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LA NOTION DE SERVICE PUBLIC
Le service public (SP) est la premire activit de l'Administration. Elle
correspond un besoin ressenti par les administrs. Le SP est une activit mene par une personne publique ou sous son contrle en vue de satisfaire un besoin d'intrt gnral. Parce que l'activit doit rpondre l'intrt gnral, elle doit tre assure par l'Administration ou au moins sous son contrle. Elle doit tre soumise des rgles spciales : il y a un rgime juridique spcifique des SP ; ce rgime est trs largement imprgn des rgles de droit public. Pendant longtemps, la notion de service public a t considre comme la notion du droit administratif franais. On a pu considrer que le droit administratif tait le droit des SP, c'est--dire que l'essentiel des rgles du droit administratif tait constitu par les rgles rgissant le SP. Aujourd'hui, il semble que la notion est moins essentielle qu'auparavant.
SECTION 1 : L'ORIGINE DE LA NOTION
L'origine de la notion est jurisprudentielle. L'expression est employe dans une dcision du Tribunal des Conflits dans l'Affaire Blanco, en date du 8.02.1873. Cette dcision est passe inaperue de la doctrine l'poque : elle n'a pas tait analyse dans les manuels juridiques. C'est un peu plus tard qu'une dcision du Conseil d'tat va rveiller les esprits, dans un arrt du 04.03.1910 dit arrt Thrond, reproduit sous le numro 24 des Grands Arrts. Cet arrt a t comment au Recueil Sirey par Maurice Hauriou, et la Revue du droit public par Gaston Jze. A partir de 1910, la doctrine va faire de cette notion le centre du droit administratif. Pour ces auteurs, la notion est trs importante. Elle n'est pas un aspect de l'action administrative, elle est aussi le critre de la comptence des juridictions administratives. Enfin et surtout, le SP caractrise le droit administratif : celui-ci est le droit des SP. Pour Duguy, ltat est l pour servir : Trait de droit constitutionnel, Tome 2, p. 54 (1923) : "ltat n'est pas comme on a voulu le faire et comme on a cr quelques temps qu'il tait une puissance qui commande, une souverainet, il est une coopration de SP organise et contrle par des gouvernants." Duguy et l'Ecole du SP s'opposent la conception traditionnelle de tat et de sa souverainet. D'aprs Duguy, trois lments constitueraient le service public : un 1
lment organique (tout SP doit tre gr par une personne publique),
un lment formel (tout SP est soumis un rgime juridique diffrent du droit priv), un lment fonctionnel ou matriel (tout SP a pour objet la satisfaction de l'intrt gnral).
SECTION 2 : LA DEFINITION ACTUELLE
On s'aperoit qu'assez tt, certains des lments considrs par la doctrine comme constitutifs du SP ne sont pas prsents dans la Jurisprudence. Dcision du Tribunal des Conflits du 22.01.1921 (Grands Arrts n 40) : la colonie de Cte d'Ivoire exploitait le bac d'Eloka ; une nuit, le bac coule au milieu de la lagune et emporte par de l mme des vhicules ; la responsabilit de la colonie va tre engage. Quel est le juge comptent ? On soutenait qu'il y avait l intervention d'une personne publique qui agissait dans l'intrt gnral ; en consquence, on a t tent de dire qu'il s'agissait d'un SP. Pourtant, le Tribunal des Conflits estime que la comptence doit tre judiciaire, car ce SP doit tre rgi par les rgles de droit priv : c'est une activit commerciale. Cette conception s'carte donc de la doctrine. Parfois, certains SP peuvent tre rgis par des rgles de droit priv, ils ne seront pas seulement rgis par des rgles de droit public. Arrt du Conseil tat du 13.05.1938, Caisse primaire, Aide et Protection (Grands Arrts n59) : il est ici question de rgimes de services grs par des tablissements privs. Pourtant, dans cette affaire, le Conseil tat se dclare comptent : il estime qu'il a face lui un SP. Le lgislateur est intervenu dans les lois de nationalisation en 1944 notamment. Il va considrer que certaines entreprises jusque l prives avaient la charge de SP. Ces entreprises doivent tre nationalises. Mais ces entreprises ne seront pas forcment soumises un rgime de droit public : elles vont tre soumises un mlange de rgles de droit priv et de droit public. Certaines de ces entreprises pourtant publiques dans leur nature prendront parfois la forme de personnes prives, et notamment de socits anonymes. En consquence, les lments classiques constituant les SP n'ont plus la mme valeur. Seul l'lment fonctionnel subsiste : la recherche de l'intrt gnral. On peut constater un autre lment qui ne fait pas partie 2
de ceux de Duguy : c'est l'lment subjectif.
Paragraphe 1 : La conception fonctionnelle
Il y a un cart entre la vision qu'a le grand public, les citoyens, du SP, et la notion jurisprudentielle du SP. Dans la conception courante, l'expression de SP est plutt comprise de faon organique : tous les services qui dpendent d'un organe public. Dans la conception jurisprudentielle et lgislative, la notion de SP vise une activit, une mission, c'est--dire que la notion n'est pas organique mais fonctionnelle ou matrielle. Cette activit peut tre exerce par des personnes publiques, mais il peut galement y avoir des activits de SP gres par des personnes prives. L'activit est caractrise non pas par la personne qui la mne, non pas par le rgime qui l'emploie (public, priv, mixte), mais par la fonction qui lui est assigne : c'est une activit exerce dans l'intrt gnral, qui est la fois le but et la justification de l'activit. L'activit est un SP parce qu'elle est mene dans l'intrt gnral. On peut dire d'abord que l'activit d'intrt gnral est une activit socialement trs importante, fondamentale, c'est--dire que l'exercice de cette activit prsente un intrt essentiel pour le bon fonctionnement d'un groupe social donn. L'activit prsente un intrt gnral majeur : sans cette activit, la socit ne peut pas fonctionner.
Paragraphe 2 : L'aspect subjectif
Les plus anciens auteurs qui ont crit sur le SP ont eu une vision subjective des SP. Gaston Jse, Principes gnraux du droit administratif, p. 16 (1930) : "Sont uniquement exclusivement des SP les besoins d'intrt gnral que les gouvernants, dans un pays donn, une poque donne, ont dcid de satisfaire par le procd du SP" ; "l'intention des gouvernants est seule considrer". Pour Gaston Jse, le SP est un besoin d'intrt gnral que l'on va satisfaire par un SP. Aujourd'hui, on ne peut pas dresser la liste thorique des activits qui sont toujours des SP. La doctrine a abandonn l'ide des SP rels et des SP virtuels (ceux qui devraient l'tre) : il n'y a pas de SP virtuels. On peut constater qu'aujourd'hui en France, telle activit est qualifie de SP lorsqu'elle remplit un intrt gnral, et ceci par un texte (loi ou jurisprudence). C'est l'intention des gouvernants qui est importante. Cet aspect subjectif peut tre rvl de deux faons : l'intention peut tre 3
expresse ; elle peut tre cache : il faut alors la dcouvrir ; le juge va la
rechercher, au moyen d'indices. Souvent, on voit le juge se rfrer l'intention exprime par le lgislateur de faon expresse. Deux arrts : Arrt du Conseil d'Etat du 02.04.1943 dit arrt Bouguen : le lgislateur a entendu faire de l'organisation et du contrle de l'exercice de la profession mdicale un SP. Dcision du 28.03.1955 du Tribunal des Conflits dit arrt Effimieff (Grands Arrts n91) : le Tribunal indique que "le lgislateur a ainsi expressment manifest une intention d'assigner ces organismes une mission de SP." Le juge, si l'intention est cache, va constater que les organismes chargs de grer cette activit sont dots de certains pouvoirs qu'ont habituellement des personnes prives. Arrt du Conseil d'Etat du 20.04.1956, affaire Epoux Bertin, (Grands Arrts n92) : le Conseil, considrant qu'il rsulte de l'ensemble des dispositions de ladite loi et notamment de la facult qu'elle a donn aux rglements d'administration publique d'imposer aux propritaires certaines obligations pour leur excution que le lgislateur a entendu crer un SP.
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