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Bidonville Documentatie

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LES BIDONVILLES EN INDE

UN MODLE DHABITAT URBAIN ALTERNATIF


Cas de Chennai, Tamil Nadu

nonc Thorique - Salom HOULLIER - EPFL - 2013


LES BIDONVILLES EN INDE
Un modle dhabitat alternatif
Cas de Chennai, Tamil Nadu

nonc thorique du projet de diplme

EPFL, Ecole Polytechnique Fdrale de Lausanne

SAR, Section darchitecture

Groupe de suivi
Yves Pedrazzini
Monique Ruzicka-Rossier
Tobias Baitsch

Expert
Patrick Mestelan

Etudiante
Salom Houllier

Janvier 2014
REMERCIEMENTS
Je tiens remercier les personnes ci-dessous, qui mont aid dune manire ou dune
autre dans llaboration de ce travail de diplme :
Durganand Balsavar, architecte dARTES Chennai, qui a permis ltude de ce
travail en maccueillant dans son bureau, en me guidant, en maidant dvelopper et ap-
profondir le corps de ce travail grce ses nombreuses connaissances sur le thme et en
organisant les diffrentes visites ralises sur place.
Vinaya, stagiaire ARTES qui a particip ltude ralise Chennai, en
maccompagnant lors des visites et en agissant en tant que traductrice lors des interviews
auprs des habitants.
Mahesh Radhakrishnan, architecte moad, pour son soutien, ses conseils et ses
contacts.
Anna University, Chennai, qui ma ouvert ses archives et sa bibliothque, livres et
surtout projets de diplmants.
Srivathsan A., diteur en architecture et urbanisme dans le journal The Hindu, qui
ma donn une interview concernant ltat des bidonvilles Chennai.
Lquipe de Peoplebuildingbettercities pour leur exposition et confrences sur les
bidonvilles dans le monde.
Priti Narayan de lorganisation TransparentChennai pour toutes ses informations sur
les projets de rhabilitation Chennai.
U. Manimekalai, deputy planner au Tamil Nadu Slum Clearance Board qui a
accept de se librer pour mexpliquer les normes du TNSCB ainsi que pour les diffrents
documents quelle a bien voulu fournir (plans des projets, photos...).
Enfin, merci au groupe de suivi de lEPFL, Yves Pedrazzini, Monique Ruzicka-
Rossier et Tobias Baitsch.
Par ailleurs je tiens aussi remercier Ben, Ann, Anuja, Dhivya et Ashwin pour leurs
conseils et accueil Chennai.
PRFACE
Ce travail se fait dans le cadre dun diplme darchitecture de lEcole Polytechnique
Fdrale de Lausanne (EPFL), Suisse. Ce diplme, qui conclut six annes dtudes, se
droule sur une anne et est divis en deux parties : un premier semestre au cours duquel
je ralise ce travail, nonc thorique qui porte sur un sujet choisi et qui forme la base dun
projet dvelopp lors du second semestre.
Cet nonc porte sur les phnomnes durbanisation incontrls en Inde, leurs con-
squences sur les habitats des classes les plus dfavorises et sur un phnomne univer-
sel dans le monde : le dveloppement des bidonvilles. Le travail cherche dans un premier
temps offrir une rflexion gnrale sur la problmatique cite, puis dvelopper une vi-
sion plus subtile, cherchant montrer que les bidonvilles peuvent avoir des aspects positifs,
aussi bien dans leur dveloppement dans la ville que dans leur forme.
Ce choix a tout dabord dcoul dun pass personnel en lien avec lInde et dune envie
de transmettre cette connaissance et sentiment vis--vis du pays. En outre, traiter des ph-
nomnes durbanisation et des bidonvilles est un sujet contemporain et pressant en Inde,
comme dans la plupart des autres pays du Sud ; lhabitat est un des droits les plus fonda-
mentaux dans la ville, mais est peu offert aux nouveaux citoyens urbains.
A travers ce travail je cherche comprendre les problmatiques des nouvelles villes
indiennes, dvoiler la complexit et la richesse qui dfinissent toute lInde et rvler sa
beaut inhrente quon peut retrouver mme dans ses bidonvilles.

Salom Houllier,
Lausanne, Janvier 2014
TABLE DES MATIRES
CHAPITRE 1 INTRODUCTION 1

1.1. UN MONDE URBAIN 1


1.2. LES BIDONVILLES UN PHNOMNE UNIVERSEL 5
1.3. LES BIDONVILLES UNE IMAGE NGATIVE 9
1.4. PROBLMATIQUE DE LNONC 11
1.5. MTHODOLOGIE ET DMARCHE 13

CHAPITRE 2 PHNOMNES DURBANISATION EN INDE 15

2.1. INTRODUCTION 15
2.2. RLE ET IMPACT DU BRITISH RAJ 19
2.3. URBANISATION MODERNE MENACE ET ESPOIR 21
2.4. LE VISAGE DES VILLES INDIENNES 24
2.5. STRATGIE DHABITER 27
2.6. MIGRATIONS 30
2.7. INGALITS ET PAUVRET URBAINE 34
2.8. UNE HISTOIRE URBAINE INFORMELLE 36
2.9. LA VILLE CINTIQUE 39
2.10. CONCLUSION LA VILLE, UN ORGANISME VIVANT 41

CHAPITRE 3 THORIE DES SLUMS 43

3.1. ORIGINES 43
3.2. DFINITION GNRALE 45
3.3. LES BIDONVILLES EN INDE 47
3.4. REPRSENTATION DES SLUMS PAR LES INDIENS 49
3.5. LES MESURES DU GOUVERNEMENT 53
3.6. LA NATURE DES BIDONVILLES 57
3.7. UNE POPULATION INVISIBLE MAIS FORTE 60
3.8. IDENTIT ARCHITECTURALE DUN SLUM 63
3.9. LE RLE DE LARCHITECTE 65
3.10. CONCLUSION UN MONDE PARALLLE SURRALISTE 71

CHAPITRE 4 CONTEXTE LOCAL : CHENNAI 73

4.1. CHENNAI DANS LINDE 73


4.2. URBANISATION DE LA VILLE 76
4.3. LES BIDONVILLES CHENNAI 78
4.4. LES POLITIQUES DE SLUMS DE LA VILLE 82
4.5. PROJETS DE RHABILITATION PAR LE GOUVERNEMENT 85
4.6. TUDE DE CAS 91
4.7. CONCLUSION LARCHITECTURE VERNACULAIRE ET LE SLUM 113

CHAPITRE 5 CONCLUSION 115

5.1. LES BIDONVILLES UN PHNOMNE RADIQUER ? 115


5.2. LES BIDONVILLES UN MODLE DHABITAT ALTERNATIF 117
5.3. LE PROJET 120

GLOSSAIRE 123

BILBIOGRAPHIE 124
AN URBAN MANIFESTO

I believe in the cities of India.


Like the wheat fields of Punjab, and the coalfields of Bihar,
they are a crucial part of our national wealth.

1 They generate the skills we need for development :


Doctors, nurses, lawyers, administrators, engineers
not just from the great metropolises, Mumbai, Delhi,
Kolkata and Chennai, but from a hundred smaller urban
centres across the country.

2 Cities are engines of economic growth :


There is no way, either politically or morally, that we can
divert rural funds to develop towns and cities. On the
contrary, cities, properly managed, can generate surplus
funds not only for their own development, but to help
subsidize the surrounding rural areas as well.

3 Cities are centres of hope : Too often we look at our


cities from our own self-centered point of view. So we
see only the shortages, the failures. But for millions and
millions of migrants, landless labour and wretched have-
nots of our society, cities are perhaps their only hope,
their only gateway to a better future.

CORREA, Charles
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. UN MONDE URBAIN
Sometime in the next year or 2, a woman will give birth in the Lagos slum of Ajegungle,
a young man will flee his village in west Java for the bright lights of Jakarta, or a farmer
will move his impoverished family into one of Limas innumerable pueblos jovenes. The
exact event is unimportant and it will pass entirely unnoticed. Nonetheless it will constitute
a watershed in human history, comparable to the Neolithic or industrial revolution. For the
first time the urban population of the earth will outnumber the rural.
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
March Oshodi, Lagos, Nigeria
Depuis 2007, pour la premire fois dans lHistoire, la population mondiale est major- theguardian.com
itairement urbaine : selon la Banque Mondiale, la population urbaine a atteint 52,6% en
2012 (illustration 1) et dici 2050, 75% de la population vivra dans des villes (illustration 2).
En effet, ces dernires dizaines dannes la Terre a connu une explosion du monde
urbain, reprsent par les grandes agglomrations. Par exemple, en 1950, seules 86 villes
possdaient une population qui dpassait un million dhabitants ; aujourdhui, il y en a 400
et on en prdit 550 dici 2015. Depuis 1950, laugmentation de la population urbaine qui-
vaut au 2/3 de celle de la population globale1.
A la suite de la rvolution industrielle, la majorit de la population est devenue urbaine
Rue en Inde
dans les pays les plus dvelopps. En revanche on voit que dans la plupart des pays dits
dopalruka.blogspot.ch
du Sud, la population reste encore majoritairement rurale, en particulier en Afrique cen-
trale et en Asie du Sud (illustration 3). Mais la situation est en train de changer : depuis ces
dernires dcades, ces pays connaissent une urbanisation froce. En effet, la croissance
urbaine mondiale est concentre 95% dans les pays en dveloppement et cinq millions
de nouveaux habitants viennent sinstaller chaque mois dans leurs villes2.

Shanghai, Chine
Notes
china-mike.com
1
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
2
vedura.fr/social/logement/bidonvilles-pauvrete-urbaine
1
57.5

55.0

52.5

50.0

47.5

45.0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Illustration 1 - Proportion de la population urbaine mondiale en pourcentage
Source: Banque Mondiale

1900
2 personnes sur 10 vivent
dans une aire urbaine

1990
4 personnes sur 10 vivent
dans une aire urbaine

2010
5 personnes sur 10 vivent
dans une aire urbaine

2030
6 personnes sur 10 vivent
dans une aire urbaine

2050
7 personnes sur 10 vivent
dans une aire urbaine
Aire urbaine: ville avec une population de plus de 10 millions (UN-HABITAT) Population urbaine (% du total)
10% 100%

Illustration 2 - Population urbaine et rurale dici 2050 Illustration 3 - Population urbaine dans le monde
Source: udconnect.net/2050-urbanization/ Source: Banque Mondiale
2
Et bien quauparavant, le monde occidental possdait la majorit des plus grandes
villes, cest aujourdhui dans les pays en dveloppement que se trouvent les villes les plus
peuples du monde (illustration 4 et 5). Cette nouvelle urbanisation ne fait que commencer
dans ces rgions, et personne nest vraiment sr de sa force ni de ses consquences ; par
exemple, dici 2025, lONU prvoit que la population urbaine de Mumbai, Inde, dpasse les
25 millions dhabitants.
On voit ainsi que le regard se tourne maintenant vers le Sud, l o les nouveaux enjeux
se trouvent. En effet, cette nouvelle urbanisation, en partie due une migration ingrable,
provoque de grandes ingalits dans les villes et la cration de ce quon appelle les pauvres
urbains invitant alors la gense de nouvelles structures urbaines conomiques et sociales
le secteur informel et de nouvelles formes urbaines les bidonvilles.
Que dire de ces nouvelles formes urbaines? Sont-elles une simple consquence de la
pauvret urbaine ou refltent-t-elles une nouvelle re? Par ailleurs, jusquo peut rellement
aller cette urbanisation ? Faut-il la contrler ? En effet, laugmentation de la taille des villes
pose aujourdhui de nombreuses questions, en matire de pollution, de conservation de
lenvironnement, ou encore de logement et de planification urbaine.

3
1950 2010
35

35

36,670,000
30

30
25

25
POPULATION EN MILLIONS

POPULATION EN MILLIONS
20

20

22,160,000

20,260,000
12,340,000

20,040,000

19,460,000

19,430,000
11,270,000
15

15

16,580,000
8,360,000

15,550,000

14,650,000
6,520,000

13,120,000
10

10
5,360,000

5,100,000

5,000,000

4,510,000

4,300,000

4,150,000
5

5
0

0
USA JAPON LONDRES FRANCE RUSSIE ARGENTINE USA INDE CHINE JAPON JAPON INDE BRESIL INDE MEXIQUE USA CHINE INDE BANGLADESH PAKISTAN
NEW YORK
TOKYO

ANGLETERRE

PARIS

MOSCOU

BUENOS AIRES

CHICAGO
KOLKATA
SHANGHAI
OSAKA-KOBE

TOKYO
DELHI
SAO PAULO
MUMBAI

MEXICO CITY

KOLKATA

DHAKA

KARACHI
NEW YORK
SHANGHAI
Illustration 4 - Les dix villes les plus peuples du monde en 1950 Illustration 5 - Les dix villes les plus peuples du monde en 2010
Source: ONU, Department of Economic and Social Affairs, 2010 Source: ONU, Department of Economic and Social Affairs, 2010

4
1.2. LES BIDONVILLES UN PHNOMNE UNIVERSEL
Poverty is not natural... it is manmade, and can be overcome by the actions of human
beings.
MANDELA, Nelson, 2005.

A cause des migrations rurales-urbaines dues lurbanisation et au dveloppement


des villes, les nouveaux habitants urbains se concentrent dans les bidonvilles qui sont en
pleine en expansion dans les pays en dveloppement. En 2008, un milliard de personnes
vivaient dans les bidonvilles, soit une personne sur six dans le monde, et ce chiffre continue Bidonville Mumbai, Inde
boston.com
daugmenter3. Il est prvu que dici 2030, deux milliards de personnes vivront dans des
bidonvilles, ce qui fait deux la forme dhabitat urbaine la plus importante du 20me sicle4.
Aujourdhui, on a tendance associer bidonvilles et pauvret aux pays du Sud, mais il
faut savoir que ce ne sont pas des structures urbaines inhrentes ces pays ; les bidon-
villes sont en fait des logements inadquats la vie humaine ; dans ce sens, beaucoup
de quartiers dans le monde peuvent tre vus comme des bidonvilles. En effet, il existait de
nombreux bidonvilles en Europe et aux Etats-Unis avant la rvolution industrielle (Dublin
tait un exemple fort en matire de quartiers insalubres, de mme que certains quartiers de
Londres ou encore Naples), qui suite cette dernire ont disparu petit petit grce de
Bidonvilles de Toronto, 1936
nouvelles politiques de logement. wikimedia.com
De plus, encore aujourdhui en Europe comme aux Etats-Unis, on peut retrouver des
structures urbaines quon pourrait assimiler des bidonvilles : par exemple, les quartiers
Roms en France suivent certaines caractristiques des bidonvilles des pays en dvelop-
pement : ils se trouvent gnralement aux frontires des villes, sur des terrains vagues et
abandonns ou le long des voies de chemin de fer, et sont souvent sans installations sani-
taires fournies par la ville, laissant ses habitants labandon (illustration 6).

Notes Bidonville de lpoque victorienne,


Londres, 1872
3
vedura.fr/social/logement/bidonvilles-pauvrete-urbaine
bbc.co.uk
4
UN-HABITAT
5
AMRIQUE DU NORD EUROPE EUROPE
OCCIDENTALE ORIENTALE ASIE
ORIENTALE

MOYEN-ORIENT

AFRIQUE
DU NORD

AMRIQUE LATINE ASIE DU SUD

ASIE DU
SUD-EST
AFRIQUE
SUB-SAHARIENNE

OCEANIE

Population urbaine
(millions dhabitants)

500 Population urbaine totale

200
Population urbaine vivant dans des bidonvilles
100

Illustration 6 - Proportion de la population des bidonvilles dans le monde, 2001


Source: UN-HABITAT, 2003 (estimations pour 2001)
6
Seulement, les pays dvelopps arrivent aujourdhui plus ou moins bien contrler le
dveloppement de leurs bidonvilles, ainsi qu fournir une planification urbaine efficace et
une bonne politique de logement, ce qui a pour consquence que la population des bidon-
villes ne reprsente que 6% de leur population totale. En revanche, la situation est diffrente
dans les pays en dveloppement : avec un 1/3 de la population de ces pays qui vit dans
des bidonvilles (illustration 7), ces derniers sont de rels challenges pour la planification ur-
baine moderne des grandes villes. La planification, cherchant dterminer les activits des
habitants urbains ainsi qu standardiser la vie citadine quotidienne, se retrouve confron-
te cette croissance instoppable des colonies illgales5. Le problme est dune norme
complexit, mais montre trs clairement que la majorit des villes ont du mal loger ses
rsidents de manire formelle. Roms de Mitricova, Kosovo
Il existe probablement plus de 200,000 bidonvilles sur la plante. Les cinq grandes observers.france24.com
mtropoles dAsie du Sud Karachi, Mumbai, Delhi, Kolkata et Dhaka contiennent
elles seules 15,000 communauts de bidonvilles dont la population totale dpasse les 20
millions6. Cependant, les bidonvilles ne sont pas uniformes : chaque pays, chaque rgion,
chaque ville va dvelopper une structure diffrente de colonies. Pour preuve, le mot bi-
donville nest pas un terme global, mais est en fait un terme franais utilis en premier lieu
pour les quartiers illgaux du Maroc ; Au Brsil, on parle de favelas, au Prou de pueblos
jovenes, au Moyen-Orient de ishish, en Indonsie de kampungs, et en Inde de slum, shanty
ou encore jhuggi autant de termes qui suggrent dinnombrables formes et typologies.
Selon UN-HABITAT, les plus grands pourcentages de population des bidonvilles sont en Campement Roms, Lille
nord-pas-de-calais.france3.fr
Ethiopie, Chad, Afghanistan et Npal. Pourtant, Mumbai avec 6 8 millions dhabitants
vivant dans des colonies illgales selon le Census est la capitale mondiale du bidonville,
suivie par Delhi (1,5 2 millions). En effet, bien que lInde ne fasse pas partie des pays la
population de bidonvilles la plus importante, elle reste une des reprsentations internatio-
nales dun pays aux colonies illgales, en particulier cause de Dharavi, un des plus grand
bidonvilles du monde (environ 600,00 habitants sur plus de 2km2).

Notes
5
MITCHELL, Maurice, Learning from Delhi, Dispersed Initiatives in Changing Urban Landscapes, Campement Roms,
Vigneux-sur-Seine
Ashgate, 2010
tempsreel.nouvelobs.com
6
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
7
1000k

750k
Population (en milliers)

500k

250k

0k
1990 1995 2000 2005 2007 2010 2012

Illustration 7 - Evolution de la population des bidonvilles dans les pays en dveloppement


Source: UN-HABITAT

8
1.3. LES BIDONVILLES UNE IMAGE NGATIVE
He let his mind drift as he stared at the city, half slum, half paradise. How could a place be
so ugly and violent, yet beautiful at the same time ?
ABANI, Chris, Graceland, New York, 2004, p.7.

Les bidonvilles ont toujours port une image trs ngative : insalubrit, nid de mala-
dies, logements prcaires, pauvret, ils sont le plus souvent peints comme la gangrne
dune ville, la honte de cette dernire et lennemi numro un liminer tout prix. En effet,
ils ne correspondent pas du tout lidal du dveloppement urbain dans les pays du Sud, Kolkata, Inde
comme dans les pays dvelopps dailleurs. flickr.com

Cette reprsentation a, bien sr, une grande part de ralit. En effet, les habitants des
bidonvilles ont trs rarement accs aux services sanitaires de base (installations sanitaires,
accs leau potable) ainsi qu llectricit, forant les habitants se relier illgalement au
rseau public. De plus, les bidonvilles sinstallent gnralement sur des terrains risque
(inondations, glissement de terrain, ...) le long des rivires, des voies ferres principale-
ment augmentant le risque deffondrement des logements, dj peu solides (ils sont sou-
vent raliss en paille, boue, ou matriaux de rcupration comme la tle). La gestion des
dchets est quasi-inexistante, problme dj prsent dans beaucoup de villes du Sud, mais
Mumbai, Inde
accentu dans les colonies illgales ce qui augmente le risque de maladies. Enfin, de par
flickr.com
la pauvret et le manque de ces services primaires, criminalit et inscurit sont souvent
prsentes dans les bidonvilles.
De plus, les bidonvilles sont des structures officiellement illgales puisquils ont t
construits sans autorisation sur des terrains privs ou gouvernementaux, et ils ne suivent
aucun plan durbanisme dfini. Etant illgaux, ils doivent donc forcment tre dtruits. En
effet, les Etats ne vont gnralement pas chercher plus loin que ce statut illgal pour d-
cider de leur destruction et de la relocalisation de milliers de personnes.

Camps Roms, Medgidia


flickr.com

9
Cette reprsentation peut mme se trouver dans diverses littratures et mdias comme
dans le clbre film Slumdog millionnaire de Danny Boyle (2008), film relatant la vie dun
jeune habitant de Dharavi, lun des slums les plus connus au monde. Le film dpeint un
niveau de vie dplorable et une constante bataille afin de survivre dans les slums indiens.
Le plus souvent, on tend opposer systmatiquement pauvre et riche, bidonville et
ville moderne : En lieu et place des cits de verre slevant vers le ciel, une bonne partie
du monde urbain du XXIme sicle vit de faon sordide dans la pollution, les excrments et
la dcomposition 7. Cependant cette vision correspond une vision binaire du monde,
voyant la ville moderne comme bonne et les bidonvilles comme mauvais. Les bidonvilles ne
sont-ils vraiment quinsalubrit, pollution et crime ? La problmatique est-elle aussi simple,
en particulier dans les pays du Sud aux situations tellement complexes?
La tendance gnrale des Etats a t de promouvoir une ville sans bidonvilles, cest--
dire de dtruire tous les colonies illgales existantes, librant ainsi les terrains afin de cons-
truire, dune part des logements, et dautre part de nouveaux quipements publics (cole,
hpital, centre commercial), quipements qui ne profitent que rarement aux plus dmunis.
Bien que la volont celle doffrir des logements pour tous, un accs aux services publics
et une meilleure sant soit louable, on peut se rendre compte aujourdhui quaucune de
ces mesures na t une relle russite : les bidonvilles sont toujours prsents, plus impor-
tants que jamais, et un futur proche o leur radication totale serait possible semble peu
probable. Ne serait-il pas alors temps de remettre en question certaines ides reues afin
de dvelopper une solution intgre, en comprhension plus approfondie avec ce quest un
bidonville, son dveloppement, ses habitants et son fonctionnement?

Notes
7
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
10
1.4. PROBLMATIQUE DE LNONC
The promise is that again and again, from the garbage, the scattered feathers, the ashes
and broken bodies, something new and beautiful may be born
BERGER, John, Rumor , prface pour TEKIN, Latife, Berji Kristin: Tales from the Gar-
bage Hills, Marion Boyars Publishers ,1993.

On la vu, les bidonvilles sont effectivement la source de nombreux problmes sani-


taires, manque dinfrastructures, utilisation du terrain de manire illgale, prcarit des
constructions. En leur sein sont concentres la pauvret et la misre dune ville, et il est vrai
quils posent beaucoup de questions en matire dorganisation urbaine. Ainsi, ils reprsen-
tent lanti-dveloppement et lanti-urbanisation par excellence ; ils ne correspondent pas
aux idaux de la ville moderne et par consquent doivent tre limins. Schma de Le Corbusier -
Voir les deux faces des bidonvilles
Mais les bidonvilles ne sont pas forcment quun symbole de rtrogression ; ils peuvent
BARNET, Yann, Bidonvilles et architectes
tre aussi vu comme la premire tape entre sans-abris et abris, entre pauvret extrme barnet.yann.free.fr/site%20bidonville/bv-
et espoir, tape franchie non pas grce au gouvernement, mais grce la volont de sa conclusion.htm
population. En effet, les bidonvilles sont en fait des quartiers despoir, exemple de la dter-
mination de ces migrants, de leur capacit sadapter un environnement alors tranger,
construire un abri par soi-mme, den faire un chez-soi aussi primaire soit-il et survivre
au quotidien dans le monde difficile quest la ville. Ils sont le rsultat de la formation dune
communaut, dun abri dans un milieu qui leur est hostile.
Ainsi on peut se demander si, plutt que de considrer lensemble dun bidonville
comme mauvais et supprimer, il ny aurait pas certains lments qui mriteraient dtre
tudis, conservs, voire mme dtre transposs dans dautres situations urbaines ? Le
bidonville est-il vraiment un phnomne radiquer ? Les bidonvilles peuvent-ils aussi
tre vus comme des exemples de formes urbaines ainsi que darchitecture traditionnelle
et vernaculaire, peut-tre plus capable de rpondre aux besoins et au mode de vie des
habitants locaux quun btiment moderne construit de fer et de bton ne peut le faire ?

11
Aujourdhui les pays du Sud cherchent tout prix gagner la course au dveloppement
afin dobtenir une place importante sur la scne internationale et, par consquent, calquent
ce qui est lexemple de lurbanisation et de dveloppement - les pays dvelopps mmes.
Ainsi, lespace urbain est caractris par les gratte-ciels, la construction de verre et dacier,
et un nouveau mode de vie calqu sur le modle occidental.
Cependant ces pays restent riches en histoire, en culture, en tradition, en savoir-faire,
en construction et en architecture, histoire qui se lit rarement dans lespace urbain des
pays en dveloppement qui cherchent effacer certaines de leurs traditions au nom de la
modernisation. Mais ces migrants, qui viennent des villages et zones rurales, arrivent en
ville avec leur pass, leur culture, leurs savoir-faire, leurs connaissances, leurs traditions et
leurs murs, et russissent les implanter dans lespace urbain en dpit de sa volont de
formatisation. Peut-on chercher comprendre les bidonvilles comme faisant revivre les
traditions locales dans la ville ?
Dans cet nonc, je cherche dvelopper un autre point de vue des bidonvilles, pas
celui qui parle dinsalubrit, de prcarit et de rgression sans loublier pour autant ,
mais plutt celui qui parle de traditions, de sensibilit, de continuation de larchitecture
traditionnelle travers les bidonvilles, de mode de vie et de capacit dadaptation de la part
de ses habitants.
Le travail portera sur lInde, et plus particulirement sur la ville de Chennai dans le Tamil
Nadu. LInde, me semble-t-il est un des exemples les plus frappants en matire dingalits
au sein des villes, trs strotype pour ses bidonvilles ; elle est actuellement en phase de
devenir un des gants sur la scne internationale : les questions durbanisation et de ges-
tion des bidonvilles sont alors primordiales pour son ascension et son dveloppement.
Par ailleurs, lInde est un pays qui possde une trs grande richesse historique, en
terme durbanisation et darchitecture vernaculaire, mais aussi en terme de hirarchie
sociale et de mlange de populations. Les choses ny sont jamais noir ou blanc et toute
situation indienne est extrmement complexe, ce qui est aussi le cas du phnomne des
bidonvilles et des secteurs informels. Ainsi on peut se demander si les bidonvilles indiens
pourraient tre considrs, sous certains aspects, comme faisant partie de lhritage in-
dien, et donc tre vus comme des lments conserver, voire mme reproduire dans une
certaine mesure en les considrant comme un modle dhabitat urbain alternatif.

12
1.5. MTHODOLOGIE ET DMARCHE
Afin de rpondre ces questions et dtablir une vision plus positive des bidonvilles,
quatre hypothses formeront la base de ce travail :
Tout dabord, jtablis que le bidonville nest pas forcment un problme radiquer,
mais quil peut devenir une opportunit force de travail, logement, organisation condi-
tion quil soit intgr et pris comme un lment de la ville part entire.
Ensuite, je considre le bidonville comme une synthse entre les pratiques rurales
et urbaines. En effet, il permettrait de dvelopper une nouvelle forme transitionnelle entre
urbain et rural, gnrant des savoir-faire, des modes de vie, voire de nouvelles traditions.
Le bidonville nest alors pas quun simple village qui sest retrouv dans la trame urbaine,
mais il est aussi un dpassement des savoir-faire ruraux. Il permet lapprentissage de lun
avec lautre, et non comme deux entits distinctes, il est un seuil entre le monde rural et le
monde urbain.
Je cherche montrer que le bidonville sous sa forme originelle pourrait tre une
alternative crdible aux rhabilitations proposes par le gouvernement, suggrant une
critique de lurbanisme duquel ces projets dcoulent. Ces projets seraient alors inutiles
conditions de dvelopper et dassainir de manire sensible et approprie chaque
bidonville.
Finalement, je me pose la question du rle de larchitecte dans cette problmatique.
A quel moment, les interactions gnres par les bidonvilles commencent-elles intresser
les architectes? Son rle ne va pas tre celui du concepteur tout puissant, mais plutt celui
du professeur, qui guide et accompagne les habitants des bidonvilles dans la construction
et lorganisation de leurs logements. Le mythe de larchitecte comme Dieu doit tre dtruit,
et il faut voir larchitecte comme un gal aux habitants des bidonvilles.
Mon travail se base sur une situation o les changements urbains et culturels rapides
affectent les communauts traditionnelles et transitionnelles qui nont accs qu un
nombre limit de ressources. Dans un sujet comme celui-ci, il me semble important
dlargir le champ de domaines, de ne pas le restreindre ma simple formation archi-
tecture mais aussi de louvrir lurbanisme, la sociologie, la politique et lconomie afin
doffrir une vision globale du sujet.
13
Dans le cadre de ce travail jai suivi une double dmarche thorique et pratique. Tho-
rique afin de rcolter toutes les informations ncessaires dans diffrents ouvrages - livres,
articles, documents officiels , puis pratique grce un voyage Chennai, Inde, dans le but
de comprendre la ville, le fonctionnement indien, de visiter les diffrents organes politiques,
mais surtout afin de visiter plusieurs de ces colonies illgales, de mme que des projets de
rhabilitation raliss par le gouvernement. Durant ces visites, jai pu raliser des interviews
des habitants, ainsi que visiter plusieurs types de maisons afin de les tudier. A partir de l,
jai pu choisir un bidonville en particulier qui fera lobjet dune tude plus approfondie et qui
sera le site du projet venir.
Fruit de ces deux tapes, lnonc se dveloppera comme suit : dans un premier
temps je compte me pencher sur les phnomnes durbanisation en Inde, afin de com-
prendre les enjeux actuels. En effet, lInde possde une histoire urbaine assez complexe, de
part sa colonisation britannique, ses politiques de planification urbaine et de logement, et
de part la prsence trs forte du secteur informel qui induit un urbanisme parallle.
Dans un deuxime temps, je compte dvelopper une thorie des bidonvilles, cher-
chant comprendre leur dfinition et leur signification en Inde, leur formation et leur dvel-
oppement, ainsi que leur avenir. A travers cette notion dinformel, je compte identifier
quelles sont les limites des bidonvilles et quelles sont ses relations avec la ville formelle .
Je compte aussi tudier les phnomnes dauto-construction qui rgissent la formation des
bidonvilles, et quels sont ses liens avec larchitecture traditionnelle indienne.
Pour finir, je me base sur une tude de cas Chennai, Tamil Nadu une des plus
grandes villes de lInde afin de confirmer cette thorie des bidonvilles dveloppe pr-
cdemment. Plus en dtail, je compte tisser des liens entre architecture des bidonvilles et
architecture vernaculaire indienne, en analysant les diffrents types de maisons visites.
Avec ceci, je compte pouvoir dessiner cette autre vision des bidonvilles, celle, plus posi-
tive, qui lie les bidonvilles la tradition indienne, confirmant le fait que ces derniers ne sont
pas quun simple lment d lurbanisation trop rapide du pays, mais sont aussi, quelque
part, intrinsques la culture et larchitecture indienne.
Ainsi, avec cet nonc je cherche comprendre les modles durbanisation qui ont
amen la globalisation des bidonvilles, et comprendre ces bidonvilles, avant de pouvoir
proposer une intervention.

14
CHAPITRE 2
PHNOMNES DURBANISATION EN INDE
2.1. INTRODUCTION
We live in the age of the city. The city is everything to us it consumes us, and for that
reason we glorify it.
OKOME, Onookome, Writing the Anxious City : Images of Lagos in Nigerian Home Video
Films, 2002

70
LInde est un pays qui est en train de prendre de plus en plus dimportance dans le 70
monde. Aujourdhui, la population indienne reprsente 17,5% de la population mondiale ; 65
selon la Banque Mondiale, elle slve 1,237 milliards (2012). Actuellement, seuls deux
pays ont une population suprieure un milliard : lInde et la Chine ; et selon un rapport 60

de lONU, la population indienne dpasserait celle de la Chine dici 2028, lorsque les deux 55
pays atteindront une population denviron 1,45 milliards. 53
50
Entre 2001 et 2011, pour la premire fois depuis son indpendance, la croissance de la
population urbaine a dpass celle de la population rurale. En 2011, 377 millions dindiens 45

vivaient dans les villes, ce qui place la population urbaine indienne au deuxime rang mon- 40
dial8, et dici 2020, ce chiffre est estim 463 millions selon UN-HABITAT (illustration 9). 40
35
En 1951, le pays possdait 5 villes de plus dun million dhabitants, reprsentant 19% 35
de la population totale9 ; en 2011 il en comptait 53, soit plus de dix fois en 60 ans10 (illustra- 30

tion 8).
25
Mais, malgr son augmentation importante, la population urbaine reste encore relative- 23
ment faible : elle ne reprsente 31% de la population totale, alors quen Chine elle vient de 20

dpasser la barre des 50% (illustration 10). LInde est ainsi un pays aux multiples visages, 15
caractris la fois par une scne urbaine et les grandes mtropoles qui la caractrise,
mais aussi par une population trs largement rurale. 10

Notes 5
5
8
Census of India, 2011 0
1951 2000 2001 2005 2011 2031
9
DUPONT, Vronique, Lurbanisation en Inde : Rvision de Quelques Mythes et Vrais Dfis ,
dans: Rayonnement du CNRS n47, Mars 2008 Illustration 8 - Villes de plus dun
10
UN-HABITAT, Global Report on Human Settlements - Cities and Climate Change, UN Human Set- million dhabitants en Inde
Source: IIHS
tlement Programmes, 2011
15
CHINE
EUROPE
552,486 786,761
USA
293,732

INDE BANGLADESH
463,328 62,886 THAILAND
27,800

KENYA
13,826 PHILIPPINES
57,657
BRESIL
187,104 AUSTRALIE
AFRIQUE DU SUD 21,459
35,060

Illustration 9 - Projection de la population urbaine en 2020 (en millions)


Source: UN-HABITAT : Climate Change and Cities

60,00

50,00

40,00

30,00

20,00

10,00
1960

1965

1970

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010
Population urbaine (% de la population totale), Inde
Population urbaine (% de la population totale), Chine

Illustration 10 - Evolution de la population urbaine en Inde et en Chine


Source: La Banque Mondiale
16
LInde est aujourdhui un pays pass la loupe de par sa rapide expansion et moderni-
sation, et de par la place quelle est en train de prendre dans le monde (illustration 11 et
12). Son urbanisation reste quelque chose de trs complexe cause de lnorme diversit
de ce sous-continent et des nombreuses donnes prendre en compte. De plus sa grande
rapidit fait peur, et le pays a du mal la contrler et suivre en matire de logements et
dinfrastructures. LInde est-elle capable de maintenir sa croissance tout en fournissant les
infrastructures de base ses habitants urbains ?
En rvisant le mythe de lexplosion urbaine en Inde, je cherche identifier les dfis
que cette dernire pose les ingalits sociales qui entrainent une fragmentation urbaine,
linsuffisance des logements et des infrastructures et comment le gouvernement pourrait
dvelopper une urbanisation plus modre et plus apte rpondre aux problmatiques in-
diennes. Dans cette partie, je cherche comprendre la nature des villes indiennes, limpact
de la colonisation sur leur dveloppement, leur fonctionnement, leurs caractristiques et
politiques en place, et montrer la complexit des phnomnes durbanisation en Inde,
desquels dcoulent les bidonvilles.

17
Taux de Taux annuel
Anne du Population Pourcentage croissance de croissance
Census urbaine de lurbain dcennal exponentielle
1901 25,850,000 10,84% - -
1911 25,940,000 10,29% 0,35% 0,03%
1921 28,070,000 11,17% 8,2% 0,79%
1931 33,460,000 11,99% 19,2% 1,76%
1941 44,150,000 13,86% 31,97% 2,77%
1951 62,440,000 17,29% 41,42% 3,47%
1961 78,940,000 17,97% 26,41% 2,34%
1971 109,110,000 19,91% 38,23% 3,24%
1981 159,460,000 23,34% 46,14% 3,79%
1991 217,180,000 25,72% 36,19% 3,09%
2001 286,120,000 27,86% 31,74% 31,74%
2011 377,110,000 31,16% 31,80% 31,80%

Illustration 11 - Lurbanisation en Inde entre 1901 et 2011


Source: Bhagat and Mohanty (2009)

Illustration 12 - Image satellite de lInde


Source: manikarthik.com/news/india-pictures/india/
18
2.2. RLE ET IMPACT DU BRITISH RAJ
For most people its still not clear what the role of the city is. Its still seen as something
elitist.
SANKHE, Shirish, director of McKinsey in Mumbai

Gandhi disait India lives in its villages ; bien que ce soit encore vrai dun point de
vue des chiffres, depuis son poque dj, lInde commenait aussi vivre dans ses villes.
Cependant ce fait na commenc tre accept, dun point de vue conomique comme
politique, que 20 30 ans aprs lindpendance. La croissance urbaine et sa gestion ont Daly College, Indore
wikipedia.com
rarement t au centre des plans de dveloppement11. Ceci est en grande partie d au
fait que les villes indiennes sont encore assimiles au souvenir de la colonisation anglaise.
Les indiens ne les ont pas encore accept en tant que telles et aujourdhui ils subissent un
grand retard en matire durbanisation et de dveloppement de leurs villes.
En effet, leur arrive, les anglais ont fortement contribu au dveloppement des villes,
comme Kolkata ou Delhi. Ce sont eux qui ont introduit lurbanisation moderne du pays et
qui ont donn aux villes leur forme moderne. Ces dernires taient donc quelque chose
qui appartenait aux anglais, que ces derniers contrlaient et graient et donc dont les in-
diens navaient pas se soucier ni comprendre. Par exemple, ce sont les anglais qui ont Ripon Building, Chennai
construit la ville de Chennai en 1639, alors nomme Madras, nom driv de Madras- wikipedia.com
patnam, le nom du site choisi par la British East India Company pour stablir de manire
permanente sur la cte Sud-Est.
Nous lavons vu, la population indienne devient de plus en plus urbaine ; et bien que les
villes indiennes ont effectivement appartenu aux anglais dans le pass, il devient maintenant
urgent pour les indiens et le gouvernement daccepter leurs villes, de les tudier et de les
comprendre afin de pouvoir y vivre correctement.

Notes Universit de Madras, Chennai


wikipedia.com
11
SIVARAMAKRISHNAN, K.C., Re-visioning Indian Cities, the Urban Renewal Mission, Sage publi-
cations, 2011
19
De plus, malgr leur antipathie pour les grandes colonies urbaines indignes, les anglais
taient sans doute les plus grands btisseurs de bidonvilles de tous les temps. En Inde,
leur refus damliorer lassainissement ou encore de fournir les infrastructures primaires aux
quartiers indiens a engendr de nombreuses pidmies et pertes humaines au dbut du
20me sicle et a cr dimmenses problmes de misre urbaine qui ont t hrits par les
lites nationales au lendemain de lindpendance. De plus, les anglais restaient gnrale-
ment entre eux, formant une sgrgation raciale qui a entrain de fortes fragmentations
spatiales : ils restaient dans leur section des villes, formant dj ce qui deviendra les slums
en relguant la majorit des indiens hors de leurs villes, dans des quartiers souvent insa-
lubres, provoquant une grande ingalit de densit de population.
Ainsi, Il est vrai que les britanniques ont largement contribu lurbanisation du pays
et son dveloppement ; mais dautre part, confirmant leur statut de colons, ils ont aussi
pouss laugmentation dingalits (alors entre britanniques et indiens) et la cration
de quartiers insalubres poursuivant ainsi un modle urbain dutilisation du territoire et de
densit de population de dominance raciale.
Par ailleurs, bien quayant savamment prpar leur dpart pendant presque un an, au
moment de lindpendance les britanniques ont laiss les indiens sans aucun rel outil pour
apprhender la situation en matire durbanisation entre autres , dans leur propre pays Lesclavage britannique
manikarthik.com/news/india-pictures
mais aussi dans le monde. Le gouvernement indien sest retrouv devoir grer un terri-
toire immense, une population grandissante et le dveloppement de villes dont il navait pas Kashmir

gr la formation au dpart. Le bidonville moderne tel quon lentend aujourdhui tait ainsi
un futur invitable dans le dveloppement urbain du pays.

Baluchistan

Hyderabad

Rgle britannique
Mysore Administration
britannique
Etats indiens

Le territoire anglais en Inde, 1860


imperialismunit5hot.wikispaces.com

20
2.3. URBANISATION MODERNE MENACE ET ESPOIR
All cities are mad, but the madness is gallant. All cities are beautiful, but the beauty is grim.
MORLEY, Christopher

La ville en Inde comme la plupart des villes du Sud sinscrit dans un contexte para-
doxal plusieurs niveaux : elle peut revendiquer des vestiges de cits et darchitecture
parmi les plus anciens de la plante (plus de 3000 ans), mais elle se situe aujourdhui dans
une des rgions les moins urbanises du monde ; elle appartient une socit urbaine
minoritaire dans un sous-continent dominance rurale et qui le restera moyen terme
mais qui produit des villes gantes au rang de mgapoles mondiales. Minoritaires sur
le plan dmographique, ces dernires jouent cependant un rle dcisif dans lconomie
nationale : en Inde, elles abritent moins dun tiers de la population totale mais gnrent les
deux tiers du PIB du pays12.
La plupart de ces mgavilles dans les pays en dveloppement ont suivi la mme trajec-
toire : une croissance dabord lente voire en retard, puis soudainement une forte acclra-
tion dans les annes 1950-1960. En 1991, lInde lance une politique de libralisation de
son conomie ce qui catapulte les zones urbaines au centre du dveloppement conom-
ique du pays.
La ville peut alors tre vue la fois comme un espoir mais aussi comme une menace.
Cest cette magnifique machine qui permet au pays de se dvelopper, de souvrir et de
monter sur la scne internationale ; mais cest aussi un systme incontrlable, en constante
croissance, qui entrane de nombreux problmes sur son passage comme la pollution, la
congestion, la fragmentation sociale et spatiale, le manque despaces publics et la pauvret
urbaine. Effectivement, la plupart des villes indiennes se sont tendues de manire incon-
trle et ne disposent ni dinfrastructures suffisantes pour accueillir la population grandis-
sante, ni de systme de transport public efficace pour circuler.

Notes
12
La Banque Mondiale
21
Lurbanisation trop rapide des villes indiennes modifie profondment le paysage urbain
et, par consquent, le mode de vie des indiens. Lespace urbain le plus touch par ce
phnomne est la rue. Cette dernire est dsormais compltement engorge de voitures,
de rickshaws, de pitons, de scooters, de vlos, de vendeurs, de charrues tires par des
vaches, Les espaces au rez-de-chausse sont aujourdhui de plus en plus utiliss pour
des parkings, et les balcons donnant sur les rues sont souvent ferms afin de se protger
de la poussire et de la pollution. Alors que la rue tait lespace par excellence qui permet-
tait linteraction sociale de la communaut, elle nest maintenant plus quun axe qui sert
peine accder aux btiments quelle longe. Il y a aujourdhui un besoin pressant de rendre
la rue aux pitons afin de ranimer ces interactions sociales propres lInde.
Cette expansion incontrle a par ailleurs conduit la formation de bidonvilles, Charrue tire par une vache sur la
lintrieur comme la priphrie des villes, et ce dans quasiment tous les grands cen- route
tres urbains. Ainsi, dans les villes indiennes les traditions et savoir-faire locaux se retrou-
vent juxtaposs avec ceux du changement brusque d lurgence, la dgradation de
lenvironnement due la modernit et aux forces du march mondial13. Alors comment
effectuer une continuit entre eux?
Pour le moment, les villes indiennes ne sont pas en mesure de faire une synthse entre
leurs traditions urbaines, architecturales et sociales et la nouvelle modernit quelles dcou-
vrent : en effet, aujourdhui la construction ressemble de plus en plus celle vue en Occi-
dent, celle de btiments modernes en verre, mtal ou en bton, matriaux symboliques de
lindustrialisation et de la modernisation. Cependant, ceci se fait au dtriment de btiments Rue George Town, Chennai
plus anciens et de techniques de construction traditionnelles, faisant partie de lhritage
indien et rpondant directement au contexte. LInde est un pays trs riche en techniques
et matriaux dont lOccident na pas lhabitude, tout simplement de par la diffrence
gographique et donc mtorologique. Ne risque-t-on pas de perdre ces connaissances et
savoir-faire cause de la croissance incontrle des villes? La ville moderne est aujourdhui
une ville anonyme, qui bien que fonctionnant en Occident, ne correspond pas aux murs
indiens. La planification de Chandigarh par Le Corbusier en est un exemple : bien que la
ville soit effectivement mieux organise et la circulation plus contrle, il ressort de cette
rigidit un sentiment gnral dabsence de vie et dactivits et donc dinscurit.
Notes Les routes Chandigarh
13
MITCHELL, Maurice, Learning from Delhi, Dispersed Initiatives in Changing Urban Landscapes,
Ashgate, 2010
22
Alors que le chaos peut tre vu comme une qualit positive inhrente beaucoup
de centres urbains historiques en Inde, mais aussi en Europe, la confusion qui nait de
lindiffrence et de la ngligence ne peut que proccuper. Il est important de diffrencier le
chaos indien qui fait partie des caractristiques des villes indiennes, reprsentant leur
diversit, leur flexibilit, leur richesse et leur complexit et le chaos cr par la rencontre
incontrle entre la ville indienne et lurbanisation moderne.
Quasiment toutes les villes ont cette double face : une partie bien planifie, propre, avec
toutes les infrastructures ncessaires, et une autre partie, non planifie, non autorise, non
voulue, mal construite et avec peu de services et infrastructures. Ce qui est intressant
cest de voir ce qui se passe lorsque ces deux faces se rencontrent.
On voit ainsi que lurbanisation en Inde est quelque chose de trs complexe, problme
auquel les solutions classiques europennes ne suffiront pas : The current approach of
business-as-usual will not work selon Shirish Sankhe, le directeur de McKinsey
Mumbai14. Pour preuve, le gouvernement cherche souvent des rponses et des exemples
dans les villes occidentales, cependant ces dernires ne correspondent pas au mme
contexte et ne rpondent pas aux mmes enjeux que les villes indiennes. Il y a urgence de
dvelopper une solution contextuelle propre aux spcificits indiennes.
Le dveloppement urbain, dune perspective historique, est un phnomne cyclique
qui montre un roulement continu entre dclin et renouveau des aspects physiques et socio-
conomiques de lurbanit. Dans la mesure o le dclin et le renouveau sont des proces-
sus naturels, cest la rapidit du changement qui maintient lquilibre. Mais la modernisa-
tion a entran un changement nettement plus rapide qui a abouti des perturbations de
lurbanit. Cest cette rapidit quil faut surveiller15.

Notes
14
LAMONT, James, India Unprepared for Urban Migration , dans : Financial Times, 22 Avril 2010,
ft.com/intl/cms/s/0/b5dfac22-4dd1-11df-b437-00144feab49a.html#axzz2k4brCpwZ
15
KALPANA, K., SCHIFFER, Frank, Madras, the Architectural Heritage, INTACH (Indian National
Trust for Art and Cultural Heritage), 2003
23
2.4. LE VISAGE DES VILLES INDIENNES
Urbanisation is a relentless process, which has come to stay and has to be factored into
all our developmental thinking and development processes. () We are poised to have
nearly fifty per cent of India living in our cities by the earlier part of the present century and
that should give you an idea of the magnitude of the development and renewal task that
awaits all of us.
With urbanisation comes the need to invest in infrastructure and improve the quality of life
in our cities. Rapid urbanisation has not only outpaced infrastructure development, but has
also brought in its train a terrible downside the downside of proliferating slums, the down-
side of increasing homelessness, the downside of growing urban poverty and crime, of
relentless march of pollution and ecological damage. This gives you an idea of the massive
challenge that lies ahead.
SINGH, Manmohan, Premier minisitre dInde, Discours du lancement du JNNURM, 3
Dcembre 2005

Face cette urbanisation et mtropolisation froce on peut se demander quelle est la


position du gouvernement indien ? Comment propose-t-il de grer et de contrler ces ph-
nomnes qui faonnent le visage des villes indiennes ?
A cause de la croissance norme que subit lInde, une des grandes rgles durbanisme
a t celle de la dcentralisation dans les grandes villes, privilgiant ainsi la fragmentation
de cette dernire et favorisant lapparition de colonies informelles.
Depuis lindpendance, le pays poursuit une politique dconomie mixte, de planifica-
tion lradication de la pauvret et ltablissement dune socit urbaine industrielle
prospre. Cette politique sest articule autour de sries de Five-year plans pour chaque
Etat et grande ville, ce depuis 66 ans : le dveloppement urbain indien est ainsi un produit
de cette planification, efficace ou non soit-elle.

24
A partir de ces diffrents Five-year plans , on peut dessiner trois grandes tapes :
Durant les annes 1950-1970 (les trois premiers Five-year plans ), le gou-
vernement se concentre sur la politique de logement, avec pour but que chaque famille
ait un toit. Mais ces politiques sont restes au stade dintention cause du manque de
financement, mais surtout parce que le prix de ces logements taient bien trop levs pour
ceux qui en avait besoin ; mme les programmes de logements pour les LIG (Low Income
Group) dpassaient les capacits financires de ces derniers.
Durant les annes 1970-1980, lattention se porte en priorit sur la croissance
urbaine et comment la contrler. On cherche dcongestionner les villes et disperser la
population en promouvant des petites villes et de nouveaux centres urbains.
Au cours des annes 1990-2000, le gouvernement reconnat pour la premire fois
limportance du secteur urbain pour lconomie nationale, mais aussi la problmatique lie
la pauvret urbaine, diffrencie de la pauvret rurale, avec la cration du UBSP (Urban
Basic Service for the Poor). Par ailleurs la premire NHP (National Housing Policy) qui vise
radiquer lhabitat prcaire est cre en 1992.
Ces dernires annes un programme se distingue, le JNNURM (Jawaharlal National
Nehru Urban Renewal Mission), programme de sept ans lanc en 2005 et prolong
jusquen 2014 qui cherche amliorer la qualit de vie et les infrastructures dans les villes. Il
veut crer des villes productives, efficaces et responsables en amliorant les infrastructures
conomiques et sociales, en particulier pour les plus pauvres accs aux infrastructures
de base, pourvoir un bail assur des prix abordables, amlioration des logements et de
fournir aux pauvres urbains un logement prs de leur lieu de travail16. Avec ce programme
le gouvernement cherche dvelopper les villes en terme de qualit, mais aussi cherche
sassurer que lurbanisation soit contrle en suivant un dveloppement planifi. Le
JNNURM compte dvelopper de nouveaux plans de dveloppement urbain pour chaque
ville choisie. Ce programme dtecte trois types de villes : les mga-villes dont font partie
Chennai ou Mumbai , les villes de plus dun million dhabitants comme Agra ou Varanasi
et les villes de moins dun millions comme Chandigarh ou Mysore. Il sagit de la plus
grande initiative prise par le gouvernement en matire de planification urbaine nationale.
Notes
16
Jawaharlal Nehru National Urban Renewal Mission Overview, Ministry of Urban Employment and
Poverty Alleviation and Ministry of Urban Development
25
Par ailleurs, nous avons vu prcdemment ltat critique des rues et routes indiennes
et de la congestion quelles subissent. Les transports urbains, facteur critique pour assurer
la viabilit de lexpansion spatiale des grandes villes et leur efficacit conomique, nces-
site une planification intgre celle des plans doccupation des sols. Celle-ci fait dfaut
dans la plupart des villes indiennes mais constitue un des principaux objectifs de la nouvelle
politique nationale des transports urbains propose en 2005.
Cependant, tous ces programmes ne font que rpondre court terme ces probl-
matiques que lurbanisation rapide apporte. Ils sont rarement appliqus tels quel, cause
du manque de financement, de la corruption qui rgit le gouvernement et du manque
dimplication et de volont de ceux qui ont le pouvoir. Et bien que relativement active en
terme de lancement de programmes divers et varis, lInde accuse un clair retard en terme
de dveloppement. Celui-ci est en partie d une comprhension non globale des prob-
lmatiques en jeu ainsi qu une stagnation des planifications ; depuis lindpendance, les
visions sont restes figes et les plans qui en dcoulent nont que trs peu volu.
La planification urbaine en Inde peut alors tre considre comme un chec. Dans la
plupart des villes, les masterplans sont inadquats et de toutes faons obsoltes car ils
narrivent pas rpondre aux besoins des habitants et ceux des moins aiss en particu-
lier. Ils refltent peu une volont dinclusion car ils sont prpars de manire technique et
bureaucratique, nintgrant pas les citoyens. Plutt que de rduire le chmage et la pauvre-
t, les planifications urbaines et la modernisation de lconomie contribuent aux disparits
entre les classes rendant la vie des habitants des quartiers illgaux de plus en plus difficile17.
Mais il faut noter certaines notes positives : ces dix dernires annes on peut voir une
plus grande dtermination de la part de la population, mais aussi du gouvernement et
dONG, vouloir dvelopper une meilleure planification urbaine dans le but de rpondre
leurs objectifs. Le fait que le gouvernement ait dcid de dcentraliser son pouvoir en terme
de planification urbaine et de le donner aux villes elles-mmes serait une bonne tape dans
cette direction. La planification urbaine a besoin de dvelopper de nouvelles mthodes,
plus globales et prcises, incluant les habitants. Une rutilisation et adapation du tissu
urbain dj existant permettrait de rpondre aux aspirations changeantes des habitants et
placerait les villes dans un processus de renouvellement constant.

Notes
17
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
26
2.5. STRATGIE DHABITER
Ultimately, the grand conception of urban transformation was whittled away and domes-
ticated to meet the immediate interests of the propertied classes. Instead of unfolding as
idealistic projects of social regeneration, the town planning schemes evolved as avenues
to further the interests and aspirations of the propertied and the instrument of the growing
marginalization of the poor. The war against slums came dangerously close to being a bat-
tle to control the settlement and habitation of the poor, and indeed an offensive against the
poor themselves.
GOOPTU, Nandini, The Politics of the Urban Poor in Early Twentieth-century India, Cam-
bridge University Press, 2001

Un des problmes les plus pressants des centres urbains est celui du logement. En
Inde, nous avons vu que le gouvernement peine fournir les infrastructures ncessaires la
population grandissante, mais aussi et surtout les abriter. En effet, selon la Banque Mon-
diale, 1/4 des logements urbains sont des bidonvilles. Quelles sont les diffrentes mesures
prises en terme de logement, dabord de manire gnrale, puis plus prcisment en terme
de low cost housing ?
Bien que le gouvernement soit relativement actif en termes de politiques et de tenta-
tives de changement, on voit bien quil narrive pas suivre laugmentation de la popula-
tion urbaine. En effet, il choue produire un nombre suffisant de logements bas cot
lintrieur des villes et pas seulement leur priphrie. Et lors de rhabilitation, il est clair
que le nombre de personnes expulses est bien plus grand que le nombre de personnes
potentiellement reloges dans des nouveaux logements ; lapprovisionnement de logement,
spcialement pour les pauvres, na pas su suivre la demande.
Une des tches majeures dans le secteur du logement pour lInde est celle de
lapprovisionnement de logements adquats pour les pauvres. Laugmentation forte et
constante des prix, surtout dans les grandes mtropoles, a limin les pauvres des mar-
chs du logement et des terrains. De plus, laugmentation des ingalits de revenus a
rduit les possibilits pour les intgrer dans le march du logement formel.

27
La Constitution indienne tablit le droit la proprit comme basique et fondamental,
mais ce nest pas le cas pour le droit au travail, le droit au logement et le droit lducation.
Le dilemme cre par cette prescription contradictoire le droit vivre mais ne garantissant
pas le droit de travailler ou de pouvoir dachat ceux qui ne peuvent que vivre en vendant
leurs comptences et force de travail a donn lieu de fortes tensions dans le pays. La
particularit du dveloppement urbain indien est que la croissance conomique enrichit les
propritaires et une petite partie des classes professionnelles, et prive de plus en plus la
masse des producteurs et vendeurs de main-duvre, les accusant mme de prendre de la
place dans une aire urbaine qui ne leur appartiendrait pas. Le terrain tant une denre rare,
il est dsir par les classes suprieures mais aussi par lEtat.
Le gouvernement, national comme local, suit une triple politique afin daugmenter les
logements pour les pauvres urbains vivant dans les bidonvilles :
Tout dabord, il y a les Slum Resettlement Schemes, travers lesquels les person-
nes qui ont t expulses dun bidonville sont reloges dans la priphrie urbaine ;
On trouve aussi des plans de dveloppement in situ sur les terrains dj occups
par les bidonvilles pour les rsidents de ces mmes bidonvilles. Ces plans sont gnrale-
ment financs par des subventions, rendues plus profitables en augmentant la FSI (Floor
Space Index). Mais cette solution est assez rare cause de la valeur du terrain en ville.
Enfin il y a des schmas de dveloppement pour lamlioration de lenvironnement
des bidonvilles urbains (Environmental Improvement of Urban Slums (EIUS)) 18.
Ces plans suivent les recommandations faites sous la National Housing Policy cre en
1992, une des premires vraies politiques en matire de logement qui visait freiner la
construction de logements luxueux pour laisser la place aux logements sociaux. Cest
seulement 45 ans aprs lindpendance quune relle politique du logement est dvelop-
pe, et depuis trs peu de progrs ont t faits ; de plus, ces politiques ne couvrent quune
petite partie de la population de bidonvilles actuelle.

Notes
18
UNESCO et UNICEF, International Migration in India Initiative, National Workshop on internal mi-
gration and human development in India, 2012
28
Dans la pratique, peu de ces projets sont raliss : les villes indiennes caractrises
par un manque despace subissent une pression du terrain norme, et le gouvernement
est lafft de chaque espace occup par les bidonvilles pour y construire, mais, mal-
heureusement, peu de logements pour les plus dmunis. Selon ILO (International Labour
Organization) le march de logement formel ne fournit pas plus de 20% des nouveaux
logements, donc par ncessit, les populations se tournent vers des colonies illgales19.
De plus ces schmas ont gnralement peu de succs de par leur manque de com-
prhension globale du problme. En effet, ils ne se posent pas la question dun logement
adquat aux populations. Par adquat, le gouvernement entend un prix de construction
faible et un logement comprenant toutes les infrastructures basiques permettant de vivre
correctement. Cependant, le gouvernement ne regarde ni la provenance ni les traditions de Projet de rhabilitation Chennai
chacune de ces populations, et les relogent toutes aveuglment dans les mmes barres TNSCB
de logements, dtruisant toutes interactions sociales traditionnelles au profit dun gain
de place. Ainsi le gouvernement choue, non seulement produire des logements bas
cots, mais surtout produire des logements qui correspondent aux attentes de ses habi-
tants, en matire de proximit au lieu de travail, de mode de vie et de traditions sociales.
Par ailleurs, la stratgie dhabiter peut tre couple avec la stratgie de transports en
commun de qualit, car de ces derniers dpend la localisation des logements. Sans trans-
ports en commun efficaces, les pauvres urbains refusent de sinstaller lextrieur des
villes, mme si le gouvernement leur y construit des logements, car cela impliquerait tre
trop loin de leur lieu de travail, provoquant de forts cots de transport, ainsi que de longues Projet Ezhil Nagar, Chennai
TNSCB
heures de trajet. Ceci contribue alors au dveloppement des bidonvilles lintrieur des
villes. Les pauvres urbains doivent ainsi jongler entre le prix du logement, lassurance au
bail, la qualit du logement et le trajet pendulaire.
Pour conclure, en Inde et dans la plupart des villes du monde en dveloppement, il y
a peu de bien-tre social et presque aucune tentative de logements sociaux. Les citadins
pauvres doivent encore se loger eux-mmes avec peu ou pas daide provenant de lEtat
pour se procurer des terres ou des infrastructures. La planification urbaine conventionnelle
est-elle vraiment si incapable de dvelopper des solutions viables la problmatique des
logements pour les pauvres ?
Proposition pour la rhabilitation de
Perumbakkam, Chennai
Notes
TNSCB
19
UN-HABITAT, An Urbanising World : Global Report on Human Settlements, Oxford 1996
29
2.6. MIGRATIONS
Much of the urban ills are attributed to the rural-spills.
MITRA, Arup, MURAYAMA, Mayumi, Rural to Urban Migration : A District Level Analysis
for India, Institute of Developing Economies (IDE), JETRO, 2008

Au moment de la partition, les migrations religieuses ont conduit des millions de per-
sonnes dans des bidonvilles : Mumbai, Delhi, Kolkata, Karachi, Lahore et Dhaka ont d ab-
sorber des vagues de rfugis. Ainsi, aux premires heures de son indpendance, lInde a
subi de fortes migrations, dramatiques en termes de culture, de dmographie et de densit.
La migration rurale-urbaine est lun des facteurs principaux de lurbanisation. En ef-
fet, avec le dveloppement des villes, les migrations rurales se font de plus en plus nom-
breuses. Pour contrler lurbanisation trop rapide des villes, il faut russir comprendre et
contrler les phnomnes de migrations internes. Comment se passent les migrations dans
le contexte indien? Quelles sont leurs caractristiques?
La migration dun endroit un autre la recherche dun meilleur niveau de vie est une
des cls de lhistoire humaine. LEurope la connu durant la priode du 17me-19me sicle.
Alors que certaines rgions sont en retard dans leur capacit supporter les populations
grandissantes, dautres se dveloppent et les gens y migrent afin daccder ces nouvelles
opportunits, augmentant le vide entre rural et urbain.
Bien que le systme des castes, les familles jointes, les valeurs traditionnelles, la diversi-
t des langues et de culture pourraient expliquer une faible migration, dautre part, le vaste
territoire indien, les diffrentes opportunits conomiques et de travail variant dEtat en Etat,
et surtout le droit la circulation lintrieur du pays dfinit par la Constitution suggrent
une longue histoire de migration interne (illustration 13). Effectivement, ce sont les migra-
tions, et en particulier les migrations internes, qui contribuent de manire significative la
croissance des villes indiennes. En 2011, lInde affiche un total de 400 millions de migrants
internes, soit un tiers de sa population20. Cependant, on ne peut pas entirement se fier
ce chiffre car on sait que beaucoup de ces migrations sont invisibles.
Notes
20
Rapport de lUNESCO, Social Inclusion of Internal Migrants in India, 2013
30
Jammu and Kashmir

Himachal
Pradesh

Punjab

i Uttaranchal
Delh
na
rya
Ha

Sikkim Arunachal
Pradesh
Rajasthan
Uttar
Pradesh
Assam

d
lan
Bihar

ga
Na
Meghalaya

Migrent vers

ur
nip
Ma
ura
Madhya Jharkhand

Aires rurales Aires urbaines

Mizoram
Trip
Pradesh

Raison pour migrer


West
Gujarat
Bengal

Hommes Femmes Hommes Femmes


Chhattisgarh

Emploi 286 7 557 27


Dadar Nagar Odisha
and Haveli Maharashtra

Etudes 107 5 68 22
Andhra Mariage 94 912 14 608
Arabian Sea Pradesh Bay of Bengal
Dmnagement des parents 221 44 252 294
Goa
Karnataka Autre 292 32 109 49
Total 1000 1000 1000 1000
Andaman
and Nicobar

Illustration 14 - Raisons pour migrer en 2008


Islands

Tamil
Source: Census of India 2011
Kerala

Lakshadweep Nadu

Population en milliers
Intra-District 62,57%
moins de 100 100 - 200
Inter-District 24,12%
200 - 300 plus de 300 Inter-Etat 13,31%

Illustration 13 - Carte des migrations internes indiennes en 2001 Illustration 15 - Distribution des migrants internes en pourcentage, 2001
Source: Bhagat et Mohanty (2009) Source: Census of India 2001

31
Avec louverture de lconomie indienne en 1991 qui a entran lindustrialisation des
villes dune part, et le manque de soutien des zones rurales par le gouvernement dautre
part, les populations rurales sont de plus en plus attires par les villes. Les facteurs attirant
les populations rurales vers les villes sont de plus en plus importants : la transformation
rapide de lconomie indienne, lamlioration de lducation, des transports et des com-
munications, les offres de travail sont les nouveaux facteurs qui influencent les schmas de
mobilit (illustration 14). Par ailleurs les facteurs poussant les populations hors des zones
rurales sont le faible revenu, faible niveau dalphabtisation, dpendance sur lagriculture,
forte pauvret. Ainsi, il ne sagit pas seulement de lattrait des zones urbaines, mais aussi
de lincapacit des zones rurales faire vivre ses habitants.
Il est cependant important de noter que la plupart des migrants vers les zones urbaines
sont souvent les personnes les plus duques et les plus riches des zones rurales. En effet,
les indiens savent quil est dur de sen sortir en ville, surtout cause du prix lev de la vie.
Par ailleurs la migration dune zone rurale une zone urbaine est trs traumatisante pour
beaucoup : les migrants se trouvent exposs un environnement diffrent, ce qui entraine
du stress et un fort impact sur leur attitude et leurs habitudes.
La migration interne est principalement intra-tat les populations des zones rurales
se dplaant vers les grandes villes avoisinantes. A Chennai par exemple, il semblerait quil
sagit mme dune migration inter-district. Ceci prouve que la migration en Inde se fait sur
des distances courtes : 62% des migrants se dplacent lintrieur mme de leur district,
contre seulement 13% vers un autre Etat (illustration 15).
Il ny a pas dtudes qui puissent directement lier la migration au schma de croissance
dans les lieux de destination. Cependant, on peut voir que la raison principale de migrer est
celle du travail. Ces migrants permettent de rduire la demande de main-duvre, formant
une composante majeure de la force de travail dans beaucoup de secteurs et dindustries
(construction, textile, ). Ceci vaut pour les migrants du travail qualifis comme non quali-
fis. De plus, il y a une nette prfrence de la part des employeurs pour un migrant, en
partie cause du prix, mais aussi car ils trouvent plus facile de les discipliner. Enfin, les
migrants du travail travaillent souvent dans des endroits o les gens locaux refuseraient de
travailler, car il sagit de travail rude et parfois dangereux.

32
En Inde, de par la grande diversit ethnique entre les Etats, la migration interne soulve
les mmes problmatiques politiques que la migration internationale. Il y a toujours eu en
Inde des mouvements de sons of the soil , qui montrent que les migrants sont souvent
traits comme des trangers dans leur propre pays. Malgr des lois nationales qui garan-
tissent le droit la migration sur le territoire indien, les pratiques locales nient souvent les
droits la citoyennet aux citoyens migrants. Ceci entraine laugmentation dune population
informelle .
De manire gnrale, les politiques vis--vis des migrants sont hostiles : les mas-
ter plans des villes cherchent les exclure ; les politiques de dveloppement rural et
dagriculture cherchent contrler la migration vers les zones urbaines ; et la migration est
vue comme un processus dstabilisant politiquement et socialement. Le rsultat est que
les cots de la migration reviennent presque entirement aux migrants mmes, et le gou-
vernement cherche chapper toute responsabilit de leur fournir les besoins basiques21.
Nous lavons vu, on peut considrer la planification urbaine indienne comme un chec,
ce pour quoi les migrants sont constamment accuss. Ceci entraine des attitudes nga-
tives et mme de la haine et violence vis--vis de ces populations. La planification urbaine
est pourtant un instrument important dans le droit la ville des migrants. Mais dans la
plupart des villes, les masterplans ne sont pas capables de rpondre aux besoins des
habitants urbains, en particulier de ceux des migrants. Une approche prenant en compte le
droit la ville dmocratiserait la prparation du masterplan, inclurait une stratgie de dve-
loppement de ville-noyau et offrirait des possibilits non seulement pour raliser les droits
des habitants dans la ville droit au logement, droit aux infrastructures sanitaires, droit
lducation et la sant , mais aussi leur droit changer la ville selon leurs envies. Faire
ceci, signifie placer les migrants au cur de lagenda du dveloppement de la ville et donc
les bidonvilles avec eux.

Notes
DESHINGKAR, Priya, Livelihood Diversification in Andhra Pradesh and Madhya Pradesh India,
21

Overseas Development Institute London, 2004


33
2.7. INGALITS ET PAUVRET URBAINE
The test of our progress is not whether we add more to abundance of those who have
much ; it is whether we provide enough for those who have too little.
ROOSEVELET, Franklin Delano

Les migrants, une fois arrivs en ville, doivent souvent faire face au manque de droit
au logement, au manque de preuve didentit, de reprsentation politique, des travaux
mal pays et dangereux, et un accs limit aux services normalement pourvus par lEtat
sant, ducation et logement. Ces migrations crent ainsi un nouvel ordre urbain, ordre
qui accentue les ingalits lintrieur des villes, mais aussi entre ces dernires : The root
cause of urban slumming seems to lie not in urban poverty but in urban wealth 22.
Les modles polariss dutilisation du territoire et de densit de population quon trouve
dans les villes indiennes aujourdhui reprennent des logiques plus anciennes de colonisation
et de dominance raciale, quon peut retrouver dans quasiment tous les pays un moment
de leur histoire (lApartheid en Afrique du Sud, la sgrgation des noirs aux Etats-Unis). A
travers tous les pays en dveloppement, les lites post-coloniales ont hrit et reproduit les
bases des villes coloniales sgrges. En Inde, lindpendance na pas vraiment chang
cette situation dexclusion gographique et sociale mise en place durant le Raj. Simplement
les colons sont remplacs par les classes sociales leves indiennes et la population indi-
enne par les classes dfavorises. En dpit dune volont officielle de libration nationale
et de justice sociale, les plus riches ont adapt le zonage racial de lpoque coloniale pour
dfendre leurs propres privilges dexclusivit du territoire. Pour preuve, environ les 3/4 de
lespace urbain indien est dtenu par 6% des mnages urbains23 (illustration 16). 3/4 de
3/4 de lespace
lespaceurbain
urbain
A long terme, ces migrations gnrent une surpopulation dans les villes, ainsi quun
1/4 de lespace urbain
manque de travail, poussant alors les migrants dvelopper un secteur informel, et se 1/4 de lespace urbain
loger l o il est possible ; Cest ainsi que se dveloppent les slums. Effectivement, les bi-
1 mnage urbain
donvilles logent pour la plupart ces migrants, ces pauvres urbains. 1 mnage urbain

Notes Illustration 16 - Densit de popula-


22
VERMA, Gita, Slumming India : A Chronicle of Slums and Their Saviours, New Delhi, 2002 tion du milieu urbain
23
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
34
Lexode rural et la sgrgation entrainent de fortes ingalits lintrieur de lespace
urbain, en termes de richesse, de travail, de logement et despace. Les plus pauvres se
voient nier leurs droits civiques et la culture urbaine et sont vus comme un frein au pro-
grs et lamlioration de la socit urbaine. De plus, le fait de fournir diffrents niveaux
de services urbains en fonction de la capacit payer des habitants renforce le processus
de segmentation des villes entre quartiers riches et quartiers pauvres. Cette fragmentation
urbaine est dautant plus forte avec le dveloppement de villes nouvelles prives : des
complexes rsidentiels hauts de gamme, entirement quips et souvent hermtiques au
50
reste de la ville. Ces nouvelles enclaves sont conues comme des entits urbaines in-
tgres qui permettent damnager lespace en court-circuitant les villes existantes et leur
45
problme de gestion. Ainsi, non seulement les politiques de dveloppement urbain profitent

45-50%
aux plus riches, mais le dveloppement de schmas semblables draillent mme la planifi-
40
cation prvue, ne prenant pas du tout en compte la ville et niant toute forme de dmocratie
urbaine. Ces structures ne font ainsi quaccentuer les fractures sociales et spatiales24.
35
La sgrgation urbaine nest pas un statut fig, mais plutt en constant mouvement
dans lequel lEtat intervient au nom du progrs, de lembellissement et de la justice sociale 30
pour les pauvres, pour redessiner les frontires lavantage des propritaires, des investis-

30%
seurs, locaux comme trangers, et de llite indienne.
25
Malgr la multiplication du nombre de villes au cours du 20 sicle et la densification
me

25%
24%
du rseau urbain, certains espaces restent lcart de lurbanisation perptuant lexistence 20
dingalits spatiales. Pourtant si les terrains appartiennent au gouvernement, ne serait-il
pas juste quils soient, en tout cas en partie, utiliss pour les plus dmunis ? Selon le UN 15
Urban Observatory, dici 2020, la pauvret urbaine mondiale pourrait atteindre 45 50% de
la population urbaine totale25 (illustration 17). 10

0
1988 2000 2000 2020
Notes
24
DUPONT, Vronique, Lurbanisation en Inde : Rvision de Quelques Mythes et Vrais Dfis , Illustration 17 - Proportion de la
dans: Rayonnement du CNRS n47, Mars 2008 pauvret urbaine par rapport la
25
DUPONT, Vronique, Lurbanisation en Inde : Rvision de Quelques Mythes et Vrais Dfis , population urbaine mondiale
dans: Rayonnement du CNRS n47, Mars 2008 Source: World Bank
35
2.8. UNE HISTOIRE URBAINE INFORMELLE
Instead of being a focus for growth and prosperity, the cities have become a dumping
ground for a surplus population working in unskilled, unprotected and low-wage informal
sevice industries and trade.
UN-Habitat, The Challenge of Slums, Global Report on Human Settlement, UN Human
Settlement Programme, 2003

Selon Mike Davis, le dveloppement du secteur informel est un rsultat direct de


la libralisation du pays. En effet, la libralisation, la croissance urbaine incontrle et
laugmentation des disparits aussi bien sociales que spatiales amnent des processus
informels, de travail comme de construction. On peut ainsi essayer de tracer une histoire
parallle de lurbanisme officiel de lInde un urbanisme informel construit par le peuple
mme, au jour le jour. Lessentiel de la ville est dans linvisible, dans ce qui ne se voit pas :
A Chennai par exemple, seulement 30% de lemploi est officiel, et 70% couvre le secteur
informel26.
Au-del dun simple revers de la mdaille, on peut chercher comprendre quelles sont
les limites de cette informalit dans le contexte indien. Que signifie vraiment informel ? En
utilisant ce terme je fais rfrence aux activits (ou constructions), qui ne sont ni autorises
ni contrles par le gouvernement, mais qui ne sont pas interdites en tant que telles pour
autant. Linformalit vit de lincapacit du gouvernement poser des rgles de manire
claire et les faire respecter. Mais linformalit vient aussi du mode de vie indien, o les
choses ne sont pas aussi carres quen Occident et o la vie se droule la frange de ce
qui est officiel et illgal.
La classe travailleuse informelle, avec plus dun milliard de personnes, est la classe
sociale grandissant le plus vite dans le monde. La majorit de cette classe est constitue
de migrants ruraux qui sont absorbs par le secteur informel. En Inde, seul 35% des travail-
leurs migrants seraient employs de manire formelle27.

Notes
26
CDP, City Development Plan, 2009
27
National Sample Survey Organisation, 2010
36
On pourrait penser que lexistence du secteur informel est due au manque
dopportunits formelles dans les villes ; en Inde, les opportunits sont prsentes, mais
le gouvernement peine fournir des moyens simples pour tre employ dans le secteur
formel. Cest donc dans le secteur informel que la majorit des activits se passe et cest
dans le secteur informel encore que les plus pauvres ont les meilleures perspectives pour
changer rapidement et rgulirement de travail et devenir plus mobile.
Le phnomne durbanisation informelle est un symptme du mal fonctionnement du
secteur immobilier qui est touch par des prix trs levs, des terrains de plus en plus
rares, une non transparence de son march et lincapacit du gouvernement anticiper et
excuter des politiques foncires dont les mesures mal conues continuent de stimuler
plutt que de ralentir le secteur informel.
Informalit et bidonvilles ne signifient pas forcment crime et dlinquance. Les
habitants des bidonvilles sont aussi des citoyens indiens respectables qui viennent en ville
afin damliorer leur niveau de vie, mais qui se voient refuser une lgalisation de leur statut,
les forant travailler de manire illgale dans des conditions souvent difficiles, ne pas
avoir accs aux aides gouvernementales, vivre dans des conditions insalubres sans avoir
accs aux programmes de sant et de famille. Ils sont ainsi trs sensibles aux alas du
march du travail et du manque de protection sociale. Il est aussi important de noter que
les bidonvilles naccueillent pas exclusivement la population informelle (beaucoup de jeunes
viennent tudier dans les villes et vivent dans des bidonvilles pour dpenser moins dargent
par exemple).
Le bruit, la pollution et la congestion des rues, ensemble avec les nouvelles formes de
bureaux climatiss et hermtiques, ont rompu toutes connections avec la rue. Ceci rend les
rues et trottoirs libres pour les vendeurs informels et les sans-abris, poussant les pitons
sur la route. Le secteur informel a pu se dvelopper spatialement grce une fermeture
de lespace public d une urbanisation qui cherche calquer le modle occidental. Dans
une ville plus ouverte, le secteur informel aurait une place nettement moins importante,
puisque les magasins formels seraient eux-mmes dj ouverts sur lextrieur. Spatialement
le secteur informel contribue la congestion dans les rues, au dtriment des pitons en
particulier.

37
Il est important de noter que le secteur informel provient aussi en partie de lnorme
corruption et du systme de pot-de-vin qui font fonctionner la politique indienne. Il est vrai
quune certaine rgulation du secteur informel est ncessaire dans lintrt de la scu-
rit publique et de lhygine (cest le secteur informel qui dtient une partie du traitement
des dchets), mais il faut russir trouver des manires de le faire sans touffer lesprit
dentreprise et dautonomie qui rgit linformalit quon trouve, entre autres, dans les slums.
Ces habitants pauvres ne devraient pas tre pris pour responsables du dveloppe-
ment de linformalit, cest le gouvernement qui manque ses responsabilits, poursuivant
un chemin de dveloppement prcis qui ne les inclut pas. Par ailleurs, linformalit est vue
comme quelque chose de ngatif, envers de la formalit, mais il faut comprendre que le
secteur informel permet aux villes formelles de fonctionner : il comprend les chauffeurs
de rickshaws, les ouvriers en construction, maons, peintres, les femmes de mnage, les
vendeurs, les mcaniciens, les gardiens, La majorit sont des travailleurs indpendants.
Selon une tude, 33% des indiens reconnaissent quils dpendent de services offerts par
des habitants de bidonvilles28.
Ainsi, un bidonville peut tre vu comme un simple bidonville. Mais on peut aussi le
regarder comme une ville dans la ville, une ville qui gnre une conomie parallle, nomme
informelle par comparaison avec lconomie officielle dtermine et gre par le gou-
vernement.

Notes
28
DASH, Dipak Kumar, Slums Make Life Easier , dans : Times of India, 16 Octobre 2013,
http://articles.timesofindia.indiatimes.com/2013-10-16/india/43105718_1_slum-dwellers-urban-
poor-expenditure
38
2.9. LA VILLE CINTIQUE
Like the Hindu god Ganesh, usually depicted as half human and half elephant, cities in
India have two aspects. To successfully build in India, developers must understand their
interplay.
MACK, Michael, The Kinetic City Key to Development in Indias Urban Boom

Selon larchitecte Rahul Mehrotra, il y aurait deux faces aux villes indiennes actuelles :
la phase pr-indpendance o la majorit des parcs et btiments publics taient construits
selon la ville europenne, et la phase de croissance post-indpendance de colonies tem- Ganesh Chaturthi
boston.com
poraires et illgales qui a conduit la ville cintique. Ce phnomne est un rsultat de la
pression de la croissance, ainsi que des attitudes culturelles des migrants ruraux qui ont fait
gonfl les villes durant cette priode.
Aujourdhui la ville indienne est comprise entre deux composantes : la ville statique
qui correspond la ville permanente , construite de matriaux durs comme le bton,
la brique ou le mtal et la ville cintique qui fait partie dun flux constant qui fait et refait
sans cesse la ville existante, construite en matriaux temporaires comme du plastique, de
la ferraille, de la tle et de la chaume. La ville cintique nest pas forcment la ville des pau-
vres, comme les visuels pourraient le suggrer ; cest plutt une occupation de lespace qui
Temple de Krishna, Npal
cre une spatialit plus riche, mais qui suggre aussi comment les limites spatiales peuvent boston.com
tre tendues afin dinclure des activits et des utilisations nouvelles dans des conditions
urbaines denses. Ce qui est intressant en Inde est de voir comment des structures perma-
nentes et temporaires occupent le mme espace, et comment la ville cintique sappuie sur
la ville statique afin de se dvelopper : The result is both glamour and displacement 29.

Mouvement dans la ville


Robert Stephens
Notes
29
MEHROTRA, Rahul, Kinetic City, Emerging Urbanism in India, 2013
39
La ville cintique est une vision qui permet de mieux comprendre les limites de
lurbanit contemporaine ainsi que les rles changeants de la population et des espaces
dans la socit urbaine. La ville cintique devient limage symbolique de la condition
urbaine indienne mergente. Rahul Mehrotra explique que la population informelle les
vendeurs, les chauffeurs de rickshaws est la cratrice dun paysage urbain en transforma-
tion permanente : une ville en mouvement constant o le tissu mme est caractris par
cette mobilit.
Ce phnomne est un rsultat de la pression de la croissance, ainsi que des attitudes
culturelles des migrants ruraux qui ont fait gonfler les villes durant cette priode. Face ces
forces de croissance et de conflit de culture les centres dfinis par les anglais se sont
dsintgrs et ont perdu leur rle de centre de la ville. Ces espaces perdus peuvent-ils
tre ravivs ? Actuellement, les problmatiques lies ces notions de mouvement ne sont
pas traites dans le processus de planification, d un manque de comprhension de ses
dynamiques. Une nouvelle forme urbaine qui soit capable de chevaucher les deux mondes
sans conflit doit tre dveloppe.
Les btiments historiques reprsentent lhistoire architecturale de la ville et devraient
tre une source de fiert et non de honte. De la mme manire, les bidonvilles, plutt que
dtre la gangrne des villes car ils ne correspondent pas aux symboles de la modernit,
peuvent devenir les reprsentants de cette nouvelle forme urbaine, de cette ville cintique
propre lInde ; ils sont la preuve quune alternative peut tre dveloppe. La notion er-
rone que la prservation du tissu historique freine la modernisation dune manire ou
dune autre doit tre rvoque. En fait, lancien et le nouveau peuvent non seulement coex-
ister, mais aussi se complter lun lautre en crant une varit dans la forme btie de cette
ville anime et passionnante. La ville cintique et chaotique
Le challenge des villes indiennes est de faire face leurs transformations, non pas timesofindia.in
en augmentant les polarits, mais en considrant comme valides ces deux entits en les
associant entre elles. Lexistence de ces deux mondes dans un mme espace implique
laccommodation dutilisations varies et la superposition de perceptions diffrentes et de
formes diffrentes. Construire des formes urbaines et architecturales doivent permettent
cette superposition de monde, ainsi quune capacit de rinterprtation (les arcades par
exemple peuvent accueillir dautres activits tout en gardant lillusion que leur architecture
est intacte).
40
2.10. CONCLUSION LA VILLE, UN ORGANISME VIVANT
What we need is a flexible plan for an ever changing world.
Governor BROWN, Jerry

LInde est un pays qui narrive pas encore grer son urbanisation et lexpansion de
ses villes, en particulier en matire de logement pour toute cette nouvelle population ur-
baine. En effet, il devient pressant aujourdhui de russir contrler cette urbanisation qui
augmente de plus en plus les ingalits entre urbain et rural, mais aussi lintrieur mme
des villes, provoquant dnormes disparits sociales, spatiales, conomiques et politiques.
Mais pour cela une comprhension plus globale et prcise des enjeux de lurbanisme est
ncessaire afin de dvelopper des solutions sur le long terme. Une des solutions la pres-
sion de lurbanisation que le gouvernement cherche dvelopper serait dvelopper de
nouvelles zones urbaines, voisines des grandes villes existantes mais de taille infrieure, de
manire attnuer la pression quelles subissent (illustration 18).
Dans tous les cas, le challenge primordial du gouvernement en terme de planification
urbaine est de russir augmenter la capacit dabsorption de la population dans les villes
tout en fournissant un niveau de base dinfrastructures aux habitants.
La forme et la composition dune ville dpendent de sa topographie et de son climat, et
ses caractristiques sont uniques et propres elle. Alors pourquoi vouloir tout unifier sous
la bannire moderne, perdant toutes ces caractristiques inhrentes aux villes les indien-
nes comme les europennes ?
Souvent on ne reconnat pas des fragments du nouveau paysage, parce que la vi-
sion occidentale des pays du Sud est limite, et surtout il sagit dune vision gocentrique.
Par exemple, prenons la caractristique des pays du Sud la plus spectaculaire : malgr la
pauvret et lexploitation, malgr des sicles de privation, les populations en tant quentits
sociales et humaines sont encore largement intactes. Cest un facteur dimportance cru-
ciale pour le futur dveloppement de leur pays. Aux yeux du citoyen officiel , le squatter
luttant pour faire vivre sa famille, la loger et la nourrir, est un lment anti-social ; dun autre
point de vue, son effort est aussi merveilleux, intuitif et socialement positif comme un oiseau
qui construit son nid.
41
Par ailleurs, il ne faut pas voir les villes comme des lments statiques, et srement pas
les villes indiennes, qui subissent des changements rapides. Au contraire, selon la
thoricienne Jane Jacobs, le seul moyen pour comprendre la ville serait de la concevoir
comme un organisme vivant, capable de sadapter, sopposant aux politiques de planifica-
tion urbaine modernistes qui visent dtruire des quartiers historiques afin de construire
des barres dimmeubles. Ceci montre que les planifications nationales actuelles ne
correspondent pas aux rels problmes.
I think both the architecture and urban landscape of India has to necessarily be one of
pluralism because India is a multiethnic, multicultural landscape and I think architecture and
cities are the physical expression of those aspirations. I dont think we can go the China
way, where everything is made in a singular image ; in the mutinous democracy of India
thats going to be impossible 30.

CONGESTION

SITUATION ACTUELLE PROPOSITION


Migrations vers la ville ce qui la congestionne. Elle Formation de nouveaux centres urbains pour dcon-
stend de plus en plus, englobant les villages voisins. gestionner la ville et crer de nouvelles oppportunits.

Illustration 18 - Stratgie de dcentralisation du gouvernement

Notes
30
MEHROTRA, Rahul, Kinetic City, Emerging Urbanism in India, 2013
42
CHAPITRE 3
THORIE DES SLUMS
3.1. ORIGINES
Slum, semi-slum, and super-slum to this has come the evolution of cities.
GEDDES, Patrick

Il a t dfinit que les bidonvilles prennent naissance dans les villes et sont une con-
squence de lurbanisation ainsi que de laugmentation des ingalits dans les centres
urbains. Nous lavons vu, bien qutant un phnomne universel, ils restent spcifiques au
pays dans lequel ils se trouvent. On peut alors se demander quelles sont les caractris-
tiques dun bidonville, et plus spcifiquement dun bidonville indien? Que cela signifie-t-il de
vivre dans un bidonville ?
Au 19me sicle, le terme slum tait utilis pour dsigner des back-room, pice o des
actes illgaux prennent place31 ; il tait aussi utilis pour dfinir neglected parts of cities
where housing and living conditions are appallingly lacking 32 ; enfin on le retrouve dans
louvrage de James Hardy Vaux o il est synonyme de commerce criminel et escroquerie.
A partir des annes 1830-1840, le Cardinal Wiseman transposa le terme de slum de
largot au langage commun, utilis par tous. A la moiti du 19me sicle, des bidonvilles sont
identifis en Europe, Amrique et en Inde, et commencent tre considrs comme un
phnomne international. Car, bien que les bidonvilles et le secteur informel soient consi-
drs comme de nouvelles structures du 20me sicle, naissant avec lindustrialisation des
pays en dveloppement, ils ont en ralit de forts antcdents historiques en Europe :
Naples, Londres, Dublin, avant la rvolution industrielle, taient souvent composs de plu-
sieurs quartiers quon pouvait qualifier de bidonvilles ; les principaux lments de la nouvelle
urbanit taient lusine, le chemin de fer et le bidonville.

Notes
31
SCHNEIDER-SLIWA, Rita et BHATT, Mihir, Recovering Slums Determinants of Poverty and Up-
ward Social Mobility in Urban Slums, Universit de Ble, 2008
32
La Banque Mondiale, 2001
43
Tout comme la migration vers les villes durant la rvolution industrielle a largement
dvelopp les bidonvilles dans lEurope urbaine, il est normal que la mme chose se pro-
duise dans les pays en dveloppement au moment de leur industrialisation. Les questions
majeures sont celles de savoir comment maintenir ces bidonvilles au minimum, com-
ment limiter leurs effets et comment les inclure dans la planification urbaine afin de rendre
linvitable plus grable, afin dviter les douloureuses rhabilitations et relocalisations
que le gouvernement indien prne aujourdhui33.
Comme nous lavons dj brivement vu, les bidonvilles sont des structures urbaines
qualifies dillgales, limage ngative car ce sont des lieux souvent insalubres, habits
par les populations les plus pauvres. Cependant, il serait intressant daborder une
approche plus sensible cette forme urbaine afin den comprendre rellement le fonc-
tionnement, lorganisation et les habitants qui y vivent. En effet, les habitants provenant le
plus souvent de zones rurales, o les traditions indiennes sont trs fortes que ce soit en
termes de structure sociale, de mode de vie, dorganisation du territoire ou darchitecture
on pourrait considrer les bidonvilles comme un endroit o lhritage social est concentr.
Les bidonvilles abritent des millions de personnes, on peut ainsi supposer que ces mil-
lions dindiens ne vivent pas de manire homogne que dans la pauvret et linsalubrit. En
effet, le terme de slum est trs imprcis parce quil peut tout inclure, du simple bidonville
temporaire aux colonies construites. Les constructions varient mais aussi les diffrentes
infrastructures disponibles (eau, lectricit, installations sanitaires, ). Ce qui contribue
aussi la confusion sont tous les autres termes utiliss autour du slum, squatter, logement
faible revenu, et les autres termes venant dautres langues et cultures. Labsence dun
seul terme pour lensemble rend le travail des urbanistes trs difficile, parce que ce qui nest
pas dfinit ne sera ni mesur ni compar, mais surtout ne sera pas suffisamment pris au
srieux. Le problme de la dfinition semble tre aussi complexe rsoudre que le prob-
lme des bidonvilles en soi.
Je cherche ici dfinir les bidonvilles sous des termes sociaux, urbanistiques et archi-
tecturaux plutt que purement techniques. Je compte montrer ce quest un bidonville en
Inde, la reprsentation que les indiens en ont, les mesures du gouvernement, la nature et
lidentit des slums ainsi que le rle de larchitecte dans cette situation.

Notes
33
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
44
3.2. DFINITION GNRALE
Slums are too complex to define according to one single parameter.
ONU, Human Settlements Programme, 2003

Les bidonvilles ponctuent presque toutes les villes du monde. Leur dfinition varie de
pays en pays, et leur type est innombrable. On peut saccorder considrer que les bidon-
villes sont des logements inadapts lhumain, mais la dfinition dinadapt peut varier
selon les pays et leur niveau. Pour rsumer, un bidonville nest pas facilement dfinissable.
Selon lONU il nest pas possible de dfinir les bidonvilles de manire universelle car il
sagit de structures mouvantes qui voluent trop rapidement pour valider certains critres
long terme et qui sont dpendantes du contexte et des variations locales34. Ceci a pour
consquence que les urbanistes manquent souvent dexprience et de ressources pour
diriger convenablement la croissance urbaine. Ces derniers doivent reconnatre en premier
lieu que le bidonville est un phnomne rsolument urbain et quils doivent mettre en uvre
des plans de villes et de quartiers, des logements abordables, linstallation dinfrastructures
de base et lassurance dune scurit lgale35.
La dfinition la plus utilise est celle de UN-Habitat en cinq points lors de la Confrence
de Nairobie en Octobre 2002 (illustration 19)36. Cette dfinition est rduite aux caractris-
tiques physiques et lgales des bidonvilles, mais ne prend pas en compte les dimensions
sociales, plus difficiles dfinir, mme si ce sont elles qui correspondent, dans la majorit
des cas, la marginalit sociale et conomique. Leur dfinition reste ainsi assez tradition-
nelle, ne regardant que les faits physiques.

Notes
34
ONU, Human Settlements Programme, 2003
35
SCHNEIDER-SLIWA, Rita et BHATT, Mihir, Recovering Slums Determinants of Poverty and Up-
ward Social Mobility in Urban Slums, Universit de Ble, 2008
36
UN HABITAT, State of the Worlds Cities 2008/2009 Harmonious Cities, Earthscan, 2008
45
QUEST-CE QUUN
BIDONVILLE?
UN HABITAT AVEC
UN OU PLUS DE CES
CRITERES :
EAU NON POTABLE MANQUE DINSTALLATIONS
SANITAIRES

CONSTRUCTIONS SURPOPULATION ABSENCE DE SECURITE


PRECAIRES AU BAIL

Illustration 19 - Dfinition des bidonvilles en cinq points


Source: UN-Habitat

En revanche le rapport de lONU sur lUrban Land Policies commence timidement


inclure laspect social, en dfinissant le bidonville comme une aire caractrise par la sur-
population, la dtrioration, des conditions insalubres, conditions qui mettent en danger la
sant, la scurit et la morale des habitants 37.
Bien que le bidonville soit effectivement toutes ces choses lorsquil est vu en rela-
tion avec la croissance et le changement urbain, il pourrait aussi tre plus que a en tant
tudi travers les traditions, les murs sociaux et architecturaux. Il peut tre vu comme
un espace interstitiel, premire vue statique, entour par des espaces en changement
constant. Ou bien, avec le temps, il peut tre vu comme un espace dhabitation dans une
position intermdiaire entre une ancienne et une nouvelle utilisation venir de cet espace.

Notes
37
Urban Land Policies, United Nations Secretariat, Document ST/SCA/9, New York, Avril 1952
46
3.3. LES BIDONVILLES EN INDE
Everything around us is roses, and were the shit in between.
100
BOO, Katherine, Behind The Beautiful Forevers, Portobello Books, 2012

90

93,000,000
En Inde, des conditions conomiques insuffisantes pour des millions de personnes se
traduisent en des conditions de logement insuffisantes, do la forte proportion de sans- 80
abris ou de bidonvilles dans les villes indiennes. Les bidonvilles semblent se rpandre de
manire incontrle travers les villes, et il ny a pas suffisamment de bonnes solutions 70

POPULATION EN MILLIONS
pour rduire le problme.

65,000,000
Nous lavons mentionn, les bidonvilles ne sont pas un phnomne homogne sur 60
lensemble de la plante ; cest aussi le cas lintrieur du sous-continent. En effet, sa
grande varit de territoire, de communauts, de richesse et dhistoire ont des con- 50

52,000,000
squences sur les bidonvilles indiens, en particulier en terme dorganisation sociale : les
castes, les provenances des habitants, les cultures vont grandement influencer la vie 40
sociale des bidonvilles. Par consquence, il y a de grandes diffrences dapparence, de
conditions de vie et de stratification sociale dans les slums indiens. Cest pourquoi les 30
questions de structure interne des bidonvilles et des logements, de mme que la manire
de survivre des habitants et de sortir de la pauvret sont particulirement intressantes. De
20
telles recherches permettraient au gouvernement de mieux organiser les planifications ur-
baines afin de rduire les mauvaises conditions de vie38. Mais, pour linstant, il ne prend pas
en compte ce type de paramtres. 10

Selon le Census de 2001, la population des bidonvilles est passe de 52 millions en


0
2001 65 millions en 2011, ce qui reprsenterait 44% des mnages urbains39. En revanche 2001 2011 2011
selon le Pranab Sen Committee, en 2011 la population des slums serait en fait de 93 mil-

PRANAB SEN
OF INDIA

OF INDIA
CENSUS

CENSUS

COMMITTEE
lions. Cette diffrence montre probablement une tendance du gouvernement diminuer
certaines donnes (illustration 20).
Notes
38
SCHNEIDER-SLIWA, Rita et BHATT, Mihir, Recovering Slums Determinants of Poverty and Up- Illustration 20 - Comparaison de la
ward Social Mobility in Urban Slums, Universit de Ble, 2008 population des bidonvilles
Census of India / Pranab Sen Committee
39
UN HABITAT, State of the Worlds Cities 2008/2009 Harmonious Cities, Earthscan, 2008
47
Tout comme le bidonville porte diffrents noms selon les pays, lintrieur mme du
sous-continent indien, plusieurs appellations se font connatre en fonction des rgions :
Juggi-Jhopri Delhi, Zopadpati Bombay, Basties Calcutta, Cherries au Tamil Nadu et
au Kerala40. De plus, il y a aussi diffrentes terminologies gouvernementales, en fonction du
statut de ces derniers, ce qui permet au gouvernement dignorer certaines de ces struc-
tures dans leurs Census :
Informal settlements : il sagit des quartiers illgaux, non reconnus par le gou-
vernement.
Slum designated areas : cest ce que nous appelons plus communment bidon-
villes, mais cela correspond en fait uniquement ceux reconnus par le gouvernement (donc
de taille suffisante, et sur un terrain intressant).
Resettlement colonies : ils correspondent aux quartiers rhabilits par le gou-
vernement.
Le Slum Improvement and Clearance Act dfinit en 1956 le bidonville comme tant un
quartier o les btiments ne sont pas adapts lhabitation humaine et dangereux pour
la sant, la scurit et la morale cause du dlabrement, de la surpopulation, du manque
despace, de ventilation, de lumire et dinstallations sanitaires.
En Inde, il existe diffrents types de naissances des bidonvilles : il y a ceux qui taient
des quartiers dindiens lpoque coloniale, et qui lors de lindpendance sont progres-
sivement devenus des quartiers de pauvres ; il y a les nouveaux bidonvilles, qui vont
venir sinstaller dans des espaces rejets par lurbanisation normale , le long des rivires,
des voies de chemins de fer ou prs des aroports ; et il y a les bidonvilles qui taient alors
des petites villes ou villages et qui ont progressivement t englobs dans la ville lors de
son expansion.

Notes
40
PRASAD D.Ravindra, REDDY, A. Malla, Environmental Improvement of Urban Slums The Indian
Experience, K.B. Satyanarayana, 1994
48
3.4. REPRSENTATION DES SLUMS PAR LES INDIENS
Slums are a disgrace to the country and it is a matter of regret that governments, both
central and state, have so far paid little attention to this acute problem A person who
becomes a juvenile delinquent or a tuberculosis case because of slum conditions is no less
a national than a local liability. From the national point of view, it is better to pay for the cost
of clearing slums than to pay the mounting cost of slums and suffer their destructive effects
upon human lives and property indefinitely.
NEHRU, Jawaharlal, Governement of India, First Five Year Plan, Planning Commission,
New Delhi, 1951

Les bidonvilles ont t une proccupation majeure et irritante dans lesprit du gou-
vernement indien depuis lindpendance. Nehru lance le ton lors du premier Five Year Plan
(voir ci-dessus) 41. Du point de vue du gouvernement, la position est claire : les bidonvilles
sont une honte pour le pays et ce sont des phnomnes radiquer tout prix afin que les
villes indiennes correspondent aux idaux modernes occidentaux.
Dautre part, la prsence des bidonvilles en Inde reste relativement peu mdiatise,
bien que ce soit de plus en plus le cas ces dernires annes. Avec louverture du pays et
la meilleure connaissance des problmes auxquels ils doivent faire face, quelle est la per-
ception des indiens vis--vis des bidonvilles? Ont-ils conscience de la problmatique en
jeu ? Que pensent-ils des directives du gouvernement ? Cette partie se base sur une srie
dinterviews auprs de plusieurs indiens, ralise sur place et cherchant montrer les dif-
frentes visions indiennes. Lchantillon comprend des personnes de diffrents domaines et
essaie dtre reprsentatif des classes moyennes et aises.

Notes
41
SIVARAMAKRISHNAN, K.C., Re-visioning Indian cities, the Urban Renewal Mission, Sage publi-
cations, 2011
49
Ben Grant de Spa Opulence Chennai Mira Mre de famille
I dont know why you bother studying I think slums are what indians dont
slums, EVERYTHING in India is a slum! want to see, the governement of
course, but the people as well. We all
know that they are there, somewhere
nearby, but we dont acknowledge
them. We all know that our maids are
living in slums for instance, but we
wont talk about it and we wont do
anything about it. Its like it doesnt
concern us. It is sad really, but I dont
know how we could change this mind
set.

Durganand Architecte chez ARTES Srivathsan Journaliste the


Slum is a fascinating subject because it hindu
is so rich and full of potential, but nobody To me whats really interesting is to
sees it. To me it is a big mystery how the see what will the governement do
slum-dwellers can live in a surreal world, about it. Slums have been there for-
but they do and that is amazing. How else ever, and forever the governement has
can a person accept to live with no basic only done very little things to prevent
infrastructure while knowing that others it. Im wondering until when this will
have so much ? Because those are rural continue, and what will it do when it
migrants who came to the city and dont realizes that it has to change.
know any better. They are hermetic to the
urban environment and their mind is still
following the rural time which makes them
accept the surreality of their situation.

50
Ann Business development manager Selvaganapathy Informaticien
Oh my god, why are you working on I dont know anything about slum in
this ? You can go anywhere and study details, but I know that without its in-
anything, why coming to India to work on habitants I wouldnt know what to do.
SLUMS? If theyre not there, whos gonna fix
my shoes ? Whos gonna make a shirt
for 300 INR (4-5 CHF) ? Whom can I
call when I need an emergency key ?
Here in India, we have a guy for eve-
rything, key guy, water guy, gas guy,
cable guy, gardener, driver, maid, dog
keeper, we actually barely do anything
ourselves !

Etesh Directeur de lhotel Harrisons Dhivya Etudiante en architecture


It is true that its an important question We have very often students who
for the cities, but I think has taken a lot work on slums for their thesis. A friend
of measures to prevent the expansion of told me about the visits she made
slums. I think we have to resettle them with officials. The thing is that those
in whatever we can build and theyll just officials guys dont even see the prob-
get used to it. We are not going to build lem of what they are doing, to them it
them their old tiny dirt houses, it doesnt makes perfect sense, and everything
make the city beautiful. is right. Its like theyre from another
planet because they still have this
crazy idea that it is possible to eradi-
cate all the slums of India.

51
De manire gnrale, la classe moyenne ou aise suit lopinion du gouvernement et
considre les bidonvilles comme mauvais. Cependant, bien quayant conscience du ph-
nomne et connaissant souvent des gens qui y vivent, la plupart ny est jamais all, tout
simplement parce quils nont aucun intrt sy rendre. Par ailleurs, on se rend compte
que beaucoup ralisent que les mesures du gouvernement ne sont pas forcment adap-
tes la situation, car ils voient ces nouveaux immeubles de logements se prolifrer, mais
les slums restent tout aussi prsents.
Les indiens ont tendance voir les bidonvilles uniquement comme un empchement
leur dveloppement, mais peu ralisent que les bidonvilles sont en fait au cur des villes
indiennes, que cest le secteur informel qui leur permet de fonctionner. En effet, ce sont
grce leurs habitants qui ralisent les petits travaux que la ville peut fonctionner
comme elle le fait prsent. Cest grce au secteur informel que la vie des classes mo-
yennes et aises est rendue plus simple : il y aura toujours quelquun pour raliser une
tche spcifique, faire les courses, refaire des cls, repasser ses chemises, rparer une
chaussure casse, Tous les indiens fonctionnent en fait grce cette informalit, les
rendant compltement dpendants delle et des habitants des slums. Cette entraide et
cohsion reprsente en fait assez bien le cur du fonctionnement de la socit indienne
: les classes aises se retrouvent dans une situation paradoxale o pour le bien-tre et la
scurit de lhumain et pour la beaut de la ville elles prchent une radication des slums et
une amlioration des conditions de vie de ses habitants, mais par ailleurs pour leur confort
personnel et leurs besoins individuels, elles ont besoin de ces habitants de slums pour sur-
vivre dans leur quotidien et ont donc besoin quils restent dans une certaine misre afin
quils continuent raliser certaines tches leur place.

52
3.5. LES MESURES DU GOUVERNEMENT
It isnt that they cant see the solution. It is that they cant see the problem.
CHESTERTON, Gilbert Keith

Nous lavons vu, le bidonville est considr comme un aspect trs ngatif des villes,
de par son insalubrit, sa pauvret, sa surpopulation et son illgalit, et par consquent, le
gouvernement prne une radication de tous les bidonvilles. Ils sont vus comme un flau et
leur limination comme une bndiction. Toutes les politiques ce sujet se font donc dans
cette seule optique ; le terme choisi pour la politique en matire de bidonville est trs clair
Slum Clearance.
Le National Slum Clearance and Improvement Act en Inde est un programme national
fonctionnant travers les gouvernements des Etats et des municipalits. Sous cette lgisla-
tion plusieurs schmas dlimination des bidonvilles sont lancs dans diffrentes villes,
Delhi, Mumbai, Chennai et autres. Ce sont aux gouvernements locaux de rserver un cer-
tain pourcentage de leur budget lradication des slums (Chennai doit rserver 20 25%
de son budget municipal aux logements pour les pauvres) 42; cependant, le manque de
financement est un des gros obstacles lavancement de llimination de ces derniers.
La suppression des bidonvilles et le logement public ont t rendus insparables
comme faisant partie dun seul et mme programme : aucun programme de logement ne
peut tre valable sans la destruction des bidonvilles43. De manire globale, les politiques
dlimination des bidonvilles se basent sur les Slum Resettlement Schemes : en premier lieu
il faut identifier les diffrents bidonvilles de la ville. Comment ils sont dfinis restent relative-
ment flou ce qui permet de jouer avec. Aprs cela, le gouvernement dfinit un nouveau
terrain et y construit des logements, souvent plusieurs tages. Puis la population se fait
dplacer et le gouvernement dtruit les logements du bidonville de dpart afin de pouvoir y
reconstruire dautres btiments. Ce systme a fait trs peu de progrs depuis sa cration et
ne couvre quune infime partie de la population des bidonvilles.

Notes
42
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
43
ABRAMS, Charles, Housing in the Modern World, Faber and Faber London, 1964
53
Chaque Etat et municipalits doivent assurer une croissance planifie des bidonvilles
et prvoir une superficie pour les logements des EWS (Economically Weaker Section)
en fonction de leur proportion dhabitants de bidonvilles (10% de la superficie pour 20%
dhabitants pauvres ; si ce pourcentage est infrieur 20%, ils ne doivent rserver que 3%
de leur superficie). De plus, ils doivent assurer lassurance permanente dun logement
tous les habitants, considre comme une condition essentielle pour la motivation des hab-
itants amliorer lenvironnement dans lequel ils vivent44. ETAPE 1 Migrations des zones
En termes damlioration des bidonvilles, trois grandes possibilits sont dveloppes : rurales vers la ville dans des bidonvilles.
Forte densit de ces quartiers.
Lapport de services minimaux in situ, sous le Scheme of Environmental Improve-
ment in Urban Slums.
La rhabilitation in situ.
La rhabilitation par relogement sur un autre site. Ce systme de relocalisation vers
les priphries a pour consquence que beaucoup de ses habitants revendent illgalement
leur nouveau logement pour retourner vivre dans leur bidonville originel ou un autre plus
proche de leur cercle dactivit (illustration 21).
En 2009, le prsident du pays Shrimati Pratibha Devisingh Patil dclare comme but ETAPE 2 Evictions des bidonvilles
national des slum free cities grce au lancement du RAY (Rajiv Awa Yojana). Son but est vers des complexes de rhabilitation
de formatiser le traitement des bidonvilles sur lensemble du territoire qui jusqualors subis- lextrieur de la ville
sait une multitude de politiques diffrentes Environmental Improvement of Urban Slums
(1974), Urban Poverty Eradication Programme (1995), National Slum Development Pro-
gramme (1996), National Urban Housing and Habitat Policy (2007). Il prvoit :
De ramener les bidonvilles existants dans le systme formel en leur donnant le
mme niveau dinfrastructures que le reste de la ville.
De lutter contre la pnurie de terrains et de logements urbains qui rend lhabitat
inaccessible aux pauvres urbains et qui les force revenir des solutions illgales dans le
but de conserver des moyens de subsistance et demploi. ETAPE 3 Pendularit force qui
entrane une augmentation de la
De compter 25 m2 comme superficie moyenne pour un logement EWS, comprenant congestion. Retour vers les bidonvilles
une chambre, une cuisine, un salon et une salle de bain. (nouveaux ou anciens).
Notes
Illustration 21 - Les consquences
SCHNEIDER-SLIWA, Rita et BHATT, Mihir, Recovering Slums Determinants of Poverty and Up-
44
des politiques
ward Social Mobility in Urban Slums, Universit de Ble, 2008
54
Pour ce faire, le RAY prvoit de faire un inventaire de tous les slums des villes et de tous
les terrains libres qui pourraient tre utiliss pour les projets de rhabilitation (illustration 22).
Bien que les bidonvilles soient effectivement dans les ttes des politiciens depuis
lindpendance, ces mesures ont cependant toujours suivi la mme ligne de pense et ce
encore aujourdhui, sans aucune nouvelle relle politique ou attitude.
Les efforts continus en terme de redveloppement de certaines zones des villes,
comme le projet de Dharavi Mumbai, montrent que lobjectif principal des dveloppeurs,
que ce soit le gouvernement ou les privs, est de reprendre le terrain du slum pour des
dveloppements profitables et non le relogement des habitants. De plus, beaucoup
dargent a t dpens en particulier pour le JNNURM et le RAY, mais aucune tude na
t faite concernant lefficacit de ces programmes, constamment rallongs dans le temps.
Par ailleurs le systme de relocalisation pose des problmes vis--vis des habitants : en
plus de la mauvaise localisation du nouveau terrain, lattribution dun nouveau logement est
trs complique : les habitants doivent tre capables de prouver leur prsence depuis un
certain nombres dannes et de prouver leur citoyennet. Par exemple Chennai, un des
critres dattribution dun logement est de prouver que la famille a un revenu par mois de
175 INR ou moins, ce qui savre trs difficile dmontrer pour des travailleurs informels45.
Enfin ces politiques nincluent pas les habitants des bidonvilles dans le choix du nou-
veau terrain ou des logements construits, ils ne sont pas inclus dans la construction mme
du nouveau logement, du nouveau quartier, dans lequel ils seront forcs de vivre, mettant
en avant leur position dtrangers dans leur propre pays. Ceci dmontre la non comprhen-
sion au niveau urbanistique en dtruisant les slums et en relogeant lextrieur des villes
et au niveau architectural en construisant du high rise high density plutt que du low rise
high density qui correspond plus au mode de vie des habitants des solutions proposes
par le gouvernement.

Notes
45
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
55
En ne prenant en compte que les facteurs dhygine, dinsalubrit, de construction
prcaire, il est logique dtablir des schmas dradication des bidonvilles. Mais en prenant
en compte les facteurs sociaux, dhritage social, architectural, les modes de vie et les
coutumes, ces schmas nont aucun sens et vont mme jusqu dtruire ces facteurs. En
refusant daccepter les bidonvilles pour ce quils sont dans leur ensemble, le gouvernement
ne fait quaccentuer le problme et il gagnerait les accepter afin de dvelopper de nou-
velles politiques qui chercheraient, plutt que de les radiquer, les intgrer dans la ville afin
quils se dveloppent par eux-mmes, toutefois de manire guide.

Slection de villes pour la


1re phase du RAY

Disponibilit des logements,


Identification des bidonvilles infrastructures primaires,
Par bidonvilles data dmographique,
socio-conomique et autres

Cration dune database GIS et MIS* des


Par zones
(spatiale et non-spatiale) bidonvilles

Diffrence dans le
logement, les
Par villes services basiques
entre les slums et la
ville

*GIS : Geographical Information Systems


*MIS : Management Information Systems

Choix dun modle de


redveloppement des
bidonvilles

Dveloppement in situ Relocalisation

Slum Free City Plan


(avec des phases et des
dlais)

Changements dans le Master-


plan pour des rglements
appropris pour faciliter une
ville dans bidonvilles

Illustration 22 - Mthodologie du RAY


Source: RAY Guidelines
56
3.6. LA NATURE DES BIDONVILLES
L o on pense que la ville finit, et o en fait elle recommence.
PASOLINI, Pier Paolo

Nous lavons vu, la croissance dmographique rapide, lincapacit des centres urbains
rpondre aux exigences de ce phnomne et la pauvret dun grand nombre de citadins
sont lorigine de la formation des quartiers sous-intgrs. Mais quelle est la vraie nature
des bidonvilles et comment sont-ils lis la ville ?
Les slums et la ville entretiennent une relation complexe ; tout dabord, les bidonvilles
permettent lindustrialisation et la ville de se dvelopper : en effet, la croissance de
lindustrie requiert plus de main-duvre, ce qui suppose une plus grande arrive de per-
sonnes vers ces nouvelles aires industrielles. Cependant partir dun moment le flux de
personnes dpasse la demande de travail, les poussant accepter des logements de mau-
vaise qualit ainsi que de ne pas tre pris en charge par le gouvernement. Bien que
conscient de cette ralit, ce dernier ne cherche pas vraiment soccuper de ces popu-
lations ni de leur bien-tre. De la mme manire, les employeurs ne ralisent pas que le
travail de leurs employs dpend en partie de lenvironnement dans lequel ils vivent. Cette
situation entrane le dveloppement du secteur informel, informalit qui permet la ville
formelle de fonctionner. On peut ainsi voir un lien conomique trs fort entre les bidon-
villes et la ville qui se traduit par une proximit gographique entre les quartiers informels
et les quartiers formels. En effet, les bidonvilles indiens se trouvent souvent adjacents aux
quartiers les plus aiss, car cest l quil y aura du travail.
De plus, les quartiers sous-intgrs ne vivent gnralement pas en autarcie par rapport
au reste de la ville, comme le font par exemple les villes nouvelles prives de haut standard.
Au contraire, le slum a besoin de la ville pour survivre et par consquent ses frontires sont
rarement matrielles (mur, grillage), mais prennent le plus souvent des lments de la ville
comme limites (rivire, route, rails de mtro).

57
A la vue de ceci, le bidonville nest-il pas finalement juste un autre type de quartier dans
la ville ? En effet, le dveloppement des bidonvilles pouse les tendances de dveloppe-
ment urbain de la ville dans laquelle ils se trouvent : le slum est DANS la ville et reprsente
sans conteste un lment constitutif de son volution.
Pourtant, de par sa nature hybride, le bidonville nest pas en connexion directe avec
la ville ; cette dernire va chercher les viter et les concentrer dans un mme en-
droit en priphrie. Il est considr comme marginal par rapport au reste de la ville. Les
habitants des bidonvilles sont carts de la ville conventionnelle, aussi bien socialement
quconomiquement. Lespace urbain normal est rarement parcouru, faute dargent,
pour profiter des services offerts. Cest lautre ville
Ainsi, cause de sa marginalit force mais aussi cause de la provenance rurale de
ses populations, le bidonville serait en fait, non pas seulement le rsultat de la sgrgation,
de la pauvret et des ingalits sociales et spatiales dans la ville, mais aussi une synthse
entre lespace urbain et rural, une zone tampon entre ces deux typologies, runissant des
caractristiques de lun comme de lautre (illustration 23). Le bidonville natrait de cette colli-
sion entre urbain et rural ; il sagit dun acte violent, naturel et fort.
Le rsultat de cette collision est un paysage hermaphrodite, une campagne partielle-
ment urbanise ou une ville partiellement ruralise, qui selon lanthropologue Gregory Guil-
din serait une nouvelle voie dans loccupation humaine et le dveloppement, une forme ni
rurale ni urbaine mais un mlange des deux dans lequel un rseau dense de transactions
lient les grands centres urbaines et leurs rgions avoisinantes 46.

Campagne Banlieue Ville

Illustration 23 - Les bidonvilles, une tape entre urbain et rural


Source: le-cartographe.net
Notes
46
GULDIN, Gregory, Whats a Peasant to Do ?, Westview Press, 2001
58
Le bidonville provient donc dune origine spontane et non planifie spontanit qui
rend sa dfinition extrmement difficile. Pourtant, cest lui qui permet de former le paysage
urbain tel quil est aujourdhui dans les villes. Mais plus que dtre des structures non-plani-
fies, les bidonvilles semblent mme tre anti-planification ; par l jentends la planification 1 Un village ; 250 rouges et un bleu.
urbaine du gouvernement local. En revanche il faut noter que bien qutant dorigine spon- Qui est le bleu ? Einstein ? Lidiot du vil-
tane, les bidonvilles suivent malgr tout une certaine rgle de dveloppement, rgle qui est lage ? En tout cas, il nest pas rouge.
propre chacun et qui nest premire vue pas visible.
Charles J. Strokes se pose la question de leur nature : Slums, it is argued, do not
yield themselves readily to re-arrangement. Indeed, are they like cancer ? Cancer has its
own growth process distinct and ultimately inimical to the human body. Is the presence and
continued growth of slums destructive of the city ? . En rpondant laffirmative on dfinit
2 Une ville de 1,000 habitants. Main-
les bidonvilles comme des quartiers o les processus de dveloppement sont tellement dif- tenant il y a cinq ronds bleus.
frents de ceux de la ville quils vont forcment la dtruire. Il sagit l de la nature attribue
aux slums depuis leur cration, structures urbaines dtruire afin de sauver la ville. Mais
Strokes met aussi ses doutes : Slums may be a necessary and even helpful phase of
the ecological processes by which city growth can be described . En effet, la nature des
bidonvilles est srement plus complexe que cela ; sa structure et ses processus de dvel-
oppement ne sont-ils pas des preuves des traditions rurales indiennes dune part, devenant
3 Une ville de 25,000 habitants. Ah!
un tmoignage des villes indiennes traditionnelles dans les villes indiennes modernes ? Un moment historique : deux bleus se
Dans un pays comme lInde o tout est entreml, imbriqu, complexe et pas facile- rencontrent pour la premire fois.
ment dfinissable, le bidonville ne peut-il pas tre considr comme un de ces lments
cls dans les villes dans la mesure o il reprsente cette hybridation entre deux types
despaces, ce mlange de cultures, de langues, de modes de vie, et quil permet la ville
formelle de fonctionner de senrichir, conomiquement mais surtout socialement ? (illustra-
tion 24).

4 Une ville de 100,000 habitants


avec plusieurs quartiers de ronds
bleus. Et aux frontires de ces colonies,
certains ronds rouges sont en train de
devenir... violet!
Illustration 24 - La nature des villes
Source: CORREA, Charles, A Place in
the Shade
59
3.7. UNE POPULATION INVISIBLE MAIS FORTE
() how people learn, despite incredibly difficult odds, to survive, to share and to love.
LAPIERRE, Dominique, La Cit de la Joie, Robert Laffont, 1985

Il y a encore quelques annes, les quartiers sous-intgrs napparaissaient sur une au-
cune carte et les espaces leur correspondant taient simplement laisss vides. Aujourdhui,
grce aux satellites et Google Maps/Earth, il nest plus possible de les oublier .
Le fait que le gouvernement ne reconnaisse pas une grande partie des bidonvilles
La population indienne
existants, transforme leurs habitants en population invisible, virtuellement inexistante. Cest TNSCB
une population compose principalement de migrants internes non enregistrs lors de leur
arrive en ville qui, en plus de devoir se battre pour leur droit au logement, la sant, etc...,
doivent avant tout prouver leur existence. Mais dautre part, ils cherchent cacher leur
provenance, de peur de ne pas se voir attribuer un nouveau logement lors dune viction
gouvernementale ventuelle : lors des premires discussions avec les habitants des bidon-
villes de Chennai, tous disent tre de Chennai depuis plusieurs gnrations. Ce nest quau
fil de nombreuses discussions quils laissent entrevoir leurs vritables origines.
On trouve beaucoup de discussions sur le fait de savoir si ce sont les gens qui font le
bidonville ou le bidonville qui fait les gens. Cette question est oriente dans le but de savoir La population invisible
si les conditions dhabitat des slums sont dues aux standards sociaux ou inversement. La thehindu.in
question est lgitime, mais, selon moi, pas du point de vue des conditions dinsalubrit :
ces conditions (pas daccs leau, pas dlectricit, ...) ne sont pas en lien direct avec les
habitants, mais sont des consquences du manque dimplication du gouvernement. Quant
la rponse, il me semble quelle est juste dans les deux sens : ce sont les migrants qui
arrivent et qui, par leur seule volont, sont capables de se construire un logement ; dun
autre ct le bidonville conditionne ses populations de par son autocollant de cancer de
la ville et les condamne lisolation du reste de la ville, socialement, conomiquement et
politiquement. Je ne pense pas que ce soit les gens qui produisent la partie ngative des
bidonvilles, mais ce sont certainement eux, et uniquement eux, qui permettent leur propre La volont de survivre
survie dans un environnement qui leur est hostile. CORREA, Charles, A place in the Shade

60
Et bien quabritant le plus souvent les citadins les plus pauvres, les bidonvilles ne sont
pas forcment un signe de pauvret et de faiblesse pour autant : on trouve rgulirement
des membres des classes suprieures MIG (Middle Income Group) qui ont russi cono-
miquement mais qui continuent de vivre dans un bidonville car ils y ont une certaine notori-
t, y sont respects et servent leur communaut. Il peut parfois paratre tonnant de voir
des voitures, voire mme de grandes marques comme BMW gares dans les bidonvilles. Il
est donc faux de dire que toute la pauvret urbaine est concentre dans les bidonvilles, et
que tous les habitants des bidonvilles sont forcment pauvres : nettement plus de la moiti
des familles affirment que bien que gnralement pauvres, elles sont capables de se nour-
rir et lors des visites nous navons jamais vu de familles dans des situations dextrmes
pauvret. Cependant il faut prendre en compte une ventuelle subjectivit, la malnutrition et
sous-nutrition ntant souvent pas perue par ceux qui en sont affects47.
Par ailleurs, des tudes montrent clairement que les bidonvilles en Inde samliorent en
terme de personnes qui travaillent, et quils ont un meilleur taux dalphabtisation et de ratio
garons/filles que la moyenne du sous-continent48. Ces lments ne sont certainement pas
la preuve que la vie est meilleure dans un bidonville, mais montrent en tout cas la dtermi-
nation de ses habitants avoir une vie meilleure. On trouve dailleurs beaucoup dtudiants
en mdecine, en informatique, vivant dans les bidonvilles afin de rduire leurs dpenses.
De plus, on pense souvent des bidonvilles que ce sont des espaces de violence, de
criminalit et de corruption de toutes sortes, mais il ny a en fait aucune relle preuve de
a. Bien quil existe certains problmes de gangs et de violence dans certains bidonvilles,
les slums indiens restent globalement des quartiers aussi srs quautre part en ville. De
plus on attribue certaines perversions la vie dans les bidonvilles, mais, encore une fois, ce
nest pas forcment vrai : par exemple, dans une certaine caste, il est possible de divorcer
et de se remarier, chose quasi-impossible dans la socit indienne. Ce fait a t attribu
la dbauche qui rgit les bidonvilles et leurs habitants, mais il sagit en fait une spcificit
culturelle et non une spcificit du bidonville en question49.
Notes
47
SCHNEIDER-SLIWA, Rita et BHATT, Mihir, Recovering Slums Determinants of Poverty and Up-
ward Social Mobility in Urban Slums, Universit de Bale, 2008
48
CHAUBEY, Santosh, Slums the Governement of India Way : Notified, Recognised and Identified,
santoshchaubey.wordpress.com, 8 octobre 2013
49
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
61
Selon Devadas Pillai, en Inde il ny a pas rellement de culture de slums en tant que
telle, il sagirait simplement de ladaptation des cultures varies des diffrents habitants au
contexte urbain dans lequel le bidonville se dveloppe. Effectivement, chaque habi-tant
de chaque bidonville va tre diffrent et on ne peut donc pas tablir une culture des slums
mme de manire locale. En revanche, certaines caractristiques des populations volont
de sintgrer, de survie se retrouvent dans nimporte quel bidonville indien et sont le
tmoin de la force de la population des bidonvilles. Mais tant dans lillgalit, comment
faire entendre ses droits ? Le nombre et lanciennet sont-ils des arguments suffisants ?
Alors que le bidonville cherchait gnralement se cacher ou tre cach, dsormais,
cest une nouvelle tape qui est franchie : celle de la visibilit, de laffranchissement de la
mauvaise rputation, celle du tissage dune socit fire dont la force est en passe de se
faire entendre, rclamant son droit dexister.
Semblable la ville de Jane Jacobs celle conue comme un organisme vivant
dans un bidonville tout y est interconnect, mouvant. Des processus mergent la forme :
le paysage est le reflet de ses habitants, de leurs activits, de leur histoire. La croissance
de la ville peut alors tre vue comme le rsultat de la force de la population, et cest celle
des bidonvilles, celle qui on ne donne rien, qui est capable de construire de ses propres
mains un abri pour se loger, de se construire un temple o prier, dorganiser une cole la
maison du professeur pour ses enfants, et qui est capable de sadapter nimporte quelle
situation dans laquelle la population officielle lui force de vivre. Alors quon peut voir les
slums comme un chec de la part de la planification du gouvernement, on peut aussi les
voir comme le succs dune force de survie. Il sagit en ralit dun systme trs efficace
qui nest pas faonn par lEtat, mais par le peuple mme.

62
3.8. IDENTIT ARCHITECTURALE DUN SLUM
I learn my architecture by watching what ordinary people do ; in any case it is always
cheapest and simplest because ordinary people do it. They dont even employ builders, the
families do it themselves. The job works, you can see it in the old buildings the way wood
lattice work with a lot of little holes filters the light and glare. Im absolutely certain that con-
crete frames filled with glass panels is not the answer.
BAKER, Laurie

Sil est vrai que leur statut en marge de la loi est en partie lorigine de conditions dif-
ficiles, cela ne signifie pas pour autant quil nexiste aucune rgle et aucune organisation.
Bien au contraire, un bidonville est la surimposition des systmes hirarchiques sociaux,
familiaux, conomiques et culturels traditionnels qui sont extrmement codifis et impor-
tants dans le quotidien des indiens. Si on peine appliquer ces qualificatifs la socit des
bidonvilles, ce sont pourtant bel et bien les relations de pouvoir et dallgeance qui sont le
moteur central de la vie et de lorganisation architecturale dans les slums.
Il est videmment impossible de nier le fait que les bidonvilles manquent le plus souvent
dinfrastructures, que la sant y est souvent prcaire, mais le plus important est quon y
est entour dhabitants la culture hospitalire et incroyablement riche, se ramenant aux
cultures plus rurales ; cest travers ces cultures rurales que larchitecture et lorganisation
du bidonville doit tre perue.
En effet, les bidonvilles indiens, comme la plupart des bidonvilles du monde dailleurs,
sont le fruit dune auto-construction qui sest ralise dans le temps. En terme de plani-
fication du quartier, il est vrai quil y a peu dordre architectural en tant que tel ; la planifi-
cation suit principalement une hirarchie sociale (des castes, des familles), qui fait quun
nouvel arrivant btira sa maison cet endroit prcis plutt quun autre, le plus souvent en
lien avec lorigine de ses voisins et la relation quil peut avoir avec eux. De plus, dans les
bidonvilles visits, nous avons remarqu une certaine division du bidonville en fonction du
type de logement : les habitations en chaume sont regroupes, celles en tle aussi, et ainsi
de suite. Ceci nest quune tendance et non pas une division stricte, mais cela montre com-
ment lhabitat est le reflet des moyens conomiques et du mode de vie de la famille.
63
Nous avons vu que les bidonvilles naissent dune collision entre un espace rural un
village qui est englob dans la ville, ou simplement une population lorigine rurale qui
migre vers la ville et un espace urbain la ville, en constante croissance. Aujourdhui avec
lindustrialisation et la modernisation des villes indiennes, ces dernires ressemblent de plus
en plus nimporte quelle autre mtropole occidentale. Quen devient-il alors de lidentit
de la ville, et de leur hritage urbain? Existe-t-il rellement un hritage urbain indien ou
seulement un hritage rural indien transpos en zone urbaine? Dans la mesure o il fait la
synthse entre ces deux zones, le bidonville se place au cur de cette problmatique.
Mais un bidonville nest pas quune entit architecturale faussement chaotique, et bien
que peu de personnes acceptent de le voir, larchitecture des slums indiens reprsente une
perptuation des traditions architecturales ancestrales, comme par exemple : Cour dune maison, Rajasthan
La tendance organiser les maisons autour dun espace central plutt que le long Bruno Paolo Benedetti
de rues rappelle le systme de cour ouverte, caractristique de la disposition dans les vil-
lages mais aussi de beaucoup de maisons traditionnelles.
La construction des maisons sur un tage, voire parfois deux, mais en tout cas des
constructions basses et compactes.
Lamnagement dun espace lgrement surlev devant la maison (thinnai en Inde
du Sud, otla au Nord) qui peut servir despace de rangement, dentre, de cuisine, ou sim-
plement un lieu o sassoir.
Par ailleurs, les bidonvilles indiens avec leurs ddales de rues troites, leur multitude Thinnai
de maisons diverses, plutt basses, avec limmense diversit qui les rgit et un sentiment gkamesh.wordpress.com
gnral de communaut ressemblent en fait beaucoup aux centres historiques des villes
europennes Barcelone, Gnes, Montpellier, Pourtant leur poque, dans ces villes
certains de leurs quartiers taient insalubres et qualifis de bidonvilles, mais aujourdhui, ces
centres historiques sont le symbole de ces villes, on cherche les protger, les restaurer
et les faire revivre. Certes beaucoup des bidonvilles indiens nont pas autant dhistoire
que ces centres historiques, et surtout ne sont pas lorigine de la ville indienne actuelle ;
cependant ils restent un tmoignage du pass dans le prsent et il en ressort le mme
effet, et surtout les mmes qualits que ceux que ces centres historiques offrent : convivi-
alit, intimit, communaut. Otla, Rajasthan
avniarts.org

64
3.9. LE RLE DE LARCHITECTE
It would be foolish to pass from one distortion that the slums are places of crime, disease
and despair to the opposite : that they can be safely left to look after themselves.
SEABROOK, Jeremy, In the Cities of the South

En acceptant que la problmatique primaire soit celle du manque de territoire pour


construire dans des localisations convenables, comment les architectes peuvent-ils con-
tribuer lamlioration des logements sociaux quand ils ne sont pas autoriss par les rgu-
lations de construire aux densits ncessaires ou de contribuer lamlioration graduelle
des bidonvilles existants au cas par cas ?
Le gouvernement prne le plus souvent des rhabilitations dans des localisations aux
frontires de la ville. Ces projets se ressemblent tous, trs grande chelle, presque inhu-
maine, sans aucune prise en compte des spcificits de la population qui va y vivre. Face
ces monstres gouvernementaux, quel peut tre le rle dun architecte ?
Contrairement aux rhabilitations du gouvernement, celles des architectes devraient
tre plus sensibles, cherchant transporter la tradition des habitants avec. Au-del de la
problmatique de la localisation de ce nouveau site, se pose aussi la problmatique de la
typologie architecturale propose. Le gouvernement tend raliser des barres de loge-
ments quatre voire cinq tages ; or nous avons vu que les populations des bidonvilles
taient des populations souvent dorigine rurale, aux traditions et murs trs marqus. Et
bien que le bidonville ne rencontre pas les normes en termes dinfrastructures et de prop-
ret, il reflte le mode de vie de ses habitants, un mode de vie souvent communautaire.
Mais ces typologies dveloppes par le gouvernement rompent tout lien que les habitants
peuvent avoir entre eux, et accentue lindividualisation de ces derniers. Par ailleurs, ces
typologies sont de simples modles, sans nom et sans auteur. Larchitecte, lui, doit prendre
en compte toutes les composantes en jeu et il y en a beaucoup ! afin de proposer des
solutions intgres plus sensibles et qui soient spcifiques une localisation et une popu-
lation particulire.

65
Bien que les bidonvilles soient des exemples dauto-construction et dauto-gestion, il
ne faut pas oublier les nombreux problmes que cela peut engender, do limportance du
rle de larchitecte. Sa position ici nest pas de construire un btiment son effigie, comme
les architectes modernes ont tendance faire aujourdhui le nid doiseau dHerzog et
De Meuron, le muse du Quai Branly de Jean Nouvel mais de construire une maison
leffigie de lhabitant, en ne prenant en compte que ses besoins et ses volonts sans
chercher simposer, maison dans laquelle il peut vivre heureux avec sa famille.
What do architects and what do the people have in their minds when they hear the
word Architecture ? I unobtrusively tried to find out what the people think and found that
a very large proportion, especially architects, think of the word with a capital A and feel that
it mainly applies to proper, big important buildings 50.
Certains architectes arrivent comprendre la situation de ces pauvres urbains mais
surtout arrivent voir plus loin quune simple situation conomique et sociale ; ils recher-
chent lexpression dune architecture traditionnelle vernaculaire travers la population qui la
reprsente ; cest ce que font Laurie Baker, B.V Doshi, Charles Correa ou encore ARTES
travers les exemples qui suivent.

Notes
50
MITCHELL, Maurice, Learning from Delhi, Dispersed Initiatives in Changing Urban Landscapes,
Ashgate, 2010
66
B.V. DOSHI : Aryana Low Cost Housing, Indore, 1986

Doshi est un architecte indien n en 1927, particulirement connu pour avoir travaill
avec Le Corbusier. En 1986 il ralise un projet de Low Cost Housing Aranya, projet de
100,000m2 qui comprend 6,500 terrains pour des logements, allant de 35m2 pour les EWS
jusqu 475m2 pour les HIG (High Income Group).
Les objectifs taient de crer un quartier uni en donnant un caractre communautaire
avec plusieurs groupes socio-conomiques. Pour ce faire, le projet se base sur le concept
des Sites & Services : plutt que de construire des logements complets, on construit les
infrastructures premires (toilettes, tuyauteries) puis on laisse les habitants construire leur
maison au fil du temps. Ceci leur permet de faonner la maison selon leurs besoins. Les Master Plan
habitants sont libres de choisir parmi ce qui est disponible dans la rgion et parmi certains fr.slideshare.net
dessins de Doshi. Il en ressort un quartier uni mais divers, avec chaque maison reprsen-
tant sa famille. Le plan dAryana est ainsi un plan contrl mais rempli de libert. De plus,
Doshi reprend certains lments architecturaux classiques de la rgion (couleur, type de jali,
escaliers). Ainsi le projet prend en compte les habitudes et les traditions indiennes.
Le quartier est divis par une hirarchie de rues diffrentes qui sont ensuite dcales
entre elles afin de crer un systme continu dopen spaces pour la communaut et dviter
un unique grand espace. Les maisons sont ainsi connectes par ces espaces informels
inter-lis o le secteur informel peut se dvelopper (bazar, vendeur de th, ...).
Logements
Grce la sensibilit de Doshi et sa comprhension de larchitecture traditionnelle et fr.slideshare.net
moderne, mais aussi des murs des habitant, la colonie sintgre dans le tissu urbain tout
en gardant sa propre identit, reprsentant ainsi un nouveau modle, mi-rural mi-urbain.

Espace informel
fr.slideshare.net
Source : fr.slideshare.net/ankita224/aranya-low-cost-housing
67
CHARLES CORREA : Artist village, Belapur, New Bombay, 1983-1986

Charles Correa est une des grandes figures de larchitecture moderne indienne, en
particulier travers ses thories, ses processus de conception et sa vision de larchitecte :
We (architects) decide that someone has to design houses for these people. Why do we
do this ? Our attitude is really quite ugly. It would seem that we want to believe that the rea-
son the poor do not have houses is their ignorance ; so weve got to show them how. This
is much easier on our conscience than the truth : which is, that they are homeless because
they are on the losing end of the system 51.
En raison du climat indien, la plupart des activits (cuisiner, dormir, accueillir), ne se fait
pas entre quatre murs, mais plutt dans des espaces extrieurs vrandas, cours. Cest Schma en cluster
en fonction de ces tendances quon peut dterminer la typologie dhabitat idal, cono- foundationsakc.com
miquement et socialement. En Inde, il sagit surtout du low rise high density qui permet une
grande utilisation de terrasses, vrandas et cours.
Cest ce que Correa fait Belapur ; le projet se dveloppe sur 55 hectares et suit un
schma de clusters imbriqus : un premier cluster se fait autour dun petit espace com-
munautaire, sept modules tant groups autour dune cour semi-prive de 8x8m. La com-
binaison de trois clusters forme un module plus large de 21 maisons encerclant un espace
ouvert de 12x12m. Finalement le dernier niveau despace commun de 20x20m est dfinit
par le regroupement de trois de ces modules. La hirarchisation spatiale se poursuit jusqu
former des places de quartiers o sont situes les coles et autres quipements publics. Le quartier
foundationsakc.com
Cette hirarchie despaces extrieurs et leur dmatrialisation participent la cration dun
environnement propre chacun et encourage le dveloppement dactivits lucratives.
Chaque unit se dveloppe sur un terrain permettant de futures extensions, faisant
alors disparatre le caractre parcellaire au profit de celui dun village compact et irrgulier.
Avec ce projet, Correa montre quil y a un intermdiaire entre un bidonville insalubre et
la ville moderne, en gardant la vie et la diversit quon peut retrouver dans un bidonville,
mais aussi en instaurant une planification claire et dfinie.

Une cour
foundationsakc.com/projects/housing/
Notes artist-village-charles-correa
51
CORREA, Charles, A Place in the Shade, Hatje Cantz Verlag, 2012
68
LAURIE BAKER : Fishermens Housing Colony, Thankassery, 1996

Laurie Baker est probablement lun des architectes les plus connus en Inde. Il a tou-
jours rejet le style international lanc par Le Corbusier et na jamais accept lide que la
multiplicit des besoins et des aspirations humaines puisse tre ralise par un ensemble
de standards. Au contraire, il croit que les besoins individuels dcoulent des environne-
ments divers du territoire indien, des diffrentes habitudes culturelles et modes de vie. Il
estime que ces besoins doivent tre satisfaits travers une architecture sensible qui utilise
des matriaux locaux et qui sexprime sous des formes diverses52.
A la suite dune inondation en 1993, la communaut de pcheurs de Thankassery est
dtruite. Pour ce projet, Baker a commenc par raliser plusieurs typologies de plans parmi Colonie de pcheurs
a+u, Laurie Baker, n12, dcembre 2000
lesquelles les pcheurs pouvaient choisir, et va mme jusqu construire les maisons types
afin quils puissent rellement voir le rsultat. La diversit des typologies est grande : plan
carr, rectangulaire, rond, un tage ou plusieurs, etc... Chaque maison comporte une
pice principale, deux chambres, une cuisine, une vranda et des toilettes. Afin de con-
server une certaine unit, la structure est ralise en briques et sable. La maison prfre
par les pcheurs tait de plan rectangulaire avec une toiture plate afin de faire scher les
poissons et de laisser une possibilit dextension dans le futur.
On retrouve les techniques de construction et dtails que Baker dveloppe dans son
ouvrage A Manual of Cost Cuts for Strong Acceptable Housing dans lequel il dcrit dif-
Maison octogonale
frentes manires de rduire les cots dune construction. Il dcrit par exemple le type a+u, Laurie Baker, n12, dcembre 2000
douverture le plus conomique : plutt que de raliser des grandes fentres, le climat
indien prne plutt plusieurs petites ouvertures dans le mur.
Ce projet nest pas un projet urbain, mais traite aussi des populations marginales et
pauvres. Il montre limportance de lintgration des habitants dans le projet, qui bien que
trs pauvres, se voient donner le choix de leur habitation, le tout un moindre cot (une
maison cote ici dans les 1,300 CHF).

Ouverture typique
a+u, Laurie Baker, n12, dcembre 2000
Notes
52
BHATIA, Gautam, Laurie Baker Life, Work, Writings, Penguin Books, 1991
69
ARTES : Nagapatinam tsunami rehabilitation housing, 2005

ARTES est un bureau darchitecture bas Chennai et dirig par Durganand Balsavar.
Cette tude de cas porte sur une communaut de pcheurs dont le village a t dvast
par le tsunami de 2004.
Balsavar suit un processus participatif avec les habitants ; il a commenc par demander
tous de dessiner la craie leur maison idale sur le sol de lglise du village. Puis, partir
de ces dessins, il a dvelopp une unit de logement en incluant les dsirs des habitants.
Les maisons sont composes de deux pices et sont toutes ouvertes avec une thinnai
espace couvert devant la maison et surlev par rapport la rue couverte par une toi-
ture en pente, ralise avec des cadres de bois et des tuiles terracotta disponibles dans les Plan type dune maison
urr-files.blogspot.ch
environs. Cette thinnai abrite la cuisine, ce qui va lencontre des principes architecturaux,
mais cest ce que voulaient les habitants parce que cela correspondait leurs habitudes.
Balsavar a utilis les savoir-faire et matriaux locaux ; ce que les habitants ne savaient pas
faire, il les a form afin quils ne dpendent pas douvriers extrieurs, leur offrant ainsi une
connaissance supplmentaire qui peut devenir un mtier dans le futur. Au total, 15,000 mai-
sons ont t construites, 90,000 INR (1,300 CHF environ) pour une maison de 32m2.
Il ralise une architecture durable dans le sens quelle est contextuelle, vis--vis du site
et de la population : ses projets cherchent procurer une bonne qualit de vie tout en tant
en respect avec la nature environnante et ce travers la participation des habitants53.
Thinnai cuisine et vranda
Dans un projet comme celui-ci, larchitecte prend le rle dune aide, quelquun qui urr-files.blogspot.ch
dirige, pas de manire autoritaire, mais qui surveille et conseille : Communities tend to
appropriate resources according to their needs. It would have been naive to think of myself
anything more than a facilitator 54. Selon Balsavar, il faut abandonner la volont de contrle
de larchitecte pour laisser place aux aspirations des communauts.
Ce projet nous montre que chaque communaut rurale comme urbaine est diff-
rente ; lapproche de larchitecte doit donc changer avec chaque communaut. Cest un
processus lent et difficile mais qui permet doffrir des projets plus sensibles et humains.

Notes Les hommes travaillent la brique


urr-files.blogspot.ch
53
PARR, Adrian, ZARETSKY, Michael, New Directions in Sustainable Design, Routledge, 2010
54
SOMVANSHI, Avikal, Rolling Back The Architect, Down To Earth, 30 avril 2013
70
3.10. CONCLUSION : UN MONDE PARALLLE SURRALISTE
Fiction is primordial memory.
COCTEAU, Jean, cit par CORREA, Charles, A place in the Shade, Hatje Cantz Verlag,
2012

Reprenant Cocteau ci-dessus, Correa fait allusion larchitecture : Perhaps so also is


built-form. Certainly architecture is concerned with much more than just its physical attri-
butes. It is a many-layered thing. Beneath and beyond the strata of function and structure,
Pyramide humaine
materials and texture, lie the deepest and most compulsive layers of all. And these can boston.com
manifest themselves not only in epic monumental architecture, but in projects of a much
smaller, more humble scale as well 55.
Faire fi des autorisations administratives, des disponibilits foncires et de lintgration
urbaine, vivre en marge des services sociaux et urbains : les habitants des bidonvilles
semblent aux premiers abords initiateurs ou aujourdhui ce qui perptuent dun monde
parallle, fait de concessions et dhritages, de contraintes mais aussi de liberts vis--vis
de lunivers tatique. Quon ne sy mprenne pas : vivre dans un bidonville nest pas un
choix de penseur anarchique, il est vident que cest en premier lieu les conditions socio-
conomiques des familles qui les y poussent. Nanmoins, on ne peut quadmirer la singu- Mre indienne en Harley Davidson
larit de ces fourmilires humaines. A limage des entrelacs de ruelles obscures aux non- manikarthik.com/news/india-pictures/
initis mais qui forment un dessin limpide pour ceux qui les empruntent et en connaissent
les moindres dtours, lorganisation dun bidonville est pour ltranger incomprhensible.
Nest-ce pas lincarnation mme dune existence chaotique, linstar des toitures bari-
oles, en dur ou de fortune, des monceaux de tles et de tissus tendus en labyrinthes, que
lon distingue peine sur les vues ariennes de Nairobi, Rio, Mumbai ou Phnom Penh ?
Sil y a bien un mot qui dcrit les villes indiennes cest chaos . Alors que les indiens
sont fiers de leur diversit, de notre point de vue, la vie indienne est incomprhensible et
encore plus le sont les bidonvilles : lorganisation spatiale, larchitecture, les villes, tout y est
absolument chaotique. Une femme en skateboard
manikarthik.com/news/india-pictures/
Notes india/
55
CORREA, Charles, A Place in the Shade, Hatje Cantz Verlag, 2012
71
Il faut en fait quitter notre vision occidentale et essayer de rentrer dans une vision in-
dienne, qui pour nous parat totalement surraliste. En un sens les indiens vivent dans un
monde parallle, o les choses les plus folles peuvent se passer ; mais dautre part, lInde
suit une logique la fois simple et dfinie, dans leur vision, simplement pas dans la ntre.
Ce surralisme nous parat premire vue sale, chaotique, bruyant, mais y regarder de
plus prs, si on arrive rentrer dans la logique indienne, on peut y apercevoir les couleurs,
les subtilits, les logiques de vie, dorganisation et de construction. Selon Correa, if we
can conjure up such a fantasy in our minds, I think we might begin to experience new at-
titudes to many things around us : to the clothes we wear, to the room in which we are
sitting in fact, even to our manner of sitting in it 56.
Rudofsky dcrivait le paradoxe du citadin ayant besoin de schapper du monde urbain Transporteur de brique
pour retrouver la nature et son ct primitif57. Ceci est effectivement le cas pour lHomme manikarthik.com/news/india-pictures/
occidental, mais lHomme indien aurait dj russi, volontairement ou pas, combiner ce-
tte sauvagerie de manire plus ou moins contrle dans le monde urbain et format. Et
les bidonvilles sont la reprsentation la plus flagrante de la (r)introduction de la folie dans la
ville. Mais attention, en parlant de surralisme, de folie, ce nest pas dans un sens ngatif,
mais dans un sens o, leur manire, les indiens tentent de marier la modernit occiden-
tale avec leurs traditions et leur faon de penser.
Il est vrai que notre vision occidentale se focalise sur certains points plus pratiques et
ralistes, mais le mode de vie indien est rgit par plus que ces simples aspects matriels.
Dans un sens comme dans lautre, il serait intressant de fusionner ces deux points de vue, Ganesh Chaturthi
boston.com
afin de gnrer une nouvelle vision, la fois surraliste et pragmatique, et lappliquer aussi
bien lurbanisme, qu larchitecture et aux bidonvilles.
Slums are not a necessary evil. They are just necessary. They are necessary for the
growth and functioning of the city ; for the city to act as the path out of poverty ; for the
transformation of India 58.

Notes
56
CORREA, Charles, A Place in the Shade, Hatje Cantz Verlag, 2012
57
RUDOFSKY, Bernard, Architecture Sans Architectes, Chnes, 1977 Dvotion pour les vaches
manikarthik.com/news/india-pictures/
58
MUKHOPADHYAY, Partha, Why Cant We Live Without Slums , dans : indiatoday, 18 Janvier india/
2013
72
CHAPITRE 4
CONTEXTE LOCAL : CHENNAI
4.1. CHENNAI DANS LINDE
Chennai, that was Madras, is sometimes described as the Queen of the Coromandel, a
title not unworthy of this fascinating city. It is the first of Indias colonial cities, though it has
slipped from the pre-eminent position of its early days to being only the fourtht largest of
Indias metropolitan cities today.
ARAVINDAN, Ramu, Chennai Not Madras: Perspectives on the City, Marg Publications
India, 2006

Ltude de cet nonc se base plus particulirement sur la ville de Chennai, Tamil Nadu.
En se concentrant seulement sur une ville, cela me permet dapprofondir les points dvel-
opps prcdemment et en ralisant une tude de cas afin de rentrer dans lunivers des
bidonvilles et de rellement comprendre ce quil en est. Ce chapitre relate donc principale-
ment les visites et les interviews ralises lors de mon voyage. A travers des exemples con-
crets, je cherche rentrer dans la composition mme dun bidonville et de le dcortiquer
dans le but de montrer ses liens avec larchitecture traditionnelle indienne.
Malgr la croissance de nouvelles grandes villes comme Bangalore qui viennent
complexifier la situation, le sous-continent indien a toujours t domin par quatre grandes
mtropoles : Mumbai (18,2 millions dhabitants en 2005), Delhi (15 millions), Kolkata (14,3
millions) et Chennai (6,9 millions) (illustration 25 et 26). A lexception de Delhi qui est la seule
tre situe lintrieur des terres, les trois autres mtropoles sont danciens comptoirs
coloniaux, dont le dveloppement a bnfici de situations gographiques favorables.
Avec sa population avoisinant les 7 millions, Chennai est la 33me ville la plus peuple du
monde59. Elle est la capitale de lEtat du Tamil Nadu un des Etats les plus dvelopps du
pays et la plus grande ville du Sud de lInde.
Cest la Municipal Corporation la plus vieille dInde. Sa forme moderne a t cre par
les anglais partir de 1639 sous le nom de Madras, renomme ensuite Chennai en 1996.
Il sagissait lpoque dune ville prise pour son port vers lEst et correspondait au point
dattache des britanniques dans le Sud du pays afin de dvelopper leurs voies maritimes.
Notes
59
citymayors.com/statistics/largest-cities-population-125.html
73
DELHI DELHI

Ahmedabad

KOLKATA KOLKATA
MUMBAI MUMBAI
Hyderabad
Pune

Bangalore
CHENNAI CHENNAI

Illustration 25 - Les villes indiennes en 1951 Illustration 26 - Les villes indiennes en 2011
Source: IIHS Source: IIHS

10 - 30 millions

5 - 10 millions
1 - 5 millions
0.1 - 1 millions
0 - 0.1 millions
74
Avant les britanniques, il ny avait pas de Madras, ni de Chennai. Ce qui est la premire
ville du Sud de lInde, ce territoire historique la culture ancienne, est en fait une ville rela-
tivement jeune. Cest sur cette bande de plage que les britanniques ont fond un comptoir
commercial qui tait destin assoir leur pouvoir dans lEst. Ce comptoir ntait lpoque
quune zone fortifie lintrieur de laquelle se trouvait le Fort (aujourdhui le Fort George,
btiment iconique de Chennai). Petit petit des maisons de colons se sont construites
au Nord et au Sud du Fort avec des murs de protections et bastions autour pour les pro-
tger : cest ce quon appelait la White Town , Ville Blanche. Au Nord de cette dernire
stendait ce quon appelait Out Town ou Black Town , Ville Noire qui se dveloppe
dans lombre du Fort. Elle prendra le nom de Chennapatnam (do le changement de
nom Chennai par la suite) 60. Lagglomration urbaine du Fort, avec la Ville Blanche Le front de mer, White Town, 1915
lintrieur et la Ville Noire lextrieur, est la gense de la mtropole daujourdhui. Prise en
charge par les anglais, Madras sest petit petit dveloppe, englobant les villages avoisi-
nant qui taient spars les uns des autres par des bouts de jungle.
Il suffit ainsi de remonter la priode coloniale pour comprendre sa forme actuelle,
sorte de rectangle irrgulier qui stend sur 181,1km2, de 20km le long de la cte et 13km
vers les terres61. La ville est traverse de plusieurs rivires et possde de nombreux lacs
naturels et artificiels permettant le dveloppement des bidonvilles le long de ses berges.
Avant lIndpendance, Madras tait la capitale de ce quon appelait la Prsidence
de Madras, qui incluait des territoires aux langues tamil, telugu, malayam et kannada ;
Ceci correspondait lentier du Sud de lInde ainsi que des parties du Maharashtra et de Central Railway Station, 1925
lOrissa. En 1956, lEtat de Madras a t divis en deux parties, Madras State qui de-
viendra le Tamil Nadu en 1968 et lAndra Pradesh, Etat telugu62. Chennai est aujourdhui
rpute pour son industrie automobile et textile, son cinma, sa mtallurgie et son informa-
tique. Toujours emprunte de son pass colonial, Chennai est aujourdhui devenue une ville
rsolument urbaine dominant la partie Sud du pays.

Notes
60
KALPANA, K., SCHIFFER, Frank, Madras, the Architectural Heritage, INTACH (Indian National
Trust for Art and Cultural Heritage), 2003
61
CMDA, 2011 Rue de la Black Town
hindu.com
62
KALPANA, K., SCHIFFER, Frank, Madras, the Architectural Heritage, INTACH (Indian National
Trust for Art and Cultural Heritage), 2003
75
4.2. URBANISATION DE LA VILLE
Le moment est grave, car il nexiste plus rien dautre que du temps qui passe, mais plus
despace. Il faut maintenant crer de lespace et il faut loccuper pour combattre cette
acclration.
MULLER, Heiner

Madras, en tant que ville coloniale cre par les Britanniques et dveloppe en tant
que presidency town, tait une capitale administrative, politique puis culturelle. Cependant,
Foule et tramway, 1949
selon Lancaster, le consultant la planification du gouvernement de Madras en 1915, hindu.com
la ville na jamais eu un vritable plan et une grandeur digne dune capitale63. En effet,
lorsquon parle de Madras on fait souvent rfrence un village trop grand , terme qui
montre le manque de caractre urbain de la ville. Pourtant le Tamil Nadu est un des Etats
les plus urbaniss du pays avec 44% de son territoire urbain, ce qui est plus que le Maha-
rashtra avec 42%64.
Il est alors tonnant de savoir que la Madras des annes 1930 possdait des fonctions
urbaines impressionnantes, comparable nimporte quelle ville dans le monde. George
Town tait un centre de business important et Park Town se dfinissait comme un centre-
ville reconnaissable par ses btiments publics et ses parcs. En fait, depuis sa cration la Transport en bus
ville a suivi une longue tradition de planification urbaine. En 1920, sous le Madras Town hindu.com
Planning Act, plusieurs plans de dveloppement ont t instaurs Madras qui consistaient
entre autres au dveloppement de la ville par incorporation de villages voisins plutt que par
extension. Il en a dcoul la planification de nombreux quartiers rsidentiels.
La ville de Chennai augmente logiquement plus rapidement que les zones rurales alen-
tours et, selon le Census of India, ceci est largement d aux migrations venant des districts
voisins de Chingleput et North Arcot65.
Notes
63
KALPANA, K., SCHIFFER, Frank, Madras, the Architectural Heritage, INTACH (Indian National
Trust for Art and Cultural Heritage), 2003 Route surleve Gemini, 1972
hindu.com
64
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
65
CHANDRA, Ramesh, Cities and Towns of India, Commonweath Publishers, 2004
76
Change in Urban Built-up Area & Land Cover
Chennai
5.2 million 1991
Au dbut des annes 1970, la Madras Metropolitan Development Authority (MMDA) 5.2 millions 1991
qui deviendra CMDA par la suite est cre. Son rle est de prparer les plans de dvel-
oppementKolkata
spatial de la mtropole de Madras, didentifier et dimplanter des projets si
besoin, et10.3
de coordonner
million les projets
1990raliss par les organisations
13.2 million gouvernementales.
2001 14.1 million 2010
Avec louverture de lconomie en 1991, le terrain a commenc tre vu comme une
marchandise exploiter ; avant a, le logement et mme les btiments commerciaux
taient construits directement par les usagers. Le scnario social a aussi chang. Avec
la croissance dmographique et le flux de population rurale vers les villes, la demande de
logements est devenue plus importante. Dans un courtChennai laps de temps, toute lapproche
du terrain et de la construction a chang, avec le public5.2 investissant
million dans limmobilier
1991 6.6 million 2000
de manire importante. Le prix des terrains a flamb et lapparence de la ville a subit de 6.6 millions 2000
grandes transformations. Les promoteurs privs qui avaient peu de respect vis--vis de la
planification officielle et des rgles dtermines par le gouvernement local ont profit de la
forte demande. Le changement rapide, sans suivre le zonage dfini, a forcment cr du
chaos. La ville na alors pas russi faire face ces forces de croissances et de conflits de
culture, et naturellement, les quartiers comme Park Town (au cur de la ville britannique) se
sont dsintgrs dans le chaos et la confusion en perdant leur rle de centre de la ville.
En 1995, le second master plan est rendu public. Au lieu de prendre des positions
oses etChennai
positives, la stratgie du CMDA a t de se dmettre de toutes responsabilits et
de ne proposer que des actions
5.2 million 1991minimes. A partir de l,6.6
la population
million a commenc
2000 se 8.7 million 2009
plaindre du manque de demande de participation et de discussion. 8.7 millions 2009

[18]

Evolution du bti Chennai


Source : H.S. Sudhira (2011) et analyse
du IIHS
77
Source:
and IIH
4.3. LES BIDONVILLES CHENNAI

721
Cities are supposed to be places of opportunity for their residents, including the poor-

648
Villes rglementaires

est. But flawed policies and poor implementation have made it difficult for low-income city Villes avec des slums

507
residents to access basic services, practice their livelihoods, and invest in their homes and
families.

293

256
189
TRANSPARENT CHENNAI

129

125
125
122
71% 46% 74% 95% 100%
Tamil Nadu Uttar Pradesh Maharashtra West Bengal Andhra Pradesh

Les cinq Etats avec le plus de bidon-


Les slums Madras existaient dj dans les annes 1930 : selon le Special villes, 2012
Housing Committee, elle possdait 189 bidonvilles en 1933 ; en 1961, ce nombre tait de Census of India
548 bidonvilles avec une population de 412,168, ce qui reprsenterait 23,8% de la popula-
tion66. Aujourdhui la population des slums de Chennai a dpass le million : selon le Cen- 20%
sus de 2011, 1,079,414 personnes vivent dans 1,219 bidonvilles dans la Chennai Corpora- 50
0,0
0
5,
tion, ce qui reprsente un quart de la population chennaite (illustration 27). Il est cependant
important de noter que ces chiffres ne sont pas srs, car il est difficile de dterminer le
nombre dhabitants des bidonvilles, et dautre part, le gouvernement tend baisser ce
chiffre. Population urbaine
du Tamil Nadu
0
Selon le Tamil Nadu Slum Clearance Board un slum correspond aux hutting areas
,0 Population des slums
00
2 7 ,5 du Tamil Nadu

with huts erected in a haphazard manner without proper access, without protected water
Slums au Tamil Nadu, 2012
and drainage arrangements and so congested as to allow of little free air to get in. Slums TNSCB
generally present the most unhygienic, ugliest, nauseating scene. During rainy season,
the whole area gets flooded, the path becomes swampy and the entire colony becomes a

1,079,000
fertile breeding place for mosquitoes, exposing slum dwellers living in the area to all sorts of

820,000
diseases. During the summer, the thatched huts are prone to fire accidents .

737,000

650,000
Les ONG visant aider les bidonvilles Chennai sont assez nombreuses : aide
lducation construction de nombreuses coles dans les bidonvilles , aide la sant

412,000
installations sanitaires, dispensaire mdical et aide aux femmes Speed for Trust forme

287,000
les femmes devenir des chauffeuses dauto-rickshaws , aide lducation, la sant.
1956 1961 1971 1986 2001 2011

Notes Population des slums Chennai


66
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991 TNSCB
78
Illustration 27 - Les bidonvilles Chennai
Source: TNSCB
79
A Chennai, il ny a pas tellement de bidonvilles commerciaux comme lest Dharavi,
o le logement est divis en logement personnel et espace de travail. La majorit des
bidonvilles sont plutt exclusivement des espaces de logements ( lexception du travail
comme cuisinire, vendeur de lgumes, ). Ils sont majoritairement habits par des mi-
grants venus des zones rurales avoisinantes, la plupart sont donc des tamil.
64% des maisons des bidonvilles sont en matriaux permanents 67 peu chers (illus-
tration 28). De par leur construction elles sont sensibles aux intempries et au feu. Nous
avons remarqu une large utilisation de matriaux et lments de rcupration, jalis, portes,
tle, bches,
Semi-
Permanente % Permanente % Temporaire %

Slum 81,128 64.53 22,415 17.83 22,182 17.64


Non Slum 640,364 91.21 37,054 5.28 24,283 3.46
Total 721,492 87.16 59,469 7.18 46,465 5.61

Illustration 28 - Types de maisons dans les bidonvilles de Chennai en 2000


Source: World Water Week, Stockholm, aot 2008

Alors que dans tout le pays la proportion de familles vivant dans une seule pice est de
34%, elle monte 67% dans les quatre grandes mtropoles dont Chennai68 (illustration 29).
Le gouvernement du Tamil Nadu a dfini une taille standard de 25m2, mais la majorit des
logements des bidonvilles sont en-dessous de cette norme69.

1 pice % 2 pices % 3 pices % > 3 pices %

Slum 84,193 66.96 30,419 24.19 7,359 5.85 2,723 2.17


Non Slum 258,728 36.85 221,240 31.51 136,790 19.48 90,435 12.88
Total 338,845 40.93 251,659 30.40 144,149 17.41 93,158 11.25

Illustration 29 - Nombre de pices dans les bidonvilles de Chennai en 2000


Source: World Water Week, Stockholm, aot 2008

Notes
67
Dr. CHANDRAMOULI, C., Slums in Chennai : a Profile, University of Madras, 2003
68
MISHRA, J.S., A Quest for Dream Cities, Har-Anand Publications, 2002
69
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
80
Les maisons sont souvent construites trs proches les unes des autres, avec des pas-
sages trs troits entre elles. Elles sont gnralement disposes de manire alatoires et
selon la volont de lhabitant, sans ordre ou alignement premier.
En 1991, seuls 22,8% des habitants taient propritaires de leur logement et 56,1%
navaient pas de droit sur leur logement70. Mais aujourdhui, contrairement la tendance
gnrale, les maisons sont principalement dtenues par leurs habitants, et seuls 40% sont
locataires (illustration 30).

Propritaire % Locataire % Autres %

Slum 70,689 56.23 50,764 40.38 4,272 3.39


Non Slum 319,222 45.47 375,289 53.45 7,575 1.07
Total 389,911 47.10 426,053 51.47 11,847 1.43

Illustration 30 - Propritaires et locataires dans les bidonvilles de Chennai en 2000


Source: World Water Week, Stockholm, aot 2008

Alors que seulement 26% des habitants ont accs leau potable, 60% des logements
sont quips de tlvision, ce qui montre une certaine volont de modernisation , mais
aussi le droulement dune vie comme les autres malgr le manque dinfrastructures71
(illustration 31 et 32).

Radio % Tlvision % A lintrieur % Proche % Loin %

Slum 55,154 43.87 75,522 81.73 Slum 33,423 26.58 68,870 54.78 23,432 18.64
Non Slum 494,998 70.50 601,066 85.61 Non Slum 499,632 71.16 167,975 23.93 34,479 4.91
Total 550,152 66.46 676,588 81.73 Total 533,055 64.39 236,845 28.61 57,911 7.00

Illustration 31 - Tlvision et radion dans les bidonvilles Illustration 32 - Accs leau potable dans les bidonvilles
de Chennai en 2000 de Chennai en 2000
Source: World Water Week, Stockholm, aot 2008 Source: World Water Week, Stockholm, aot 2008

Notes
70
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991
71
Dr. CHANDRAMOULI, C., Slums in Chennai : a Profile, University of Madras, 2003
81
4.4. LES POLITIQUES DE SLUMS DE LA VILLE
God we shall see in the smile of the poor
Motto du TNSCB

Le Tamil Nadu est lun des premiers Etats crer un Slum Clearance Act, sous la forme
du Tamil Nadu Slum Clearance Board (TNSCB) en 1971 ; ses buts taient de nettoyer la
ville de tous ses bidonvilles en sept ans, de prvenir la cration de nouveaux et de cons-
truire les infrastructures basiques pour tous les habitants des bidonvilles en attendant que
leur abris puissent tre dtruits et remplacs par de vritables logements. Malgr cela, les
bidonvilles nont jamais t radiqus et, pourtant, les politiques en place sont toujours les
mmes.
Lacte prcise quil faut dabord identifier les bidonvilles, les reconnatre officiellement en
tant que slum designated areas avant de pouvoir construire des nouveaux logements et/ou
amliorer les conditions de vie en construisant des infrastructures. Les victions, elles, ne
peuvent se faire que si le bidonville a t dclar auparavant.
La construction dinfrastructures de classe mondiale dans les mtropoles indiennes
est gnralement associe la dmolition des bidonvilles et lviction de leur population.
Pourtant, il est clairement spcifi que lidentification et lradication des bidonvilles ne
doit se faire que dans le cadre de lamlioration des conditions de vie ; il ny a pas men-
tion de la destruction de bidonvilles pour la construction de nouvelles infrastructures ou
lembellissement de la ville, comme cest souvent le cas aujourdhui72.
Alors quon estime que 72% du terrain de Chennai est utilis pour le logement, la ville
est tenue de rserver 10% de sa superficie pour la construction de Economically Weaker
Housing Section (EWHS) car elle possde une population de bidonvilles suprieure 20%.
De plus, elle consacrerait 20-25% de son budget municipal pour les pauvres urbains73.
Notes
72
RAMAN, Nithya V., Summary Analysis of Slum Policies in Chennai and their Implementation,
Transparent Chennai, 21 Juillet 2012
73
SIVARAMAKRISHNAN, K.C., Re-visioning Indian Cities, the Urban Renewal Mission, Sage publi-
cations, 2011
82
Le TNSCB suit trois stratgies en matire damlioration des conditions des bidonvilles :
Dveloppement in situ : les infrastructures basiques comme leau, les routes et les
installations sanitaires sont construites sur les sites des bidonvilles.
Reconstruction in situ : des units de logements (de plusieurs tages) sont cons-
truites sur le site du bidonville original.
Rhabilitation : construction de logements, infrastructures et btiments publics
(coles, dispensaire mdical) sur un terrain diffrent que celui du bidonville originel. La
surface de logement dclare comme norme est de 25m2, avec une pice principale de
13m2. Une unit de logement leur cote 10,000 CHF (30% vient de donations et 70% du
gouvernement). Une fois relogs, les habitants doivent payer un loyer de 250 INR par mois
pendant 20 ans, avant quils ne deviennent officiellement propritaires de leur logement,
mais 30-40% quittent bien avant et louent ce logement dautres74.
Son approche conceptuelle na pas vraiment chang depuis ces trente dernires
annes. Alors que le TNSCB tait un des pionniers dans la reconstruction in situ, de nos
jours, cause du mande despace dans la ville, il prne des rhabilitations en priphrie75.
De plus, le TNSCB na dclar des bidonvilles comme slum designated areas que
deux fois : la premire au moment de sa cration en 1971, o 1,202 bidonvilles taient
dclars, et en la seconde en 1985 o seulement 17 bidonvilles ont t rajouts. Depuis,
de nouveaux bidonvilles se sont bien sr crs et ceux reconnus se sont dvelopps ; par
consquent, il y a aujourdhui des centaines de quartiers sous-intgrs sur lesquels le gou-
vernement exerce diffrentes pressions : en les ignorant, en victant les habitants sans
rels processus, et en offrant un nouveau logement seulement certains habitants (ceux
qui sont en mesure de prouver leur existence). En revanche, le TNSCB a construit de
nouveaux logements pour tous les 1,219 slum designated areas. Mais paralllement a,
il a aussi commenc intervenir de manire illgale (qui ne respecte pas la procdure
identification dclaration amlioration)76 sur les autres slums.
Notes
74
TNSCB
75
DUPONT, Vronique, DHANALAKSHMI, R., Addressing Sub-Standard Settlements WP3 Settle-
ment Fieldwork Report, Chance2sustain, Fvrier 2013
76
RAMAN, Nithya V., Summary Analysis of Slum Policies in Chennai and Their Implementation,
Transparent Chennai, 21 Juillet 2012
83
En 2002, le TNSCB a ralis une tude de tous les bidonvilles non reconnus : cette limite dtermine par la CMDA
dernire a relev 242 bidonvilles illgaux dans la Chennai Corporation et 202 dans la Chen-
nai Metropolitan Area. Ensemble, ces bidonvilles comprennent prs dun demi-million de r- 426km2
sidents. Ceci forme une seconde face de Chennai, un Chennai invisible aux yeux de lEtat.
Le traitement des bidonvilles est un exemple de la contradiction indienne : le TNSCB identi- 12km2
fie les bidonvilles non reconnus, mais ne les reconnat pas pour autant, ...
La rticence du gouvernement dclarer de nouveaux bidonvilles est surprenante
quand on sait le peu de terrain quoccupent les bidonvilles : les slum designated areas
prennent environ 1.7% de la surface de Chennai (426km2). Dun autre ct tous les bidon-
villes non dclars par le TNSCB occuperaient 4.8km2 de la ville, soit seulement 1.1% de la
surface de la ville77 (illustration 33).
De plus, les procdures dviction et dadmissibilit pour la rhabilitation ne sont jamais
clairement dfinies, et les habitants ne sont pas clairs sur leurs droits. Lorganisation Trans-
parent Chennai estime quentre 2005 et 2009, au moins 20,000 mnages ont t expulss,
et seulement quelques-uns se sont vus attribus un nouveau logement.
Par ailleurs, tant donn la vitesse de construction de ces projets par le TNSCB, ainsi
que le nombre de familles vivant dans des bidonvilles (en incluant les 444 bidonvilles non 1663 bidonvilles occupent
reconnus), cela prendrait plus de 40 ans pour tous les reloger, et dici l il y aura dautres 2,8% de la surface de
familles78. Ne serait-ce pas le temps de prendre conscience de lillogique de la situation et Chennai
de dvelopper une stratgie plus raliste ? Typiquement une solution plus souhaitable pour
tous serait, tout dabord la reconnaissance de tous ces quartiers informels, puis leur am-
7 millions dhabitants
lioration in situ, en fournissant les infrastructures de bases et en offrant des opportunits de Chennai
travail aux habitants, afin que par eux-mmes ils puissent amliorer leur situation au fur et
mesure. Le TNSCB lui-mme admet que la rhabilitation dune famille dans un nouveau 6 millions sur 414km2
btiment coterait 90 fois plus cher que damliorer un bidonville existant79. 14,492 hab / km2
1 million sur 12km2
Notes 83,333 hab / km2
77
RAMAN, Nithya V., Summary Analysis of Slum Policies in Chennai and Their Implementation,
Transparent Chennai, 21 Juillet 2012
78
RAMAN, Nithya V., NARAYAN, Priti, Indias Invisible Population , dans : The Hindu, 19 Octobre
2013, thehindu.com/opinion/lead/indias-invisible-population/article5248725.ece Illustration 33 - Emprise au sol des
79
RAMAN, Nithya V., Summary Analysis of Slum Policies in Chennai and Their Implementation, bidonvilles
Transparent Chennai
Transparent Chennai, 21 Juillet 2012
84
4.5. PROJETS DE RHABILITATION PAR LE GOUVERNEMENT
In the name of beautification, in the name of combating pollution, in the name of over-
coming congestion and improving the overall civic atmosphere of the city, the authorities
have launched an increasingly massive ruthless physical assault on these citizens (of slums).
They have started demolishing their dwellings non-chalantly, usurping their belongings and
by branding them as vagrants are exiling them en masse outside the city limits.
DESAI, A.R., DEVADAS PILLAI, S., Slums and Urbanization, Sangam Books, 1991

Les projets de rhabilitation raliss dans les annes 1960-1970 taient assez bien
accueillis par la population comme tant abordables et modernes. Mais cette percep-
tion a chang dans les annes 1980 quand les habitants de ces projets ont commenc
se plaindre de la localisation et de la qualit des constructions. Aujourdhui, plutt que
dinvestir dans linstallation dinfrastructures dans les slums existants, plus de 75% des
fonds du JNNURM va dans la construction de ces nouveaux quartiers, et le Slum Clear-
ance Board prvoirait den construire encore plus dans tout lEtat80.
Le gouvernement a souvent mentionn le manque de terrain dans la ville afin de justifier
les politiques de rhabilitation grande chelle dans les priphries. Cependant, une tude
faite sous le Urban Land Ceiling Act rvle que le gouvernement possde 10.42km2 de ter-
rain non utilis Chennai. Par exemple T. Nagar et Mylapore deux quartiers centraux de
la ville 0.49 km2 de terrain est disponible. Dans les quartiers de Madhavaram et Alandur,
2.2km2 de terrain serait disponible, soit la moiti de ce qui serait ncessaire pour loger tous
les bidonvilles non dclars de la Chennai Corporation Area.
Bien que le Slum Clearance Board soit assez actif Chennai compar dautres
villes il a construit 61,396 logements en plus 30 ans81 , il a souvent t critiqu pour
linadaptation de ses nouveaux logements aux besoins des habitants des bidonvilles. Deux
exemples sont tudis ci-dessous, exemples visits sur place (illustration 34).

Notes
80
RAMAN, Nithya V., NARAYAN, Priti, Indias Invisible Population , dans : The Hindu, 19 Octobre
2013, thehindu.com/opinion/lead/indias-invisible-population/article5248725.ece
81
TAMIL NADU SLUM CLEARANCE BOARD, Programmes for 2004-2005
85
SRI NIVASAPURAM
ET NOCHIKUPPAM

KANNAGI NAGAR

Illustration 34 - Les projets de rhabilitation du TNSCB Chennai


Source: TNSCB
86
SRI NIVASAPURAM ET NOCHIKUPPAM : Communauts de pcheurs

Il sagit dun des premiers projets raliss dans les annes 1950-1960. La rhabilita-
tion des communauts de pcheurs se fait graduellement, en construisant chaque dcade
de nouveaux btiments pour reloger les familles voisines. On peut ainsi lire lvolution des
projets de 1950 aujourdhui. De manire gnrale, les structures plusieurs tages ne re-
fltent pas le mode de vie et les besoins des familles de pcheurs. Avec le temps, le nom-
Vue arienne de Nochikuppam
bre dtage a continu daugmenter, sans prvoir despaces pour les entreprises informel-
les ou mme les animaux (chvres, chien, ...) qui sont une part importante des familles.
Traditionnellement les pcheurs vivaient sur la plage le long de Marina Beach dans des
huttes avec leurs bateaux accrochs ces dernires ; la plage servait aussi de march. Le
terrain choisi par le gouvernement se trouve plus lintrieur de la plage, srement dans le
but damnager un accs par la route principale qui longe la mer, ainsi que pour protger
les habitations dventuels raz-de-mare. A part certains btiments religieux (dont un tem-
ple hindou en perptuelle construction), ces rhabilitations ne comprennent aucun quipe-
ment public comme une cole ou un dispensaire. Le march aux poissons se fait mainten- Nochikuppam
ant en plein cagnard, le long de la route o passent tous types de vhicules afin dviter le
trafic de la route principale parallle. On peut noter un cruel manque despaces publics qui,
part les rues, sont quasiment inexistants.
Les logements les plus anciens suivent une norme de 23m2 comprenant une pice, une
cuisine et une salle de bain ; la norme est ensuite passe 27,5m2 (illustration 36).

7,73
3,81 3,35
Anciens et nouveaux logements

2,44
salon chambre
Route de la plage
cuisine

3,94
(26,9m2)

Btiments - 4 tages, 18m de largeur,

1,05
36 75m de longueur WC SDB balcon

Parc - entre 1,000 et 1,200m chacun


2
1,21 1,52 1,83

Illustration 35 - Master plan de Nochikuppam Illustration 36 - Plan type dun logement


Source: TNSCB Source: TNSCB March
87
En 2012, de nouveaux btiments ont t construits (en rose sur les photos), mais ils ont
t ferms et jamais occups suite de vives protestations de la part de la communaut
et des ONG vis--vis de la monstruosit du projet et de sa totale inadquation au site, aux
communauts et mme la ville. Pour linstant le site est protg, et personne ne sait ce
quil adviendra de ces btiments.
En revanche on peut noter une meilleure adquation des btiments des annes 1970-
1980, deux ou trois tages, une chelle se rapprochant plus de celle des bidonvilles. Construction informelle
Mais ce sentiment est surtout accentu par la construction informelle dextensions, en
maison ou en boutique (illustration 37), ainsi que lextension de la vie sociale dans les rues :
partir de 16h, les femmes se retrouvent pour jouer aux cartes, les enfants jouent au ballon
ou au cricket. Il en dcoule une vritable sens de la communaut qui est n de la fusion
entre les constructions gouvernementales formelles et les extensions informelles.
Par ailleurs, bien que le TNSCB soit cens maintenir ces nouvelles constructions en
tat, il en a t incapable d au manque de personnel ou de volont. Si bien quune fois
construit, ces complexes sont laisss labandon par lEtat et leur conservation ne tient
Construction informelle
quau bon vouloir des habitants en particulier en ce qui concerne la gestion des dchets
(illustration 38).
Cet exemple montre les limites du terme slum : officiellement ces structures ne sont
plus des bidonvilles car ils ont t amliors, cependant cause dune mauvaise mainte-
nance et le dveloppement de linformalit on retrouve certaines caractristiques des slum
designated areas.

ETAPE 1 ETAPE 2 ETAPE 3 Match de cricket


Une rue ouverte
Construction formel- Extension 1 : bou- Extension 2-3 : mai-
pour la circulation
le du gouvernement tique ou maison son et terrasse
et une rue ferme
(pas daccs
depuis les mai-
sons), remplie
dordures

Illustration 38 - Schma de principe


Illustration 37 - Construction informelle de la gestion des dchets Rue daccs Rue de dchets
88
KANNAGI NAGAR

Kannagi Nagar et Semmenchery sont les deux plus grands projets du TNSCB. Ils abri-
tent respectivement 16,000 et 6,800 habitants. De plus, Kannagi Nagar est le plus grand
projet de rhabilitation dans toute lInde ; il sagit dun site sur lequel le TNSCB a construit
de nouveaux immeubles annes aprs annes.
A Kannagi Nagar, 20% des logements seraient abandonns et 50% des habitants origi-
nels (ceux qui on avait attribu les logements) ny habiteraient plus (ils ont lou ou vendu
leur logement) 82. Alors quil y a une dizaine dannes, ce site tait presque vide, un lieu
dangereux o les femmes nosaient pas sortir, aujourdhui pourtant on trouve un quartier
plein de vie o tout le monde se retrouve lextrieur devant les btiments.
Comme se trouvant lextrieur de la ville, le complexe est quip dune cole, dun
dispensaire mdical, dun arrt de bus. Plusieurs familles expliquent tre plus heureuses ici
parce que bien que se trouvant loin du centre-ville, elles bnficient ici de ces infrastruc-
tures ainsi que dun environnement globalement plus sain ce qui rduit les maladies, chez
Les 1res typologies (1950-1960)
les enfants en particulier. Aujourdhui, la majorit de la population se dit satisfaite mais a
peur de ces nouvelles constructions qui sont censes amener encore plus de monde et
alors entraner une congestion des infrastructures existantes minimales.
Encore une fois, on voit que lchelle des constructions des annes 1950-1960 est en-
core acceptable : la premire typologie est un btiment sur deux tages comprenant seule-
ment deux logements, un par tage. La disposition des btiments permet lamnagement
dun petite cour ouverte, lchelle de quatre familles ; l tous se retrouvent pour discuter
ou jouer aux cartes.
Mais au fil du temps lchelle est devenue de plus en plus grande, urbaine et inhumaine
jusqu en arriver latrocit des projets proposs ces dernires annes : dimmenses
barres de logements, rptitives, et des espaces publics ouverts beaucoup trop grands
non amnags et trs peu ombrags rendant leur utilisation impossible dans un climat
chaud comme celui de Chennai.

Notes
82
RAMAN, Nithya V., NARAYAN, Priti, Indias Invisible Population , dans : The Hindu, 19 Octobre
2013, thehindu.com/opinion/lead/indias-invisible-population/article5248725.ece Les 2mes typologies (1970)
89
Comme Sri Nivasapuram, le dernier projet construit en 2011-2012 est actuellement
en attente, bien que quasiment termin, encore une fois cause des protestations de la
population ; personne ne veut vivre dans ces btiments. Sur place, quelques appartements
sont squatts au rez-de-chausse, mais les immeubles restent majoritairement vides. Les
appartements de cette typologie sont extrmement stricts et inflexibles et noffrent pas vrai-
ment de possibilit de modification ou mme dadaptation (illustration 39).

Les 3mes typologies (1980-1990)

4,12
4,12
1,22
1,22
2,33
2,33

SDB chambre

2,72
2,72
5,72
5,72

salon
2,43
cuisine

2,43

(27,3m2)
La vie de quartier

2,75
2,75 0,80
0,80

Illustration 39 - Plan type dun logement dans


la dernire typologie (2011-2012)
Source: TNSCB

Perumbakkam est le nouveau grand projet en construction, financ par le JNNURM, et


qui doit accueillir 20,000 logements. Au moins 12,000 familles devraient tre relocalises
Perumbakkam dans des logements de plus de 37m2 dici la fin 2013. La dernire typologie (2011-2012)

Alors que les premiers projets de rhabilitation ont une chelle humaine, dans les plus
rcents en revanche on voit que le caractre local nest pas pris en compte, prnant une
planification universelle qui ne rpond ni lhritage local ni aux traditions, matriaux et
savoir-faire. De plus, on voit que tous ces projets manquent lorigine de caractre
informel ; en effet, ils sont tellement planifis quils laissent peu la place une flexibilit des
plans dappartements et une appropriation des espaces ouverts par les habitants.

Intrieur de la dernire typologie


90
4.6. TUDE DE CAS
Those in this world who have the courage to try and solve in their own lives new problems
of life are the ones who raise society to greatness. Those who merely live according to rule
do not advance society, they only carry it along.
GANDHI, M.K.

La partie qui suit dcrit ltude de cas dun bidonville visit plusieurs reprises Chen-
nai. Ce dernier est un bon exemple car il se trouve au cur de la ville et est reprsentatif de
Dr.Ambedkar Slum, 2000
la situation actuelle de la ville.
googleearth.com
Le Dr. Ambedkar Slum est un bidonville de taille moyenne qui serait apparu il y a trente
ans et qui se trouve Ashok Nagar, un quartier dans la partie Ouest de la ville. Il stend
sur une parcelle de 148m de long et 90m de large soit 13,320 km2. Sur ce terrain se trou-
verait environ 350 logements, mais ce chiffre est trs dur dterminer et aucune informa-
tion officielle na t trouve ce sujet bien quil fasse partie des slum designated areas du
TNSCB. Selon les habitants, ils seraient 2,000-2,500 habiter le bidonville mais ce nombre
parat un peu surestim. Il sagit donc dun bidonville assez peu dense, ce qui est surtout
d au fait que les logements sont tous des maisons individuelles dun tage.
Le bidonville longe une des routes principales de Chennai qui relie directement la ville Dr.Ambedkar Slum, 2006
laroport et au-dessus de laquelle on est en train de construire le mtro ; la station prin- googleearth.com
cipale du quartier se trouvera trs proche du slum. De plus, il se trouve sur un terrain gou-
vernemental qui est en partie occup par un hpital et une cole de mdecine. Une nou-
velle aile est par ailleurs en construction derrire le bidonville, ce qui gnre du travail pour
ses habitants. De lautre ct, le bidonville est long par un nouveau complexe rsidentiel
de moyenne gamme (illustration 40).
On voit donc que le bidonville est encercl de tous ses cts, ce qui ne lui laisse pas de
possibilits dagrandissement. Par ailleurs, le quartier dAshok Nagar est en train de connai-
tre un fort dveloppement, en grande partie cause de la construction du mtro et parce
que lexpansion de la ville se fait naturellement vers lOuest. Par consquent, de par sa situ- Dr.Ambedkar Slum, 2013
googleearth.com
ation stratgique, le bidonville risque connatre de fortes pressions pour son terrain et sera
probablement dtruit et relocalis autre part dans un futur proche.
91
Hpital

Terrain gouvernemental proximit

Construction du mtro
aroport

hpital et cole de mdecine

complexe de logements moyenne gamme

ligne de mtro en construction

Illustration 40 - Contexte du Dr. Ambedkar Slum


Nouveaux logements
92
Concernant les infrastructures de base, on peut relever quelques lments principaux
(illustration 41) :
Les toilettes et installations sanitaires sont inexistantes lintrieur du bidonville ; les
habitants disposent de toilettes publiques payantes (deux toilettes pour les hommes, deux
pour les femmes), qui se trouvent lextrieur du slum, le long de la route principale. Pour
le reste certains petits terrains en priphrie du slum sont utiliss comme espaces de df-
cations lair libre.
Leau nest pas disponible directement dans le bidonville, il ny a aucune tuyauterie
ou puits installs. Lapprovisionnement en eau se fait tous les jours avec un camion public.
Chaque habitant vient chercher son eau laide de seaux, entre quatre et six par logement
selon le nombre de ses membres. Classe donne lextrieur
En revanche, la plupart des maisons sont fournies en lectricit, mais il nest pas
clair de savoir si elles sont rattaches au rseau public, lgalement ou illgalement, ou
bien sil sagit dun rseau indpendant. Les coupures de courant sont assez frquentes
mais beaucoup moins quil y a quelques annes. Encore jusquen 2012, la ville de Chen-
nai tablissait des coupures de courants quotidiennes dune heure par quartier en plus des
coupures imprvues . De plus, tous les mois chaque quartier subissait une coupure de
courant de 8 heures. Les bidonvilles taient alors largement privs dlectricit tant don-
ns que ce sont des endroits o les coupures imprvues sont les plus nombreuses.
Les dchets sont rcolts par la ville chaque jour ; les habitants doivent venir dpo- Classe donne lextrieur
ser leurs ordures dans un camion, mais parfois celui-ci ne fait que les dposer sur un terrain
gouvernemental vacant voisin. A lintrieur du bidonville, les ordures sont localises et les
rues et espaces publics principaux sont relativement propres.
Une ONG a install une cole en bordure du bidonville. Il ne sagit pas dune vraie
cole, mais plutt de cours du soir o les enfants se rendent aprs la vritable cole. Une
salle a t construite ce but, mais les cours se font dehors, car il ny a aucune ventilation
dans la salle et quil y fait beaucoup trop chaud. Lcole semble se faire de manire ala-
toire, les enfants y vont quand ils veulent.
Par contre, il ny a aucun dispensaire mdical et, bien que le bidonville reoive
rgulirement le soutien de plusieurs ONG, aucune nest prsente de manire permanente Intrieur de lcole
sur le site ou aux alentours.

93
Espace de dchets

Toilettes publiques

Rservoirs deau

rservoir deau poteau dlectricit

terrain dordures maisons avec lectricit toilettes publiques

cole maisons sans lectricit espaces de dfcation lair libre

Illustration 41 - Carte des services dans Dr. Ambedkar Slum


Poteau dlectricit
94
En terme dorganisation des maisons, il ny a pas rellement dordre clair et dfini. On
peut cependant discerner quelques routes principales et secondaires par lesquelles on
rentre dans le cur du bidonville. Lors de nos visites, nous nous promenions toujours dans
le bidonville avec un des habitants et nous nous sommes rendus compte quen fonction de
la personne nous allions toujours dans la mme partie ; il semblerait que le bidonville soit
divis en deux parties distinctes, probablement pour des raisons religieuses car on trouvait
diffrentes classes et castes dans une partie comme dans lautre.
En effet, le bidonville comprend deux temples hindous et une glise, mais pas de mos-
que. Les deux temples se trouvent dun ct et lglise de lautre. Bien que possdant un
temple dans le bidonville, pour les grandes clbrations les habitants se dplacent dans un
plus grand temple 15km de l.
Nous navons pas trouv beaucoup de boutiques, simplement deux principales ainsi
quun vendeur de th qui fait des rondes et certains habitants qui vendent des snacks ou
des fruits et lgumes.
Ce bidonville a souvent t sujet aux incendies, le dernier datant de 2005. Lors des Temple principal
visites nous avons donc pu voir la diffrence entre les maisons construites au fil des annes
et des gnrations et les maisons reconstruites dans lurgence aprs un incendie qui sont
construite exclusivement en tle (illustration 42).
Gnralement, les maisons des bidonvilles peuvent se classifier en trois types diffrents:
Katcha houses : ce sont des maisons dites temporaires construites en boue,
argile et toiture en feuilles de palmier. Ce sont les moins chres, mais peu durables.
Semi-pucca houses : ce sont des maisons semi-temporaires . Les murs sont
gnralement faits de briques, sous diffrentes variations, et la toiture est compose de
chaume ou de tle ne la rendant pas compltement impermable.
Pucca houses : ce sont des maisons permanentes , celle de meilleure qualit en
terme de solidit. Elles sont gnralement construites en bton ou ciment.
Ici on retrouve les trois types. Il y avait cependant peu de pucca houses, car nous
navons jamais vu de toiture en bton. La majorit des maisons dans le bidonville visit
taient des maisons en chaume. Les pages qui suivent dcrivent diffrentes typologies de
maisons visites.
Eglise
95
glise
maison de
Thomas Accs secondaire
maison
dArpita

maison de
Vidhya vend des
Vanitha temple samosas

maison de
Sadhvika Maison reconstruire aprs incendie
maison de
temple Vetrivel

Vendeur ambulant de cha

maisons visites vendeurs ponctuels

btiments religieux ligne de division du bidonville Accs principaux

choppes zone touche par lincendie de 2005 Accs secondaires

Illustration 42 - Plan du Dr. Ambedkar Slum


Echoppe
96
MAISON EN BRIQUE : Maison de Vetrivel
Nous sommes quatre dans la maison, ma sur, ma mre
et mon pre. Mon pre travaille comme ouvrier. Ma famille
habite ici depuis 30 ans. Il y a un an et demi, cause dun
incendie on a du reconstruire la maison ; a a dur une
semaine avec des ouvriers ; aujourdhui elle nous appartient.
Un jour je serai le chef de la maison. Je me lve 7:30 le Les femmes cuisinent lentre
matin pour aller lcole 8:30 jusqu 15:30. Lcole nest
pas trop loin alors je peux y aller pied. Laprs-midi je vais
jouer ct du temple et je vais aussi au centre dducation
construit par une ONG. Mes vacances prfres sont Diwali
parce que je peux aller dans la rue et lancer des ptards!

BRICK HOUSE Structure : la maison est construite en-


tirement en brique, lexception de la zone
Intrieur : tlvision et rangements
deau lextrieur, forme grce des feuilles
de bananier et des bches.
1,5

Murs : les murs sont laisss brut avec la


3,4

brique apparente, lintrieur et lextrieur.


1,8

Toit : la toiture est compose dune


structure de colonne en bois et dasbestos
2,8 (amiante).
Sol : le sol est simplement btonn sans
revtement par-dessus.
Surface intrieure : 9,5m2.
Surface extrieure : 2m2.
2,5

2,2

Illustration 43 - Plan et Coupe


Salle deau
97
MAISON EN BETON : Maison dArpita
Je vis ici avec mon fils et mon mari. Mon mari travaille
dans les choppes ct de lhpital, il vend des fruits et
lgumes. Il se lve 4:00 du matin pour partir en rickshaw
les acheter au march et les revends ici. Le soir on mange
ce qui reste ou on les jette dans le terrain lentre. Je suis
ne ici, ma mre a rejoint mon pre aprs leur mariage. Ils Entre principale de la maison
vivent dans la maison d ct. Je travaille avec ma mre
comme femme de mnage chez des familles du quartier.

OCK
Structure : en blocs de bton.
Murs : lextrieur les murs sont lais- Premire pice : chambre
cuisine ss avec les blocs de bton apparents ;
2,4

lintrieur ils sont recouverts dun enduit de


couleur (rouge dans une pice et bleu dans
4,8

lautre).
chambre Toit : la toiture est compose dasbestos
2,3

(amiante).
Sol : le sol est revtu dun enduit.
3
Surface : 14,4m2.
3

Illustration 44 - Plan et Coupe


Seconde pice : cuisine
98
MAISON EN TLE : Maison de Sadhvika
Je suis venue ici avec mes parents. Nous avons construit
notre maison en engageant des ouvriers il y a un an. Jai
trois enfants qui vont lcole. Les deux plus grands vont
lcole mais seulement celle de lONG. Je ne travaille pas car
mon dernier fils est encore bb. Mon mari est lectricien
mais travaille comme chauffeur dautorickshaw par manque Espace extrieur adjacent
de travail ; mais on lui a t retir son permis parce quon na
pas pu payer la location donc il est actuellement sans em-
ploi. Maintenant, il travaille par contrat journalier.

HOUSE Structure : en rondin de bambou.


frigo Murs : les murs sont constitus entire- Cuisine
ment de tle ondule.
chambre cuisine
Toit : la toiture est compose dune struc-
ture de colonne en bois et dasbestos.
4,4

Sol : le sol est revtu dun carrelage avec


motif.
Surface : 16,7m2.
3,8
Travail du revtement de sol
2,9

0,2

Illustration 45 - Plan et Coupe


Dcoration vgtale
99
MAISON EN VINYLE : Maison de Vanitha
Jhabite ici depuis que je suis petite, ce sont mes parents
qui sy sont installs. Jai deux enfants et mon mari travaille
comme transporteur de marchandises, mais au jour le jour.
Je travaille au restaurant Saravana Bhavan o je fais la vais-
selle. Je dois me lever 5:00 le matin pour prparer man-
ger pour mes enfants avant de partir. Notre maison est petite Extrieur de la maison
mais pratique. Nous avons tout ce qui nous faut ; mais ce
qui est embtant cest que les seules toilettes publiques se
trouvent au bord de la route.

Structure : la maison est tenue par des


NYLE SHEET rondin de bois ou de bambou. Des lments
USE espace de rangement Elvation de la maison
ont t rajouts lintrieur pour soutenir la
toiture.
Murs : les murs sont remplacs par des
3

posters de vinyle, posters de publicit gn-


chambre ralement.
Toit : la toiture est continue avec les murs,
en bche.
Sol : le sol nest pas recouvert, cest de la
2,4
Intrieur de la maison
terre comme lextrieur.
Surface : 7,2m2.
1,8
1,1

Illustration 46 - Plan et Coupe


Espace de rangements
100
DOUBLE MAISON : Maison de Vidhya
Ma famille loge dans deux maisons ; mon fils et ma belle-
fille habite dans la maison en brique et moi dans la maison
en chaume. Cette maison tait celle dun leader de gang du
bidonville et il a t tu il y a quelques annes; depuis je vis
l gratuitement. Nous sommes arrivs ici il y a 20 ans. Pour
gagner de largent je cuisine des snacks laprs-midi, mais Intrieur : tlvision et rangements
la vente est imprvisible. Mon mari travaille de nuit comme
gardien.

1,8
Maison de brique
UBLE HOUSE chambre Structure : entirement en brique. Espace deau
2,2

Murs : pltre lintrieur et lextrieur.


2

Toit : la toiture est compose dasbestos


et de bche.

espace
Sol : le sol est simplement btonn sans
chambre
couvert revtement par-dessus.
4,6
4,9

mais ouvert
Maison de chaume
Structure : en bois ou en bambou.
cuisine Arbre entre les deux maisons
Murs : les murs sont raliss avec de la
2,2 0,8 2,6
chaume ou des feuilles de bananier.
Toit : la toiture est compose de bche.
Sol : le sol est simplement btonn sans
3

2,3

revtement par-dessus.
1,5

Surface intrieure : 10,7m2 et 17,6m2.


Illustration 47 - Plan et Coupe
Surface extrieure : 3,96m2.
Entre de la maison de chaume
101
MAISON MIXTE : Maison de Thomas
Jhabite dans cette maison avec ma fille et mon fils. Ma
fille tudie luniversit, elle travaille tout le temps. Jai moi-
mme construit la maison, au fur et mesure. Jai eu de la
chance car elle na pas t touche par lincendie de 2005.
Je nai pas demploi fixe, jenchane ce que je trouve chauf-
feur, gardien, ...

Nous navons jamais vu ni ses enfants, ni sa femme. On


suppose quil sagit ici dune maison vitrine dans le but
dobtenir un nouveau logement lors dune rhabilitation afin
THOMAS HOUSE
de pouvoir ensuite la revendre ou la louer.

Structure : la structure est ralise en


rondin de bois ou de bambou.
Extrieur de la maison
Murs : un retour de bton de 30cm
cuisine remonte pour protger de leau. A lextrieur
ils sont en chaume et feuilles de bananier ;
4,7

lintrieur ils sont recouverts de bois con-


treplaqu.
chambre
Toit : la toiture est constitue de feuilles
de bananier et de chaume, puis recouverte
de feuilles de vinyle.
2 Vtements suspendus
Sol : il est entirement btonn.
Surface : 9,4m2.
3,1
1,4
0,3

Illustration 48 - Plan et Coupe


Mezzanine de rangement
102
ORGANISATION SPATIALE ET ESPACES EXTRIEURS

Ces typologies suggrent un mode de vie trs diffrent du ntre : on vit, on fait tout
enferm entre quatre murs, tandis que les indiens et les populations du Sud en particu-
lier vivent plutt lextrieur : les activits quils considrent primordiales comme cuisiner
se passent toujours dans les espaces extrieurs ou semi-couverts. Ceci est d en grande
partie la diffrence de climat qui induit une gradation plus importante entre les espaces
Maison traditionnelle cour, Baker
extrieurs et intrieurs, invitant la cration de nombreux seuils.
Ainsi, les espaces extrieurs jouent un rle principal dans la vie des indiens. On trouve
une grande diversit de ces espaces, ouverts, semi couverts ou couverts. Tout type
dactivits sy droule : cuisiner, vendre, acheter, discuter, jouer, ... Une femme vend des
samosas devant sa maison, une mre et son fils vendent des fleurs et des lgumes dans
une rue couverte.
Traditionnellement, dans les zones rurales comme urbaines, la maison indienne est or-
ganise autour dune cour ouverte. Dans le Dr. Ambedkar Slum, les maisons sont bien sr
Les diffrentes cours, Correa, Belapur
trop petites pour amnager une cour intrieure part quelques exceptions (la double mai-
son de Vidhya), mais on peut voir que dans la mesure du possible les habitants ont essay
de disposer leurs maisons de manire crer des sortes de cours, despaces clos. Ceci
leur permet de sous-diviser lespace extrieur et de crer un seuil supplmentaire entre le
public et le priv afin de pouvoir sapproprier une partie de cet espace et de le transformer espace bche qui couvre
en espace deau, en lieu de cuisine, de rangement ou en espace de jeu tout simplement. cuisine lespace

Ici, les espaces extrieurs sont de petites tailles, lchelle des maisons et de lespace
libre. Soit ils nappartiennent clairement personne et dans ce cas ils ne sont utiliss que
ponctuellement de manire alatoire et sont souvent laisss un abandon progressif, soit
la proximit avec une maison induit une utilisation plus intime permettant ainsi damnager rue
lespace de manire plus prive, espace dans lequel on peut tendre le linge, faire la cui- seaux
maison
sine, ... en retrait
deau

Espace extrieur privatis


103
APPARENCE ET COULEUR

En Inde, il y a une grande tradition de peindre directement sur les murs. En ville on le re-
trouve partout avec les publicits, les menus de restaurants ou encore les campagnes des
politiciens qui reprsentent les visages de ces derniers une trs grande chelle.
Mais traditionnellement la peinture des murs est utilise pour les maisons de certains
villages, au Rajasthan en particulier. Les femmes de la tribu Meena sont particulirement Femmes meena qui peignent
connues pour leurs peintures danimaux et de cratures sur tous les murs de leur maison.
Le bidonville reprend cette volont de sapproprier chaque espace disponible en y
laissant son empreinte. Cela permet aussi de faire respirer ces espaces souvent exigus
De manire indirecte cest ce quon retrouve aussi dans le choix des bches utilises: il
ne sagit pas souvent de bche de couleur unie, grise ou bleue, mais plutt danciennes
bches de publicit ou de campagne politique, reprsentant des stars de cinma ou des
politiciens.
Par ailleurs, les Etats du Sud comme le Tamil Nadu se distinguent par des construc- Peinture murale Sri Nivasapuram
tions aux couleurs trs vives : jaune, orange, bleu, certains quartiers sont multicolores! Au
Dr. Ambedkar Slum cest un lment qui ntait pas trs prsent d aux types de matriaux
de construction utiliss (tle, chaume, ...). Mais les maisons en briques ou en bton taient
le plus souvent peintes ( lintrieur comme lextrieur).

Maisons Knykumr Maison traditionnelle, Pondicherry Maison moderne, Pondicherry Poster bche, Dr. Ambedkar Slum
104
TYPOLOGIES ET INTRIEURS

Les maisons des bidonvilles sont caractrises par une grande flexibilit et un carac-
tre vivant : au fil de la journe, au fil des saisons, les espaces vont prendre des fonctions
et des caractristiques diffrentes. Les intrieurs tant souvent composs dune seule vraie
pice, voire deux, ces dernires ne sont pas limites une fonction unique. Les maisons ne
suivent en effet pas une sparation stricte des fonctions, en particulier la dissociation tra-
Etagre
ditionnelle occidentale entre espace de jour (salon) et espace de nuit (chambre coucher).
Au contraire ils sont presque toujours mlangs au profit de lamnagement dun espace
de cuisine fixe. Lespace de nuit par exemple, nest pas un espace permanent comme nous
en avons lhabitude, mais prend forme uniquement le soir.
Ainsi, dans le cas dune maison avec plusieurs chambres, la pice dentre devient
lespace principal o toutes sortes dactivits se passent : manger, recevoir, travailler, dor-
mir. Les autres pices quant elles, accueillent des fonctions plus spcifiques comme la
cuisine ou la puja, fonctions qui noccupent pas forcment toute la pice permettant encore
une flexibilit dutilisation de lespace. Division en deux pices
Par ailleurs, les indiens ont un rapport trs fort avec le sol ce qui a pour rsultat que leur
habitat (que ce soit dans un bidonville ou non), apparait gnralement assez austre avec
trs peu de meubles. On trouve rarement un lit ou une table manger dans tout type de
logements. Bien que ces meubles se soient dmocratiss il faut comprendre qu lorigine
ce ne sont pas des lments dont les indiens ont besoin, alors quils sont pour nous pri-
mordiaux. Le manque de meuble ne peut donc pas tre interprt comme un signe de
prcarit et de pauvret. Le meuble trouv le plus souvent dans les maisons des bidonvilles
est ltagre ; les habitants cherchent tout mettre en hauteur afin de protger leurs biens
de la pluie et des insectes.
Finalement, toutes les maisons visites dnotaient une certaine modernit et un certain
confort travers linstallation dun ou de plusieurs ventilateurs ncessaires loccupation
des maisons en particulier en t et la constante prsence de la tlvision presque tou-
jours allume.

Etagre et espace cuisine


105
ELEMENTS ARCHITECTURAUX

Certains lments architecturaux se retrouvent dans quasiment toutes les maisons :


Alors que les maisons traditionnelles du Nord de lInde possdent plus souvent des toitures
plates, au Sud en revanche, les toitures sont plutt en pente simple ou double, ralises en
chaume ou en tuile. Ceci se retrouve assez fortement dans le Dr. Ambedkar Slum car nous
avons visit trs peu de maisons la toiture plate et accessibles et aucune ntait ralise
Maison rurale prs dAuroville
en bton ou autre matriau dur . En effet, la majorit des toitures taient en chaume ou
feuilles de bananier, recouverte ensuite par des bches afin dassurer une meilleure protec-
tion ; nous avons aussi rencontr de nombreuses toitures en tle.
Les ouvertures sont presque toujours des lments de rcupration que les habitants
ont pu trouver : la porte peut tre en bois, en tissu ou en panneau de tle. Il ny a pas de
vraies fentres, mais les ouvertures dans le mur sont caractrises par le jali : il sagit dun
lment typique de larchitecture traditionnelle indienne qui sert filtrer et temprer la
lumire du soleil. Il se retrouve partout, dans larchitecture domestique vernaculaire, dans
les grands palais mais aussi dans larchitecture plus moderne. Il peut tre en mtal mais Jali dune maison du bidonville
aussi en pierre ou en bton, type le plus prsent dans les bidonvilles car ils peuvent tre
achets indpendamment puis monts sur le mur directement.
Le thinnai correspond un espace surlev lentre de la maison. En plus de protger
la maison des pluies et infiltrations, cest lendroit o les femmes sassoient traditionnelle-
ment. Cet lment tait particulirement visible dans les maisons en brique ou en bton,
mais on peut aussi le retrouver sous certaines formes dans des maisons en tle ou en
chaume : dalles empiles, banc en bois, ... Il sagit l dun lment vernaculaire qui fait par-
tie de toutes les maisons traditionnelles, rurales comme urbaines. Jali dun palais

Thinnai Thinnai traditionnel dans un village Thinnai urbain et toiture, Pondicherry


106
mur autour du temple
LA RELIGION

Les espaces extrieurs sont assez nombreux dans le Dr. Ambedkar Slum, quils soient
adjacents une maison et donc semi-privs ou quils soient une prolongation de la rue et couvert
donc publics. Mais cest le temple principal du bidonville qui reprsente lespace public
par excellence. Il a t construit par les habitants depuis sa cration, il se trouve dailleurs
plus ou moins au centre du bidonville. On y accde depuis une grande place, le plus grand
espace libre du bidonville. Cette place nest pas vraiment utilise car toutes les maisons qui
lentourent sont fermes de ce ct-l, lui donnant alors plus dimportance et une certaine
sacralit. Ensuite le temple est form de lautel et dun espace couvert. Cest ici que les
habitants se regroupent pour diffrentes occasions, religieuses comme non religieuses,
mais cest surtout l que les enfants viennent tous les aprs-midi en rentrant de lcole ;
ils y jouent, font leur devoir, chantent et dansent. Il en dcoule une trs belle animation qui
place le temple au cur du bidonville.
entre des
Les temples, surtout dans le Sud de lInde sont une part trs importante du quotidien logements
des indiens. Contrairement aux autres villes modernes comme Bombay ou Calcutta, Chen- Espace du temple
nai possde de nombreux temples de toutes sortes. En 1981, il avait t estim que la ville
possdait plus de 600 temples, et ce chiffre a fort probablement augment depuis83. La
raison de cette forte prsence est lvolution unique de la ville qui, nous lavons vu, a petit
petit englob les villages avoisinants et donc chacun de leurs temples avec.
La religion et lhindouisme plus particulirement prend une place importante dans le
quotidien des indiens, dans le pass comme dans le prsent et les temples sont au centre
de la vie communautaire.
De la mme manire, chaque maison possde un lment central religieux : un espace Rassemblement dans un temple
ddi la puja lquivalent de la prire. Cet espace prend une place importante, aussi
bien mentalement que physiquement dans la maison, souvent sur un des seuls meubles ou
tagres du logement.

Notes
83
KALPANA, K., SCHIFFER, Frank, Madras, the Architectural Heritage, INTACH (Indian National
Trust for Art and Cultural Heritage), 2003 Espace ddi la puja
107
LES SYMBOLES

Bien qutant primaire, les maisons sont toujours dcores selon chaque habitant de
telle manire que les maisons visites ne paraissaient pas insalubres ou dangereuses, mais
ressemblaient de vritables maisons habites et pleines de vies.
En Inde du Sud les kolams sont traditionnels : il sagit de ces dessins la poudre
blanche raliss dans la rue devant la porte de la maison. On peut toujours en voir dans les Kolams et turmeric
villages et mme dans les villes. Comme les rues du bidonville sont trs troites, toutes les
maisons nen nont pas forcment, mais ils restent assez prsents malgr tout. Les kolams
sont un exemple de la perptuation dune tradition rurale dans un environnement urbain
parce quaujourdhui on peut mme en voir au milieu des routes o passent les voitures.
Chaque porte est entoure de turmeric (ou curcuma), rput pour chasser les mauvais
esprits ainsi que les insectes. Aujourdhui le turmeric est souvent remplac par de la pein-
ture mais les portes sont toujours protges par cette tradition vernaculaire.
Dcoration sur une vieille maison
CRER UN CHEZ SOI NATURE ET ANIMAUX

La vgtation tait trs prsente dans lensemble du bidonville, que ce soit les arbres
plants ou bien les vgtations domestiques entretenues par chaque famille.
En effet, afin de rendre leur maison encore plus agrable, chacune est agrmente de
plante, que ce soit lentre ou, pour ceux qui ont plus de place, des pots de plantes am-
nags dans leur espace extrieur priv. Ceci correspond une appropriation de la maison,
mais aussi provient dune tradition de la culture dherbes mdicinales et dpices dans les Ralisation de kolam dans un village
maisons rurales pour lutilisation domestique.
Le fait de possder des animaux (chvres, poules) est un signe de richesse et permet
de subvenir certains besoins. Surtout, cela fait partie du mode de vie traditionnel des
populations rurales. Nous lavons vu Sri Nivasapuram, les animaux taient trs prsents.
Ici, nous avons remarqu des enfants avec des chats, et beaucoup de poules et pou-
lets qui permettent de se nourrir. Les habitants rcuprent des sortes de poulaillers pour
les installer dans la rue, devant leur maison. Ainsi lacquisition danimaux la fois pour
lalimentation et pour le loisir reflte un mode de vie alternatif entre rural et urbain.
Vgtation
108
CUISINER

En ce qui concerne la cuisine, il ny a pas de vritable pice pour cuisiner. La cuisine


se fait gnralement lextrieur, devant lentre de la maison le plus souvent. Le climat
subtropical de la majorit du territoire indien ainsi que faible ventilation des maisons sont la
cause de cette spcificit. En effet, les maisons des bidonvilles sont particulirement her-
mtiques lextrieur ; cuisiner lintrieur enfumerait trs vite le logement et augmenterait
Femme qui cuisine Dr. Ambedkar
fortement la temprature.
En revanche, un espace lintrieur de la maison est toujours ddi au matriel de cui-
sine poles, casseroles, assiettes et au stockage des aliments. Ces derniers ne concer-
nent dhabitude que les repas de la journe car peu possde un frigo ou autre moyen de
conservation des aliments.
La cuisine est une activit sacre dans la culture indienne, ce nest donc pas un espace
que les familles se partagent en particulier cause des diffrentes restrictions que chacun
peut connatre (en fonction de sa religion, de sa caste et de ses murs familiaux).
Cuisinire mobile Dr. Ambedkar
Diffrentes formes de cuisinire peuvent tre mises en place : il existe des lments
permanents que lon peut acheter tels quels et quon moule directement avec le
bton du sol ; il existe aussi des lments mobiles (mtal, ).
La cuisson se fait au feu, laide de charbon quils ralisent souvent eux-mmes. A Dr.
Ambedkar Slum en tout cas, nous navons jamais vu dutilisation du gaz.

Cuisinire fixe Dr. Ambedkar

Cuisinire fixe dans un village


109
rserve
ESPACES DEAU ET EVACUTATION deau
privacit avec
La plupart des maisons possde une zone deau o seffectue la vaisselle, le linge et une bche
parfois la douche. Pour les plus aiss, cette zone est rellement prive, incluse dans la mai-
son, et pour dautres, il ne sagit que dun espace amnag lextrieur au bord de la rue. seaux,
Dans tous les cas il sagit toujours dun espace extrieur, lintrieur de la maison ne devant casseroles
pas tre contamin par les eaux sales et lvacuation y tant inexistante.
Zone de lavage
Lvacuation des eaux uses eau de vaisselles, de lessive, de bain se fait grce
lamnagement de trous creuss devant les maisons. Durant la journe, chacun y verse
leau sale qui est cense svacuer pendant la nuit. Cependant ceci ne se ralise pas tou-
seaux, pots,
jours, surtout en priode de mousson o leau dborde, se rpand dans la rue et y stagne casseroles
pendant plusieurs jours voire semaines.
Il faut noter que ce systme dvacuation nest pas utilis pour les excrments. Comme
expliqu prcdemment, ces derniers sont dposs dans certains espaces du bidonville, trou creus dalle pour
couvrir
cachs et non traits, ce qui provoque de rgulires infections et maladies.
Evacuation des eaux uses

RANGEMENT

Nayant pas beaucoup despace, les habitants des bidonvilles dveloppent des
moyens originaux afin de ranger leurs affaires.
Comme dans les maisons vernaculaires, lutilisation du sol comme base de rangement
(commode, bote, ...) ne se fait pas cause de la poussire, de la pluie et du manque de
place ; le sol reste presque entirement libre et le rangement se fait en hauteur. Le moyen Etagre de rangement
de rangement le plus rpandu est celui de lutilisation de sacs plastique accrochs. Cer-
tains utilisent des valises quils remplissent et quils empilent les unes sur les autres.
Le seul lment de salle de bain brosse dent, dentifrice, rasoir est trs souvent ac-
croch au mur, prs de la porte.

Brosses et dent accroches au mur


110
MATERIAUX DE CONSTRUCTION

Au Dr. Ambedkar Slum nous avons pu identifier de nombreux matriaux diffrents


permettant ainsi une construction trs varie des diffrentes maisons. De manire gnrale,
nous avons relev lutilisation de la tle, entire et en morceaux, de la chaume et feuilles
de bananier, de bches, de cramiques, de bois, de bambou, dasbestos, de bton et de
brique. La feuille de palmier est largement utilise, sur les murs ou la toiture, qui, bien que
Maison en morceaux de tles
combustible, permet une certaine ventilation dans la maison, en particulier en t, contrai-
rement la tle qui rend lintrieur quasi-insupportable durant la saison chaude.
Il est drle de voir que soudainement la brique ainsi que le bambou et la chaume, des
matriaux traditionnels utiliss dans larchitecture vernaculaire et les bidonvilles, deviennent
des matriaux remis au got du jour dans larchitecture contemporaine du monde entier.
En raison des nombreux incendies, beaucoup des maisons du Dr. Ambedkar Slum ont
t construites en tle, permettant une combinaison avec des feuilles de bananier ou des
bches pour la toiture.
Asbestos, tle, tissu, chaume
En revanche, nous avons vu peu de maison en brique ou en bton. Parmi les maisons
en brique, nous avons pu identifier lutilisation de brique en terre cuite majoritairement.
Cest le matriau le plus utilis car il est facile trouver et peu cher ; de plus il a de forts an-
tcdents dans les traditions rurales de par ses multiples possibilits dutilisation et de mise
en uvre. La seule construction en bton visite tait ralise laide de blocs de bton
perfors, plus lgers que des blocs pleins. Durant nos visites nous avons trouv trs peu de
toitures en bton.
Nous lavons vu, les toitures taient principalement en pente, construites en chaume et
bche ou en tle. Nous avons aussi relev des toitures en asbestos, le matriau le plus Toiture de bche
permanent utilis pour les toitures.
Beaucoup des habitants du bidonville taient des ouvriers du btiment des peintres,
des maons leur permettant daccder beaucoup de matriaux de rcupration ce qui
se reflte dans certaines constructions. Nous avons par ailleurs trouv quelques maisons
originales, comme cette maison mezzanine construite au-dessus dun toit de tle,
accessible par une chelle.

Mezzanine
111
Ces diffrentes typologies de maisons et ces diffrentes caractristiques dveloppes
ci-dessus permettent de montrer que lhabitat des bidonvilles reflte une certaine tradi-
tion des murs : en effet, de par la provenance rurale des habitants et un certain manque
de moyens financiers, les maisons des bidonvilles sont en partie reprsentatives de
larchitecture vernaculaire indienne, aussi bien rurale quurbaine.
Par ailleurs, on peut noter que la faible utilisation du bton ou de mtal (sections de
mtal rcupres, ...) est reprsentative dune relative tanchit entre le monde de la ville
et le monde du bidonville, empchant ce dernier un accs aux nouvelles technologies de
construction.
Alors que les habitants du Dr. Ambedkar Slum reprennent plutt des mthodes de
construction et des matriaux plus vernaculaires et ruraux, les logements pourraient
gagner en solidit et permanence grce une introduction localise de techniques et
matriaux modernes et grce une fusion entre principes de constructions vernaculaires
et techniques modernes. Pour ce faire, la cration dONG architecturales pourraient tre
bnfiques ; en effet, nous avons vu que les ONG taient relativement prsentes dans les
bidonvilles de Chennai, mais aucune ne se concentre sur la construction des habitats des
slums. De telles organisations pourraient chercher aider les habitants amliorer par
eux-mmes leur maison, leur quartier, selon des principes et de techniques simples et peu
coteuses, permettant la fois damliorer leur qualit de vie, mais aussi dapprendre une
discipline.

112
4.7. CONCLUSION LARCHITECTURE VERNACULAIRE ET LE SLUM
A city is believed to be built with roads and buildings ; bridges and flyovers ; highways and
avenues ; monuments and forts ; statues and memorials. Brick and mortar stuff. But a city
is actually built with memories memories of people, of events, of happenings.
LAKSHMI, C.S., The Unhurried City : Writings on Chennai, Penguin Books India, 2004

Lhistoire des bidonvilles se dveloppe dans une situation trs complexe : avec
lexemple de Chennai on voit bien, travers la multiplication des projets de rhabilitation,
que le gouvernement a conscience de la problmatique des slums et de son importance;
beaucoup dencre coule sur le sujet des bidonvilles et beaucoup dactions sont prises,
mais ces projets ne sont malheureusement souvent pas adquats aux murs des habi-
tants des bidonvilles en termes de planification et darchitecture. Effectivement, les slums
sont bien loin de lidal des immenses barres de logements aux nombreux tages rves
par le gouvernement. Au-del du problme de la localisation de ces projets dans la ville,
se pose la question de leur compatibilit avec des communauts dorigine rurale (comme
urbaine dailleurs).
Larchitecture dans les bidonvilles est simple et construite avec des matriaux peu
chers, le plus souvent de rcupration, mais elle est efficace car elle a t pense et rali-
se par les gens qui vont lhabiter au quotidien. Larchitecture est ici ce que tout architecte
voudrait russir faire : limage de lhomme. Elle est le reflet de ces populations rurales
qui sinstallent dans la ville urbaine, devenant ainsi une synthse entre ces deux mondes.
Ainsi, le bidonville comprend de nombreux lments du vernaculaire indien, que ce soit
dans le quotidien, dans la conception dun logement ou dans larchitecture traditionnelle:
limportance des espaces extrieurs et des seuils, la flexibilit et la nature changeante des
espaces, lutilisation des jalis et des thinnai, la peinture ou encore les symboles, tous sont
influencs par la culture traditionnelle indienne plutt que par la nouvelle culture urbaine
moderne.

113
Larchitecture des bidonvilles revient en fait lessentiel, ce qui est strictement nces-
saire sans aller chercher une abondance despace, de richesse, de beaut comme les
citadins ont de plus en plus tendance vouloir faire. Enferms dans leur monde, les habit-
ants des bidonvilles ne se rendent qu moiti compte de ce qui se passe dans le monde
urbain et ne suivent pas la logique de vouloir possder toujours plus. En effet, les maisons
visites au Dr. Ambedkar Slum, bien quextrmement petites entre 7m2 et 17m2 environ,
soit la taille dune petite cuisine ou dune chambre assez spacieuse taient toutes
propres, dun relativement bon confort, avec tout ce dont la famille avait besoin et
reprsentaient ses habitants qui avaient russi la personnaliser leur manire afin de se
sentir chez soi, chose qui nest pas donne dans un environnement qui leur est hostile.
En Europe, le monde est noir ou blanc ; on est dedans ou dehors, juste ou faux ; mais Tara Books - un btiment auto-suf-
en Inde le monde est gris, rien nest vraiment dfini de manire claire et rien nest simple. fisant, sans climatisation ncessaire
Ceci se reflte bien sr dans larchitecture avec une multitude de diffrents seuils, degrs moad
de privacit, douverture, de protection, Cependant les espaces urbains prnent une
construction moderne, en verre et en bton reprenant les logiques europennes et ac-
centuant encore plus le chaos du monde extrieur par comparaison lintrieur froid et
aseptis. Il semble pourtant vident que ces solutions ne conviennent ni au climat indien ni
au mode de vie et que des solutions plus adaptes sont ncessaires. Certains architectes
contemporains incluent la tradition dans larchitecture moderne comme Mahesh Rad-
hakrishnan, architecte de moad : Tara Books, le btiment dune maison ddition, tout est
ouvert laide de jalis et despaces extrieurs permettant lair de circuler librement. Le
rsultat est une brise fraiche constante qui fait oublier la climatisation et presque les ventila-
teurs.
Ainsi, travers cette dernire partie, on peut voir que les bidonvilles sont bien plus que
de simples quartiers insalubres remplis de criminels : il sagit en fait de quartiers urbains
capables de reprendre une architecture vernaculaire indienne.

114
CHAPITRE 5
CONCLUSION
5.1. LES BIDONVILLES UN PHNOMNE RADIQUER ?
We live in a world of manifest phenomenona. Yet, since the beginning of time, man has
intuitively sensed the existence of another world : a non-manifest world whose presence
underlies and makes endurable the one he experiences every day. Like religion, philoso-
phy and the arts, architecture too is generated by mythic beliefs, expressing the presence
of a reality more profound than the manifest world in which it exists.
CORREA, Charles

Consquence dune urbanisation incontrle et incontrlable, les bidonvilles continuent Les bidonvilles au centre
CORREA, Charles
tre perus ngativement : pauvret, insalubrit, criminalit et dautres encore, presque
tous les maux de la ville leur sont attribus. Pourtant, ils sont un produit invitable du dvel-
oppement urbain, comme le ventre qui stend pendant une grossesse. Le problme est
que la majorit continue de penser que toute grosseur anormale doit tre excise84. En
effet, les bidonvilles doivent-ils tre imprativement radiquer de toutes les villes indiennes
(et du monde) ?
Les villes indiennes sont apprhendes travers un filtre occidental qui les voit comme
chaotiques. Un nouveau filtre, plus sensible et contextuel et surtout plus conscient de
la mentalit indienne, permet de comprendre le surralisme qui rgit les villes indiennes
et donc ses bidonvilles, ralisant alors que ces derniers sont beaucoup plus que juste
linsalubrit ou la criminalit que nous dpeignent les grandes organisations gouvernemen-
tales.
Selon Charles Correa, les bidonvilles ont une place centrale : ils se trouvent la con-
vergence de la ville, de larchitecture traditionnelle et du peuple. Ainsi, les slums peuvent
aussi tre vus comme des exemples de russites dorganisation sociale, urbaine et archi-
tecturale, des russites de sous-villes intgres qui sont nes grce des phnomnes
dauto-construction et grce la volont de ses habitants. Cest l leur richesse : ils font
partie dun certain hritage indien et ils perptuent les traditions rurales lintrieur dun
milieu urbain naissant.
Notes
84
ABRAMS, Charles, Housing in the Modern World, Faber and Faber London, 1964
115
Pour Correa, larchitecture se trouve au centre de quatre facteurs qui permettent de
dvelopper un paysage rgional et contextuel :
La culture, qui est un grand rservoir, calme et continu et qui nvolue que graduel-
lement et lentement.
Laspiration, qui est volatile et dynamique.
Le climat, qui est une force fondamentale et permanente. Cest le climat qui qualifie
la culture, son expression et ses rituels.
La technologie.
Selon lui, lalliance de ces quatre facteurs nest possible que dans le domaine archi-
tectural. Dans les bidonvilles, ces derniers sont tous prsents diffrents degrs la cul- Larchitecture
CORREA, Charles
ture rurale-urbaine des populations, laspiration sintgrer et russir dans ce nouvel
environnement, le climat, toujours prsent, et la technologie travers dune part certains
matriaux modernes comme la tle ou le bton, et dautre part travers la prsence ac-
crue dappareils technologiques permettant aux bidonvilles de se connecter avec le monde
(tlphone, tlvision, ordinateur, ...). Puisque tous ces facteurs sont runis dans le bidon-
ville il en dcoule un intrt architectural dvelopper.
I never doubted the inherent and inherited ability of the people to know what good
architecture is. With limited resources they have built for themsleves effectively and well ;
and we can learn from them ! 85. Comme le dit Maurice Mitchell, il y a des choses ap-
prendre de la part des populations qui sont capables de se crer un chez soi en dpit du
nombre limit de moyens dont ils disposent. La dissection des diffrentes caractristiques,
savoir-faire, techniques, formes urbaines quon peut retrouver dans les bidonvilles pourrait
permettre den sortir leur essence afin den tirer un modle applicable dautres slums ou
dautres parties de la ville.

Notes
85
MITCHELL, Maurice, Learning from Delhi, Dispersed Initiatives in Changing Urban Landscapes,
Ashgate, 2010
116
5.2. LES BIDONVILLES UN MODLE DHABITAT ALTERNATIF
I like the dreams of the future better than the history of the past.
JEFFERSON, Thomas

Tout au long de cet nonc nous avons vu que zone urbaine et zone rurale taient
opposes, juste titre en particulier dans un pays comme lInde o les diffrences sont si
grandes. Mais ces deux mondes sont-ils rellement si incompatibles?
Comme dvelopp prcdemment, larchitecture des bidonvilles fait la synthse entre le
monde rural et le monde urbain. Mais elle va en ralit plus loin que a : larchitecture ver-
naculaire est dhabitude pratiquement immuable, elle nest pas susceptible damliorations
puisquelle rpond parfaitement son objet. En gnral lorigine des formes architecturales
et des mthodes de construction indignes se perd dans la nuit des temps. Pourtant, elle
se retrouve ici dans les bidonvilles qui font revivre cette architecture vernaculaire en leur
sein, permettant de la perptuer dans le monde urbain moderne. Alors quelle devait res-
te fige jamais, le bidonville la perturbe, la bouscule et lintgre dans un monde urbain
quelle ne connait pas.
Selon Pietro Belluschi : un art communautaire est produit, non pas par quelques intel-
lectuels ou quelques spcialistes, mais par lactivit spontane et continue dun peuple tout
entier, dpositaire dun hritage commun et obissant aux leons dune commune expri-
ence 86. Effectivement, les habitants des bidonvilles dans leur monde parallle cach et
silencieux mettent ensemble leurs traditions et leur hritage respectifs en crant un quar-
tier dun nouveau genre, mlangeant plusieurs traditions vernaculaires, mais aussi en crant
de nouvelles traditions rurales-urbaines.
Ainsi, les bidonvilles reprennent des lments de larchitecture vernaculaire venant des
zones rurales et les transposent dans des logements urbains. Alors quon peine aujourdhui
promouvoir la localit (manger local, construire local), les habitants des bidonvilles
instinctivement adaptent des mthodes rurales et des matriaux et lments disponibles
localement aux structures urbaines de la ville.
Notes
86
RUDOFSKY, Bernard, Architecture Sans Architectes, Chne, 1977
117
Selon Mike Davis dans son livre Planet of Slums , loin des structures de verre et
dacier imagines par des gnrations passes durbanistes, les villes du futur sont au con-
traire pour lessentiel faites de brique brute, de paille, de plastique recycl, de parpaings,
de tle ondule et de bois de rcupration. En lieu et place des cits de verre slevant
vers le ciel, une bonne partie du monde urbain du XXIme sicle vit de faon sordide dans la
pollution, les excrments et la dcomposition. De fait, le milliard durbains qui vivent dans
les bidonvilles postmodernes pourraient juste titre envier le sort des habitants des solides
maisons de torchis de Catal Hyk, en Anatolie, construites aux toutes premiers lueurs
de laube de la vie urbaine, il y a 9000 ans 87. Lauteur fait ici le rapprochement entre les
bidonvilles, larchitecture moderne et larchitecture vernaculaire : il oppose bidonville et
architecture vernaculaire, le premier comme devant prendre exemple sur le second dans le
but de dvelopper larchitecture moderne. Cependant, il me semblerait que ce constat est
faux : architecture moderne, faite de verre et dacier, est celle qui soppose larchitecture
vernaculaire, faite souvent des mmes matriaux quil cite comme composant du bidon-
ville. En effet, les bidonvilles tant la ralisation de populations lorigine rurale repren-
nent plus souvent les traditions et matriaux vernaculaires que ne le font les gratte-ciel et
permettent, effectivement, la cration dune architecture moderne, mais pas celle cite
ci-dessus : il sagit ici dune architecture moderne plus sensible, rpondant au contexte
local et aux besoins des habitants et du climat tout en prenant en compte les nouvelles
technologies.
Le gouvernement prne davantage un dveloppement quune conservation de
lhritage. Les bidonvilles eux, indirectement et inconsciemment, permettent la survie dune
partie de lhritage architectural indien. Bien que le dveloppement des villes et du pays soit
ncessaire, les slums font prendre conscience de la ncessit dune balance entre dve-
loppement et conservation.
Il est vrai que les bidonvilles sont des lieux surpeupls, o les infrastructures basiques
manquent et o il ny a pas dassurance au logement, mais ce sont aussi des lieux o la
population y est vivace et forte, active, reprsentant la force de travail des villes, o les con-
structions refltent les constructions vernaculaires indiennes et les traditions, transformes
et adaptes au milieu urbain.

Notes
87
DAVIS, Mike, Planet of Slums, Verso, 2008
118
How wonderful it will be when our architects and engineers combine the lessons
learned from our own traditional building styles with the honest undisguised use of our
regionally plentiful, inexpensive materials. We will be seing no more plaster imitations of that
double joist projection of Japanese post-and-beam construction. The upside-down arches
of Brazilia will cease to be badly copied all over our country and the brutal, reinforced con-
crete blocks of Europe will no longer cost us the unnecesary and wasteful use of precious
limited supplies of steel and ciment 88.
Ainsi la conservation et ltude des bidonvilles pourrait permettre le dveloppement
dun nouveau modle dhabitat, un qui inclut vernaculaire et modernit sous une mme
bannire et qui cre ainsi un habitat plus limage des villes indiennes. On nattend pas
de lInde de voir des gratte-ciel et des btiments de verre. La vraie Inde est celle des rues
troites, des btiments plus bas, faits de brique, de terre crue, de paille, avec une multi-
tude de seuils, de protections solaires diffrentes, dambiance, ... Cest cette Inde l quon
retrouve dans les bidonvilles et quon peut apprendre reproduire. Alors que lhritage rural
indien est trs fort et toujours prsent, les bidonvilles peuvent permettre le dveloppement
dun nouvel hritage indien urbain.

Notes
88
BAKER, Laurie, Low-cost Building For All
119
5.3. LE PROJET
To think globally and act locally.
GEDDES, Patrick

De cet nonc dcoulera une proposition de modle de dveloppement urbain et


architectural dun quartier sous-intgr se basant sur cette tude et les modles vus sur
place. A travers ltude ralise, jai essay de crer un catalogue de typologies de formes
urbaines, de logements, de matriaux et dlments architecturaux qui me permettront de
proposer un projet de redveloppement dun bidonville bien que le mot en soi me Participation des habitants
archdaily.com
semble incorrect.
En effet, le but davoir une ville slum-free nest la base pas juste, car en disant
slum-free on englobe tous les aspects dun bidonville, cherchant non seulement as-
sainir et amliorer les conditions de vie des habitants mais aussi formater lensemble
de la ville sous des idaux plus occidentaux quindiens. Il est clair de la premire partie est
ncessaire et louable, en revanche, la seconde partie dtruit selon moi ce qui fait la sp-
cificit de lInde : sa diversit et sa richesse.
A la vue des diffrentes possibilits prsentes et des rsultats des diffrentes rhabilita-
tions, il me semble quun travail in situ est le plus appropri. Le site choisi sera celui du Dr.
Ambedkar Slum vu dans ltude de cas. En effet, il me semble que sa situation stratgique
met en jeu plusieurs composantes urbaines qui seront intressantes prendre en compte
afin de raliser un projet intgr la ville. Grce cette localisation, je pourrais essayer de
dvelopper des ponts entre la ville et le bidonville, prouvant sa possible intgration. La
dimension sociale de ce type de projet prendra une place importante dans le dveloppe-
ment des typologies dhabitats.

120
Le projet se dveloppera en trois phases :
La planification du quartier : elle doit prendre en compte la manire de vivre et les
besoins des habitants en termes despaces publics, semi-publics, dinfrastructures et
dquipements.
La conception de lhabitat : nous avons vu que lhabitant est capable de concevoir
sa propre maison, parfois mieux que quiconque du moins en terme dadquation sa
manire dhabiter ; nanmoins une aide professionnelle peut assurer une distribution opti-
male des espaces, une scurit en terme de qualit-resistance et parfois mme permettre
une ouverture de nouvelles formes dhabitat. Les logements proposs devront tre adap-
ts aux murs de la population et devront tre flexibles pour pouvoir sadapter aux besoins
et aux moyens de chacun.
La construction de lhabitat : il faudra laisser la possibilit dune construction par
tape, ainsi que de prvoir de futures extensions formelles comme informelles. La con-
struction devrait tre ralise avec des matriaux locaux et conomiques qui soient adapts
au climat indien. Une tude plus approfondie des techniques de construction vernaculaires
permettra de dvelopper diffrentes mthodes de construction et de proposer une typolo-
gie en lien avec les traditions et le monde urbain.
Plus quun simple projet de rhabilitation, je compte travailler larchitecture comme
le support dun message sur lartisanat local, la tradition et lconomie des moyens. Les
bidonvilles sont un parfait exemple de cette volont, de par leurs antcdents historiques,
leur richesse architecturale et sociale et les traditions quon y trouve. Lillustration 49
ci-contre reprsente le processus de pense dvelopp dans le but dlaborer ce projet.

A travers cet nonc, jai cherch montrer que le bidonville nest pas un phnomne
radiquer et nest pas tranger la ville ; au contraire, il se trouve au cur de la ville, de
la culture, de lhritage et du peuple indien. Lhistoire des bidonvilles est celle de la dcou-
verte de lunique, de la beaut dans le quotidien. Il sagit dune architecture qui reconnat
lextraordinaire dans lordinaire.

121
Choix dune ville - Chennai
tude de son histoire architec-
turale et culturelle

Identification dun bidonville


- Dr. Ambedkar Slum
tude de son contexte et de
son histoire

Cration dun catalogue


des diffrents lments
relevs (lments architectur-
aux, urbanistiques, ...)

Choix dun modle


urbain profitable pour
le gouvernement
(rentabilit du terrain)

Relocalisation
uniquement lorsquil ny a pas
Dveloppement in situ
dautres solutions (danger
pour les habitants)

ARCHITECTE
Implication des HABITANTS
aide et accompagne les
dans la conception
habitants

Mthodes de construction et
Planification urbaine du site Conception de lhabitat
matriaux

NOUVEAUX QUARTIERS
fusion entre rural et urbain, VILLE
tradition et moderne
Cration de ponts et connections pour
une intgration complte dans la ville
(espaces dchange, lieux publics)

Illustration 49 - Diagramme du processus du projet

122
GLOSSAIRE
CMDA Chennai Metropolitan Development Authority
EIUS Environmental Improvement of Urban Slums
EWHS Economically Weaker Housing Section
EWS Economically Weaker Section
FSI Floor Space Index
HIG High Income Group
JJNURM Jawaharlal Nerhu National Urban Renewal Mission
IIHS Indian Institute for Human Settlements
ILO Internationa Labour Organization
LIG Low Income Group
MIG Middle Income Group
MMDA Madras Metropolitan Development Authority
NHP National Housing Policy
NSDP National Slum Development Programme
RAY Rajiv Awa Yojana
TNSCB Tamil Nadu Slum Clearance Board
UBSP Urban Basic Service for the Poor

123
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126
I do not want my house to be walled in on all sides and
my windows to be stuffed.

I want the culture of all lands to be blown about my house


as freely as possible.

But I refuse to be blown off my feet by any.

Mahatma Gandhi
EPFL - ENAC - SAR - PDM - 2013/2014

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