemin parcourir.
PREMIRE PARTIE
LA NATURE
DU RVE
1 - REVE ET
REALITE
2 - NAISSANCE DE L'EXPRIENCE
IGNORANCE
la nature du rve 25
tre appris. L'adhsion certaines valeurs rsulte de notre ignorance culturelle, tandis que la tendance accepter des opinions bornes vient de la dualit, qui manifeste notre ignorance inne.
Ce n'est pas mauvais. C'est simplement ainsi. Nos attachements
peuvent mener la guerre, mais ils se manifestent aussi sous forme
de technologies utiles et d'arts varis, qui sont un grand bienfait
pour le monde. Tant que nous sommes non-veills, nous sommes
dans la dualit, et c'est trs bien. Un proverbe tibtain dit : "Lorsque
tu as le corps d'un ne, rjouis-toi de la saveur de l'herbe."
Autrement dit, nous devons jouir de cette vie et l'apprcier, car elle
est pleine de sens et prcieuse par elle-mme, et parce que c'est la
vie que nous vivons.
Si nous n'y prenons pas garde, les enseignements peuvent servir
maintenir notre ignorance. On peut dire qu'il est mauvais pour quelqu'un d'obtenir un grade suprieur, ou erron d'observer des restrictions dittiques, mais la question n'est pas l du tout. Ou bien
l'on pourrait dire que l'ignorance est mauvaise, ou que la vie normale n'est qu'une stupidit samsarique. Mais l'ignorance est simplement un obscurcissement de la conscience. Y tre attach, ou la
repousser, est toujours encore le vieux jeu de la dualit, jou cette
fois dans le domaine de l'ignorance. Nous pouvons voir quel point
elle est envahissante. Mme les enseignements doivent composer
avec la dualit - en encourageant l'attachement la vertu, par
exemple, et l'aversion pour le non-vertueux - en faisant paradoxalement appel la dualit de l'ignorance pour triompher de l'ignorance.
Que notre comprhension doit devenir subtile, et comme nous pouvons nous perdre facilement ! Voil pourquoi il est ncessaire de pratiquer, pour avoir une exprience directe au lieu d'chafauder seulement un autre systme conceptuel perfectionner et dfendre.
Vues de haut, les choses ont tendance s'aplanir. Du point de vue de
la sagesse non-duelle, "important" et "drisoire" n'existent pas.
ACTES ET RSULTATS : KARMA ET EMPREINTES KARMIQUES
changer l'tat des choses. Mais la situation dans laquelle nous nous
trouvons n'est que la cause secondaire de notre souffrance. La
cause primaire est l'ignorance inne et le dsir qui en rsulte de voir
les choses tre diffrentes de ce qu'elles sont.
Nous pouvons dcider d'chapper aux tensions urbaines en
migrant vers l'ocan ou la montagne. Ou bien, nous pouvons quitter l'isolement et les difficults de la campagne pour l'excitation de
la ville. Le changement sera peut-tre agrable car les causes secondaires sont modifies et l'on pourra prouver du contentement.
Mais seulement pour peu de temps. La racine de notre mal-tre
emmnage avec nous dans notre nouveau foyer, o elle donnera
naissance de nouvelles insatisfactions. Nous serons bien vite pris
de nouveau dans un tourbillon d'espoir et de crainte.
Ou bien, nous pouvons penser qu'avec un peu plus d'argent, un
meilleur compagnon ou une meilleure compagne, ou avec un corps,
une ducation, un travail meilleurs, nous serions heureux. Mais
nous savons que c'est faux. Les riches ne sont pas dlivrs de la
souffrance, un nouveau compagnon nous mcontentera d'une
manire ou d'une autre, le corps vieillira, le nouveau travail deviendra moins intressant, et ainsi de suite. Lorsque nous pensons que
la solution notre malheur se trouve dans le monde extrieur, nos
dsirs ne peuvent qu'tre temporairement satisfaits. Ne le comprenant pas, nous sommes pousss et l par les vents du dsir, toujours agits et insatisfaits. Nous sommes dirigs par notre karma et
ne cessons de planter les graines d'une future rcolte karmique.
Non seulement cette faon de faire nous distrait du chemin spirituel, mais elle nous empche en outre de trouver la satisfaction et le
bonheur dans notre vie quotidienne.
Tant que nous sommes identifis avec le dsir et la rpulsion de
l'esprit en mouvement, nous produisons des motions ngatives:
elles naissent dans l'espace qui spare ce qui est de ce que nous
voulons. Les actes engendrs par ces motions - ce sont pratiquement tous les actes de notre vie ordinaire - laissent des empreintes
karmiques.
Karma* signifie action. Les empreintes karmiques* rsultent des
actions, restent dans la conscience mentale et influencent notre avenir.
Nous pouvons comprendre en partie ce qu'elles sont en les rapprochant de ce qu'on appelle en Occident les tendances inconscientes. Ce
la la nature du rve 27
sont des penchants, des schmas de comportement intrieur et extrieur, des ractions invtres, des manires de penser habituelles. Ces
tendances rgissent nos ractions motives aux vnements et notre
comprhension intellectuelle, de mme que les motions habituelles
qui nous caractrisent, et nos rigidits mentales. Elles crent, et conditionnent, chacune des rponses que nous donnons normalement chacun des lments de notre exprience.
Voici un exemple de traces karmiques grossires (mais la mme
dynamique est l'uvre aux niveaux les plus subtils et les plus profonds de notre exprience). Un garon grandit dans une famille o
l'on se querelle beaucoup. Trente ou quarante ans peut-tre aprs
avoir quitt la maison, marchant dans la rue, l'homme qu'il est devenu
entend des gens qui se disputent dans l'immeuble ct duquel il
passe. La nuit suivante, il rve qu'il se querelle avec sa femme ou sa
compagne. Au rveil, il se sent chagrin et renferm. Sa partenaire
remarque son humeur et y ragit, ce qui l'irrite encore davantage.
Cette succession d'vnements nous rvle quelque chose des
empreintes karmiques. L'homme, dans sa jeunesse, ragissait aux
altercations familiales par la peur, la colre et la peine. Il avait ces
conflits en horreur - une raction normale - et cette aversion a
laiss une empreinte dans son esprit. Des dcennies plus tard, passant ct d'une maison, il y entend une querelle; c'est la condition secondaire qui stimule la vieille empreinte karmique, laquelle
se manifeste par un rve.
Dans ce rve, l'homme ragit par la colre et le chagrin la provocation de sa partenaire. Cette rponse est commande par les
traces karmiques accumules dans sa conscience mentale d'enfant
et probablement souvent renforces depuis. Lorsqu'il rve qu'il est
provoqu par sa partenaire (qui n'est qu'une projection de son
esprit), il ragit par la rpulsion, exactement comme lorsqu'il tait
enfant. Cette raction onirique est une action nouvelle, cratrice
d une graine karmique nouvelle. Au rveil, il est plong dans des
motions ngatives qui sont le fruit de karmas antrieurs ; il se sent
bless et loign de sa femme. Pour compliquer encore les choses,
celle-ci ragit selon ses propres tendances karmiques habituelles,
peut-tre en s'emportant, en se sentant blesse, en s'excusant, ou en s
abaissant, ce qui entrane une nouvelle raction ngative de 1
homme, semant encore une autre graine karmique.
28
Si nous ragissons un vnement par une motion ngative, l'empreinte laisse dans l'esprit mrira un jour et donnera une connotation ngative une situation de la vie. Par exemple, si quelqu'un est
en colre contre nous et que nous ragissons nous-mme par la
la nature du rve
29
colre, nous crons une empreinte qui facilitera l'avenir les accs
de colre en nous ; de surcrot, nous serons plus exposs rencontrer
les situations secondaires qui dclencheront notre colre habituelle. Il
est facile de nous en rendre compte si nous sommes trs colreux ou
si nous connaissons quelqu'un qui l'est. Les gens colreux ne cessent
d'tre confronts des situations qui semblent justifier leur colre, ce
qui n'est pas le cas pour les gens pacifiques. Les situations secondaires peuvent sembler similaires, mais les tendances karmiques diffrentes crent des mondes subjectivement diffrents.
Une motion exprime impulsivement peut engendrer de puissants rsultats et de violentes ractions. La colre peut conduire
se battre ou quelque autre sorte de destruction. Il peut y avoir blessure physique ou psychique. Cela n'est pas vrai que pour la colre ;
l'expression de la peur peut aussi tre une forte agression pour la
personne qui la subit, peut lui aliner ses amis, et ainsi de suite. Il
n'est pas trop difficile de voir que tout ceci laisse des traces qui
influencent ngativement l'avenir.
Si nous supprimons l'motion, l'empreinte ngative n'en persiste
pas moins. Supprimer est une manifestation d'aversion. Nous supprimons lorsque nous rprimons quelque chose en nous, lorsque
nous mettons quelque chose derrire une porte que nous verrouillons et imposons une partie de notre exprience l'obscurit
dans laquelle elle attend, apparemment hostile, la cause secondaire
approprie qui la fera surgir. Cela peut se manifester de bien des
manires. Par exemple, si nous rprimons notre jalousie envers les
autres, elle peut un jour ou l'autre se manifester par une explosion
motive, ou se traduire par nos jugements svres envers des personnes dont nous sommes secrtement jaloux, mme si nous refusons de l'admettre. Le jugement est aussi une action, fonde sur la
rpulsion, qui cre des graines de karma ngatif.
KARMA POSITIF
La meilleure rponse l'motion ngative est de la laisser s'autolibrer, en restant soi-mme dans la conscience non-duelle, libre de
saisie et de rejet. Si nous y parvenons, l'motion passe comme l'oiseau traverse le ciel; il ne reste aucune trace de son passage.
L'motion surgit et, spontanment, elle se dissout dans la vacuit.
Dans ce cas, la semence karmique se manifeste (sous la forme
d'une motion, d'une sensation corporelle, ou d'une pulsion face
certains comportements) mais, en ne rpondant ni par la saisie ni
par le rejet, nous ne crons aucun germe de karma futur. Chaque
fois que nous laissons par exemple le dsir s'lever et disparatre
dans la vacuit sans tre emports par lui et sans essayer de le rprimer, la tendance karmique au dsir perd de sa force. Aucune action
nouvelle ne la renforce. Librer ainsi l'motion tranche le karma
sa racine. C'est comme si nous brlions les semences karmiques
avant qu'elles n'aient la possibilit de germer et de devenir assez
grandes pour perturber notre vie.
la nature du rve 31
Les empreintes karmiques restent en nous en tant que rsidus psychiques d'actes accomplis par dsir ou rpulsion. Ce sont des impurets stockes dans la conscience de base de la personne (kunshi
namsh*). Bien qu'on la compare un rservoir, kunshi namsh
dfinit en ralit la conscience pollue: quand la conscience ne
contient rien qui la pollue, kunshi namsh n'existe pas. Ce n'est ni
une chose, ni un lieu ; c'est la dynamique qui sous-tend l'organisation de l'exprience dualiste. Elle est aussi immatrielle qu'un
ensemble d'habitudes, et aussi puissante que les habitudes qui permettent au langage de faire sens, aux formes de devenir des objets,
l'existence de nous apparatre comme une chose intelligible que
nous pouvons diriger et comprendre.
La mtaphore ordinaire pour dsigner kunshi namsh est un
magasin ou un entrept, indestructible. On peut penser que kunshi
namsh abrite une collection de schmas ou de scnarios. C'est une
grammaire d'expriences qui est affecte plus ou moins fortement
par chacune de nos actions, extrieure ou intrieure, physique ou
mentale. Aussi longtemps qu'existent des tendances habituelles
dans l'esprit d'une personne, kunshi namsh existe. Lorsque l'on
meurt et que le corps se dgrade, il n'en va pas de mme pour kunshi namsh. Les empreintes karmiques persistent dans la
conscience mentale tant qu'elles ne sont pas vacues. Lorsqu'elles
sont entirement limines, kunshi namsh n'existe plus et la personne est un bouddha.
EMPREINTES KARMIQUES ET RVE
la nature du rve
33
Selon les enseignements, il existe six mondes (loka*) d'existence* dans lesquels vivent tous les tres pris dans l'illusion. Ce
sont les mondes des dieux, des demi-dieux, des humains, des
la nature du rve 35
36
Parfois, une dimension prdomine dans la personnalit des individus ; elle voque davantage l'animal, ou l'esprit avide, ou le dieu,
ou le demi-dieu. Elle apparat comme un trait dominant de caractre et peut se reconnatre la faon qu'ont ces personnes de parler,
de marcher, d'tre en relation. Nous pouvons connatre des gens qui
semblent toujours prisonniers du monde des esprits avides : jamais
rassasis, toujours affams de tout, ils exigent sans cesse davantage
de leurs amis, de leur environnement, de leur vie, sans jamais pouvoir tre satisfaits. Ou peut-tre connaissons-nous quelqu'un qui
ressemble un tre infernal : colreux, violent, furieux, agit. Plus
gnralement, les personnes prsentent des traits de caractre
appartenant toutes les dimensions de conscience.
Comme ces dimensions de conscience se manifestent par des
motions, leur universalit se rvle. Chaque culture, par exemple,
connat la jalousie. La manifestation de la jalousie peut varier, car
l'expression de l'motion est un moyen de communication, un langage gestuel, dtermin la fois par la biologie et par la culture qui
fournit la variable. Mais le sentiment de jalousie est le mme partout. Dans le bun/bouddhisme, cette dimension universelle est
explique par la ralit des mondes et lui est corrle.
Les six motions ngatives ne sont pas censes constituer la liste
exhaustive des motions. Dbattre de la place de la tristesse ou de
la peur dans les mondes ne sert rien. La peur peut survenir dans
n'importe lequel d'entre eux, de mme que la tristesse, la colre, la
jalousie, ou l'amour. Bien que les motions ngatives nous affectent, et affectent spcifiquement les six mondes, elles sont aussi les
mots-cls dont l'ensemble reprsente la globalit de l'exprience,
depuis l'motion individuelle jusqu'aux mondes rels. Et chacun de
ces mots-cls dfinit lui-mme d'immenses possibilits d'expriences, incluant de multiples motions.
On appelle chemins les six tendances de la conscience parce
qu'elles conduisent quelque part: elles nous emmnent l'endroit
de notre renaissance tout comme dans diffrents mondes d'exprience durant cette vie. Lorsqu'un tre est pris au pige d'une motion ngative ou s'identifie elle, certains rsultats s'ensuivent.
C'est ainsi que le karma opre en ralit. Par exemple, pour natre
en tant qu'humain, nous avons d observer scrupuleusement
l'thique dans nos vies antrieures. Mme la culture populaire
la nature du rve 37
la nature du rve 39
enfers chauds et neuf enfers froids. Tous les dtails des descriptions
traditionnelles ont un sens. Mais nous nous centrons ici sur l'exprience que nous faisons des mondes maintenant, dans cette vie.
Nous sommes en relation nergtique avec chaque dimension de
l'exprience grce un centre d'nergie (chakra*) du corps. Les
localisations de ces chakras sont numres dans le tableau ci-dessous. Les chakras tiennent une grande place dans de nombreuses
pratiques et ils jouent un rle important dans le yoga du rve.
monde des enfers
La colre est l'motion-germe du monde des enfers. Lorsque les
traces karmiques de la colre se manifestent, elles s'expriment de
nombreuses faons diffrentes, telles que la rpulsion, la tension, le
ressentiment, la critique, la controverse et la violence. Beaucoup de
destructions lors des guerres sont dues la colre, et de nombreuses
personnes meurent chaque jour cause d'elle. La colre ne rsout
cependant jamais aucun problme. Lorsqu'elle nous domine, nous
perdons la matrise et la conscience de nous-mmes. Lorsque nous
sommes emports par la haine, la violence et la colre, ou que nous
en sommes victimes, nous participons au monde des enfers. Le
centre nergtique de la colre se situe la plante des pieds.
L'antidote la colre est l'amour pur, non-conditionn, qui nat
d'un esprit non-conditionn. Traditionnellement, les enfers comprennent neuf enfers chauds et neuf enfers froids. Les tres qui y
sjournent souffrent immensment, torturs mort et renaissant
sans cesse instantanment.
la nature du rve 41
permanente d'autres animaux et des humains. Mme les grands animaux sont tourments par des insectes qui creusent leur peau et
vivent sur leur chair. On trait les animaux domestiques, on les
charge, les castre, leur perce le nez, on les monte, sans qu'ils puissent s'chapper. Les animaux ressentent la douleur et le plaisir,
mais ils sont domins par l'ignorance qui les empche de dcouvrir
leur vraie nature travers les vnements de leur vie.
monde des humains
Le dsir est F motion-racine du monde des humains. Sous son
emprise, nous tenons fortement ce que nous avons et voulons le
garder pour nous, que ce soit une ide, une possession, une relation.
Nous voyons la source du bonheur dans quelque chose qui nous est
extrieur, ce qui accrot l'attachement l'objet de notre dsir.
Le dsir est en relation avec le centre cardiaque, dans le corps.
L'antidote au dsir est une grande ouverture du cur, l'ouverture
qui survient quand nous contactons notre vraie nature.
Il nous est facile d'observer les souffrances de notre propre
monde. Nous subissons la naissance, la vieillesse, la mort. Nous
sommes tourments par la perte due au changement permanent.
Lorsque nous atteignons l'objet de notre dsir, nous luttons pour le
conserver, mais sa perte finale est certaine. Plutt que de nous
rjouir du bonheur d'autrui, nous sommes en proie l'envie et la
jalousie. Bien que la naissance en tant qu'tre humain soit considre comme le comble du bonheur, parce que les humains ont la possibilit d'couter et de pratiquer les enseignements, seule une
infime minorit d'entre nous trouve son chemin vers cette grande
opportunit et en profite.
monde des demi-dieux
L'orgueil est la principale affliction des demi-dieux (asuras).
L'orgueil est un sentiment li la russite et il est souvent territorial.
L'orgueil des individus et des nations qui croient avoir la solution
des problmes d'autres peuples est une cause de guerre. Un aspect
cach de l'orgueil se manifeste par l'auto-dprciation gocentrique,
lorsque nous nous croyons plus mauvais qu'autrui dans un domaine
particulier ou un trait de caractre, ce qui nous singularise.
la nature du rve 43
3 - LE CORPS D'NERGIE
Toute activit des tats de veille et de sommeil a une base nergtique. Cette nergie vitale est nomme loung* en tibtain, mais
on la connat mieux en Occident sous sa dnomination sanscrite de
prana*. Ce qui structure tout vnement est une combinaison prcise de diverses causes et conditions. Si nous sommes capables de
comprendre comment et pourquoi se produit une situation et
d'identifier ses dynamiques mentales, physiques et nergtiques,
alors nous sommes en mesure de la reproduire ou de la modifier.
Cela nous permet de crer les expriences qui soutiennent la pratique spirituelle et d'viter celles qui lui nuisent.
CANAUX ET PRANA
Dans la vie quotidienne, nous adoptons diffrentes positions corporelles sans penser leurs effets. Pour nous reposer ou nous entretenir avec des amis, nous allons dans une pice pourvue de canaps
et de fauteuils confortables. Cela accrot le calme et la dtente et
facilite la conversation. Mais, pour avoir des discussions de travail,
nous allons dans un bureau o les chaises nous tiennent plus droits
et moins relchs. Cela convient mieux au travail et aux activits
cratrices. Si nous souhaitons nous reposer en silence nous pouvons
aller sur la terrasse et nous installer dans une autre sorte de sige
plac de faon jouir du paysage et de la brise. Lorsque nous
sommes fatigus, nous allons dans la chambre coucher et prenons
une position compltement diffrente pour induire le sommeil.
De faon similaire, nous adoptons des postures varies dans diffrents types de mditation pour changer le flux de prana dans le
corps en manipulant les canaux* (tsa*) qui conduisent l'nergie, et
pour ouvrir divers points focaux nergtiques, les chakras. Agir
ainsi suscite des expriences varies. C'est aussi la base des
la nature du rve 47
canaux
(tsa)
Le corps contient une grande varit de canaux. Nous connaissons les plus grossiers par l'anatomie mdicale dont nous tirons la
connaissance des vaisseaux sanguins, de la circulation lymphatique, du systme nerveux, etc. Il existe aussi des canaux - tels ceux
connus en acuponcture - dans lesquels circulent les formes les plus
substantielles de prana. Dans le yoga du rve, nous nous intressons
une nergie psychique encore plus subtile, qui sous-tend la fois
la sagesse et l'motion ngative. Les canaux conduisant cette nergie trs subtile ne peuvent pas tre localiss physiquement, mais
nous pouvons devenir conscients de leur existence.
Il existe trois canaux racines. Six chakras majeurs sont localiss
dans et sur eux. A partir de ces chakras, trois cent soixante canaux
branches partent travers tout le corps. Les trois canaux racines
sont, chez les femmes, le canal rouge du ct droit du corps, le
canal blanc du ct gauche et le canal central bleu. Chez les
hommes, le canal droit est blanc et le gauche est rouge. Les trois
canaux racines fusionnent dix centimtres sous le nombril. Les
deux canaux latraux, du diamtre d'un crayon, s'lvent de part et
d'autre devant la colonne vertbrale et travers le cerveau, s'incurvent le long de la vote osseuse crnienne et s'ouvrent aux narines.
Le canal central s'lve verticalement entre eux, devant la colonne
vertbrale. Il a le diamtre d'un bambou et s'largit lgrement de
la rgion cardiaque au sommet de la tte, le sinciput, o il se
termine.
Le canal blanc ( droite pour l'homme et gauche pour la femme)
est celui dans lequel se dplacent les nergies des motions ngatives. On le considre parfois comme le canal de la mthode. Le
la nature du rve 49
la nature du rve 51
PRANA ET ESPRIT
Tous les rves sont lis l'un ou plusieurs des six mondes.
L'esprit et le monde sont en relation nergtique par l'intermdiaire
d'endroits spcifiques du corps. Comment cela se peut-il? Nous
affirmons que la conscience est au-del de toute notion de taille, de
couleur, de temps ou de toucher, comment peut-elle alors tre lie
une zone corporelle? L'esprit fondamental transcende toutes ces
distinctions. Cependant, les qualits qui apparaissent la
conscience dpendent des donnes de l'exprience.
Nous pouvons approfondir cela par nous-mmes. Allons dans un
endroit paisible, un beau temple empli de doux chants et de l'odeur de
l'encens, ou le recoin verdoyant d'une petite cascade. En pntrant
dans un tel lieu, nous avons l'impression de recevoir une bndiction.
La qualit du vcu est affecte parce que l'environnement physique
affecte l'tat de conscience. Ceci vaut aussi pour les influences
ngatives. Quand nous visitons un endroit o des atrocits ont t
commises, nous ressentons du malaise ; nous disons qu'il y a l une
"mauvaise nergie".
La mme explication est vraie intrieurement, dans le corps.
Lorsque nous parlons de placer l'esprit dans un chakra, le chakra du
cur, par exemple, qu'est-ce que cela signifie? Comment l'esprit
peut-il tre pos quelque part ? L'esprit n'est pas une chose que l'on
puisse localiser, au sens o il pourrait tenir dans une petite zone.
Lorsque nous "posons" l'esprit quelque part, c'est notre attention que
nous plaons : soit sur des images que nous crons dans notre esprit,
soit sur un objet sensoriel. Lorsque nous fixons l'esprit sur quelque
chose, l'objet fix affecte la qualit de la conscience et,
corrlativement, des changements se produisent dans le corps.
Ce principe sous-tend les pratiques thrapeutiques qui font appel
l'imagerie mentale. Les images mentales induisent des changements
dans le corps. La recherche occidentale est en passe de prouver la
vracit de cette affirmation et la mdecine occidentale utilise
prsent le pouvoir des images mentales mme pour des maladies
graves comme le cancer. La tradition thrapeutique bun emploie
souvent l'vocation visuelle des lments feu, eau et vent. Plutt que
d'attaquer le symptme de la maladie, le disciple du Bun essaye
gnralement de purifier le conditionnement sous-
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la nature du rve
jacent de l'esprit, les motions ngatives et les empreintes karmiques censes crer la prdisposition la maladie.
Nous pouvons par exemple nous reprsenter un feu intense en
rponse une maladie. Nous imaginons des formes triangulaires
rouges et tentons de ressentir en imagination une chaleur - aussi
intense que celle d'un volcan - se dplaant dans notre corps en
vagues de flammes. Nous pouvons faire un exercice respiratoire
particulier pour engendrer encore plus de chaleur. Nous utilisons de
cette faon l'esprit et ses images pour affecter le corps, les motions
et l'nergie. Et un rsultat s'obtient alors que nous n'avons tabli
aucun contact avec le monde matriel. De mme que la mdecine
occidentale utilise la radiothrapie pour tenter de brler les cellules
cancreuses, nous utilisons le feu intrieur pour brler les traces
karmiques. Pour que la pratique soit efficace, il importe que l'intention soit claire. Le processus n'est pas uniquement mcanique, il
se sert de la comprhension du karma, de l'esprit et du prana pour
aider gurir. Cette pratique a l'avantage d'essayer de rsoudre la
cause de la maladie plutt que ses symptmes et d'tre sans effets
secondaires. Bien sr, il est bon aussi de s'en remettre la mdecine occidentale lorsque c'est possible. Mieux vaut employer ce qui
est bnfique, que se limiter un systme particulier.
CHAKRAS
Dans la pratique du rve, nous dirigeons notre attention vers diffrentes zones du corps: les chakras de la gorge, du front et du
cur, ainsi que le chakra secret, au niveau gnital. Un chakra est
une roue d'nergie, un nud de connexions nergtiques. Les
canaux d'nergie convergent des endroits particuliers du corps et
leurs jonctions forment les complexes nergtiques que sont les
chakras. Les chakras majeurs sont des lieux o confluent de nombreux canaux.
Les chakras ne sont en ralit pas tels qu'on les dessine, sous
forme de lotus ouverts ou ferms, dots d'un certain nombre de
ptales et d'une certaine couleur. De telles images sont seulement
un support symbolique pour l'esprit - comme des cartes - qui nous
aide focaliser l'attention sur le nud nergtique situ l'endroit
du chakra. Les chakras ont t initialement dcouverts grce la
pratique, travers les ralisations de diffrents pratiquants. Lorsque
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la nature du rve
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Avant qu'une personne soit ralise, sa nature propre est obscurcie par l'ignorance fondamentale qui donne naissance l'esprit
conceptuel. Pris au pige de la vision dualiste, l'esprit ordinaire
scinde l'unit absolue de l'exprience en entits, et considre
ensuite ces projections mentales comme des objets et des tres
indpendants, dous d'existence propre. La dualit primordiale
divise le rapport au monde en "moi" et "autre" et, par identification
avec une seule partie de la relation - moi - se dveloppent les prfrences. De l naissent le dsir et la rpulsion, qui deviennent la
base d'actions la fois physiques et mentales (karmas). Ces actions
laissent dans l'esprit de l'individu des empreintes sous forme de
tendances conditionnes; ces dernires accentuent la saisie et le
rejet, crant de nouvelles empreintes karmiques, et ainsi de suite.
Tel est le cycle perptuellement auto-entretenu du karma.
Pendant le sommeil, l'esprit est retir du monde sensoriel. Les
empreintes karmiques maintenant stimules par les causes secondaires ncessaires leur manifestation ont une force, ou une nergie, qui est le prana karmique. Selon une analogie questre, l'esprit
"chevauche" le prana karmique en direction du centre nergtique
corporel li la trace karmique active. Autrement dit, la
conscience se focalise sur un chakra particulier.
Dans cette interaction d'esprit, d'nergie et de signification, la
conscience claire les traces karmiques et les qualits du monde qui
lui sont associes, et elle est affecte par ces traces et qualits. Le
prana karmique est l'nergie du rve, la force vitale, tandis que l'esprit tisse avec les manifestations spcifiques des traces karmiques
-couleur, lumire, motion, images - le scnario signifiant qui est le
rve. Tel est le mcanisme qui aboutit au rve samsarique.
la nature du rve 59
faon de voir toute chose prennent fin avec nous. Si nous dissolvons
notre esprit conceptuel, la puret sous-jacente se manifeste spontanment. Lorsque nous savons directement que nous-mme et le monde
n'avons pas d'existence propre, alors rien de ce qui nous arrive n'a
plus de pouvoir sur nous. Quand le lion prend tort son reflet dans
l'eau pour la ralit, il est trs surpris et gronde; quand il comprend
la nature illusoire du reflet, il ne ragit plus par la peur. Faute de vraie
comprhension, nous ragissons aux projections illusoires de notre
propre esprit par la saisie et la rpulsion, et crons du karma. Lorsque
nous connaissons la vraie vacuit, nous sommes libres.
MTAPHORES DIDACTIQUES
DEUXIEME PARTIE
TYPES ET
UTILISATIONS
DES RVES
Les rves que la plupart d'entre nous faisons sont en gnral les
rves samsariques qui naissent partir des empreintes karmiques*.
La signification donne ces rves est celle que nous y projetons ;
elle est attribue par le rveur et n'est pas inhrente au rve. C'est
aussi le cas du sens de notre vie l'tat de veille. Cela ne transforme pas pour autant les rves qui ont du sens en rves insignifiants, ni ne rend insignifiant le sens de notre vie. Le processus s'apparente la lecture d'un livre. Le livre n'est qu'un ensemble de
signes sur du papier, mais du fait que nous lui appliquons notre sens
de la comprhension, nous pouvons en tirer une signification. Et la
signification d'un texte, comme celle d'un rve, est une question
d'interprtation. Deux personnes lisant le mme livre peuvent avoir
des expriences de lecture tout fait diffrentes ; l'une peut changer totalement sa vie du fait de la comprhension qu'elle a eue du
livre, alors que l'autre sera modrment, sinon pas du tout, intresse. Le livre n'a pas chang. Le sens est d'abord projet par le lecteur sur les mots, puis il en est extrait.
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RVES DE CLART
galement salutaire de ne pas se tromper en prenant des rves samsariques pour des rves de clart.
Si nous commettons l'erreur de croire que les rves samsariques
nous offrent de vrais conseils, changer quotidiennement notre vie
pour essayer de les suivre peut devenir un travail plein temps.
C'est aussi un moyen de s'enliser dans son propre cinma que de
prendre tous les rves pour des messages manant d'une source spirituelle suprieure. Cela ne se passe pas comme a. Nous devons
faire trs attention aux rves et devons pouvoir discerner ceux qui
ont de l'importance de ceux qui traduisent seulement les motions,
dsirs, peurs, esprances et fantasmes de notre vie quotidienne.
RVES DE CLAIRE LUMIRE
Le rve de claire lumire est un troisime type de rve, qui apparat lorsqu'on est trs avanc sur le chemin. Il nat du prana primordial dans le canal central. La claire lumire gnralement voque dans les enseignements sur le yoga du sommeil dsigne un
tat dpourvu de rve, de pense et d'image. Mais il existe aussi un
rve de claire lumire, dans lequel le rveur reste dans la nature de
l'esprit. Ce n'est pas un accomplissement facile; le pratiquant doit
tre trs stable dans la conscience non-duelle avant qu'apparaissent
les rves de claire lumire. L'auteur d'un important commentaire du
Tantra Mre, Gyaltsn Milu Samlk, crit qu'il pratiqua assidment
pendant neuf ans avant d'avoir des rves de claire lumire.
Dvelopper l'aptitude aux rves de claire lumire et dvelopper
l'aptitude rester dans la prsence non-duelle de rigpa pendant la
journe sont comparables. Au commencement, rigpa et la pense
semblent diffrents : quand on est en rigpa, il n'existe pas de penses et si des penses surviennent, on perd rigpa. Mais quand on a
acquis la stabilit en rigpa, la pense vient et s'en va sans le moins
du monde obscurcir rigpa; le pratiquant demeure dans la
conscience non-duelle. Cette situation ressemble l'apprentissage
du jeu simultan de la cloche et du tambourin pendant un rituel : au
dbut, on ne peut jouer qu'un instrument la fois. Si l'on joue de la
cloche, on perd le rythme du tambourin, et vice-versa. Ensuite, on
trouve l'quilibre et l'on est capable de jouer simultanment des
deux.
Le rve de claire lumire n'est pas analogue au rve de clart. Ce dernier, qui
nat d'aspects profonds et relativement purs de l'esprit, et qui est engendr par des
empreintes karmiques positives, reste nanmoins dans la dualit. Le rve de
claire lumire, bien qu'il merge d'empreintes karmiques du pass, n'aboutit pas
une exprience dualiste. Le pratiquant ne se retrouve pas sujet observant un rve
objet, ni sujet dans le monde du rve, mais demeure entirement intgr rigpa
non-duel.
Les diffrences entre les trois sortes de rves peuvent paratre subtiles. Le rve
samsarique s'lve partir des empremtes karmiques et des motions
individuelles, qui faonnent tout son contenu. Le rve de clart contient une
connaissance plus objective, qui nat des empreintes karmiques collectives et est
accessible la conscience lorsque celle-ci n'est plus prisonnire des empreintes
karmiques personnelles. La conscience n'tant alors plus lie par l'espace, le
temps et l'histoire personnelle du rveur, celui-ci peut contacter des tres rels,
recevoir des enseignements de matres rels, et trouver des informations
bnfiques pour lui-mme et pour autrui.
Le rve de claire lumire n'est pas dfini d'aprs son contenu. Il
est rve de claire lumire parce qu'il ne s'y trouve pas de rveur- sujet ou
pourvu d'un ego, ni de moi en relation duelle avec le rve ou son contenu. Le
rve n'est qu'un mouvement de l'esprit qui ne perturbe pas la stabilit du
pratiquant tabli dans la claire lumire.
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corps n'tait plus bien droit, et qui s'aidait d'une canne pour marcher.
Gun Sngtouk rencontrait toujours Sipp Gyalmo dans un grand dsert
o elle avait sa tente. Personne d'autre ne vivait l. Le moine devait
dchiffrer ses expressions, si elle avait l'air joyeux ou triste, ou si sa
faon de se dplacer traduisait la colre. Et, l'observant ainsi, il arrivait
on ne sait comment savoir quoi faire pour triompher des obstacles dans
sa pratique ou pour donner certaines choses de sa vie une orientation
plus positive. C'est ainsi qu'elle le guidait travers ses rves. Il fut en
relation onirique troite avec elle et elle lui apparut toujours de la mme
faon. Ses expriences avec elle sont de bons exemples de rves de
clart.
J'tais alors un petit garon, mais je peux clairement me souvenir du
jour o l'ide me frappa soudain, alors que j'coutais le moine raconter
l'un de ses rves, que c'tait comme s'il avait un ami ailleurs. J'ai
pens que ce serait agrable d'avoir quelques amis avec qui jouer en
rve, car je ne jouais pas beaucoup pendant la journe, les tudes tant
intensives et les matres stricts. Voil la pense que j'eus alors. Ainsi,
voyez-vous, notre comprhension du rve et de la pratique du rve, et
notre motivation pour effectuer la pratique, peuvent s'approfondir et
mrir mesure que nous grandissons.
DIVINATION
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3 - LA DCOUVERTE DE
LA PRATIQUE DE TCHEU
pures et qu'elle allait, avec les autres dakinis, lui confrer une initiation importante.
- Puisses-tu parvenir l'veil dans l'espace de la Grande Mre,
lui dit-elle ensuite. Je suis Sipp Gyalmo, dtentrice de l'enseigne
ment bun, la Reine Brune de l'Existence. Cette initiation et cet
enseignement sont le Tanra Mre-racine essentiel. Je t'initie afin
que tu puisses initier et enseigner les autres." Tongjoung Thouchn
fut conduit sur un trne lev. Sipp Gyalmo lui donna alors une
coiffe de crmonie, une robe d'initiation et les instruments rituels.
Elle le prit de court en lui demandant ensuite de donner l'initiation
aux dakinis rassembles.
- Oh non, je ne peux pas confrer d'initiation, rpondit
Tongjoung Thouchn. Je ne sais pas comment faire cette initiation.
C'est trs gnant.
- Ne t'inquite pas, le rassura Sipp Gyalmo. Tu es un grand
matre. Tu as reu toutes les initiations des trente matres du Tibet
et du Shang Shoung. Tu peux nous confrer l'initiation.
- Je ne sais pas comment chanter les prires pendant l'initiation,
lui objecta Tongjoung Thouchn.
- Je t'aiderai et tous les protecteurs te donneront du pouvoir,
rpliqua Sipp Gyalmo. Il n'y a pas de quoi s'effrayer. Je t'en prie,
accomplis l'initiation.
Au mme instant, toute la viande et le sang dans la tente se transformrent en beurre, sucre et aliments varis, en mdicaments et en
fleurs. Les dakinis lancrent des fleurs sur lui. Il ralisa soudain
qu'il savait comment donner l'initiation du Tantra Mre et la donna.
Aprs quoi, toutes les dakinis le remercirent. Sipp Gyalmo lui
dit : "Dans cinq ans, les dakinis des huit charniers principaux, ainsi
que de nombreux matres, vont se retrouver. Si tu viens, nous te
donnerons d'autres enseignements du Tantra Mre. " Puis toutes les
dakinis prirent cong de lui, lui d'elles, et Sipp Gyalmo lui indiqua qu'il devait partir. Une dakini rouge crivit la syllabe YAM
-reprsentant l'lment vent - sur une charpe et l'agita en l'air, lui
demandant de la toucher du pied droit. Au moment o il le ft, il
tait de retour dans son corps et ralisa qu'il dormait.
Il dormit si longtemps qu'on le crut mort. Lorsqu'il s'veilla
enfin, son matre lui demanda pourquoi il avait dormi aussi longtemps. Il raconta sa vision son matre, qui lui dit qu'elle tait
de son corps, avec les canaux et les nergies qui semblaient de pur
cristal. Souvent, quand il marchait, ses pieds ne touchaient pas le
sol et il pouvait se dplacer extrmement vite en utilisant le pouvoir
de son prana.
Quatre autres annes passrent. La dakini brune qu'il avait rencontre dans son rve, la manifestation de Sipp Gyalmo, lui avait
dit qu'ils se rencontreraient nouveau au bout de cinq ans et ce
temps tait arriv. Faisant un jour un petit somme dans une grotte,
il adressa en rve une prire tous les matres. Lorsqu'il se rveilla,
il vit un ciel incroyablement clair. Une lgre brise se leva et deux
dakinis vinrent vers lui, chevauchant le vent. Il devait les accompagner, lui dirent-elles.
Il rejoignit avec elles un rassemblement de dakinis, les mmes
dakinis de nombreux pays qu'il avait rencontres en rve cinq ans
plus tt. Il reut les transmissions et les explications de la pratique
de tcheu et du Tantra Mre. Les dakinis prdirent qu'un jour viendrait o des bodhisattvas et douze matres bnis apparatraient et
qu' cette poque Tongjoung Thouchn enseignerait. Chaque
dakini lui promit de l'aider enseigner. L'une dclara vouloir agir
comme gardienne des enseignements, une autre dit qu'elle bnirait
les enseignements, une troisime affirma qu'elle protgerait les
enseignements des mots et des interprtations errons et ainsi de
suite. Sipp Gyalmo fit galement le vu d'agir comme protectrice
des enseignements. Chacune des dakinis prsentes dit, son tour,
quelle responsabilit elle assumerait pour aider la diffusion des
enseignements. Elles lui dirent que les enseignements se rpandraient dans les dix directions comme les rayons du soleil, vers
toutes les rgions du monde. Cette prophtie tait importante ; elle
encourage ceux qui tudient aujourd'hui ces pratiques, car ils
savent qu'elles continuent se rpandre de par le monde.
Les rves de Tongjoung Thouchn sont de bons exemples de
rves de clart. Il reut en rve des informations prcises propos
d'un rve important qu'il ferait plus tard. Il reut des enseignements
et des initiations et fut aid par des dakinis et d'autres matres. Au
dbut de sa vie, alors qu'il tait dj un matre accompli, il ignorait
l'ampleur de ses capacits jusqu' ce qu'un rve les lui rvle.
Grce aux bndictions reues en rves, il s'veilla diffrentes
dimensions de conscience et retrouva la partie de lui-mme qui
faux et des manires d'agir et de penser qui sont bonnes ou mauvaises, selon les valeurs des diffrentes religions, coles spirituelles, systmes philosophiques, selon la science et la culture.
Respectez les conditions de la situation laquelle vous tes soumis.
Nous vivons dans le samsara, les pratiques conventionnelles y sont
valables et l'interprtation des rves peut tre trs utile.
J'ai eu besoin d'interprter le rve parce que j'avais peur de la
mort. Mais il est important pour moi de savoir que ce besoin reposait sur la peur, sur la dualit et que, lorsque je demeure dans la prsence non-duelle, il n'y a ni crainte ni besoin d'interprtation. Nous
employons ce qui nous est utile dans la situation o nous sommes.
Lorsque nous vivons seulement dans la nature de l'esprit, l'tat
dans lequel la ralit est vraiment libre de distinctions, alors nous
n'avons pas besoin de faire des pratiques relatives. Alors, il n'est
nul besoin d'interprter un rve parce qu'il n'est pas ncessaire de
se rorienter, il n'existe pas d'ego rorienter. Nous n'avons pas
besoin de consulter un rve propos du futur, car il n'y a ni espoir
ni crainte. Nous sommes totalement prsents ce qui arrive, sans
aversion ni attirance. Nous n'avons pas besoin d'interroger les
rves pour trouver du sens, car nous vivons dans la vrit.
Dans notre vie conventionnelle, nous faisons des choix et pouvons modifier les choses. C'est pour cela que nous tudions les
enseignements et que nous pratiquons. Lorsque nous comprenons
davantage et devenons plus habiles dans nos vies, nous devenons
plus flexibles. Nous commenons comprendre rellement ce qui
nous est enseign: ce qu'est la lucidit, ce que nos expriences ont
d'illusoire, comment nat la souffrance, ce qu'est notre vraie nature.
Ds que nous voyons comment notre action cre davantage de souffrance, nous pouvons choisir d'agir un peu diffremment. Nous
devenons las des identits restreintes et des tendances rptitives
qui mnent tant de souffrances inutiles. Nous nous dbarrassons
des motions ngatives, nous nous exerons vaincre la distraction
et demeurons dans la prsence pure.
Il en est de mme pour le rve. La pratique est progressive. A
mesure qu'elle se dveloppe, on dcouvre qu'il existe une autre
manire de rver. On s'oriente alors vers les pratiques non-conventionnelles du rve dans lesquelles l'histoire et son interprtation
TROISIEME PARTIE
LA PRATIQUE DU
YOGA DU RVE
2 - S'ETABLIR DANS LE
CALME MENTAL: CHIN
Le A tibtain
torpeur
Le deuxime obstacle est la somnolence, ou torpeur, qui envahit
l'esprit comme un brouillard, une lourdeur qui mousse l'acuit de
l'tat de conscience. Lorsque cela arrive, essayez de renforcer la
concentration de l'esprit sur l'objet pour traverser la somnolence.
Vous pourrez constater qu'elle est une sorte de mouvement de l'esprit que vous pouvez arrter grce une forte concentration. Si cela
n'est pas efficace, faites une pause, tirez-vous et pratiquez ventuellement debout.
relchement
Le troisime obstacle est le relchement. Lorsque vous rencontrez
cet obstacle, vous avez l'impression d'avoir l'esprit calme, mais
l'tat mental est faible et passif, sans force de concentration. Il est
important de reconnatre cet tat pour ce qu'il est. Car l'exprience
peut tre agrable et reposante et, si on la prend tort pour une
mditation correcte, on peut perdre des annes l'entretenir, sans
changement dcelable de la qualit de conscience. Si votre concentration perd de sa force et que votre mditation se relche, renforcez la posture et rveillez votre esprit. Revigorez l'attention et
veillez la stabilit de la prsence. Considrez que la pratique est
prcieuse, ce qu'elle est, et comme susceptible de conduire la ralisation la plus leve, ce qu'elle fera. Renforcez la motivation;
automatiquement la vigilance de l'esprit se renforce.
Il faut pratiquer chin chaque jour jusqu' ce que l'esprit soit
apais et stable. Ce n'est pas seulement une pratique prliminaire.
Elle est utile chaque instant de la vie du pratiquant ; mme les
yogis trs avancs s'y consacrent. Le yoga du rve et toutes les
autres pratiques mditatives reposent sur la stabilit de l'esprit obtenue grce chin. Lorsqu'on a acquis la stabilit ferme et durable
de la prsence calme, on peut dvelopper cette stabilit dans tous
les aspects de la vie. Lorsqu'elle est stable, la prsence peut toujours tre trouve et n'est pas balaye par les penses et les motions. Alors nous restons dans la conscience, mme si les traces karmiques continuent produire des images oniriques aprs
l'endormissement. Cela donne accs aux pratiques ultrieures des
yogas du rve et du sommeil.
3 - LES QUATRE
PRATIQUES PRLIMINAIRES
En fait, il faut insister davantage sur vous, le rveur, que sur les
objets de votre exprience. Souvenez-vous sans cesse que vous tes
en train de rver ce que vous vivez : la colre que vous prouvez, le
bonheur, la fatigue, l'angoisse - tout fait partie d'un rve. Le chne
que vous aimez, la voiture que vous conduisez, la personne qui
vous parlez, font tous partie du rve. Cette faon de procder cre
dans votre esprit la tendance nouvelle de considrer l'exprience
comme irrelle, impermanente et intimement lie aux projections
de l'esprit. Les phnomnes tant vus comme phmres et nonsubstantiels, la saisie diminue. Chaque contact sensoriel, chaque
vnement mental, rappelle la nature onirique du vcu. Finalement,
ce discernement s'tendra au rve ; il permettra de reconnatre l'tat
de rve et de dvelopper la lucidit.
On peut comprendre de deux faons l'affirmation selon laquelle
tout est un rve. La premire est de considrer que c'est une
mthode pour modifier les empreintes karmiques. L'appliquer
change la relation au monde, comme le fait toute pratique. Si nous
transformons les ractions habituelles et largement inconscientes
aux stimuli, les qualits de la vie et du rve changent. Lorsque nous
considrons qu'une exprience "n'est qu'un rve", elle devient
moins "relle" pour nous. Elle perd le pouvoir qu'elle avait sur nous
(seulement parce que nous le lui donnions) et ne peut plus nous perturber, ni nous prcipiter dans les motions ngatives. Nous commenons ds lors aborder toute exprience avec une clart et un
calme plus grands et l'apprcions mme davantage. De cette faon,
la pratique agit psychologiquement en changeant le sens que nous
projetons sur tout ce qui est au-del de nos conceptions. En voyant
autrement l'exprience, nous modifions notre raction son gard,
ce qui modifie les empreintes karmiques des actions et donc les
racines du rve.
La deuxime faon de comprendre la pratique est de raliser que
l'tat de veille est en ralit semblable au rve, que la totalit de
l'exprience habituelle est compose de projections de l'esprit, que
toute signification est attribue et que tout ce que nous vivons est d
l'influence du karma. Nous parlons l du travail subtil et pntrant
du karma, le cycle infini des causes et consquences qui cre le prsent partir des traces du pass, par l'intermdiaire du conditionnement incessant qu'entrane chaque action. C'est une des faons
101
Davantage axes sur la psychologie que beaucoup d'autres pratiques, elles ne prsentent pas de difficults pour le pratiquant. Faire
seulement un exercice avant de se coucher est sans doute inefficace,
mais la pratique assidue des quatre prparations pendant la journe
rend bien plus facile l'accs la lucidit dans le rve et, ensuite, le
passage d'autres pratiques. En s'adonnant ces dernires, tout ce
qui survient est l'occasion de revenir la prsence, ce qui sera trs
bnfique dans la vie quotidienne et conduira au succs dans le
yoga du rve.
Vous ne devez pas tre dcourag si vous n'avez pas de rsultats
immdiats, mme s'il vous faut pratiquer longtemps avant d'tre
lucide dans le rve. Ne pensez pas que vos efforts sont inutiles ou
que vous n'y arrivez pas. Souvenez-vous de votre manire d'agir et
de penser quand vous aviez dix ans, et comparez-la votre comportement actuel - le changement est permanent. Ne vous enlisez pas
dans la croyance que les difficults prouves aujourd'hui persisteront demain. Sachant que tout change, vous ne devez pas croire que
la faon dont les choses se manifestent maintenant doit persister.
Apprcier le caractre vivant, lumineux et onirique de la vie permet votre exprience de devenir plus spacieuse, plus lgre et plus
claire. Quand on a acquis la lucidit dans le rve et l'tat vigile, on
est bien plus libre de faonner la vie positivement et de renoncer
enfin toutes les dualits et prfrences, pour demeurer dans la prsence non-duelle.
4 - PRPARATION LA NUIT
105
Le gourou yoga est une pratique essentielle dans toutes les coles
du bouddhisme tibtain et du Bun. C'est vrai dans les soutras, les
tantras et le Dzogchn. Il dveloppe le lien de cur avec le matre.
En renforant continuellement notre dvotion, nous accdons en
109
Essayer de dormir dans un endroit inhabituel peut suffire engendrer l'anxit. Mme si le lieu est parfaitement sr et confortable,
nous ne dormons pas aussi bien qu' la maison, dans notre environnement familier, soit que nous ressentions dfavorablement
l'nergie du lieu, soit que notre propre sentiment d'inscurit nous
trouble. Nous pouvons mme nous sentir anxieux dans un endroit
familier lorsque nous attendons le sommeil, ou quand ce que nous
rvons nous effraie. Lorsque nous nous endormons dans l'angoisse,
nos rves mlangent peur et tension, le sommeil est moins reposant
et la pratique plus difficile faire. Crer une sorte de protection
avant de dormir et faire de l'endroit o nous dormons un endroit
sacr est donc une bonne ide.
On y parvient en imaginant que des dakinis protectrices l'entourent. Voyez les dakinis comme de belles desses, des tres veills
de couleur verte, qui sont affectueuses et puissamment protectrices.
Ces dakinis restent auprs de vous quand vous vous endormez et
pendant la nuit, comme des mres veillant leur enfant, ou les gardes
du corps d'un roi ou d'une reine. Imaginez-les partout, veillant aux
portes et aux fentres, assises prs de vous sur le lit, marchant dans
le jardin ou la cour, jusqu' vous sentir parfaitement protg.
L encore, il ne s'agit pas seulement de crer une image mentale.
Voyez les dakinis avec votre esprit, mais servez-vous aussi de votre
imagination pour ressentir leur prsence. Crer de cette manire un
environnement protecteur sacr induit le calme, la dtente et un
sommeil reposant. C'est ainsi que vit le mystique: voir le surnaturel, changer l'environnement avec l'esprit, et permettre aux actions,
fussent-elles imagines, d'avoir de l'importance.
Vous pouvez accrotre le sentiment de paix autour de vous en gardant dans la chambre coucher des objets de nature sacre : des
images paisibles et douces, des symboles sacrs et religieux, et
d'autres objets qui orientent votre esprit vers le chemin.
Le Tantra Mre nous dit qu'en nous prparant au sommeil nous
devons rester conscients des causes du rve, de l'objet sur lequel
nous devons nous concentrer, des protecteurs et de nous-mmes.
Maintenir la conscience sur l'ensemble de ces lments, non pas sur
chacun d'eux pris isolment, aura un grand impact sur le sommeil
et le rve.
5 - PRATIQUE PRINCIPALE
111
TIGL BLANC
QUATRE PTALES
A BLANC
HOUNG NOIR
113
TIGL ROUGE
ARRIRE
TIGL VERT
GAUCHE
TIGL BLANC
CENTRE
AVANT
DROITE
qualit d'nergie que l'on peut trouver dans le corps. Dans un autre
contexte, il peut reprsenter la totalit illimite. Tel que nous l'employons dans la pratique, le tigl est une petite sphre immatrielle
de lumire. Les tigls de couleurs diffrentes reprsentent diverses
qualits de conscience; leur visualisation agit comme une porte
donnant accs l'exprience de cette qualit.
L'instruction de "visualiser" le tigl ne signifie pas que vous devez
crer l'image statique d'une lumire blanche et ronde; il faut vous
imaginer en train de fusionner avec quelque chose qui se trouve vraiment l. Essayez de ressentir le tigl avec vos sens imaginaires, et
unissez-vous totalement lui jusqu' ce qu'il n'y ait plus que la
clart et la luminosit. Certaines personnes percevront clairement la
lumire avec leur vision intrieure, d'autres la ressentiront plus
La troisime partie de la pratique s'entreprend deux heures environ aprs la deuxime, quatre heures aprs le dbut de la priode de
sommeil. Traditionnellement, c'est deux heures avant l'aube. On
adopte une position diffrente : allongez-vous sur le dos, sur un gros
oreiller. Croisez les jambes, sans les serrer comme dans la posture
de mditation. Il est indiffrent que la jambe suprieure soit la
la syllabe tibtaine
houng
. -JV
*V
l'intrpidit
117
Les postures varies du corps modifient le flux d'nergie et affectent la qualit de l'exprience. Les visualisations focalises diffrents endroits du corps agissent de mme. Chacune des quatre parties de la pratique principale comporte la concentration sur une
lumire colore et sur un tigl ou une syllabe dans l'un des quatre
chakras.
Lorsque nous crons l'image d'un lotus de couleur, d'un tigl, ou
d'une syllabe l'endroit d'un chakra, ces objets n'y sont pas rellement. L'image mentale est comme un dessin ou un symbole
reprsentant la structure et les qualits de l'nergie qui se meut en
cet endroit. Cela permet l'esprit de mieux contacter les caractres
nergtiques particuliers d'un lieu prcis du corps, et cette mise en
relation affecte notre conscience. La couleur affecte aussi notre
conscience, comme nous le montre l'exprience quotidienne:
entrer dans une chambre entirement peinte en rouge n'est pas la
"ici" et vous "l". Que l'image persiste ou qu'elle s'efface, l'exprience n'est pas scinde entre un sujet et un objet. Seul existe le A,
et vous l'tes. C'est ce que signifie le A limpide teint en rouge par
la lumire des ptales. Vous devez devenir la conscience pure nonduelle symbolise par le A et, lorsque s'lve une exprience, symbolise par le rouge des ptales, elle colore le A, mais la luminosit
de la prsence non-duelle n'est pas perdue.
Les pratiquants disent souvent qu'ils ont du mal maintenir la
reprsentation visuelle, ou qu'elle interfre avec le sommeil.
Comprendre la progression dans la pratique peut clarifier certains
de ces problmes; elle consiste voir l'objet, puis le ressentir,
enfin l'tre. Quand vous tes totalement indissoci de l'objet, son
image mentale peut disparatre, et c'est trs bien.
Les enseignements recommandent aussi ce genre de concentration au moment de la mort. Quand on maintient la prsence ce
moment-l, tout est trs diffrent. Maintenir la prsence est rellement l'essence de la pratique du transfert de conscience (powa).
Cette pratique a pour but d'envoyer l'esprit directement dans le pur
espace de la conscience (dharmakaya*). Si cela russit, le pratiquant ne subit pas la turbulence et la distraction de l'exprience
post-mortem ; il est directement libr dans la claire lumire.
Si nous n'avons pas la capacit de rester dans la pure prsence,
nous sommes distraits et nous nous garons dans le rve, les fantasmes, le samsara, la vie suivante. Mais, si nous maintenons la
pure prsence, nous sommes dans la claire lumire pendant la nuit,
nous restons dans la nature de l'esprit pendant la journe, nous
sommes librs dans le bardo aprs la mort.
Pour exprimenter l'impact de la visualisation sur l'tat de
conscience, essayez ceci: imaginez-vous dans l'obscurit totale, le
noir absolu. Cette noirceur n'est pas seulement autour de vous, mais
elle est galement en vous, dans votre vision, votre peau, au-dessus
et au-dessous de vous, l'intrieur de chaque cellule de votre corps.
Vous pourriez presque ressentir, humer, goter l'obscurit.
Imaginez prsent qu'au noir absolu succde soudain une
lumire clatante, qui se rpand partout, autour de vous et en vous,
que vous tes cette lumire pntrante.
Vous pouvez ressentir la diffrence entre ces deux visualisations
grce aux sens imaginaires subtils qui clairent votre monde
intrieur et qui ne sont pas simplement le ct visuel de l'imagination. Dans l'obscurit, vous prouvez quelque chose, peut-tre une
petite crainte ou une motion plus effrayante, tandis que dans la
lumire, se trouve la clart.
Voici un autre exercice qui vous donnera la notion du genre de
concentration ncessaire la pratique. Dtendez votre corps.
Imaginez un A rouge, lumineux, dans le chakra de votre gorge. La
lumire rouge est profonde, somptueuse, voluptueuse. Servez-vous
de votre imagination pour sentir la lumire. Laissez-la vous calmer,
vous dtendre, apaiser votre corps et votre esprit, vous gurir. La
lumire s'tend, remplit le chakra de votre gorge, puis votre corps
tout entier. Ce faisant, elle dnoue chaque tension. Tout ce qu'elle
touche se dissout en elle. Tout votre corps se dissout dans la lumire
rouge. Laissez-la envahir votre conscience au point de tout voir
comme une lumire rouge, de tout sentir comme une calme lumire
rouge, d'entendre tout son comme une apaisante lumire rouge. Ne
pensez pas tout cela, prouvez-le. Laissez votre esprit devenir
lumire rouge de sorte qu'il n'y a plus de moi pour tre conscient
d'un objet, seulement une lumire rouge devenue elle-mme
conscience. Laissez tout ce qui apparat en tant que sujet et objet se
dissoudre dans la lumire rouge. Toute chose - le corps, l'nergie,
les vnements du monde et ceux du mental - se dissout jusqu' ce
que vous ayez entirement fusionn avec la lumire rouge. Il
n'existe plus ni "dedans", ni "dehors", seulement la lumire rouge.
Voil comment s'unir au A et comment se concentrer pendant la
nuit, ne faisant qu'un avec le support de la concentration.
LA SQUENCE
II faut toujours effectuer dans l'ordre les quatre parties de la pratique principale. La premire partie - la concentration sur le A dans
la gorge - s'effectue au coucher. Idalement, les trois suivantes se
succdent intervalles de deux heures. Se rveiller pendant la nuit
rend le sommeil plus lger et facilite l'accomplissement du yoga du
rve. Il n'est pas ncessaire de diviser exactement la nuit en
tranches de deux heures, quoique l'on puisse s'aider d'un rveillematin si on le souhaite ; il s'agit simplement d'avoir trois priodes
de rveil. Les phases de deux heures sont proposes parce qu'on
dort environ huit heures, en gnral. Bien que ce programme
6 - LUCIDITE
Je possde un ordinateur portable dont l'exploration est trs amusante. Si je clique sur l'une des icnes de l'cran, un fichier s'ouvre.
Cliquer sur une autre fait apparatre autre chose sur l'cran. L'esprit
est comme cela. L'attention se porte sur une chose et c'est comme si
l'on activait une icne: un train de penses et d'images se droule
soudain. L'esprit ne cesse de cliquer, sautant d'une chose l'autre.
Nous avons parfois deux fentres ouvertes, comme lorsque nous parlons quelqu'un tout en pensant autre chose. D'habitude, nous n'en
dduisons pas que nous avons des "moi", ou des identits multiples.
Ces "moi" multiples peuvent pourtant se manifester dans le rve
quand, au lieu de partager simplement notre attention, nous nous partageons en diffrents corps oniriques qui existent simultanment.
J'ai rv une nuit, aprs avoir jou avec mon ordinateur dans la
journe, que je regardais un cran sur lequel se dessinaient des
icnes que je pouvais activer avec mon esprit, transformant tout
l'environnement. L'icne d'une fort est apparue et, quand j'ai cliqu sur elle, je me suis trouv dans une fort; puis ce fut l'icne
d'un ocan - clic -j'tais dans un milieu ocanique. Cette capacit
d'action tait dj dans mon esprit, mais c'est l'interaction avec
mon ordinateur qui a dclench l'exprience. Nos penses et nos
expriences influencent d'autres penses et d'autres expriences.
La pratique du rve s'appuie sur ce fait. Les enseignements nous
proposent des ides nouvelles, des possibilits nouvelles, ainsi que
les outils pour raliser ces possibilits ; il nous revient ensuite de les
concrtiser dans les rves et l'tat de veille.
Les enseignements voquent par exemple la multiplication des
objets dans le rve. Supposons que nous rvions de trois fleurs.
Comme nous sommes conscients de rver et savons que les rves
sont mallables, nous pouvons volont crer cent fleurs, mille
fleurs, une pluie de fleurs. Mais nous devons d'abord en connatre
la possibilit. Si nous ignorons que ce genre de multiplication est
possible, alors la possibilit n'existe pas pour nous.
La recherche occidentale sur les rves a dcouvert que l'on pouvait amliorer ses aptitudes en les exerant dans les rves nocturnes
et les rveries. Il y a des sicles, cette connaissance tait incorpore
aux enseignements. Grce aux rves, nous pouvons diminuer le
ngatif et accrotre le positif, changeant ainsi nos relations au
monde. Cela ne s'applique pas seulement aux savoir-faire qui nous
aident dans la vie quotidienne, mais est valable aussi aux niveaux
les plus profonds de la vie spirituelle. Aspirez toujours l'objectif
le plus lev, le plus vaste, car cela inclura automatiquement le plus
petit. Bien qu'il soit bon de travailler sur des problmes relatifs,
aprs l'veil il n'existe plus de problmes du tout.
Le Tantra Mre numre onze cas dans lesquels l'esprit est gnralement li par l'apparence. Il faut tous les reconnatre, les
remettre en question, les transformer. Le principe est le mme pour
tous mais il est utile de prendre le temps de rflchir chacun, afin
de prsenter notre esprit les possibilits de transformation. Ces
lments d'exprience sont: la taille, la quantit, la qualit, la
vitesse, l'accomplissement, la transformation, l'manation, le
voyage, la vision, la rencontre, les exprimentations.
Taille. Nous pensons rarement la taille dans nos rves, mais
nous le faisons souvent dans la vie diurne. La taille varie du plus
petit au plus grand. Changez de taille dans le rve, devenez aussi
petit qu'un insecte, puis aussi grand qu'une montagne. Prenez un
gros problme et rendez-le petit. Prenez une belle petite fleur et
donnez-lui la taille du soleil.
Quantit. Si votre rve comporte un bouddha, faites-en apparatre
cent ou mille. Et s'il y a cent problmes, rduisez-les un. La pratique du rve permet de brler les semences du karma en gestation.
Servez-vous de la claire conscience pour conduire le rve, au lieu
d'tre conduit; rvez au lieu d'tre rv.
Qualit. On s'enlise souvent dans une exprience malsaine parce
qu'on ignore pouvoir la modifier. Vous devez rflchir au changement possible, puis l'effectuer en rve. Quand vous rvez que vous
tes en colre, transformez cette motion en amour. Vous pouvez
transformer la peur, la jalousie, la colre, l'avidit, l'attente incessante, l'aveuglement. Aucune de ces motions n'est utile. Ditesvous que vous pouvez vous en dbarrasser en les transformant.
Vous pouvez mme l'noncer voix haute pour renforcer votre
conviction. Lorsque vous saurez modifier une motion en rve,
vous pourrez en faire autant l'tat de veille. Ainsi progressent la
libert et la flexibilit ; vous ne devez pas vous laisser piger par les
conditionnements antrieurs.
Vitesse. Quelques secondes de rve suffisent pour accomplir
beaucoup de choses, parce que l'on est entirement dans l'esprit.
Dpassez les limites de ces catgories ; ce ne sont que des suggestions. Nous travaillons avec des modles dans notre exprience
- comme la vitesse, la taille, l'manation, etc. - parce que nous
adhrons la croyance en la ralit de ces concepts relatifs.
Dissoudre les limites en esprit conduit la libert qui est la base de
l'esprit. Si vous rvez d'un feu menaant, devenez flamme; d'une
inondation, devenez l'eau. Si un dmon vous poursuit, transformezvous en dmon plus grand. Devenez montagne, lopard, squoia.
Devenez une toile, ou toute une fort. Transformez-vous d'homme
en femme, puis en centaine de femmes. Ou transformez-vous de
femme en desse. Transformez-vous en animal, en faucon volant
haut dans le ciel, ou en araigne tissant sa toile. Transformez-vous
en bodhisattva et manifestez-vous simultanment dans des centaines d'endroits ou dans les trente-trois enfers, pour le bien des
tres qui s'y trouvent. Transformez-vous en Singhamuhka, en
Padmasambhava, ou en quelque autre divinit, yidam ou dakini.
C'est la mme pratique que ces pratiques tantriques dans lesquelles
on se transforme soi-mme. Elle a les mmes objectifs et les mmes
raisons d'tre, mais elle est bien plus facile accomplir en rve;
vous vous transformez vraiment. On dispose en rve d'une infinit
d'expriences de transformation.
Voyagez l o vous avez toujours voulu aller : le Mont Mrou, le
centre de la terre, d'autres plantes, d'autres mondes. Je retourne en
Inde presque chaque nuit - une faon vraiment conomique de
voyager. Allez dans les mondes divins. Voyagez en enfer, dans le
monde du diable. Ce n'est qu'une ide, vous n'en ferez pas vraiment partie. Mais vous relcherez les liens qui ligotent votre esprit.
Prenez part aux pratiques et aux poujas des dieux et des desses.
Participez-y avec les cinq familles de bouddhas. Volez travers la
terre. Dplacez-vous l'intrieur de votre corps. Faites-vous aussi
gros que la terre, puis encore plus gros. Ou aussi petit qu'un atome,
aussi mince qu'un bambou, aussi lger qu'un grain de pollen.
Le fait de dvelopper la flexibilit est plus important que les particularits du rve, de mme que la nature limpide du cristal a plus
d'importance que la couleur de la lumire qu'il lui arrive de reflter. Les suggestions des enseignements ne doivent pas devenir des
limitations supplmentaires. Inventez de nouvelles possibilits et
ralisez-les, jusqu'au point o vous voyez immdiatement que ce
7 - LES OBSTACLES
comme parler l'ami avec lequel vous tes fch; vous pouvez
dcider de le faire.
OUBLI
8 - CONTROLER ET
RESPECTER LES RVES
9 - PRATIQUES SIMPLES
Nous sommes rveills pendant environ seize heures, durant lesquelles l'esprit ne cesse de travailler. Il semble souvent ne pas y
avoir assez de temps, et cependant nous en perdons encore beaucoup en distractions et en expriences dsagrables. On dirait que
le monde moderne ne cesse d'exiger mille choses qui accaparent
l'attention et la dtournent, comme s'occuper de la famille et du travail, regarder des films, faire du lche-vitrines, attendre dans les
embouteillages, parler aux amis, etc. La journe finit par n'tre plus
qu'un embrouillamini menant l'puisement et au besoin accru de
distraction o s'vader. D'instant en instant nous sommes loigns
de nous-mme. Vivre ainsi n'aide aucune pratique, yoga du rve
compris. C'est pourquoi il faut cultiver des habitudes simples et
rgulires pour reprendre contact avec soi-mme, pour devenir plus
prsent.
sensorielle et vite l'esprit de se perdre dans la distraction. Se laisser distraire par une masse de concepts est une habitude que l'on
peut remplacer par une habitude nouvelle : utiliser les sensations du
corps pour aller vers la prsence, pour s'ouvrir la beaut du
monde, l'exprience clatante et nourrissante de la vie, qui se
trouve sous nos distractions. C'est le filigrane d'un yoga du rve
fructueux.
Le premier instant de la perception est toujours clair et brillant.
C'est seulement la distraction de l'esprit qui nous empche de le
reconnatre et d'apprcier chaque moment de la vie. Maintenir la
prsence dans l'exprience s'appuie sur la stabilit de la forme et la
perception vivante du monde sensoriel pour soutenir les qualits de
l'esprit les plus aptes rendre fructueuse la pratique du yoga du
rve.
SE PRPARER POUR LA NUIT
10 - INTEGRATION
La pratique du rve n'est pas destine seulement au dveloppement personnel ou la production d'expriences intressantes. Elle
fait partie du chemin spirituel et ses rsultats peuvent se faire sentir
dans tous les aspects de la vie, en changeant la personnalit du pratiquant et sa relation au monde. La plupart des thmes inclus dans
ce chapitre consacr l'intgration de la pratique du rve dans la
vie du pratiquant ayant dj t traits, ils seront repris ici de faon
concise.
Il existe deux grands niveaux de pratique du yoga du rve,
conventionnel et non-conventionnel, ou dualiste et non-dualiste.
Nous avons commenc par envisager le premier. Il correspond au
travail avec les images et les histoires oniriques, nos rponses aux
expriences et nos motions, aux effets du rve en nous et aux
effets de notre pratique dans le rve, l'accroissement de la
conscience et du contrle.
Le niveau non-conventionnel ne concerne ni le contenu des rves
ni les expriences que nous en avons, mais plutt la claire lumire
non-duelle. Elle est l'objectif final des pratiques du rve et du sommeil.
Nous ne devons jamais dnigrer l'usage dualiste du yoga du rve.
Aprs tout, la plupart d'entre nous, et la plupart du temps, vivons
dans le monde de la dualit et c'est dans notre vie ordinaire que
nous devons parcourir le chemin spirituel. En pratiquant le yoga du
rve, nous transformons la colre en amour, le dsespoir en esprance, ce que nous avons de bless en ce qui est guri et fort. Nous
devenons capables de faire preuve d'habilet dans les circonstances
de la vie et d'aider les autres. Nous acqurons ces savoir-faire
quand nous commenons comprendre vraiment que la vie est
comme un rve et peut s'amnager. Nous pouvons alors faire de la
149
conscient et non-distrait alors que s'lvent les visions de l'aprsmort, dpend des capacits acquises dans le yoga du rve. On dit
que le rve est un test pour le bardo. Incorporer l'tat de rve dans
l'tat intermdiaire, c'est comprendre que les ractions aux lments du rve seront les mmes que les ractions aux lments du
bardo. Cet accomplissement repose sur le dveloppement dans le
rve de la lucidit et de la non-saisie.
Le bardo doit tre inclus dans la claire lumire. C'est le moyen de
parvenir l'veil. Pendant le bardo, il vaut mieux ne pas entrer dans
une relation duelle avec les phnomnes qui surgissent, et rester
dans la prsence non-duelle, dans la pleine conscience sans distraction. C'est rester dans la claire lumire, l'union de la vacuit et de
la pure conscience. La capacit d'y parvenir est aussi l'tape finale
de la pratique du yoga du rve avant la mort : lorsque le pratiquant
s'unit entirement avec la claire lumire, rver prend fin.
Quand on voit de faon directe que l'tat de veille est comme un
rve, la saisie cesse. La lucidit plus grande qui a d tre dveloppe pour progresser jusque-l s'applique naturellement aussi aux
rves nocturnes. Lorsque la lucidit est stable et forte dans le rve,
elle peut se manifester plus tard dans le bardo. Quand, dans le
bardo, on est compltement conscient, et de faon non-duelle, la
libration est atteinte.
Les effets d'une pratique ininterrompue du yoga du rve se font
sentir dans chaque dimension de la vie. Le rsultat de l'aboutissement de la pratique est la libration. Si la pratique n'aboutit pas
des transformations vitales, si l'on n'est pas plus calme, moins
tendu et moins distrait, alors il faut chercher les obstacles, les surmonter, et consulter le matre. Si l'on n'a pas l'impression de progresser sur le chemin, alors il faut fortifier la motivation. Quand les
signes de progrs apparaissent, accueillez-les avec joie et laissezles renforcer votre motivation. Avec de la comprhension et de la
pratique, les progrs viendront srement.
QUATRIME PARTIE
SOMMEIL
sommeil
1- S'ENDORMIR ET DORMIR
153
sommeil 155
S O M M E I L DE L'IGNORANCE
Le sommeil de l'ignorance, que nous appelons "sommeil profond", est une grande obscurit. On dirait une obscurit vieille de
milliers d'annes, mais elle est encore plus ge. Elle est l'essence
de l'ignorance, la racine du samsara. Malgr le nombre de nuits que
nous passons dormir, nuit aprs nuit depuis trente ou soixante-dix
ans, nous ne pouvons pas venir bout du sommeil. Nous y revenons
encore et toujours, comme s'il nous rechargeait, ce qu'il fait.
L'ignorance est l'aliment du samsara. Les tres samsariques que
nous sommes nourrissent leurs vies samsariques en se dissolvant
dans le sommeil de l'ignorance. Nous nous rveillons plus forts,
notre existence samsarique est revigore. C'est la "grande ignorance", parce qu'elle est incommensurable.
Nous prouvons le sommeil de l'ignorance comme un nant, un
vide, dans lequel il n'existe pas de notion de moi, ni de conscience.
Songez une longue journe fatigante, par un temps pluvieux, avec
un dner copieux et le sommeil conscutif qui ne comporte ni clart
ni notion de moi. On disparat. Une manifestation de l'ignorance
dans l'esprit est l'engourdissement mental qui nous attire vers une
telle dissolution dans l'inconscience.
L'ignorance inne est la cause primaire du sommeil. Les causes et
conditions secondaires ncessaires sa manifestation sont lies au
corps et sa fatigue.
SOMMEIL SAMSARIQUE
quand l'objet se dissout, c'est dans la base et, quand le sujet se dissout, c'est dans rigpa. L'exemple est aventur, car il pourrait donner penser que deux choses existent: la base et rigpa. Mais ce
serait mal comprendre. La base et rigpa sont insparables comme
l'eau et l'humidit. On les dcrit comme les deux aspects d'une
mme chose pour nous aider comprendre, pour relier les enseignements la dichotomie apparente du sujet et de l'objet. La vrit
est qu'il n'existe jamais d'objet spar du sujet: il n'existe qu'une
illusion de sparation.
3 - PRATIQUE DU SOMMEIL
ET PRATIQUE DU RVE
-jusqu' zro. Il n'y a rien saisir dans zro, c'est le tigl de l'espace vide, mais le mouvement nous y conduit. Compter rebours
jusqu' la vacuit ressemble au fait de pratiquer avec attributs pour
tre conduit la vacuit de la pratique sans attributs.
En ralit, la pratique du sommeil n'a rien de formel, de sorte
qu'il n'y a rien sur quoi porter l'attention. La pratique et le but sont
identiques : demeurer dans l'union insparable de la clart et de la
vacuit, au-del du clivage dualiste entre celui qui peroit et cela
qui est peru. Il n'existe pas de qualits, pas de haut ni de bas, pas
d'intrieur ni d'extrieur, pas de sommet ni de fond, pas de temps
ni de limites. Il n'existe pas de diffrences du tout. Contrairement
ce qui se passe dans le yoga du rve, l'esprit n'a pas dans le yoga
du sommeil d'objet saisir; on considre que ce yoga est plus difficile que celui du rve. Devenir lucide dans un rve signifie savoir
que l'on rve ; le rve est l'objet de la conscience. Dans le yoga du
sommeil, la connaissance n'est pas celle d'un objet par un sujet;
c'est la reconnaissance non-duelle de la pure conscience, la claire
lumire, par la conscience elle-mme. La conscience sensorielle est
inactive, de sorte que l'esprit qui dpend de sa stimulation est inactif. La claire lumire est comme voir sans il, sans objet et sans
sujet qui voit.
Ce qui se passe la mort est analogue : il est plus difficile d'tre
libr dans le premier bardo, le bardo pur primordial (ka-dag), que
dans le bardo suivant, le bardo de claire lumire {eu-sal) dans lequel
surgissent les images. Au moment de la mort et avant l'apparition
des visions du bardo, il existe un instant o l'exprience subjective
se dissout totalement dans la base. A cet instant n'existe aucun moi
subjectif, comme lorsque l'activit quotidienne s'achve avec la
dissolution dans le sommeil. Nous sommes partis. Puis, les rves
naissent dans le sommeil, ou les images naissent dans le bardo et,
du moment qu'on les peroit, la force des tendances karmiques cre
l'impression d'un moi percevant, qui fait l'exprience des objets de
perception. Replongs dans la dualit, nous poursuivons le rve
samsarique si nous dormons, ou nous acheminons vers une autre
naissance si nous sommes dans le bardo.
Nous pouvons tre librs dans le bardo pur primordial si nous
accomplissons la pratique du sommeil. Sinon, nous affronterons les
visions du bardo suivant, durant lequel nos chances d'tre librs
sommeil 159
CINQUIME PARTIE
LA PRATIQUE DU
YOGA DU SOMMEIL
Le Tantra Mre enseigne qu'une dakini est la protectrice et la gardienne du sommeil sacr. Il est bnfique d'tablir une relation avec
son essence, qui est aussi la nature de la pratique, afin qu'elle puisse
guider et bnir la transition du sommeil inconscient au sommeil
conscient. Son nom est Saldj Deu Dalma (gsal-byed-gdos-bralma), qui signifie "Celle qui clarifie au-del des concepts". Elle est
la luminosit cache au sein de l'obscurit du sommeil normal.
Elle n'a pas de forme dans la pratique du sommeil proprement
dite, mais on se la reprsente au moment de l'endormissement
comme une brillante sphre de lumire, un tigl. On s'imagine plutt une lumire qu'une syllabe (comme celles que l'on emploie
dans le yoga du rve) parce qu'on travaille au niveau nergtique,
au-del de la forme. Nous essayons d'abolir toutes les diffrences
-l'intrieur et l'extrieur, soi et autrui. Lorsque l'esprit cre une
forme, il a l'habitude de penser qu'elle est diffrente de lui, et nous
devons dpasser la dualit. La dakini reprsente la claire lumire.
Elle est ce que nous sommes dj dans notre tat pur : clair et lumineux. Nous devenons elle dans la pratique du sommeil.
Lorsque nous entrons en relation avec Saldj Deu Dalma, nous
nous relions notre propre nature la plus profonde. Nous pouvons
intensifier ce lien en pensant le plus possible Saldj Deu Dalma.
Dans la journe, on peut l'imaginer sous sa forme de sambhogakaya*: magnifique, radieuse, d'un blanc pur. Son corps translucide
est entirement fait de lumire. Elle tient dans sa main droite un
couperet, dans sa main gauche un bol fait d'une calotte crnienne.
Elle rside dans le centre du cur, assise sur un disque lunaire blanc
pos sur un disque solaire dor, reposant lui-mme sur un beau
lotus bleu quatre ptales. Comme dans le gourou yoga, on imagine se fondre en elle et elle en nous, notre essence et la sienne ne
faisant plus qu'un.
O que vous soyez, elle est avec vous, dans votre cur. Quand
vous mangez, offrez-lui la nourriture. Quand vous buvez, offrez-lui
ce que vous buvez. Vous pouvez lui parler. Si vous tes dans un
endroit qui vous permet d'couter, laissez-la vous parler. Cela ne
signifie pas que vous deviez devenir fou, mais vous pouvez vous
servir de votre imagination. Si vous avez lu un livre sur le dharma
et entendu des confrences sur le sujet, imaginez qu'elle vous
donne les enseignements que vous connaissez dj. Laissez-la vous
rappeler de demeurer dans la prsence, d'agir avec compassion,
d'tre attentif, et de rsister aux distractions. Votre matre n'est
peut-tre pas toujours disponible, ni vos amis, mais la dakini l'est.
Faites-en votre compagne de chaque instant et la guide de votre pratique. Vous allez vous rendre compte finalement que la communication commence devenir relle. Saldj Deu Dalma va incarner
votre propre comprhension du dharma et vous la reflter. Lorsque
vous vous souvenez de sa prsence, la pice dans laquelle vous tes
semblera plus lumineuse et votre esprit deviendra lucide : elle vous
enseigne que la luminosit et la lucidit que vous ressentez sont la
claire lumire que vous tes rellement. Entranez-vous pour que
mme les impressions de rupture de contact et la monte d'motions ngatives vous fassent automatiquement vous souvenir d'elle.
Alors la confusion et les piges motionnels servent vous ramener la pleine conscience, comme la cloche d'un temple appelle
commencer la pratique.
Si cette relation avec la dakini vous parat trop trange ou extravagante, vous pouvez avoir envie de la concevoir en termes de psychologie. Ce n'est pas une mauvaise chose. Vous pouvez penser que la
dakini est une entit spare ou un symbole qui vous sert diriger
votre intention et votre esprit. Dans les deux cas, la dvotion et la
rgularit sont des valeurs puissantes pour le cheminement spirituel.
Vous pouvez aussi faire cette pratique avec votre yidam, si vous en
avez un, ou avec une divinit ou un tre veill. Ce sont vos efforts qui
font la diffrence dans votre pratique, pas la forme. Mais il est
galement bon de reconnatre que, selon le Tantra Mre, Saldj
Deu Dalma est spcialement associe cette pratique. Une longue
cohorte de pratiquants a travaill avec sa forme et son nergie ;
tablir une relation avec le pouvoir de cette ligne peut tre d'une
grande aide.
L'imagination est trs puissante. Elle est assez forte pour lier
quelqu'un aux souffrances du samsara pour la dure d'une vie, et
assez forte pour rendre rel le dialogue avec la dakini. Les pratiquants agissent souvent avec le dharma comme s'il tait rigide,
mais il ne l'est pas. Le dharma est flexible et l'esprit devrait tre
flexible avec lui. Il est de votre responsabilit de trouver comment
employer le dharma pour soutenir votre ralisation. Plutt que de
penser ce que sera la journe de demain, ou la dispute que vous
avez eue hier avec le patron, ou la prochaine soire avec votre partenaire, il serait plus utile de crer la prsence de cette belle dakini
qui incarne le but suprme de la pratique. La chose importante est
de dvelopper la rsolution puissante que l'accomplissement de la
pratique ncessite, et la relation d'intimit avec votre vraie nature,
reprsente par la dakini. Adressez-lui aussi souvent que possible
vos prires pour le sommeil de claire lumire. Votre dtermination
se renforcera chaque fois que vous le ferez.
Ultimement, vous devez ne faire qu'un avec la dakini, ce qui ne
veut pas dire prendre sa forme comme dans la pratique tantrique.
Cela signifie rester dans la nature de l'esprit, tre rigpa chaque
instant. Demeurer dans l'tat naturel est la fois le meilleur prliminaire et la meilleure pratique.
2 - PRATIQUE PRLIMINAIRE
3 - PRATIQUE DU SOMMEIL
169
4 -TIGL
visualisation, comme au cours d'une pratique tantrique. Mais l'esprit a besoin de s'accrocher quelque chose ; s'il n'a pas la lumire,
il agrippera autre chose.
Avant d'avoir l'exprience de rigpa, il nous est difficile d'imaginer comment rester conscients, sans un sujet ni un objet de
conscience. Normalement, tre conscient ncessite la prsence d'un
objet. C'est ce que signifie l'affirmation selon laquelle la
conscience est "soutenue" par une forme ou un attribut. Les pratiques au cours desquelles on dissout l'objet visualis ou l'identit
subjective entranent le pratiquant rester conscient alors mme
que disparaissent les supports dualistes de la conscience. Elles nous
prparent au yoga du sommeil mais ne lui sont pas comparables.
Mme la "pratique" est un support. Le vrai yoga du sommeil ne
comporte ni support, ni pratique: le yoga est accompli ou ne l'est
pas, lorsque l'esprit qui repose sur un support se dissout dans la
base.
5 -PROGRES
positifs notables dans la vie - il vaut mieux ne pas accepter cet tat
de choses. Il faut faire des pratiques de purification, examiner si l'on
a rompu ses engagements (samaya) et les rparer, ou travailler avec
le prana et l'nergie corporelle. D'autres pratiques peuvent tre
ncessaires pour dissiper les obstacles ; elles peuvent servir de base
pour accomplir les yogas du rve et du sommeil.
Le pratiquant est comme une plante grimpante qui peut seulement
grandir o elle trouve un support. Les circonstances extrieures
influent fortement sur la qualit de la vie. Essayez par consquent
de passer du temps dans les milieux et avec les personnes qui
encouragent pratiquer, et non l o vous en tes dissuad. Lire des
livres sur le dharma, mditer avec d'autres personnes, assister des
enseignements, s'associer avec d'autres pratiquants, sont autant
d'aides. Il appartient aux pratiquants d'valuer honntement leur
pratique et leurs rsultats. Si cela n'est pas fait, il est facile de
perdre bien des annes en croyant faire des progrs alors qu'en ralit il ne se passe rien.
6 - OBSTACLES
179
7 - PRATIQUES DE SOUTIEN
expression
On trouvera dans ce chapitre les courtes descriptions de pratiques dont la plupart sont recommandes par le Tantra Mre et qui
soutiennent la pratique principale du sommeil.
vocation
d u matre
corporelle
Faire cet exercice peut donner une ide de ce que devrait tre la
concentration dans la pratique. L'exercice commence avec la
lumire et celui qui la peroit, mais l'intention est d'unir les deux.
8 - INTEGRATION
Ds lors que l'on connat rigpa, toute la vie doit y tre intgre.
C'est la fonction de la pratique. La vie a besoin de prendre une certaine forme. Si nous ne la lui donnons pas, c'est le karma qui la dictera. Cela pourrait ne pas beaucoup nous plaire. Avec l'intgration
croissante de la pratique dans la vie, de nombreux changements
positifs vont intervenir.
INTGRATION DE LA CLAIRE LUMIRE ET DES TROIS POISONS
II faut intgrer la claire lumire les trois poisons que sont l'ignorance, le dsir et la haine.
Le yoga du sommeil permet d'intgrer l'ignorance la claire
lumire.
Intgrer le dsir dans la claire lumire ressemble la dcouverte
de la claire lumire dans le sommeil. Lorsque nous sommes perdus
dans l'obscurit du sommeil, la claire lumire nous est cache.
Lorsque nous sommes perdus de dsir, notre vraie nature est aussi
obscurcie. Mais, alors que le sommeil de l'ignorance obscurcit totalement toute chose et mme la notion du moi, le dsir obscurcit
rigpa seulement dans certains cas. Il fait croire une forte sparation entre le sujet et l'objet dsir. Le "besoin d'avoir" est lui-mme
un rtrcissement de conscience provenant du sentiment de manque
qui persiste aussi longtemps que nous ne demeurons pas dans notre
vritable nature. Le dsir le plus pur est l'aspiration la totalit et
la compltude de la pleine ralisation de rigpa mais, comme nous
ne connaissons pas directement la nature de l'esprit, le dsir s'attache d'autres objets.
Si nous observons directement le dsir au lieu de nous attacher
son objet, le dsir se dissout. Et, si nous pouvons demeurer dans la
pure prsence, le sujet dsirant et l'objet dsir vont se dissoudre
dans leur essence vide, rvlant la claire lumire.
183
ne le perd pas pour autant ; nous n'avons pas besoin d'tre anti-plaisir. Quand le sujet et l'objet se dissolvent dans la claire lumire, on
ralise l'union de la vacuit et de la clart, et c'est la flicit.
La faon de traiter la haine ou l'aversion est comparable. Si l'on
observe la colre dans la pure prsence, au lieu de s'y abandonner,
ou de s'identifier elle, ou d'tre men par elle, alors la dualit
obsessionnelle avec l'objet de la colre prend fin et la colre se dissout dans la vacuit. En maintenant la prsence dans cette vacuit,
le sujet se dissout, lui aussi. La prsence dans cet espace vide est la
claire lumire.
Observer dans la pure prsence ne signifie pas que l'on reste un
moi en colre, regardant la colre, mais que l'on est rigpa, l'espace
dans lequel se dploie la colre. Observe de cette faon, la colre
se rsorbe en son essence vide. O se dissout-elle? Dans l'espace.
Il est la clart. Mais la conscience, la prsence, persiste. Elle est la
lumire. Vacuit et prsence sont intgres la colre parce que la
colre n'obscurcit plus la claire lumire. Si nous observons ainsi les
penses, et si l'observateur et l'observ disparaissent tous les deux,
alors on a une certaine exprience de rigpa.
Le Dzogchn n'est pas compliqu. Les textes dzogchn comportent souvent des phrases telles que : "Je suis si simple que vous ne
pouvez me comprendre. Je vous suis si proche que vous ne pouvez
me voir." En regardant au loin, on perd conscience de ce qui est tout
prs. En regardant le futur, on perd le prsent. Il en est ainsi dans
chaque dimension d'exprience.
Selon un dicton tibtain : "Plus il y a de sagesse, moins il y a de
penses." Il suggre un processus deux voies. Plus la pratique
devient claire et stable, moins les penses vont rgir l'exprience.
Certaines personnes s'en effrayent, craignant, en se librant de la
colre, par exemple, de ne plus s'occuper de ce qui va mal dans le
monde, comme si elles avaient besoin de la colre pour se motiver.
Mais cela n'a pas besoin d'tre vrai. En tant que pratiquants, il est
important que nous soyons responsables de notre vie ordinaire. S'il
arrive de mauvaises choses, il faut y remdier; si quelque chose va de
travers, il faut s'en occuper. Mais si nous ne voyons rien qui aille mal,
inutile de chercher de quoi nous occuper. Restons plutt dans l'tat
naturel. Si nous avons de la colre, nous devons travailler sur elle.
Mais si nous n'avons pas de colre, nous ne perdons rien d'important.
185
Je rencontre beaucoup de gens qui se disent dzokchnpas, pratiquants du Dzogchn, et intgrs. Selon un autre dicton tibtain:
"Quand je vais dans les rgions escarpes et dangereuses de la frontire tibto-npalaise, je prie les Trois Joyaux. Quand je redescends
dans la merveilleuse valle fleurie, je chante." Il est facile de se dire
intgr lorsque tout va bien. La survenue d'une forte crise motionnelle est le vrai test : sommes-nous des dzokchnpas ou non ?
La pratique du Dzogchn est prcise. Nous pouvons dcouvrir par
nous-mme quel point nous avons intgr la pratique. Il suffit de
regarder comment nous ragissons aux situations que nous vivons.
Lorsque notre partenaire nous quitte, le partenaire que nous chrissons tant, qu'en est-il de notre intgration? Nous ressentons de la
douleur. Et mme cela doit tre intgr.
INTGRATION AUX CYCLES DU TEMPS
187
191
9 - CONTINUIT
SIXIME PARTIE
PRCISIONS
1-CONTEXTE
La relation entre l'tudiant et le matre est d'une extrme importance dans le tantrisme et le Dzogchn. L'tudiant doit recevoir la
transmission et les instructions du matre, et doit ensuite parvenir
une certaine stabilit dans rigpa. Sans cela, il est difficile de comprendre certaines distinctions essentielles pour le cheminement spirituel, parce qu'elles restent conceptuelles. La nature de l'esprit
transcende les concepts. Sans la comprhension intellectuelle, le
pratiquant a du mal dvelopper l'exprience mais, sans l'exprience, les enseignements peuvent devenir pour lui de l'abstraction
philosophique ou un dogme. Cela ressemblerait tudier la mdecine sans tre capable de diagnostiquer sa propre maladie. La
connaissance inutilise est strile. Penser seulement que l'on est en
rigpa ou que l'on connat la claire lumire ne fait pas de bien.
Connatre la vue et y demeurer ne consiste pas simplement penser aux enseignements et en parler, mais c'est vivre rellement
l'exprience dsigne par les enseignements. Le pratiquant apprend
ce qu'est rigpa en tant rigpa, et dcouvre la sagesse qui est au-del
de l'esprit conceptuel en dcouvrant que sa propre vraie nature est
cette sagesse.
La comprhension intellectuelle exacte du contexte des yogas du
rve et du sommeil aide nanmoins le pratiquant rester bien
orient dans la pratique, viter les erreurs et le prpare reconnatre le fruit de la pratique. Le pratiquant qui comprend bien peut
confronter son exprience l'enseignement et viter de prendre
tort une autre exprience pour celle de rigpa. Mais, en fin de
compte, ces expriences doivent tre mesures l'aune des enseignements oraux donns par le matre l'tudiant au cours d'une
relation suivie, mme si leurs rencontres sont peu frquentes.
2 - ESPRIT ET RIGPA
Nous sommes librs de l'ignorance et de la souffrance lorsque
nous reconnaissons notre vraie nature et y demeurons. Ce qui
reconnat, ce n'est pas l'esprit conceptuel ; c'est l'esprit fondamental, la nature de l'esprit, rigpa. Notre tche essentielle est de percevoir la diffrence, en pratique, entre l'esprit conceptuel et la
conscience pure de la nature de l'esprit.
ESPRIT CONCEPTUEL
La ralit fondamentale de l'esprit est la conscience pure nonduelle: rigpa. Son essence est une avec l'essence de tout ce qui
existe. En pratique, il ne faut pas la confondre avec les tats les plus
subtils, les plus calmes et les plus vastes de l'esprit en mouvement.
Quand elle n'est pas reconnue, la nature de l'esprit se manifeste
sous la forme de l'esprit en mouvement. Quand elle est reconnue
directement, la nature de l'esprit est la fois le chemin de la libration et la libration elle-mme.
Les enseignements dzogchn symbolisent souvent rigpa par un
miroir. Un miroir reflte toute chose sans exprimer de choix, de prfrence, ou de jugement. Il rflchit le beau et l'horrible, le grand et
le petit, le vertueux et le non-vertueux. Il n'existe pas de limites ou
de restrictions ce qu'il peut rflchir. Et pourtant, le miroir reste
immacul et inaffect par ce qui se reflte en lui et ne cesse jamais
de renvoyer les images.
prcisions
197
d'espace lumineux. Ils le sont seulement pour nous, pour notre perception. L'obscurit occupe l'espace mais n'affecte pas l'espace.
Quand la lampe de la conscience est allume, l'espace de kunshi, la
base, s'claire pour nous, mais kunshi n'a jamais t obscur. La nuit
tait le rsultat des obscurcissements ; notre conscience tait prisonnire de l'obscurit de l'esprit ignorant.
4 - CONNAISSANCE
ESPRIT ET MATIRE
prcisions
203
prcisions
5 - RECONNAITRE LA
CLART ET LA VACUIT
205
Ne pouvant dire que peu de chose de ce qu'est l'espace, nous dcrivons habituellement ce qu'il n'est pas. Il en est de mme pour la
vacuit. Bien qu'elle soit l'essence de tout ce qui existe, on ne peut
rien affirmer d'elle car elle est au-del des qualits, des attributs, ou
des rfrences.
Il n'existe rien de plus que ce qui est l l'instant, o que nous
soyons, quoi que nous fassions. Regardez en l'air: l'essence vide
est juste l. Regardez gauche, droite, derrire, dedans: l'essence
vide est l. Rigpa, la nature de notre propre esprit, connat l'essence
et est celle-ci. Nous prouvons parfois un fort dsir d'exprience
spirituelle. C'est trs bien : nous pouvons engendrer la compassion,
faire des visualisations, pratiquer la gnrosit, ou effectuer beaucoup d'autres pratiques. Nous pouvons travailler avec le ct
conceptuel du chemin ou dvelopper en nous certaines qualits.
Mais on ne peut pas travailler avec rigpa. Si nous ne connaissons
pas la base o nous nous tenons l'instant mme, alors nous ne
pouvons pas la trouver moins de cesser de la chercher.
D'un certain point de vue, l'illusion n'existe pas et n'a jamais
exist. La base de toute chose est pure et l'a toujours t. La ralisation directe est toujours accessible, mais elle est inconnue de l'individu. Lorsque nous suivons la Voie, nous essayons d'obtenir cette
connaissance, ce qui implique la pense et l'effort. Essayer, penser,
s'efforcer - dans un certain sens - s'opposent la ralisation de
rigpa. On trouve rigpa quand on ne fournit plus aucun effort, pas
mme celui d'tre soi. Rigpa est l'absence complte d'effort, la
non-fabrication, la perfection spontane. Rigpa est la tranquillit
dans laquelle s'lve l'activit, le silence dans lequel survient le
son, l'espace sans penses dans lequel apparat la pense. Devoir
essayer est l'effet karmique de l'ignorance - nous nous acquittons
du karma de l'ignorance habituelle en essayant de comprendre.
Mais rigpa est en dehors du karma, c'est la conscience de la base,
et le karma sige dans la base. Quand nous reconnaissons et que
nous ralisons rigpa, nous ne sommes plus identifis l'esprit
karmique.
Ce que nous recherchons est plus proche de nous que nos penses
et que notre exprience, parce que la claire lumire fonde toute
exprience. Que signifie alors "l'exprience de la claire lumire"?
A vrai dire, ce n'est pas du tout une exprience, mais plutt l'espace
dans lequel se dploient la subjectivit, le sommeil, le rve et l'exprience vigile. Nous dormons et rvons dans la luminosit de kunshi, l'essence de l'tat d'veil, plutt que d'avoir une exprience de
kunshi en nous. C'est seulement notre point de vue limit qui nous
fait penser la claire lumire comme une exprience que nous
faisons.
Lorsque l'esprit ordinaire se dissout dans la pure conscience de
rigpa, nous voyons la lumire qui a toujours t, nous ralisons ce
que nous sommes dj. Nous pouvons alors penser que c'est "notre
exprience", que c'est quelque chose que nous avons fait en pratiquant. Mais c'est l'espace dans lequel l'exprience qui s'lve se
reconnat elle-mme. C'est rigpa-fils reconnaissant rigpa-mre, la
pure conscience se reconnaissant elle-mme.
quilibre
On parle normalement de la claire lumire en termes positifs vacuit et clart, ou espace et luminosit. Bien que ces deux aspects
forment une unit qui n'a jamais t scinde, on peut, pour faciliter
la pratique, penser eux comme deux qualits qu'il faut quilibrer.
La vacuit sans la clart est semblable au sommeil de l'ignorance: un vide dpourvu d'expriences, sans discriminations ni
entits, mais aussi sans conscience. La clart sans la vacuit ressemble l'tat d'agitation extrme dans lequel les phnomnes de
l'exprience sont considrs comme des entits substantielles, physiques et mentales, qui affectent notre conscience avec l'insistance
d'un rve fivreux. La nuit, cet tat produit l'insomnie. Aucun des
deux extrmes n'est bon. Nous devons les quilibrer de faon ne
jamais perdre la conscience et ne jamais tre pris dans l'illusion
que ce que nous percevons est pourvu d'une existence solide et
autonome.
discrimination
prcisions
207
prcisions 209
6-
MOI
7 - PARADOXE DU MOI
NON-SUBSTANTIEL
prcisions 213
DERNIERS MOTS
prcisions
215
appendice
APPENDICE
217
neuf respirations
purificatrices
renforcer la rsolution
accrotre la clart
Environ deux heures plus tard, rveillez-vous. Toujours allong
dans la posture du lion, faites sept respirations. Concentrez-vous sur
le tigl blanc dans le chakra de l'entre sourcils en vous endormant.
Laissez la lumire blanche dissoudre toute chose, jusqu' ce qu'elle
et vous ne fassiez plus qu'un.
renforcer la prsence
Deux heures plus tard, rveillez-vous nouveau. Adossez-vous
un gros oreiller en croisant lgrement et confortablement les
jambes. Pointez votre attention sur le H O U N G noir du chakra du
cur. Respirez profondment, pleinement et doucement vingt et
une fois. Immergez-vous dans le HOUNG noir et endormez-vous.
dvelopper
l'intrpidit
GLOSSAIRE
bardo (tib. bar do ; set. antarabhava). Bardo signifie "tat entre-deux". Ce
mot dsigne toute tape de transition existentielle - la vie, la mditation,
le rve, la mort - mais s'applique communment l'tat intermdiaire
entre la mort et la naissance suivante.
bun (tib. bon). Le Bun est une tradition spirituelle indigne du Tibet,
antrieure au bouddhisme indien. Bien que les rudits ne s'accordent pas
sur l'origine du Bun, la tradition se rclame d'une ligne ininterrompue
de dix-sept mille ans. Comparable certaines lignes du bouddhisme tibtain, notamment Nyingmapa, le Bun s'en distingue par une iconographie
distincte, une tradition chamanique riche et une ligne propre remontant
au Bouddha Shnrab Miwoch plutt qu'au Bouddha Shakyamouni. Les
neuf vhicules du Bun contiennent des enseignements sur des
matires pratiques, telles la grammaire, l'astrologie, la mdecine, la divination, la pacification des esprits, etc., ainsi que des enseignements sur la
logique, l'pistmologie, la mtaphysique, les diffrents niveaux de tantra
et les lignes compltes de la Grande Perfection (Dzogchn).
canaux (tib. tsa; set. nad). Les canaux sont les "veines" du systme corporel de circulation d'nergie. Ils sont parcourus des courants de l'nergie
subtile qui soutient et anime la vie. Les canaux eux-mmes sont de l'nergie et n'ont aucune dimension physique. Cependant, l'exprience permet
de prendre conscience de leur prsence par la pratique, ou en dveloppant
la sensibilit naturelle.
chakra (tib. khor lo). Littralement "roue" ou "cercle". Chakra est un mot
sanscrit dsignant les centres nergtiques du corps. Un chakra est un lieu
vers lequel convergent un certain nombre de canaux d'nergie (tsa).
Diffrents systmes de mditation travaillent avec diffrents chakras.
chin (tib. shi gnas; set. samatha). "Calme mental" ou "tranquillit". La
pratique du calme mental utilise la focalisation sur des objets extrieurs ou
intrieurs pour dvelopper la concentration et la stabilit mentales. La pratique du calme mental est fondamentale. Elle est la base partir de
laquelle peuvent se dvelopper toutes les autres pratiques suprieures de
mditation. Elle est ncessaire pour les yogas du rve et du sommeil.
dakini (tib. mkha'gro ma). L'quivalent tibtain de dakini est khandroma,
qui signifie littralement "messagre cleste". "Cleste" s'applique ici la
vacuit, dans laquelle se dplace la dakini, signifiant ainsi qu'elle agit en
pleine ralisation de la vacuit, la ralit absolue. Une dakini peut tre une
glossaire
221
dharma (tib. chos). Terme trs vaste ayant plusieurs significations. Dans
le contexte de ce livre, le dharma est la fois l'enseignement spirituel qui
remonte aux bouddhas et le chemin spirituel lui-mme. Dharma signifie
aussi existence.
gong-ter (tib. gong gter). Il existe une tradition des termas dans la culture
tibtaine. Ce sont des objets sacrs, des textes, des enseignements, cachs
par les matres d'une autre poque pour le bien de l'ge futur dans lequel
ces termas seront dcouverts. Les matres tantriques qui trouvent les termas sont appels terteuns, dcouvreurs de trsors. Les termas ont t, et
sont encore, dcouverts dans des lieux matriels comme les grottes et les
cimetires, ou dans les lments comme l'eau, le bois, la terre, l'espace ;
on peut les recevoir en rve ou par des visions. On peut aussi les trouver
dans les niveaux profonds de la conscience, et l'on parle alors de gong-ter,
trsor de l'esprit.
dharmakaya (tib. chos sku). Il est dit qu'un bouddha a trois corps (kaya) :
dharmakaya, sambhogakaya et nirmanakaya. Le dharmakaya, souvent traduit par "corps absolu", se rfre la nature absolue du bouddha, commune tous les bouddhas et identique la nature absolue de tout ce qui
existe, savoir la vacuit. Le dharmakaya est non-duel, vide de conceptualisation et libre de toute caractristique, (voir sambhogakaya et nirmanakaya)
djalu (tib. ja lus). Le "corps d'arc-en-ciel". Dans le Dzogchn, le signe
qui manifeste la pleine ralisation est l'obtention du corps d'arc-en-ciel.
Le pratiquant dzogchn ralis - qui n'est plus dans l'illusion d'une matrialit apparente ou de la dualit esprit/matire - libre l'nergie des lments constitutifs du corps physique au moment de mourir. Le corps se
dissout l'exception des ongles et des cheveux, et le pratiquant entre
consciemment dans la mort.
Dzogchn (tib. rdzogs chri). La "grande perfection", le "grand accomplissement". Le Dzogchn est considr comme l'enseignement et la pratique suprmes dans le Bun et dans l'cole Nyingma du bouddhisme
tibtain. Sa doctrine fondamentale affirme que la ralit, incluant l'individu, est dj complte et parfaite, qu'il n'existe rien transformer
(comme dans le antrd) ou quoi il faille renoncer (comme dans les soutras), qu'il suffit de reconnatre ce qui est vraiment. La pratique essentielle
du Dzogchn est "F auto-libration" : laisser tout ce qui survient exister tel
que cela survient, sans laboration de l'esprit conceptuel, sans saisie ni
aversion.
empreinte karmique {tib. bag chags). Toute action, physique, orale ou
mentale entreprise intentionnellement et avec ne serait-ce qu'un peu
d'aversion ou de dsir par une personne laisse une empreinte dans son
courant de conscience. L'accumulation de ces empreintes karmiques
conditionnera chaque moment vcu par l'individu, de faon positive ou
ngative.
gardiens (tib. srung ma / chos skyong ; set. dharmapala). Les gardiens
sont des tres masculins ou fminins vous la protection du dharma (les
enseignements) et du pratiquant de ces enseignements. Ils peuvent tre des
karma (tib. las). Karma signifie en ralit "acte", mais renvoie plus gnralement la loi de causalit. Toute action, physique, orale ou mentale est
une "graine" qui portera des "fruits", ou consquences, dans le futur
lorsque les conditions en seront runies. Les actes positifs ont des effets
positifs, tel le bonheur ; les actes ngatifs ont des effets ngatifs, tel le malheur. Le karma n'implique pas que la vie soit pr-dtermine, mais que les
vnements se produisent partir des actions passes.
kunshi (tib. kun gzhi). Le kunshi est, dans le Bun, la base de tout ce qui
existe, y compris l'individu. Il n'est pas synonyme de Yalaya vijnana du
Yogachara, qui ressemble au kunshi namsh (voir infra). Le kunshi est
l'union de la vacuit et de la clart, l'union de l'absolue indtermination
ouverte de la ralit ultime et du dploiement infini de l'apparence et de la
conscience. Le kunshi est la base, ou fondement, de l'tre.
kunshi namsh (tib. kun gzhi rnam ches; set. alaya vijnana). Il s'agit de
la conscience de base de l'individu. C'est "l'entrept", le "magasin" o
sont stockes les empreintes karmiques d'o naissent les futures expriences conditionnes.
lama (tib. bla ma ; set. guru). Lama signifie littralement "mre suprme"
et s'applique un matre spirituel, dont l'importance est insurpassable
pour le pratiquant. La tradition tibtaine considre que le lama est plus
important que le bouddha, car c'est le lama qui donne vie aux enseignements pour l'tudiant. Au niveau ultime, le lama est notre propre nature de
bouddha. Au niveau relatif, il est notre enseignant personnel.
loka (tib. jig rteri). Littralement : "monde" ou "systme de mondes". Loka
est souvent employ pour dsigner les six mondes de l'existence cyclique,
mais le mot s'applique en ralit un systme plus grand d'univers dont l'un
contient les six mondes (voir six mondes de l'existence cyclique).
glossaire
loung (tib. rlung ; set. vayu). C'est le vent d'nergie vitale habituellement
dsign en Occident par l'un de ses noms sanscrits, prana. Loung a une
grande palette de significations: dans le contexte de ce livre il s'agit de
l'nergie vitale dont dpendent la fois la vitalit du corps et la
conscience.
ma-rigpa (tib. ma rig pa\ set. avidya). Ignorance. C'est l'ignorance qui
consiste ne pas connatre la vrit, la base, kunshi. On dcrit souvent
deux varits d'ignorance, inne et culturelle.
nirmanakaya (tib. sprul sku). Le nirmanakaya est le "corps d'manation"
du dharmakaya. C'est la manifestation visible, matrielle, d'un bouddha.
Le mot connote aussi la matrialit.
prana (voir loung).
rigpa (tib. rig pa; set. vidya). Littralement: "conscience" ou "connaissance". Ce mot dsigne la connaissance de la vrit, la conscience inne,
la vraie nature de l'individu, dans les enseignements dzogchn.
rinpoch (tib. rin po ch). Littralement : "le prcieux". Appellation honorifique d'usage l'gard d'un lama incarn.
samaya (tib. dam tshig). Engagement ou vu. Dsigne communment les
engagements de comportement et d'actes pris par l'adepte d'une pratique
tantrique. Il existe des vux gnraux et des vux spcifiques certaines
pratiques.
sambhogakaya (tib. longs sku). Le "corps de jouissance" d'un bouddha.
Le sambhogakaya est un corps entirement fait de lumire, souvent visualis dans les pratiques tantriques et soutriques. Dans le Dzogchn, on
visualise plus souvent l'image du dharmakaya.
samsara (tib. 'khor ba). Le monde de la souffrance qui nat de l'esprit
aveugl fonctionnant en mode duel, o tout est impermanent, dpourvu
d'existence inhrente, et o tous les tres souffrent. Le samsara comprend
les six mondes d'existence cyclique mais dsigne gnralement le mode
d'existence des tres qui souffrent du fait de leur emprisonnement dans les
illusions de l'ignorance et de la dualit. Le samsara prend fin lorsqu'un
tre atteint la libration totale de l'ignorance, le nirvana.
Shnla Eukar (tib. gShen IHa ' od dkar). Shnla Eukar est la forme sambhogakaya du bouddha Shnrab Miwoch, fondateur du Bun.
six mondes d'existence cyclique (tib. rigs drug). Nomms communment
"les six mondes" ou les "six lokas". On y trouve six classes d'tres : dieux,
demi-dieux, humains, animaux, esprits avides, esprits infernaux. Les tres
des six mondes prouvent la souffrance. Ce sont des mondes rels dans
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lesquels naissent des tres, et aussi de vastes zones exprientielles et affectives d'expriences potentielles qui forment et limitent mme notre exprience dans la vie prsente.
soutra (tib. mdo). Les soutras sont les textes recensant les paroles du
Bouddha historique. L'enseignement des soutras expose la voie du renoncement et fonde la vie monastique.
tantra (tib. rgyud). Les tantras sont des enseignements des bouddhas,
comme les soutras, mais beaucoup sont des termas re-dcouverts par des
yogis. Les tantras reposent sur la voie de la transformation et comprennent
des pratiques telles que le travail sur l'nergie, le transfert de conscience,
les yogas du rve et du sommeil, ainsi de suite. Certaines classes de tantra, du chemin de la transformation non-graduelle, peuvent aussi contenir
des enseignements sur le Dzogchn.
Tapihritsa (tib. ta pi hri tsa). Bien qu'il soit considr comme un personnage historique, Tapihritsa est reprsent sous l'aspect dharmakaya d'un
bouddha, nu, sans ornements, personnifiant la ralit absolue. Il est l'un
des deux matres principaux de la ligne dzogchn du Shang Shoung Nyn
Gyud.
tcheu (tib. geod). Littralement : "couper travers", "trancher".
Egalement dsigne comme "l'emploi opportun de la peur" et "la pratique
du don", la pratique de tcheu est un rituel destin se dfaire de tout attachement son propre corps et l'ego, en donnant avec compassion aux
autres tres tout ce que l'on est. On utilise cet effet l'vocation labore
de classes d'tres varies et le dpeage imaginaire de son propre corps
dont les lments sont transforms en objets et substances d'offrande. Le
rituel comporte des chants mlodieux et l'emploi de tambours, de cloches
et de cors ; on l'effectue gnralement dans des lieux qui inspirent la peur :
charniers, cimetires, cols isols.
tigl (tib. thig l ; set. bindu). Tigl a de nombreux sens selon le contexte.
Il est gnralement traduit par "goutte" ou "point sminal", mais, dans le
contexte des yogas du rve et du sommeil, il dsigne une brillante sphre
de lumire qui reprsente une qualit de la conscience et sert de point de
focalisation.
trois poisons racines. Ce sont l'ignorance, l'aversion et le dsir, les trois
afflictions fondamentales qui perptuent la continuit de la vie dans le
monde de la souffrance.
tsa (voir canaux).
yidam (tib. yid dam ; set. devata). Le yidam est une divinit tutlair ou de
mditation incarnant un aspect de l'esprit veill. Il existe quatre