Dixsaut M. - L'analogie Intenable
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Dixsaut
Monique
intenable
L'analogie
utilece que Ton faitou possèdeen vue du bien,ce qui supposeque Ton
soit capable de le déterminer.Sans la connaissancedu bien aucune
connaissanceni aucunepossessionde quoi ce soit ne nous seravraiment
avantageuse.Mais il ne suffitpas «d'articulerle nom du bien» pour
comprendrele bien (505 c4).
A s'en tenirà la littéralité de l'analogieavec le soleilet à rapprocherce
textede tous les passagesdu livreVII où sera de nouveaureprisle pro-
blèmede la définition du bien,une chose au moinsestsûre: la question
du bien est inséparablede celle de la dialectique.L'existencemêmede la
connaissancedialectiquesupposeque l'on reconnaisseà l'Idée du bienune
certainefonction.Elle n'est réductibleà celle d'aucuneautreIdée; mais,
en raisonde « l'insuffisance de l'élan», Socratene peutpas la déterminer
directement, il ne peut la montrerqu'analogiquementet métaphorique-
ment.Selonl'analogie,le bienimposeque desdifférences etpour
se fassent,
commencer celle,essentielle,entredeuxmanièresd'être.Différenciant ainsi
le connaissable,le bien est principede distinctiondans la connaissance:
il estprinciped'une multiplicité de différences, ontologiqueset épistémo-
logiques.Découvertespar la miseen analogie,ces distinctions se marque-
rontet s'articuleront lors de la divisionde la ligne.
Il n'y a pas d'énoncédialectiquede la différence propreà la sciencedia-
lectique elle ne se dit que par analogie. langageanalogiqueconstitue
: Le
le seul métalangage capabled'intégrer le langagedu savoiretceluide l'opi-
nion,de lescomparer etde lessituer; il surmonte ainsileurcaractèremutuel-
lementexclusif,le premierlangagen'existantque de sa ruptured'avec le
secondetle secondque de son ignorancedu premier.Mais le discoursana-
logiqueestsous-tendu pardu métaphorique ; soleil,lumière,visionne sont
pas seulement des termes des
présentant rapports analoguesà ceuxqui relient
lestermescorrespondants dansle domainede la connaissance, ce sontaussi
des termesqui ressemblent, et par là les seuls en qui puisse direce que
se
fontles termesqui leur correspondent.
I. ANALOGIE
ETMÉTAPHORE
« Ce que, dansle lieu intelligible, et aux intel-
le bienest à l'intelligence
ligibles,le soleil l'est,dans le lieu visible,à la vision et aux choses visi-
bles.» L'énoncéde 508 c établitune analogieau sensstria et mathématique
d'une égalitéde rapports: A est à B et à C comme a est à b et à c 10.
Mais la formulequi le précèdesemble,en affirmant la continuitéentre
le Soleil et le Bien (entreA et a, donc aussi entreB et b et C et c), venir
brouillerla rigueurde l'analogie: le soleil, «rejeton du bien», est «ce
L'analogie intenable 97
ENMOUVEMENT
II. L'ANALOGIE
1. Untemps
pourrien(507c8-508c5)
Choisir la vision commeanaloguede la connaissancese justifiepar la
nécessité,dans son cas, d'un troisièmeterme.Sans ce « troisièmegenre»,
la présencede la vision(de la capacitéde voir)dans les yeuxserainutile,
la présencedes couleurs20sera invisible.A ces deux présencesdoit s'en
ajouterune autre.D peutsemblercurieuxque le faitde requérirun troi-
sième termesoit un indice de supériorité.Mais, comme le montrera
l'analysede la thèsedes «mobilistes»dans le Théétète (182 a-b),lorsqu'il
y a simplementrencontred'un organesensorielet d'une qualitésensible,
cetterencontre estforcément contingente, fugitive,
partielle, et il estimpos-
sible de distinguerce qui est agentde ce qui est patientdans une telle
relation.Chacun des termesestrelatifà l'autreet n'estlié provisoirement
qu'à cet autresans jamaisl'êtreà lui-même.Cela n'empêchepas qu'il y
ait liaison ou plutôt,selon le termeemployépar Socrateà propos des
autressens, association(suzeuxis508 al); s'il y a de l'entendreet de
l'entendu,du toucheret du touché,il fautbien que les deux soientreliés
et appropriés l'un à l'autreen quelquefaçon.Maisest-cel'oreillequi entend,
ou le son qui se faitentendre ? Faut-ildirede la mainqu'elle touche,ou
qu'elle esttouchée par qu'elle touche? L'indécisionsurl'actifet le pas-
ce
sifest alorsdu mêmecoup indécisionsurla cause.La supériorité du lien,
du joug (zugon),sur la simpleentréeen association tientà ce que ce lien
extérieuraux termesqu'il lie supprimele problèmede l'assignationde
l'actifet du passif: c'est le lien qui fait(poiei 508 a4) que la vision voit
(horan: actiQet que les visiblessont vus (horômena: passif).De plus,la
lumièredonne en droittout le visibleà voir, le visiblen'est soumis à
aucune autreconditionde successionque celle de la lumièreelle-même.
C'est sa présenceà elle,son intensité à elle qui sontconditionde la vision,
pas l'émission des sons ou des odeurs et pas non plusla subtilitéou l'acuité
de l'organesensoriel.
La supériorité d'un modèlemédiatisésurun modèlede contactconsiste
en ce que la questionde la cause ne se confondplus avec celle de l'agent
et du patientet que la naturede la relationn'estplus facteurde la nature
des termesen présence.C'est la lumièrequi estcause,c'estelle qui,faisant
L'analogieintenable 103
2. La construction
de l'analogie
(508 c-509a9)
Au lieu d'abolirla dynamiquedu texteen passantsous silencedes déni-
vellationsde ce genre,au lieu d'essayerde remplirles blancs,de « redres-
ser» les structures
dissymétriques et de décroiserles chiasmes,mieuxvaut
- car il y a fortà parier
que ce soientlà les indicesles plus éclairants-
106 MONIQUE DIXSAUT
• La dissymétrie initiale
Jusqu'en 507 e3 s'élaboreune définition, un logosdonton ne tientpas
encorele nom («lumière»).Jusqu'en508 e2-3,on construit des rapports
(logoî) correspondant à la manièred'être du bien. Dans le lieu visible,
c'est la présenceet l'actionde la lumière(2) qu'il fautfairedécouvriren
en faisantreconnaître les effets;la liaisonau soleil(1) va de soi puisqu'on
le voit rayonner.Dans le lieu intelligible, les effetsà reconnaître ne sont
pas ceux de la véritémais ceux du bien. Il est manifeste que la connais-
sance estliée à la vérité;c'est l'actiondu bien qui doit se découvrir,son
type de liaison à l'être et à la vérité.Dans le premiercas, on tientles
termesextrêmes(œil, couleurs),et on montrel'actiond'un termemédia-
L'analogieintenable 107
• Le termemanquant
Socratene précisepas le nomde l'analoguedescouleurs: aux chosesvues
correspondent les chosesconnuesmaisrien,apparemment, ne correspond
aux couleurs.Bref,à ce moment de l'analogie, Socrate ne nomme pas les
Formes.Après507 blO,il ne prononceraplusle termeidea que deuxfois:
la premièreà proposde la lumière,la secondeen parlantdu bien.Il a ses
raisons.L'analogiene peutse soutenirjusqu'au bout : la lumièredu soleil
confèreaux couleursleurvisibilité,leurcapacitéd'êtrevues(507 e6-7); mais
il estimpossibleque Platondiseque la vérité,ou mêmeque l'Idée du bien
confèreaux Formesleur intelligibilité. Car si les couleursont pour pro-
priété d'êtrevisiblesmais peuvent néanmoins êtreprésentessansêtrevues,
les Formesn'ontpas pourpropriété d'êtreintelligibles : ce sontdes intelli-
gibles{noeta)et ellesne deviennent pas intelligiblesselon que la véritéles
éclaireou non. Mais elles peuventêtreou non connuespar nous. C'est
pourquoi,si,en 509 b6,l'analoguede la puissanced'êtrevu estle faitd'être
etsi leschosesen tantqu'ellessontpenséesou connues
connu(gigriõskesthai),
L'analogieintenable 109
• Le chiasme
Avec le leverdu soleil,la visionpasse de l'obscurau clair,de la quasi-
privationà la perfection de son exercice.Quand l'âmes'appuiesurun être
véritable, elle est manifestement douée d'une intelligence qu'elle semble
perdrelorsqu'elles'attacheà «ce qui naîtet périt».Dans le premiercas,
le mouvementva de l'obscur au clair,de la quasi-absencede la vision à
sa présence; dans le second,il va du stableau changeant, de la possession
manifeste de l'intelligenceà l'apparencede sa privation(l'opinion). C'est
sans doute que, lorsqu'ils'agitde voir,l'œil n'a pas le choix : il ne peut
qu'attendreque le soleilbrille.L'œil estsous la dépendancedes variations
lumineuses,en naturecommeen intensité.En revanche,c'est bien l'âme
qui choisitde se tournervers« ce qui estéclairéparla véritéet par l'être»
ou au contrairevers« ce qui estmêléd'obscurité». Le manquede visibilité
des couleursne doitpas êtreinterprété commeune déficiencede l'organe
(l'œil) ou comme une privationpartielleet momentanéede la puissance
de voir; il estla conséquenced'unedéficience de lumière.Appliquéà l'âme,
le mêmeraisonnement le
impliqueraitque manqued'intelligibilité de ses
110 MONIQUEDIXSAUT
• Le termeen plus
La consciencede ce manquefaitque l'âmese détournedeschosesen deve-
nir.Cetteconsciencese manifeste sous la formed'une question: qu'est-ce
que (ti estin)? Il dépendde l'âme d'opérercetteliaisonentrela véritéet
la questionportantsur l'êtrede la chose,entreatëtheiaet on. Il ne tient
qu'à elle de comprendre que demanderce qu'est une choseX ne se réduit
ni à demanderce qui estX - possèdela propriétéd'êtreX - ni à s'inter-
L'analogieintenable 111
• Dissymétriefinale
Dans l'analysede la vision,l'accentétaitmissurla lumière; le soleiln'y
étaitditfaireque ce qu'ellefait,il n'étaitprisque commesourcelumineuse.
Lors de l'analogiedéveloppée,l'accentest mis au contrairesur l'Idée du
bien; du mêmecoup, toutel'analogieremonted'un cran: c'est l'Idée du
bienqui procurela véritéaux objetsconnuset sa puissanceau sujetcon-
naissant(508 e 1-2).Analogiquement, la fonctionqui consisteà rendrevisi-
ble et voyant,dévolued'abord à la lumière(507 e6-7),revientà présent
au soleil(508 d1-2).L'Idée du bienestautre,et autreen ce qu'elle surpasse
et dépasse30. A quoi tientce privilègeaccordéà l'Idée du bien? J'ai déjà
ditailleurs31que l'indicationla plusimportante se trouvait,selon moi,en
505 d : « Pour les chosesbonnes,personnene se contenterad'en posséder
les apparencesmaischacuncherchecellesqui le sontréellement, et surce
»
pointn'accordeplusaucunevaleurà l'opinion. Le bienimpose une dou-
ble différence : entrel'êtreet l'apparenceet entrele savoiret l'opinion.
En l'absencede cettedoubledifférence - cellemêmede Vatëtheia - , l'opi-
nionetl'apparencepourraient suffire, chacunpourraits'en contenter. Mais
tous désirentle bien,sa réalité,non son apparence.Or, si le bien est une
Idée,on doitêtreintelligent et se servirde l'intelligence pour la connaître
etla définir.Il estimpossiblede faireà moins,et il estimpossibleque quoi
que ce soit suffiseà moins.En tantqu'elle est révélatrice de cettedouble
différence parcequ'elle l'exige,l'Idée du bienn'est ni science ni ousia.Elle
ne se confondpas avec le savoir,puisquetoutsavoirsupposesa différence
d'avecl'opinionetque le bienestau principede cettedifférence. Elle n'est
pas ousiaparceque l'Idée du bien n'est pas cause à la façon dont les autres
Idées sont causes,en étantparticipées.
CAUSES
III. DESDIFFÉRENTES D'UNEDIFFÉRENCE
À LACAUSE
POST-SCRIPTUM
ENFORME
DENON-RÉPONSE BARNES
À JONATHAN