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De Mahieu Jacques - Le Grand Voyage Du Dieu-Soleil

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Jques de' MAHIEU est

Paris en 1915: Il
rside actuellement
Buenos Aires o il dirige
l'Institut de Sciences de
l'Homme.
Sa passion de connatre
et son got de l'rudition
lui ont valu d'tre Doyen
de la Facult des Sciences
Politiques et Recteur de
l'Universit des Sciences
Sociales d'Argentine. Il
est entre autres; Docteur
s Sciences Politiques.
licenci en Philosophie
et Docteur en Mdecine
Honoris Causa.
Son dernier livre, Le
Grand Voyage du Dieu
Soleil tmoigne de sa
curiosit universelle. De
puis plusieurs annes. il
parcourt le continent Sud
Amricain et rcolte toutes
les preuves, les traces de
la pntration Viking dans
le monde pr-colombien,
et ses dcouvertes in
dites sont innombrables.
Aussi bien du point de vue
archologique (similitude
architecturale, inscriptions
runiques) que du point de
vue des ressemblances
ethnologiques (les indiens
blancs). le professeur de
Mahieu apporte avec Le
Grand Voyage du Dieu
Soleil les preuves for
melles de l'arrive. cinq
sicles avant Christophe
Colomb, des Drakkars Vi
k ings en Amrique.
JACQUES DE MAHIEU

LE GRAND VOYAGE
OU DIEU-SOLEIL

EDITION SPCIALE.
Vik:iBgS , ou,,,,,

Les itinraires Scandinaves et Irlandais.


ditorial

Les chroniqueurs espagnols de la Conqute et les pionniers


du Nouveau Monde furent galement tonns par les vestiges
des vieilles civilisations amrindiennes. Ils se refusrent en
attribuer la paternit aux anctres des '' sauvages n dont ils
pouvaient observer les coutumes. Trs tt, ils cherchrent
leur trouver des origines trangres. Les monuments du Mexique
et du Prou, en particulier, firent l'objet de nombreuses inter
prtations et se virent attribuer des promoteurs de nationalits
aussi exotiques que varies : Grecs, gyptiens, Phniciens, Basques,
Romains, Tartares, Chinois, Japonais, Kmers et bien d'autres
encore.
Les Mormons qui avaient dcouvert en Amrique des tablettes
hbraques en or, situent en Amazonie le mystrieux phir,
terres fabuleusement riches d'o Salomon aurait tir le bois et
les pierres prcieuses qui servirent la construdion de Jeru
salem. Lord Kingsborough sacrifia vie et fortune pour faire
la preuve que le Nouveau Monde avait bien t la terre d'accueil
des tribus perdues d'Isral. Et combien de rveurs et d'utopistes,
combien de champions de l'Atlantide et de l'Empire Mu, ne
peuplrent-ils pas ces contres lointaines de leurs intuitins et
de leurs fantasmes
A ces thories, qui avaient le mrite d'une relative logique et
d'une certaine honntet, il faut ajouter les canulars, les falsifi
cations. Par exemple, les dessins surchargs n de monuments
mexicains que publia le soi-disant Comte de Waldeck. Dans
un autre registre : que faut-il penser de tel amricaniste fort
connu qui mentionne la prsence au Mexique de bijoux d'ambre?
Erreur de traduction sans doute, car les chroniqueurs espagnols
dsignent sous ce terme un topaze qui n'a aucun rapport avec
la rsine fossile de la Baltique...
Jacques de Mahieu ne prtend pas ici infirmer l'hypothse
selon laquelle des navigateurs europens et asiatiques, apparte-
10/ Le grand voyage du Diw-So/ei/

nant quelques-uns des peuples cits plus haut, ont touch les
ctes amricaines bien avant les Irlandais et les Scandinaves.
Ce n'est pas son propos. D'ailleurs, Christophe Colomb lui
mme en arrivant la premire fois l'le de la Guadeloupe, ne
trouva-t-il pas l'pave d'un vaisseau europen? Ce fait ne devait
pas rester isol : en 1721, un navire charg de vin qui allait
de Tnriffe Comara est jet par la tempte sur les ctes de
Trinidad. En 1770, un bateau charg de bl qui va de Lancelot
Tnrilfe est dport jusqu'au Venezuela.
Inversement, Pompenims Mela et Pline rapportent qu'en 62
avant ].-C., une pirogue, monte par des hommes rouges, fut
jete sur les ctes de Germanie. En 1153, une barque remplie
de sauvages " s'choua Lbeck.
A vrai dire, il serait fort trange que tant de navires europens
eussent navigu.f, pendant des sicles, au-del des colonnes d'Her
cule, sans quaucun n'et jamais t jet, avec son quipag,
'ar les ctes amricaines. Alenso de Hogeda, nomm en 1501
gouverneur du Venezuela, ne signalait-il pas la prsence d'Anglais
dans la rgion occidentale du pays?
Ce qui vient d'tre elit vaut pour la cte Pacifique. Lorsque
Balboa traverse pour la premire fois l'Amrique Centrale, il
trouve des traces d'incursions antrieures et s'interroge sur la
nationalit de ces capitaines inconnus.
En 1725, avant la colonisation par les Europens du nord-ouest
de l'Amrique, l'Indien Montcach-Ap atteint le Pacifique depuis
la Louisiane franaise. Il entend parler d'hommes blancs qui
viennent chaque anne chercher du bois et capturer des esclaves.
Il organise une embuscade et plusieurs trangers meurent au
cours du combat. Ce ne sont pas des Europens : leurs vtements
taient diffrents; leurs armes, plus lourdes que les occidentale;
et la poudre qu'ils employaient, plus grossire...
Tout au long du XIV sicle, des clizaines de jonques japo
naises, avec ou sans quipage, furent dportes jusqu'en Cali
fornie. On raconte encore que les immigrants chinois qui, dans
la premire moiti du sicle dernier s'tablirent au Prou, consta
trent, stupfaits, qu'ils comprenaient parfaitement les Incliens
d'Etn , un village de pcheurs situ prs de l..ambayque.
Autre nigme : que faut-il penser du rcit de l'historien chinois
Li-You? D'aprs ce texte, cinq moines boudhistes chinois,
originaires de Samarcande, s'embarqurent en l'an 458 sur le
Pacifique. A 12 000 lis de la Chine, ils trouvent Nippon;
7 ()()()lis plus au nord, Wen Chin, le pays des anos; S 000 lis
de ce dernier, Ta Hon, entour d'eau de trois cts. Enfin, aprs
un voyage de 20 (X)() lis vers l'est, ils arrivent une terre immense,
Fou Sang. La description que Li-You nous en donne - et en
particulier, tout ce qui est relatif l'emploi des chevaux et des
bovins - ne correspond pas, sur des .points fondamentaux, avec
ce que nous savons de l'Amrique d'alors. Peut-tre l'imagi
nation orientale a-t-elle enjoliv les choses. Quoi qu'il en soit,
le tmoignage ne peut tre, a priori, nglig : les 20 000 lis men
tionns - Il 600 km - reprsentent trs exactement la distance
qui, en suivant le cours du Kouro-Sivo, spare la Chine de la
Californie.
Tout semble indiquer, d'autre part, que des contacts fconds
existrent, il y a des sicles, entre l'Asie et l'Amrique. Les
travaux de Heine-Geldern ne permettent gure de douter d'ap
ports procdant de la culture Chou, de la Chine du Nord,
entre 700 et SOO avant J.-C.; de la culture Deng-Song, de
l'Annam, entre 400 avant J.-C. et 1 00 de notre re, et de la
culture Kmer, entre 800 et 1200. Mme pour le profane, la
reproduction sur des monuments mso-amricains de motifs
nettement asiatiques - la lieur de . lotus, par exemple - sont
des preuves spectaculaires.
Le Grand Voyage du Dieu-Soleil, donc, n'exclut pas la possi
bilit de voyages et d'influences diffrents de ceux qui constituent
l'objet de sa recherche. Il tudie avec une attention particulire
. 1
. l'elment racial blanc de l'Amrique pre-colombienne et dmontre
1,-&c-'' que des Scandinaves et des ellaftdni\ jourent un rle fonda
mental dans le dveloppement des grandes cultures nahuatl,
maya et quitchoua.

Tout au long de sa recherche, Jacques de Mahieu a ralis


un important travail de " juge d'instruction " Il a instruit une
fantastique affaire. Il a analys, valu et ordonn, sur la base
d'une hypothse suggre par Gobineau, le matriel que d'autres
avaient rassembl, depuis les chroniqueurs espagnols du temps
de la Conqute jusqu'aux chercheurs contemporains. Il a doubl
cette enqute historique d'un minutieux travail d'ethnologue et
d'archologue. Ce qui nous vaut des rponses nouvelles et con
clusives sur l'histoire pr-colombienne du Nouveau Monde.
I. LA VRAIE DCOUVERTE DE

L'AMRIQUE
r. Cartes pr-colombiennes de l'Amrique
L'existence entre les Aores et Cipango (le japon) de terres
que, pour simplifier et au prix d'un anachronisme toponymique,
nous appellerons amricaines, tait dj connu au Moyen Age.
Nous en avons d'ailleurs la preuve par de nombreuses cartes
dessines, au XIv' et au Xv' sicles (donc avant Colomb) par des
gographes europens. Nous en reproduisons cinq dans les pages
suivantes. Deux d'entre elles se rapportent aux les de l'Atlantique,
deux aux terres de l'Amrique du Nord telles qu'on les connaissait
l'poque et la dernire l'Amrique centrale et mridionale.
Le premier de ces documnts (*) est l'uvre du Vnitien Fizi
gano et date de 1367. Ce qui nous intresse en lui, c'est l'anne et
un nom donn par les Normands , dit le gographe : celui de
l'le Bracir, qui figure galement, sous des formes diverses -
Brasil, Brasille et Brasile -, sur d'autres cartes de l'poque, ce
qui est d'autant plus significatif que l'on sait que le Brsil actuel
porte le nom indigne d'un arbre local. Nous trouvons, par
exemple, l'le de Brasil sur la carte d'Andrea Bianco, de Venise,
trace en 1436 (**). Mais il s'y ajoute, plus l'ouest, au mridien

Cf. pl. VI.


'' Cf. pl. VII (b).
16 / L. grand voyage du Dieu-Soleil

de Gibraltar, l'le Antillia (dans d'autres documents, Antilia


ou Antilla) et, au nord, l'le fort mentionne au Moyen Age, que
l'on connaissait sous le nom de " Main de Satan .
La troisime carte est, sans aucun doute, la plus intressante en
ce qui concerne l'Amrique du nord. Elle a t dcouverte en
1 957 dans un manuscrit de 1440, Rcit tartare, qui raconte un
voyage fait en Asie au XIII' sicle. Outre les les de l'Atlantique,
la partie qui retient notre attention reprsente le Gronland, dont
le trac est extraordinairement exact, et, au Sud-Ouest, une le
norme, appele Vinlanda, qui porte deux annotations en latin :
" Dcouverte conjointement par Bjami et Leif " et Aprs un
long voyage depuis le Gronland, navigant vers le sud entre les
glaces, les compagnons Bjarni et Leif Eiriksson dcouvrirent une
nouvlle terre, extrmement fertile, qui avait mme des vignes et
qu'ils appelrent Vinland .
La carte en question tmoigne d'une connaissance prcise
de l'est de l'Amrique du Nord et ne peut certes pas avoir t le
fruit de l'imagination ni le rsultat de simples voyages accidentels.
La ligure 3 nous montre l'" le de Vinland " en projection sur le
trac exact de l'Amrique du Nord. Nous avions un point de rf
rence : le fleuve Saint-Laurent dont l'orientation et l'extension
taient indiques avec une remarquable exactitude. Sur cette base,
nous pouvons noter un dplacement vers le sud du Dtroit et de
la Baie de l'Hudson, par ailleurs mal dessins, de mme que de
la Terre de Baffin et de la partie du continent laquelle elle fait
f ace et avec laquelle, incorrectement, elle fait corps. Le Labrador
perd la pointe qui .le rapproche de Terreneuve et cette dernire le
ne ligure pas sur la carte. Au sud du Saint-Laurent, le Vinland
recouvre la pninsule canadienne de l'Acadie (Nouveau-Bruns
wick et Nouvelle-&osse) et tous les tats amricains de l'Est,
du Maine la Gorgie, sur une profondeur moyenne de 1 000 km.
La quatrime carte, que nous reproduisons avec les annotations
toponymiques de Rudolf Cronau (*), fut dessine en 1 558 par
Nicolas Zeno, descendant des frres Antoine et Charles Zeno,
sur la base de cartes et de rcits de voyage que le premier aurait
envoys au second entre 1390 et 1405. Nicolas raconte qu'il avait
hrit de ces papiers lorsqu'il tait fort jeune et que, ne leur attri
buant aucune importance, il les avait dtruits en partie. Plus tard,

* Cf. pl. VIII.


Le grand oqyage du Dieu-Soleil/ 17

il essaya de reconstituer leur contenu et, en particulier, la carte


en question, l'aide des morceaux qui en subsistaient et de ses
souvenirs. Nous rsumerons plus loin le rcit correspondant.
Ce qui attire notre attention, dans la carte de Nicolas Zeno, c'est
la partie, sans aucun doute amricaine, qui figure sous le nom
d'Engronelant. Notons, en premier lieu, que toutes les indications
de rivires et de caps ont une consonnance nordique ; Af, Hoen,
Diaver, Hit, Feder, Diuer, Ulis, Neum, Lande et Boer, en par
ticulier. Mais un bon romancier pourrait y avoir pens. Ce qui est
plus significatif, c'est la ressemblance de la partie Ouest d'Engro
nelant, sillonne de rivires parallles, avec la cte du Labrador.
Il semble probable que le territoire situ l'est - l o le nom est
marqu - corresponde Terreneuve, agrandie et dpouille de
son caractre insulaire. Cette dernire erreur explique pourquoi
les rivires y ont leur cours inverti : la cte sur laquelle, en fait, ils
dbouchent dans l'ocan n'existe pas; elle est remplace par une
chane de montagnes.
Reste, enfin, la cinquime carte qui constitue, pour nous,
la pice la plus importante de la srie que nous voquons. Elle
dmontre, en effet, une connaissance parfaite de l'Amrique du
Sud, antrieure la dcouverte officielle du continent. Son auteur.
Martin Waldseemller, la dessina au monastre de Saint-Di,
en Lorraine, o elle fut imprime en 1507. Le mapamundi com
plet comprend douze feuilles de 45,5 par 67 cm et I'Amfrique
entire y figure deux fois. La partie Nord de l'hmisphre se rduit,
sous une forme schmatique, aux terres connues des cartes ant
rieures. L'Amrique du Sud, au contraire, est reprsente avec une
exactitude presque parfaite. Or, en 1507 - et la carte est ant
rieure, puisque c'est l la date de la distribution d'un travail
qui dut exiger des annes d'elaboration, de dessin, de gravure et
d'impression - Balboa n'avait pas encore atteint le Pacifique
(1513), Magellan n'tait pas encore pass d'un ocan l'autre par
les dtroits du Sud (1520) et Pizarre n'tait pas encore arriv au
Prou (1532). On croyait mme toujours que les Indes Occi
dentales faisaient partie du continent asiatique. Sans aucun doute,
donc, Martin Waldseemller avait eu accs une documentation
extra-officielle, d'un trs haut niveau scientifique et, bien entendu,
d'origine sud-amricaine. Le relvement cartographique avait t
fait in situ, non pas au cours d'un voyage accidentel, mais grce
un travail long et difficile de gographes ou. du moins, de marins
18/ Le grantl voyage Ju Dieu-Sokil

fort svants. Mme s'il tait vrai qu'Amric Vespuce, et on en


doute, et long, en 1501, jusqu'au 50 degr de latitude, les
ctes de la Patagonie, le mystre subsisterait quant au trac occi
dental de la carte, plus prcis encore que l'oriental.

2. Traditions et rcits non confirms

Il n'est pas tout fait impossible que les cartes de la srie insu
laire soient nes de la lgende des Iles Fortunes , si rpandue
au Moyen Age, qui se rattache au mythe platonicien de l'Atlan
tide. Cette explication, nanmoins, est hautement improbable.
Les philosophes de l'poque - par exemple, Saint-Anselme dans
son Proslogion - mentionnent, en effet, les lnsul Fortunat
comme un cas typique d'ide sans base relle, et les gographes,
dans un monde intellectuel aussi rduit et aussi homogne que
celui d'alors, ne pouvaient pas se montrer plus crdules qu'eux.
Or ils ne mettaient mme pas en doute l'existence des terres
amricaines. Ils l'affirmaient, au contraire, avec une certitude
absolue. Le Florentin Toscanelli disait, par exemple, dans une
lettre de 1474 adresse, avec une carte qui malheureusement
s'est perdue, au chanoine Fernando Martinez qui se trouvait
Lisbonne au service du roi du Portugal : De l'ile Antilla, bien
connue, la clbre le de Cipango il y a dix espaces. La premire
est fort riche en or, en perles et en pierres prcieuses, et on y
recouvre d'or pur les temples et les palais .. " Ce qui nous int
.

resse ici, ce n'est pas la distance (40 degrs) mais le choix d'An
tilla comme point de rfrence de la part d'un gographe de tant
de renom. Si les les amricaines taient connues, c'tait videm
ment parce que des navigateurs europens les avaient atteintes au
cours de voyages mens bon terme. De fait, il existe des rcits
mdivaux qui sont arrivs jusqu' nous et qui rapportent des v
nements de cette nature bien qu'aucune donne objective ne
soit jamais venue les confirmer.
Le plus rpandu d'entre eux figure dans un manuscrit du
X' ou du XI' sicle, Navigatio Sancti Brandan!, et raconte deux
L. grand VOgage tJ Dieu-Sokil/ 19

voyages qu'aurait faits sur l'Atlantique, au VI' sicle, le moine


irlandais Brandan, abb du monastre de Clesainfert. Celui-ci
aurait organis sa premire expdition - en 565, selon le go
graphe allemand Martin Behaim -avec dix-sept moines, 'aprs
certains rcits, avec soixante-quinze, si l'on en croit 'autres
(mais ce dernier chiifre pourrait fort bien correspondre au
deuxime voyage), la recherche de la Terre Promise, voire du
Paradis Terrestre. Au cours de son priple, dont D'Avezac a
reconstitu l'itinraire, il y a quelques dizaines d'annes, sur la
base des donnes du rcit, Brandan aurait dcouvert une le dans
laquelle il serait rest sept ans. L'Insu/a Sancti Brandani figure
dans presque toute la cartographie mdivale de l'Atlantique et
nous la trouvons encore sur des cartes du XVIII' sicle. Sans
doute la lgende de la baleine a-t-elle puissamment contribu
la diffusion du rcit : Brandan aurait pris pour une le le dos d'un
norme poisson et y aurait dit une messe. Les moines auraient

ensuite allum du feu pour prparer leur repas, ce qui aurait fait
remuer l'animal : d'o un rembarquement prcipit.
L'authenticit des voyages de Saint Brandan n'est pas dmon
tre. Mais il n'est cependant pas possible de l'carter purement
et simplement. La description que la Navigatio nous donne des
Canaries et de l'le de l'Enfer, avec l'impressionnant volcan du
Teide, et, plus encore, de la mer des Sargasses ne nous permettent
pas d'exclure la possibilit que le saint abb soit parvenu jusqu'en
Floride. Moins digne de foi nous semble la lgende que recueille
Martin Behaim sur son fameux Globe Terrestre et qui rapporte
qu'en l'an 734, quand toute l'Espagne tait aux mains des

hrtiques d'Afrique, l'le dcrite (Insu/a Antilia, dnomme Septe


Citades) fut habite par un archevque de Porto-Portugar, avec
sept autres vques et d'autres chrtiens, hommes et femmes,
qui avaient fui d'Espagne avec leur btail et tous leurs biens. En
l'an 1414, un navire venu d'Espagne passa prs d'elle L'le .

figure sur plusieurs cartes de l'poque sous le nom de Sette Cidades


et de Siete Ciudades (les Sept Villes).
Trs diffrentes sont les nombreuses allusions mdivales
" la cte de la morue, au mridien de l'Allemagne , lieu d'ori
gine, selon le texte que cite Cronau (2), des sauvages arrivs
Lbeck en 1 153. !1 n'y a aucun doute que, depuis le haut Moyen
Age - et peut tre bien avant - les populations ctires du pays
basque, de Gascogne, de Bretagne et de Normandie se ddiaient
20 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

la pche et la salaison de la morue et devaient donc s'avancer


fort loin dans l'Atlantique. Nous avons de ce fait une preuve aussi
curieuse qu'irrfutable : sur la carte de l'Atlas de Bianco (1436)
figure, approximativement l'endroit de Terreneuve, une le qui
porte le nom - ou l'indication - de Stocafixa, vidente dfor
mation de Stock.foch, morue sche dans toutes les langues germa
ruques.
L'expdition qubquoise dirige par le P. Levesque dcouvrit
en 1968, sur la cte du Labrador, en face de la pointe nord de
Terreneuve, plusieurs fours indiscutablement basques mais
non dats. Des chroniqueurs basques de l'poque racontent
comment un Navarrais, Juan de chaude, avait fond sur la cte
amricaine, probablement Terreneuve, un port que ses compa
triotes continurent frquenter. Ce qui renforce le rcit du P. Las
Casas qui aurait trouv dans le livre de bord de Colomb - que
celui-ci dtruisit postrieurement avec tous les documents sus
ceptibles d revler sa race juive - les tmoignages de deux
marins, originaires de Santa Maria et de Murcie, respectivement,
qui, alors qu'ils allaient en Irlande, auraient t jets par la tem
pte, en direction du Nord-Ouest, sur les ctes de Tartarie .
Colomb, d'ailleurs, ne manquait pas de donnees sur les terres
amricaines. Outre ce que nous venons de mentionner, on sait
qu'il avait effectu un voyage << Thul (Scandinavie, peut-tre
Islande), o il avait sans doute entendu parler du Vinland. Mais il
y a mieux encore. De nombreux chroniqueurs du XVI' sicle rap
portent la tragique histoire du navigateur Alonso Snchez,
naturel de Niebla, province de Huelva, qui se consacrait au com
merce des vins entre l'Espagne, Madre et la Grande-Bretagne.
Au cours de son dernier voyage, une tempte terrible l'avait
entran vers l'Ouest, o il avait vu des terres inconnues. Avec
quelques rares survivants, il avait russi rejoindre les Aores,
puis Lisbonne. Dans cette dernire ville, Snchez tait all
demander Colomb, qui y exerait le mtier de cartographe,
de l'aider situer sur la carte l' le "qu'il avait dcouverte. Le
futur Grand Amiral le reut chez lui, o il mourut peu aprs, de
mme que, quelques jours plus tard, ses quatre compagnons
d'aventure.
Peut-tre pourrait-on rattacher Colomb, sur un point, le
voyage du dieppois Jean Cousin, tel que nous le racontent les chro
niques. Ce capitaine normand serait parti, en 1488, pour les Indes
Orientales. Un peu au nord de l'f'.quateur, son navire aurait t
entran vers l'Ouest par un fort courant et serait arriv l'embou
chure d'un norme Beuve. De l il aurait navigu vers le sud-est
jusqu' rencontrer l'extrmit mridionale de l'Afrique, puis suivi
la cte occidentale de ce continent en direction nord et, enfin,
rejoint sa patrie. Si ce rcit est exact - et aucun document ne
l'appuie car les archives de l'amiraut de Dieppe furent brles
par les Anglais -, Cousin aurait dcouvert l'embouchure de
l'Amazone. Notons que, douze ans plus tard, Alvares Cabral,
qui cherchait faire le tour de l'Afrique, fut jet sur les ctes du
Brsil. Et signalons galement que Cousin aurait eu comme second
un Castillan nomm Pinzon...
Reste, enfin, en marge des rcits non confirms, un fait trange
que rapporte le P. Gaspar Madre de Dios : lorsqu'il prit posses
sion, au nom du roi du Portugal, de la rgion de Saint-Paul, au
Brsil, Martin de Souza fut puissamment aid par un compatriote,
]o:o Ramalho, gendre du cacique Tebyrico. Certains ouvrages
contemporains indiquent que le naturaliste danois Lung dcouvrit,
dans un acte pass le 3 mai 1580 par le notaire Lorenzo Vaz et
contresign par quatre tmoins, le testament de Ramalho dans
lequel celui-ci dclare habiter Saint-Paul depuis quatre-vingt
dix ans. Nous n'avons pas vu ce document et nous ignorons mme
o il se trouve. Nous le mentionnons donc sous toutes rserves.
S'il existe vraiment, il signifie qu'un Portugais tait arriv en
Amrique deux ans avant Colomb et au Brsil douze ans avant
Alvares Cabral.

3 Expditions du Prince gallois Madoc

Entre les rcits non confirmes que nous venons de rsumer et


l'histoire de la colonisation du Vinland par les Scandinaves, se
situent les expditions du Prince Madoc, telles qu'elles ressortent
de manuscrits gallois medievaux qui figurent aux archives des
abbayes de Conway et de Strat Flur et sur lesquels se composent
1Z 1 L. gran! voyage Ja Dieu-Soleil

de nombreuses ballades du Moyen Age, entre autre celle du


trouvre gallois Mredith.
Selon ces documents, en 1168 ou 1169, date de la mort d'Owen
Gwynedd, roi des Galles du Nord, son fils naturel, Madoc, dcida
d'migrer et de s'tablir sur ces terres amricaines dont il avait
entendu parler. En 1170, sa petite flottille passa au sud de l'Irlande
et se lana, vers l'Ouest, sur l'ocan. Six jours aprs avoir travers
le " dangereux jardin de la mer, qu'aucune tempte ne pouvait
dtruire et qui emprisonnait les bateaux , evidemment la mer
des Sargasses -, Madoc toucha terre, dans la baie de Mobile, en
Alabama, croit-on. Il s'installa avec ses gens dans ce pays fertile et
magnifique. Au bout d'un certain temps, il laissa en Amrique
cent cinquante colons et rentra au pays de Galles o, avec son
frre Rhyrid, il organisa une seconde expdition compose de
dix vaisseaux et trois cents hommes. Il semble qu'une fois runis,
les Gallois remontrent le Mississippi puis l'Ohio et se replirent
finalement sur le Missouri.
Les forts que les Espagnols trouvrent en Alabama, en Gorgie
et au Tennessee et qui n'avaient aucun rapport avec les construc
tions indignes de l'poque, furent probablement l'uvre des
Gallois. Richard Deacon, qui tudia fond le problme, raconte
qu'en 1666 un missionnaire protestant, le pasteur gallois Morgan
Jones, fait prisonnier par les Indiens et condamn mort, se mit
crier dans sa langue maternelle. Les indignes, ahuris, lui rpon
dirent dans le mme idiome. Il parat qu'une tribu de la rgion
invoquait le Grand-Esprit au cri de : " Madoc Mahe Paneta am
byd " dformation du gallois : Madawc Mawr Penarthur am
bith " ce qui signifie : " Madoc Grand Esprit jamais . Aux
XVII', XVIU" et XIX' sicles, on a cru trouver, chez plusieurs tribus
de Virginie, de l'Ohio et du Missouri, des traces anthropolo
giques et linguistiques des colons gallois. De nombreuses donnes
laissent penser que les Mandans, Indiens blancs cheveux
clairs qui s'teignirent au milieu du sicle dernier, sans doute en
raison de leur facile assimilation par la population anglo-saxonne,
taient des descendants directs des hommes de Madoc.
l.e gra111! Doyage Ja Diea-Sofet'i / 11

4 La colonisation scandinave du Gronland

Il reste quelques doutes au sujet de l'authenticit des aventures


de Madoc qui, de toute manire, n'ont eu en Amrique aucune
influence civilisatrice. Il n'en est pas de mme, pour l'histoire
des expditions ralises dans l'Arctique, au X' et au XI' sicles,
par les Vikings. Ce n'est point ici le lieu de dcrire les coutumes
des peuples scandinaves qui, cause de l'aridit de leurs terres,
avaient fait de la guerre une profession. Contentons-nous de
rappeler que leurs escadres parvinrent dominer toutes les ctes
europennes, y compris celles de la Mditerrane et qu'elles
pntrrent par l'Elbe jusqu' Hambourg, par le Rhin jusqu'
Cologne et Bonn, par la Loire jusqu' Orlans, par la Garonne
jusqu' Toulouse, par le Tage jusqu' Lisbonne, par le Guadal
quivir jusqu' Sville et, avec sept cents bateaux et quarante mille
hommes, par la Seine jusqu' Paris.
Comme c'est logique, les les de l'Atlantique Nord-Feroe,
Shetland, Orcades et Hbrides qui se trouvaient sur leur che
min, avaient t transformes en bases d'oprations pourvues
d'une population fixe. Il en fut de mme, la fin du IX' sicle,
lorsque le yarl Naddod, qui se rendait de Norvge aux les Feroe,
fut jet par la tempte sur les ctes de l'Islande, la grande le glace
que les Irlandais avaient antrieurement peuple, puis abandonne.
De nombreuses colonies scandinaves ne tardrent pas s'y tablir
de manire dfinitive, et un intense trafic maritime la relia au conti
nent. Peu aprs l'occupation de l'Islande, un navigateur nomm
Gunnbjam, fils de Ulfrkraka, fut dport par la mer vers le nord
et aperut en grande terre inconnue. Ce ne fut qu'un sicle plus
tard, ou presque- en l'an 982 -que le duc islandais Eirikninn
Raudi - ric le Rouge -, condamn trois ans d'exil pour
meurtre, dcida de s'y installer et lui donna le nom qu'elle porte
encore : Gronland, la Terre Verte. L'le avait alors un climat
beaucoup plus bnin qu'aujourd'hui - Ivar Bardsen, vicaire de
l'vch de Gardar, au Gronland, crit au XIV' sicle : Le froid
n'est pas aussi intense qu'en Islande et en Norvge"- et il sembla
!::rie qu'elle constituait un endroit appropri la colonisation.
'!1! Le granr!IJIJyage rfa Dlea-So/e!l

Une fois purge sa peine, le Duc revint en Islande mais, imm


diatement, en 986, il repartit pour le Gronland avec trente-cinq
bateaux dont seulement quatorze arrivrent bon port.
La population de la Terre Verte augmenta avec le temps. Au
Xlll' sicle, on y comptait deux cent quatre-vingts tablissements
et quelque dix mille habitants. Ceux-ci se consacraient la pche,
la chasse la baleine et l'ours blanc, l'levage de bovins,
de moutons et de chevaux, sans oublier les rennes, et l'agriculture
car on cultivait alors le bl, et c'est l la preuve d'un climat relati
vement tempr au Gronland. On exportait en Scandinavie des
peaux et des dfenses de morse, du poisson sch et des peaux de
vache et de mouton.

L'glise joua un rle important dans la colonisation du Gron


land. Le premier missionnaire chrtien, amen de Norvge par
Leif Eiriksson, tait arriv en l'an 999. Au dbut, la rsistance
de la foi traditionnelle fut considrable et elle se maintint pen
dant cent ans. Mais le catholicisme s'affirma rapidement au
cours du x1 sicle. glises, couvents et coles s'installrent
partout. En 1121, Rome donna l'le son premier vque et
seize autres suivirent. On trouve encore mention d'un vque
de Gardar en 1409 mais il y a de bonnes raisons de croire que
ce sige piscopal fut abandonn par son titulaire en 1342, date
laquelle, selon un manuscrit latin rdig par Gissle Oddson,
vque de Skalholt, au xvm' sicle, sur la base des archives de
la ville, la population gronlandaise aurait abandonn le chris
tianisme.
La totale disparition, au xv sicle, des colonies scandinaves
de la Terre Verte eut des causes diverses. La Norvge se dsin
tressa de ces populations lointaines et en vint interdire tout
contact avec elles. La piraterie anglaise rendait peu sres les
mers du Nord, comme le prouve le sac d'Eystribygd, au Gron
land mme, qui survint en 1418. Mais, surtout, le climat changea
brusquement. D'normes icebergs avancrent vers le sud et
bloqurent les ctes : d'o famine et maladies. Le sort des Gron
landais reste un mystre. Les expditions envoyes, au cours
des sicles suivants, par les rois de Danemark en vue de rtablir
le contact avec eux, montrrent qu'il n'y avait plus sur l'le que
quelques groupes d'esquimaux. Il est tout fait improbable,
cependant, que la plus cruelle des pidmies ait pu dtruire
Le gran! tJogage da Dieu-Soleil 1 25

intgralement une population aussi nombreuse. Il est beaucoup


plus vraisembable que les Gronlandais aient migr vers des
terres plus accueillantes. Mais ils ne revinrent pas en Europe.
Le manuscrit, dej cit, de l'vque Gissle Oddson pourrait
bien nous donner la clef du problme. Car son texte dit que les
Gronlandais s'cartrent de la vraie foi du chri>tianisme
et, faisant fi de toute vertu et de tout honneur, s'unirent aux
Amricains . On pense gnralement que ces derniers mots se
rapportent un processus de mtissage, bien peu vraisemblable,
avec les esquimaux. S'il en avait t ainsi, les mtis se seraient
mieux adapts au froid que les blancs et, par consquent, auraient
survecu au changement de climat. Or les Esquimaux trouvs
dans l'le au XVII' sicle taient fort peu nombreux et, par ailleurs,
de race pure.
Reste une explication, qui n'echappa point, comme nous le
verrons, aux Scandinaves du xv" sicle savoir que les Gron
landais, lorsqu'ils durent abandonner leurs villages sous la
pression des glaces, aient rejoint, en terres amricaines, leurs
compatriotes du Vinland.

5. La dcouverte du Vinland (3)

En 986, anne du deuxime et dfinitif tablissement d'f:ric


le Rouge au Gronland, Bjami Herjulfson, fils de l'un des der
niers migrs, arriva de Norvge en Islande. Lorsqu'il apprit le
dpart de son pre, Bjami decida de le rejoindre et prit la mer
avec tout son quipage. Au bout de trois jours de navigation,
un fort vent du nord se leva et le brouillard enveloppa le bateau,
si dense que les marins en perdirent le sens de la direction. Au
bout de plusieurs jours sans soleil, le ciel s'ouvrit et Bjarni aperut,
une certaine distance, une terre ondulee, couverte de forts.
Il ne pouvait pas s'agir du Gronland. Pendant deux jours, le
bateau longea la cte, pouss par un vent du sud-ouest et s'appro
cha d'une autre terre, galement plate et boise. Trois jours
plus tard, toujours avec le mme vent, il arriva une grande le,
:M! Le granrf voyage 3tt flrett"Sokil

couvete de montagnes et de glaciers sur laquelle les voyageurs


purent voir des cerfs. Le vent du sud-ouest les lana vers la mer
lihre et, en quatre jours de navigation, ils arrivrent enfin au
Gronland.
D'aprs les indications nautiques que nous fournit ce rcit,
il semble que Bjami Herulfson ait aperu successivement les
terres qui s'appellent aujourd'hui Nouvelle-Angleterre, Acadie
(Nouvelle &osse) et Terreneuve. Par manque de curiosit ou
par prudence, il ne dbarqua nulle part. Mais il lui fut possible
de fournir celui qui, d'aprs l'histoire, fut le premier homme
blanc qui foula la terre amricaine, les donnes ncessaires
l'authentique voyage de dcouverte.
En l'an 1000, en effet, le yarl Leif, fils d'ric le Rouge, acheta
le bateau de Bjarni et prit la mer avec trente-cinq hommes,
sans autre but que l'exploration des nouvelles terres. Il trouva
sans difficult le dernier des pays aperus par Bjarni et y dbarqua.
Il s'agissait d'une plaine strile, couverte de pierres, qui termi
nait au pied d'immenses glaciers. Leif baptisa la rgion Hel
luland (Terre Pierreuse). L'expdition poursuivit son voyage
vers le Sud et arriva la deuxime terre dcouverte par Bjarni,
plate et couverte de dunes et de bois : on l'appela l\1arkland
(Terre du Bois).
Aprs quatre jours de navigation sous vent favorable du nord
est, Leif arriva une baie dans laquelle il entra, passant entre
une le et un promontoire qui s'cartait du continent dans la
direction du nord et de l'est. Le bateau remonta une rivire
et pntra dans un lac au bord duquel dbarqurent les membres
de l'expdition. Leif dcida de passer l'hiver en ce lieu. Avec
ses hommes, il y construisit de grandes maisons et donna l'empla
cement le nom de Leifsbudir : Maisons de Leif.
La nouvelle terre tait fort fertile et le climat si doux qu'il ne
fut pas ncessaire de mettre le btail couvert pendant la saison
froide. Il tait si tempr qu'un membre de l'expdition, un
Allemand que les manuscrits islandais appellent Tirker - pro
bablement Tysker, Allemand, en norvgien - dcouvrit des
vignes sauvages, ce qui poussa Leif donner au pays le nom de
Vinland, Terre du Vin. A l'arrive du printemps, l'quipage
rembarqua et, avec un chargement de bois et un grand canot
rempli de raisin, regagna sans difficult le Gronland.
O tait situ le Vinland? Outre des indications nautiques
t.. grmul oyage Iu Dieu-SoleiT / l7

quelque peu imprcises, les rcits islandais nous fournissent


un renseignement qui, s'il tait exact,c serait dfinitif. Ils nous
disent, en effet, qu' LeiW>udir le jour le plus bref de l'anne
dura de 8 heures du matin 3 heures de l'aprs-midi, ce qui
correspond 41 24' 10" de latitude, c'est--dire l'actuel Mas
sachusetts. Certains spcialistes mirent en doute le sens exact
des mots par lesquels la saga dfinit la dure du jour en question.
Nous verrons, cependant, au chapitre VII, que l'archologie
confirme l'identification mentionne.

6. La seconde expdition au Vinland

En l'an 1002, Thorvald Eiriksson, frre de Leif, organisa,


avec trente hommes et le mme bateau, une deuxime expdi
tion au Vinland. Il arriva sans la moindre difficult Leifsbudir
o il passa deux hivers, non sans raliser, au cours des mois
d't, quelques voyages d'exploration. C'est ainsi qu'en 1004
Thorvald parvint un promontoire, orient l'est et au nord,
qu'entourait une magnifique haie. De cette pninsule, baptise
Kjalames - cap de la Quille - l'el\pdition gagna un deuxime
promontoire, couvert de forts, o l'on dcida d'tablir un poste
fixe. Thorvald, avec tous ses hommes, descendit terre, o il
se heurta trois tres humains qui se cachaient, sur la plage,
sous autant de canots de cuir ou d'corce. Il s'agissait d'indi
vidus de petite taille qui n'taient pas des esquimaux puisqu'ils
employaient l'arc et la fronde, mais sans doute des Indiens algon
quins. Les Vikings leur appliqurent, comme plus tard tous
les indignes amricains, le nom de skrlinger malfichus -
-

dont ils qualifiaient, jusqu'alors, les Lapons.


Deul( de ces Indiens furent tus pendant le petit combat qui
s'ensuivit mais le troisime russit s'chapper. Par prudence,
Thorvald et ses compagnons se replirent sur leur bateau qui,
quelques heures plus tard, fut entour par de nombreux canots.
Les indignes leur lancrent des flches, puis s'enfuirent rapi
dement. Thorvald avait t mortellement bless. Il demanda
ses bommes de l'enterrer sur place, ce qu'ils firent avant de
regagner Leifsbudir. Au printemps de 1005, aprs avoir charg
le bateau de bois et de raisin, ils retournrent au Gronland.
Immdiatement, Thorstein, le troisime fils d'ric le Rouge,
embarqua, avec sa femme, Gudrid, et vingt-cinq hommes, pour
aller chercher le corps de Thorvald. Ils n'arrivrent pas atteindre
le Vinland et, aprs avoir err pendant tout l't, ils touchrent
terre Lysefiord, sur la cte du Gronland o une pidmie
causa la mort de Thorstein et de plusieurs de ses compagnons.
Les survivants, y compris Gudrid, retournrent Eiriksfjord.
Les morts y furent enterrs.

7 La troisime expdition au Vinland

Pendant l'hiver 1006-1007, Gudrid se remaria avec un roi


de la mer " appartenant l'une des familles les plus anciennes
et les plus puissantes de Norvge, Thorsfinn Karlsefni, qu'elle
convainquit d'entreprendre un nouveau voyage au Vinland. Au
printemps suivant, partirent trois bateaux chargs de provi
sions et de btail, avec soixante hommes d'quipage et cent colons,
hommes et femmes. L'expdition trouva facilement le Helluland
o l'on voyait une grande quantit de renards, le Markland et,
enfin, Kjalames, ou les Vikings dbarqurent. Deux coureurs
cossais dont le roi de Norvge Olaf Trygvason avait autrefois
fait cadeau Leif, effecturent de l une reconnaissance de trois
jours et rapportrent des grappes de raisin et des pis de bl
sylvestre.
Thorsfinn poursuivit son voyage. Il dcouvrit une le littra
lement couverte de nids d'eiders. Il lui donna le nom de Straumg
et, la baie dans laquelle elle se trouvait, celui de Straumfjord.
Beaucoup plus au sud, il arriva une rivire qui, sortant d'un
lac, coulait directement vers la mer et dont l'estuaire contenait
quelques les assez grandes. Thorsfinn remonta le courant et
arriva au lac dont les environs taient couverts de vignes et de
bl. Il y fit construire une ferme o il passa, avec ses gens, un
Le grand ooyage du Dieu-Soleil/ 29

hiver si bnin - sans neige - que le btail put rester jour et


nuit dehors. On donna la rgion le nom de Hape.
Un jour, les Indiens - ou les Esquimaux - apparurent sur
leurs canots. Au dbut, les relations furent amicales. Les Vikings
obtinrent toutes les peaux qu'ils voulaient contre des morceaux
de tissu rouge, du lait et des objets de mtal sans valeur. Pru
demment, Thorsfinn avait interdit de donner des armes en change
de quoi que ce ft. Il eut raison, car l'anne suivante, c'est-
dire en 1009, les indignes revinrent sur le pied de guerre. Le
combat fut violent. Les Vikings laissrent dix morts sur le champ
de bataille et presque tous les autres furent blesss. Les skrre
linger souffrirent des pertes svres et, aprs un premier espoir
de victoire, durent rembarquer prcipitamment. Thorsfinn com
prit, cependant, que la colonisation du Vinland n'tait possible
qu'avec des forces suprieures et decida de retourner au Gron
land o il arriva avec un tel chargement de peaux et de bois
prcieux que personne n'avait jamais vu autant de richesses.
Il ramenait aussi avec lui son fils, Snorri, n en terre amricaine.

8. La quatrime expdition au Vinland

Parmi les compagnons de Thorsfinn Karlsefni, se trouvait une


demi-sur naturelle de Leif Eiriksson, Freydis, qui joua un rle
important lors du combat avec les indignes. De retour au Gron
land, cette femme d'une trempe exceptionnelle attendit l'occa
sion d'organiser une nouvelle expedition au Vinland. Elle se
prsenta en 10 1 1, lorsqu'arriva en Norvge un bateau appar
tenant deux Islandais, les frres Helge et Finnboge. Freydis
parvint les convaincre de s'associer elle. Chacune des parties
devait emmener trente hommes, sans compter les femmes qui
voudraient les accompagner. Leif cda l'expdition les maisons
qu'il avait construites au Vinland.
Les navires arrivrent sans encombre Leifsbudir en 1012.
Tout de suite, de srieuses difficults surgirent entre les deux
frres et Freydis. Celle-ci avait embarqu en contrebande cinq
30 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

hommes de plus qu'il n'tait prvu dans les accords. Elle s'appro
pria en outre, pour elle seule, des maisons qui formaient le vil
lage. Helde et Finnborge construisirent alors une autre habi
tation, plus loin de la mer et au bord d'un lac. Mais les relations
entre les deux groupes restrent tendues.
Freydis, dcide s'emparer du bateau de ses associs, leur
tendit un pige dans lequel ils tombrent. Un matin de bonne
heure, elle se rendit la maison de Helge et de Finnborge et fit
semblant de ngocier avec ce dernier un change de navires,
sous le prtexte qu'elle avait dcid de rentrer au Gronland.
Elle rveilla ensuite son mari, Yhorvard, et lui raconta qu'elle
avait t maltraite par les deux frres et leurs gens. Indign,
Thorvard se jeta avec ses hommes sur ses voisins qui dormaient
paisiblement et les fit prisonniers. Freydis donna l'ordre de les
tuer tous et, comme aucun des compagnons de Thorvard ne
voulut excuter les cinq femmes qui faisaient partie du groupe,
elle-mme, avec une hache, s'en chargea.
En 1013, les restes de l'expdition retournrent au Gronland
avec un chargement de grande valeur. Freydis avait gnreu
sement rcompens ses compagnons, non sans les menacer de
mort au cas o ils raconteraient ce qui s'etait pass au Vinland.
Certains bruits arrivrent cependant aux oreilles de Leif qui fit
appliquer la question deux des hommes de sa sur. " Je ne
peux pas (la) chtier comme elle le mrite, dit Leif, mais je suis
sr que son crime sera puni en ses descendants "

9 Les colonies du Vinland

Les expditions que nous venons de dcrire constituent les


pisodes d'une mme histoire de famille. Le premier voyage,
c'est Leif Eiriksson qui le fit; le second, son frre Thorvald;
le troisime, Yhorsfinn Karlsefni, second mari de la femme de
Thorstein, frre de Leif et de Thorvald; et le quatrime, Freydis,
sur d'eux tous. Il n'y avait rien d'autre attendre, puisque
les sagas scandinaves ne font jamais que raconter des prouesses
familiales. Les rcits que nous avons resumes ci-dessus se rap-
Le grand voyage du Dieu-Sokil/ 31

portent donc exclusivement aux expditions organisees par les


fils d'ric le Rouge. Ils n'excluent pas des voyages anterieurs
en Amerique ni moins encore l'effective colonisation du Vinland
qui eut lieu plus tard et dont nous avons des preuves.
Les manuscrits islandais font bien souvent mention, en pas
sant, des tablissements scandinaves du Nouveau Monde. Ils
racontent, par exemple, qu'en 1 059 un prtre anglo-saxon nomm
Ionus ou John - peut-tre un vque - se rendit au Vinland
afin d'y prcher la parole divine et que les infidles lui infligrent
le martyre. Nous savons qu'au contraire l'vque du Gronland
Eirik Gnupron fit en 1121 une tourne pastorale, couronne
de succs, dans les colonies americaines.
Les donnes qui sont arrives jusqu' nous au sujet de faits
po>trieurs sont dcousues et, parfois, imprcises. En 1279,
l'archevque lon envoya un missaire en Amrique pour y lever
la dme destine la Croisade que l'on prchait travers toute
l'Europe. En 1 325, on trouve encore trace, dans les archives
du Vatican, d'une dme faite de peaux et de dfenses de morse
et vendues au Flamand jean du Pr. Mais nous ne savons pas
avec certitude si l'impt ecclsiastique en question provenait
du Vinland ou simplement du Gronland. Peu peu, le contact
se perdit entre l'Islande et ses projections occidentales. Tout
au plus savons-nous qu'en 1347 dix-sept Scandinaves du Gron
land firent un voyage au Markland pour en rapporter du bois
de construction.
Quelques annes plus tard, Magnus, roi de Norvge, de
Sude et de Scandinavie " chargea un des personnages les plus
importants de sa cour, Poul Knudsson, d'organiser une exp
dition destine retrouver les survivants des etablissements
gronlandais : Les hommes qui doivent aller dans le knorr
{bateau de transport), vous les prendrez dans ma garde du corps
ou vous les choisirez votre gr parmi les serviteurs d'autres
personnes... Nous vous demandons d'accepter cet ordre avec
une entire bonne volont envers la cause, ca nous vous le don
nons pour la gloire de Dieu et pour le bien de notre me et en
l'honneur de 1os prdcesseurs qui tablirent le christianisme
au Gronland et le soutinrent jusqu' maintenant, et nous, nous
ne le laisserons pas prir de nos jours ... Fait Bergen, le lundi
suivant de la fte de Simon et jude, en l'an XXX six de notre
rgne (1354) (4).
32/ Le grand voyag< du Dieu-Soleil

Les dcouvertes archologiques effectues dans l'tat amri


cain du Minnesota et dans la province canadienne de l'Ontario
(cf. chapitre Vll) paraissent indiquer que Knudsson arriva en
Amrique, remonta le Saint-Laurent jusqu'au lac Ontario, laissa
le /morr l'endroit o se trouve actuellement la ville de Toronto,
puis passa de lac en lac avec des canots transportables et attei
gnt la rivire Rouge (Red River). Un autre chemin possible,
bien que moins probable, aurait consist entrer dans la baie
de l'Hudson, laisser le bateau l'embouchure de la rivire
Nelson et remonter cette dernire en canot jusqu' la rivire
Rouge. Dans les deux cas, Knudsson aurait atteint la rgion o,
plus tard, on construisit la ville de Kensington. L'inscription
runique trouve ce dernier endroit donne comme distance,
depuis le point o attendait le /morr, quatorze " jours de voyage "
c'est--dire 1 680 km, celle-l mme, approximativement, qui
spare Kensington de Toronto, d'une part, et de l'embouchure
de la rivire Nelson, d'autre part. Les deux itinraires sont donc
galement acceptables de ce point de vue. L'important, ce n'est
d'ailleurs pas tant le chemin suivi que la prsence de Scandi
naves, dans la seconde moiti du XIV' sicle, dans la rgion des
Grands Lacs : fait hautement probable, mais pas absolument
certain, comme nous le verrons plus loin.
Avec le temps, les terres amricaines prirent un caractre
lgendaire, et mme les connaissances gographiques que l'on
en avait s'estomprent peu peu. Nous connaissons une carte
due l'Islandais Sigurdur Stefansson qui date de 1 590. Il suffit
de la comparer celles que nous avons reproduites plus haut
pour constater le recul qu'elle dnote, surtout si l'on tient compte
des explications que donne son auteur au sujet des diverses
rgions reprsentes, qui y sont dsignes par des lettres :
A ) Jusqu' cette rgion parvinrent les Anglais. Elle est connue
pour sa strilit, sans doute provoque par le soleil et par le froid.
B ) Prs de cette rgion se trouve le Vinland, appel, en rai
son de la multitude de choses utiles qui s'y trouvent et de sa
fertilit, Goada (Le Bon). Nos compatriotes crurent qu'il dbouche
vers le sud dans la mer et qu'un dtroit ou un fjord le spare de
l'Amrique (c'est--dire de la partie de l'Amrique dcouverte
par Colomb).
C ) Ce pays s'appelle Riseland, ou Pays des Gants. Ses habi
tants ont des cornes et s'oppellent skrikfinna (Finnois redoutables).
Le grand voyage Ju Dieu-Sokil! 33

D) C'est un pays situe plus l'Est et dont les habitants, en


raison de leurs ongles longs, sont appeles k lofoma (Finnois
griffes).
E) Yotunheimar, residence des geants d ilformes.
F) Ici, on croit qu'il y a un detroit q ui conduit en Russie.
G) Pays pierreux, frequemment mentionn dans les histoires.

H) Cette le, je ne sais pas laquelle cest, mais il est possible

que ce soit celle que decouvrit un Vnitien et que les Allemands


appellent Frise.
Ceux qui s'appuient sur cette carte pour situer le Prom.
Vinlandiae au nord de Terreneuve se montrent quelque peu
imprudents.

ro. La Grande Irlande

Les Scandinaves ne furent pas les premiers Europeens qui


arrivrent en Amrique; leurs propres sagas sont explicites
sur ce point. Le Lannama Bok raconte comment, en l'an 963,
le puissant chef islandais Ari Marson atteignit involontairement
le Nouveau Monde o il trouve des habitants de race blance :
Ari tait le fils de Mar de Reikholar et de Thorlatla, lille de

Hergills Herappson. Ledit Ari fut jet sur la cte du Huitra


mannaland (Terre des Hommes Blancs) que d'aucuns appellent
lrland it Mikla (La Grande Irlande). Celle-ci est situe dans
l'ocan, l'Ouest, prs du bon Vinland. On ne permit pas Ari
de repartir. II fut retenu l-bas et baptis. Cela fut rapporte par
Rafn, commerant de Limerick, qui avait rsid de nombreuses
annes Limerick. Et, en outre, Thorkill Geltson, Comte des
Orcades, assurait qu'Ari avait t vu au Huitrarnannaland et
que, bien qu'il ne pt obtenir la permission de revenir, il y tait
trs estim l).
Nous pouvons extraire d'autres donnes du rcit qui se rap
porte aux voyages de Bjom Asbrandson et de Gudhleif Gudlang
son. Le premier des deux est un personnage connu de l'histoire
de Scandinavie. II combattit, sous les ordres de Palnatoke, contre
34/ Le. Rrul voyage du Dieu-Soleil

les jomsvikings dans la bataille de Fyrisval, en Sude, et son


courage lui valut le titre de Breidvikinga Hape, le Hros de
Breidavik. Plus tard, il fut compromis dans une aventure amou
reuse avec Thurid, sur du puissant yarl Snorri Godi, et ce
dernier, la demande de Thorod, mari de Thurid, l'exila en
l'an m. Bjorn mit la voile avec vent du nord-est et, pendant
de nombreuses annes, on fut sans nouvelles de lui.
En 1029, au cours d'un voyage de Dublin en Islande, Gudh
leif Gudlangson fut dport vers le sud-ouest par une violente
tempte. Aprs bien des jours de navigation, il arriva une cte
inconnue sur laquelle il dbarqua avec les membres de son qui
page. Rapidement, les Scandinaves se virent entours par des
centaines d'hommes qui les emmenrent, enchans, dans l'int
rieur des terres et, dans une langue qui ressemblait l'irlandais,
discutrent pour savoir s'il fallait tuer les trangers ou les rduire
en esclavage.
Au cours du debat s'approcha une nombreuse troupe de guer
riers, conduits par un vieillard barbe blanche, mont sur un che
val, qui entouraient un drapeau. A la grande surprise de Gudhleif
et de ses ompaguons, le nouveau venu leur adressa la parole en
norvgien et leur demanda d'o ils venaient et de quelle partie de
l'Islande ils taient. Il leur posa des questions sur divers person
nages importants de la rgion et, surtout, sur Snorri Godi, sur
Thurid et sur le fils de celle-ci, Kjartan, seigneur de Frodo, que
tous, en Islande, considraient comme le fils de Bjorn Asbrandson.
Aprs en avoir dlibr avec ses guerriers, le vieillard dcida de
rendre leur libert aux Islandais et lit rparer leur navire. Au
moment du dpart, il remit Gudhleif un bracelet d'or et une
magnifique pe et le chargea de les faire parvenir Thurid et
Kjartan, respectivement.
De la part de qui dois-je remettre ces cadeaux? n, demanda

Gudhleif.
Dis-leur, rpondit le vieillard, que les leurs envoient celui qui

fut meilleur ami de Thurid de Froda que de son frre Godi. Mais si
quelqu'un devinait qui a t le propritaire de ce bracelet et de
cette pe, dis-leur que j'interdis formellement quiconque de
venir le chercher, car cette cte est trop dangereuse si on n'a pas
la chance de dbarquer un endroit aussi bon que celui o vous
l'avez fait. Le pays est grand, mais il a peu de ports, et le danger
menace de toute part les trangers n.
Le grand voyage du Dieu-Sokil / 35

Gudhleif rentra sans difficult en Irlande et, aprs l'hiver,


en Islande, o il remt les cadeaux du vieillard. Personne n'eut
le moindre doute : c'tait le Hros de Breidavik qui les avait
envoys.
La Terre des Hommes Blancs est mentionne, par ailleurs,
bien des fois dans les sagas islandaises. Les skraelinger du Vinland
racontaient que ses habitants portaient des vtements blancs et
tenaient dans la main de longs btons orns de rubans blancs.
Ils avaient l'habitude de chanter et de prier haute voix. Les Vi
kings en dduirent qu'il devait s'agir d'Irlandais. Car des moines
de cette nationalit, les papar, - vtus d'habits blancs -, avaient
colonis l'Islande en 795 et peupl, avant l'arrive des Scandinaves,
les les Orcades, Fro et Shetland. L'existence de la Grande
Irlande ne constituait d'ailleurs pas le moins du monde un secret
au Moyen Age, et le gographe de langue arabe Abu Abdallah
Mohammud Edrisi la mentionne dans ses ouvrages, au XIII' sicle,
sous le nom de lrlandeh el Kabirah.

II. Les aventures des frres Zeno

Il convient d'ajouter aux documents historiques que nous venons


de rsumer un rcit sur l'authenticit duquel les spcialistes
n'arrivent pas se mettre d'accord et qu'accompagne la carte
(planche VIII) reproduite dans le cahier d'illustrations. Le com
mentaire que nous avons fait au sujet de cette dernire vaut pour
le texte : s'il a t invent, son auteur se fondait sur des faits
certains d'une autre origine, et ce som les faits et non leur origine,
qui nous intressent ici.
D'aprs le livre publi Venise, en 1 558, par Nicolas Zeno,
un des anctres de l'auteur, qui portait le mme prnom et le
mme nom que lui, franchit en 1380 - des recherches postrieures
paraissent indiquer que le dpart eut lieu, en ralit, en 1 390 - le
dtroit de Gibraltar dans le but d'aller en Angleterre. Surpris
par une terrible tempte, le navire s'choua sur les ctes de
Frislande (c'est--dire l'le Fro, ou Ferseyland). L'quipage fut
reu amicalement par le souverain de l'le, le Scandinave Zichmi,
36/ Le grand Ooyage du Dieu-Soleil

lequel lui adressa la parole en latin et lui offrit d'entrer son


service. Zeno et ses hommes s'incorporrent ainsi la Hotte
de treize navires dont disposait le roi et aidrent celui-ci s' em
parer des les voisines. Nomm chef de la Hotte, Nicolas Zeno fit
venir son frre Antoine, lequel, aprs une heureuse traverse,
arriva Frislande.
Aprs de nombreuses victoires locales, Nicolas partit, un certain
mois de juin, avec trois navires, pour le Gronland, o il trouva
un couvent de l'ordre des Prdicateurs et une eglise dediee saint
Thomas, situee au sommet d'un volcan. Prs du monastre, il
y avait une source d'eau bouillante qui permettait, grce des
tuyauteries souterraines, de chauffer l'glise, le couvent et, en
outre, de petits jardins qui produisaient, malgr la temprature
polaire, des fleurs, des fruits et des lgumes. En t, un important
trafic commercial s'tablissait entre le couvent et les les de Nor
vge et de Drontheim. Les navires apportaient du bois de chauf
fage et de construction, des tissus et des animaux domestiques;
ils emportaient des fourrures et, surtout, du poisson sch, tou
jours abondant en raison de la grande concentration de poissons
qui se produisait l'embouchure du courant d'eau chaude. Les
bateaux de pche taient faits de peaux fraches de poisson (de
phoque, videmment), cousues et montes sur une armature
d'os.
La description de ce couvent qui n'aurait pu tre inventee que
bien difficilement par un Vnitien du XVI' sicle, concorde en
bien des points avec le rcit que fit, au XIV' sicle, Ivar Bardsen,
alors vicaire de l'vch gronlandais de Gardar : A l'entre
(du Ketilsfjord, l'ouest de l'le), il y a une grande baie dans
laquelle dbouchent plusieurs rivires, et prs de la baie s'lve
une glise sous l'invocation de la Trs-Sainte-Croix d'Auroos.
Toutes les terres qui se trouvent aux environs du fjord ... jusqu'
Petersvig, appartiennent cette glise. Un grand territoire inhabit
s'y tend, dans lequel se trouve un lac de 1 1 km de large, fort riche
en poissons, qui appartient l'glise de Petersvig, comme
toutes les terres des alentours. Non loin de l'glise, il y a un grand
couvent de chanoines ddi saint Olaf et saint Augustin.
Aprs Ketilsfjord vient Rafnsfjord, l'intrieur duquel se dresse
un couvent de Bndictins ... Dans ledit fjord, il y a de nombreux
lots dissmins dans lesquels surgissent de nombreuses sources
d'eaux thermales qui font qu'en hiver la temprature s'lve
beaucoup ... et qui servent, non seulement pour les bains, mais
encore comme remde contre diverses maladies .
Nicolas Zeno ne s'habitua pas au climat du Gronland. Il
tomba malade et, peu aprs son retour Frislande, mourut. Son
frre Antoine hrita de ses charges et de ses richesses, sans que
Zichmi lui permit de retourner Venise car il en avait besoin pour
une expdition vers des terres inconnues d'Occident.
Vingt-cinq ans auparavant, en effet, quatre barques de pches
frislandaises avaient t jetes sur une le, nomme Estotiland
- Terre antrieure l'Orient - qui devait tre 5 000 km
l'Ouest de Frislande. L'quipage de l'une des barques, compos
de six pcheurs, fut fait prisonnier par les indignes. Par l'inter
mdiaire d'un interprte qui tait arriv dans l'le la suite d'un
naufrage et qui parlait latin, le souverain de l'endroit offrit aux
Scandinaves d'entrer son service, ce que ceux-ci acceptrent.
L'le, plus petite que la Frislande, tait fertile et riche. Ses habitants
taient intelligents. Ils connaissaient certaines industries et culti
vaient des crales. Ils possdaient une langue et une criture
propres. Ils avaient eu, en des temps lointains, des contacts
avec des Europens car il y avait dans la bibliothque du souverain
des livres latins que personne ne pouvait plus comprendre. Ils
maintenaient encore des contacts commerciaux avec le Gronland
d'o ils importaient des fourrures et du poisson sch. Estotiland
tait Terreneuve, comme on l'a dit. Dans ce cas, la description
dpasse extraordinairement la ralit, ce qui, d'ailleurs, n'est pas
inconcevable.
Les Frislandais furent envoys, avec douze navires, vers
le sud, un pays appel Drogo, extrmement riche en or. Mais,
au retour, ils tombrent aux mains d'anthropophages et un seul es
Europens eut la vie sauve parce qu'il avait appris aux indignes
l'art de pcher au filet. Il vcut treize ans au milieu de sauvages
nus qui ne connaissaient pas l'usage des mtaux et n'taient
pourvus que de lances et d'arcs. Cependant, plus au sud-ouest,
il y avait des peuples d'un certain niveau de culture qui
vivaient dans des villes, avaient des temples dans lesquels ils
ralisaient des sacrifices humains et savaient travailler l'or et
l'argent.
Le pauvre pcheur parvint finalement s'enfuir et regagner
Drogo o il s'installa comme interprte des navires qui venaient
d'Estotiland. Il lit ainsi une grande fortune, se lit construire une
38/ L. groml rk>lJ'IEl du Dieu-Soleil

embarcation et retourna en Frislande, o il raconta ses aventures


Zichmi.
Sur la base de ce rcit, et bien que son auteur fut mort trois
jours avant le dpart, Zichmi leva l'ancre, avec Antoine Zeno, la
recherche des terres occidentales. Aprs une violente tempte
qui dura trois jours et coula la majeure partie des navires, l'es
cadre atteignit une terre pourvue d'un bon port. C'etait l'le
d'Icarie, dont les habitants ne laissrent pas dbarquer les nou
veaux venus. Zichmi reprit alors la mer et, aprs une navigation de
six jours vers l'ouest et quatre vers le sud-ouest, il dcouvrit une
terre que dominait un volcan. Il y avait de nombreuses forts et
des poissons et des oiseaux marins en abondance : on trouvait des
ufs partout. Les habitants, qui s'etaient rfugis dans des grottes
l'arrivee des trangers, taient petits et peureux. Zichmi baptisa
du nom de Trin le port le plus sr de la rgion et dcida d'y cons
truire une ville.
A force de supplications, Antoine Zeno obtint finalement
que le souverain lui permit de rentrer dans son pays, o il arriva
en 1405. Mais il mourut cette mme anne-l.

12. Irlandais et Vikings en Amrique du Nord

De tout ce que nous venons d'exposer se dgage une certitude :


on connaissait l'existence de l'Amrique bien avant Colomb.
Les cartes que nous avons reproduites ne laissent aucun doute
sur ce point. Celle de la planche VII (a) prouve que l'on avait
explor, en Amrique du Nord, un norme territoire qui allait
de la Baie de l'Hudson la Gorgie, sur une profondeur moyenne
de 1 000 km. Le contour de la cte depuis l'estuaire du Saint
Laurent jusqu'au sud est fort prcis. Celui de la rgion de l'Hudson
l'est beaucoup moins. L'Atlas de Bianco montre, non seulement
que persistait, au XV' sicle, le souvenir des terres situes au-del
de l'Atlantique Nord, mais encore que des pcheurs appartenant
un peuple nordique, ou de tradition nordique, continuaient
frquenter les eaux de Terreneuve d'o ils ramenaient du Stock.-
foch, de la morue sche. Ce qui est d'ailleurs confirm par des
rcits de voyage de navigateurs normands. Enfin, la carte de
Martin Waldseemller (cf. p. 11) tablit que l'on connaissait
en Europe, avant les el(plorations post-colombiennes des Por
tugais et mme avant l'arrive de Balboa sur le Pacifique, le contour
du continent sud-amricain, avec une prcision qui implique
une ttude systmatique de ses ctes par de vritables gographes.
Les rcits des sagas islandaises et, des degrs divers de vrai
semblance, ceux qui rapportent des voyages non confirms, y
compris celui des frres Zeno, nous fournissent des explications
satisfaisantes quant aux sources dont provenait la connaissance de
l'Amrique du Nord. Il est hors de doute que des Vikings islandais
arrivrent une rgion qui fait partie, aujourd'hui, du Canada et
des f.tats-Unis et il est hautement probable qu'ils y tablirent des
colonies stables. Les sagas mentionnent, par ailleurs, l'existence,
au sud du Vinland, d'un territoire colonis par des Irlandais - la
" Terre des Hommes Blancs - : la carte de la planche VII (a)
prouve que les Vikings connaissaient la rgion.
Aucun texte, cependant, ne se rfre l'Amrique du Sud.
Tout au plus pourrait-on identifier avec le Mexique le Drogo
de Nicolas Zeno. Manifestement, les relations que maintenaient
avec l'Europe, au Moyen Age, les marins d'un haut niveau cul
turel - voire mme scientifique - constituaient un secret
bien gard. Nous ne savons pas, pour le moment, qui taient ces
hommes. Mais nous pouvons tout de mme supposer qu'il s'agis
sait de Blancs d'origine europenne. Il est inconcevable, en effet,
qu' cette poque, des donnes cartographiques si prcises aient
pu arriver en Lorraine si elles provenaient d'individus d'une
autre race.
II. LES INDIENS BLANCS
1. Les Colonies perdues
Les donnes historiques que nous avons prsentes au cha
pitre antrieur ne laissent pas subsister un grand doute en ce qui
concerne la prsence en Amrique du Nord, du X' au XIV' sicles,
de colonies d'origine europenne. Il est d'ailleurs absolument
indiscutable qu'il existait au Gronland, la mme poque, de
prospres tablissements islandais dont la nombreuse population
disparut brusquement comme consquence du changement de
climat que subit l'le au dbut du XV' sicle. Plusieurs expditions
envoyes par les rois du Danemark, entre le XV' et le xvm sicles,
ou bien n'arrivrent pas destination, comme celle du Polonais
Jean de Kolno (1 476), ou bien ne trouvrent que des ruines, des
tombes inscriptions runiques et quelques rares objets d'usage
courant. Sur le continent amricain, galement, on a trouv des
ruines, des inscriptions et des ustensiles d'origine europenne mais
aucun ensemble humain qu'il soit possible d'identifier comme
scandinave, irlandais ou gallois.
Cependant, mme en laissant de ct le Vinland et autres
rgions du continent, les colonies du Gronland avaient une popu
lation importante qui ne rentra pas en Europe et qai ne put pas
disparatre purement et simplement. Les Esquimaux n'taient pas
assez puissants pour les dtruire, surtout si l'on tient compte
des solides constructions de pierre dont elles disposaient. On ne
peut gure concevoir, par ailleurs, qu'une pidmie - et moins
encore le climat froid - ait pu en tuer tous les membres. Il est
clone fort probable que les Gronlanclais, dj coups de l'Europe,
ne soient replis, lors de l'avance des glaces, sur les colonies elu
bon Vilancl qui se trouvaient alors compltement isoles au milieu
des populations amrindiennes. Dans ces conditions, il tait
presque impossible qu'elles conservassent intact leur hritage
europen. Mais on ne peut gure admettre qu'elles se soient
vapores sans laisser de traces anthropologiques, quel qu'ait t
leur sort; qu'elles se soient adaptes une existence semi-sauvage
en imitant, sous la pression des conditions de vie communes, les
coutumes des indignes ou qu'elles se soient mtisses avec ces
derniers. Ceci vaut, bien entendu, pour les descendants d'autres
colonisateurs blancs ventuellement tablis en terre amricaine.
Nous allons voir que l'anthropologie permet, en effet, de dtec
ter la prsence d'un lment blanc parmi ceux qui formrent les
tribus amrindiennes.

2. Les Indiens blancs et blonds tmoignages

Ds les premiers temps de la Dcouverte et jusqu' nos jours


- car le territoire amricain n'a pas encore t totalement explor
- conquistadores, voyageurs " comme on disait alors, et savants
ont rencontr, non sans surprise, clans les tribus amrindiennes
des individus qui, par une ou plusieurs de leurs caractristiques
anthropologiques essentielles, voire mme de tout point de vue,
ressemblaient des Europens nordiques. Dans certains cas, on
pouvait souponner l'influence du mtissage avec des Blancs
post-colombiens. Mais, clans d'autres, tout phnomne de ce genre
tait exclu car il s'agissait de tribus jusqu'alors totalement
loignes de tout contact avec les nouveaux colonisateurs. Nous
allons mentionner, en allant du nord au sud, les principales don
nes dont nous disposons dans ce domaine et, pour des raisons
qui apparatront clairement au chapitre III, nous y ajouterons
quelques indications de mme nature relatives l'Ocanie.
Nous nous limiterons, sur ce point, suivre les travawc de
MM. Jean Poirier (') et Thor Heyerdahl (').
Les premiers tmoignages qu'il convient de citer se rfrent
l'actuel Labrador, c'est--dire une rgion situe au nord du
Vinland proprement dit et du Markland et face au Helluland
(Terreneuve). Ils concernent les Esquimaux blancs " Louis
Jolliet, qui explora la rgion au XVI' sicle, crit : On trouve
le long des ctes du Labrador des Esquimaux qui sont en grand
nombre... Ils sont d'une taille haute, ont le visage et le corps
blancs, et les cheveux friss. Chacun a plusieurs femmes, fort
blanches et bien faites : leurs cheveux tranent jusqu' terre.
Elles sont fort adroites la couture. Comme les hommes elles se
couvrent de peau de loup-marin et ont pour toutes sortes de
choses beaucoup d'industrie " ('). Brouage, gendre et lieutenant
de Courtemanche, commandeur de la cte Nord, se heurta, la lin
du XVI' sicle et au dbut du XVIII', ces Esquimaux " d'un type
si particulier. Il les dcrit comme des hommes blancs et barbus (').
Samuel de Champlain, le grand explorateur franais du Canada,
fait allusion des Indiens blancs tablis, au debut du XVII' sicle,
l'ouest des Grands Lacs : Les sauvages avec lesquels nous
avons accs... nous ont dit plusieurs fois que quelques prisonniers
de cent lieues leur ont rapport y avoir des peuples semblables
nous en leur blancheur, et autres choses, ayant par eux vu de la
chevelure de ces peuples, qui est fort blonde, et qu'ils estiment
beaucoup pour ce qu'ils disent tre comme nous. Je ne puis que
penser l-dessus, sinon que ce fussent gens plus civiliss qu'eux
et qu'ils disent nous ressembler >>.
Il est plus trange, premire vue, que l'on ait rencontr des
Indiens blancs " sur la cte pacifique du Canada. Un dplace
ment de Vinlandais par voie terrestre, sur plus de 4 000 km, est
difficilement concevable. Mais il nous faut nous rappeler qu'
l'poque de la colonisation scandinave le climat septentrional tait
beaucoup moins froid qu'aujourd'hui et que, par consquent, la
route transocanique du Nord devait tre ouverte plusieurs mois
par an. L'incroyable ressemblance que l'on note entre les grands
canots de guerre des indignes du Nord-Ouest et les navires
vikings vient renforcer l'hypothse de voyages par mer du Gron
land ou du Vinland au Pacifique.
Le capitaine Cook, le premier Europen post-colombien qui
prit contact avec les tribus nootkas, sur la cte ocanienne de l'le
46/ Le grul voyag< du Dieu-Soleil

de Vancouver, dit de ces indignes (9) : La blancheur de la


peau semble presque gale celle des Europens et rappelle
plutt la tonalit ple qui distingue ceux de nos nations mridio
nales. Leurs enfants, dont la peau n'a jamais t couverte de
peinture, sont aussi gaux aux ntres quant la blancheur " .
Cook ajoute plus loin, au sujet des tribus du dtroit du Prince
Guillaume, en Alaska, que la complexion de certaines femmes
et des enfants est blanche, sans aucun mlange de rouge "
Le tmoignage de Cook est confirm par le rcit de voyage du
capitaine Dixon, qui crit quelques annes plus tard : Quant
leur complexion, il n'est pas facile de dterminer quelle couleur
ils ont; mais en juger d'aprs le petit nombre d'individus que j'ai
vu tolrablement propres, ces Indiens sont peine plus obscurs
que les Europens en gnral (10). Vancouver, parlant des indi
gnes du canal de Burke, dans la mme rgion, est plus prcis
encore {li) : Par la noblesse de leur port et la rgularit de leurs
traits, ils ressemblent des Europens nordiques " Et il ajoute que,
si ce n'tait cause de l'huile et de la peinture, il y a de bonnes
raisons de penser que leur couleur aurait t fort peu diffrente
de celle des agriculteurs europens qui sont constamment exposs
au mauvais temps et aux changements de climat "
Plus tard, Scouler en arrive aux mmes conclusions en ce qui
concerne les tribus hadas des Iles de la Reine Charlotte (12) :
" Leur complexion, lorsqu'ils sont lavs et sans peinture, est aussi
blanche que celle du peuple de l'Europe mridionale " Et Niblack,
parlant des indignes de la mme rgion, dit (13) : Quant la
complexion, les deux sexes sont trangement de couleur claire.
Cela n'est d d'aucune manire au mtissage avec des blancs ...
Les Hadas sont d'une peau notablement plus claire que les autres,
mais mme la tonalit obscure est purement apparente et l'expo
sition au soleil la renforce toujours " D'autres voyageurs - La
Prouse, Maurrel, Merares, Marchand, etc., confirment !es tmoi
gnages que nous venons de rapporter et dfinissent les indignes
de la cte Nord-Ouest comme de pure race blanche.
Le tableau ne varie pas si nous considrons les tribus indiennes
du Centre et du Sud des actuels tats-Unis. Nous avons dj
mentionn, au chapitre antrieur, les Mandans du Missouri,
longuement tudis, aux XVII', XVIII' et XIX' sicles, par des
voyageurs (Kurz, Wied, Catlin, Hennig, La Vrendrye, etc.)
qui notrent chez eux l'existence d'une forte minorit d'indivi-
Le gran! voyage u Dieu-Soleil f 47

dus cheveux blonds, roux et chtains et an yeux bleus et


gris. Mais ce n'est pas un cas unique, loin de l. Les Kiervas,
les Kaskaia et, surtout, les Lee-Panis du Haut-Missouri appa
raissaient encore au sicle dernier, comme blancs cheveux
blonds et aux yeux bleus. Verrill (14) cite les tmoignages concor
dants de Dampire, de Ringrose, d'Esquemeling et de nombreux
autres voyageurs.
Ni les conquistadores ni, logiquement, les explorateurs qui
les suivirent ne trouvrent des types europoides parmi les Indiens
du Mexique. Mais les traditions locales expliquent cette lacune
d'une manire satisfaisante : " A la date de Chicunahui Tochli,
dit le prince lxtilxochitl que nous citons d'aprs Goupil (15),
on trouva dans la montagne un jeune enfant blanc, aux bean
cheveux blonds. On l'amena au palais. Topilzin (le dernier roi
toltque la longue barbe mi-grise, mi-rousse " selon le chro
niqueur P. Diego Dunin. N. de l'A.) estima que cette trouvaille
tait de mauvais augure, bien que lui-mme fut blanc et barbu,
et il donna l'ordre de ramener l'enfant l'endroit o on l'avait
trouv. Mais, immdiatement, la tte de celui-ci tomba en putr
faction et rpandit une odeur insupportable, cause de laquelle
une peste se dchana et dcima la population " Goupil ajoute

que, depuis lors, on promulgua une loi spciale qui resta en


vigueur jusqu' l'arrive des Espagnols, conformment laquelle
on sacrifiait tout enfant blond l'ge de cinq ans.
Si nous n'avons, quant la population de l'Amrique Centrale,
que des indications, formelles mais imprcises, sur les Indiens
blancs " de l'Isthme de Darien, les donnes abondent ds que
nous abordons l'Amrique du Sud et, en premier lieu, les Guyanes.
Coudreau (16) dit des Waiswais : " C'est la race indienne la plus
belle que j'aie jamais vue. Les types blond-orange aux yeux bleus
ne sont pas rares chez eux ... La couleur de leur peau est d'un
jaune clair et n'a rien du rouge-brun des autres tribus '' L'ethno
graphe neerlandais De Groeje, cit par Poirier (), parle d'" yeux
vert-gris, avec du brun (ou bleu} " Dans un mmoire indit,
galement cit par Poirier, l'ingnieur-gographe J, Hurault
crit : Certains prtendent que ces Indiens blancs aux yen
bleus n'ont jamais exist ... Nous pouvons apporter un peu de
prcision ... Au cours d'une mission, en 1935, nous avons ren
contr dans la tribu des merillons, sur le Haut Tampoc (Araoua),
une femme presque blanche, ayant les yeux bleus et les cheveux
48/ Le gr1111d voyage du Ditu-Soleil

noirs. (On) nous indiqua avoir recueilli cette Indienne vers


l'embouchure de la rivire Ouaqui, alors qu'elle fuyait une tribu
Roucouyenne... Les observations que nous avons pu faire sur
les femmes rencontres nous permettent d'affirmer qu'elles
appartiennent hien une race particulire... Elles ont la peau
blanche presque laiteuse. Les yeux sont bleus. Les cheveux,
raides et noirs " Toujours quant la Guyane, Crevaux men
tionne que, sur le Haut Maroni, une tribu sauvage, les Bonis,
poursuivie par les Hollandais et les Franais, rencontra une troupe
d'hommes qui ramassaient des ufs d'iguane. Ils taient de haute
taille et avaient le teint ple et les cheveux et la barbe blonds.
Ils ressemblaient en tout, sauf quant aux vtements, aux Hol
landais. Divers auteurs, dit Poirier, notrent les yeux clairs de
Wayacules et de Triometesems, galement dans les Guyanes.
Nous ne manquons pas de renseignements du mme ordre
au sujet des Puinaves, des Bacairis, des Bororos et des Nahucas,
de Colombie, des Arawaks, des Botocudos et des Nambicuaras,
de l'Amazonie, et d'une tribu de la rivire Envira, au Brsil
galement, que Stegelmann (18) dcouvrit en 1 903 et dont les
membres avaient des cheveux roux clair.
Les Arawaks mritent une place part dans cette enume
ration, car c'est eux que se refre une lettre envoye en 1 502
ou 1 504 Isabelle la Catholique et Ferdinand d'Aragon par
Angelo Trevisano qui mentionne leur peau claire et leurs longues
barbes. Ces Indiens blancs existent encore dans l'Amazonie :
ce sont les Waikas de l'le de Maraca, sur la rivire Velho Veneno,
blancs au front haut, aux grands yeux et aux cheveux chtain
clair, longs et suaves. C'est ainsi que les vit, en 1 959, Marcel
Home! (19) dont le tmoignage est digne de foi, au contraire de
ses thories. Nous ne connaissons, malheureusement, aucune
tude srieuse leur sujet.
Le colonel Fawcett, qui ne devait pas revenir de sa dernire
expdition la recherche des villes perdues " de la Sierra de
Purima, sur le Haut Xingu, avait aussi rencontr, en 1 925, des
" Indiens blancs " roux aux yeux bleus et affirme formellement
dans ses notes de voyage : " ce ne sont pas des albinos " ("').
Il transcrit en outre le rcit du directeur franais de la plantation
d'hvas de Santa Rosa, sur la rivire Abuna, affluent du Madeira :
en 1906, " il y avait des Indiens blancs aux environs de la rivire
Acre. Mon frre la remontait en canot. Un jour, on lui assura
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 49

qu'il y avait des Indiens blancs dans le voisinage. Il ne le crut


pas et rit de ces histoires, mais il descendit tout de mme terre
et remarqua des traces indiscutables de la prsence d'Indiens.
Le second fait certain, c'est que lui et ses hommes furent atta
qus par des sauvages grands, bien conforms et fort beaux,
la peau parfaitement blanche, aux cheveux roux et aux yeux bleus.
Ils se battaient comme des dmons. Bien des gens croient qu'il
n'existe pas d'Indiens blancs et, quand on leur en montre, sou
tiennent qu'il s'agit de mtis d'Espagnols et d'Indiens. Il faut
ne pas les avoir vu pour parler ainsi : celui qui les a vu a une opi
nion toute diffrente "
Plus au nord, au Vnzuela, on signale la prsence d'un groupe
de Motilones blancs dont les cheveux ont la couleur du lin ou
de la paille, caractristique des peuples scandinaves. Plusieurs
auteurs, parmi eux Thor Heyerdahl ('), mentionnent l'tude
que leur aurait consacre, en 1 926, un certain Harris. Malheu
reusement, nous n'avons pas pu la consulter.
En ce qui concerne le Prou, les tmoignages abondent,
commencer par celui de Pizarre (21) qui note que les membres
de l'aristocratie incaique avaient la peau plus blanche que celle
des Espagnols et des cheveux de la couleur du bl mur. Pizarre
ajoute que les indignes considraient les individus blancs et
blonds comme les " fils des dieux du Ciel " Les anciens docu
ments compils par Izaguirre (22) mentionnent plusieurs reprises
" ces infidles blancs et blonds >>, " blancs et blonds notre
manire ''
En continuant vers le sud, nous trouvons la rfrence de
Frezier (22) des Indiens blancs et blonds, confirmee par Jos
Toribio Molina (24) qui, citant le Compendio de historia civil de
Molina, fait allusion un groupe d'indignes de la province de
Boroa " blancs et blonds sans tre mlangs " et, selon Rosales
dans Conquisla espiritual de Chi/e, aux Chanos qui taient
compltement blancs et blonds (en raison du) climat froid de la
terre et (de) la proximit du ple " Jusqu'en Terre de Feu
Skottenberg (25) put remarquer les cheveux chtains des Ala
caloufes en contraste avec le poil noir des autres Indiens de la
rgion et les yeux bleu fonc des enfants.
50 / U grul voyage du Dieu-Soleil

' .
3 Les Polynsiens blonds temotgnages

Le phnomne que nous venons de signaler au sujet de l'Am


rique se rpte, avec une frquence bien plus grande, dans les
les du Pacifique. Le sujet sort du cadre de notre tude, bien
qu'il lui soit troitement li. Nous nous bornerons donc quelques
citations relatives aux dcouvertes et aux voyages du XVII' et
du xvm sicles. Les tmoignages postrieurs, sauf quelques
rares exceptions, sont suspects en raison de la promiscuit sexuelle
qui rgne dans la socit polynsienne.
Au cours des premires annes du xvii sicle, Alvaro Men
daiia de Neira dcouvrit les Marquises et son pilote, Pedro Fer
nndez de Quiros ("), dcrit les indignes comme presque
blancs, d'aimable taille, grands, forts et muscls ... les cheveux,
comme des femmes, fort longs et flottants ... il y en avait beau
coup de blonds " Antonio de Murga ("), au sujet du :nme
voyage, parle de plus de quatre cents Indiens (des les Salomon),
blancs et d'aimable disposition . . . (qui avaient) de fort beaux
_

cheveux flottants, dans de nombreux cas blonds " Les rencontres


de ce genre se multiplirent tout au long de la traverse. Limi
tons-nous mentionner un pisode survenu Taumaco (le
Duff) : Puis arriva un autre Indien qui regarda avec grand'peur
les ntres qui ne le regardaient pas avec moins d'attention, car
il tait d'une couleur si blanche et ses cheveux et sa barbe taient
si roux qu'ils l'appelaient pour cela le Flamand .
En 1 61 5, les Hollandais Schouten et Le Maire (2') dcou
vrirent les Touamotous et signalrent la prsence d'indignes
totalement blancs " longs cheveux jaunes. Leur compatriote
Carl Frederick Behrens (29), compagnon de Rogeveen, dit des
habitants de l'le de Pques : Ces insulaires sont en gnral
bruns comme les Espagnols; il y en a cependant d'assez noirs
et d'autres sont compltement blancs "
Wallis, La Prouse, Felipe Gonzlez, Crozet, Audia y Varela,
Bonacorsi, Gayangos, Cook, Forster fils, Parkinson et bien
d'autres encore mentionnent tous des Polynsiens blancs et
blonds. Bougainville (30) prcise que le peuple de Tahiti est
compos de deux races d'hommes trs diffrentes, qui, cependant,
Le grand voyage du Dreu-Solei/ / 51

ont la mme langue, les mmes murs et qui paraissent se mler


ensemble sans distinction. La premire, et c'est la plus nombreuse,
produit des hommes de la plus grande taille : il est ordinaire
d'en voir de six pieds et plus Rien ne distingue leurs trains de
..

ceux des Europens et, s'ils taient vtus ... , ils seraient aussi
blancs que nous. En gnral, leurs cheveux sont noirs. La seconde
race est d'une taille mdiocre, a les cheveux crpus et durs comme
du crin; sa couleur et ses traits diffrent peu de ceux des multres "
Les mots en gnral " indiquent videmment l'existence des
individus cheveux clairs que les autres voyageurs rencontrrent
Tahiti comme dans presque toutes les les de Polynsie.

4 Les Indiens blancs >> les Antis

ous devons au naturaliste franais Alcide d'Orbigny (31),


qui passa trente ans de sa vie, au dbut du XIX' sicle, en Amrique
du Sud, une fort intressante tude sur les Indiens blancs "
du Bni bolivien. Il ne s'agit pas, malheureusement, d'un travail
scientifique d'anthropologie - ni l'poque ni la spcialit de
l'auteur ne le permettaient - mais d'un ensemble d'observations
faites par un savant dans un milieu qu'il connaissait sous tous
ses aspects. D'o son importance.
Les cinq tribus antisiennes comptaient, l'poque de d'Orbi
gny, 1 4 557 individus, dont 2 000 sauvages. Elles habitaient
sur les derniers contreforts des Andes, dans une fort tropicale
chaude et humide. La plus intressante pour nous, celle des
Yuracars, comprenait 1 337 individus : 337 soumis et 1 000
sauvages.
La couleur des Antis tait beaucoup plus claire que celle des
Quitchouas et des Aymaras du Haut-Plateau. Les Maropas et
les Apolistes avaient la peau lgrement bistre, avec peu de
jaune. Les Yuracars, les Mocetnes et les Tacanas taient
presque compltement blancs. Leur taille moyenne variait entre
1,66 rn chez les Yuracars - certains atteignaient 1,76 rn -
et 1,64 rn chez les Apolistes, apprciablement suprieure celle
52 / Le grarod - du Di-Sokil

des autres Indiens de la rgion. Leur conformation n'tait pas


disproportionne, comme celle des hommes du Haut-Plateau
qui ont un tronc norme et des jambes courtes. Bien au contraire,
ils avaient " de belles formes, des proportions masculines et
gracieuses la fois; leur corps est robuste, assez lev, semblable
celui des Europens. Les mieux forms de tous sont les Yura
cars : les autres nations sont en gnral plus massives "
" Les Yuracars, dit d'Orbigny, ont des formes fort belles,
l'aspect vigoureux, les paules larges, la poitrine bombe, le corps
assez svelte et de bonne musculature. Tout, chez eux annonce
la force et l'agilit. Ils sont droits et bien plants. Leur air orgueil
leux et arrogant est parfaitement d'aGcord avec leur caractre
et avec la haute ide qu'ils se font d'eux-mmes. Les femmes
sont aussi fort bien constitues, plus fortes et plus robustes, en
proportion, que les hommes; leurs membres sont replets et mus
cls, sans que leurs formes cessent d'tre gracieuses "
" Leur visage (celui des Yuracan\s) est presque ovale, leurs
pommettes sont peu saillantes, leur front est troit, lgrement
bomb, leur nez est assez long, gnralement aquilin, ni camus
ni trs large la base, leurs fosses nasales sont peu ouvertes;
leurs yeux noirs, trs petits et horizontaux; leurs oreilles petites,
leurs sourcils troits et arqus, quand ils ne se les enlvent pas;
leur barbe raide, peu fournie, pousse tard et seulement sur le
menton et sur la lvre suprieure; ils se l'arrachent. Leurs che
veux sont noirs, raides et longs. Leur physionomie est fine,
pleine de vivacit, d'orgueil, et il ne lui manque pas une certaine
expression joyeuse ... Les femmes ... on peut les considrer comme
jolies "
Les Yuracars vivaient exclusivement de la chasse et de quelques
cultures dont se chargeaient les femmes. Il est fort probable
qu'autrefois la guerre ait constitu leur principale activit. Leur
nom parat d'ailleurs l'indiquer : il vient du quitchoua yurak,,
blanc, et kari (ou, plus exactement, k'kari) que d'Orbigny traduit
par homme mais qui, en ralit, veut dire guerrier. Nettement
mtis, avec prdominance de l'lment blanc, ils taient adapts
la vie libre de la fort. Un dtail, que mentionne d'Orbigny,
attire puissamment l'attention. Cette tribu, dont l'activit arti
sanale tait fort pauvre, connaissait l'imprimerie, totalement
ignore des autres peuples amrindiens, y compris leurs voisins
quitchouas. Ils utilisaient, en effet, pour colorier leurs tuniques,
Le grawl .,..,.,. du D;-s.lt.ill 53

d'ecorce, des planches de bois taill : le mme procd que l'on


employait au Moyen Age europen, avant l'invention de Gutem
berg.

5. Les Indiens blancs >> les Guayakis

Race en voie d'extinction, les Guayakis habitent la fort vierge


subtropicale de l'Ouest paraguayen. Il en reste, selon les esti
mations, de 300 500 qui vivent en petits groupes, entirement
nus, du produit de la chasse, de fruits sylvestres et de miel sau
vage. Leur niveau culturel, nolithique, est fort bas et il semble
qu'ils pratiquent un certain cannibalisme rituel. Le territoire
qu'ils occupent, ou plutt qu'ils parcourent sans cesse car ils
sont nomades, est insoumis et, sur ses frontires mal dlimites,
de sanglantes escarmouches sont frquentes.
Les Guayakis ont attir l'attention des ethnologues et d'impor
tantes tudes (32) ont t consacres leur mode de vie et au
dialecte qu'ils parlent, proche du guarani. II n'en a pas t de
mme en ce qui concerne leurs caractres somatiques, sauf
quelques rares mensurations portant sur un nombre insuffisant
de sujets. Les ethnologues en question ne purent cependant
pas laisser de mentionner certains aspects physiques, trangers
toutes les races amrindiennes, en particulier la couleur blanche
de la peau de la plupart d'entre eux. Des cinq groupes connus,
quatre sont composs de Guayakis Blancs et un, de Guayakis
Bruns. Il y a de bonnes raisons de penser que ces derniers pro
viennent du mtissage de Guayakis Blancs avec un groupe d'In
diens matacos qui, vads de la rserve argentine de Santa Ana,
se rfugirent, la lin du sicle dernier, en territoire guayaki.
Les caractres diffrentiels des Guayakis Blancs nous firent
considrer la possibilit qu'il s'agt de descendants d'Aryens
d'origine europenne. Afin de confirmer ou d'infirmer cette
hypothse de travail, l'Institut de Science de l'Homme de Buenos
Ayres, envoya notre demande, en janvier 1970, une mission (*)
* Compose de M. le Professeur Pedro E. Rivero et de MM. Eduardo
Codina et Xavier de Mahieu.
exclusivement charge de la vrifier. La plupart des ethnologues
avaient pu, antrieurement, travailler avec une certaine facilit :
en 1 959, en eifet, le gouvernement paraguayen avait russi
fixer, au camp d'Arroyo Moroti, prs du bourg de San Juan
Nepomuceno, un groupe de Guayakis Blancs et un de Guayakis
Bruns; en tout, une soixantaine d'adultes. La mortalit leve,
due au changement d'alimentation - manioc et mais - et au
contact avec la population locale, et aussi le dsir d'utiliser le
camp comme centre d'attraction pour les groupes sauvages,
firent rcemment transfrer les survivants plus au nord, dans
la rgion de San Joaquin, 9 km l'intrieur de la zone insou
mise. Malgre les tonseils des autorites paraguayennes - et
grce leur appui - la Mission parvint atteindre le nouveau
camp de Cerro Moroti et y raliser l'tude prvue. Non sans
difficultes, d'ailleurs, ni sans dangers.
Prcisons que l'etude en question a pu tre effectuee dans
d'excellentes conditions scientifiques. La population du camp,
qui partage son temps entre le village et la fort, a recouvre la
sante, bien que le manioc et le mais qui constituent encore la
base de son alimentation provoquent, chez ses membres, un
gonflement intestinal permanent. Elle s'est enrichie d'elements
provenant des groupes insoumis de la rgion. Par ailleurs, tous
les sujets tudis taient des Guayakis purs. Mme ceux qui
venaient d'Arroyo Moroti taient sortis adultes de la fort. A
l'tat sauvage, les Guayakis vivaient et vivent dans un complet
isolement, sans aucun contact, sauf conflits sporadiques, avec
la population paraguayenne. Aucun mtissage avec des indi
vidus de race blanche n'a donc pu se produire.
La premire constatation faite par la Mission est que Guayakis
Blancs et Guayakis Bruns prsentent les mmes caractres soma
tiques, exception faite de la couleur de la peau et du facis mon
golode des seconds. Ce sont des invividus de petite taille : 1 ,57 rn,
en moyenne, chez les hommes (maximum, 1 ,61 rn; minimum,
1 ,49 rn) et 1 ,49 rn chez les femmes (maximum, 1 ,56 rn; mini
mum, 1 ,43 rn). Les membres sont relativement courts et le tronc,
extrmement dvelopp : 85 cm de tour de poitrine chez les
hommes, ce qui equivaudrait 97,5 cm chez un individu de
1 ,80 m. Notons, titre de comparaison, que la moyenne de la
race aryenne nordique est, pour les individus de cette dernire
taille, de 93,5 cm. L'indice cphalomtrique des Guayakis est,
en moyenne, de &1 ,4 chez les hommes (maximum, 86,7; mini
mum, 76,7) et de 82,8 chez les femmes (maximum, 86, 1 ; mini
mum, 78,3). La race oscille donc entre la msocphalie des
hommes et la sous-brachycphalie des femmes. Elle se situe donc,
de ce point de vue, entre les Aryens alpins (84,3 chez les hommes
et 84,1 chez les femmes) et les Aryens nordiques (79,2 et 78,3,
respectivement).
Les Guayakis mles ont un appareil gnital, d'une confor
mation semblable celle des Aryens nordiques (pnis allong,
en particulier), beaucoup plus dvelopp que celui des Am
rindiens. Ils sont pourvus d'un abondant systme pileux, sur les
jambes et les bras et, surtout, sur le visage. Ils se rasent soigneu
sement, mais la Mission a eu la chance de pouvoir en photo
graphier un, porteur d'une barbe splendide (*). Il ne s'agit pas
d'un cas particulier : l'examen du visage des autres montra que
tous etaient extrmement poilus. Or les Indiens sont genra
lement imberbes et ceux qui font exception, la plupart du temps
des vieillards, n'ont qu'une barbe clairsemee, et seulement sur
le menton. Les femmes guayakies ont les jambes trs velues,
la difference des Indiennes.
A ce systme pileux, caracteristique des races aryennes, s'ajoute,
chez les hommes, une forte tendance la calvitie (**), phno
mne qu'ignorent absolument les populations amrindiennes.
La peau des Guayakis Blancs ne se diflrencie nullement,
quant la couleur, de celle des Europens, et bien des femmes
ont la complexion laiteuse des Nordiques. La couleur des che
veux va du noir au chtain clair, souvent avec des reflets roux.
Celle des yeux, du noir au marron clair. Les individus gs
- mais il n y en a gure - ont les cheveux et la barbe gris ou

blancs, ce qui n'arrive pas chez les Indiens. D'une manire


gnrale, les cheveux paraissent aussi fins que ceux des Euro
peens et certains hommes les ont onduls. L'analyse des chan
tillons prelevs par la Mission est en cours au moment o nous
ecrivons ces lignes, mais le Laboratoire d'Anatomie Patholo
gique de la Facuit de Mdecine de l'Universite de Buenos
Ayres, qui a bien voulu s'en charger, nous a dj transmis ses
premiers rsultats, et ils sont hautement significatifs : les cheveux

Cf. pl. 1 (d).


* * Cf. pl. 1 (c).
56/ Le grarul C(Jf}age !u Diea-Salelf

de cinq chantillons tudis ont une section ovale, l'europeenne,


et non pas ronde comme c'est le cas chez les Indiens.
Les traits du visage prsentent une varit considrable,
signes de dgnrescence part. Certains hommes pourraient
circuler dans n'importe quelle rgion de l'Europe sans attirer
l'attention. D'autres ont l'aspect de Japonais de la couche ethnique
suprieure, comme c'est aussi le cas de presque toutes les femmes.
D'autres encore pourraient passer pour des Polynsiens. Enfin,
certains vieillards ont une apparence d'Aino. Ces ressemblances
ne sont pas le fait du hasard. Japonais, Polynsiens et, un moindre
degr, Anos ont une origine co mmune : ils sont les produits
de mtissages entre blancs et mongolodes. Ajoutons que les
Guayakis rient volontiers, ce que leurs muscles faciaux ne per
mettent pas aux Indiens de faire.
L'tude n'a donc laiss subsister aucun doute en ce qui con
cerne l'origine raciale des Guayakis. Ce sont des Blancs mtisss
de Guaranis. Le mlange est rcent : le manque d'homognit
en ce qui concerne les traits du visage et l'indice cphalomtrique
le prouvent.
Qui taient les Blancs primitifs ? L'analyse anthropologique
nous apporte sur ce point des donnes prcises. Les Guayakis
possdent, en effet, un biotype compos. En dessous de la cein
ture, ce sont des longilignes; au dessus, des brvilignes respi
ratoires. Ils ont le thorax hypertrophi des Indiens quitchouas
et aymaras du Haut-Plateau bolivien, mais nullement leurs
fortes jambes. Il n'y a donc que deux possibilits : ou bien les
Guayakis sont des montagnards brvilignes qui, dans la plaine,
ont acquis des jambes fines; ou bien ce sont des longilignes qui,
sur les hauteurs, ont vu se dvelopper leur thorax. La premire
hypothse est carter, car les Guayakis n'ont rien d'autre que
leur tronc qui les rapproche des Indiens des Andes. Ils descendent
donc de Blancs longilignes - comme les Nordiques - tablis
pendant longtemps sur le Haut-Plateau o la basse pression
atmosphrique provoque une augmentation de la capacit tho
racique. Ce qui renforce considrablement cette conclusion,
c'est que le mot de Guayaki est quitchoua et signifie blan
chtre de la plaine " (de huai/la, plaine, et k'kellu, blanchtre;
le double 1 et l'y se prononcent de la mme manire; l'e et l' i se
confondent en une seule voyelle, en quitchoua). On n'aurait pu
trouver un nom plus appropri pour des habitants blancs de la
montagne rfugis dans la fort, au pied de la Cordillre. L,
dans un milieu et sous un climat hostiles toute civilisation,
ces hommes dgnrrent, puis, rcemment, se mtissrent,
pousss par un phnomne biologique que l'on note galement
chez les Waikas de l'Amazonie : l'insuffisance numrique des
naissances fminines. Ces deux facteurs ngatifs expliquent
la fois la petite taille et le bas niveau culturel des Guayakis.
La Mission de l'Institut de Science de l'Homme de Buenos
Ayres a donc pleinement confirm notre hypothse. Mieux encore,
elle a rapport une preuve difficilement rfutable de son exacti
tude. Un de ses membres, en effet, dcouvrit dans la cabane du
chef paraguayen du camp une tablette de terre-cuite couverte
de signes (*) qui lui rappelrent quelque chose. Interrog, le
matre de maison raconta qu'il s'agissait d'un fragment de

rcipient dterr aux environs et sur lequel une femme guayaki


du village avait trac quelques-uns des signes traditionnels de la
tribu. Or l'inscription que porte la tablette " est indiscutable
ment runique. De ses dix signes, neuf sont des runes parfaitement
dessines, et il est fort simple de les transposer en caractres
latins : NUIH.N LGEAM. L'autre, reprsent par un point dans
notre transcription, est douteux : rune dforme, rune invertie,
ou encore u latin. Notons que l'avant-dernier signe, quivalent
ea " appartient l'alphabet qu'utilisaient les Vikings tablis en
Grande-Bretagne et non pas ceux de Scandinavie.
Une supercherie tait-elle possible? Nous ne le croyons pas.
L'objectif de la Mission avait t maintenu dans le plus grand
secret. Le chef du camp - un sous-officier en retraite qui, bien
sr, n'avait jamais entendu parler de l'criture runique - n'attri
buait aucune importance la tablette " qu'il n'avait ni offerte
la vente ni mme montre.
Par ailleurs, la tablette de Cerro Moroti " n'est pas le seul objet
guayaki connu de son espce. M. Tomasini (32) rapporta, en
1 965, du camp d'Arroyo Moroti la photo d'un instrument de
musique (**) couvert de caractres runiques (***) qu'il ne sut pas
reconnatre : il 1eur attribue une simple valeur symbolique. Un de
ces caractres, particulirement compliqu, est le chiffre 10.

* Cl. pl. II (c).


** Cf. pl. II (b).
Cl. pl. IX (b).
Ces Indiens blancs, dont le nom quitchoua signifie Les
blanchtres de la plaine et dont le biotype indique qu'il s'agit
de metis dont les anctres de race blanche habitaient le Haut
Plateau, conservent encore, malgre leur dgenrescence, le sou
venir prcis d'un alphabet, et cet alphabet est scandinave. Nous
avons donc l une preuve de l'origine nordique des Blancs pr
colombiens.
Un dtail encore, qui abonde dans le mme sens : les chefs
guayakis portent, comme symbole de leur dignit, un bonnet de
peau pointu qui, nous le verrons vient des Vikings.

6. Les mom1es d' Indiens blancs et blonds

Si aujourd'hui encore, aprs le long processus de mtissage qu'a


invitablement produit un contact multisculaire, nous trouvons
des " Indiens Blancs " en Amrique du Sud, la logique suggre
que l'on devrait trouver aussi des traces de leurs anctres, plus
purs, dans les antiques spultures. Malheureusement, bien avant
que les archologues et les anthropologues eussent commenc
raliser des fouilles scientifiques, l'immense majorite des tombes
pre-colombiennes avaient t violes par des chercheurs de trsors
qui ne se souciaient pas le moins du monde des restes humains
qu'elles contenaient. Dans les rgions colonises par les Espagnols
et par les Portugais, on ne peut souvent pas garantir que tel ou tel
squelette aux caractristiques aryennes ne provienne pas, mme
lorsqu'on le trouve dans un cimetire indigne, d'un blanc ou
d'un mtis postrieur la Conqute. On dcouvre parfois, cepen
dant, dans des zones pratiquement inexplorees, des restes humains
indniablement europoides qui appartiennent des tribus " autoch
tones " Tel est le cas de quelques squelettes trouvs, en 1959,
par Marcel Homet (19) dans des urnes funraire5 de la Sierra do
Machado, dans l'Amazonie.
Il en est tout autrement des centaines de momies decouvertes,
partir de la fin du sicle dernier, dans des tombes pr-colom
biennes du Prou et, en particulier, de celles que l'on trouva, en
Le grand voyage du Dieu-Soleil / 59

1925, dans des grotte s de la pninsule de Paracas, 1 8 km de


Pisco. Ces momies ne sont nullement reprsentatives de toute la
population de leur poque. Car s'il est vrai que quelques unes se
sont conserves naturellement en raison du climat sec de la rgion
ou parce qu'on les avait enfouies dans le sable, la plupart furent
embaumees et appartenaient, par consquent, des membres de
la couche dirigeante.
Les momies en question correspondent deux types raciaux
bien diffrencis. Les unes sont indubitablement mongolodes :
courte taille, visage camus, tte brachycphale et cheveux noirs
bleutres. Elles appartiennent des individus semblables aux
Indiens qui habitent encore la rgion. Les autres, au contraire,
sont de haute taille. Leur visage est allong; leur tte, dolicoc
phale, leurs cheveux, clairs, avec des variations qui vont du ch
tain au blond << paille " en passant par toutes les nuances du roux,
sans decoloration artificielle. Quiconque verrait, sans indication
d'origine, la momie reproduite dans la planche l n'hsiterait pas
l'attribuer une femme aryenne de race nordique. Il ne s'agit
pas de simples apparences et les specialistes se prononcent de la
mme manire. Certains pensrent, au premier moment, que les
dimensions du visage et du crne pouvaient provenir d'une dfor
mation artificielle, comme celle qu'effectivement les indiens
pruviens imposaient souvent aux enfants, et que la couleur des
cheveux pouvait tre la consquence de l'action du temps. !1 fallut
renoncer de telles hypothses.
La tte dolicocphale et le visage allonge caractrisent, en effet,
des momies qui ne montrent aucun signe de dformation arti
ficielle. Les cheveux, d'autre part, ne peuvent pas avoir t dco
lors par le temps car un tel phnomne aurait galement affect
les cheveux noirs bleutres des individus mongolodes, ce qui ne
s'est pas produit. Par ailleurs, les cheveux des individus de race
blanche ne se diffrencient pas seulement par la couleur mais
aussi par la contexture : ils sont de 30 % plus lins et plus lgers
que ceux des Indiens, alors que le desschement ne produit qu'une
rduction de 5 %. au plus, et ils ont une section ovale, diffrente
comme nous l'avons vu plus haut, de la section ronde des cheveux
noirs amrindiens.
La prsence, dans le Prou pr-colombien, de blancs de biotype
nordique ne peut donc pas tre mise en doute. Le problme
consiste savoir quelle poque appartiennent les momies qui
60/ Le grand vogag. lu Dieu-SoM

le prouvent. Comme toujours lorsqu'il s'agit de chronologie pr


hispanique, les divergences d'opinion se chiffrent par sicles,
voire par millnaires. Thor Heyerclahl (16) mentionne prudemment
que la mthode du carbone 1 4 suggre que les momies de
Paracas datent de l'an 500 avant J.-C., avec une marge d'erreur
de deux-cents ans en plus ou en moins. Malheureusement, la
mthode en question est en soi fort peu sre, car elle se hase sur
l'hypothse d'une intensit constante des radiations cosmiques
travers les temps, ce qui non seulement n'est pas scientifiquement
confirm, mais encore semble hautement douteux. D'autre part,
nous ignorons comment fut ralise la datation par le carbone 1 4
des momies pruviennes et il nous semble difficile que l'on ait
brl dans chaque cas le kilo de matires organiques - c'est-
dire de momie - indispensable, selon les partisans de la mthode,
pour obtenir un rsultat valable.
Deux possibilits, donc : ou bien la datation est aussi fantaisiste
que tant d'autres effectues sur des bases diffrentes, et les
momies blondes peuvent alors appartenir des descendants des
Scandinaves et des Irlandais du Vinland et du Huitramanaland,
ou leurs prdcesseurs immdiats, de mme origine ; ou bien le
carbone 14 a raison, et il faudrait admettre une migration nor
dique, trs antrieure celle que l'histoire signale, qui remon
terait au XII' sicle avant J C., quand les Hyperborens envahirent
.

l'Europe centrale et mridionale, attaqurent sans succs l'fgypte


sous le rgne du pharaon Meneptah, de la III' dynastie, et se
replirent sur la Palestine o la Bible les mentionne sous le nom
de Philistins. Les Hyperborens venaient du Danemark et du sud
de la Norvge d'o les avaient chasss des cataclismes naturels.
ctaient des marins exceptionnels et ils possdaient des navires
de haute mer : il n'y aurait rien d'tonnant ce que certains
d'entre eux se fussent dirigs vers l'ouest.
En faveur de la premire hypothse joue le fait que nous
connaissons, grce un tmoignage digne de foi, l'existence
d'une momie blonde appartenant un individu qui vcut une
poque fort postrieure - que nous prciserons au chapitre III -
au voyage de Leif Eiriksson. Le chroniqueur Juan Polo de Onde
gardo sauva du pillage de Cuzco par les conquistadores, les momies
des empereurs incas. L'une d'elle avait les cheveux si blonds qu'ils
en paraissaient presque blancs. ctait celle du huitime souve
rain de la dynastie incaique, Huirakocha, que la tradition nous
Le grand !)()gag< du Dieu-Soleil/ 61

dcrit comme blanc et barbu et dont la sur - qui tait aussi sa


femme - avait t surnomme Marna Runtu - Mre uf -

parce qu'elle tait d'une couleur plus blanche que ne le sont


communment tous les Indiens , comme dit Garcilaso (").

7. Les Blancs pr-colombiens et leurs descendants

Nous avons vu, dans ce chapitre, qu'aussi bien les chroniqueurs


espagnols de la Conqute que d'innombrables voyageurs post
rieurs, jusqu'au sicle dernier, signalrent la prsence, au sein de
la population indigne des trois Amriques, de mme que dans les
les polynsiennes, d'individus dont les traits anthropologiques
correspondaient la grande race blanche et, souvent, la race
nordique. A ces tmoignages clairs et prcis s'ajoutent, comme
preuve matrielle de la prsence sur le Nouveau Continent d'habi
tants blancs pr-colombiens, le fait qu'il existe encore des tribus
d' " Indiens blancs " au Vnzula, en Amazonie et au Paraguay,
c'est--dire dans toute la zone couverte de forts, jusqu' il y a
peu - et, quand l'Amazonie, en partie jusqu' nos jours - inex
plore qui s'tend l'est de la Cordillre des Andes.
Des Antis du Bni, il ne reste que quelques individus mtisss,
mais Alcide d'Orbigny put les tudier au dbut du sicle dernier.
Les Motilones du Vnzula furent l'objet de recherches srieuses
au dbut du ntre. Les donnes que nous possdons au sujet des
Waikas de l'Amazonie sont moins dignes de foi. Mais les Guayakis
du Paraguay ne permettent aucun doute quant leur filiation eth
nique et ils suffiraient comme preuve vivante du fait que les
" Indiens blancs " ne sont pas le produit de reportages fantaisistes
ni de rveries folkloriques.
Leur prsence en Amrique ne peut, d'autre part, surprendre
que ceux qui ignorent l'existence des centaines de momies pru
viennes, indniablement pr-incaiques bien que leur datation
soit discute, qui prsentent les caractristiques propres la
race nordique. Il y avait donc, dans l'Amrique du Sud pr
colombienne, au milieu de la population majoritaire, d'origine
6l f i.e gram! voyage du Dieu-Soleil

mongole, des groupes de blancs qui, du point de vue anthropolo


gique, avaient un type aryen nordique. Il est logique de supposer,
comme hypothse de travail, que c'est d'eux, ou de certains
d9entre eux, que provinrent les donnes cartographiques mention
nes au chapitre antrieur.
III . LES AVENTURES

AMRICAINES

D'ULLMAN ET DE HEIMLAP
1. Le pays des anctres
La prsence dans le Nouveau Monde, avant la Dcouverte,
d'hommes blancs d'apparence nordique ne s'appuie pas que
sur les tmoignages historiques et les preuves anthropologiques
que nous avons rsums dans les chapitres prcdents. Les tradi
tions des peuples civiliss des trois Amriques la mentionnent,
en effet, galement. Le mot de tradition ne doit pas nous induire
en erreur. Les rcits que des indignes cultivs firent aUJ< chro
niqueurs espagnols immdiatement aprs la Conqute et les
textes que rdigrent alors, en castillan ou dans les langues
locales, des Indiens hispaniss dans une certaine mesure ne se
rapportaient pas de simples lgendes transmises oralement de
gnration en gnration. Les peuples de l'Amrique Moyenne
avaient, en effet, des livres d'histoire crits en caractres ido
graphiques et ceux du Prou, des quipu, jeux de ficelles noues,
qui constituaient pour les amauta qui les composaient et les inter
prtaient une base mnmonique fort sre. L'extraordinaire
concidence et le parfait enchanement de traditions qui apparte
naient des peuples aussi diffrents et aussi loigus les uns des
autres - qu'ils aient eu ou non des contacts sporadiques - que
les Nahuas et les Quitchouas exclut, par ailleurs, presque compl
tement la possibilit qu'il s'agisse de simples produits de l'imagi
nation ou de mythes dpourvus de fondements rels.
Nous savons, en premier lieu, par les chroniqueurs et par les
conquistadores eux-mmes que les indignes ne s'tonnrent
nullement de l'arrive des Espagnols et qu'ils n'essayrent mme
pas de leur offrir une rsistance srieuse. Corts entra Tenoch
titlan (l'actuelle ville de Mexico) avec quatre cents hommes et
Pizarre entreprit la conqute du Prou avec 1 77 officiers et soldats.
Partout, les nouveaux venus, blancs et barbus, furent considres
comme des Fils du Soleil et on leur rendit hommage comme
des dieux.
Nous trouvons l'explication de semblable attitude dans le
discours que Montzuma pronona devant Corts lorsqu'il lui
rendit visite au palais de son pre Axaiaca qu'il avait mis la dis
position de ses htes : .. Je vous considre comme des parents;
.

car, d'aprs ce que me dit mon pre qui l'avait entendu du sien,
les rois, nos prdecesseurs, dont je descends, n'taient pas des
naturels de cette terre, mais des nouveaux venus, lesquels arri
vrent avec un grand seigneur qui, peu aprs, retourna son pays;
de longues annes plus tard, il revint les chercher; mais ils ne
voulurent pas s'en aller, car ils s'taient installs ici et avaient
dj enfants et femmes et une grande autorit dans le pays. Lui
s'en retourna fort mcontent d'eux et leur dit au moment de partir
qu'il enverrait ses fils les gouverner et leur assurer la paix et la
justice, et les anciennes lois et la religion de leurs anctres.
C'est la raison pour laquelle nous avons toujours espr et cru
que ceux de l-bas viendraient nous dominer et nous commander,
et je pense que c'est vous, tant donn d'o vous venez... '' (33).
L'empereur inca Huayana Kapak ne se montra pas surpris
non plus lorsque, en 1 523, huit ans avant l'arrive de Pizarre,
il reut la nouvelle que des gens trangers et jamais vus dans
le pays - c'tait l'expdition de Blasco Nufiez de Balboa -
longeaient sur un navire la cte nord du Prou. Moribond, il
runit ses fils, ses capitaines et les chefs indignes qui l'accom
pagnaient et leur dit : Il y a bien des annes que, par une rv
lation de Notre Pre le Soleil, nous savons qu'aprs douze rois
de ses fils viendront des gens nouveaux et inconnus dans nos
rgions et qu'ils vaincront et incorporeront leur empire tous nos
royaumes et bien d'autres ; je suppose que ce sera ceux dont nous
savons qu'ils ont parcouru la cte de notre mer; il s'agit de gens
courageux qui vous gagneront en tout. Nous savons aussi que le
nombre des douze rois s'accomplit en nous. Je vous certifie que,
peu d'annes aprs ma mort, ces gens nouveaux viendront, qu'ils
feront ce que Notre Pre le Soleil nous a dit, qu'ils vaincront notre
empire et qu'ils en seront les seigneurs. Je vous ordonne de leur
obir et de les servir comme des hommes qui vous gagneront en
tout; car leur loi sera meilleure que la ntre et leurs armes, puis
santes et invincibles plus que les ntres. Soyez en paix. Moi, je
vais reposer auprs de mon pre le Soleil qui m'appelle (""). Ce
tmoignage n'est pas aussi prcis que l'antrieur, peut-tre
cause de la transmission orale qui lui permit d'arriver aux oreilles
du chroniqueur. Mais elle n'en est pas moins significative. Car
Huayna Kapak n'aurait pas pu attendre des gens nouveaux
si son peuple ou sa ligne n'avait pas eu antrieurement quelque
contact avec eux.
L'ouvrage que l'on appelle Popol Vuh ("'), texte quichemaya
dont nous nous occuperons dans le prochain chapitre, nous
fournit des indications qui claircissent singulirement les rcits
antrieurs : Qu'avons-nous fait, disaient les prtres? Com
ment avons-nous pu abandonner notre patrie, Tulan-Zuiva?
Et nos dieux, ceux que nous avons amens de ces terres de
l'Orient, gisent maintenant au milieu des plantes parasitaires et
de la mousse des arbres, sans mme une planche sur laquelle
reposer ! })
D'o taient venus les anctres de Montzuma et des Quichs ?
Les traditions aztque et maya rpondent la question travers
les versions complmentaires de presque tous les chroniqueurs ?
Ceux-ci se rfrent au lointain pays d'origine des Toltques, le
peuple civilisateur par excellence de l'Anahuac, dont l'action se
projeta jusque chez les Mayas. Le prince aztque hispanis lxtlil
xochitl nous parle de la grande et opulente ville de Tula, la vieille
capitale des Toltques avant leur arrive au Mexique. Il nous
en dcrit les temples et les pyramides ddies au Soleil et la
Lune. Il mentionne sa religion, exempte de tout culte sanglant, et
son haut niveau culturel. Un chant funbre toltque ajoute tout
cela un dtail important, comme nous le verrons : il y avait,
Tula, un temple de bois, matriau qu'aucun peuple nahuatl ni
maya n'employa jamais la construction de ses difices religieux.
Le P. Bernardino de Sahagun, historien des Mayas, rapporte
galement des traditions indignes relatives Tula, dont le
nom prend, en changeant de langue, la forme de Tollan et de
Tulan. D'aprs ses informateurs, la ville sacre se trouvait dans un
vritable paradis terrestre. Ses riches palais de jade et de nacre
blanche et rose taient entours de champs dont les pis de mais
et les calebasses atteignaient la hauteur d'un homme et o le
coton poussait de toutes les couleurs. C'tait le " pays d'Oiman "
On y trouvait du caoutchouc et du cacao en abondance et ses habi.
tants portaient des bijoux incomparables et des vtements lmmeux,
y compris des sandales de latex.
Notons immdiatement que la description de Sahagun n'est
pas autre chose que celle d'un pays des merveilles, tel que pouvait
l'imaginer un peuple tropical. Ce qui restait, pour les Mayas,
de la tradition de Tula, c'tait simplement le souvenir, embelli
par une fantaisie fonde sur la ralit vcue, de la terre lointaine
d'o taient venus, non pas leur propres anctres, mais ceux
des Toltques. Car il n'y a aucun doute que ceux-ci gagnrent
le Yucatan depuis I'Anahuac, comme ils taient arrives antrieure
ment du Nord dans les valles mexicaines. Il s'agissait donc d'une
tradition trangre, et il n'est pas tonnant qu'elle se soit profon
dment modifie avec le temps.
Apprendre que les Toltques, dont nous savons qu'ils entrrent
au Mexique au IX' sicle, procdaient d'un pays lointain, cela ne
manque certes pas d'intrt. Mais il serait beaucoup plus impor
tant d'tablir o tait situe Tula. C'est en vain qu'on a essay
de l'identifier Teotihuacan ou Xicotitlan. Ces villes que les
Toltques occuprent leur arrive dans l' Anahuac se trouvaient,
respectivement, 50 et 1 00 km de Tenochtitlan, et on peut
difficilement les considrer comme la capitale d'un pays lointain.
Le problme reste donc pos et ce n'est que par dduction qu'il
nous est possible d'arriver une hypothse satisfaisante. Le dtail,
mentionn plus haut, du temple de bois nous fournit une indi
cation prcieuse. La seule rgion o il existait, au Moyen Age, ce
genre d'difices religieux, c'tait, en effet, la Scandinavie. Si nous
considrons que la ville o se trouvait le temple en question s'ap
pelait Tula, mot qui ressemble trangement Thul, nom pri
mitif des terres du Grand Nord europen, les faits rapports par
les chroniqueurs commencent prendre un sens.
Il y a plus encore : le nom du " pays d'Oiman " parfois, " Oli
man " ou Oloman >> - d'o, pour les Mayas, venaient les Tol
tques. On a voulu faire driver Olman d'ul/i - ou olli : l'u et l'o
se confondent dans les langues amricaines -, terme maya qui
signifie caoutchouc et que l'espagnol s'est incorpor sous la forme
d'hule et, du moins au Mexique, avec le mme sens. Cette inter
prtation n'est pas impossible, bien sr, mais elle est hautement
improbable. Pour les Mayas, en effet, le caoutchouc tait un pro
duit des plus communs qui ne pouvait en aucune manire consti
tuer la caractristique essentielle d'une terre lointaine et extraor
dinaire. La logique voudrait qu'Oiman - ou Ulman -, dans
l'expression employe par Sahagun, se rapportt au nom du pays
d'o procdaient les nouveaux-venus, ou au nom du chef de ces
derniers. Or Ull ou Ullr est, dans la mythologie nordique, le dieu
des chasseurs. Ullman signifie donc dans n'importe laquelle des
langues germaniques, l'homme d'Uil " nom ou surnom bien
choisi pour un guerrier scandinave.
Ajoutons que les chroniqueurs donnent encore un autre nom
au pays d'origine des Toltques. Ils l'appellent Zuyua ou Zuiva,
selon les transcriptions. Il s'agt videmment du mme mot crit
avec un u ou avec un v, mais cette variation orthographique nous
empche de savoir quelle tait sa prononciation. De toute manire,
le terme n'est pas nahuatl, ni maya. Nous lui trouvons, au contraire,
de possibles racines dans le vieux scandinave : sol, soleil, et huitr
- ou hvitr -, blanc. Le soleil blanc " c'est celui de l'aube, qui
apparat l'Orient. Ce n'est peut-tre donc pas par hasard que
Quetzalcoatl, le dieu blanc des Nahuas, porte, entre autres, le
surnom de Seigneur de l'Aurore " ni que Manko Kapak, le
Fils du Soleil fondateur de l'empire des incas, sortit, au dbut
de sa campagne de reconqute, d'un lieu nomm Pakkari Tampu,
c'est--dire l'Abri de l'Aurore.
De tels arguments tymologiques n'ont, bien sr, pas grand
poids si nous les exposons isolment et, ce stade de notre
recherche, le lecteur aurait bien le droit de les considrer comme
tirs par les cheveux. Mais nous allons voir qu'ils ne font que
confirmer des preuves d'une nature toute diffrente.

z. Quetzalcoatl, le rot blanc des Toltques

L'histoire du peuple toltque fot fort brve. Elle commena


en l'an 856 de notre re, lorsque les nouveaux venus dans l'Anahuac
commencrent construire, au nord de l'actuelle Mexico, un
grand centre urbain. Dix rois se succdrent jusqu'en 1 1 74,
anne en laquelle les Chichimeques prirent et incendirent la
ville. Le cinquime souverain, qui rgna dans la seconde moiti
du X' sicle, nous intresse particulirement : il tait blanc et barbu
et venait d'un lointain pays. Les Toltques, qui l'appelaient
Quetzalcoatl, le consideraient comme un dieu, fils du Soleil. cest
lui qu'ils devaient leur haute culture, leur religion, leurs lois,
leur calendrier, et aussi les techniques de l'agriculture et de la
mtallurgie.
Quetzalcoatl avait dbarque Panuco, sur le Golfe du Mexique,
avec un groupe de guerriers blancs et barbus comme lui. Aprs
tre mont sur le plateau de l'Anahuac, il s'tait impos aux
Toltques dont il tait devenu le roi. Vingt ans plus tard, il orga
nisa, avec un groupe des siens, une expedition au Yucatan ou
il ne resta que quelques annes. De retour dans l'Anahuac, il
constata que les guerriers blancs qu'il y avait laisss aux ordres
d'un lieutenant - que les Nahuas appelleront Tezcatlipoca et
dont ils feront le dieu solaire de la dcomposition (le Soleil putr
facteur) - s'taient maris avec des femmes indignes. Quetzal
coati essaya vainement d'imposer son autorit. Ses hommes se
divisrent en deux groupes. Avec ceux qui lui restrent fidles,
le roi descendit jusqu' la cte de l'Atlantique, l'embouchure
de la rivire Goasacoalco. lei, les traditions divergent. L'une
nous dit qu'il disparut sans que personne se rendt compte de
ce qui s'tait pass. Une autre, qu'il mourut et que son corps fut
brl. Une troisime, qu'il construisit un " bateau-serpent ,
s'embarqua avec les siens et disparut sur la mer. Presque tous
les rcits concident, cependant, sur un point : Quetzalcoatl
annona qu'un jour des hommes blancs et barbus comme lui
viendraient de l'Orient pour le venger et qu'ils domineraient le
pays.
Il n'y a aucun doute en ce qui concerne la personnalit du roi
des Toltques. Quetzalcoatl fut un personnage historique de
race blanche qui, en un peu plus de deux dcennies, transforma
et developpa, grce son enseignement, la culture de l' Anahuac.
Il tait arriv de l'est par la mer et repartit vers l'est, ce qui exclut
toute possibilit qu'il s'agisse d'un mythe solaire. Car, dans ce
dernier cas, il aurait disparu vers l'ouest. La raison de son dpart
fut d'ordre racial : il ne put pas supporter le mtissage d'une
partie de ses compagnons et il les abandonna leur sort pour
sauver la purete de sang de ceux qui restaient fidles leur her
dit. L'impression que son court rgne laisse chez les indignes
fut telle que cetu-ci l'incorporrent leur mythologie, comme
nous le verrons au chapitre suivant. Lui, avait etabli le culte du
Soleil; eux, le considrrent comme l'incarnation de leur nou
veau dieu.
Quel est le sens du nom que portait le roi blanc? Le quetzal
est un oiseau mexicain (trogon splen.deru) pourvu d'un magnifique
plumage vert. Coat[ signifie serpent. Quetzalcoatl veut donc dire
serpent-oiseau et, moins littralement, serpent emplum. C'est
l un nom bien trange pour un roi comme pour un dieu, mme
si l'on tient compte de l'imagination fertile des Indiens. Et
d'autant plus que l'expression parat avoir t applique, non
seulement au chef blanc, mais encore, dans une certaine mesure,
tous les etrangers, voire mme, plus tard, aux descendants
de ceux qui restrent dans l' Anahuac. Peut-tre convient-il,
pour le comprendre, de penser l'apparence que pouvait avoir,
pour les indignes, un navire viking, avec sa proue lance, sa
grande voile carre et, sur ses bordages, les boucliers qui tin
celaient au soleil. Ce n'tait pas sans raison que les Scandinaves
appelaient snekkar, serpents, leurs bateaux de plus petites dimen
sions que les grands drakkar.
Les descriptions que les chroniqueurs nous donnent de Quet
zalcoatl renforcent l'hypothse. Tous nous le montrent comme
un homme blanc de haute taille et la longue barbe. Mais l'una
nimit ne va pas au-del de cet aspect physique. Les textes ne
sont pas d'accord sur ses vtements. Selon les uns, il portait une
longue robe blanche et, par dessus, un manteau sem de croix
rouges, tait chauss de sandales, se couvrait la tte d'une espce
de mitre et tenait une crosse la main. D'autres le dpeignent
vtu d'une casaq11e de grossire toile noire, manches courtes
et larges, et ouvert d'un casque orn de serpents.
Les dfinitions psycho-sociales du personnage ne concident
pas davantage. D'une part, en effet, Quetzalcoatl apparat comme
un prtre aux coutumes austres. Il n'avait ni femme ni enfants
et se livrait, dans la montagne, des exercices d'ascse. La reli
gion qu'il prchait ne devait pas beaucoup ressembler celle que
les Espagnols purent observer, car elle interdisait formellement
les sacrifices humains. D'autre part, Quetzalcoatl tait un redou
table guerrier qui ne pensait qu' la victoire sans trop s'arrter
sur les moyens. L'iconographie aztque confirme cette antino
mie et on a l'impression de se trouver en face de deux person
nages diffrents qui se superposrent avec le temps et se con
fondirent sous un nom gnrique qui exprimait leur commune
origine et laissait de ct les caractristiques particulires de
chacun d'eux. Ce que confirment les traditions mayas qui se
rfrent clairement deux dieux blancs distincts.

3 Itzamna et Kukulkan, les Dieux blancs Mayas

Les Mayas du Yuatan se rappelaient deux arrivees succes


sives d'hommes blancs et barbus. La premire - la Grande
Arrive - fut celle d'un groupe que conduisait un prtre, ltzamna,
et qui vint de l'orient par la mer. Son chef avait toutes les carac
tristiques physiques et morales du Quetzalcoatl asctique. Il
donna la population ses dogmes et ses rites, ses lois et son
calendrier et aussi l'criture. Il lui apprit les vertus mdicales
des simples et lui transmit l'art de soigner.
La deuxime arrive, qui fut postrieure - la Dernire Arri
ve amena au Yucatan un groupe moins nombreux, conduit
par un guerrier blanc et barbu, Kukulkan, qui vint de l'ouest,
c'est--dire de l'Anahuac, prit le commandement des ltzas
qui, vraisemblablement, l'avaient appel et, avec eux, soumit
tout le pays dans lequel il fonda, sur les ruines d'une bourgade
antrieure, la ville de Chichen-ltza. Il tablit ainsi la paix et la
prosprit. Mais un soulvement indigne l'obligea rembar
quer. Notons que le nom de Kukulkan est l'exa:te traduction
de Quetzalcoatl : kukul, c'est l'oiseau quetzal et kan veut dire
serpent. Nous ne serons donc pas surpris de constater que dans
les traditions mayas, s'il est vrai que Kukulkan est toujours
distinct, comme personnage historique et comme dieu, d'ltzamna,
il n'en prend pas moins parfois les caractristiques de ce dernier.
Quetzalcoatl et Kukulkan sont la mme personne, mais le pre
mier reprsentait, pour les Nahuas, la fois le prtre et le guerrier
que les Mayas continuaient distinguer. D'o les rcits qui nous
dcrivent Kukulkan comme s'il s'agissait d'ltzamna : asctique,
humanitaire et vtu d'une longue robe blanche flottante. Le
processus d'unification des deux personnages tait en marche,
mais il n'eut pas le temps de se raliser compltement.
La confusion apparat nouveau comme totale chez les Tzen
dales du Chiapas, peuple de langue maya install l'ouest du
Yucatan. A une poque indtermine, arriva dans la rgion un
civilisaieur tranger qui apporta, outre l'ordre et la paix, le
calendrier, l'criture et les techniques de l'agriculture, sans par
ler des croyances et des rites religieux. Lui et ses compagnons
portaient de longues robes blanches flottantes. Une fois termine
sa mission, le dieu blanc divisa la rgion en quatre districts dont
il confia le gouvernement des subordonns lui, entra dans
une grotte et disparut dans les entrailles de la terre. Le nom
que les Tzendales donnaient Kukulkan ne laisse pas d'attirer
l'attention : Votan ou Uotan, comme le dieu germanique Wotan,
Wuotan ou VOden dont les Scandinaves des derniers sicles
paens firent Odin.

4 Bochica, le Dieu blanc des Muyscas

Sous des noms divers et avec des caractristiques moins dfi


nies, nous pouvons trouver le dieu blanc et barbu dans presque
toutes les rgions de l'Amrique Centrale. Condoy sort d'une
grotte chez les loques de la cte, au pied de la sierra du Chiapas.
Au Guatemala, les Quiches l'appellent Gucumatz - traduction
de Kukulkan - et Xbalanque. Les traditions des Cunas de
Panama le mentionnent, mais sans lui donner de nom. Peut-tre
s'agit-il d'une simple assimilation par contact. Car s'il est logique
qu'ltzamna ou Quetzalcoatl ait, depuis le Yucatan, parcouru
le Chiapas voire mme le Guatmala, regions peuples par des
Mayas, il semble improbable qu'il ait voyag plus au sud. Quant
Quetzalcoatl, d'ailleurs, nous savons qu'il ne resta que quelques
annes en Amrique Centrale et qu'il retourna rapidement dans
l'Anahuac.
74/ L. trand voyag< du Dieu-Soleil

De toute manire, ce n'est pas par l'isthme que Quetzalcoatl


- et peut-tre, antrieurement, ltzamna sur lequel nous sommes
beaucoup plus mal renseigns sans doute parce que plus ancien -

gagna l'Amrique du Sud o nous le rencontrons, dans les tra


ditions des Muyscas, ou Chibchas, sous les noms de Bochica,
de Zuhe (ou Sua, ou Zu) et de Nemterequetaba, et aussi avec
le surnom de Chimizapagua, terme qui semble signifier Mes
sager du Soleil. Car Bochica entra dans l'actuelle Colombie par
Pasca, aprs avoir travers les savanes du Vnzuela o nous le
retrouvons, comme chez de nombreuses tribus tupi-guaranis,
jusqu'au Paraguay, sous les noms de Zum, de Tzuma, de Tamou
et de Tourn. Il ne s'agit l que d'un vague souvenir qui suffit
d'ailleurs poser un problme. Car il semble difficile qu'il se
soit produit une diffusion par simple contact travers la fort
amazomenne.
Bochica tait un homme de race blanche, pourvu d'une abon
dante chevelure et d'une longue barbe et vtu d'une robe Hot
tante, conformment aux descriptions antrieures. Il trouva les
Muyscas dans un tat de sauvagerie presque total. Il les groupa
en villages et leur donna des lois. Prs de Coto, les Indiens vn
raient une colline d'o le civilisateur prchait aux foules runies
son pied.

5 . Huirakocha, le Dieu blanc Pruvien

O s'en fut Bochica ? Les traditions sont vagues et contra


dictoires sur ce point. Nous avons de bonnes raisons de sup
poser, cependant, qu'il s'embarqua avec les siens sur le Paci
fique, car nous voyons les Blancs barbus arriver, dans des canots
de peau de phoque (c'est--dire dans des bateaux semblables
aux grands umiaks des Esquimaux ou aux curachs irlandais),
sur la cte de l'actuel quateur. Comme ils l'avaient fait lors
de leur dbarquement dans le golfe du Mexique et comme ils
le feront au Prou et vraisemblablement pour les mmes raisons
climatiques, ils abandonnent rapidement la zone torride et
s'installent sur le Haut-Plateau andin o ils fondent le royaume
de Quito - ou de Kara - que plus tard les incas annexeront
leur empire. Nous ne savons rien de leurs activites. II ne nous
reste que le titre que portaient leurs rois : ils se faisaient appeler
Scyri ou Sciri. Ce mot n'a aucun sens en quitchoua - la langue
de l'endroit - mais, en vieux scandinave, skirr signifie pur
et skirri, plus pur . A l'poque chrtienne, skira, purifier ,
prendra le sens de baptiser et on appellera saint Jean-Baptiste
Skiri Jn.
Nous sommes mieux renseigns au sujet de l'tape suivante
de nos voyageurs : la cte du Pro o, depuis des sicles, tait
tabli le peuple chimou. Nufiez de Balboa, le premier Espagnol
qui l'atteignit, huit ans avant Pizarre, rapporte en effet que,
d'aprs la tradition locale, une grande flotte tait venue du Nord
sous les ordres d'un puissant chef, Heimlap, que secondaient
huit dignitaires de sa maison royale. L'expdition avait touch
terre l'embouchure de la rivire Paquisllamga (Lambayque).
Heimlap s'tait empar du pays et ses descendants l'avaient
gouvern jusqu' la conqute de la rgion par l'empereur inca
Tupak Yupanki, la fin du xv' sicle. Nous ne savons pas exac
tement quelle poque survint l'arrive de la flotte en question.
Mais nous pouvons dduire la date de l'histoire des Chimous.
Car l'empire du Grand Chimou disparut brusquement, avec
changement de dynastie, aux environs de l'an 1 000, ce qui cor
respond parfaitement, comme nous le verrons plus loin, la
chronologie de l'Amrique Moyenne.
La tradition rapporte par Balboa ne nous dit pas qui taient
Heimlap et ses compagnons. Mais le nom du chef venu du
Nord a, en ce qui concerne ce point, une valeur inestimable,
car il se rattache indubitablement un peuple germanique.
Heim - qui se prononce comme haym en espagnol - signifie,
en effet, en vieux scandinave comme en vieil allemand, foyer
ou patrie , tandis que lap se traduit par lambeau >>. Heimlap
- Lambeau de Patrie - pourrait parfaitement avoir t le sur
nom donn au chef d'une colonie nordique tablie en terre am
ricaine, ou le nom de cette colonie elle-mme, confondue par la
tradition indigne avec celui de son fondateur.
II est aussi possible que Heimlap soit une dformation de
Heimdallr, dieu guerrier de la mythologie scandinave. Celle-ci
l'appelait Sentinelle des dieux " parce qu'il tait charg de
76 J Le btUJd voyage du Di<!l-Sokil

surveiller, ne dormant jamais que d'un il, l'entre du Ciel, et


aussi Ennemi de L6ki , parce que, dieu du feu comme ce
dernier, il tuera, lors du Crpuscule des Dieux, le dieu infernal
et sera annihil par lui. Mais son surnom le plus courant est
celui de dieu blanc , ce qui explique suffisamment qu'un yarl,
en terre indienne, ait pu prendre son nom. Notons, l'appui de
cette seconde hypothse, que la deformation de dallr en lap est
insignifiante si nous considrons que le mot, difficile prononcer,
se transmit chez les indignes, oralement, au cours de plusieurs
sicles et que nous ne le connaissons qu' travers la transcription
phontique d'un conquistador qui n'avait, certes, aucune con
naissance de philologie.
Ajoutons que le dieu des Chimous s'appelait Guatan, nom
qui ressemble beaucoup celui de Votan ou Uotan, et qu'il
tait le dieu de la Tempte, comme le Votan de l'Amrique
Moyenne et comme le Wotan - ou Odin - germanique.
Nous retrouvons des hommes blancs barbus plus au sud, sur
le Haut-Plateau du Prou, au bord du lac Titicaca, o, d'aprs
le chroniqueur Velasco, ils seraient arrivs par mer de l'f'.qua
teur. Au lendemain de la Conqute, les Espagnols dcouvrirent
les normes ruines de Tiahuanacu, et les Indiens leur assurrent
qu'elles taient dj l lors de la fondation de l'empire des incas.
Les monuments n'taient pas l'uvre des peuples indignes
mais d'hommes blancs qui, installs tout d'abord dans l'le du
Soleil, au milieu du lac, avaient peu peu civilis la rgion.
La tradition les mentionne sous le nom d'Atumuruna, sur le sens
duquel les spcialistes de la langue quitchoua n'arrivent pas
se mettre d'accord. Brasseur de Bourbourg (37) voit dans ce mot
une dformation de hatun runa, hommes grands, alors que Vicente
Fidel Lapez traduit littralement peuple des adorateurs - ou :
des prtres - d'Ati , c'est--dire de la Lune dcroissante. La
difficult provient de l'imprcision avec laquelle les chroni
queurs transcrirent les termes indignes; imprcision d'ailleurs
bien explicable : non seulement le quitchoua ne s'crivait pas,
l'poque de la Conqute, mais encore l'alphabet latin ne par
venait pas exprimer fidlement tous les sons de la langue. Ceci
sans parler de la diction touffe qui caractrise encore aujour
d'hui les Indiens du Haut-Plateau qui prononcent toutes les
voyelles non accentues peu prs comme l'e muet franais.
f'.tant donn qu'il s'agissait du nom quitchoua des hommes
Le rand voyage du Dieu-Soleil/ 77

blancs de Tiahuanacu, nous sommes en droit de nous demander


si Atumanma ne devrait pas se lire, en ralit, Atumanma, ce
qui signifie hommes la tte de lune , expression quivalente
au visage ple >> des Indiens d'Amrique du Nord. Nous avons
des exemples de confusion de l'a et de l'u dans le mme mot.
Selon Garcilaso, les Espagnols appelaient Vilaoma le Grand
Prtre du Soleil, au lieu de Villak Umu. Et nous verrons plus
loin que les chroniqueurs donnent indiffremment une des
ftes incaiques les noms d'Umu Raymi et d'Uma Raymi. De
toute manire, la rfrence la Lune dcroissante semble peu
acceptable car nous savons que les hommes blancs de Tiahua
nacu adoraient le Soleil (Inti) et la Lune (Quilla) et qu'Ati n'tait
pour eux qu'une divinit secondaire. Quant l'interprtation
de Brasseur de Bourbourg, elle n'est pas carter, loin de l,
particulirement si l'on tient compte que hatun parat driver
de ytun, gant en vieux scandinave.
Le nom quitchoua des premiers habitants de Tiahuanacu
est, certes, fort important. Mais celui de leur chef, Huirakocha,
- que les Espagnols crivaient Viracocha - l'est plus encore.
Nous nous heurtons, son sujet, aux interprtations les plus
fantaisistes. D'aucuns traduisent cume (huira) de la mer
(kocha) '' Le chroniqueur Montsinos, pouss par une imagi
nation abusive, ne recule pas devant une transposition plus
potique : esprit de l'abme >>. Malheureusement pour lui,
l'Inca Garcilaso, dont la langue maternelle tait le quitchoua,
fait remarquer que, dans cet idiome, le gnitif prcde le subs
tantif qu'il complmente et, par ailleurs, se montre plus pro
saque : Huirakocha signifierait mer de suif >>. trange nom,
admettons-le, pour un dieu ! Peut-tre conviendrait-il de cher
cher une tymologie qui corresponde la langue prsume
des nouveaux-venus. A titre d'hypothse, car dans le domaine
de la philologie, et nous reviendrons sur ce point au dbut du
Chapitre V, on n'est jamais trop prudent, nous noterons alors
que huitr, ou hvitr, mot que n'importe quel Indien du Haut
Plateau prononcerait huira, signifie blanc n en vieux scandi
nave et god, dieu. Le son particulier qu'a la lettre d (th dur anglais)
dans cette langue n'existe pas en quitchoua. Il est normal qu'il
soit devenu ch.
Cependant, les traditions pruviennes ne concordent pas plus
que celles de l'Amrique Moyenne en ce qui concerne la person-
nalit et 1 'apparence du fils du Soleil. Guerrier pour certains
chroniqueurs, Betanzos, qui tait mari avec une indigne et
se trouvait ainsi en troit contact avec les Quitchouas, dcrit
Huirakocha, comme un prtre tonsure, blanc et barbu, vtu d'une
soutane blanche qui lui tombait jusqu'aux pieds et porteur d'un
objet semblable un brviaire. Nous verrons plus loin qu'il ne
s'agissait pas l du produit de son imagination. Notons qu'en
aymara, langue des Indiens du Haut-Plateau bolivien, soumis
par les Incas, le nom de Huirakocha tait Hyustus, selon la
transcription espagnole, et se prononait exactement comme le
latin justus, le Juste.
Les Atumuruna imposrent leur autorite aux tribus aymaras
et quitchouas et leur empire s'tendit jusqu'au Nord de Cuzco.
En mme temps, ils construisirent la ville de Tiahuanacu qu'ils
ne parvinrent pas terminer. Ce ne fut pas un ensemble de ruines
que les Incas et, plus tard, les Espagnols, trouvrent, mais un
chantier. Un cacique indigne de Coquimbo, Cari, se souleva,
en effet, contre la domination des Blancs. Vaincus au cours de
plusieurs batailles successives, ceux-ci se replirent sur l'le
du Soleil o eut lieu le dernier combat, qui fut aussi, pour eux,
une deroute. Les Indiens gorgrent la majeure partie des hommes.
Quelques-uns seulement russirent s'enfuir. Ils partirent vers
le Nord et arrivrent l'actuel Puerto Viejo, dans la province
quatorienne de Manta, o se trouvait le bois spcial avec lequel
on construisait les radeaux. Et Huirakocha " s'en fut en mar
chant sur la mer . Il ne prit pas au cours de son voyage. Nous
savons, au contraire, qu'il atteignit l'le de Pques et les archipels
polynsiens, o l'on se souvient de ses descendants sous le nom
d'Arii. Il n'est pas ncessaire d'insister sur ce point, parfaite
ment dmontr par M. Thor Heyerdahl (6).
Le cacique Cari, vainqueur des Blancs, est encore prsent
la mmoire des Indiens de Bolivie. Il est pour eux ce qu'Attila
reprsente pour les Franais, et les mres en menacent leurs
enfants, comme les Europens le font avec le croquemitaine.
Mais l'gorgeur des Atumuruna s'appelait-il rellement Cari,
ou bien lui a-t-on donn le nom connu de quelque gnie mal
fique? Nous pouvons nous le demander : Kari est, en effet, dans
la mythologie scandinave le sinistre gant de la tempte et il
avait fort mauvaise rputation, puisqu'on l'appelait le " dvo
reur de cadavres "
L. granJ voyage du Dieu-Soleil / 79

6. Les Incas, Fils du Soleil

La droute et l'limination des Atumuruna plongea le Prou


dans le chaos. Fuyant devant les envahisseurs, la population
se dispersa et ne tarda gure, selon le rcit que Garcilaso attribue
un de ses oncles, faire retour l'tat sauvage : En ce temps l,
les gens vivaient comme des btes froces et des animaux abrutis,
sans religion ni rgle, sans village ni maison, sans cultiver la terre
ni semer, sans se vtir ni couvrir leurs chairs, parce qu'ils ne
savaient pas travailler le coton ni la laine pour se faire des vte
ments. Ils vivaient deux par deux et trois par trois, comme ils
arrivaient se runir dans les grottes, dans les anfractuosits de
la montagne et dans les cavernes de la terre ... "
Tous les Blancs n'avaient cependant pas disparu. Un groupe
d' hommes du Titicaca " quatre du sexe masculin et quatre du
sexe fminin, tous frres et surs - c'est--dire, sans aucun doute,
de mme race - s'taient rfugis dans la montagne, derrire les
gorges de l'Apuri mac, la tte de dix tribus loyales. Runis en
conseil, les quatre chefs dcidrent : Nous sommes ns forts et
savants et, grce l'aide de nos peuples, nous sommes puissants.
Partons pour gagner des terres plus fertiles que celles que nous
possdons et, en y arrivant, assujtissons leurs habitants et faisons
la guerre tous ceux qui ne nous accepteront pas comme sei
gneurs >>.
L'arme partit des grottes de Tampu Toku - l'Abri -Refuge
et, aprs s'tre arrte un certain temps Pakkari Tampu -
l'Abri de l'Aurore - marcha sur Cuzco, quelque 40 km. Les
Blancs et leurs guerriers indignes firent plusieurs tapes, l'une
d'elles de quelques annes Tampu Kiru et une autre de deux ans
Matahua, l'entre de la valle du Cuzco, et finalement recon
quirent la ville qui avait appartenu leurs anctres. Ils y construi
sirent tout de suite le temple du Soleil. Au cours du long voyage,
l'un des Blancs, Manko Kapak, s'tait dbarass, par des moyens
que nous ignorons, de ses trois frres " et s'tait proclam roi.
Une autre version ne mentionne que lui et sa femme-sur,
Marna Oello, ce qui simplifie le rcit et surtout, fort probablement,
essaie de faire oublier les rivalits intestines du groupe.
80/ u grcuul voyage du Dieu-Soleil

Dans les traditions indignes, les quatre hommes blancs


portent le mme titre : agar. Le terme, nous dit Garcilaso, n'a
pas de sens dans la langue gnrale du Prou (le quitchoua);
dans la langue particulire des incas, il devait en avoir un .
Signalons ici que les seigneurs scandinaves s'appelaient gari, mot
que l'on traduit habituellement par comte et dont la pronon
ciation par un Indien quitchoua serait identique, sauf en ce qui
concerne l'augmentatif du dbut, celle d'agar. A cette simili
tude s'ajoute un doute fort srieux au sujet du sens de Kapak,
titre de Manko et de tous les empereurs incas, ses successeurs.
Garcilaso nous en donne deux interprtations distinctes, ce qui
dmontre son incertitude. D'une part il nous dit que Capa Inca
signifie Seul Seigneur " (capa = seul) et, d'aurte part, que capac
a le sens de riche et puissant par les armes " Or capa et capac

- kapa et katxzk selon l'actuelle orthographe quitchoua - sont


deux formes du mme mot. Nous pouvons donc nous demander
s'il ne conviendrait pas de chercher dans la langue particulire "
des Incas une acception plus satisfaisante. Nous la trouvons dans
le vieux scandinave kappi, hros, champion, chevalier. L'origine
du nom de Manko, qui n'a aucun sens en quitchoua, est presque
aussi claire : man signifie homme " dans toutes les langues
germaniques et ko semble tre une abrviation de konungr, roi.
Le fondateur de la dynastie incaique s'appelait donc homme
roi " : l'homme devenu roi.
Les descendants de Manko Kapak et de Marna Oello - ou,
plus probablement, ceux de tous les hommes du Titicaca n -
constiturent une caste aristocratique : les Incas de sang royal, qui
se mariaient exclusivement entre eux. Plus encore, les membres
de la famille impriale le faisaient entre frres et surs, afin de
conserver pur le sang des Fils du Soleil " Or le terme d'inca n'est
ni quitchoua ni aymara. D'o vient-il donc ? La rponse est facile :
dans les vieilles langues germaniques, la dsinence ing servait
dsigner les membres d'une mme lignage et nous la trouvons
encore, avec le mme sens, dans des mots franais tels que mro
vingien, carolingien et lotharingien. Ce n'est donc pas par hasard,
ni par erreur, que les chroniqueurs espagnols crivent inga au
lieu d'inca comme nous le faisons aujourd'hui. Les Incas taient,
par consquent, les Descendants par excellence : les descendants
de Manko Kapak et de ses frres ".
Les souverains, cependant, avaient des concubines qui n'taient
pas toutes de sang royal et, par ailleurs, dans les premiers temps
de l'empire, on avait cr des Incas par privilge , choisis parmi
les chefs indiens qui avaient collabor la reconqute. En thorie,
il s'agissait d'une couche sociale situe immdiatement en dessous
des Incas de sang royal, auxquels ils ne devaient pas se mlanger.
En fait, il se produisit sans aucun doute un certain mtissage. Les
empereurs incas, tels qu'ils furent reprsents dans les fresques
de l'glise Santa Ana de Cuzco, avaient le teint beaucoup plus
clair que leurs sujets. Ce n'tait cependant pas des Blancs purs.
Lorsque les Espagnols dcouvrirent les momies royales, deux leur
parurent exceptionnelles : l'une en raison de ses cheveux d'un
blond trs ple - c'tait celle de Huirakocha, ainsi nomm
cause de son aspect physique - et l'autre, celle de sa femme, parce
qu'elle tait blanche comme un uf .

7 Itinraire et chronologie

Considrons maintenant l'ensemble des traditions que nous


venons de rsumer. Il est impossible de ne pas tre frapp de
leur parfait enchanement. Le Dieu-Soleil et ses compagnons,
blancs et barbus comme lui, dbarquent sur la cte atlantique du
Mexique. Avec l'appui des Toltques, Quetzalcoatl s'impose
dans l'Anahuac et apporte ses habitants religion et culture. I l
organise une expdition au Yucatan o, devenu Kukulkan, il
entreprend, avec la collaboration des ltzas, une tche du mme
ordre qu'un soulvement indigne interrompt. De retour dans
l'Anahuac, indign par le comportement des blancs qu'il y avait
laisss, il abandonne le pays et s'embarque sur l'Atlantique, ce
qui limine toute interprtation mythique de ses exploits.
Sous le nom de Bochica, nous le retrouvons sur le plateau de
Cundinamarca, dans l'actuelle Colombie, o il tait arriv tra
vers la savane du Vnzula, sur la cte atlantique duquel il avait
videmment dbarqu peu auparavant. Il reprend la mer, cette
fois-ci sur le Pacifique, dans des bateaux de peau de phoque et
atteint l'.quateur o il fonde le royaume de Quito. Puis il reprend
son voyage vers le sud, arrive dans la rgion d'Arica et, devenu
Huirakocha, monte sur le Haut-Plateau o il s'tablit dans les les
et sur les bords du Lac Titicaca et impose son autorit aux popu
lations indiennes qu'il civilise. Un soulvement indigne l'oblige
s'enfuir et nous le voyons rembarquer sur le Pacifique : il arrivera
en Polynsie. Il ne reste au Prou qu'un petit groupe de Blancs
qui refont leurs forces, marchent victorieusement sur Cuzco
et fondent l'empire des incas qui durera jusqu' l'arrive des
Espagnols. Rien de plus cohrent, sauf en ce qui concerne la super
position de deux divinits blanches que les traditions ne distinguent
jusqu' un certain point, qu'au pays maya. Nous reviendrons, au
chapitre IV, sur cet aspect du problme.
Reste savoir si la chronologie permet d'unifier, comme
nous l'avons fait, les divers rcits. Les dates que nous donnent
les spcialistes ne sont gure dignes de foi. Elles sont trop souvent
d'une haute fantaisie et il n'est pas rare de relever entre deux
auteurs srieux des variations de plusieurs sicles, voire de plu
sieurs millnaires. Mais nous avons heureusement deux points de
repre exacts et srs.
Le premier est la fondation par Quetzalcoatl - ou, si l'on
veut, la deuxime fondation, puisqu'il existait dj les ruines
d'une bourgade antrieure - de la ville maya de Chichen ltza.
Nous avons vu que le Dieu-Soleil descendit du plateau mexicain
quelque vingt ans aprs son dbarquement Panuco et qu'il ne
resta que quelques annes au Yucatan. Or nous connaissons la
date de son arrive Chichen ltza : katun 4 ahau du calendrier
maya, c'est--dire l'an 987 de notre re. Quetzalcoatl surgt donc
de l'ocan en %7, approximativement.
Le second point de rfrence est peine moins prcis. Lorsque
les Espagnols arrivrent au Prou, le dernier empereur inca, Huas
car, venait d'tre assassin par son demi-frre mtis, Atahuallpa.
Sans le compter, douze souverains s'taient succd sur le trne
depuis Manko Kapak, mais deux d'entre eux, qui taient jumeaux,
l'avaient fait conjointement. Une gnration quivalait alors
quelque vingt ans. Il en fut ainsi la mme poque et dans des
conditions de vie assez semblables pour les onze rois de France
qui se succdrent de Philippe IIJ, qui monta sur le trne en 1270,
et Charles VIIJ, mort en 1498. La gnalogie des rois aztques
entre 1375 et 1520 contient neuf souverains qui rgnrent, en
moyenne, seize ans chacun. Or Huayna Kapak, l'empereur de la
onzime gnration, mourut en 1 525. Donc, Manko Kapak
fonda l'empire vers l'an 1 300.
Nous ignorons, bien sr, la date du dbarquement de Huira
kocha au Prou. Mais nous pouvqns prsumer qu'elle eut lieu peu
aprs le dpart de Quetzalcoatl du Mexique et que le voyage entre
l'embouchure de la rivire Goasacoalco et l'actuel port d'Arica
fut relativement court. S'il en tait autrement, nous trouverions
tout au long de l'itinraire du dieu blanc des traces de son sjour,
alors que nous ne recueillons que le souvenir de son passage. Bien
au contraire, les difices de Tiahuanacu, sur lesquels nous revien
drons au Chapitre VII, dmontrent que les Atumunma s'taient
installs dfinitivement dans la rgion du Titicaca. Parti du
Mexique vers la fin du X' sicle, le Dieu-Soleil dut se dplacer
vers le sud, en plusieurs tapes successives, pendant un demi-sicle
ou un sicle. Il arriva donc Tiahuanacu entre 1050 et I l 00 et
disposa de quelque deux-cents ans pour crer son empire et
construire sa capitale inacheve : plus qu'il ne lui en fallait, quant
ce dernier point, si l'on songe qu'en Europe, dans le mme laps
de temps, on difiait les cathdrales gothiques.
En rsum, nous sommes en condition de tracer le schema
chronologique suivant :

967 Dbarquement de Quetzalcoatl Panuco, Golfe


du Mexique.
987 Arrive de Kukulkan au Yucatan.
989 Retour de Quetzalcoatl dans I'Anahuac, rembar
quement dans le Golfe du Mexique et dbarquement
dans le Golfe du Mexique et dbarquement sur la
cte vnzulienne.
1 050- 1 1 00 Dbarquement de Huirakocha Arica, Prou.
1280- 1290 Droute de Huirakocha dans l'le du Soleil, fuite
et embarquement sur le Pacifique.
1 300 Conqute de Cuzco par Manko Kapak et fondation
de l'empire des incas.
8. Les Hros blancs de l'Amrique moyenne et
du Prou

Les traditions des divers peuples considrs s'enchanent donc


parfaitement. Elles nous montrent un groupe de guerriers blancs,
au type nordique, qui dbarque sur la cte mexicaine et transmet
une partie de sa culture aux habitants de I'Anahuac, du Yucatan
et des rgions voisines. Sous le nom de Quetzalcoatl dans le
pays nahuatl, de Kukulkan en terre maya, de Votan au Guatmala,
de Zuh au Vnzuela et de Bochica en Colombie, le chef blanc
qui, vraisemblablement, s'appelait Ullman devient avec le temps,
dans l'esprit des indignes, malgr les difficults auxquelles il
s'tait heurt durant son sjour dans les divers pays, un dieu
civilisateur. Combien de temps dure exactement le voyage qui
conduit les blancs jusqu' la cte colombienne du Pacifique, et
quand meurt Ullrnan? Nous l'ignorons. La tradition se limite
nous montrer les nordiques, dj aux ordres d'un nouveau chef,
Heimlap ou Heimdallr, arriver sur des bateaux en peau de phoque
en quateur, o ils fondent le royaume de Quito, puis au Prou,
o ils s'tablissent dans la rgion du lac Titicaca et commencent
construire une mtropole : Tiahuanacu. Vaincus, aprs quelque
deux sicles, par une invasion d'Indiens chiliens, les Blancs se
dispersent. Les uns longent la cte vers le Nord et s'embarquent
sur des radeaux qui les conduisent aux les ocaniennes. D'autres
s'chappent du Haut-Plateau et disparaissent dans la fort amazo
nienne o nous trouvons, jusqu' nos jours, leurs descendants.
Un petit groupe, enfin, se rfugie dans la montagne d'o, avec
l'appui d'Indiens loyaux, ils reconstruisent leur empire.
La tradition nous permet, grce aux noms et aux titres qu'elle
nous a transmis, d'identifier les Blancs que commandait le Dieu
Soleil. Ullrnan et Heimlap ou Heimdallr sont, en effet, des
noms scandinaves et nous trouvons la mme origine aux titres de
Sciri (de skirr, pur), d'ayar (de yarl, comte) et d'inca ou inga
(de ing, descendant). Le nom de Huirakocha (de huitr, blanc, et
de god, dieu) rend l'vidence encore plus formelle.
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 85

Cependant, les textes nous signalent la prsence antrieure,


en Amrique Moyenne, d'un dieu blanc aux caractristiques
diffrentes - pacifique et asctique - qui, dans l'Anahuac, se
confond avec Qutzalcoatl et lui donne une deuxime personnalit
incompatible avec la premire, alors qu'au pays maya il conserve
sous le nom d'ltzamna, une ralit autonome.
D'o venaient Ullrnan et ses hommes ? La chronologie que nous
avons tablie exclut toute possibilit d'une origine vinlandaise
puisque le voyage de Leif fut postrieur de plusieurs dcennies
l'arrivee du Dieu-Soleil au Mexique. Il ne peut donc s'agir que
d'une expdition antrieure celles que nous rapportent les sagas
dont nous avons mentionn la porte rduite au Chapitre 1. Au
contraire, ltzamna peut fort bien tre venu de Huitramannaland.
Car les rcits scandinaves nous indiquent que la Grande Irlande
existait dj dans la seconde moiti du X' sicle.
IV. LE DIEU-SOLEIL
1. Deux mythologies
Un srieux danger menace ceux qui, sans avoir une profonde
formation thologique, s'appliquent tudier les croyances
religieuses des peuples amrindiens. Nous ne connaissons gure
celles-ci, en effet, qu' travers les rcits des chroniqueurs espaguo]s
ou hispaniss qui se limitrent nous dcrire les idoltries "
des Nahuas, des Mayas et des Quitchouas telles que les indignes
les leur contrent et qui le firent, quelques rares exceptions prs,
celle du P. Bernardino de Sahagun en particulier, avec peu de
discernement et moins encore de bienveillance. Nous ignorons
presque tout, par consquent, de la thologie amricaine qui se
prsente nous dissimule derrire d'innombrables mythes,
souvent contradictoires et mme parfois incohrents. D'o une
double tentation : celle de considrer les religions indignes
comme des ramassis grossiers de superstitions et de rites magiques,
et celle d'introduire dans les images qui sont arrives jusqu' nous
des lments thologiques, mtaphysiques et mystiques qui leur
sont trangers. Ce qui nous amnerait, d'une part, rabaisser les
peuples civiliss de l'Amrique prcolombienne au niveau des
tribus animistes de l'Afrique noire et, d'autre part, faire de
Teotihuacan une seconde Alexandrie.
Ce qui caractrise la mythologie mexicaine, c'est la personni
fication anthropomorphique des forces de la nature, considres
90 / L. grand voyage du Dieu-Soleil

comme des manations, des hypostases ou des avatars d'un Dieu


suprme qui, la fois, cre le monde et lui appartient. Ce n'est
point l une conception originale : nous la trouvons chez les peuples
aryens et, en particulier, chez les Germains...
Essayons de runir les lments fondamentaux de semblable
conception mythologique du monde :
Au commencement tait le chaos. Tout tait en suspens,

tout tait immobile. Il n'y avait encore ni terre, ni animaux, ni


tres humains. Seul existait, au dessus de l'immense abme de la
nuit ternelle, le Pre du Ciel qui vit en tout temps et gouverne
son royaume avec un pouvoir absolu.
Le Pre du Ciel dcida alors de crer la terre et l'homme. Il

s'unit la Mre du Ciel, ou Mre Terre, qui tait la fois sa mre,


son pouse et sa lille, et il engendra en elle les dieux crateurs.
Ceux-ci ordonnrent le chaos et firent la terre, une sphre dont
l'axe est l'arbre du monde, soutenue aux points cardinaux par
quatre divinits. Puis ils crrent les animaux et, enfin, se consa
crrent former l'homme.
Leurs premiers essais chourent. Ils donnrent la vie des
gants pervers qu'ils durent noyer dans le Dluge universel. Ils
prirent alors deux morceaux de bois et firent d'eux le premier
couple humain.
L'homme reut une me immortelle. Au sommet de l'Arbre

du Monde est situe le Paradis des Guerriers, o ceux-ci habitent


avec les dieux. Dans les profondeurs du monde souterrain,
un enfer glace de neuf cercles reoit les mes des damns .
Le monde ainsi form aura une fin. Car ct des dieux
crateurs qui le conduisent, se trouve le dieu mauvais qui travaille
le dtruire. Avec ses acolytes, ce dernier attaquera et vaincra les
dieux bnfiques, et des monstres ses ordres dvoreront le
cosmos. Tout fera retour aux tnbres et au chaos. Cependant, le
Pre du Ciel ressuscitera ses fils, et tout recommencera "
Cette exposition, que nous avons mise entre guillemets, corres
pond-elle la mythologie germanique ou la mexicaine? Nous
ne l'avons pas prcis, justement pour que le doute subsiste. Car
le schma que nous venons de prsenter vaut aussi bien pour l'une
que pour l'autre, et nous allons le dmontrer.
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 91

2. Le cosmos de l'Amrique Moyenne

En dehors des rcits des chroniqueurs espagnols et hispaniss,


la source fondamentale des donnes que nous avons sur les con
victions religieuses des Nahuas et des Mayas est un texte anonyme,
le ManWlCrit tk Chichicastenango, rgid peu aprs la Conqute,
que nous connaissons sous le nom de Popol Vuh que lui a donn
Brasseur de Bourbourg, son traducteur. En ralit, l'auteur, un
Indien fort cultiv rcemment converti au christianisme, dclare
dans son ouvrage qu'il a voulu sauver, en l'crivant dans sa langue
mais en caractres latins, le patrimoine religieux et historique du
peuple quich-maya auquel il appartient, " parce qu'on ne voit
plus le Popol Vuh... qu'avaient autrefois les rois, car il a disparu .
Nous verrons, au chapitre suivant, quels sont le sens et l'origine
du titre de cet ouvrage perdu.
Le Manuscrit de Chichicastenango commence par une description
du cosmos avant la cration :
" Nous allons raconter ici comment tout tait en suspens,
tout tait calme, en silence, tout tait immobile, muet, et vide
l'extension du ciel.
" C'est le premier rcit, le premier discours. Il n'y avait encore
pas un homme, pas un animal, oiseaux, poissons, crabes, arbres,
pierres, grottes, falaises, herbes ni bois; il n'existait que le silence.
La face de la terre ne se manifestait pas. Il n'y avait que la
mer calme et le ciel dans toute son extension.
Il n'y avait rien ensemble, rien qui ft du bruit, ni rien qui
bouget, ni qui s'agitt, ni qui ft du bruit dans le ciel.
Il n'y avait rien qui ft debout; rien que l'eau au repos, la mer
paisible, seule et tranquille. Il n'y avait rien qui ft dot d'exis
tence.
Il n'y avait qu'immobilit et silence dans l'obscurit de la
nuit... (35)
Il n'a pas manqu de commentateurs pour faire remarquer
la ressemblance de ce texte avec le premier verset de la Gense :
..la terre tait le nant et le vide, et les tnbres couvraient la

surface de l'abme, tandis que l'Esprit de Dieu planait au-dessus


des eaux '' et pour souponner l'auteur du Popol Vuh - res-
92! Le grand ooyage da Dlea-Solet1

pectons la coutume d'appeler ainsi le Manuscrit de Chichicas


tenango - d'avoir introduit dans son ouvrage, pour s'attirer les
bonnes grces des Espagnols, des lments chrtiens. Ce n'est
pas une hypothse exclure totalement, bien que le reste du
livre ne fasse aucune concession la nouvelle religion. Mais la
conception du chaos originel, en ralit bien peu chrtienne
puisqu'elle contredit le dogme de la cration ex nihilo n'appar
tient pas qu' la Bible. Nous la trouvons dans les livres sacrs
de tous les peuples aryens. Citons le Rigvda :
Il n'y avait alors ni tre ni non-tre. Ni univers, ni atmosphre,
ni rien au-dessus. Rien, nulle part, pour le bien de qui que ce
ft, contenant ou contenu. La mort n'existait pas, ni l'immor...
talit, ni la distinction du jour et de la nuit. Mais cela
pa1p1trut...
. . (")

Et le Viiluspa scandinave, pome du IX' sicle, antrieur au


christianisme, qui fait partie des Edda, s'exprime en ces termes :
Dans les jours anciens - rien n'existait - ni le sable, ni la
mer - ni les vagues moutonneuses; - il n'y avait pas de terre
- ni de firmament - ni un brin d'herbe; - seulement l'Abme
ouvert ('0).
Sous des formes peine diffrentes, l'ide est la mme dans
les quatre textes : celle du chaos, c'est--dire de la matire dsor
donne, distincte la fois de l'tre - qui suppose un ordre -
et du non-tre - le nihi/ de la thologie chrtienne - qui exclu
rait toute potentialit. Dans les quatre textes, galement, l'.tre
absolu est prsent au-dessus du chaos : le Cur du Ciel, dans le
Popol Vuh; l'Esprit de Dieu, dans la Gense ; le Pre du Ciel,
dans les Vdas; le Pre de Tout, dans les Edda.
Laissons de ct les cosmogonies hindoue et hbraque pour
ne considrer que celles qui nous occupent ici : celle de l'Am
rique Moyenne et celle de la Scandinavie. Dans toutes les deux,
la cration du cosmos se produit de la mme manire : par l'intro
duction de Dieu dans la matire. C'est de Dieu qu'manent les
Dieux Crateurs qui donnent une forme au chaos et modlent
la terre et le firmament, puis les plantes et les animaux. La cra
tion de l'homme constitue une tche plus difficile. Les Crateurs,
nous dit le Popol Vuh, lirent en premier lieu un homme de limon,
mais il lui manquait l'intelligence : il s'humidifia et se dsagrgea.
Ils firent alors des bonshommes de bois qui parlaient comme
les tres humains et qui peuplrent toute la terre. Mais leurs
Le grand voyage du Dim,.So/eil/ 91

enfants n'avaient pas d'me, et le Cur du Ciel les dtruisit


dans le grand Dluge. Quelques-uns survcurent : les singes
en descendent.
La tradition des Nahuas de Michoacan et celle des Mayas
du Chiapas nous offrent une intressante variante de ce rcit.
D'aprs elles, ces premiers tres pseudo-humains taient des
gants. Sept d'entre eux parvinrent chapper au Dluge et
construisirent - Cholula, prcise la tradition nahuatl - une
grande pyramide grce laquelle ils voulaient monter l'assaut
du Ciel. Mais Dieu les dtruisit sous une pluie de feu.
La cosmogonie scandinave est presque identique. Du chaos
naquirent d'abord les Gants Glacs que conduisait l'herma
phrodite Ymir qui les avait engendrs. Les Dieux les annihilrent
par un Dluge dont un seul parvint se sauver avec sa famille.
Du corps d'Ymir, les Crateurs firent la terre.
La formation de l'homme est galement fort semblable dans
les deux cosmogonies. Selon de Popol Vuh, Dieu modela quatre
hommes dans de la pte de mais, leur donna la vie, bien qu'en
limitant leur sagesse, et lit leurs femmes pendant leur sommeil.
Pour les Mixtques de l'Anahuac, l'homme sortit d'un arbre.
Dans les Edda, les Crateurs ramassrent deux morceaux de
bois jets sur la plage par les vagues, selon une version, ou deux
arbres, d'aprs une autre, et les taillrent en leur donnant une
forme humaine. Puis ils leur insuflrent une me et la vie.
Une fois termine de cette manire l'uvre de cration, quel
fut son rsultat quant la structure du cosmos? En ce qui con
cerne l'Amrique Moyenne, ce n'est pas au Popo/ Vuh que nous
pouvons recourir pour obtenir une rponse, mais aux rcits des
chroniqueurs, pleinement confirms par les codices. Quelle
surprise, si nous n'avions pas dj mentionn le fait ! Pour les
Nahuas comme pour les Mayas, en effet, la Terre est ronde. Les
Grecs le savaient, bien sr, mais l'Occident europen du Moyen
Age l'avait oubli. Le globe terrestre a comme axe l'Arbre du
Monde, ou Arbre de la Vie, dont les racines plongent les pro
fondeurs souterraines du royaume de la mort et dont les branches
s'lvent jusqu'au ciel. Quatre genies - les bacab de la mytho
logie maya : Kan, Muhuc, lx et Canac - soutiennent le monde
aux quatre points cardinaux.
Pour les Edda aussi, le cosmos est rond et un arbre constitue
son axe : le Frne Yggdrasill, qui est galement un symbole
. "?If Le grand Dogage t1u Dlett-Sok!f

phallique, c'est--dire vital, et sur la erte duquel un aigle a son


nid. Ce dernier dtail serait sans importance si nous ne trouvions
$0Uvent un aigle. symbole du Soleil, sur la cme de l'Arbre du
Monde nahuatl et maya.
Le cosmos que nous connaissons - le cinquime pour les
peuples de l'Amrique Moyenne et l'un des neuf contemporains
pour les Scandinaves - n'est pas ternel. De mme qu'il naquit
du chaos, il fera retour au chaos. Instruments du dieu mauvais,
le tigre et le serpent, selon les croyances nahuatl et mayas, ou
le loup Fenrir, dans la mythologie nordique, dvoreront le Soleil
et la Lune, et tout finira jusqu'au prochain renouveau.

3 Dieu et les dieux en Amrique Moyenne

L'erreur la plus courante que l'on commette en ce qui concerne


la religion de l'Amrique Moyenne consiste croire que les
!l:ahuas et les Mayas adoraient le Soleil. En ralit, ils adoraient
le Pre du Ciel, directement ou travers ses personnifications
diffrencies - ses avatars, en bon langage thologique -, les
dieux crs. Il en tait exactement de mme chez les Scandinaves
et, d'une manire gnrale, chez tous les peuples polythistes .
Il ne devait pas, bien sr, manquer de croyants qui prissent les
mythes au pied de la lettre, comme il y a des chrtiens d'une
fonnation religieuse insuffisante qui n'interprtent pas correc
tement le mystre de la Trinit, voire qui prennent les diverses
Madones pour des personnes diffrentes. Le mythe n'est-il pas,
prcisment, la reprsentation imaginelle d'une ide complexe
ou difficile comprendre, que l'on met ainsi la porte de tous?
Les hahitants de l'Amrique Moyenne, comme les Scandi
naves, croyaient en un Dieu suprme, crateur et conservateur
de l'univers, un Dieu invisible et impalpable, comme la nuit
et comme l'air n, dit Sahagun. Le Dieu par lequel nous vivons;
le Tout-Puissant qui connat toutes nos penses et le distributeur
de toutes les grces; celui sans lequel rien n'est homme; le Dieu
invisible, incorporel, la parfaite perfection et puret, sous les
Le grand voyage du Dim-&ldl l 95

ailes duquel nous trouvons le repos et un abri sr . On ne rendait


aucun culte ce Pre du Gel parce qu'il tait au-del des sacri
fices, qu'il tait inaccessible aul( prires et qu'on ne pouvait pas
le reprsenter physiquement. On l'honorait en la personne des
dieux crs, qui n'taient que des expressions diversifies de
sa puissance absolue. Ce n'est que chez les Mayas qu'il semble
avoir eu un nom : Hunabcu, et ce n'est mme pas bien sr. Les
Nahuas ne le dsignaient qu' l'aide de priphrases : Celui
de la proximit immdiate " et Celui par qui nous vivons "
Ce Dieu n'avait pas de statues, parce que personne << ne l'avait
connu ni vu jusqu' maintennt , comme dit htlilxochitl. Et on
ne mentionne qu'un seul temple ddi, par le roi Nezaualcoyotl,
au Dieu inconnu, crateur de toutes les choses .
Snorri Sturlusson, l'auteur islandais de l'Edda en prose ( 1 1 89-
1241) explique parfaitement, dans la prface de son ouvrage,
la ncessit que les peuples panthistes ont d'un Dieu suprme :
<< Il surgit chez eux l'ide qu'il devait y avoir un conducteur des

toiles du firmament, quelqu'un qui pouvait ordonner leur course


son gr et qui devait tre fort et avoir un grand pouvoir. Et
ils crurent que c'tait vrai : que s'il gouvernait les choses les
plus importantes de la Cration, il avait d exister avant les toiles
du ciel, et ils comprirent que s'il dirigeait la course des corps
clestes, il devait aussi gouverner l'clat du soleil et la rose de
l'air, et les fruits de la terre, et tout ce qui y pousse; et, de la
mme manire, les vents de l'espace et les temptes de la mer.
Ils ne savaient pas encore o se trouvait son royaume, mais ils
croyaient qu'il ordonnait toutes les choses sur la terre et au fir
mament... " Un sicle plus tard, l'empereur inca Tupak Yupanki

fera le mme raisonnement presque dans les mmes termes,


comme nous le verrons plus loin.
Cependant, le Pre du Ciel tait plus spcialement person
nifi, aux yeux des croyants, par un Dieu principal que l'on consi
drait comme le chef des dieux crs et auquel on rendait les
plus grands hommages. Mais ce dieu n'tait pas ncessairement
le mme toutes les poques ui chez tous les peuples d'une mme
religion. Non seulement chaque groupe, chaque couche sociale
et chaque communaut avaient un dieu protecteur, mais encore
ils choisissaient leur gr le dieu principal. C'est ainsi que chez
les Scandinaves, au dbut de notre re, la personnification suprme
du Pre du Ciel tait Tyr (ou Tiu, ou Ziu, du sanscrit Dyevs
dont procdent en gree Zeus et Theos, en latin Ju(piter) et .en
-vieil allemand Tiwaz), alors. qu' l'epoque viking Odin (Odinn
ou VOden. en Scandinavie; Wuotan ou Wodan, en Germanie)
l'avaient supplante, non sans que Thor lui disputt son rang,
du moins dans les couches inferieures de la population.
Le choix d'Odin comme dieu principal tait parfaitement
logique. Avatar du Pre du Ciel, la Mre Terre, Yord ou Frigg,
est la fois son pouse et sa fille, voire mme, semble-t-il, sa
mre, ce qui sullit dmontrer que les gnalogies divines sont
purement symboliques. Le Dieu Crateur est dans l'Abme
Ouvert, c'est--dire dans la matire - sa mre -, comme il
est normal dans une religion panthiste. Mais il ne peut ordonner
cette matire ni faire natre ainsi la Terre - sa fille - sans
s'tre unie elle - son pouse -. Comme Crateur, Odin est
l'ennemi de l'obscurit, et le Soleil est un de ses yeux. .tant
donne que son souffle anime la matire, il est le dieu du vent.
Et on lui attribue, en outre, le rle de psychopompe, c'est--dire
de guide des mes.
L'qnivalent d'Odin dans la mythologie de l'Amrique Moyenne
est un dieu principal - en nahuatl, teot/, mot semblable, en raison
de leur origine commune, Dyeva, au theos grec - qui porte
chez les Nahuas le nom d'Oilin Tonatiuh et chez les Mayas
celui de Kinichahau (Seigneur de la Face du Soleil). C'est le
dieu solaire par excellence, ce qui signifie simplement que le
Soleil - Notre-Pre le Soleil - en est la reprsentation visible.
Son nom maya ne pose donc aucun problme. Mais il n'en est
pas de mme de son nom nahuatl. Tonatiuh n'a aucun sens dans
la langue de I'Anahuac et les chroniqueurs, comme les auteurs
modernes, traduisent le terme par Dieu ou par Soleil ,
c'est--dire par ce qu'il exprime. Ollin (les deux 1 se pro
noncent sparement) signifie mouvement, et aussi tremblement
de terre, ce qui n'a videmment qu'un rapport bien lointain
avec la Divinit. Ce qui est trange, c'est que le mot de Tonatiuh
parat form des noms de deux dieux germaniques, Thonar
(Thor) et Tiu (Tyr). On en vient alors se demander si Ollin
n'est pas une dformation, d'ailleurs lgre si l'on tient compte
de l'imprcision des transcriptions espagnoles - Sahagun crit
Donadiu au lieu de Tonatiuh - du nom d'Odin. Nous aurions
ainsi une triade la manire scandinave - Odin, Viii et V;
Odin, Thor et Frey, etc. - comme la manire de l'Amrique
Moyenne : le Cur du Ciel des Quichs-Mayas est triple : Cal
culha-Hurakan, Chipi-Calculha et Raxa-Calculha. Il s'agirait
donc d'une Trinit sui generis qui comprendrait Odin, dieu
principal, dieu du Soleil et dieu du vent; Thor, dieu du tonnerre,
son fils; et Tyr, dieu de la guerre. Notons ici que le dieu solaire
aztque, Uitzilopochli - le Mage Colibri -, unifi avec Ol!in
Tonatiuh lors de la conqute de l'Anahuac par les chasseurs
nomades, est dieu de la guerre.
Nous pourrions poursuivre notre analyse comparative et
montrer comment Yiird trouve en Coatlicue, la Mre Terre,
son quivalent amricain; Loki, le dieu mauvais, dans le Tez
catlipoca nahuatl et dans le Zotzilaha-Chimalman maya, etc.
Mais, en ralit, de telles identifications ne prouveraient pas
grand'chose car toute religion qui personnifie les forces de
la nature n'a, pour dfinir ses dieux, qu'un nombre rduit de
possibilits. Par ailleurs, les analogies que nous avons signales
jusqu'ici - sauf en ce qui concerne le nom d'OIIin Tonatiuh,
qui a une porte beaucoup plus vaste - deviennent insigni
fiantes lorsque l'on considre Quetzalcoatl.
Nous avons dj rencontr, au chapitre III, ce personnage
historique, roi des Toltques au x sicle et civilisateur des
peuples nahuatl et maya. Nous avons vu comment, cur de
l'attitude de ses compagnons, il avait pris la mer pour l'Amrique
du Sud o nous pouvons suivre sa trace. Il disparut physique
ment de I'Anahuac et du Yucatan, mais son souvenir y persista.
Bien plus, on en fit un dieu qui finit par dominer le panthon
de l'Amrique Moyenne.
Le dieu Quetzalcoatl, blanc et barbu comme l'avait t l'homme,
perd les caractristiques guerrires qui avaient appartenu l'une
des deux personnalits du roi toltque (*). C'est le prtre et le
rformateur religieux qui se projette jusqu'au Ciel, et on lui
forge une biographie mythique qui correspond sa nouvelle
dignit et, surtout, aux valeurs qu'il reprsente.
Il n'est pas facile de situer Quetzalcoatl par rapport aux autres
dieux de l'Amrique Moyenne. En effet, il ne s'ajoute pas la
mythologie pr-existente comme put le faire Uitzilopochli qui
trouva sans grande difficult un dieu avec qui se confondre :
il se superpose elle et, pour une grande part, la contredit. Il

Cf. pl. X (b).


lutte contre Ollin Tonatiuh pour lui prendre sa place de dieu
principal et il y parvient, mais sans annuler son rival. Sous cer
tains aspects, il se confond avec lui, puisque tous deux apparaissent
comme fils de Coatlicue, la Mre Terre, et que leur conception
prsente le mme caractre trs spcial, car elle reproduit, vir
ginit part, le mystre chrtien de l'Incarnation : Coatlicue
devint enceinte de Tonatiuh aprs avoir cach sous sa robe une
plume blanche trouve dans un temple, et de Quetzalcoatl, aprs
avoir aval une pierre prcieuse. Dieu principal, c'est--dire
expression maximale du Pre du Ciel, il devient le Crateur,
le dieu de la vie et, comme Odin, le dieu du vent travers son
hypostase Enecatl, Hurakan chez les Mayas.
Ce n'est point l, cependant, l'aspect le plus important de sa
personnalit : seulement la consquence de l'emprise qu'il acquit
dans le cadre d'un monde qui l'avait vaincu. Ce qu'apporte
Quetzalcoatl aux hommes, c'est une nouvelle conception de la
vie et, par l mme, de la morale. Il essaie de remplacer le culte
sanguinaire de l'hrosme par une religion de la pnitence. C'est
avec lui qu'apparaissent les notions associes de pch, de remords
et de pardon. Et, comme corollaire, celle de rdemption. La vie
mystique de Quetzalcoatl, calque sur sa vie relle mais tota
lement transforme, nous claire sur ce point. Tezcatlipoca
devient son frre, dieu du Soleil de la Terre - le Soleil putr
facteur -, et, l'aide de ses complices lhuimcatl et Toltcatl
- ce dernier nom se rfre clairement au rle jou par les Tol
tques dans les vnements qui poussrent leur chef s'en aller -,
il parvint enivrer le Prtre et le faire dormir avec la belle
Quetzalptatl. A son rveil, Quetzalcoatl pleura sur son pch
et partit vers la mer. Sur la cte, il pleura de nouveau et mourut
dans les flammes qu'il avait lui-mme allumes. L'me de l'homme
dieu descendit aux enfers o elle russit, non sans dangers ni
sans terreur, arracher au Seigneur du Royaume des Morts
un paquet d'ossements de damns. Quetzalcoatl les aspergea du
sang qu'il fit jaillir de son pnis et, grce cette pnitence qu'imi
trent tous les dieux, sauva l'humanit.
La Rdemption par le sang de Dieu : il est impossible de ne
pas penser immdiatement au Christ. On pourrait aussi se rap
peler le mythe de Balder, le second fils d'Odin, tu par le dieu
aveugle Hodr, qu'avait tromp Loki, le dieu mauvais. Dieu
sanglant et dieu larmoyant, Balder descendit aux enfers d'o
il reviendra aprs le Crpuscule des Dieux, rachet par ses souf
frances et par les pleurs du monde, pour entrer dans le nouveau
Ciel. Cette double comparaison n'a rien d'trange : bien souvent,
au Moyen e europen, jsus et Balder se superposent et se
confondent. Ce n'est peut-tre pas par le seul fait du hasard
que le sens originel de Baldr est seigneur et que ]sus-Christ
est appel Notre-Seigneur " Et les Nahuas disaient gnra
lement de leur dieu rdempteur le Seigneur Quetzalcoatl "
Les caractristiques de l'ltzamna-Rdempteur des Mayas sont
semblables celles du Quetzalcoatl asctique. Kukulkan, au
contraire, conserve, comme dieu, la configuration du Quetzal
coati guerrier qui, dans l'Anahuac, tend se confondre avec
Ollin Tonatiuh, le dieu de la guerre, et prend, dans l'iconogra
phie, les apparences d'Odin.

4 Le sort des hommes et des dieux en


Amrique Moyenne

Sans la double ide de pch et de pnitence, ni le Ciel ni l'Enfer


n'auraient aucun sens. Il s'est trouv des auteurs, nanmoins,
pour affirmer que le sort des mes, chez les Nahuas et les Mayas,
n'tait qu'une question de rle social : les guerriers morts au
combat, les femmes mortes en couches et les victimes des sacri
fices allaient s'unir au Soleil, les paysans et les noys taient reus
dans les limbes du Tialocan et les autres tombaient dans le Mictlan,
l'enfer. Aprs Quetzalcoatl, tout au moins, il n'en fut videm
ment pas ainsi car on ne peut pas concevoir la Rdemption
sans pch ni chtiment. Mais le sang du dieu ne fit que gn
raliser le salut qu'assurait dj, individuellement, le sang des
guerriers, des accouches et, ce qui prouve notre assertion, des
victimes des sacrifices humains.
Les lus taient conduits par Toyamiqui, femme d'Uitzilo
pochli, la Maison du Soleil, le Paradis des Nahuas. Devenus
les compagnons de l'aigle " des hymnes guerriers et des com-
1001 Le pmul - du Dkv.-Sokil

bats simuls occupaient leur ternit. Chaque jour, ils suivaient


le Soleil jusqu' son znith, o les remplaaient les femmes
mortes en couches. Les paysans, auxquels la vie vgtative ne
permettait ni grands mrites ni grandes fautes; et aussi les fou
droys, les noys, les lpreux et les galeux, allaient une espce
de paradis terrestre o ils trouvaient toutes les satisfactions qu'ils
auraient souhait avoir en vie. Les rprouvs taient jets dans
le Mictlan, un monde souterrain situ sous les steppes sombres
et glaces du Nord. C'tait le royaume de Mictlantecuhtli, le
dieu des morts. Il n'tait mme pas facile d'y arriver. Accom
pagn d'un chien psychopompe, le damn errait pendant quatre
ans au milieu de vents glacs, poursuivi par des monstres, et il
lui fallait finalement traverser les Neuf Rivires, au-del des
quelles il trouvait le repos du nant. Le Popo[ Vuh nous donne
des Enfers, royaume de Xibalba, une description plus complte
mais concordante. Pour les Quichs-Mayas, les damns pas
saient par cinq cercles o ils subissaient divers chtiments :
la Maison Obscure, la Maison Glace, la Maison des Tigres,
la Maison des Vampires et la Maison des Couteaux. Le livre
ne nous dit pas comment finissait le voyage, ni mme s'il avait
une fin.
Sauf en ce qui concerne le Tlalocan, aux vagues rminiscences
chrtiennes, la conception que les Nahuas et les Mayas se fai
saient du Ciel et de l'Enfer semble calque, jusque dans ses
moindres dtails, sur la mythologie scandinave. A Asgard, rsi
dence des dieux situe au sommet du Frne Yggdrasill, se trouve
le Valholl, la " Demeure des Tus o les guerriers morts hro
quement au combat sont conduits par les walkyries, " slection
neuses de ceux qui sont morts violemment . Celles-ci rem
plissent la double mission de parcourir les champs de bataille,
d'y choisir les hros et d'assurer le service domestique du Wal
hala. Les morts glorieux - les Champions - passent leur temps
manger, boire de l'hydromel et se battre. Chaque jour,
ils vont au champ de manuvre et combattent. Ils se blessent
et se tuent. Mais, le soir, tous recouvrent l'intgrit ou la vie.
Les autres morts, les rprouvs, vont au Hel, le << Lieu d'Occul
tation situ dans les profondeurs souterraines. cest une rgion
roide et brumeuse, divise en neuf cercles superposs de plus
en plus froids mesure que l'on descend. On y pntre par une
porte que garde le chien Garmr et on traverse une rivire de
Le graruT voyage elu Dieu-Soleil/ 101

couteaux et d'pes effiles. On arrive ainsi au royaume de la


desse Hel, o les pcheurs - parjures, assassins et adultres -
mnent une vie misrable, entours de serpents. Dans le Hel
se trouve Loki, le dieu mauvais, le dieu dchu, que bien des
auteurs apparentent Lucifer.
Le sjour des damnes aux Enfers ne sera pas ternel. Un
jour, LOki s'chappera du Hel et se mettra leur tte. Avec l'aide
des gants, descendants de la famille qui avait survcu au Dluge,
du loup Fenrir et de ses fils et du Serpent du Monde, que Thor
avait en vain essaye de pcher et qu'Odin avait jete dans la mer
qui entoure la terre, il se lancera l'assaut d'Asgard. Ce sera
le moment du Ragnarok, du Crpuscule des Dieux. Car ceux-ci
seront vaincus. Le loup Fenrir et le Serpent du Monde, avant
de mourir dans le combat, dvoreront le Soleil et la Lune. Les
glaces envahiront la terre, et tout sera fini. Mais Blder, le
Rdempteur ressuscitera les dieux et un nouveau cosmos natra.
La mme conception de la fin du monde, bien que les dtails
en soient moins nombreux, faisait partie des croyances de l'Am
rique Moyenne. Quatre Soleils, c'est--dire quatre Mondes,
furent dtruits avant d'en arriver au ntre : le Soleil de la Terre
ou de la Nuit, le Soleil de l'Air, le Soleil de la Pluie de Feu et le
Soleil de l'Eau. Le Cinquime Soleil, ou Soleil des Quatre Mouve
ments, prira son tour quand les Monstres du Crpuscule
surgiront du fond de l'Occident, pousss par Tezcatlipoca, le
dieu mauvais, pour dtruire les tres vivants, tandis que le Monstre
de Terre brisera le globe entre ses crocs. Le genre humain dispa
ratra. Mais il natra un Sixime Soleil : un nouveau monde dans
lequel les hommes seront remplacs par les plantes, c'est-
dire par les dieux.

5 . La religion de l'Empire incaque

Les donnes que nous possdons au sujet des croyances reli


gieuses dominantes de l'Empire incaique sont bien moins nom
breuses que celles qui nous sont parvenues sur l'Amrique
Moyenne. Cette diffrence est peut-tre due, en partie, au fait que
le Prou n'a eu aucun chroniqueur du niveau intellectuel de
Sahagun. Mais, de toute manire, la cause fondamentale en est
la simplicit et la puret d'une religion qui, pratiquement, tait
dpourvue de mythologie. Ces caractristiques n'excluent pas,
cependant, une dualit primitive qui se manifestait encore, d'une
manire attnue, l'poque en question.
La couche la plus ancienne de la religion pruvienne tait
reprsente par les soixante-dix-huit dieux qui, dans le Panthon
de Cuzco, exprimaient les croyances des peuples incorpors
l'Empire. Les Incas tolraient, voire mme accueillaient favorable
ment, leurs idoles, comme le faisaient les Csars romains, pour des
raisons politiques. Un de ces dieux, cependant, jouissait d'une
situation privilgiee, et l'Empereur lui-mme ne ddaignait pas
de clbrer parfois des sacrifices rituels dans son grand temple du
Rimac. C'tait Pachakamak, le dieu du Feu des Chimous, dont
le nom signifie Animateur de la Terre " le Crateur immanent
dont l'uvre est personnifie jusqu' nos jours, chez les Aymaras
de Bolivie, par Pachamama, la Mre Terre. Pachakamak est
l'esprit ordinateur par lequel le chaos prend forme et dure. Car
Pacha est la fois la terre et le temps. Nous ne savons rien, malheu
reusement, de la cosmogonie pruvienne qui, si elle existait dans
un lointain pass, a d tre efface de la mmoire par le culte
imprial - et imprieux - du Soleil.
Notre ignorance de la thologie pr-incaique projette galement
son ombre sur l'poque des Atumuruna. Ce qui est fort explicable,
puisque les hommes de Tiahuanacu " disparurent presque tous
comme consquence leur dfaite de l'Ile du Soleil. Il y eut une
solution de continuit dans la civilisation cree par eux, et
l'empire incaque recueillit un hritage simplifi. Nous savons
cependant que les croyances des blancs qui dbarqurent sur les
ctes du Prou ne devaient pas tre trs diffrentes de celles
qu'ils laissrent en Amrique Moyenne : la thologie incaque
le prouve.
La religion, fonde par Manko Kapak, que connurent les Espa
gnols leur arrive se limite apparemment au culte du Soleil. Au
dessus des dieux locaux, des dieux Canopes, protecteurs du foyer,
et de Pachakamak lui-mme se trouvait Notre Pre le Soleil >>
dont les incas, possesseurs du pouvoir suprme, taient les fils.
La concentration du culte autour du mythe solaire constituait
donc une habile politique, mais rien de plus. Les Indiens adoraient
le Soleil parce que l'tat, qui ordonnait toutes les activits reli
gieuses et civiles - et en particulier les travaux agricoles et la
rpartition des biens produits - en fonction du culte officiel, les
poussait, voire les obligeait, le faire. Mais les Incas - l'Empe
reur et sa famille de sang royal - avaient, certes une concep
tion thologique plus leve.
Un chroniqueur de la premire poque, le P. Bias Valera que
cite Garcilaso, attribue l'empereur Yupak Yupanki les propos
suivants : Beaucoup disent que le Soleil vit et qu'il est le crateur
de toutes les choses. Il est inluctable que celui qui fait une chose
assiste la chose qu'il fait. Mais bien des choses se font lorsque
le Soleil est absent. Et qu'il ne vive pas, cela se dduit du fait qu'il
ne se fatigue pas tourner sans cesse. S'il tait une chose vivante,
il se fatiguerait comme nous; ou, s'il tait libre, il irait visiter
d'autres rgions du ciel qu'il n'atteint jamais. Il ressemble un
animal attach, qui refait sans cesse le mme trajet; ou une
flche qui va o on l'envoie, et non pas o elle voudrait " Et

l'empereur Hayna Kapak prcisa la pense de son pre en rpon


dant au Grand-Prtre qui lui reprochait de regarder en face
l'image du Soleil, malgr la loi qui interdisait semblable sacrilge :
Je te dis que Notre Pre, le Soleil doit avoir un autre matre

plus puissant que lui, qui lui ordonne de parcourir le chemin qu'il
parcourt chaque jour sans s'arrter. S'il tait matre et seigneur,
il agirait bien parfois sa guise "

Le Dieu suprme du Prou s'appelait Kon-Ticsi Huirakocha


et ne se diffrenciait en rien du dieu blanc et barbu qui, en tant
qu'homme, avait civilis le Haut-Plateau : Ilia-Ticsi Huirakocha,
le Quetzalcoatl pruvien. C'tait le matre du Soleil " dont
parlait Huayan Kapak, qui s'tait incarn pour apporter aux tres
humains Rvlation et Rdemption. Dieu invisible et tout-puissant,
il n'avait besoin de personne ni de rien. C'est la raison pour laquelle
on ne lui rendait aucun culte et on ne lui levait pas de temples.
Celui que l'empereur Huirakocha, auquel il tait apparu en songe
et dont, pour ce motif, il avait pris le nom, fit construire, tait
ddi au fantme >> du Dieu.
Le chroniqueur Garda raconte comment, selon les croyances
indignes, au temps o tout tait dans la nuit, o il n'y avait
encore ni lumire ni jour, sortit d'un lac situ dans la province
de Collasuyu (le Titicaca) un Seigneur appel Contice-Viracocha
(Koo-Ticsi Huirakocha) qui cra d'un seul coup le Soleil. la Lune,
les plantes et les toiles. Il n'avait ni os, ni membres, ni corps
et voyait beaucoup et trs rapidement ... comme fils du Soleil
qu'il disait tre . Mais Pachakamak le vainquit et l'obligea s'en
fuir. Maudissant les hommes qui l'avaient abandonn et avaient
fait retour la vie animale, Kon-Ticsi Huirakocha gagna par la
cte la province de Manta et plongea dans la mer avec tous les
siens , selon la version de Garda, ou " tendit son manteau sur
la mer et disparut pour toujours au sein de l'ocan '' selon Velasco.
C'est l'exacte transposition mythique de l'histoire de Huirakocha,
telle que nous l'avons rapporte, d'aprs la tradition, au cha
pitre Ill.
Huirakocha est donc la fois le crateur et le fils du Soleil.
Comme crateur, il est immatriel et tout-puissant. Comme
Rdempteur, au contraire, - fils de sa propre creation - il est
vulnrable et les forces de la nature l'abattent. De mme que Quet
zalcoatl, avec lequel il se confond du point de vue historique, sinon
comme individu, du moins comme groupe racial, Huirakocha
nous fait irresistiblement penser au Dieu du christianisme, Cra
teur et Redempteur, Pre et Fils de Soi-mme, immatriel et
incarn, tout-puissant et crucifi par les Fils du Diable.
Nous avons dj vu, au Chapitre III, quelle est l'origine et quel
est le sens du nom de Huirakocha : Dieu Blanc en vieux
scandinave. Kon, dans la mme langue, signifiee homme noble ,
mais pourrait tre ici une abrviation de konrmgr, roi . Quant
Ticsi, terme que l'on traduit en gnral, arbitrairement, par
Crateur, il n'est peut-tre pas abusif d'y trouver la racine Ti "
du vieil allemand Tiwaz, nom du Pre du Ciel.
A ct d'une thologie si eleve, il est sans grand intrt d'ajouter
- et nous ne le faisons qu'afin que notre expos soit complet -
que, dans le culte populaire, la Lune tait une desse, pouse
du Soleil, que l'on vnrait une triade - Illapa - d' esclaves
du Soleil - L'clair, le Tonnerre et la Foudre - qui n'taient
pas des dieux, et que le dieu Canope reprsentait les sept plantes
connues. Il est plus important de noter que la religion incaique
enseignait l'immortalite des mes et mme la rsurrection des
corps. Les lus allaient au Ciel, situ au dessus de la Terre, o ils
menaient une vie de Paradis Terrestre, tandis que l'Enfer, domaine
du demon Kupay ou Supay et situ sous la Terre, recevait les
damnes qui y subissaient les pires tourments.
PLANCHE !

a) Navire dking d' Gseberg (Norcge). b) Canot de guerre hada (cte nordesi de l'Amrique
du Norr!).

c) Calvitie che.:: t11l Guayaki blanc. J) Un Guayaki bnm et barbu. e) Type europede de Guayaki blanc.
a) Combat dans la ville entre Indiens et Blancs (fresque du Temple des Guerriers
de Chichenltza, Yucatan).

c) La Tablette de Cerro ,\1oroti et son inscription runique.

b) Instrument de
musique guayak.i
dcor de carac
Ures rWiiques. d) Un Guayaki brun et un Guayaki hlanc.
PLANCHE Ill

a) Stle de l'le b) Stde de White


d'Arapa (lac Titi /,/and (hlande).
caca).

c) Tte barbue du J) Tte barbue viking du navire lOseberg.


Rio Balsas, Guerrero
(Mexique).
I'LI\NCHF. lV

a) Tte de jaguar de Tiahuanacu.

b) tte d'animal du navire d'Oseherg.


.PLANCHE V

a) La tapisserie scundinare d'Ovrehogdal cerfs et lamas.

c) Le ChevalierAigle, sculpture azteque.

b) Netzanalcoyotzin, roi de Texcoco (Mexique), au XVe sicle, dguis en guerrier


viking.
f'tAJi'.!CHE V!

pJr/flll
1sTP. .
cl.

fffitlfllll'c ..dl

CaTte de FiziRano (1367}.


l'LANCHE VII


.1-J

0 p

a) Carle anonyme de 1440 (en projection sur le trac exact de l'Amrique du lVon!).

r"'Jaa .ru"
1." "
r,,rr lfu.&W

b) Carla de Andna Bianco (1436)


PLANCHE VtH

'hrgffihllf
......v.....,. ...-.
l!UiuIJ..!f
G R O LAN D I A lslft<l
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Su>IJ
I>If>tljl
n.8,.,.s...t

-
J.,.,.....
tainJ
#.C..tl,.,.US

S \' E C l A

Carte de voyages des frres Zeno (1 558).


a) Inscription runique de l'le Kingiktorsoak (Gronland) : l'avantdernier signe est le chiffre 10.

([)

1
G)
"
'"
f\ \ V v\
. ,
''
Y\J " '( V( "(
c) Inscription guayaki en caractres runiques.
\)
b) Caractres runiques sur un instrument de
musique guayaki. y compris le mme signe.

A
...

d' 6 ., <1
,., ...
= R (lllHiarn!l

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.. n "' ()

d) Tableau de concidence : signes sud-amricains


d'apparen alt;habtique et runes.
PLANCHE X

a) Lama, d'aprs une pice d'orjl)rerie


in.caique. Compare.r aux figures de laTapis
serie d'Ovrehogdal, tlanche V.

b) A gauche, le Quetzalcoatl guerrier. c) A. droite, le Quelzalcoatl asctique.

e) Chariot deux roues, charg de deux


snekkar, dessin de la Pierre Peinte (Ama
zonie}.

tl) Caractres alphabtiques comme / ...

ments de dcoration de la tunique de


l'Inca blanc et barbu, d'aprs Guaman
Poma de Ayala,
a} Le temascal, sauna azti.que.

c::: m
& .tT o
su

L

1>
M

b, c, d) Armes t;r-colombiennes. En haut : aztques, au centre : mayas, en bas : incaques.


PLANCHE XII

a) Dessins, swastikas et caractres alphabtiques de la Pierre Peinte (Amazonie).


b) Carte rcapitulative : dispersion des Danois de Tiahuanacu.
L. grand voyage du Oka-Soleil/ 10

Mentionnons, enfin, une tradition du Dluge, semblable


celle de l'Amrique Moyenne : les eaux dtruisirent les premiers
hommes. Selon une version, sept d'entre emr survcurent et sor
tirent d'une grotte afin de repeupler le monde. D'aprs une autre,
tous prirent et Huirakocha cra une deuxime humanit. A Quito,
on croyait que le Dluge avait t la consquence d'un combat
contre le Grand Serpent, qui cracha tant d'eau qu'il en inonda le
monde.
En rsum, nous trouvons dans la thologie incaque les mmes
lments qu'en Amrique Moyenne, mais disposs diffremment
et pourvus d'une autre valeur relative. Au Prou, le Quetzalcoatl
asctique, a surmont sa dfaite et, grce Manko Kapak, s'est
impos aux rsidus sauvages " des cultes indignes et a effac
le souvenir du Quetzalcoatl guerrier. Le dieu mauvais aussi a
disparu, et la lutte entre les dieux. Il ne reste qu'une lgre
trace de maniquisme thologique dans le combat du dieu de la
matire, Pachakamak, et du Dieu de l'esprit, Kon-Ticsi, et encore
seulement dans un m;the gographiquement trs localis, en voie
de disparition. Il n'y a pas non plus de dieu des Enfers ni de dieu
des morts. Il ne subsiste qu'un dmon dans le genre de Satan. Tout
s'est simplifi, pur et harmonis. Un Dieu binaire - Pre et
fils - dont le Soleil est l'expression et le symbole visible, gouverne
les forces cosmiques et sauve les hommes par l'Incarnation. Il
s'agit encore, certes, d'un paganisme panthiste la manire
scandinave, mais il n'est pas difficile de reconnatre en lui un apport
tranger que nous avions dj rencontr, aussi dfini mais moins
affirm, dans . la religion de l'Amrique Moyenne.

6. lments chrtiens dans les religions de


l'Amrique Moyenne et du Prou

L'apport tranger que nous venons de mentionner est indis


cutablement d'origine chrtienne. Nous n'avons certes pas
l'intention de tomber dans l'erreur de ces chroniqueurs espagnols
/061 Le grand voyage du Dieu-Soleil

dont se moque Garcilaso et qui ont fait des trinits ... que les
Indiens n'avaient pas imagines " dans le but d'assimiler leur
idoltrie notre sainte religion . Ce n'tait pourtant pas par
syncrtisme - rien ne leur tait plus tranger - que les chroni
queurs en question, et en particulier les prtres qu'il y avait parmi
eux, signalaient, voire exagraient, les ressemblances qu'ils
trouvaient entre le christianisme et les religions amrindiennes. Ce
ne fut point par uvre de leur imagination qu'ils en arrivrent
parler d'une prdication en Amrique de l'aptre saint Thomas
- Santo Torn, en espagnol - par analogue phontique avec l'un
des noms - Pay Torne - du dieu blanc. Cela dut mme leur
coter beaucoup de faire preuve d'une telle loyaut intellectuelle,
du moins quant au culte nahuatl dont les caractristiques sangui
naires les horrifiaient. L'vidence fut, sans aucun doute, plus
forte que leurs prjugs et que leur sensibilit.
Ce n'tait pas non plus par sympathie ni par considration que
les conquistadores appelaient papas les prtres nahuatl. Rien ne
devait leur sembler plus choquant, pour ne pas dire sacrilge, que
de donner ces ministres des idoles " bien qu'ils portassent
des soutanes noires et des capuchons comme ceux des Domi
nicains >>, le titre du Souverain Pontife de la Chrtient. S'ils le
faisaient, c'tait parce que les prtres d'Ollin Tonatiuh et ceux
de Quetzalcoatl se dsignaient eux-mmes de ce nom. Or, en
langue nahuatl, prtre se dit tlamacasqui et, d'autre part, papa
n'est pas un mot nahuatl. Les Indiens employaient ce terme pour
se faire comprendre des blancs, et ils y arrivaient. Mais comment
connaissaient-ils un vocable que les Espagnols n'appliquaient
certes pas leurs aumniers ? O appelait-on papas de simples
prtres? En Irlande. Les papas (paba, du latin papa) taient les
moines anachortes qui avaient peupl les les de l'Atlantique
Nord, y compris l'Islande, avant les Scandinaves qui les connais
saient fort bien et les appelaient papar. Nous savons par les
sagas que les Irlandais avaient colonis le Huitramannaland, terre
situe au sud du Vinland et seulement spare du Mexique par
la Floride, comme le montre la carte de la figure 3, et qu'il y avait
des prtres parmi ses habitants. Il serait invraisemblable que les
papas, grands navigateurs comme ils l'taient, fussent devenus
sdentaires, dans leur colonie amricaine, et qu'ils ne fussent pas
alls plus au Sud vangliser les Indiens. Nous avons donc de
bonnes raisons de penser que le Quetzalcoatl asctique des Nahuas
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 101

et l'ltzamna des Mayas taient un papa, ou la personnification


d'un groupe de flai:JOS. Il n'y a pas d'autre manire d'expliquer
le rcit des chroniqueurs.
Si le sjour des moines irlandais fut si long et leur prdication
si intense que les prtres nahuatl se souvenaient d'eux, avec le
terme exact, plusieurs sicles plus tard, rien de plus normal
que la prsence, dans la religion de l'Amrique Moyenne, d'l
ments chrtiens qui attirrent l'attention des conquistadores.
Nous ne faisons pas seulement allusion ici la doctrine tholo
gique - Crateur incorporel et tout-puissant, Dieu trinitaire,
Incarnation et Rdemption - car ces dogmes auraient pu tre
apports par des Scandinaves paens, comme nous l'avons vu,
bien qu'ils constituassent pour eux des aspects la fois profonds
et secondaires de leur religion, que des guerriers analphabtes,
ou presque, n'auraient pas su exposer. Les lments auxquels
nous nous rfrons sont plus tangibles et ne peuvent avoir t
apports que par des chrtiens.
Nous ne faisons pas non plus allusion aux rcits de type biblique
que recueillirent les chroniqueurs aprs la Conqute et qui peuvent
avoir t le produit de l'imagination syncrtiste des Indiens.
Mentionnons cependant, ne serait-ce qu' titre de curiosit, deux
versions du Dluge dans lesquelles on note une double influence
locale et hbraque. A Michoacan, on disait que Tezpi et sa femme
chapprent au Dluge dans un bateau, charg d'oiseaux et d'ani
maux (sic). Au bout d'un certain temps, le No nahuatl lcha un
vautour qui se mit dvorer des cadavres de gants noys et ne
revint pas. Ensuite, il lcha un colibri qui revint avec un rameau
dans le bec. Dans le Chiapas (actuel Guatmala), on racontait que
Vatan tait le petit-fils de l'illustre vieillard qui avait chapp avec
sa famille, sur un radeau, la grande inondation dans laquelle
avait pri la majeure partie des tres humains. Le dieu-homme
collabora la construction d'un grand difice grce auquel on
avait la prtention d'atteindre le ciel. Teotl se mit en colre. Il
dtruisit par le feu la pyramide inacheve, donna chacune des
familles une langue diffrente et envoya Vatan peupler I'Anahuac.
Retrouver sur le plateau mexicain le Mystre de l'lncarmtion
est, certes, plus surprenant et il n'y a, dans ce cas-ci, aucune
probabilit de syncrisme, car le mythe constitue une des bases
de la thogonie nahuatl. Nous avons dj rapport plus haut
comment Tonatiuh et Quetzalcoatl avaient la mme mre, Coatli-
1a8 1 Le grancl voyage elu Dieu-Soleil

eue - connue galement sous le nom de Ciuacoatl, femme


serpent - qui conut ses enfants sans intervention masculine, le
second en avalant une pierre prcieuse et le premier, en cachant
dans son sein une plume blanche - certains textes disent : une
boule de plumes - recueillie dans un temple qu'elle etait en train
de balayer comme chtiment pour avoir arrach la rose dfendue.
Coatlicue, que les Nahuas appelaient Mre Terre et Notre
Dame et Notre Mre " est ainsi, comme l've biblique, la res
ponsable du pch - et des douleurs de l'enfantement que Dieu
lui imposa comme penitence - et, comme la Vierge Marie, la
mre du Rdempteur, miraculeusement conu.
Un analyste extrmement souponneux pourrait mettre en
doute l'authenticit de ces dernires concidences et les attribuer
l'astuce des Indiens, dsireux de se faire bien voir des prtres
espagnols. Son scepticisme devrait, de toute manire, disparatre
en face de l'existence, chez les Nahuas, de quatre des sept sacre
ments de l'glise catholique : le baptme, la confession, la commu
nion et le mariage. L'ordre devait aussi exister car le sacerdoce
tait rigidement organis et rglement. Il ne manquait que la
confirmation, dont l'importance liturgique, dans le catholicisme
mdival, tait rduite, et l'extrme-onction, qui n'est qu'une
forme particulire de l'absolution des pchs.
Le sacrement nahuatl du baptme n'exigeait pas plus que
dans le monde chrtien l'intervention du prtre. Son ministre tait
la sage-femme qui, aprs avoir coupe le cordon ombilical, adres
sait la desse de l'eau, Chalchiuhtlicue, la prire suivante : Il
est maintenant entre vos mains. Lavez-le (l'enfant) et nettoyez-le
comme vous savez qu'il faut le faire. Purifiez-le de la salet qu'il
a tire de ses parents, et les taches et les salets, que les emporte
l'eau et qu'elle les dtruise, et qu'elle nettoie toute immondice
qu'il y ait en lui. Veuillez, oh ! Dame, purifier et laver son cur
et sa vie... " Quelques jours plus tard, on clbrait, au milieu de
grandes ftes familiales, le baptme proprement dit. De ses doigts
mouills, la sage-femme dposait quelques gouttes d'eau sur la
bouche du nouveau-n : Prends, reois. Par cette eau, tu vivras
sur la terre, tu crotras et tu reverdiras. C'est d'elle que nous rece
vons ce qu'il nous faut pour vivre sur la terre. Reois cette eau.
Elle mouillait ensuite de la mme manire la poitrine de l'enfant :
Voici l'eau cleste. Voici l'eau trs pure qui lave et nettoie ton
cur. Reois-la. Qu'elle veuille bien purifier ton cur. Puis la
Le grand voyage du Dieu-Soleil f 109

sage-femme lui jetait quelques gouttes sur la tte : Que cette


eau entre dans ton corps et vive en lui, cette eau cleste, cette eau
bleue. Enfin, elle lavait le corps entier du nouveau-n : O
que tu sois, tu ne pourrais pas faire du tort cet enfant; laisse-le;
va-t-en; loigne-toi de lui; car maintenant, cet enfant nat de
nouveau, notre mre Chalchiuhtlicue le forme de nouveau et lui
donne la lumire (la vie).
Comme le Consolamentum des Cathares, le sacrement nahuatl
de la pnitence n'tait administr au croyant, aprs confe ssion
auriculaire, qu'une seule fois dans la vie. Le prtre disait au pni
tent : Tels sont tes pchs, qui non seulement sont des lacets et
des filets et des puits dans lesquels tu es tomb, mais encore sont
des btes froces qui tuent et dchirent le corps et l'me ... De ta
propre volont, tu t'es sali ... et maintenant tu t'es confess... tu les
as dcouverts et manifests (tes pchs) devant Notre-Seigneur
qui est le protecteur et le purificateur de tous les pcheurs ...
Maintenant, tu es n de nouveau, maintenant tu recommences
vivre, et maintenant mme Notre-Seigneur Dieu te donne lumire
et soleil nouveau... Tu dois faire pnitence en travaillant un an ou
davantage dans la maison de Dieu...
Le sacrement nahuatl de la communion tant donn, une fois
par an, aux adolescents, lesquels ne pouvaient le recevoir qu'aprs
un an de pnitence. Les prtres ptrissaient, avec de la farine
qu'eux-mmes prparaient, la pte dont ils faisaient le corps
d'Uitzilopochli. Le lendemain, un homme qui personnifiait
Quetzalcoatl - peut-tre le Grand-Prtre de ce dieu - tirait
une flche dans le cur de l'hostie. Ensuite, on coupait le corps
en morceaux. On rservait le cur au roi ou au seigneur de l'en
droit, et le reste tait rparti entre les jeunes gens. Chacun man
geait un morceau du corps de ce dieu, dit Sahagun, et ceux qui
mangeaient taient des adolescents, et ils disaient que c'tait le
corps de dieu "
Le mariage se ralisait travers deux crmonies diffr entes.
Au cours de la premire, les fiancs s'asseyaient prs du foyer et
les entremetteuses attachaient ensemble la cape du jeune homme
et la blouse de la jeune fille. Ils taient ds lors maris, mais ce
n'tait qu'aprs quatre jours de prires dans la chambre nuptiale
qu'ils pouvaient consommer leur union, qu'un prtre venait bnir
en les aspergeant d'un peu d'eau consacre.
Nous avons dit plus haut que les Nahuas ne connaissaient pas
llO / Le grand voyage du Dieu-Soleil

le sacrement de la confirmation. Celui-ci constituait, au contraire,


chez les Mayas, un des rites les plus importants. La cermonie
avait lieu daus la cour du Temple. Quatre honorables vieillards
s'asseyaient en carr, une corde entre les mains. Dans l'espace
ainsi dlimit, on plaait des filles de douze ans et des garons de
quatorze. Le prtre, revtu de sa soutane blanche et de ses orne
ments, les purifiait avec du copal - l'encens de l'Amrique
Moyenne - et les enfants se confessaient publiquement. Ensuite,
aprs l'admonestation de rigueur, l'officiant appliquait chacun
d'eux de l'" eau vierge " Nous ne savons pas si cette crmonie
remplaait le baptme et la confession ou s'ajoutait eux. Le
mariage maya tait semblable au nahuatl et, comme celui-ci,
comportait une bndiction sacerdotale.
Plus " chrtienne " par sa thologie que celle de l'Amrique
Moyenne, la religion pruvienne l'tait moins quant ses cr
monies. Probablement parce que nous ne connaissons d'elle que
la forme qu'elle adopta dans l'empire incaique, o l'Empereur,
incarnation du Soleil, centralisait en sa personne - et parfois
confondait - l'ordre politique et l'ordre religieux. C'est ainsi que
le mariage n'avait qu'un simple caractre civil. Le souverain le
clbrait pour les membres de la famille royale et les curacas -
les seigneurs indignes - le faisaient pour le peuple, moyennant
la simple union des mains des fiancs.
Nous ne savons pas s'il existait au Prou quelque chose de
semblable au baptme. Nous sommes, au contraire, fort bien
informs au sujet de la communion qui faisait partie des ftes
d'lntip Raymi et d'Uma Raymi. Au cours de la premire, que
Garcilaso assimile aux Pques chrtiennes et qui avait lieu, comme
celles-ci, au solstice d't europen (c'est--dire au solstice d'hiver
austral), les Vierges du Soleil prparaient pour les Incas, et des
jeunes filles pour la gent du commun, comme dit Garcilaso, une
norme quantit d'une pte de mais qu'on appelait zancu et en
faisaient de petits pains ronds de la dimension d'une pomme,
dont on mangeait deux ou trois bouches au dbut du repas.
Le lendemain, au lever du Soleil, l'Empereur se rendait la grand'
place de Cuzco et prenait deux grands vases d'or pleins d'aqui/la.
Il versait le contenu de celui qu'il tenait dans la main droite dans
une amphore d'or, relie par un tuyau la Maison du Soleil. Puis
il buvait une gorge dans le vase de la main gauche et repartissait
le reste du liquide consacr entre les autres incas en en donnant
Le grand oyage da Dieu-Soleil / 111

un peu chacun dans un petit vase d'or ou d'argent. Les Cl!Tacas,


qui taient sur une autre place, recevaient la mme boisson, pr
pare par les Vierges du Soleil, mais non touche par l'Empereur.
Rien de plus semblable que ce rite la Sainte Cne de certaines
glises protestantes.
Lors de la seconde des ftes en question, on prparait deux
types de pain de mais. Le premier, ptri normalement, se mangeait
au djeuner, aprs le lever du Soleil. L'autre, prpar avec du
sang d'enfants de cinq dix ans - on le leur prenait entre les
sourcils -, hommes et femmes s'en frottaient le corps et le col
laient ensuite au seuil de leur maison. Notons que les Incas et
leurs sujets ne mangeaient de pain qu' l'occasion de ces deux
ftes.

Les chroniqueurs mentionnent aussi l'existence, au Prou,


de la confession publique. Mais on est en droit de douter du sens
qu'elle avait. Les Espagnols de la Conqute lui attribuaient un
caractre religieux, mais certains auteurs d'aujourd'hui pensent
qu'il s'agissait plutt d'une auto-critique faite devant les auto
rits civiles. Ce qui confirmerait ce que nous avons dit plus haut
en ce qui concerne la scularisation de la vie religieuse au temps
de l'empire des Incas.
Les crmonies nahualt, mayas et incaiques taient souvent
accompagnes de jenes et de mortifications. Quetzalcoatl lui
mme, ou plutt l'un des deux personnages que la tradition
unit sous ce nom, menait une vie asctique, se flagellait et se
levait la nuit pour prier. Mais Quetzalcoatl - le Seigneur de
la Pnitence - tait " doux et suave " Il n'en tait pas de mme
des Nahuas qui l'avaient chass. Pour eux, l'auto-sacrifice devait
tre sanglant. Quetzalcoatl " se piquait les jambes et en tirait le
sang dont il tachait et ensanglantait les pines du maguey "
ce qui ne sortait pas du cadre de l'asctisme chrtien, et ses
prtres suivaient son exemple. Mais les fidles d'Uitzilopochli,
la veille des ftes et, d'une manire beaucoup plus rigoureuse,
comme pnitence aprs la confession, allaient beaucoup plus
loin : ils se faisaient saigner les oreilles, se transperaient la langue
avec une pine de maguey et faisaient passer par le trou " de
nombreuses baguettes d'osier lin " Et ce n'tait rien ct des
Mayas qui se perforaient le membre viril.
Le jene prcdait toutes les crmonies. Les jeunes Mexi-
1121 grand voyage du Dieu-Sole1

cains qui aspiraient entrer dans l'Ordre des Chevaliers-Aigles


et des Chevaliers-Tigres, par eJmPle, jenaient de quarante
soixante jours. Au pays maya, les parents des confirmants et
les officiants de la crmonie devaient s'abstenir d'aliments et
de rapports sexuels pendant un certain temps. Les Incas et leurs
sujets se prparaient la fte d'lntip Raymi par trois jours de
jene rigoureux, pendant lesquels ils ne mangeaient qu'un peu
de mais blanc cru et ne s'approchaient pas de leur femme. Ce
ne sont l que des exemples, car ce type de pnitence se prati
quait en d'innombrables occasions, aussi bien en Amrique
Moyenne qu'au Prou.
Les mortifications et le jene faisaient partie de la vie monas
tique que les prtres nahuatl menaient dans leurs couvents, de
mme que la prire en commun qui avait lieu trois fois pendant
la journe et une fois minuit. Mais c'est au Prou que nous
trouvons l'institution la plus semblable nos ordres religieux,
non seulement par le mode de vie, mais encore et surtout par
les vux perptuels. Nous voulons parler des Vierges du Soleil,
vritables moniales qui vivaient en clture absolue dans les
Maisons des lues. Celles de Cuzco, toutes de sang royal, taient
les pouses du Soleil, comme les religieuses catholiques sont les
pouses du Christ. Dans les couvents que l'on trouvait dans
toutes les provinces, des jeunes filles de sang ml, voire, par
une faveur toute spciale, de pures Indiennes, taient les pouses
de l'Empereur, Fils du Soleil, qui prenait comme concubines
les plus jolies d'entre elles. Ce n'tait que dans ce dernier cas
que les moniales pouvaient abandonner la clture et briser leur
vu de chastet perptuelle. Dans leurs couvents, les lues se
ddiaient, en marge de leurs devoirs religieux, filer, tisser
et coudre les vtements que l'Empereur employait ou dont
il faisait cadeau. Elles prparaient galement la boisson et le pain
que l'Inca utilisait pour la Sainte Cne " d'lntip Raymi et
d'Uma Raymi. Mais leur principale mission consistait conser
ver, comme les Vestales de Rome, le Feu Nouveau que, le jour
d'lntip Rayrni, les prtres allumaient avec un miroir ou, si le
ciel tait couvert, avec deux baguettes frottes l'une contre
l'autre .
La concidence des dates auxquelles les peuples amricains
clbraient leurs ftes principales avec le calendrier liturgique
de l'glise Catholique peut provenir tout si mplement d'une source
L. grand voyage du Dieu-Soleil/ 113

unique : le cycle des astres. Mais il serait plus difficile d'expliquer


de la mme manire les concidences qui sautent aux yeux quant
leur signification. Nous avons dj vu que la fte incaique,
d'Intip Raymi, que Garcilaso identifie aux Pques chrtiennes,
avait lieu, comme ces dernires, au mois de juin. Mais la cr
monie du Feu Nouveau, qui se clbrait cette date, n'avait
aucun sens au solstice austral d'biver. L'glise sud-amricaine
commet aujourd'hui la mme erreur lorsqu'elle bnit le Feu
Nouveau, symbole du Soleil Nouveau, pendant la messe pascale
de minuit, c'est--dire au dbut de l'hiver austral. Car clbrer
la Rsurrection du Dieu-Homme, comme celle du Dieu-Soleil,
a un sens au printemps, lorsque la nature se rveille et inaugure
un nouveau cycle vital, ou au dbut de l't, mais non pas en
automne ni au dbut de l'hiver, lorsque la nuit gagne sur le
jour et que la terre s'endort.
Primitivement, lntip Raymi tait aussi le Jour des Morts. La
famille royale allait aux huak_a o reposaient les momies de ses
anctres et, dans chaque foyer, on effectuait une crmonie
rituelle en hommage au Canope (Pnate) de la maison. Mais
l'empereur Yupanki fit passer cette clbration au mois de
novembre-dcembre et la fit donc concider avec le calendrier
liturgique chrtien, et aussi avec le Jour des Morts des Nahuas.
Ces derniers, par ailleurs, clbraient leur manire, en mai,
la fte de Pques : on sacrifiait, sur l'autel de Tezcatlipoca, un
jeune homme, beau et bien lev, qui personnifiait le Soleil.
On plaait ensuite au sommet d'une pyramide une statue d'Uitzi
lopochli. Mort et rsurrection de Dieu !
Nous verrons au chapitre VII que les comparaisons que nous
venons de faire ne constituent pas les seules preuves de l'inRuence
du christianisme dans l'Amrique pr-colombienne. Car il en
reste des traces archologiques indiscutables. Bornons-nous ici
mentionner, avec les chroniqueurs espagnols, que l'on vnrait
la croix dans d'innombrables temples de l'Amrique Moyenne
et du Prou et que les Mayas du Yucatan plaaient des croix
sur les tombes. On trouve dans un difice en ruine de Palenque,
qui pour cette raison s'appelle aujourd'hui Temple de la Croix,
le symbole chrtien de la Rdemption, sculpt en bas-relief,
avec un enfant en prire devant lui. A Cozumen, on vnrait
une grande croix de dix palmes de long. Et nous pourrions citer
bien d'autres cas. En particulier, celui que rapporte le chro-
l/4 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

niqueur Zamorra d'aprs les traditions indignes : Sua-Kon,


que l'on appelait aussi Hukk-Kon, envoy par Kon-TJCSi. chez
les Indiens du Nord pruvien, leur apprit peindre des croix
sur leurs mantes afin de vivre sanctifis en Dieu.
Nous savons, bien sr, que la croix est antrieure au chris
tianisme et que, dans les civilisations paennes, elle symbolise
souvent les quatre lments, les quatre points cardinaux et, sous
forme de swastika - cette forme si courante en Amrique du
Sud -, le Soleil en mouvement. Ce n'est pas le cas, cependant,
des croix nettement chrtiennes comme celle que nous connaissons
sous le nom de croix de Malte et que les Scandinaves employaient
dj au Moyen Age, et c'est elle qui arue une bonne partie des
images que nous avons de Quetzalcoatl. Nous la trouvons aussi
Tiahuanacu.
Les trinits " comme disait Garcilaso, que l'on rencontre
dans l'Amrique pr-colombienne nous inspirent moins confiance
que les croix : Bochica, le dieu blanc des Muyscas, avait un seul
corps et trois ttes, et des statuettes du mme genre existent au
Prou. Il est fort probable, cependant, qu'elles n'aient nullement
une origine chrtienne et qu'elles reprsentent tout simplement
telle ou telle des triades connues, par exemple celle de l'clair,
du Tonnerre et de la Foudre. Au contraire, l'iconographie maya
nous montre un ltzamna indiscutablement chrtien. Il n'y a
pas de doute que l'objet qu'il tient dans la main gauche est un
calice de forme mdivale surmont d'une hostie comme, pen
dant la messe, au moment de la Conscration.
Terminons cette partie de notre tude par une anecdote his
torique assez rvlatrice. Quand, prs de Cuzco, les soldats
espagnols entrrent pour la premire fois dans le seul temple
du pays ddi Huirakoche, ils arrivrent dans la chapelle cen
traie et y trouvrent, au lieu de l'or et de l'argent qu'ils cher
chaient, la statue d'un vieillard barbu, debout, qui tenait dans
la main une chane attache au cou d'un animal fabuleux couch
ses pieds. Ils n'eurent aucune hsitation : c'tait l'image bien
connue et vnre de saint Barthlemy.
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 115

7 Mythes nordiques et rites chrtiens

Nos analyses du prsent chapitre confirment et renforcent


considrablement les donnes que nous fournissent les tradi
tions indignes. Quetzalcoatl, ltzamna et Huirakocha, person
nages historiques, apparaissent maintenant comme des divi
nits, plus ou moins confondus avec les dieux qu'ils avaient ame
ns d'Europe. En Amrique Moyenne, la dualit que nous avons
dj note entre le Quetzalcoatl guerri er (ukulkan chez les
Mayas) et le Quetzalcoatl asctique (ltzamna) se prcise moyen
nant la superposition de deux thologies difficilement conci
liables : l'une, panthiste, qui se confond, jusque dans certains
dtails insignifiants de son expression mythologique, avec le
paganisme scandinave; l'autre, avec son dogme de la RdemP
tion, qui tmoigne d'un esprit chrtien manifeste. L'origine de
la premire est indiscutablement germanique, comme le prouve
le nom de son Dieu-Soleil, Ollin Tonatiuh, dans lequel s'unifient
les dieux de la triade nordique : Odin, Thonar (Thor) et Tiu
(Tyr). Ce qui attire ici l'attention, c'est que les deux derniers
dieux mentionns apparaissent sous leurs noms allemands et
non pas scandinaves. Ce qui nous permet de prciser, comme
nous le verrons au chapitre IX, l'origine danoise d'Ullman et
de ses compagnons.
Au Prou, la thologie est plus unifie et plus pure : plus
chrtienne, malgr son fond panthiste, parce que le dogme de
l'Incarnation y domine. Kon-Ticsi Huirakocha - le Dieu-Roi
Blanc - est la fois Dieu et homme : le Dieu ternel qui s'incarne
pour apporter l'humanit l'ordre et la paix.
A la thologie s'ajoute, comme facteur chrtien, la pratique
des sacrements - baptme, confession, communion et mariage,
chez les Nahuas; confirmation, qui inclut baptme et confes
sion, et mariage, chez les Mayas; communion, dans l'empire
incaque - dont deux se trouvent exclusivement dans le rituel
chrtien : la confession et la communion. N'oublions pas les
ftes religieuses, en particulier celle d'lntip Raymi qui, avec
sa crmonie du Feu Nouveau, se clbrait, comme on conti
nue le faire pour les Pques chrtiennes actuelles, au solstice
116 / Le grand voyae du Dieu-Soleil

d'hiver austral et non pas au solstice d't, comme c'eut t


logique. Contresens que seul peut e11pliquer un changement
d'hmisphre sans modification de la date antrieurement tablie
en fonction des saisons europennes.
Les rcits de la Conqute nous permettent d'identifier l'origine
de cet apport chrtien, du moins quant l'Amrique Moyenne,
les papas, moines irlandais qui, d'aprs les sagas scandinaves,
s'taient installs au Huitramannaland, tout prs du Golfe du
Mexique. Nous savons maintenant qu'ils arrivrent dans l'Ana
huac, personnifis par le Quetzalcoatl asctique et au pays
maya, o on se souvenait d'eux sous le nom d'ltzamna. Nous
ignorons si le paganisme christianis du Prou incaique provint
d'une fusion des deux groupes blancs lors du dpart de Quetzal
coati vers l'Amrique du Sud ou d'une vanglisation post
rieure des Atumuruna, aprs leur tablissement sur le Haut
Plateau bolivien. Dans ce dernier cas, les nouvelles croyances
n'auraient survcu que partiellement l'gorgement et la fuite
de la majeure partie des Blancs aprs leur dfaite de l'le du
Soleil.
V. LANGUE DANOISE,

CRITURE RUNIQUE
I. Les langues amricaines
Au milieu de centaines de dialectes informes, grossiers et
instables, on parlait, dans l'Amrique pr-colombienne - et
on parle toujours - cinq langues qui, grce leur grammaire
et leur vocabulaire, constituaient d'apprciables vhicules de
culture : le nahuatl, le maya, le quitchoua, l'aymera et le guarani.
Cette dernire, dont le domaine s'tendait des les de la mer des
Carabes au littoral de l'Argentine actuelle, sort du cadre de notre
recherche. L'aymara avait perdu, plusieurs sicles avant la Con
qute, toute possibilit de dveloppement, en raison de l'incor
poration de son secteur l'empire incaique dont la langue
gnrale tait le quitchoua, et n'avait subsist - comme elle
subsiste encore - que comme simple moyen d'expression des
paysans du Haut-Plateau bolivien. Tout au contraire, le nahuatl,
le maya et le quitchoua appartenaient des peuples de haut niveau
culturel et de solides structures sociales et politiques qui fai
saient montre, au dbut du XVI' sicle, d'un vigoureux dyna
misme. Il ne nous reste malheureusement de leur littrature,
systmatiquement dtruite par les missionnaires espagnols, que
des debris sans grande importance, transcrits l'aide de l'alpha
bet latin, inadquat, par des prtres bien intentionns mais fort
peu philologues ou par des Indiens hispaniss qui possdaient
mieux le latin que leur langue maternelle.
120 / U grand voyage du Dieu-Soleil

Des trois idiomes politiques " du Nouveau Monde, deux


- le maya et le quitchoua - retiennent notre attention. Bien
qu'il s'agisse de langues agglutinantes, comme celles du groupe
touranien, on a, en effet, trouv en eux une quantit considrable
de racines aryennes qui ne peuvent pas tre originales et qui
durent donc provenir d'apports effectus par des lments extra
continentaux. Nous savons parfaitement, bien sr, quels sont
les dangers d'analyses linguistiques de ce genre : un bon ,
philologue n'a jamais grand peine faire deriver n'importe quel
mot de n'importe quel autre, grce une srie de substitutions,
de ddoublements, d'inversions et de fusions de certaines de
ses lettres. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pris ici
en considration que des mots identiques quant l'essentiel et
avons laiss de ct tous ceux dont l'ventuel rapport ne pour
rait tre tabli qu'en supposant un processus de transformation,
quelque logique que celui-ci soit du point de vue philologique.
Il n'en existe pas moins encore la possibilit d'une concidence
purement fortuite : mre se dit mama en quitchouz, en guarani,
en chinois, en espagnol et en congolais (31), ce qui n'implique
nullement une origine commune ces divers langages ni le
passage du mot en question de l'un l'autre. Mais lorsque deux
idiomes ont en commun des centaines de mots complexes, et
non pas de simples onomatopes ni des sons spontans de nou
veaux-ns, il n'y a aucune prudence qui puisse nous empcher
d'en arriver la conclusion qu'il y eut un certain contact entre
les peuples qui les parlaient.
Le fait que nous ne considrions ici que les langues maya et
quitchoua ne signifie nullement que la nahuatl et l'aymara soient
dpourvus d'intrt pour notre recherche, mais tout simplement
que l'on n'a jamais ralis en ce qni les concerne des analyses
tymologiques semblables celles que nous allons rsumer.
Certaines observations philologiques fortuites montrent qu'il
serait possible, trs vraisemblablement, de trouver, dans les
langues en question, des racines europennes. Le mot nahuatl
lan, par exemple, qui veut dire lieu " - et non pas tian comme
on l'affirme souvent - rappelle irrsistiblement le land germa
nique, qui a le mme sens, et il est fort tentant de faire driver
le nom du village de Gualilan, situ dans une rgion aurifre,
de land, lieu, et de gel, or en vieil allemand : lieu de l'or >>,
terre de l'or " En aymara, le mot huta, maison, attire mme
Le grand voyage du Dieu-Soleil / 121

l'attention du profane, puisque nous trouvons, avec le mme


sens, Hutte, dans le vieul!; haut allemand, hytte en danois et hutte
en franais. Et il en est de mme de suca, sillon {latin sulcus, id.)
et de satana, semer (latin, satus, les semailles).
Des travaux linguistiques qui datent des premiers sicles de
la Conqute nous permettent mme de trouver, dans des langues
indignes aujourd'hui disparues des racines germaniques et
latines. Hermann Leicht (42) en signale quelques-unes dans le
seul vocabulaire rr::x:hica qui nous soit parvenu, tabli au
XVII' sicle par le metis Fernando de la Carrera (42). Nous trou
vons ainsi dans la langue des Chimous :

ANMANN, voisin. Alle=d, Armann, l'homme d' ct.


ENG, ou INGA, mre. Nou3 avons vu au chapitre III que, dans
toutes les langues germaniques, ing est un suffixe qui marque
l'appartenance un lignage, c'est--dire l'ascendance.
FEIN, mentir. Latin, /ingere, feindre. (Nous trouvons dans le
terme franais la mme transformation de fin en fein).
JUNGEIS, levage. Allemand, jung, jeune.
MOIN, je, moi. Allemand, mein, mon. (Franais, moi).
PIS, mauvais. Latin, pajus, mauvais. (Franais, pis).
SAPP, bouche. Allemand, sau/en, boire.
TAERAEG, paresseux. Allemand, trge, id.
TSITSU, sein. Allemand, Zitze, mamelon.

L'tude dont nous disposons au sujet du maya ne concerne


pas la langue du Yucatan mais une de ses variantes, le quich;
elle est parle par un peuple du Guatmala auquel appartient le
MaTI11Xrit de Chichicaslenango, connu sous le nom de Papal Vuh,
que nous avons analys d'ailleurs dans notre dernier chapitre.
Nous le devons l'abb f.tienne Brasseur de Bourbourg qui
arriva au Guatmala en 1 853 et y exera les fonctions de cur de
Rabinel, un gros village de 6 000 Indiens de langue quiche, et
de San Juan Sacatepquez, o l'on parlait un dialecte maya fort
proche du quich, le cakchikel. De retour Paris, Brasseur de
Bourbourg publia, non seulement le Popal Vuh ou prtendu tel (37),
avec texte quich et traduction franaise, mais encore - en 1 863 -
une Grammaire de la langue quiche (44) qui contient, outre de
nombreuses notes philologiques, un important vocabulaire dans
122 / L. graml voyage du Dieu-Soleil

lequel figurent quelque trois-cents mots avec indication de racines


danoises, allemandes, flamandes, anglaises; franaises et latines,
sans parler de quelques autres, galiques, toujours identiques ou
fort semblables des formes germaniques. Une te Ile multipli
cit de sources est due au fait que l'auteur travaillait avec des
dictionnaires modernes. En ralit, les racines allemandes, fla
mandes et anglaises ont une commune origine dans le vieil alle
mand - et les flamandes, ou nerlandaises, sont les plus nom
breuses parce que la langue des Pays-Bas est celle qui a conserv
le plus de formes archaques, comme le signale Bourbourg -,
alors que les franaises proviennent, selon le cas, du latin ou du
vieil allemand. Comme nous ne sommes pas philologue, nous
nous limiterons reproduire ci-dessous les indications de l'auteur
en choisissant pour chaque groupe les termes quichs dont
l'origine est vidente mme pour le profane.
En 1 87 1 , peine quelques annes aprs la Grammaire I la
langue quiche, l'historien argentin Vicente Fidel L6pez publia
Paris un ouvrage, Les races aryennes du Prou (55), qui se fon
dait sur une dcouverte analogue, cette fois-ci au sujet du quit
choua. Analysant cette dernire langue du point de vue philo
logique, il y trouva quelque mille trois cents mots racine sans
crite. Il en dduisit, un peu trop vite, que le peuple quitchoua
tait de race aryenne. L'absurdit de cette conclusion n'enlve
certes rien l'tude linguistique proprement dite. Celle-ci n'en
est pas moins manifestement incomplte. Car il y manque les
mots europens travers lesquels les racines sanscrites pn
trrent dans le quitchoua. En considrant cette langue comme
essentiellement aryenne, L6pez carte des intermdiaires qui,
pour nous, n'ont pas pu ne pas exister.
Les traditions indignes nous fournissent deux indications
prcieuses sur le chemin parcouru par les racines indo-euro
pennes en question. Nous savons, en effet, d'une part, que les
hauts fonctionnaires de Mayapan, capitale de la Confdration
Maya, taient recruts moyennant un e11amen au cours duquel
ils devaient dmontrer leur connaissance de la langue de Zuyua
et, d'autre part, que les Incas - c'est--dire les membres de
l'aristocratie blanche du Prou - possdaient une langue
particulire " qu'il tait interdit aux Indiens d'apprendre. C'est
en vain que l'on a essay jusqu'ici d'identifier cette langue qui
avait dj disparu l'poque de la Conqute. Alcide d'Orbi-
Le grancl voyage Ju Dieu-Soleil / 123

gny (31) suppose qu'il s'agissait de l'ayrruira, ce qui, non seu


lement est gratuit, mais encore ne rsiste pas la moindre analyse,
puisque les aymaras constituaient un peuple que l'empire incaique
avait soumis. On ne comprend gure comment les Fils du Soleil
auraient pu choisir comme langue sacre l'idiome des vaincus.
Par ailleurs, les quelques mots de cette langue particulire "
que nous connaissons grce Garcilaso, ne sont pas aymaras,
mais bien danois. Et, de toute manire, ce n'est pas d'une langue
indigne que provinrent les racines aryennes du quitchoua.
Il est beaucoup plus logique d'accepter, comme hypothse de
travail, que la langue de Zuyua " et la langue particulire "
des incas n'taient autres que l'idiome primitif - europen -
des dieux blancs.

z. Quelques racmes danoises du Quich-Maya

Nous donnons ci-dessous, d'aprs Brasseur de Bourbourg,


quelques exemples de racines et de mots quichs (en majuscules)
et, pour chacun d'eux, le vocable danois dont on peut prsumer
qu'il provient.
AH, roseau, pis de mais. Ax. pis. (L'h quich est aspir, comme
le j espagnol et le ch dur allemand).
AMAG, bourg. Ami, canton, province.
BAN , faire. Bane, rendre possible, faciliter, prparer.
BEY, chemin. Bei, id.
BOX, allumer le feu. B/oese, id.
ETAL, exposition, vitrine. Sta/d, comptoir, poste.
HACH, couper, diviser. Hakke, hacher.
HITZ, pendre. Hidse, suspendre, hisser.
HUKUB, bateau. Hukert, id.
HUL, trou. Hu/, id.
HUZ, alcve. Hus, maison.
LITZ, malveillant. List, astuce, fourberie.
!24 / Le grand voyage elu Dieu-Soleil

LUG, sarcler; Luge, id.


NOH, remplir, rassasier. Nok.. suffisamment.
assez,

PIL, corcher, monder, cosser, peler. Pille, id.


RAP, fouet, coup de fouet. &,;, coup, tape.
TUT, plerine capuchon. Tut, cornette.
TZAM, ramasser, recueillir. Samb, id.

3 Quelques racmes allemandes du Quich-Maya

Les racines allemandes du quich se retrouvent souvent, mais


pas toujours, dans le vieux danois. Donnons-en quelques exemples :
BAZ, qui, quoi (interrogatif). Was, id.
ER, lever, soulever. Er, prfixe qui, dans toutes les langues ger
maniques, marque le mouvement vers un endroit lev.
GAIL, fiel. Galle, id.
HAN, quand (interrogatif). Wann, id.
HAR. jusqu' quand (interrogatif). Harren, attendre, tarder.
HOC, feuille sche. Hoeke, gerbe.
HUXIH, mordre, faire une bouche. Kms, baiser.
LACH, se sparer, divorcer. Lassen, abandonner, laisser.
LOBIH, louer. Loben, id.
LU, sou/He. Luft, air, vent.
MACH, frapper, travailler plusieurs choses. Mache, travail;
Macht, force.
POCO, bourgeonner. Pockig, bourgeon.
POH, frapper, donner une gifle. Pochen, frapper.
Tl, viande. Thier, animal.
VUH, livre. Buch, id. (la prononciation est la mme).
ZEE, rameur. See, mer.
ZITZ, juger. Sitz, sige; sitzen, siger.
Le grimd voyage du Dieu-Solil / 125

4 Quelques racines latines du Quich-Maya

Les racines latines trouves par Brasseur de Bourbourg dans


le quich-maya ne peuvent videmment pas avoir la mme origine
que les antrieures. En voici quelques exemples :
BOM, bon, beau. Bonus, id.
CUL, gorge, cou. Collis, cou.
CUN, parties secrtes de la femme. Conus, id.
EX, particule qui signifie pass. Ex, id.
GOL, rsine, onguent. Colla, colle.
GUZ, savoureux. Gustus, got.
LIBAH, volontiers. Libenter, id.
MUL, fois (particule pour compter). Mu/tus, beaucoup; multi
p/icare, multiplier. Racine de CUMULE, j'accumule. Cumu/are,
combler.
MUT, mouture. Molitura, id.
PIM, gros. Pinguis, id.
POPOL, communautaire, du peuple. Popu/us, peuple.
PUH, pourriture; PUZ, ce qui est pourri. Putre/actio, pourriture.
PUN, mettre. Ponere, id.
QUIT, couper, enlever. Bas latin, quittare, id.
REL, cesser de faire quelque chose; RELIC, ce que l'on cesse
de faire. Relinquere, laisser; re/iqui, restes.
UTUYIH, employer un outil. Bas latin, usiti/ia, outil, de uti,
employer, user.
VAGATIRABIC, vagabonder, errer. Vagabundus, vagabond.
YAM, dj. ]am, id.

Le nom que porte le Popol Vuh, le livre sacr des rois quichs,
revt, pour notre recherche, un intrt tout spcial. Il est, en effet,
compos du substantif vuh, identique quant au sens et la pro
nonciation au mot allemand Buch (mais non pas son quivalent
danois de mme racine, b/V et de l'adjectif popo/ qui drive indis
cutablement du latin popu/us, peuple. Ce " livre du Peuple "
c'taient les rois qui l'avaient, c'est--dire l'lite qui devait
1261 Le grand TJogage du Diea-&leil

obligatoirement possder la langue de Zuyua qui tait probable


ment le danois mais dans laquelle s'taient glisss des termes
latins.

5 Termes scandinaves dans le quitchoua

Nous avons dj vu, dans les chapitres prdents, que les titres
incaiques taient tous scandinaves. Rappelons-les ici :
AYAR, titre des quatre fondateurs de l'empire. Vieux scandinave,
yarl, chef de guerre, comte.
INKA (INGA, d'aprs la graphie espagnole de l'poque de la
Conqute. La lettre g n'existe pas en quitchoua). /ng, suffixe
qui, dans toutes les langues germaniques, marque le lignage, la
descendance.
KAPAK. titre de l'empereur inca. Vieux scandinave, kappi,
homme valeureux, hros, champion, chevalier.
SCYRI, titre des rois de Quito. Vieux scandinave, skirr, brillant,
clair, pur (comparatif, skirri); skira, purifier ( l'poque chr
tienne, baptiser; Sklri-]n , saint Jean-Baptiste).

A ces termes dj mentionns, il faut ajouter :


AUKI, infant, titre que portaient les fils d'inca jusqu' leur
mariage. Vieux scandinave, auki, rejeton.
PALLAS, femme inca. Ce mot a une origine plus douteuse. li
semble provenir du vieux scandinave Flaga, pouse. L'f, qui
n'existe pas en quitchoua, se serait transform en p. L'e, long et
ouvert, aurait pris le son d'un a. Tout cela n'est cependant pas
trs vident .

Par contre, la certitude est presque absolue en ce qui concerne


le nom du Dieu blanc des Incas :
HUIRAKOCHA, de hvitr, blanc, et god, forme primitive de gud,
dieu, dont le d, prononc la manire scandinave - comme le
th dur anglais - est devenu ch en quitchouz.
De mme quant aux deux norm d'empereurs incas dont Garci
laso nous dit qu'ils n'avaient pas de sens dans la langue gnrale >>
mais qu'ils devaient en avoir un dans la langue particulire >>

de l'aristocratie pruvienne :
MANKO, nom du fondateur de la dynastie, vient, nous l'avons
vu, de man, homme, et de kommgr, roi.
ROKA, nom du deuxime empereur inca, que prcde l'adjectif
quitchoua S!NCHI, courageux, semble provenir du prnom
scandinave Hrodgar, qui a donn Roger en franais.

Il est un autre terme, intimement li la dignit impriale, que


Garcilaso nous dit appartenir la langue particulire >> des
incas : COREQUENQUE, que Vicente Fidel Lapez orthogra
phie plus correctement : KORAKENKE, sans que la substitution
de voyelle modifie sensiblement la prononciation. C'est le nom de
l'oiseau fort rare que le quitchoua appelle allkamari et qui fournis
sait au souverain les deux plumes noires et blanches dont il ornait
sa coiffure. Lapez dcompose le mot en korak-inka et voit en
karak un driv du sanscrit krava, corbeau, qui a donn en grec
xo;>l. Nous avons mentionn plus haut l'origine germanique
d'inka : ing. Celle de karak n'est pas moins claire. Les drivs
de krava tantt perdent, tantt modifient, la premire voyelle
du mot sanscrit. Ainsi, en latin, trouvons-nous corbel/us, corbeau,
et crocire, croasser; en franais, corailler et croasser, qui sont syno
nymes. Or, en danois, corbeau se dit krage. Comme le quitchoua
ne contient aucun vocable qui commence par deux consommes
diffrentes, il est logique qu'une voyelle se soit rintroduite entre
le k et l' r. Krage est ainsi devenu korage et, en raison de l'inexis
tence du g dans le quitchoua, korak. KORAKENKE signifie donc,
en danois, corbeau-inca : le corbeau qui appartient l'aristocratie
blanche et, en particulier, l'empereur.
Notons ici un dtail significatif : d'aprs Garcilaso, le korakenke
vivait dans la vallee de Villkanuta, prs de Cuzco. Or VILLKA
(HU!LKA, selon l'orthographe actuelle) veut dire forteresse
et vient du scandinave virk qui a le mme sens. Quant KAl'\JUTA,
le mot suggre irrsistiblement la transcription espagnole - Canu
to - du prnom Knud, port par plusieurs rois de Norvge et de
Danemark.

Dans le domaine de la toponymie, tout reste faire. Nous pou


128/ Le granil.- Ja Dieu-Soleil

vans cependant mentionner trois autres noms de lieu pruviens


dont l'origine est vidente :

AYAVIRE, nom d'une ville importante du Prou pr-incaque.


La consonnance du mot n'est absolument pas quitchoua et
son tymologie scandinave apparat comme aussi simple que
possible : yarl, comte, et virk, forteresse : la forteresse du Comte.
Notons que, dans ce terme archa,ique, virk n'a pas encore adopt
la forme qu'il prendra en quitchoua - hui/ka - mais celle-l
mme que nous trouvons en Normandie o le nom de la ville
de Vire a la mme origine.
KUNDINAMARKA (Cundinamarca, selon la transcription
espagnole), nom que portait l'poque incaque - et que porte
encore aujourd'hui - le plateau de Bogota, dans l'actuelle
Colombie, limite Nord de l'empire des Incas. MARKA a le
mme sens en vieux scandinave qu'en quitchoua : celui de
marche, de province de frontire. KUN ou KON (rappelons
que l'u et l'o ne sont, en quitchoua, qu'une seule et mme
voyelle) peut venir soit de kanr, homme noble " descendant
d'une famille noble " (l'r est la terminaison du nominatif et
disparat aux autres cas), soit de kanungr, roi, qui a pris gale
ment, en danois moderne, une forme abrge : kange. Restent
les deux syllabes DINA. dans lesquelles nous voyons une
dformation de DANE, postrieure la Conqute. Les Espa
gnols appellent, en effet, le Danemark Dinamarca. Il est logique
que les chroniqueurs de l'poque, qui n'avaient rien de philo
logues, aient transform KUNDANEMARKA en Cundina
marca. Le terme primitif signifierait donc, en danois, " Marche
Danoise des Nobles " ou Marche danoise du Roi ".
KUSKU, nom de la capitale incaque, que nous crivons aujour
d'hui Cuzco. Garcilaso nous dit que le terme appartenait
la langue particulire des Incas et signifiait nombril, centre
du monde " Nous nous trouvons ici devant un fait extrmement
curieux : ce n'est pas dans le vieux scandinave qu'il nous faut
chercher l'origine de ce nom, mais dans le finnois : keskus, centre,
milieu. Les Scandinaves connaissaient parfaitement les Finnois
qu'ils appelaient skraelinger, - malfichus -, terme qu'ils
appliqurent, comme nous l'avons vu, aux Esquimaux et aux
Amrindiens. Certains mots germaniques s'taient mme
introduit dans la langue des Lapons : par exemple kuningas,
Le graml oogll!{e d:tz DietJ-Soleil / 129

roi (de kommgr), ou k_atmis, beau (de sk_ounis). Le contraire n'est


donc pas invraisemblable. Il est mme possible que des Finnois
aient fait partie de l'expdition d'Ullman car les Vikings recru
taient volontiers des soldats trangers. Nous croyons, cependant,
qu'il y a une explication plus satisfaisante : lorsque les Atumu
nma conquirent le Prou, ils donnrent un nom finnois la
ville indigne la plus peuple, un peu comme nous appelons
(( supermarkets )) nos piceries de style americain.

6. Racines danoises du quitchoua

I l n'est pas dans notre intention de reproduire ici le Vocabu


laire aria-quichua " (sic) qui occupe quarante-quatre pages
de l'ouvrage de Vicente Fidel L6pez. Il n'est susceptible d'int
resser que les spcialistes, qui y ont facilement accs. Rptons,
par ailleurs, qu'il ne contient que des donnes indicatives et que
l'analyse, en fonction du vieux scandinave et du latin, des termes
qu'il prsente, reste faire. Bornons-nous donc donner quelques
exemples de ce qu'il est possible de tirer de ce travail incomplet.
D'abord, quelques racines danoises :
AKKA, bire de mas. Akvavit, eau-de-vie.
ALLPA. terre. Alpia, montagne.
AMAUTA, astronome, devin. Amala, devin.
KIKALLU, langue. Ka/de, appeler.
KOLLI, foyer, cendre. Kol, charbon.
KUNANI, conseiller, prcher. Kundgore, publier, promulguer.
CHAKRA, ferme. Kw1, district, cercle; ca, autour.
CHUPE, soupe, potage. Suppe, id.
HAKKALLU, pic-vert. Hakke, piquer, hacher.
HAMUNI, venir. Ga, aller.
HATUN, grand. Yotun, gant.
HUAKU, pervier. (Se prononce presque FAKU). Falk. faucon.
HUAS!, maison. Hus, id.
110 ! Le grarul voyage citt Dieu-Soleil

HUILKA, forteresse. (Se prononce presque VILKA). Virk, iJ.


MAKTA, jeune, r4uste. Magt, force, pouvoir.
MARKA, marche (province de frontire). Marka. id.
PAKTA. prcaution, ruse. Pagt, pacte, contrat.
RIMANI, parler. Rim, rime; rimeling, raisonnable.

7 Racines latines du quitchoua

Les termes latins que l'on trouve dans le quitchoua sont beau
coup moins nombreux. Donnons-en quelques exemples :
ANKALLINI, se plaindre, crier. Angere, affliger.
ARARIHUA. fermier. Arare, labourer; arator, laboureur.
AYMURALLU, abri sous lequel on place les moissons. Murus,
mur.
AYUNI, commettre l'adultre. ]ungere, joindre, unir.
KALLA, fuseau, quenouille. Co/lus, id.
NAKKANI, tuer, gorger. Nex, mort, tuerie; necare, tuer.
PILLU, plume, couronne. Pluma, plume.
RUMI, pierre. Roma, ruma, id.

8. L'criture

Le problme de l'criture est troitement li celui de la langue.


Nous trouvons, dans l'Amrique pr-colombienne, de nombreux
termes d'origine europenne : comment est-il possible que les
Nahuas, les Mayas et les Quitchouas n'aient pas connu l'criture
phontique? Une explication fort simple consisterait dire que les
Vikings gui arrivrent dans le Nouveau Monde taient analpha
btes, chose courante au Moyen Age europen, mme chez les
seigneurs, et que l'influence des flallaS ne fut pas assez profonde
ni assez durable pour transmettre aux indignes une technique
aussi complexe . Mais il nous faut l'carter car la tradition nous dit
clairement que Quetzalcoatl apporte l'criture aux peuples du
Mexique. Il ne pouvait pas s'agir des hiroglyphes que les Nahuas
et les Mayas utilisaient l'poque de la Conqute et qui n'avaient
aucun rapport avec les systmes graphiques de l'Europe. D'autre
part, la tradition de l'Amrique Moyenne parat indiquer vague
ment qu'un autre type d'criture avait t employ en d'autres
temps mais que, plus tard, on l'avait oubli.
Les Pruviens gardaient un souvenir plus prcis. Montsinos
raconte, avec des dtails que son incomprhension naturelle
ne lui aurait pas permis d'inventer, comment une poque de
chi/hi - terme qu'il traduit par " malchance '' - des tribus
trangres attaqurent le Prou et dtruisirent sa dynastie. Chi/hi
n'a jamais voulu dire " malchance " mais les hommes de Cari, qui
crasrent les Atumuruna, taient chiliens. C'est en ce temps l,
dit le chroniqueur, que l'usage de l'ecriture alphabtique se
perdit. Les prtres expliqurent, en effet, Topa Kauri Pacha
cutek, chef des survivants du dsastre, cachs dans la montagne
Tambo-Toko (Tampu-Tuku, l'Abri-Refuge), que l'emploi des
lettres avait t la cause des calamits subies. Le prince interdit
alors, sous les peines les plus svres, d'utiliser des parchemins et
des feuilles de bananier pour y tracer quelque caractre que ce ft.
L'ordre fut excut d'une manire si stricte que jamais plus on
n'employa l'alphabet. Quelques annes plus tard, un amauta -
un savant - inventa une nouvelle espce de lettres, mais il mourut
sur le bcher. Inutile de prciser que la mesure n'empcha pas
les envahisseurs de poursuivre leurs dprdations : le pays fit
retour l'tat sauvage duquel, plus tard, le tireraient les Incas.
Y eut-il rellement une telle interdiction de l'criture alpha
btique ? Les prtres profitrent-ils de la situation pour dtruire
dans un autodafe total et dfinitif, une culture laque qui menaait
leur pouvoir? Ou bien l'criture disparut-elle purement et simple
ment comme consquence de la droute et de la fuite de tous les
Atumuruna qui savaient l'utiliser? Nous l'ignorons. Mais un fait
parat indniable : les Blancs du Haut-Plateau possdaient un
alphabet dont l'emploi disparut au cours de la priode de rgression
culturelle qui suivit la bataille de l'le du Soleil.
Par ailleurs, deux inscriptions pruviennes d'un indiscutable
132 J gianl ooyge lu Df-Soleil

caractre alphabtique sont arrives jusqu' nous. La premire


se trouve dans un dilice de l'le du Soleil, sur le lac Titicaca :
le Chinkana, couvent des Vierges du Soleil. Elle se compose de
deux A, un H aux traits verticaux raccourcis et un M ou un N
dform en fonction du cadre. La deuxime se trouve sur une
des pierres sculptes de Sahhuayacu quelque 300 km au nord
ouest de Cuzco. Nous pouvons y ajouter une srie de caractres
qui ornent les vtements de hauts personnages de l'Empire
incaique (*), tels que les dessina, dans la seconde moiti du
XVI' sicle, le mtis Felipe Guaman Poma de Ayala. On pourrait
craindre, dans ce dernier cas, une transposition anachronique
de symboles postrieurs la Conqute. Mais il serait incom
prhensible que l'auteur, qui cherchait donner, par les illus
trations de son livre (42), une ide exacte de ce qu'tait le monde
incaque, eut pu commettre une erreur si grave. La concidence
que l'on note entre deux de ces signes et deux caractres de
l'inscription de Sahhuayacu (**) parat, par ailleurs, carter
cette hypothse.
Il est probable qu'une recherche systmatique, qui n'a jamais
t ralise, permettrait de trouver, en d'autres lieux de l'Amrique
du Sud et de l'Amrique Moyenne, de nombreuses inscriptions
du mme type. On en connat mme dj quelques-unes : en
particulier, celles de la Pierre Peinte, bloc imposant situ au
milieu d'une vaste plaine de la haute Amazonie et dont les parois
intrieures et extrieures sont recouvertes de quelque six-cents
mtres carrs de dessins. Nous reproduisons ici, d'aprs l'explo
rateur Marcel Homet ('-') les plus importants d'entre eux. On y voit
de nombreux signes d'apparence alphabtique, dont certains
concident avec des caractres des inscriptions antrieures (***).
Ce qui est plus intressant encore, c'est la ressemblance de ces
signes avec des lettres runiques (****). On sait que les runes
avaient, pour les peuples germaniques du haut Moyen Age,
une double signification. D'une part elles constituaient un alpha
bet driv du grec et du latin, ou vice-versa, et, d'autre part, cha
cune des lettres avait un sens symbolique, voire magique. C'est la

* Cf. pl. X (d).


* * Cf. pl. IX (d).
* * * Cf. ibid.
Cf. ibid.
Le grand voyage du Dieu-Soleil{ BJ

raison pour laquelle il n'est pas rare de trouver des runes isoles
comme lments de dcoration de locaux et d'objets destins au
culte.
Il nous faut encore mentionner, dans le mme ordre d'ide,
les inscriptions amazoniennes releves par Bernardo da Silva
Ramos (43) et que Pierre Honor (dans un livre sans grand caractre
scientifique} (") dclare avoir vues dans la rgion de Manaos.
Ramos tait un seigneur d'hvas, presque totalement inculte,
qui s'obstina voir sur les pierres trouves par lui des inscriptions
phniciennes et... les traduisit ! Les signes copis par ce brave
homme n'ont certes pas grand rapport avec l'criture de Tyr
et de Sidon. Par contre, ils sont nettement runiques, au point qu'il
est facile d'en lire certaines sries. Le groupe 1 de la figure 20
peut tre transcrit totalement : ATEPUOMN. C'est tout juste
si l'on peut avoir quelque doute au sujet de l'antpnultime
signe. Le groupe 2 permet de lire trois de ses quatre lettres :
UT .A. Le groupe 3 reproduit les trois premiers signes du premier :
ATE. Ces sries signifient-elles quelque chose dans une langue
quelconque d'Europe ou d'Amrique? Nous posons le problme
aux philologues. Mais le fait que Ramos ne se soit pas rendu
compte de la nature - disons, par prudence, de la ressemblance
- des signes que nous reproduisons, joue en faveur de l'authen
ticit de sa dcouverte. Malgr tout, le doute subsiste et, de toutes
manires, les inscriptions ne sont pas dates.
La prsence de runes dans l'Amazonie peut paratre surprenante,
premire vue. Pensons, cependant, que les Vikings, lorsqu'ils
occuprent le Prou, arrivrent ncessairement au fleuvemer
et, que, tels que nous les connaissons, il leur aurait t difficiie
de rsister la tentation de le descendre. Nous avons dj signal,
par ailleurs, au chapitre Il, la prsence actuelle d' Indiens
blancs " dans cette rgion.
En marge des inscriptions alphabtiques, une autre forme
pruvienne d'criture retient notre attention. Dans l'le de la
Lune (Kaoty) et Sampaya, port de la pninsule de Copacabana,
sur le lac Titicaca, on trouva des parchemins crits en aymara
l'aide de caractres idographiques : les kellka. Ces textes
sont des passages de catchisme rdigs au XVII' sicle par les
missionnaires en vue de l'vanglisation des Indiens mais la
majeure partie de leurs idogrammes sont bien antrieurs
la Conqute. La tradition nous apprend, en effet, que des ins-
134/ graM voyage du Diett-Soler1

criptions du mme style taient graves sur les tablettes d'or et


d'argent qui ornaient les temples des les du Soleil et de la Lune
et gui furent voles et fondues par les Espagnols. Les mission
naires surent utiliser une criture pr-existente pour composer
leur Doctrine chrtienne sous la forme de rezapaliche, comme
les Aymaras appelaient les kellka catholiques.
Cette criture idographique n'est pas originaire du Prou,
moins qu'elle n'ait t apporte de l en Europe. Nous la trou
vons, en effet, sur une tombe de Kivik, en Sude, dont la date
est inconnue mais ne peut pas tre antrieure, quoi qu'on en
ait dit, au 1x sicle. Car on y trouve la croix celtique - une croix
inscrite dans un cercle - que les Scandinaves empruntrent aux
Irlandais aprs la conqute d'Hibemia en l'an 800.
Les kellka ont une trange particularit, connue sous le nom de
boustrophdon (parcours du buf gui laboure) : pour les lire,
on commence par la premire ligne de droite gauche et on con
tinue, la seconde, de gauche droite, et ainsi de suite. Ce curieux
procd n'appartient pas exclusivement au Prou. Nous le trouvons
dans certains catchismes idographiques rdigs en nahuatl peu
aprs la Conqute, sur des manuscrits des Indiens Cuna de Panama
et sur les rongo-rongo, textes de l'le de Pques gui n'ont pas
encore t dchiffrs mais dont les signes ont une certaine res
semblance avec les caractres des kellka et, d'une manire plus
gnrale, avec le style et les symboles de sculptures de Tiahua
nacu. Ce qui n'est pas fait pour nous tonner, puisque nous
savons dj, par les traditions indignes, que les Atumuruna
s'enfuirent sur le Pacifique et atteignirent les les ocaniennes.
Mais les plus anciennes inscriptions runiques du Danemark,
de Sude et de Norvge sont, elles aussi, souvent crites en bous
trophdon ...
Ce sont donc les Scandinaves qui apportrent l'criture au
Nouveau Monde, et cette criture tait runique, comme de juste.
En Amrique Moyenne leur sjour fut trop bref pour laisser,
dans ce domaine, autre chose qu'un vague souvenir : les guerriers
qui restrent au Mexique aprs le dpart de Quetzalcoatl taient
probablement analphabtes. Au Prou, bien au contraire, les
blancs employrent l'criture pendant quelque deux sicles et
les ruines, dont le dessin n'tait pas fix, au x sicle, comme
l'tait celui de l'alphabet latin, se transformrent peu peu afin de
s'adapter aux particularits phontiques des langues indignes,
Le grand voyage du Dieu-Soleil f 135

au point d'acqurir des formes partiellement originales. Comme


consquence <le la droute de l'le du Soleil, le secret de l'criture
alphabtique se perdit. Il ne subsista qu'une idographie - peut
tre d'origine scandinave - que les Atumuruna utilisaient vrai
semblablement, comme le feront plus tar d les Espagnols, pour
l'instruction des Indiens illettrs.

9 Conclusions partielles

Les tudes philologiques que nous venons de rsumer nous


montrent que les hommes blancs qui arrivrent en Amrique au
X' sicle parlaient danois, allemand et latin, puisque nous trou
vons dans les deux idiomes indignes qui furent l'objet d'ana
lyses dans ce domaine, des racines, voire des mots complets qui
appartiennent aux langues en question. Les Danois subissaient,
au X' sicle, une forte influence allemande, ce qui suffit expli
quer qu'un groupe de Vikings pt comprendre des individus
de cette origine. Quant aux Irlandais, bien qu'ils aient laiss
quelques termes galiques - et ce n'est mme pas sr -, leur
apport aux idiomes amricains provint surtout du latin, langue
cultive - et, en outre, liturgique - de toute la Chrtient
mdivale et, par consquent, des papas qui, nous le savons,
arrivrent en Amrique Moyenne. Rien ne prouve, cependant,
que ce furent eux qui introduisirent des racines latines, et mme
un des noms de Huirakocha - justus -, au Prou.
La tradition ne nous a laiss qu'une vague indication au sujet
de la permanence, au pays maya, de la " langue de Zuyua "
dont nous ignorons la nature. Elle est au contraire, catgorique
en ce qui concerne la langue particulire " que continurent
parler les Incas et qui, en juger par les mots qui en sont par
venus jusqu' nous, tait le danois. Ce que confirment des termes
toponymiques qui ne laissent subsister aucun doute sur ce point.
L'alphabet, ou plutt deux alphabets, le runique et le latin,
arrivrent dans le Nouveau Monde avec les langues europennes.
L'criture phontique se perdit avec le temps, en Amrique
136/ Le granJ voyage Ju Dieu-Soleil

Moyenne comme au Prou et il ne resta, dans cette dernire


rgion, qu'une criture idographique qui s'employait galement
en Scandinavie. Nous connaissons. cependant, quelques inscrip
tions non dchiffres et des lettres isoles qui semblent n'avoir
qu'un caractre dcoratif. Il doit s'agir, dans le premier cas,
d'une adaptation la phontique indigne d'un alphabet euro
p._.len ou des deux, et, dans le second, de simples rminiscences
ou de caractres utiliss dans un sens symbolique ou magique.
Presque toujours, en effet, les signes en question reproduisent
ou rappellent des runes nordiques.
VI. LE ZODIAQUE ARYEN

DES INCAS
I. Les deux calendriers
Parmi tous les astres que l'on peut observer depuis la Terre,
deux se dtachent, non seulement parce qu'ils sont plus prs
que les autres, mais encore parce qu'ils dterminent sur notre
plante des phnomnes cycliques qui influent sur nos condi
tions de vie : la Lune et le Soleil. A la succession des phases de
la Lune correspondent le rythme biologique de la femme et le
mouvement des mares, alors que le dplacement apparent du
Soleil au milieu des constellations fixes " provoque les chan
gements de saison et, partant, de climat, avec leurs consquences
sur la vgtation. En raison de sa constance et de sa brivet,
le cycle lunaire est le plus facile saisir. Mais le cycle solaire,
plus complexe, est le plus utile connatre car c'est de lui que
dpendent les travaux agricoles. C'est de l que les peuples
nomades et ceux qui, bien que sedentaires, vivaient sous un rgime
principalement thocratique ont adopt un calendrier lunaire,
tandis que ceux qui avaient atteint un plus haut niveau de civi
lisation ou qui dpendaient fondamentalement de la produc
tion du sol mesuraient le temps en fonction du Soleil. Nous
savons que les deux calendriers co-existaient dans l'gypte de
l'Antiquit : le premier, religieux et le secon d, civil. Il en tait
de mme chez les nahuas et chez les mayas.
Il n'est pas dans notre intention d'analyser les systmes chro-
140 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

nomtriques de I'Anahuac et du Yucatan : il ne manque pas


d'ouvrages classiques (14), voire de livres de vulgarisation, qui
en donnent tous les dtails. Notons simplement que, non sans
variations apprciables, les peuples en question utilisaient, pour
leur vie religieuse, un calendrier de 260 jours diviss, chez les
nahuas, en treize mois lunaires et, chez les mayas, en vingt groupes
de treize jours. Paralllement, ils employaient pour leur vie civile
une anne solaire de 365 jours : dix-huit mois de vingt jours,
plus une priode de cinq jours nfastes. Les deux systmes se
rejoignaient dans le cadre d'une anne longue " de 1 8 980 jours
qui correspondait cinquante deux annes solaires et soixante
treize annes lunaires.
Il fut un temps o l'anne lunaire nahuatl constituait une
partie de l'anne solaire. Mais, plus tard, le nom des treize lunes
- fort relatives, par ailleurs - se perdit et on numrota les jours
d'un treize, comme au pays maya, selon un cycle qui semble
tre celui de la plante Vnus. Quant au calendrier solaire, il
tait insuffisamment prcis car il ne tenait pas compte des six
heures additionnelles qu'absorbent, de nos jours, les annees
bissextiles.
Peut-tre cette dualit de calendrier surgit-elle spontan
ment parce que le systme lunaire ne rpondait plus, 'un cer

tain moment, au niveau de civilisation atteint ni au mode de vie


adopt. Les astronomes de l'Amrique Moyenne peuvent fort
bien avoir cherch et trouv un procd plus satisfaisant. Il est
galement possible que le calendrier solaire ait t apport aux
Nahuas et aux Mayas par Quetzalcoatl, conformment la tra
dition. Ce qui renforce cette seconde hypothse, c'est que, d'apr,
les chroniqueurs - en particulier l'vque Diego de Landa -.
l'anne solaire en vigueur l'poque de la Conqute marquait
un recul par rapport une division antrieure du temps en
priodes de 365 jours et 6 heures, rparties enmois de trn t
jours, plus les ajouts ncessaires pour complter le calcui. 1Ce
fait serait incomprhensible si le calendrier ainsi dform avait
et autochtone, c'est--dire s'il avait surgi comme reoonse
un besoin vcu qui n'avait certes pas disparu. Il devient logiue,
au contraire, s'il s'agit d'un systme apport du dehors et art
ficiellement impos par des gouvernants momentans. Une fois
parti Quetzalcoatl, son calendrier fut peu peu abandonn et
on en revint l'antrieur, inexact mais d'application routinire,
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 141

qui n'avait pas eu le temps de disparatre compltement de la


coutume ni moins encore de la mmoire.
Si le Dieu-Soleil s'tait tabli en Amrique Moyenne, son
systme chronologique se serait gnralis sans aucun doute,
jusqu' liminer le calendrier lunaire. Nous pouvons l'affirmer,
parce que c'est exactement ce qui se passa au Prou.
L'empire incaique utilisait un calendrier solaire dont l'anne
avait 365 jours et 6 heures et tait divise en douze mois de
trente jours, plus les pagomnes et, tous les quatre ans, un jour
correspondant l'ajout bissextil. Mais il n'en avait pas toujours
t ainsi. Les Pruviens possdaient auparavant un calendrier
lunaire de 348 jours, divis en douze mois de vingt-neuf jours.
Bien entendu, une diffrence annuelle de dix-sept jours avec la
course du Soleil tait intolrable. Pour l'absorber, on formait
un cycle de soixante ans, c'est--dire de 20 880 jours qui don
naient cinquante-huit annes vagues de 360 jours. Il suffisait
d'ajouter une anne lunaire pour rgulariser le calcul. Nan
moins, le dcalage progressif des saisons continuait se produire
au sein de la priode de soixante ans.
D'aprs le chroniqueur Montesinos, le changement de calen
drier fut l'uvre d'un souverain pr-incaque, Inti Kapak, qui
aurait rgn au xv sicle avant j.-C. Dpourvu de tout sens
critique, d'une part, et obstin, d'autre part, faire remonter
la chronologie pruvienne au Dluge biblique, Montesinos est
le moins digne de foi des chroniqueurs en ce qui concerne les
dates et les noms. Mais on peut le croire aveuglment lorsqu'il
parle d'astronomie car il dmontre une totale incomprhension
de ce qu'il rapporte, ce qui, chez lui, est la meilleure des garan
ties. Bien entendu, il n'y eut jamais d'Inti Kapak. Le nom signi
fie, en quitchoua, Roi Soleil et se rfre videmment Huirakocha
qui, selon la tradition, apporta en effet le calendrier en Am
rique du Sud. Et le changement chronologique n'eut pas lieu
au xv sicle avant J.-C. car cette poque Huirakocha n'tait
pas arriv. Dans un peuple qui n'avait pas d'histoire crite,
personne n'aurait d'ailleurs pu se refrer un vnement datant
de 3 000 ans. Montesinos lui-mme confirme notre interpr
tation lorsqu'il raconte que les descendants d'Inti Kapak, vaincus
au cours d'un soulvement, durent se rfugier dans la montagne,
ce qui arriva, en effet, nous l'avons vu, aux Atumuruna de Tia
huanacu. Par ailleurs, c'est encore Montesinos qui rapporte
U2 / Le grancl voyage elu Dieu-Soleil

comment un autre souverain pr-incaique, Sinchi Apuski, chan


gea le nom du Dieu suprme qu'il appela Huirakocha, comme
complment d'une modification du calendrier qui fit com
mencer l'anne au solstice d'hiver, le 23 septembre. Nous ne
savons pas si la date est correcte, mais elle correspondrait alors
au solstice d't, ou si c'est la mention de la priode astrono
mique qui l'est, mais la date serait, dans ce cas, le 23 juin. La
seule chose oui nous intresse, d'ailleurs, c'est la relation exis
tante entre 1; changement de calendrier et l'apparition du Dieu
Soleil.

2. Le zodiaque incaque

Le passage du calendrier lunaire au calendrier solaire ne put


pas se produire, chez des peuples qui faisaient montre d'une
forte vocation pour l'astronomie, sans une tude approfondie
de la course du Soleil dans le ciel austral, c'est--dire par rapport
aux " constellations fixes " particulirement si l'on tient compte
du fait que le Dieu blanc tait un marin accoutum naviguer
- car ni les Scandinaves ni les Irlandais ne connaissaient l'usage
de la boussole - en observant les toiles. Les donnes que nous
avons sur les peuples de I'Amerique Moyenne ne nous fournissent,
dans ce domaine, aucun renseignement utile notre recherche,
sauf un seul qui, considr isolment, ne signifie rien, quel
qu'trange qu'il soit : chez les Nahuas, la constellation du Scor
pion portait le mme nom qu'en Europe. Au Prou, les conci
dences sont, au contraire, si abondantes qu'elles ne peuvent
pas tre le fruit du hasard.
La plus grande partie des renseignements que nous avons
sur l'astronomie pruvienne se rduit une nomenclature de
constellations que nous donne, sans ordre, le P. Acosta, chro
niqueur srieux et pleinement digne de foi. Vicente Fidel
L6pez (38) parvint, sur cette base, reconstruire la quasi totalit
du zodiaque incaque et prouver qu'il tait identique celui qui,
d'Asie, tait arriv en Europe par l'intermdiaire de Babylone
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 143

et que l'on employait au Moyen ge en astrologie, comme on


le fait encore aujourd'hui. Nous n'avons qu' suivre ici le phi
lologue argentin car son travail est parfait.
Le zodiaque est dfini par les deux points extrmes entre
lesquels le Soleil oscille pendant sa course annuelle. Le premier,
ou tropique du Cancer, correspond aux trois mois de l'hiver
boral, de dcembre mars, tandis que le second, ou tropique
du Capricorne, comprend les trois mois de l't septentrional,
de juin septembre. Les deux tropiques occupent des positions
exactement opposes sur l'lipse zodiacale. Il n'est pas nces
saire d'ajouter, bien que de nombreux chroniqueurs espagnols
et, en particulier, Montesinos, ne se soient pas rendus compte
du phnomne, que les saisons et, par consquent, les angles
que chacune d'elle dcrit sur l'lipse s'invertissent en passant de
l'hmisphre boral l'hmisphre austral. En Amrique du
Sud, l't est plac sous le signe du Capricorne et l'hiver, sous
celui du Cancer. Il en est ainsi dans le zodiaque pruvien qui
place le Cerf au tropique d't et le Crabe au tropique d'hiver.
Les peuples du Haut-Plateau ne connaissaient pas la chvre
et le nom de Capricorne tait, par consquent, intraduisible
en quitchoua. Mais ils possdaient une espce de cerf, cornu
comme la chvre. Capricorne devint ainsi Tarukka, cerf : l'impor
tant, c'tait qu'il s'agt d'un animal cornes. La chvre, cepen
dant, symbolisait l'hiver boral et ne correspondait donc pas
l'inversion ne du changement d'hmisphre. Tout semble
indiquer que ceux qui apportrent en Amrique du Sud le zodiaque
europen eurent conscience de la difficult. Car ils ajoutrent
Tarukka l'adjectif topa, ardent, avec la double rfrence qu'a
le mot, en quitchoua, au soleil estival et l'lan gnsique. Ils
conservrent ainsi le signe primitif, peine modifi, par adapta
tion au milieu zoologique, et en mme temps marqurent le
changement de saison qui s'tait produit. Rien de plus logique
ni de plus clair.
Dans l'hmisphre boral, le nom de Cancer provient du
fait que le Soleil, aprs avoir atteint le point solsticial, com
mence, vers le Sud, un mouvement de recul. Dans l'hemisphre
austral, le mme phnomne se produit en sens contraire : le
Soleil se replie sur lui-mme dans l'inertie de l'hiver. Le Dieu
Soleil n'eut pas besoin, ici, de chercher un nouveau symbole.
Le cancer - c'est--dire le crabe ou la crevette - existait dans
144 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

le Pacifique. On l'appelait Machak-huay, le marcheur ivre. Il


n'tait pas non plus ncessaire d'ajouter au mot un qualificatif
qui indiqut les caractristiques de l'hiver car le crabe, qui
avance de ct et d'un pas vacillant, parat, non seulement ivre,
mais encore moiti endormi. Vicente Fidel Lopez note que les
dictionnaires traduisent Tllflchak-huay par serpent, comme syno
nyme d'amaru, mais il prcise que les Indiens qui parlaient encore
le quitchoua au sicle dernier distinguaient parfaitement entre
amaru, couleuvre, katari, vipre, et machak-huay, mot dont ils
dsignaient les autres reptiles, et mme le scorpion, mais aussi
les crustacs.
Voyons maintenant si nous trouvons la mme correspondance
en ce qui concerne les autres signes du zodiaque. Nous suivrons,
pour le faire, non sans systmatiser quelque peu l'tude de Vicente
Fidel L6pez, l'ordre que nous leur connaissons.
LE BLIER. Le blier du Vieux Monde n'existait pas en
Amrique. Mais il avait un quivalent dans l'alimentation des
peuples quitchoua et aymara : le lama ou, comme disaient les
Espagnols prcisment pour cette raison, el carnero de la tierra,
le mouton - littralement, le blier - du pays. On ne mangeait
pas la viande du mle, dure et ftide, mais seulement celle de la
femelle et, de prfrence, celle du nouveau-n, k'katu. Les dic
tionnaires contemporains ne nous donnent, pour ce dernier terme,
que le sens driv de '' march de viande " Mais le P. Acoste
lui attribue celui de mouton, blier et brebis, toujours en ce qui
concerne le lama, bien entendu. C'est de l que K'katu-chil/ay,
une des constellations pruviennes, signifie " Astre - ou Cons
tellation - du Blier n, nom identique celui d'Europe.

LE TAUREAU. Il n'existait pas non plus de bovins dans le


Prou pr-colombien et le taureau ne pouvait donc pas tre
utilis comme symbole de l'ardeur gnsique des animaux qui
s'veille au mois de mai de l'hmisphre boral. Mais l'espce,
ici, est secondaire. Ce qui importe, c'est le mle, urkp. en quit
choua. Et, de fait, nous trouvons Urkp.-chil/ay, l'astre - ou la
constellation - du mle. Nous ne savons malheureusement pas
si les habitants du Haut-Plateau situaient ce signe en avril-mai,
la manire europenne, comme le firent les Espagnols lors
qu'ils appliqurent aveuglment en Amrique du Sud un calen
drier liturgique qui perdait ainsi une bonne partie de sa signi-
Lt grand tJogllge t!tt Dieu-Soleil / U5

lication, ou si, au contraire, ils le transportrent en octobre


novembre afin d'en respecter le sens.
LES GMAUX. Situ aux mois de mai et de juin, le signe des
Gmeaux, reprsent par deux jeunes gens, symbolisait l'qui
libre retrouv du jour et de la nuit et, en mme temps, la nais
sance de la chaleur vitale. Mirk_u-k'koyl/ur a exactement le mme
sens chez les Quitchouas : les toiles de l'union ou, mieux encore,
les toiles unies.
LE CANCER. Nous avons mentionn plus haut ce signe en
parlant des tropiques.
LE LION. En Europe, la constellation du Lion domine le
ciel en lin juillet, lorsque le Soleil, qui s'loigne du Cancer, reprend
sa course et lance ses rayons vers le Sud. Au Prou, le Soleil de
juillet se trouve dans la partie infrieure du zodiaque. Il s'loigne
de l'obscurit du Nord et darde ses rayons vers l'hmisphre
austral. Les Grecs, dit L6pez, parlaient des dards d'Apollon.
Les Quitchouas, de la lance. Chulkin-chinka-chay signifie, en
effet, retour de la lance du tigre cach " Chay est retour; chinka,
le jaguar amricain qui s'aplatit contre le sol avant de sauter;
chuki, lance et, avec l'n final, la lance. L'image est parfaite. Notons
qu'il n'y a pas de lions en Amrique du Sud et que le puma, que
l'on appelle parfois ainsi en espagnol, est un flin pius proche
du chinka que du lion africain.

LA VIERGE. En aot-septembre, la Terre, aprs avoir donn


sa rcolte, redevient vierge, prte concevoir de nouveau. Le
symbole n'a aucun sens dans l'hmisphre austral, moins
que les Pruviens n'aient transport le signe aux mois quiva
lents de fvrier-mars, ce que nous ignorons. De toute manire,
nous trouvons une femme dans le zodiaque incaque : Mam
Haoo, la Mre-Gel, c'est--dire le ciel comme mre. Les deux
symboles ne sont pas ncessairement identiques mais ils se res
semblent en tout cas beaucoup.
LA BALANCE. Dans l'hmisphre boral, la balance sym
bolise l'quinoxe d'automne, c'est--dire la rupture, en septembre
octobre, de l'quilibre des heures. En Amrique australe, le
mouvement s'invertit mais il provoque le mme dsquilibre
croissant. Les Quitchouas le reprsentaient par l'chelle, Chak
kaoo, ligure encore plus expressive que la balance.
146/ f..< .trand V01JD8< tlu Dieu-Soleil

LE SCORPION. C'tait, pour les peuples de l'Antiquit et


du Moyen Age, le signe de la maladie, qui marquait, en octobre
novembre, le commencement de la saison froide. Le zodiaque
pruvien nous donne une ide quivalente avec Huakra-Onkoy,
la maladie blessante , Vicente Fidel Lpez signale que, dans
toute la zone tropicale de l'Amrique du Sud, le dbut du prin
temps se caractrise par des pidmies de livres. Ce pourrait
tre l l'explication, si l'on suppose que le signe occupait, dans
le zodiaque austral, la place qui lui revenait dans l'hemisphre
boreal. Il semble bien qu'il en ait te ainsi car Hua/r:ra-Onkoy
devait concider avec la monte vers le Nord des Pleiades, Onkoy
k'koyllur (la constellation de la maladie, entre autres noms),
qui n'entre jamais dans la projection du plan du zodiaque et se
rapporter une constellation voisine.

LE SAGITIAIRE. Il y a l un vide dans la liste du P. Acosta.


Nous ne savons pas comment s'appelait le signe correspondant.

LE VERSEAU. Le signe symbolise la crue des rivires, pro


duit de la fonte des neiges. Nous le rencontrons dans le zodiaque
pruvien avec le mme sens. Miki-k'kiray signifie : moment
des eaux . En janvier-fvrier, la neige de la cordillre vient de
fondre et les rivires qui descendent de la montagne s'enflent
violemment.

LES POISSONS. Nous ignorons le nom quitchoua de ce


SJ.gDe.
En resume, le zodiaque incaique nous est parvenu avec dix
signes et deux vides. Des dix signes connus, sept sont prati
quement identiques ceux du zodiaque europen : le Blier
(idem), le Mle (le Taureau), les toiles Unies (les Gmeaux),
le Crabe (le Cancer), le Retour de la Lance du Tigre Cach
(le Lion), le Cerf (le Capricorne) et le Moment des Eaux (le
Verseau); un autre est fort semblable : la Mre Ciel (la Vierge);
et deux ont le mme sens mais un symbole diffrent : I'&helle
(la Balance) et la Maladie Blessante (le Scorpion). Le hasard
est impuissant expliquer une telle concidence. Indiscutable
ment, le zodiaque europen fut apport au Prou, et seuls des
Europens purent le faire.
3 Solstices et quinoxes dans le zodiaque incaique

La division de l'anne incaique en quatre saisons dfinies


par les solstices et les quinoxes, exactement de la mme manire
qu'en Europe, n'est pas moins rvlatrice. Montesinos nous
rapporte le fait avec des erreurs qui montrent la fois son igno
rance du sujet et la correction de son rcit. Il nous dit, en effet,
que l'quinoxe de printemps (mai) s'appelait Quira-toca-corca
et celui d'automne (septembre), Camay-topa-corca. Or ces noms
ont un sens exactement inverse de celui que leur donne le chro
mqueur.
Montsinos, dit Vicente Fidel L6pez, place en mai l'qui
noxe de printemps quand le mot quitchoua qu'il cite dit automne.
K'kikay signifie rameau, ct; toka, ombre, obscurit; korka,
section; l'expression complte se traduit section du ct obscur,
automne, et non printemps. Kamay-topa-korka est, au contraire,
la section de la chaleur cratrice (komay), le printemps . Mon
tsinos, videmment, ne tint pas compte de l'inversion des sai
sons dans l'hmisphre austral.
D'o les quatre saisons europennes, dment inverties afin
qu'elles correspondent la ralit du ciel mridional :

1 . SITUA, ou Kamay-topa-korka. le printemps, qui commence


l'quinoxe de printemps {septembre) par la fte d'Uma-raymi,
ou Uma-raymi, la plus importante de toutes parce qu'elle clbrait
le rveil de la nature. Raymi, nous dit Vicente Fidel L6pez, vient
de la racine ra que nous trouvons dans le verbe raurani, flamber,
lancer des flammes. Ray est l'infinitif d'un verbe perdu, rani.
Le suffixe mi est la troisime personne du verbe tre. Raymi
signifie donc, littralement : torche. Uma veut dire tte. Il n'tait
donc pas ncessaire de recourir une dangereuse potisation,
comme le fait L6pez lorsqu'il traduit Uma-raymi par la face
ou la tte du Soleil et son alternative, Umu-raymi, par le saint
mystre du Soleil , Le gnitif saxon du quitchoua suffirait, d'ail
leurs l'interdire. Uma-raymi a, en effet, un sens aussi clair
qu'expressif : la torche de la tte , c'est--dire du dbut ,
Uma-raymi - la torche du prtre - n'est videmment que le
148 / Le grond voyage du Dieu-Soleil

fruit d'une mauvaise transcription des chroniqueurs espagnols,


provoque, comme nous l'avons dj mentionn, par la pronon
ciation quitchoua.
En mme temps que l' Uma-raymi, les Pruviens clbraient
la fte du Huarak_a, semblable la crmouie au cours de laquelle
les jeunes Romains recevaient la toge virile. Une fois termines
leurs tudes, les adolescents passaient des examens de science,
de grammaire, de gymnastique et de tactique. Ils subissaient
ensuite une srie d'preuves - jenes et luttes - la fin des
quelles ils recevaient le huaraka, insigne de la virilit, et les armes
du soldat.
2. L't n'avait pas de nom ou, du moins, nous ne lui en con
naissons aucun. Peut-tre le dsignait-on d'aprs la fte du Raymi,
ou Kapakraymi - Torche Maximale -, ou encore Kuski
raymi - Torche de la Joie - par laquelle il commenait au
solstice d't (dcembre) : crmonies pastorales et offrande
des prmices au Soleil.
3. ASITUA - oppos Situa -, ou K'kikay-toka-korka,
l'automne, commenait en mars par une fte d'action de grce
qui marquait le dbut de la distribution des produits commu
nautaires.
4. L'hiver n'a pas non plus de nom connu, mais on sait que
la fte du solstice Guin) s'appelait lntip-raymi : la Torche du
Soleil. Comme chez les peuples aryens, en effet, le debut de
l'hiver marquait le commencement d'un nouveau cycle agricole
et annonait la future rcolte. On clbrait la vieille fte paenne
du Feu Nouveau que les glises catholiques et orthodoxe ont
incorpore la liturgie de Pques. Le Grand-Prtre allumait
un morceau de coton en concentrant sur lui, l'aide d'un miroir
concave de mtal, les rayons du Soleil. Ce feu divin tait trans
mis aux temples o les Vierges du Soleil taient charges de
l'entretenir.
En tenant compte, sauf dans un cas, de l'inversion des sai
sons, ces quatre ftes correspondaient exactement au rituel
nordique. Les Scandinaves paens clbraient en septembre
(quinoxe d'automne) la fte des prmices, au cours de laquelle
ils immolaient, lorsque la rcolte antrieure avait t mauvaise,
des victimes humaines. En dcembre, la yu/fest - plus tard
confondue avec la Nol - marquait la continuit cyclique de
Le grand voyage du Dieu-Soleil / 149

la vie. ctait la fte de la famille et, en outre, avant le christia


nisme, le Jour des Morts. En mars (quinoxe de printemps),
le retour du Soleil tait symbolis par la bndiction du Feu
Nouveau (plus tard, Pques) et par le lancement de disques
et de roues de feu. En juin, finalement (solstice d't), figurait
la Fte du Feu qui se clbre encore la Saint-Jean. L'identit
ne pourrait tre plus grande. Elle est mme abusive, puisqu'au
Prou la Fte du Feu Nouveau avait lieu la mme date qu'en
Europe, alors que, pour lui conserver sa signification, il aurait
fallu la reporter dcembre, c'est--dire au solstice d't austral.
Rappelons que les Nahuas clbraient au printemps (mai)
la mort et la rsurrection du Soleil (cf. chapitre IV), avec plus
de logique que les Quitchouas, puisqu'ils appartenaient l'hmis
phre boral.

4 Une cosmographie europenne dans


l'hmisphre austral

La coexistence, en Amrique Moyenne, de deux calendriers,


lunaire et solaire, et le souvenir, au Prou, de l'abandon du pre
mier pour le second viennent confirmer les traditions selon
lesquelles Quetzalcoatl et Huirakocha apportrent au Nouveau
Monde le systme chronomtrique qu'employait l'Europe. Mais
l'origine de ces connaissances est beaucoup plus clairement
indique par la concidence que Vicente Fidel Lapez note entre
le zodiaque incaique et celui qui, de l'Orient, tait arriv par la
Grce en Europe Occidentale o, au Moyen Age, il avait atteint
une norme diffusion travers l'astrologie.
Des dix signes du zodiaque incaique qui nous sont parvenus,
sept sont pratiquement identiques ceux d'Europe et deux ont
le mme sens mais avec une symbolisation diffrente, tandis que
le dixime a le mme symbole et un sens trs proche, quoique
distinct. D'autre part, au Prou, l'anne tait divise en quatre
saisons par les solstices et les quinoxes, avec les ftes corres
pondantes. Nous avons dj vu, au chapitre IV, et nous l'avons
150 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

nouveau mentionne ci-dessus, que la Fte du Feu Nouveau


se clbrait en juin, comme en Europe, alors que l'inversion des
saisons aurait exige qu'on le fit en decembre. Ce qui demontre
l'origine septentrionale du rite.
Les ftes religieuses en question peuvent provenir de sources
aussi bien paennes que chrtiennes car l'Eglise catholique se
limita donner une nouvelle signification des cermonies pr
existantes. Il n'en est pas de mme du zodiaque. Les Scandi
naves paens l'ignoraient, alors que, paradoxalement, l'astrologie
l'avait rpandu chez les peuples dj christianiss. Son intro
duction dans le Nouveau Monde est-elle due aux Irlandais qui,
nous le savons, vanglisrent les Nahuas et les Mayas ? Ce n'est
pas impossible, bien que prcisment nous ne trouvions aucune
trace du zodiaque en Amrique Moyenne. S'il n'en tait pas
ainsi, il nous faudrait supposer un nouvel apport chrtien, effectu
directement depuis l'Europe, l'Amrique du Sud.
VII. TIAHUANACU,

VILLE NORMANDE
1. Les traces matrielles du Vinland
Les expditions des Scandinaves au Vinland, au dbut du
x1 sicle, et l'tablissement postrieur dans la rgion de colo
nies de mme origine ne prsentent pas, pour notre tude, un
intrt direct, puisque nous savons qu'Ullman arriva au Mexique
plusieurs dcennies avant le voyage de Leif Eiriksson. Ils ne
manquent cependant pas d'importance pour nous : ils dmontrent,
en effet, la possibilit et, par consquent, la vraisemblance du
dbarquement de Panuco. Certes, les sagas islandaises sont
dignes de foi. Mais les traces que les Vikings laissrent en Am
rique du Nord et que l'archologie nous fait connatre le sont
plus encore.
Depuis le milieu du sicle dernier, on a frquemment dcou
vert, au Canada, et aux f.tats-Unis, des ruines qui furent attri
buees aux immigrants scandinaves mais au sujet desquelles il
existe des doutes srieux. Dans trois cas, au contraire, la certi
tude est presque absolue. Limitons-nous eux.
Le premier consiste en la decouverte au Massachusetts, vers
1 880, par le Professeur Eben Horsford, de constructions qui
correspondraient Leifsbudir. Citons Cronau (2) : Au bord
de la rivire Charles, prs de Cambridge, cet homme de science
a trouv, non seulement les restes de deux grandes maisons
construites en pierre, mais encore ceux de cinq cabanes dont le
154 / Le gran voyage Jrz Dieu-Soleil

trac et la configuration concordent parfaitement avec ceux


qu'avaient les constructions d'origine normande du Gronland.
Dans le voisinage de ces trs anciennes habitations, il y avait
trois grands piges destins aux poissons que le courant y entra
nait pendant le flux de la mer et qui, restant sec lorsque la
mare baissait, taient facilement attraps par les pcheurs.
L'existence de ce genre de pige est rapporte par les anciennes
traditions qui se rfrent aux colonisateurs gronlandais. Ceux-ci,
comme put l'observer Horsford, construisirent egalement des
canaux artificiels, des barrages et des lieux de runion en plate
formes et en terrasses. Dans les endroits tudis par le savant
en question, on trouva quelques pierres utilises comme l'est
pour les filets ... de mme qu'un grand mortier de pierre, sem
blable ceux qu'aux anciens temps on employait en Norvge
pour moudre le bl et d'autres grains "
Les secondes ruines indiscutables furent dcouvertes, en
1%3, par l'expdition Helge lngstad, prs de L'Anse-au
Meadow, dans la pninsule nord de Terreneuve. Elles consistent
en une maison de type gronlandais, de 70 pieds sur 50,
et d'autres plus petites. Les fouilles effectues permirent de
trouver une enclume de pierre et un fuseau, typiquement
norvgiens.
La troisime dcouverte est beaucoup plus imposante, mais
les fouilles sont peine commences. Nous la devons au P. Ren
Levesque, prsident de la Socit d'Archologie de la Cte Nord,
de Qubec. Elle consiste en ruines de deux villages, situes
sur la baie de Bradore, en face de la pninsule de Terreneuve :
l'une prs de l'actuel village de Blanc-Sablon, l'autre la Pointe
des Belles Amours. On trouva, dans les deux cas, des maisons
rectangulaires ou carres, les premires de 30 pies sur 20, entou
res de cabanes rondes, conjonction qui est caractristique de
l'dification gronlandaise. A Blanc-Sablon, une spulture, mal
heureusement pille, contenait un rcipient d'corce cousue,
finement dcor de peintures rouges, dont le bord est en cuivre
europen. Sans aucun doute, les travaux du P. Levesque nous
fourniront, au cours des prochaines annes, un matriel beau
coup plus abondant. Ce qui a dj t dcouvert est nanmoins
suffisant pour attribuer l'ensemble de la baie de Bradore une
colonie scandinave, nombreuse et stable.
Aux ruines que nous venons de mentionner s'ajoutent cer-
Le graneT voyage Ju Dieu-Soleil/ 155

tains objets, d'indiscutable origine norvgienne, qui furent trou


vs dans les 11WU11Jis, tumuli que les Indiens du Massachusetts
utilisaient, la manire scandinave, comme spultures. Laissons
encore la parole Cronau : ct Je voudrais attirer l'attention des
explorateurs sur certains objets peine connus jusqu' prsent
et qui se trouvent parmi les trsors du Muse Royal Ethnogra
phique de Copenhague.
" Ceux-ci sont reunis sur le rayon - ou tiroir - qui porte
le numro 4 1 et consistent en cliver$ objets de bronze, de cuivre
et d'argent trouvs dans des spulcres indiens des environs de
Middleborough et de Four Corners (Massachusetts) et qui sont
dposs, depuis 1843, audit muse.
" Les plus importants de ces objets, du point de vue scienti
fiques, nous paraissent tre la cape exterieure et quelques frag
ments d'un vase fait d'une feuille d'argent fort mince, quelques
cuillers de bronze et de cuivre, deux pointes de Hche de bronze
et les restes d'un ceinturon trs particulier.
" La plus lgre des observations est suffisante pour montrer
que les objets qui nous occupent rvlent que leurs fabricants
possdaient une singulire habilet pour le travail des mtaux,
et on observe en outre que le bronze employ est d'un alliage
noble et bien compris. Les habitants primitifs de i'Amrique
du Nord et des ctes atlantiques ne surent jamais fondre les
mtaux : ils ne les travaillaient qu' froid. Ils ne pouvaient donc
pas savoir combiner les mtaux de diverses classes. Nous pensons,
en outre, que la forme des cuillers et des pointes de Hche qui
nous occupent diffre passablement de celle des objets indiens
de ce type.
Les habitants primitifs de l'Amrique, comme encore les
Indiens actuels, avaient coutume de fixer leurs solides et jamais
brches pointes de Hche l'aide de tendons ou de nerfs d'ani
maux, de telle manire que lesdits tendons, faisant le tour du
manche, s'enroulassent autour de deux saillies que celui-ci por
tait, ainsi que d'autres sur la partie suprieure.
Les pointes de Hche auxquelles nous nous rfrons ont en
leur milieu un trou, rond sur l'une et carr sur l'autre. Les ten
dons y sont remplacs par des cordonnets ou des fils de laine,
en totale opposition aussi bien avec l'ancien usage qu'avec l'actuel.
Remarquons galement la forme des cnillers, dont nous repro
duisons le dessin, et surtout celle de la plus longue, qui est en
cuivre et rappelle les europennes. Il serait vraiment bien diffi
cile de trouver sa pareille au milieu de tous les ustensiles mna
gers des Indiens. Le trou ou l'anneau qu'elle porte au sommet
du manche parat indiquer son origine europenne car il avait
probablement comme raison d'tre que l'on pt la pendre un
clou, au mur. Les habitants de l'Amrique, les primitifs comme
les actuels, ne connaissaient pas le clou et n'avaient pas coutume
de mettre des anneaux leurs objets.
Les anciens Scandinaves et les colonisateurs du Gronland
employaient, au contraire, depuis bien longtemps auparavant,
de semblables cuillers.
Le fragment de ceinturon trouv sur les hanches d'un sque
lette dterr en 1831 prs de Hall River est galement fort curieux.
Il est fait d'une rangee de petits tubes de roseau, chacun d'eux
recouvert de cuivre, qui sont unis entre eux, comme on peut
le voir sur la gravure, au moyen de bandes de cuir ou de cordon
nets de laine.
" A notre avis, ces objets, surtout les pointes de flche et les
cuillers, sont indubitablement d'origine europenne et, par troc
ou en d'autres circonstances que l'on ignore, passrent des navi
gateurs aux indignes du Massachusetts "
On a d trouver et detruire bien des pices de mme origine,
une poque o on ne pouvait pas les apprecier leur juste valeur,
et bien d'autres doivent dormir, ignores, dans des muses et
dans des collections particulires. Les trouvailles effectues dans
la rgion des Grands Lacs mritent une mention part. Nous
y avons dj fait allusion, au chapitre premier, au sujet de l'expe
dition de Poul Knuddson.
En 1 898, un paysan sudois tabli prs de Kensington, dans le
Minnesota central, Olaf Ohman, trouva, prise dans les racines
d'un peuplier qu'il venait d'arracher, une pierre de 77 cm de
longueur sur 40 de largeur et 15 d'paisseur, couverte de carac
tres runiques. Presque analphabte, Ohman ne comprit pas
de quoi il s'agissait et ne chercha jamais, par la suite, tirer
quelque avantage que ce ft de sa trouvaille. Il remit la dalle
au banquier du village, lequel l'envoya l'Universit du Minnesota
o un specialiste en culture scandinave, le Professeur O. ]. Breda,
n'eut aucune peine la dchiffrer presque entirement. Seuls lui
chapprent quelques signes qui, plus tard, furent identifis
comme des chiffres.
Voici le texte complet de l'inscription : 8 Goths et 22 Norv
giens en voyage d'exploration l'ouest du Vinland. Nous cam
pmes prs de deux les rocheuses, un jour de distance au Nord
de cette pierre. Et nous pchmes un jour. A notre retour, nous
trouvmes J O hommes ensanglants et morts. AV M, dlivrez
nous du mal. Nous avons 10 prs de la mer gardant notre navire,
1 4 jours de voyage de cette le. An 1362 . Les lettres AV M
taient latines et constituaient une abrviation d'AVE MARIA.
Le Professeur Breda estima que la pierre tait une falsification
parce que la langue et les caractres employs taient trs pos
trieurs ceux du XI' sicle, poque des voyages de Leif Eiriksson
et de ses frres. Ils concidaient parfaitement, au contraire, avec
le langage et l'criture du XIV' sicle. Lorsque l'on dchiffra la
date qui figure dans l'inscription, les doutes au sujet de l'authen
ticit de cette dernire perdirent peu peu leur vigueur primi
tive, d'autant plus que l'ge de l'arbre arrach par Ohman dmon
trait que la dalle devait dj avoir t l au cours de la dcennie
1 850-1860, c'est--dire une poque o il n'y avait dans la rgion
que quelques rares habitants blancs, entours de Sioux agressifs.
Les gologues certifirent, d'autre part, que la description go
graphique de la zone, telle qu'elle ressort du texte, tait correcte
pour le XIV' sicle, mais non plus pour le XIX' car entre temps
le lac s'tait transform en marais et les les avaient disparu comme
telles, processus que seul un spcialiste aurait pu connatre.
Postrieurement la dcouverte de la Pierre de Kensington,
on trouva de nombreux objets - pierres perces que les Vikings
utilisaient pour amarrer leurs navires, fers briquet, haches de
combat, lances, mdaillons, etc. - que d'aucuns attribuent aux
Scandinaves mais dont l'origine ne fait pas l'unanimit des sp
cialistes. Il convient de noter, en faveur de leur authenticit,
qu'ils furent recueillis aux environs de la Rivire Rouge et du
lac du Cormoran! (celui des deux les rocheuses) et l'ouest
du Minnesota, tout au long de la route qu'aurait suivi Knudsson.
En 1931 , on dcouvrit, prs de Beardmore, dans la province
canadienne de l'Ontario, de nombreuses pices mdivales d'indis
cutable origine scandinave, mais il existe quelque soupon qu'elles
aient pu y avoir t enterres une poque rcente.
L'authenticit de la Pierre de Kensington est devenue le sujet
de discussions passionnes (45) dans lesquelles les fadeurs scien
tifiques du problme ne sont malheureusement pas les seuls en
158/ Le graad voyage du Dieu-Soleil

jeu. Il ne nous appartient certes pas d'exprimer sur ce point une


opinion definitive. Limitons-nous dire que les arguments posi
tifs nous semblent beaucoup plus solides que les ngatifs et que
la question fut officiellement tranche en faveur des premiers
lorsque, il y a quelques annes, la pierre fut incorpore aux col
lections du Musee National des tats-Unis qu'administre,
Waslngton, la Smithsonian Institution. Ce qui renforce indi
rectement la thse de l'authenticit d'au moins une partie des
objets trouvs dans la region .
Nous nous sommes quelque peu cart, dans les paragraphes
antrieurs, du problme des constructions europennes pr
colombiennes de l'Amrique du Nord. Il nous reste mentionner,
dans ce domaine la tour de Newport, situe dans la baie de Nar
raganset, aux environs de Boston. Il s'agit d'un difice rond
dont la porte est place quatre mtres de hauteur, videm
ment construit dans un but de dfense et d'observation. La
tour n'est pas post-colombienne et les Indiens ne construisirent
jamais rien de pareil. Nous trouvons, au contraire, en Irlande
et en Bretagne, des constructions identiques, telles que la tour de
Lanleff dans cette dernire rgion, qui datent du IX' sicle et
suivants. La tour de Newport fut-elle l'uvre des Irlandais du
Huitramannaland? Ce n'est pas certain, car les Vikings avaient
appris, en Irlande, l'art des constructions circulaires.

2. Des hommes de race blanche dans


l'iconographie pr-colombienne

Le matriel archeologique que nous fournissent I'Amerique


Moyenne et l'Amrique du Sud est, certes, beaucoup plus riche
que celui qui provient de la partie Nord du continent. Il ne nous
offre pas seulement des restes d'difices et quelques rares objets.
mais de nombreuses reprsentations iconographiques d'hommes
de race blanche. Nous prsentons ici, titre d'exemple, quelques
unes d'entre elles, en laissant de ct, bien entendu, contraire
ment M. Thor Heyerdahl ('), les figures barbues aux traits
Le grand voyage du Dieu-Soleil / 159

mongolodes qui abondent au MeJque et, plus encore, sur la cte


du Pacifique sud. Il s'agit peut-tre de mtis, mais nous n'avons
aucune certitude ce sujet car tous les Indiens ne sont pas tota
lement imberbes et la barbe leur vient souvent avec l'ge, comme
alDI Asiatiques.
Le personnage que reprsente la planche V (c) est un chevalier
aigle, c'est--dire un membre de l'Ordre Militaire aztque. Voir
aussi ce propos la tte barbue d'un guerrero elu Rio Balsas,
au Mexique (planche I l l (c) . Tout commentaire serait superflu.
Les traits parlent par eux-mmes : il s'agit, non seulement
d'hommes blancs, barbus ou non, mais plus prcisment d'indi
vidus de race nordique.
Les fresques du Temple des Guerriers de Chichen Itza (*) con
firment les temoignages des sculpteurs. La premire nous montre
une scne cle combat, dans une ville, entre Indiens et Blancs, la
prise de prisonniers blancs par les indignes et aussi, semble-t-il
- en bas, gauche - par d'autres Blancs habills la manire
indienne et le rembarquement des etrangers sur un bateau qui a
la forme d'un snekkar viking. La seconde illustration reproduit
une scne de combat naval - avec un autre snekkar - entre
des Indiens et des hommes blancs et blonds. Sur la troisime, un
prisonnier blanc et blond est maintenu par cleU Indiens sur la
pierre des sacrifices. Ces fresques se rapportent vraisemblable.
ment au dpart forc de Quetzalcoatl du Yucatan pour l'Anahuac.
Le penis dresse des prisonniers blancs (**), met suffisamment
en vidence un des griefs des indignes l'endroit des Vikings.
Car il s'agissait bien de Vikings : non seulement le type racial,
mais encore la forme si particulire des bateaux, le dmontrent.
Une scne semblable celle de la premire fresque ligure sur un
plat de Chimbote, cte Nord du Prou.

Cf. pl. Il (a).


* * Cf. ibid., en bas et gauche.
160 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

3 L'urbanisme

Toutes les villes nahuatl et mayas taient dessines selon le


mme schma : deux avenues en croix divisaient l'agglomration
en quatre quartiers qui constituaient la base de l'organisation
administrative. Les rues, dans toute la mesure o le permettait
la configuration du terrain, taient rectilignes et parallles aux
artres principales. D'o le trac en damier , avec des lets
dfinis par quatre voies, qui caractrise encore aujourd'hui la
majeure partie des villes de l'Amrique espagnole. Cuzco tait
aussi difie selon le mme plan, avec quatre quartiers, bien que
le sol accident n'et pas permis d'arriver, quant au reste, une
schmatisation aussi rigoureuse qu'au Mexique.
En dehors de l'Amrique, l'dification en damier ne se
trouve, comme rgle, que dans l'urbanisme militaire des Romains
et, dans le haut Moyen-Age, des Danois. Les camps-forteresses
de Trelleborg, en Zlande, d'Aggersborg et de Fyrkat, en Jutlande,
et d'Odense, en Fyn, taient diviss en quartiers par deux avenues
en croix et chaque quartier, en lets. Si donc l'urbanisme amri
cain n'est pas le fruit du hasard, son origine, au x sicle ou plus
tard, ne peut avoir t que danoise.
Cette conclusion est renforce par l'analyse de l'unit de mesure
utilise Tiahuanacu, c'est--dire dans un ensemble architectural
qui ne peut avoir t dessin que par les Atumuruna, puisque
les indignes de la rgion taient dpourvus de toute culture :
ce qui n'tait pas le cas de l'Amrique Moyenne ni de la cte
pruvienne o les blancs trouvrent une architecture trs avance.
Malheureusement, il ne reste presque rien d'intact dans la mtro
pole du Haut-Plateau andin. Pills par les conquistadores, utiliss
comme carrire par les constructeurs de l'glise et du village
actuels de Tiahuanacu, fouills par des archologues improviss
ou sans scrupule et, enfin, pratiquement rass par les ingnieurs
anglais qui employrent murs et colonnes, et jusqu'aux statues,
comme matriau, pour le ballast du chemin de fer, les difices
disparurent peu peu, au point qu'il est aujourd'hui impossible de
prendre les mesures exactes de restes si bouleverss. La difficult
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 161

tait moindre, au dbut du sicle, quand Arthur Rosnansky fit le


relvement des ruines. La prcision, helas, n'tait pas la qualit
matresse de cet ingnieur et les mesures qu'il donne dans ses
ouvrages sont toutes approximatives.
Nanmoins, Posnansky (") crut avoir trouv l'unit de mesure
utilise par les architectes de Tiahuanacu. Il constata, en effet, que
le mur en balcon du grand temple de Kalasaya avait " presque
exactement 4,845 rn, chiffre qui, divise par trois, donnait
1 6 1 ,51 cm. Ce qui, entre parenthses, inclut une faute d'arithm
tique, car la division donne, en ralit, 1 61 ,50. Il s'agirait l,
selon Posnansky, d'une unite de mesure anthropomtrologique,
appliquee tous les monuments.
S'il en etait ainsi, nous nous trouverions en face d'un fait
unique dans le monde, et fort peu logique. jusqu' la definition
du mtre, tous les peuples, en effet, employrent des units de
mesure anthropomtriques : le pied, le pouce, la palme et la
brasse, pour la raison bien simple que, primitivement, les mesures
taient prises l'aide de la partie du corps correspondante. On ne
choisit jamais comme unit la taille de l'tre humain, inappli
quable des objets horizontaux. Cela ne veut pas dire que la
mesure en question n'ait pas exist Tiahuanacu. Mais, si elle
y fut utilisee, elle ne constitua en aucune manire l'unit de base.
En effet, 1 6 1 ,50 cm equivalent presque exactement 5,5 pieds
danois, et la longueur du mur en balcon de Kalasasaya -4,845 rn,
selon Posnansky -a 1 6,5 pieds danois.
Le pied danois constituait l'unite de mesure - 29,33 cm -
employe, en particulier, dans la construction du camp-forteresse
de Trelleborg. C'est une variante locale du pied romain - 29,57 cm
- que l'on trouve aussi dans d'autres constructions danoises de la
priode viking.
L'utilisation du pied de 29,33 cm Tiahuanacu est facile
constater dans les autres mesures que nous donne Posnansky.
Par exemple : enceinte extrieure du Kalasasaya : 1 30,00 rn,
c'est--dire 477 pieds danois; mur extrieur de l'difice central (le
" Sanctissimum , selon la dsignation de Posnansky) : 64,50 rn,
c'est--dire 220 pieds danois; mur intermediaire du mme difice :
50,90 rn, c'est--dire 1 73,5 pieds danois; mur intrieur, ibidem :
40,60 rn, c'est--dire 1 38,5 pieds danois. Le rduction des mtres
en pieds n'est pas tout fait exacte (par exemple, 21 9,84 et non pas
220), mais les diffrences sont videmment dues l'imprcision
162 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

des mesures prises par Posnansky qui ne tienne mme pas compte
des centimtres !
L'utilisation du pied danois, au Prou, comme unit de mesure
est confirme par le fait que la /ega incaque - approximative
ment 6 980 rn - quivaut, avec une diffrence de 54 cm, au chiffre
rond de 23 800 pieds danois.

4 Les monuments chrtiens de Tiahuanacu

Les normes difices de Tiahuanacu taient dj en ruine


lorsque les Incas occuprent la rgion du lac Titicaca. Ils taient
cependant en bien meilleur tat qu'aujourd'hui, vers 1 540,
quand le chroniqueur Cieza de Leon put les examiner, voire, nous
l'avons dj dit, au dbut de notre sicle, quand Posnansky en
fit le relvement. Deux d'entre eux, les plus importants, retiennent
l'attention : I'Ak kapana, colline artificielle entoure de puissants
murs de soutnement et d'un foss, qui constituait une forteresse
fort semblable, quant son mode de construction, au Danevirk du
Slesvig; le Kalasasaya, ou Grand Temple du Soleil, comme
l'appelle Posnansky, dont il ne reste plus de nos jours que les
soubassements, les piliers, un parvis en escalier, une porte mono
lithique et une statue.
Arrtons-nous d'abord cette dernire. Il s'agit d'un mono
lithe de 2 rn de haut qui reprsente un tre humain vtu d'une
tunique et de braies. Posnansky, toujours fantaisiste, veut y
voir une femme enceinte. Le bon sens populaire est beaucoup plus
prs de la ralit : personne, en Bolivie, ne l'appelle autrement
que " El Fraile " le Moine. Dans la main droite, le personnage;
porte un objet cylindrique dont l'usure a rendu la forme imprcise;
dans la main gauche, un objet rectangulaire qui a toutes les appa
rences d'un missel mdival. Disons mme formellement que ce ne
peut pas tre autre chose : la fermeture mtallique en est aussi
clairement reproduite que possible et on peut mme noter tous les
dtails de ses charnires. Ce serait dj l un fait trange, mme
si le Moine n'tait pas la copie de la statue d'un aptre non iden-
grailll voyage du Dieu-Solei.l/ 163

ti qui ligure gauche - en sortant - du portail central de


la cathdrale d'Amiens. Le style est diffrent, mais il s'agit
bien du mme personnage, avec son livre ferrure et un rameau
manche cylindrique. Plus encore, on peut mme constater

ressemblance de traits et une parfaite identit de proportions entre


les deux visages carrs front bomb.
C'est M. Hector Greslebin, ancien professeur l'Universit
de Buenos-Ayres, que nous devons cette surprenante rvlation.
Ce spcialiste en histoire de l'architecture a consacr trente ans
de sa vie l'tude des monuments de Tiahuanacu. Il a bien voulu
nous autoriser rsumer ici les principales conclusions de l'ou
vrage, encore indit (47), qu'il leur a destin. Elles sont, pour
nous, pleinement convaincantes.
Ce n'est pas le Moine qui fut le point de dpart des recherches
de M. Greslebin, mais la porte monolithique que l'on connat
sous le nom de Porte du Soleil et que l'on trouva, couche et
brise, dans l'enceinte du Kalasasaya. Prcisons tout de suite qu'il
ne s'agit pas d'une espce d'arc de triomphe, mais bien d'une
porte, au plein sens du terme. On y voit l'emplacement des gonds,
et d'Orbigny, au dbut du sicle dernier, put encore observer
les traces vertes laisses sur la pierre par le bronze. Les cavits
gomtriques de la face postrieure montrent, d'ailleurs, qu'elle
devait tre incorpore un mur, et le manque de polissage de
la partie suprieure parat indiquer qu'elle devait tre coiffe
d'une architrave. L'ouverture en est surmonte d'une frise
en bas-relief constitue d'un personnage central et de quatre
sries horizontales de ligures sculptes. En vain les spcialistes
ont-ils cherch en pntrer le sens. La tche n'tait certes pas
facile. Car M. Greslebin a tabli que la prise en question repr
sentait, dans le style particulier de Tiahuanacu, l'Adoration
de l'Agneau, telle qu'elle ligure, d'aprs le chapitre V de l'Apoca
lypse, au tympan des cathdrales gothiques du xm sicle et,
plus particulirement, au dessus du portail principal de celle
d'Amiens. Il n'est pas dans nos intentions ni dans nos possibilits,
de reproduire ici sa dmonstration. Bornons-nous en indiquer
quelques aspects.
Le motif central de la frise est constitu par une ligure anthro
pomorphique assise qui rpond, jusque dans les moindres dtails,
la description apocalyptique de l'Agneau avec, en effet, le
livre aux sept sceaux (Apoc. V, 1), les sept yeux (Apoc. V, 6) et
1641 Le grand fJagage du m....Sokil

les vivants et les vieillards tombs aux pieds de l'Agneau (Apoc. V,


8). Les autres indications se rapportent aux vtements sacerdotaux
(Apoc. I, 13) que porte le personnage et qui sont dcrits au
chapitre XXXIX de l'Exode : les deux paulires (Ex. XXXIX, 4),
le ceinturon (Ex. XXXIX, 5), le pectoral, carr et double, garni
de quatre ranges de pierreries (Ex. XXXIX, 8, 9 et 10), les
chanettes d'or en cordon du pectoral (Ex. XXXIX, 1 5), les
deux capsules des paulires places entre deux cordons (Ex.
XXXIX, 18) et le diadme (Ex. XXXIX, 30).
Les quarante-huit ligures des trois ranges de la frise - le
mme nombre qu' Amiens et Chartres - reprsentent les
douze aptres, les douze prophtes mineurs et les vingt-quatre
vieillards couronns d'or (Apoc. IV, 4) et porteurs de cithares et de
coupes d'or (Apoc. V, 8). En dessous, il y a quatre anges en train
de jouer de la trompette (Apoc. VII, 1 et VIII , 7 13). C'est l
un point fondamental, car ce genre d'instrument n'a jamais t
employ dans l'Amrique pr-colombienne. Le profil des ligures
visage humain, y est, d'ailleurs, nettement aryen (cf. fig. 28).
Si la Porte du Soleil - laissons-lui son nom - est orne d'une
frise dont le motif apocalyptique est sculpt au tympan des
grandes cathedrales du Moyen Age europen, il est logique de
supposer que le Kalasasaya tait une glise chrtienne. Cette
dduction n'a pas chapp M. Greslebin et l'tude technique
qu'il a faite - il est architecte - des ruines du moment lui
a permis d'en confirmer les conclusions. Il a mme pu dresser la
maquette de ce qu'aurait t l'difice une fois termin. Plus encore,
il a constat que son plan respectait la Divine Proportion, c'est-
dire le principe le plus savant de l'architecture grecque, que con
naissaient et appliquaient les constructeurs de nos cathdrales
gothiques.
Ce travail a t rendu possible par une dcouverte compl
mentaire. A 1 kilomtre de Tiahuanacu, se trouve un gigantesque
amas de blocs de pierre taills dans le style de la Porte du Soleil,
y compris une architrave et plusieurs portes monolithiques. Pos
nansky, pouss comme toujours par son imagination orientale,
a voulu y voir les ruines d'un Temple de la Lune. La thse ne
repose sur rien, car on ne trouve, Puma Punku, comme les
indignes appellent l'endroit, ni trac d'difice ni soubassements.
M. Greslebin a pu tablir que les pices architecturales en question
taient destines au Kalasasaya et qu'elles avaient les dimensions et
Le grand voyage du Dieu-Soleil 1 165

les formes ncessaires pour complter ce qui se trouvait dj en


place : soubassements, piliers, parvis, portail. Puma Punlrn n'tait
pas autre chose que le chantier o l'on taillait et sculptait les blocs
de pierre utiliss la construction de l'glise de Tiahuanacu. Ce
qui suffirait nous faire carter l'hypothse de Jos lmbelloni (48)
et de quelques autres, selon laquelle le Kalasasaya n'aurait
jamais t qu'un alignement de pierres dresses. Le nom aymara
qu'il porte aujourd'hui a ce sens, il est vrai. Mais il s'applique
aux ruines telles que les connaissent les indignes. Au temps des
Atumurnna, l'glise devait porter, en danois ou en latin, le nom de
l'ap6tre non identifi que reprsente le Moine.
Cette glise n'tait pas termine, en l'an 1 290, lorsque la bataille
de l'le du Soleil provoqua la mort ou la fuite de ses constructeurs.
La date de sa mise en chantier et, par consquent, de la christia
nisation des Blancs du Haut-Plateau doit se situer vers 1 250.
La cathdrale d'Amiens fut construite, en effet, entre 1 220 et 1288
et son portail central, entre 1 225 et 1236.

5 . La tapisserie d'Ovrehogdal

La prsence dans l'Amrique pr-colombienne d'lments


archologiques de nette inspiration europenne trouva sa contre
partie dans la tapisserie scandinave d'Ovrehogdal (*), que l'on
date gnralement de la fin du XI6 sicle mais qui pourrait fort
bien tre postrieure. Cette pice dmontre, en effet, que l'on
connaissait en Europe, au Moyen Age, l'existence d'animaux qui
ne se trouvent qu'au Prou.
La tapisserie en question est compose de quatre bandes hori
zontales et d'une demi-bande verticale situe en bas droite. La
troisime bande horizontale, en partant d'en haut, ne contient
qu'un simple motif de dcoration, mais on peut y remarquer
deux croix de Tiahuanacu . Sur la premire bande figurent,
outre deux bateaux vikings, plusieurs cerfs de diverses dimensions
dont l'un porte des bois, hauts et aplatis, qui semblent appartenir
un lan de l'Amrique du Nord. On y remarque galement un
flin, que ses longues pattes de derrire empchent d'identifier,
et un lama, camellid pruvien, facile reconnatre grce son
long cou, sa petite tte, le trac gomtrique de sa silhouette et
sa toison en forme de rideau (* *). Sur la deuxime, les animaux
reprsents, sauf un, peut-tre, dans lequel on pourrait voir -
en bas, au centre -, un cheval cabr dont le cavalier ferait tour
noyer une boleadora (* **), sont des lamas. Sur la quatrime,
enfin, nous trouvons des cerfs, des lamas, un pcari et un animal,
plus difficile identifier, qui rappelle l'ours pruvien. Sauf, ven
tuellement, en ce qui concerne le cheval et son cavalier de la
deuxime bande, la partie de la tapisserie que nous venons de
dcrire se rfre clairement la faune amricaine, symboliquement
dsigne par les croix pr-incaiques de la troisime bande.
La frange verticale, au contraire, est nettement scandinave.
Nous y voyons un bateau viking, deux chevaux monts, cette
fois-ci indiscutables, des croix chrtiennes et des swastikas. La
tapisserie toute entire, sauf la bande dcorative, est seme de
caractres idographiques dont la ressemblance avec ceul( qui
figurent sur les kellka du Haut-Plateau saute aux yeux.
La tapisserie d'Ovrehogdal s'ajoute donc la carte de Wald
seemller (*) comme preuve du fait que l'on connaissait, dans
l'Europe mdivale, non seulement l'existence, mais encore la
faune de l'Amrique du Sud.

6. Des preuves tangibles et dfinitives

Ne revenons pas ici sur les donnes archologiques qui pro


viennent des tablissements scandinaves et irlandais de l'Amrique
du Nord : il ne nous intressent qu'indirectement. Limitons-

Cf. pl. V (a).


Cf. pL X (a).
*** Instrument, fait de deux boules de pierre unies par une corde, que
les Indiens de la pampa lanaient, en le faisant tournoyer au-dessus de leur
tte, dans les pattes des guanacos -espce de lama sauve-et des autruches
autour desquelles il s'enroulait, immobilisant l'animal.
Le grant! ooyage tlu Dieu-Soleil/ 167

nous donc l'Amrique Moyenne et l'Amrique du Sud. Nous


y trouvons des preuves abondantes et dfinitives de la prsence,
bien avant Colomb, d'hommes blancs dans I'Anahuac, au Yucatan
et sur le Haut-Plateau bolivien.
Nous trouvons, en effet, dans ces trois rgions, des sculptures
qui reprsentent des individus blancs et barbus dont les traits
correspondent la race nordique. Les fresques de Chichen-ltza
et le plat de Chimbote nous montrent des scnes de batailles
terrestres et navales, y compris un snekkar viking, qui peignent la
droute des blancs, conformment la tradition.
Dans un tout autre ordre d'ide, nous constatons que le trac
" en damier " des villes pr-colombiennes n'a, dans le monde
mdival, qu'un seul prcdent : l'urbanisme militaire danois.
Nous ne sommes donc pas surpris de constater que l'unit de
mesure des difices de Tiahuanacu n'est autre que le pied danois.
C'est, par ailleurs, la cit des Atwnuruna qui nous rserve
la plus grande des surprises. Nous savons, en effet, grce aux
travaux de M. le Professeur Greslebin, que le grand difice habi
tuellement dsign sous le nom de Kalasasaya tait une glise
chrtienne en construction. Son plan respectait la Divine Propor
tion de l'architecture grecque et mdivale. La frise de son portail
principal reproduit, dans un autre style mais jusque dans les
moindres dtails, la scne apocalyptique de l'Adoration de
l'Agneau, telle qu'elle figure au tympan de presque toutes les
glises mdivale. Enfin la statue du " Moine " est la copie exacte,
style part, de celle d'un aptre non identifi qui orne le portail
central de la cathdrale d'Amiens, sur la frontire de Normandie.
Il y a donc eu, au milieu du Xlii' sicle, un contact entre les
Danois du Haut-Plateau bolivien et leurs compatriotes d'Europe.
La tapisserie d'Ovrehogdal en apporte une preuve complmentaire,

Cf. commentaires notamment pages 1 7 et 38.


VIII. QUI LE LEUR A APPRIS ?
I. Les attributs du pouvoir
La plus grande surprise des conquistadores lorsqu'ils pntrrent
au Mexique et au Prou fut d'y trouver, non pas des sauvages
cannibales comme dans les les de la mer des Carabes, mais des
peuples civiliss dont les villes, les palais, les marches, les routes,
etc, galaient, voire mme dpassaient, tout ce que l'on pouvait
voir en Espagne et dont les coutumes taient tout aussi raffines
que celles des Europens. Rien n'empchait, bien sr, que les
Nahuas, les mayas et les Quitchouas eussent rsolu entirement
seuls, de la mme manire que dans le Vieux Monde, des pro
blmes qui se prsentaient dans les mmes termes des deux c6ts
de l'Atlantique. Mais il n'en fui pas ainsi. L'ethnologie dmontre
qu'il n'y eut pas une simple similitude de rponse des besoins
similaires, mais bien, sur certains points, une identit de dtails
qui ne peut pas avoir t le fruit du hasard.
Tel est le cas, en premier lieu, des symboles du pouvoir. Rien
de plus arbitraire, cependant, que les signes et les insignes par
lesquels se differencient les titulaires de l'autorit dans quelque
domaine de l'activit sociale que ce soit. Les symboles en question
ne sont pas toujours dpourvus d'histoire : on peut souvent leur
trouver une origine logique. Mais non pas une origine ncessaire,
dans le plein sens philosophique du terme. Pourquoi la pourpre
est-elle la couleur caractristique des cardinaux, princes de
172/ Le grand voyage du Dieu-Soleil

l'glise? Parce qu'ils l'empruntrent aux; csars romains, comme


ceu:x;-ci en avaient hrit des hasileis grecs qui la devaient aux rois
de Perse. Mais n'importe quelle autre couleur aurait pu remplir
la mme fonction symbolique. Il est donc surprenant que les
empereurs aztques et les souverains incas aient employ la
pourpre comme signe distinctif de leur autorit surpme, les
premiers sur leurs mantes de crmonie et les seconds sur leur
coiffure - un gros cordon plusieurs fois enroul, avec une
houppe sur le devant - que certains auteurs confondirent avec
un turban. Il aurait t plus logique que les Fils du Soleil de
Tenochtitaln et de Cuzco se rservassent la couleur jaune. Il est
probable que le choix du rouge ait t d'origine chrtienne car la
pourpre n'avait pas de sens spcial pour les Scandinaves, alors
qu'elle en avait un pour l'glise. La mitre, semblable, de face,
celle des vques catholiques, quoique moins haute, que portait
l'empereur aztque en guise de couronne, comme le faisait, par
ailleurs, son subordonn religieux;, le Grand-Prtre, confirme cette
interprtation. Et si les souverains du Mexique ne portaient pas
le sceptre d'or, comme les empereurs incas, Quetzalcoatl - l'as
cte - est parfois reprsente avec une crosse piscopale impos
sible confondre.
On peut attribuer la mme origine au trne sur lequel s'as
seyaient les monarques mexicains et peruviens, et mme la
litire - alors en usage dans toute l'Europe cidentale, mais,
selon ce que l'on croit savoir, pas en Scandinavie - qu'ils uti
lisaient pour se dplacer. Il y a, par contre, quelque doute au
sujet des armoiries que nous trouvons tant au Prou qu'au Mexique.
Au Moyen ge europen, le blason naquit de la ncessit de
distinguer, sur le champ de bataille, des chevaliers que des armures
identiques ne permettaient pas de reconnatre. Plus tard, il devint
le symbole d'une famille, d'une communaut ou d'une dignit.
Les Mexicains et les Incas recouraient au mme procd et
des boucliers procdant des deux rgions montrent clairement
qu'on pourrait fort bien les confondre avec des cus europens.
Les boucliers amricains sont gnralement ronds, comme les
scandinaves. Mais, au X' sicle, les Vikings n'avaient pas coutume
de peindre des symboles sur les leurs. Au contraire, les Irlandais,
comme tous les Occidentaux, commenaient le faire.
Le grand IJoyage da Di<u-Sokil 1 173

2. Les armes

Ce qu'un peuple guerrier abandonne le plus difficilement


ce sont les armes auxquelles il est habitu car elles constituent
les instruments de sa puissance. Les Scandinaves s'taient imposs
aux nations de l'Amrique Moyenne et du Prou : nous devons
donc, logiquement, trouver chez celles-ci des traces de l' arme
ment de leurs conqurants. Et il en est ainsi, en effet.
Les Vikings utilisaient une pe large, la lance, le javelot,
l'arc et, surtout, la hache de combat que le reste de l'Europe
avait dj abandonne au X' sicle. Nous trouvons exactement
les mmes armes au Mexique et au Prou, l'exception, quant
ce dernier pays, de l'pe que les soldats incaiques remplaaient
par la masse d'arme. Mais, dans les deux cas, nous avons la hache
qui, au Prou, prend parfois la forme d'une hallebarde. Ajou
tons que l'arc mexicain et pruvien tait fait d'un bois travaill
dans le style europen et, en particulier, scandinave. Signalons,
enfin, que l'pe mexicaine tait en bois, avec des fils de silex
ou d'obsidienne, et que, pour lancer le javelot, les Nahuas et
les Quitchouas utilisaient souvent une espce d'arbalte d'une
forme trs particulire. Les Mayas ne connaissaient ni l'pe,
ni l'arc mais ils avaient les autres armes, y compris la hache de
combat. En Amrique Moyenne, celle-ci tait en obsidienne; ,
au Prou, en airain (*).
Pour la defense, les Mexicains et les Pruviens employaient
le bouclier rond que nous avons dj mentionn et portaient
une tunique de coton rembourr col ouvert et manches
courtes, comme la tunique scandinave, et parfois une " cotte de
mailles " de mme matriau, d'aspect fort semblable celle que
nous montre la tapisserie normande de Bayeux. La coiffure
variait : casque de bois ou de mtal, au Prou, et de coton rem
bourr, au Mexique. Le casque de mtal n'tait cependant
pas inconnu dans ce dernier pays. Lorsque le prince Teutitle
envoy de Montzuma, se prsenta devant Corts, il demanda

Cf. pl. XI (b, c, d).


174/ Le grand ooyage du Dieu-Soleil

qu'on lui fit cadeau du casque dor d'un soldat qui ressemblait
celui de Quetzalcoatl. Nous savons, par ailleurs, que lors cl.e
la rpartition cl.e la ranon verse par les lncl.iens cl.e Potonchon,
prs cl.e Panuco, un certain Juan de Grijalba reut comme part
un casque d'or qui portait deux cornes et une crinire noire " (33)
Cette cl.escription est particulirement importante car on sait
que le casque viking tait souvent orn de cornes cl.'aurochs.
Nous ignorons, malheureusement, quelle tait la forme du casque
reu par l'Espagnol. Mais nous avons une cl.onnee precise ce
sujet : le portrait cl.e Netzaualcoyotzin, roi cl.e Toxcoco au XV' sicle,
que nous reproduisons ici (*). Le bon monarque, clbre pour sa
grande culture - il tait pote, philosophe et orateur renomm -,
y porte ce que nous ne pouvons pas eviter d'appeler un dgui
sement de Viking : tunique manches courtes, bouclier ron d,
pe large. Mais ce qui est le plus frappant, c'est son casque "
de coton rembourre, porteur de deux cornes apparemment faites
de la mme matire et duquel des pompons pendent. Que pouvait
bien tre cette coiffure, sinon une imitation presque emouvante
du casque scandinave t Il n'y avait pas d'aurochs au Mexiq ue,
bien sr, ni aucun autre bovid. Afin de ressembler ses
anctres " le prince se fit fabriquer des cornes de tissu ...
Puisque nous en sommes au vtement, ouvrons une paren
thse pour mentionner le bonnet pointu, commun aux Nahuas
et aux Quitchouas, qui a exactement la mme forme que celui
que l'on employait dans les pays nordiques. La mme aussi,
mais avec une legre variante, que celle que nous trouvons sou
vent, au Mexique, dans les images de Quetzalcoatl et, en Scan
dinavie, clans celles du dieu Frey.
Fermons la parenthse et revenons-en aux coutumes mili
taires. Il nous reste, dans ce domaine, deux points importants
signaler. Le premier d'entre eux est la symbolisation de la patrie
- ou du souverain qui l'incarnait -, au Mexique comme au
Prou, par des drapeaux que les soldats dfendaient au pril de
leur vie et dont la prise par l'ennemi marquait la fin du combat.
Nous savons mme que celui de l'empereur inca Roka tait vert
clair et bleu fonc. Dans l'empire incaique, certaines units
utilisaient, au lieu de drapeaux, des insignes semblables au labarum
romain. Le second point, c'est l'organisation de l'arme pru-

* Cf. pL V (b).
Le graml - du Dieu-Soleil / 175

vienne en dcuries et en centuries, identique celle des lgions


romaines. Cet ordre ne provient videmment pas des Vikings
mais de l'esprit de rationalisation des Incas. Il n'en reste pas
moins que le systme dcimal n'tait employ, dans l'Europe
mdivale, que par les Germains. Les autres peuples qui, au
contraire de ceux de l'Amrique Moyenne et du Prou, ne con
naissaient mme pas le zro comptaient par douzaine, comme
nous le faisons encore pour les heures et pour les ufs.

3 Sauna, qrupu, nav1res, etc.

Dans le domaine civil, c'est la sauna qui nous offre la con


cidence la plus frappante entre la Scandinavie et l'Amrique pr
colombienne. Tout le monde connat les caractristiques de ce
bain de vapeur qui appartient exclusivement aux pays du Nord
de l'Europe : on introduit dans une salle ferme des pierres
pralablement chauffes sur lesquelles on jette des seaux d'eau.
Le baigneur supporte le plus longtemps possible la vapeur br
lante, puis se roule dans la neige ou plonge dans une piscine
d'eau glace. On le fouette ensuite avec une branche de bouleau.
Au Mexique, chaque maison familiale avait sa sauna : le temascal.
Le dessin ci-joint (*) extrait d'un codex nahuatl antrieur
la Conqute, nous montre qu'il n'y manquait mme pas la branche
d'arbre. On prenait le bain froid dans une rivire voisine dont
l'eau, dans l'Anahuac, tait toujours glace en raison de l'alti
tude. Cette dernire particularit n'existait pas au pays maya :
le climat y tait tropical. cest de l que la sauna locale - le
zampu/che - fut compose de deux pices : l'une pour le bain de
vapeur, ut supra, et l'autre occupe par une piscine d'eau froide.
L'installation en tait donc beaucoup plus complique. C'est
la raison pour laquelle la sauna maya n'tait pas familiale mais
publique.

Cf. pl. Xl (a).


D'autres points secondaires mritent d'tre mentionns :
l'emploi d'assiettes et de cuillers, mais non pas de fourchettes
- exactement comme dans l'Europe mdivale -, la simi
litude de certains instruments de musique - tambour, trompe
et, au Prou, flte de Pan -, l'usage de la balance romaine dans
ce dernier pays et, dans la mme rgion, celui du quipu. Nous
avons dej mentionn que, faute d'criture, les peuples incaiques
recouraient un systme trs spcial d'annotations qui consistait
en des nuds diffremment espacs sur des fils de diverses cou
leurs. Or ce procd tait connu en Scandinavie, et seulement
en Scandinavie o on l'utilisait, non pas pour remplacer l'cri
ture, bien sr, mais aux fins de divination.
Nous ne pouvons pas laisser de ct certains jeux que pra
tiquaient les Nahuas : le mt de cocagne et le mange volant
qui figuraient dans toutes les kermesses de l'Europe nordique,
y compris la France, jusqu'au debut de notre sicle et qu'il ne
serait pas bien difficile d'y voir encore dans des ftes de village.
Le pok-a-tok des Mayas est plus intressant pour nous. C'tait
un jeu semblable la balle au panier et, d'une manire plus imm
diate, celui que les peuples germaniques appelaient Knattleikr,
Soppleikr ou Sko/uleikr, selon la region.
Reste, enfin, le problme de la navigation. Il est difficile de
supposer que l'arrive par mer des grands navigateurs qu'taient
les Vikings n'ait laisse aucune trace dans les co uturnes des peuples
ctiers domines par eux. Effectivement, les Mayas - ceux de
Chikin Chel taient connus sous le nom de " seigneurs de la
mer " - construisaient de grands navires, de jusqu' quarante
rameurs, et certains d'entre eux portaient une voile latine. Les
pirogues etaient generalement tailles dans un tronc de cdre.
Mais non pas les grands navires, puisque nous savons que l'on
employait du bitume pour les calfater. Les Peruviens de l'epoque
incaique avaient, au contraire, perdu leurs traditions maritimes
et ne naviguaient plus qu'en radeau. Ils n'en ralisaient pas moins,
il est vrai, de longs voyages jusqu' Panama, sans parler de l'exp
dition de l'empereur Inca Yupanqui aux les Galapagos et, peut
tre, plus loin encore dans le Pacifique. Nous disons qu'ils avaient
perdu leurs traditions, non seulement parce que nous savons que
les Blancs arrivrent en quateur sur des bateaux de peau de
phoque, mais encore parce que nous avons des preuves icono
graphiques de l'existence antrieure d'embarcations d'un type
Le grand voyag< .da Diea-Sokil{ 177

nettement viking. Les chroniqueurs Garcia, Acosta y Velasco


racontent que les indignes se souvenaient de voyages de leurs
anctres aux " les du Ponant , sur des bateaux de peau de
phoque. Ce qui veut dire que les coutumes scandinaves ne dis
parurent qu' la longue, peut-tre comme consquence de la
defaite de l'le du Soleil.

4 Les Ordres de Chevalerie

Ce n'est pas seulement par les us et coutumes de leurs popu


lations que le Mexique et le Prou d'avant la Conqute rappellent
l'Europe, mais aussi par leurs structures sociales. Nous n'insis
terons pas sur ce point, qui fait l'objet d'une abondante biblio
graphie. Tout au plus mentionnerons-nous que les Incas avaient
superpos la division de leur empire en communes autonomes,
la manire mdivale, un encadrement administratif hautement
systmatis. C'est ainsi que dix travailleurs constituaient une
dcurie, aux ordres de l'un d'entre eux; cinq dcuries formaient
une demi-centurie, avec son chef; deux demi-centuries, une
centurie; cinq centuries, une compagnie; deux compagnies, un
village (mille travailleurs); et dix villages, une tribu dont le chef
dpendait directement du gouverneur de la province, lequel
son tour tait subordonn au vice-roi d'une des quatre rgions
de l'Empire.
Dans ce schema, deux points attirent l'attention. En premier
lieu, l'utilisation du systme decimal, oubli, nous l'avons vu,
en Europe occidentale et mridionale. En second lieu, l'ordre
pyramidal qui s'ajoute, comme imposition de l'tat colonial,
aux structures communautaires pr-existantes. Or, nous trouvons
ces deux particularits, au x sicle, dans le Nord de l'Europe,
trs exactement entre les les de la Frise et celle d'Oeland, c'est-
dire au Danemark et dans le Sud de la Sude. L, l'unit admi
nistrative tait le cercle, lw/e ou bo/Je. Cent cercles formaient
un district : haeret, au Danemark, et lwndari, en Sude. Les
Incas se bornrent donc largir et rationnaliser plus encore
178/ Le grand ooyoge du Dieu-&leil

le systme administratif de leurs anctres. Il en tait de mme


sur le plan militaire. Les dcuries, les demi-centuries, les cen
turies, etc., devenaient des units combattantes. De mme chaque
haeret danois fournissait un ou plusieurs soldata qui taient
organiss en centuries.
Plus importante encore, parce que commune aux Aztques
et aux Incas - mais non pas au Mayas - est pour notre recherche
l'institution militaire laquelle il faut bien donner, au prix d'un
non-sens tymologique, le nom europen de chevalerie. Il exis
tait, en effet, dans l'Anahuac comme sur le Haut-Plateau pru.
vien, une minorit la fois militaire et religieuse qui respectait
une chelle de valeurs domine par l'hrosme, l'honneur et le
service et qui occupait dans la socit une place privilgie. Son
organisation n'tait cependant pas la mme dans les deux rgions.
Au Mexique, l'Ordre des Chevaliers-Aigles et des Chevaliers
Tigres avait une structure et un rle en tout point semblable
ceux qui caracterisaient, la mme epoque, les ordres militaires
europens. Leurs membres remplissaient de hautes fonctions
la Cour et dans l'arme. Mais c'taient des moines-soldats qui
avaient leur propre hierarchie et leur propre rgle - sans parler
d'uniformes spciaux - et qui constituaient un facteur de pou
voir monolithique, dont l'influence sur la politique de l'empire
tait fort grande. Slectionns, sur des bases que nous ignorons,
parmi les fils des familles aristocratiques, ils taient forms dans
des monastres-forteresses fort semblables aux commanderies du
Temple et initis au cours d'une crmonie que le chroniqueur
Mufioz Camargo nous dcrit en ces termes :
On les armait chevaliers avec beaucoup de crmonies, parce

qu'ils taient tout d'abord enferms pendant quarante ou soixante


jours dans un temple de leurs idoles et jenaient tout ce temps
et ne voyaient personne d'autre que les gens qui les servaient,
et la fin desquels ils taient conduits au Grand Temple et l
on leur donnait de grandes doctrines sur la vie qu'il leur faudrait
mener et respecter; et avant toutes ces choses, on les couvrait
de vexations, avec de nombreux mots insultants et satyriques,
et on leur donnait des coups de poing au milieu de grands
reproches, et jusque dans le visage ... Pendant tout le temps du
jene, ils ne se lavaient pas; ils taient au contraire teints en noir.
Ils manifestaient une grande humilit afin de concevoir et d'at
teindre un si grand merci et un tel prix. La veille d'armes durait
tout le temps du jene, selon leurs ordonnances et leurs us et
couhtmes. si respects parmi eux .
Les Chevaliers-Aigles et les Chevaliers-Tigres se consacraient
principalement la guerre fleurie dont le but tait d'obtenir
des prisonniers destins aux sacrifices. Il ne s'agissait pas d'une
guerre de haine, ni mme de conqute, mais d'un rituel qui sup
posait le respect de l'adversaire et qni se droulait selon des
rgles que personne ne violait jamais. Rien n'tait plus tranger
aux Mexicains que notre guerre totale. Lorsque se produisait
un casus belli, on entrait en ngociation avec l'ennemi. Des ambas
sadeurs successifs franchissaient librement les lignes et essayaient
d'obtenir la soumission de l'adversaire, au cours de conversa
tions courtoises dont le protocole exigeait de mutuelles marques
de considration. Si les ngociations chouaient, les derniers
ambassadeurs se retiraient, non sans faire cadeau leurs inter
locuteurs de boucliers, d'pes et de flches, " afin que nul ne
pt jamais dire qu'on les avait vaincus par trahison ". La guerre
elle-mme se faisait dans le cadre de conventions fort strictes.
C'est ainsi que la mort ou la capture du gnral ou la prise du
drapeau signifiaient la perte d'une bataille et que l'incendie
du Grand Temple dterminait la reddition d'une ville.
Le mme esprit chevaleresque prsidait au trait de paix. Le
vaincu conservait ses autorites, ses dieux et ses coutumes.
Mais son prince devenait le vassal du vainqueur et lui payait
tribut.
Les Incas rservaient leurs ennemis un traitement identique.
Cependant, nous ne trouvons pas au Prou l'quivalent des
Chevaliers-Aigles et des Chevaliers-Tigres qui supposaient une
diffrenciation au sein de l'aristocratie. La race se chargeait,
en effet, de distinguer les Fils du Soleil et c'tait ceux-ci seu
lement qui recevaient la formation de l'ordre militaire qu'ils
constituaient et en subissaient les preuves d'initiation.
Lorsque les jeunes Incas atteignaient leurs seize ans, on les
armait chevaliers - Garcilaso emploie cette expression - aprs
six jours de jene rigoureux et divers exercices athltiques et
guerriers au cours desquels ils devaient faire montre de force,
de resistance et, surtout, de courage et de matrise de soi. Paral
llement, les matres des novices leur faisaient des confrences
dans lesquelles, selon le chroniqueur cit plus haut, ils leurs
rappelaient leur origine divine et les prouesses de leurs anctres,
180 / Lt grand voyage du Dieu-Soleil

la volont et l'effort que les guerres exigeraient d'eux afin


d'augmenter leur empire; la patience et l'endurance dont ils
devraient faire preuve dans leurs travaux afin de montrer leur
volont et leur gnrosit; la clmence, la piti et la douceur
envers les pauvres et les sujets; la droiture dans la justice, sans
permettre que l'on ft tort personne; la gnrosit et la magui
ficence l'gard de tous, comme fils du Soleil qu'ils taient "
L'hritier du trne tait trait comme les autres, mais plus sv
rement : le futur empereur mritait de rguer plus en raison
de ses excellences que parce qu'il tait le premier-n de son
pre " Une fois pass l'examen, les jeunes gens, genoux, rece
vaient l'un aprs l'autre, des mains du souverain en personne,
les insigues de chevaliers du sang royal " On leur imposait
ensuite les habits et les armes qui caractrisaient les Incas. Mme
le crmonial tait semblable celui que l'on employait en Europe.

5 . Un Moyen Age amricain

L'ethnologie ne nous apporte que peu de donnes, mais celles-ci


sont trs importantes pour notre recherche. Les symboles du
pouvoir qui distinguaient les souverains aztques et pruviens
taient ceux que l'on employait dans les pays chrtiens et beau
coup avaient mme un sens directement ecclsiastique. Les
armes, au contraire, ressemblaient, dans les deux rgions, celles
des Scandinaves.
L'existence de la sauna, dans l'Anahuac comme au pays maya,
est peut-tre plus significative que tout le reste. Mais il n'est pas
moins important de constater, entre autres concidences, que les
quipu incaiques taient connus en Scandinavie bien qu'on leur
donnt un autre usage, que les Pruviens avaient navigu sur
des bateaux de peau de phoque et que les Mayas jouaient la
balle au panier comme le faisaient les peuples nordiques.
L'ordre social des peuples civiliss d'Amrique reproduisait,
quant l'essentiel, les structures aristocratiques et communau
taires en vigueur dans la chrtient mdivale. Dans le monde
Le grand voyage du Dieu-Soleil/ 181

fodal de l'Amrique Moyenne comme dans l'empire colonial


du Prou, l'autorit et les liberts se compltaient, tandis que
les valeurs chevaleresques de loyaut et de service florissaient
dans les couches dirigeantes et que les jeunes nobles recevaient,
dans ce sens, une ducation adquate. Dans I'Anahuac, un
vritable Ordre Militaire initiatique groupait une lite dment
slectionne et forme. Au Prou, tout Blanc tait seigneur et
tout seigneur, chevalier.
Notons qu'au X' sicle, lorsqu'Ullman arriva au Mexique,
la chevalerie europenne ne s'tait pas encore donn les insti
tutions dfinitives qui ne natront que grce aux Croisades. Mais,
dans l'Occident chrtien - il n'en tait pas de mme dans ce qui
restait du monde paen -, son esprit tait dj prsent, et aussi
certaines de ses formes. Tout semble indiquer que son intro
duction en Amrique Moyenne fut le fait des Irlandais et non
des Scandinaves et qu'elle se dveloppa ensuite par son propre
lan, avec les mmes consquences structurales qu'en Europe.
Au Prou, il est possible qu'il en ait t autrement. Peut-tre
faut-il rattacher le crmonial de l'imposition aux novices des
habits et des armes l'apport chrtien postrieur que nous avons
signal au chapitre VII.
IX. LE GRAND VOYAGE
I. Les limites du hasard
Sauf la carte de Martin Waldseemller, les momies du Prou,
dont la date est sujette discussion, et la statue du Moine
de Tiahuanacu, copie indiscutable d'une sculpture normande
du XII' sicle, chacun des faits que nous avons analyss au cours
des huit chapitres antrieurs peut tre le produit du hasard
ou, du moins, de causes diffrentes de celles que nous avons
tablies. Les Indiens blancs peuvent tre les descendants
de quelque tribu aryenne arrive par le Dtroit de Behring en
mme temps que la vague des immigrants de race jaune et la sur
vivance, pendant des millnaires, de leurs particularits ethniques
n'est pas inconcevable si nous pensons aux Juifs de la diaspora et
aux Tsiganes. Les traditions indignes peuvent n'tre que des
fantaisies bases sur le fonds commun de la prhistoire uni
verselle, voire mme le produit de l'incomprhension et de la
mauvaise foi des chroniqueurs qui les ont rapportes. La res
semblance de tel ou tel mot quich-maya ou quitchoua avec un
vocable danois, allemand ou latin peut tre due un rapprochement
fortuit. La concidence entre les croyances religieuses des peuples
pr-colombiens et la mythologie germanique d'une part, et le
christianisme, d'autre part, peut provenir, dans le premier cas, de
la coexistence prhistorique, en Asie, de blancs et de jaunes et,
dans le second, d'un effort syncrtiste postrieur la Conqute.
186/ Le trand coyage du Dieu-Soleil

L'emploi par les Quitchouas du zodiaque europen peut tre la


consquence d'une mme interprtation parallle des mmes
phnomnes astronomiques. Les visages aux traits aryens que
nous trouvons dans des sculptures et dans des fresques de l'Am
rique Moyenne et du Prou peuvent avoir t le produit de l'ima
gination des artistes qui les crerent, et les symboles et les ins
criptions, de simples dessins dcoratifs dpourvus de toute signi
fication. Enfin, les us et coutumes et les structures sociales peuvent
avoir surgi, identiques, sur deux continents sous la pression
d'identiques ncessits.
Oui, chacun de ces faits, considr isolment, peut tre acci
dentel, malgr tout. Ce qui n'est pas possible, c'est que des peuples
qui reurent, avant la Conqute, des apports de sang blanc, comme
le prouvent l'archologie et l'anthropologie, qui se souviennent
de l'arrive et du dpart de groupes de race blanche d'un haut
niveau culturel, qui utilisent des centaines ou des milliers de mots
dont les racines sont germaniques et latines, qui adorent des dieux
qui s'appellent Thonar, Tiu, Votan, Justus et - en danois - le
Dieu blanc ", qui possdent, dans leurs rituels, le baptme, la
confirmation, la confession et la communion, qui copient des
statues et des monuments mdivaux europens, qui dessinent
des swastikas, des croix chrtiennes et des runes, qui utilisent
la sauna et ont des ordres de chevalerie, ce qui n'est pas possible,
c'est que ces peuples n'aient eu aucun contact avec l'Europe. Ce
n'est pas sans raison que, depuis la Conqute, tous les chroni
queurs et tous les voyageurs qui ont considr le problme en sont
arrivs une mme conviction, bien que sans se mettre d'accord,
parce qu'ils n'avaient que des donnes partielles, sur l'origine
prcise et sur la chronologie des apports constats.

2. L'objection nolithique

Bien des auteurs en questions s'arrtrent, cependant, devant


un fait apparemment secondaire : ni les Nahuas, ni les Mayas,
ni les Quitchouas n'utilisaient la roue lors de l'arrive des Espa
gnols. On en dduisit un peu vite qu'ils ne la connaissaient pas.
C'tait une erreur.
u grand voyage du Dieu-Soleil/ 187

Considrons la ligure 37 qui reprsente un jeu public nahuatl


La pointe du mt sert d'axe ce qu'il nous faut bien appeler une
roue, malgr son primtre carr. Il suffit de penser que cet engin
se montait et se dmontait ncessairement couch sur le sol pour
exclure que ses inventeurs aient t incapables de concevoir la
roue proprement dite et de l'appliquer un moyen de transport.
Par ailleurs, un dessin de la Pierre Peinte, en Amazonie, nous
montre (*) un chariot charg de deux snekkar, la manire des
Vikings. Nous avons dj mentionn, au chapitre VII, combien
il tait improbable que des Scandinaves tablis au Prou n'aient
pas entrepris la descente de l'Amazone ni l'exploration des rgions
adjacentes. Les inscriptions de la Pierre Peinte nous montrent
qu'ils le firent et le dessin du chariot parat indiquer qu'ils eurent
recours, pour passer d'une rivire l'autre, au procd qui leur
tait habituel.
Autre objection de mme nature : les peuples amricains pr
colombiens n'auraient pas connu le fer. M. Thor Heyerdahl (') va
plus loin encore lorsqu'il affirme que les blancs du Prou appar
tenaient la civilisation nolithique. Ce dernier point est facile
rfuter. Non seulement, en effet, les Nahuas, les Mayas et les
Quitchouas travaillaient l'or, l'argent, l'tain et le cuivre, mais
encore leurs traditions nous indiquent que les techniques de la
mtallurgie leur furent apportes par Quetzalcoatl, Kukulkan
et Huirakocha. Il n'en est pas moins certain, cependant, qu'aucun
des peuples en question ne savait travailler le fer. Cela signifie-t-il
qu'ils en ignoraient l'existence? Bien sr que non. Nous en
avons comme preuve le fait que k'kellay, en quitchoua, veut dire
fer et qu'il ne s'agit pas d'un terme d'origine espagnole qui aurait
t introduit dans la langue aprs la Conqute.
Pourquoi, dans ces conditions, les peuples pr-colombiens
n'employaient-ils pas la roue ? Pourquoi ne travaillaient-ils
pas le fer? Il est fort simple de rpondre la premire question :
parce qu'elle ne leur aurait servi rien. Ni en Amrique Moyenne
ni au Prou il n'existait d'animaux de trait. Il y avait, par contre,
une main-d' uvre abondante et, pour les blancs, gratuite. Sans
chevaux, sans nes et sans bufs, la roue ne pouvait tre appli
que qu' des brouettes, totalement inutiles lorsque l'on dispose
d'indignes accoutums porter leurs fardeaux sur la tte, comme

* Cf. pl. X (e).


188/ Le grand OQgage du Dieu-Soleil

ils le font encore quatre cents ans aprs la Conqute. Quant au


travail du fer, il exige une technique relativement complique
que, sans doute, ne possdaient pas les guerriers et les marins -
ni moins encore les prtres - venus d'Europe.

3 L'objection polynsienne

Ce qui est exact, c'est que la Polynsie, o dbarqurent les


Atumuruna vaincus Tiahuanacu, ne dpassa jamais le niveau
de la civilisation nolithique. Les statues au type aryen de l'Ile
de Pques comme les tiki des archipels ocaniens furent taills
la hache de pierre. Cela signifie-t-il que les blancs qui migrrent
d'Amrique appartenaient, eux aussi, l'ge de la pierre polie?
Pas ncessairement. Pensons, en effet, que les fugitifs de l'le du
Soleil constituaient une aristocratie guerrire et qu'ils n'avaient
certainement aucune envie de se transformer en artisans, sup
poser qu'ils possdassent les techniques de la mtallurgie. Si,
de nos jours, quelques centaines d'officiers de carrire dbar
quaient - avec leurs femmes - sur une le paradisiaque du
Pacifique, on ne pourrait gure s'attendre les voir devenir
mineurs, fondeurs et forgerons. Nous avons mme un exemple
historique du retour complet d'Europens - simples matelots,
pour la plupart - l'ge nolithique : celui des mutins de la
Bounty, Pitcairn.
Reste une seconde objection ocanienne " qui surgit de l'tude
de M. Thor Heyerdahl : celui-ci a cru pouvoir tablir, sur la
base de chronologies indignes, que l'arrive des Blancs aux les
polynsiennes eut lieu en l'an 500 de notre re, et il situe donc
cette date la bataille du Titicaca. Rien de plus fragile que de
tels calculs. Les plus vieilles dynasties europennes sont inca
pables, malgr l'emploi immmoriel de l'criture, de remonter si
loin dans leurs gnalogies et, quant l'Amrique, nous avons vu
au chapitre III comment le chroniqueur Montesinos n'a pas hsit,
en se fondant sur des rcits indignes plus ou moins bien compris,
nous donner la liste des rois pre-incaiques depuis le Dluge
biblique.
Le granl voyage du Dieu-Soleil! 189

D'autre part, la thse polynsienne de M. Thor Heyerdahl


est elle-mme fort loin d'tre satisfaisante. Elle nous montre, en
effet, les Blancs, qui auraient atteint les premiers les les dsertes,
vaincus en I l 00 par une seconde vague migratoire compose
d'Indiens de l'Amrique du Nord. M. Heyerdahl lui-mme nous
dit, nanmoins, que les descendants des Blancs - les arii -
constituaient l'aristocratie polynsienne et que leurs anctres
taient adors comme des dieux. La contradiction est vidente.
Comment s'expliquer, par ailleurs, que les Europens qui dcou
vrirent, au XVII' et au XVIII ' sicles, les archipels ocaniens y aient
encore trouv des indignes blonds peau blanche ? Est-il possible
d'admettre que le type nordique ne soit maintenu pur, ne serait-ce
que dans quelques familles, pendant douze cents ou treize cents
ans et ceci dans des les si petites, sous le climat des mers du Sud?
Quoi qu'il en soit, si les Blancs qui peuplrent la Polynsie furent
rellement les survivants de la bataille du Titicaca, ils n'y dbar
qurent certainement pas en l'an 500, pour la raison bien simple
qu' cette poque ils n'taient mme pas encore arrivs au
Mexique. Si, malgr tout, la chronologie ocanienne de Thor
Heyerdahl tait exacte, il faudrait alors admettre, avec M. Jean
Poirier, l'hypothse d'une migration nordique antrieure celle
qui nous occupe, ce qui ne changerait rien nos conclusions.

4 Qui taient les Fils du Soleil ?

Au long des chapitres antrieurs et des points de vue les plus


divers, nous avons solidement tabli qu'une double influence
europenne se manifesta, en Amrique Moyenne, au X' sicle.
La premire, chrtienne, provint des papas, moines irlandais
dej tablis au Huitramannaland. Nous ne savons rien d'elle, sauf
qu'elle eut lieu et qu'elle laissa, dans les cultures de l'Amrique
Moyenne, d'indiscutables traces thologiques et linguistiques.
La deuxime, plus profonde, fut scandinave. Elle n'eut, cependant.
rien voir avec les colonies islandaises du Vinland, car elle se
manifesta presque un demi-sicle avant le voyage de Leif Eiriksson.
190 f Le grand voyage du Dieu-Soleil

D'o vinrent donc cet Ullman qui dbarqua avec ses hommes,
en l'an 967, sur la cte du Golfe du Mexique et cet Heimlap
- ou Heimdallr - qui, trente ou quarante ans plus tard, atteignit,
avec ses bateaux de peau de phoque, la cte de l'uateur? La
linguistique nous permet de repondre cette question. Non seule
ment, en effet, les racines germaniques que l'on trouve dans le
quichemaya et dans le quitchoua sont pour la plupart danoises,
mais encore celles qui ne le sont pas appartiennent au vieil alle
mand, de mme que les noms des dieux Thonar, Tiu et Wotan
qui s'incorporrent la mythologie nahuatl et maya. Il n'y a
donc aucun doute qu'Ullman-Quetzalcoatl venait de la zone sud du
Danemark, c'est--dire du Schleswig o etaient mles au X sicle
- comme encore de nos jours - Danois et Allemands. Ce que
confirme pleinement le nom de Cundinamarca- Marche danoise
du Roi - que portait et que porte encore le plateau de Bogota.
Quelle route suivirent les Irlandais et les Danois pour atteindre
le Mexique? Les uns et les autres purent venir par le Nord - les
papas etaient etablis en Islande depuis le VIII' sicle - en
suivant le mme chemin que, plus tard, Leif Eiriksson, puis en
longeant la cte. Il est aussi possible que les premiers aient atteint
directement la Floride, grce la mousson et que les seconds aient
remont le Saint-Laurent jusqu'aux Grands Lacs, puis descendu
le Mississipi jusqu'au Golfe du Mexique. Ce point n'offre pas,
pour nous, grand intrt. Les voyages postrieurs de Leif et
de tous ceux qui le suivirent dmontrent suffisamment qu'il etait
possible, avec les bateaux dont on disposait alors, d'arriver en
Amrique, et c'est l la raison pour laquelle nous les avons raconts
au chapitre premier.

5 L'apport chrtien pr-incaque

Une fois tablie l'origine des Blancs pr-colombiens du Nou


veau Monde, le problme des elments chrtiens et paens qui
figurent dans la thologie de l'Amrique Moyenne et celui des
racines latines et germaniques du quiche-maya sont rsolus. Mais
Le grant! voyage du Dieu-Soleil / 191

il subsiste un doute srieux quant au Prou. Nous y trouvons, en


effet, des traces de la mme double inlluence. On pourrait penser,
galement dans ce cas, deux immigrations successives, voire
mme, malgr l'antagonisme traditionnel entre Irlandais et Scan
dinaves, l'incorporation, par solidarit raciale, l'expdition
danoise de quelques papas isols au pays maya. Une telle hypo
thse ne suffirait cependant pas expliquer la prsence Tiahua
nacu d'une copie de la statue d'un aptre d'Amiens et d'une trans
position du " Jugement dernier " de la mme cathdrale. Car les
modles normands de ces deux sculptures datent du dbut du
xm sicle. Admettons un instant qu'il n'y ait pas eu imitation
mais simple concidence due au hasard, ou que les moines irlan
dais aient apport avec eux au Prou des images dont se seraient
inspirs, indpendamment les uns des autres, les Atumuruna et
les Normands : cette concession une hypothse hautement
invraisemblable laisserait encore sans solution le problme
pos par la carte de Waldseemller et par la tapisserie d'Ovrehog
dal. C'est un fait que l'on connaissait en Europe, avant les voyages
de Balboa et de Magellan, le trac des ctes orientales et occi
dentales de l'Amrique du Sud et l'existence d'animaux qne
l'on ne rencontre qu'au Prou. Il ne peut y avoir qu'une seule
explication : il y eut, dans la deuxime moiti du xm sicle -
aprs la construction de la cathdrale d'Amiens et bien avant la
bataille de l'le du Soleil -, un contact entre les Danois du Prou
et leurs compatriotes du Vieux Monde : une expdition, au moins,
partit de Tiahuanacu pour l'Europe et en revint avec quelques
chrtiens, y compris un architecte; probablement un des moines
qui avaient trac les plans des cathdrales gothiques de Normandie.
Le fait qu'un tel voyage ne soit mentionn nulle part ne doit pas
nous surprendre. Souverains et guildes de marchands taient
toujours d'accord pour garder le plus strict des secrets en ce qui
concernait les dcouvertes maritimes. Le problme qui se pose
est d'un autre ordre : quel chemin suivirent les Atumuruna
pour aller de Tiahuanacu en Europe et en revenir?
La carte de Waldseemller nous donne, sur ce point, une pre
mire indication utile. Elle prouve, en effet, que les Vikings
n'avaient pas renonc, en s'tablissant demeure sur le Haut
Plateau, leurs habitudes de grands navigateurs et qu'ils avaient
relev le contour complet de l'Amrique du Sud. Leur exploration
des ctes occidentales n'avait rien que de logique, puisqu'ils taient
191/ Le granrl coyage elu Di-Soleil

arrivs au Prou par le Pacifique D'autre part, ils n'ignoraient


.

pas l'existence de l'Atlantique, puisque leurs anctres l'avaient


travers. Mais comment pouvaient-ils l'atteindre depuis le Haut
Plateau? Les Jsuites font bien allusion, dans leurs Carias Anuas,
un Sentier de l'Aptre " connu d'eux grce aux traditions indi
gnes, que deux membres de la Compagnie auraient parcouru au
XVIII' sicle et qui aurait conduit directement de Tiahuanacu
la cte de l'actuel Brsil, sur une distance de quelque 3 000 km
vol d'oiseau. L'utilisation d'un tel chemin par les Atumuruna
est fort improbable, car les Vikings du Prou n'avaient pas de
chevaux. Ils disposaient, d'autre part, d'une voie de communica
tion naturelle dont l'emploi tait infiniment plus conforme leurs
habitudes : l'Amazone. Et nous savons, par les inscriptions qu'ils
ont laisses sur la Pierre Peinte, qu'ils l'utilisaient.
Tout permet donc de supposer que les Hommes du Titicaca
construisirent, en un point quelconque du fleuve, un drakkar ou
un knorr et se lancrent sur l'Atlantique o il leur tait facile
de s'orienter d'aprs les toiles, puisque l'embouchure de
l'Amazone est situe dans l'hmisphre Nord. Le retour n'offrait
pour eux aucune difficult. Peut-tre des recherches systmatiques
dans l'Amazonie nous permettraient-elles d'claircir ce dernier
point obscur.
POST-SCRIPTUM

Cet ouvrage eJJt sous presse et nous ne pouvons y ajouter que quelqueJJ
lignes. Nous avions acquis, au cours de notre recherche, la certitude
qu'en refaisant le voyage du Dieu-Soleil nous trouverions, au Mexique,
au Prou et, comme nous le disons plus haut, dans l'Amazonie, de
nouvelles preuVeJJ de notre thorie. CeJJ preuVeJJ complmentaireJJ,
nous leJJ avons aujourd'hui, matrielleJJ, solides, indiscutableJJ. Nous
pensions deJJ terreJJ lointaines, et nous leJJ avons dcouverteJJ au
Paraguay, 1 500 km de notre centre de Buenos AyreJJ : l'chelle
amricaine, la porte ct.
Si leJJ Guayakis que nous avions tudis du point de vue anthro
pologique taient leJJ descendants dgnrs deJJ Vikings de Tiahuanacu.
et si, quelques six cents ans aprs leur migration force, ils deJJSinaient
encore deJJ caraclm runiqueJJ, il n'tait pas impossible, il tait mme
probable que leurs anclreJJ eussent laiss des traw tangibleJJ d'zme
plus haule signification. Comment leJJ retrouver La for! para
guayenne est immense, souvent impntrable, et deJJ bandeJJ cannibaleJJ,
guayakieJJ et amrindiennes, la sillonnent encore.
Le hasard nous a aid. Nous avons russi situer l'emplacement
d'zm trs ancien village d,' Indiens blancs
" abandonn par eux
au dbut du XVII sicle. Nous y avons fait deJJ fouilleJJ. Et nous
avons mis la main sur zm trsor ineJJtimable : une ume, profon
dment enterre par les fugitifs qui contenait des fragments de
poterie couverts d'inscriptions runiques el de motifs mythologiques
scandinaVeJJ auxquels ne manque mme pas l'lment chrtien que
nous avons signal pour Tiahuanacu. Avec le concours inapprciable
d'zm excellent runologue franais, nous sommeJJ en train d'tudier
ces inscriptions. QuelqueJJ-unes d'entre elleJJ ont dj t traduiteJJ.
L'un des fragments porte zme date, 1305, el zm deJJSin de lama.
194 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

Nrnu ne nous sommes pas, hien sr, arrt en si bon chemin . Nous
nous sommes plong dans les textes des chroniqueurs esfNJgnols de
l'poque de la Conqute et ceux des missionan ires jsuites du Para
guay. Tous mentionnent une trange tradition guaranie : bien avant
Colomb, un homme blanc avait dbarqu sur la cte de l'Atlantique.
C'tait un prtre chrtien qui vanglisa le Paraguay puis gagna
le Haut-Plateau ou l'on montre encore aujourlhui une grande
croix qu'il y aurait apporte. Nous avons pu dcouvrir son nom,
tablir la date de son arrive, laquelle concide exactement avec
celle de /'apport chrtien que nous signalons dans cet ouvrage, el recons
truire son itinraire. Plus encore : il nous a t possible de recons
tituer le trac presque complet du Sentier de l'Aptre ,
Ce sentier - tout un rseau, lailleurs - allait bien de la cte
de l'actuel Brsil Tiahuanacu et s'y rattachait aux Chausses
Royales incaques et pr-incaiques. Sur son parcours, une croise
de chemins, nous avons relev une quinzaine d'inscriptions runiques
et deux drakkars indiscutables. Les premires photos que nous en
avons prises ne sont pas pleinement satisfaisantes et nous attendons
la fin de la saison des pluies pour retourner l-bas avec un matriel
plus perfectionn. D'ores el dj, cependant, nous avons pu traduire
quatre mots, plus visibles que les autres, car ils sont de langue danoise.
Nous ne pouvons pas en dire davantage. Nous redoutons que
quelque cornifleur, pourvu des moyens matriels qui nous /ont
cruellement dfaut, ne s'approprie du fruit de vingt ans de travail.
Nous rservons donc un second ouvrage, Les Vikings au Paraguay,
les rsultats que nous avons obtenus aprs la rdaction de celui-ci.
Nous esprons mme pouvoir aller plus loin. Nos recherches, en effet,
sont loin d'tre termines. Nous avons recueilli des indications pr
cieuses sur d'autres sites, considrs comme inaccessibles, mais que
nous atteindrons peut-tre si Thor, le Barbu, nous vient en aide ...
Notre aventure scientifique est trop passionnante pour que nous ne
la poursuivions pas jusqu' ses dernires limites, quels que soient
les risques courir.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

1 . HEINE-GEi.DERN, R. : Cultural connection between Asia and Pre


Columbian America, Anthropos, vol. XLV, n 1 -5, 1 950.
2 . CRONAU, Rudolf : Amrica, Barcelona, 1 892.
3 . Les donnes que nous possdons sur les expditions vikings en
Amrique du Nord proviennent de deux sagas islandaises : la
Groenlendiga Saga et I'Eiriks Saga Rauda. Leur traduction la
plus rcente se trouve dans l'ouvrage de Gwyn Jones : The Norse
Atlantic Saga, Oxford, 1 964.
"lle, 1 838-
4. Cf. : Groenlands Historiske Mindesmoerker, Copenha,
1 845.
5 . POIRIER, ]ean : L'lment blanc en Polynsie el les migrations nor
diques en Ocanie et en Amrique, brochure, Paris 1953.
6 . HEYERDAHL, Thor : Amrican lndians in the Pacifie, Stockholm,
Oslo et Londres, 1 952.
7 . Cit par Ren i.EvFsQUES, prsident de la Socit d'Archologie
de la Cte Nord, Rapport prliminaire, Qubec, 1 968.
8. Voyage du sieur de Champlain en la Nouvelle France faict en /'an
ne 1615, in Voyage el descouvertures faictes en la Nouvelle France
par le sieur de Champlain, capitaine ordinaire pour le Roy en la mer
du Ponant, Paris, 1 6 1 9.
9 . Coo K, J, : A voyage to the Pacifie Ocean in the years 1 776-1780,
vol. Il, Dublin, 1 784.
1 0 . DIXON, G. : A voyage round the world, but more particulary to
the North Coast of America, performed in 1785-1788, Londres,
1 769.
I l . VANCOUVER, G. : A voyage of discovery to the North Pacifie Ocean
and round the world in the years 1 790-1 795, vol. II, Londres, 1 796.
1 2 . ScouLER, A. F. : Observations on the indigenous !ribes of the
N. W. Coast of America, in Journal Royal Geographie Society,
vol. II, Londres, 1841.
196 / Le grand voyage du Dieu-Soleil

1 2 . NIBLACK. A.F. : The coast InditmS of southem Alaska northem


British Columhia, in Rept. Nat Mus. Brit. Columbia, 1888.
14. VERRIL, A.H. : The American InditmS, North, South and Central
America, New-York, 1 927.
15. BoHAN, Eugne : Catalogue raisonn de la collection de M. Eugne
Goupil, Paris, 1891.
16. COUDREAU, M. : Chez nos Indiens, Paris, 1 893.
1 7 . CREVAUX, J. : Voyage dtmS l'Amrique du Sud, Paris, 1 883.
18. Cit par HEYERDAHL, Thor (6).
19. HoMET, Marcel : Los hijos del Sol, Barcelone, 1%3.
20. FAWCETI, P. H. : Exploration Fawcett, Londres, 1953.
2 1 . PIZARRO, Pedro : Relacin del descubrimiento y conquista de los
reinos del Peru, 1571. Colleccin de documentes indites para la
historia de Espaia, vol. V, Madrid, 1 844.
22. IZAGUIRRE : Historia de las misiones franciscanas... en el Oriente
del Per, 1619. Lima, 1925.
23. FREZIER, A. F. : A voyage to the South Sea and along the ooasts
of Chili and Peru in 1 7 1 2-1714, Londres, 1 7 1 7.
24. MEDINA, Jos Toribio : Los aborigenes de Chile (1 822), Santiago
du Chili, 1 952.
25. SKOTISBERG, C. : Notes on a visit to the Eastern Island. - The
natural history of Juan Femdndez and Eastern Island, vol. 1,
Upsala, 1 920.
26. Cf. Historia del descubrimiento de las regiones australes hecho por
General Pedro Femdndez de Quiros, publi par Julio Zaragoza,
Madrid, 1 876.
27. MuRGA, Antonio de : Suceso de las Islas Filipinas, Mexico, 1609.
28. Hakluyt Society, srie 2, vol. 18, Londres, 1 906.
29. BEHRENS, C. F. Histoire de l'expdition de trois vaisseaux envoys
par la Compagnie des Indes Occidentales des Provinces Unies aux
terres australes, La Haye, 1 739.
30. Cf. MoNTMONT, M. A. : Bibliothque universelle des voyages
effectus par mer ou par terre, Paris, 1 834.
31 RBIGNY, Alcide d' : L'homme amricain, Paris, 1 830.
.
32. Cf. en particulier : VELLARD, Jean : Une civilisation du miel,
Paris, 1939; CoLLEVILLE, Maxence de, et CADOGAN, Lon : Les
Indiens Guayakis de l'Ynaro, in Travaux de l'Institut d'tudes
Latina-amricaines de l'Universit de Strasbourg, Bulletin de la
Le grand voyage du Dieu-Soleil / /97

Facult des Lettres de Strasbourg, mai-juin 1963; CLASTRES,


Pierre : El arco y el cesto, Assomption du Paraguay, 1965; ToMA
SINI, Alfredo : Contrilnu:icin al estudio de los indios gtJilyakis, in
Revista del Museo Americanista, Lomas de Zamora (Buenos
Ayres}, 1 969.
33. L6PEZ de Gomara, Francisco : Conquista de Mxico (1 553),
Madrid, 1887.
34. GARCILASO de la Vega, Inca : Comentarios reales, Madrid, 1 722.
35. Po{X!l Vuh, traduction espagnole d'Adrin Recinos, Mexico, 1947,
36. SAHAGUN, Bernardino de : Historia de las casas de Nueva Espaiia,
Madrid, 1829.
37. BRASSEUR DE BouRBOURG, tienne : Po{X!I Vuh, le livre sacr et
les mythes de l'antiquit amricaine, Paris, 1857, Introduction.
38. L6PEZ, Vicente Fidel : Les races aryennes du Prou, Paris, 1871.
39. LAssEN, lndisch Alterth, t. 1.
40. Voluspd, 3, in Codex Regius.
41 . BRASSEUR DE BoURBOURG, tienne : Grammaire de la langue qui
che, Paris, 1862.
42. PoMA DE AYALA Guamn Felipe : Nueva cronica y buen gobiemo,
,

La Paz, 1944.
43. RAMos, Bernardo da Silva : lnscriiies e traduiies na Amrica pre
historica, Rio de Janeiro, 1930.
44. HoNOR, Pierre : L'nigme du dieu blanc prcolombien. Paris, 1 962.
45. En faveur de l'authenticit de la Pierre de Kensington, cf. Hol
land, HJALMAR R. : A Pre-Columbian Crusade to America, New
York, 1 962; contre l'authenticit, cf. Blegen, Theodore C. :
The Kensington Rurre Stone, New Light on an Old Biddle, Saint Paul,
1 968.
46 . PosNANSKY, Arthur : Tihuanaco, the craddle of American Man
(Tihuanaco, la cuna del hombre americano), ed. bilingue anglaise
espagnole, New York, 1932.
47. GRESLEBIN, Hctor : Evoluci6n cie/ica de la representacion del
Triunfo de la [glesia y del ]uicoi Final en el arte escult6rico del
Medievo, in Anales de Historia Antigua y Medieval, Universit
de Buenos Ayres, 1957-1 958 (chapitre Il de l'ouvrage indit El
Apocalipsis en Amrica precolombina}.
48. IMBELLONI, Jos : La nueva Es/inge indiana, Buenos Ayres, 195u
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Planches.

Pl. 1. - a) Navire viking d'seberg (Norvge),


b) Canot de guerre haida (Cte nord-est de l'Amrique du
Nord).
c) Calvitie chez un Guayaki blanc. (Photo lnstituto de
d) Un Guayaki brun et barbu. Ciencia del Hombre,
e) Type europede de Guayaki blanc. Buenos Ayres).

Pl. IL - a) Combat dans la ville entre Indiens et Blancs (fresque


du temple des Guerriers de Chichen-ltza, Yucatan)
(Photo Morris, Charlot et Morris, in the Temple of the
Warriors of Chichen-ltza, Carnegie Institution, New
York, 1932).
b) Instrument de musique guayaki dcor de caractres
runiques (Photo Tomasini).
c) La tablette de Cerro Moroti et son inscription runique.
d) Un Guayaki brun et Guayaki blanc (Photo Instituto de
Ciencia del Hombre, Buenos Ayres).

Pl. Ill. - a) Stle de nie d'Arapa (lac Titicaca).


b) Stle de White Island, Irlande.
c) Tte barbue du rio Balsas, guerrero, Mexique.
d) Tte barbue viking du navire d'Oseberg,

Pl. IV. - a) Tte de jaguar de Tiahuanacu [Photo in Honor (47)].


b) Tte d'animal du navire d'seberg (Photo ]orge
Castello).
20U /Le grand voyage du Dieu-Soleil

Pl. V. - a) La tapisserie scandinave d'Ovrehogdal : rfs et lamas


(Photo in Branston, Brian : Mito/t>g{a gernuini, Barce
lone, 1 960).
b) Netzanalcoyotzin, roi de Texcoco, Mexique, au
XV" sicle, dguis en guerrier vikiug.
c) Le Chevalier-Aigle, sculpture aztque [Photo in Honor
(')].

PL VI. - Carte de Fizigano (1367).

PL VII. - a) Carte anonyme de 1440 {en projection sur le trac exact


de l'Amrique du Nord).
b) Carta de Andrea Bianco (1 436).

PL VIII. - Carte de voyages des frres Zeno {1 558).

PL IX. - a) Inscription runique de l'le Kingiktorsoak, Gronland :


l'avant dernier signe est le chiffre 1 0 [D'aprs Cw
nau (2)].
b) Caractres runiques sur un instrument de musique
gnayaki, y compris le mme signe (Photo Tomasini).
c) Inscription guayaki en caractres runiques (lnstituto de
Cienda del Hombre).
d) Tableau de concidence : signes sud-amricains d'appa
renee alphabtique et runes.

PL X. - a) Lama, d'aprs une pice d'orfvrerie incaique. Comparer


aux figures de la tapisserie d'Ovrehogdal, planche V
(In Hagen, Victor W. von, Realm of the Incas, New
York, 1 957).
b) A gauche, le Quetzalcoatl guerrier (Dessin d'Abel
Mendoza, d'aprs le Codex Borgia, in Sjourn, Lau
rette, El universo de Quetzacoalt, Mexico, 1962).
c) A droite, le Quetzalcoatl asctique (Ibid.).
d) Caractres alphabtiques comme lments de dcora
tion de la tunique de l'Inca blanc et barbu, d'aprs
Guaman Poma de Ayala {45).
e) Chariot deux roues, charg de deux snekkar, dessin
de la Pierre. Peinte, Amazonie [D'aprs Homet (!")].
Pl. XI. - a) Le Temascal, sauna aztque, in Hagen, Victor W. von,
Los aztecas, hombres y tribu, Mexico, 1964 {Dessins
d'Alberto Bertrlm).
b, c,d) Armes pr-colombiennes. En haut : aztques;
au centre : mayas ; en bas : incaiques (Dessins d'Alberto
Bertran, in Hagen, op. cit.; El mundo de los Mayas,
Mexico 1964, Realm of the Incas, New York, 1957).

PL XII. - a) Dessins, swastikas et caractres alphabtiques de la


Pierre Peinte, Amazonie [D'aprs Marcel Honet ('0)].
b) Carte rcapitulative : dispersion des Danois de Tiahua
nacu.
TABLE DES MATIRES

Tout le monde y est all . . . . . . ............................ 9

1
LA VRAIE DCOUVERTE DE L'AMRIQUE.
1 . Cartes pr-colombiennes de l'Amrique . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2 . Traditions et rcits non confinns. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3 . Expditions d u prince gallois Madoc . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
4. La colonisation scandinave du Gronland. . . . . . . . . . . . . . . 23
5 . La dcouverte du Vmland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
6 . La seconde expdition au Vinland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
7 . La troisime expdition au Vinland. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
8 . La quatrime expdition au Vinland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
9. Les colonies du Vinland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
10. La Grande Irlande. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1 1 . Les aventures des frres Zno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
12. Irlandais et Vikings en Amrique du Nord. . . . . . . . . . . . . . 38

II

Us INDIENS BLANCS.

1 . Les colonies perdues. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42


2. Les Indiens blancs et blonds : tmoignages. . . . . . . . . . . . . . 44
3 . Les Polynsiens blonds : tmoignages. . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
4. Les <ndiens blancs : les Antis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5. Les Indiens blancs : les Cuayakis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
6. Les momies d' Indiens blancs et blonds. . . . . . . . . . . . 58
7 . Les Blancs pr-colombiens et leurs descendants. . . . . . . . 61
204/ Le grond voyage du Dieu-Soleil

III

l..Fs AVENTURES AMRICAINES D'ULLMAN ET DE l:IMLAP.

1. Le pays des anctres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64


2. Quetzalcoatl, le roi blanc des Toltques . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
3. ltzamna et Kulrulkan, les dieux blancs mayas. . . . . . . . . . . 72
4. Boclca, le dieu blanc des Muyscas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
5. Huirakocha, le dieu blanc pruvien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
6. Les Incas, Fils du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
7. Itinraire et chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
8. Les hros blancs de l'Amrique Moyenne et du Prou. . . . 84

IV

LE DIEu..SoLEIL.

1 . Deux mythologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
2. Le cosmos de l'Amrique Moyenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
3 . Dieu et les dieux en Amrique Moyenne . . . . . . . . . . . . . . . . 94
4. Le sort des hommes et des dieux en Amrique Moyenne . . 99
5. La religion de l'empire incaique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
6. lments chrtiens dans les religions de l'Amrique
Moyenne et du Prou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 05
7. Mythes nordiques et rites chrtiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

UNGUE DANOISE, tCRITURE RUNIQUE.

1. Les langues amricaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 18


2. Quelques racines danoises du quich-maya. . . . . . . . . . . . . . 123
3. Quelques racines allemandes du quich-maya. . . . . . . . . . . . 124
4. Quelques racines latines du quich-maya. . . . . . . . . . . . . . . . 125
5. Termes scandinaves dans le quitchoua. . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
6. Racines danoises du quitchoua. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
7. Racines latines du quitchoua. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
8. L'criture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
9. Conclusions partielles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Le grand oogage du Dieu-Soleil / 205

VI
LE ZODIAQUE ARYEN DES INCAS.
1. Les deux calendriers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
2. Le zodiaque incaque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
3. Solstices et quinoxes dans le zodiaque incaique . . . . . . . . . . 147
4. Une cosmographie europenne dans l'hmisphre austral 149

VII
TIAHUANACU, VILLE NORMANDE.

1 . Les traces matrielles du Vinland. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 52


2. Des hommes de race blanche dans l'iconographie pr
colombienne.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
3. L'urbanisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
4. Les monuments chrtiens de Tiahuanacu . . . . . . . . . . . . . . . 162
5 . La tapisserie d'Ovrehogdal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
6. Des preuves tangibles et dfinitives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 66

Vlll
Qui LE LEUR A APPRI
1. Les attributs du pouvoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
2. Les armes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
3. Sauna, quipu, navires, etc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
4. Les ordres de chevalerie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
5. Un Moyen Ast,e amricain . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

IX
LE GRAND VOYAGE.

1. Les limites du hasard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184


2. L'objection nolithique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
3. L'objection polynsienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
4. Qui taient les Fils du Soleil ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
5. L'apport chrtien pr-colombien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Posr-ScR!PTUM . . . . . . . . . 193
OTES BIBLIOGRAPHIQUES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
TABLE DES ILLUSTRATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . 1 99

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