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C.E., 10 Janvier 1902, Compagnie Nouvelle Du Gaz de Déville-lès-Rouen

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Le : 06/02/2010

Conseil d’Etat statuant au contentieux

N° 94624

Publié au recueil Lebon

M. Wurtz, rapporteur

M. Arrivière, commissaire du gouvernement

lecture du vendredi 10 janvier 1902

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la Compagnie Nouvelle du


Gaz de Déville-lès-Rouen, société anonyme dont le siège social est à Déville-lès-Rouen,
Rue aux Juifs n° 32, représentée par son directeur et ses administrateurs en exercice,
ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat
le 23 février et le 28 août 1898 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un arrêté en
date du 9 décembre 1897, par lequel le conseil de préfecture de la Seine-Inférieure a
rejeté sa demande d’indemnité formée contre la commune de Déville-lès-Rouen, à raison
du préjudice résultant pour elle de l’autorisation donnée au sieur X..., auquel est
substituée la Compagnie électrique de la banlieue de Rouen, de poser sur le territoire de
la commune des fils pour l’éclairage électrique à fournir aux particuliers ; Vu la loi du 28
pluviôse an VIII ;

Considérant que la commune de Déville-lès-Rouen soutient que si elle a concédé à la


Compagnie requérante le privilège exclusif de l’éclairage par le gaz, ce privilège dans le
silence des traités de 1874 et de 1887, ne s’étend pas à l’éclairage par tout autre moyen
et notamment par celui de l’électricité, la commune n’ayant pas renoncé au droit de faire
profiter ses habitants de la découverte d’un nouveau mode d’éclairage ;

Considérant que le silence gardé sur ce point par les premières conventions de 1874 est
facile à expliquer et doit être interprété en faveur de la Compagnie du gaz ; qu’il en est
autrement du défaut de toute stipulation dans le traité de prorogation intervenu en 1887,
époque où l’éclairage au moyen de l’électricité fonctionnait déjà dans des localités
voisines ; qu’à cet égard les parties sont en faute de n’avoir pas manifesté expressément
leur volonté, ce qui met le juge dans l’obligation d’interpréter leur silence et de rechercher
quelle a été en 1887 leur commune intention ;

Considérant qu’il sera fait droit à ce qu’il y a de fondé dans leurs prétentions contraires en
reconnaissant à la Compagnie du gaz le privilège de l’éclairage n’importe par quel moyen
et à la commune de Deville la faculté d’assurer ce service au moyen de l’électricité, en le
concédant à un tiers dans le cas où la Compagnie requérante dûment mise en demeure
refuserait de s’en charger aux conditions acceptées par ce dernier ;

Considérant, il est vrai, que la commune allègue que les longues négociations engagées
sans résultat dès 1893 entre elle et la Compagnie et à la suite desquelles est intervenu le
traité passé en janvier 1897 avec le sieur X... constitue une mise en demeure suffisante
pour rendre ce traité définitif ;

Mais considérant que ces négociations antérieures à la solution d’un litige qui porte sur
l’étendue des obligations imposées à chacune des parties dans le traité de 1887 ne
peuvent remplacer la mise en demeure préalable à l’exercice du droit de préférence
reconnu par la présente décision en faveur de la Compagnie requérante ;

DECIDE : Article 1er : L’arrêté ci-dessus visé du Conseil de préfecture de la Seine-


Inférieure en date du 9 décembre 1897 est annulé. Article 2 : Dans le délai d’un mois à
compter de la notification de la présente décision la commune de Deville mettra la
Compagnie du gaz en demeure de déclarer avant l’expiration du mois suivant si elle
entend se charger du service de l’éclairage au moyen de l’électricité dans les conditions
du traité passé avec le sieur X.... Article 3 : Il est sursis à statuer jusqu’après l’exécution à
donner à l’article 2 ci-dessus sur la demande de dommages-intérêts formée par la
Compagnie du gaz. Article 4 : Les dépens exposés jusqu’à ce jour seront supportés par la
commune de Déville. Article 5 : Expédition Intérieur.

Abstrats : 16-05-03 COMMUNE - FINANCES COMMUNALES - BIENS DES


COMMUNES - CONTRATS ET MARCHES - CONTRATS ET MARCHES - Contrats
passés par les communes - Eclairage - Autorisation donnée pour l’éclairage électrique -
Concurrence - Demande en indemnité - Silence du traité - Faute réciproque - Droit de
préférence accordé à la compagnie du gaz pour l’emploi de l’électricité - Mise en demeure
nécessaire.

39 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - Contrats administratifs - Pouvoir de


modification unilatérale.

Résumé : 16-05-03, 39 Décidé que le silence de la convention relative à l’éclairage au


gaz, au sujet de l’emploi de l’électricité, doit être interprété, en ce sens, que la commune a
reconnu à la Compagnie concessionnaire le privilège de l’éclairage n’importe par quel
moyen, et à la commune la faculté d’assurer ce service au moyen de l’électricité, en le
concédant à un tiers, dans le cas où la Compagnie concessionnaire, dûment mise en
demeure, refuserait de s’en charger aux conditions acceptées par ce dernier.

Rappr. Commune de Maromme, 1900-06-22, Recueil p. 415

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