Cours Responsabilite Civile s3
Cours Responsabilite Civile s3
Cours Responsabilite Civile s3
Économiques et Sociales
AINCHOCK – CASABLANCA.
SEMESTRE 3.
Professeur : K. AGOURRAM.
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INTRODUCTION :
La responsabilité civile est la responsabilité considérée au point de vue des dommages qu’une
action volontaire ou non, ainsi qu’une absence d’action prévue dans un contrat, ont pu causer.
La responsabilité morale est la responsabilité considérée en tant que valeur, d'un point de vue
éthique ou moral. C'est la capacité pour la personne de prendre une décision en toute conscience,
sans se référer préalablement à une autorité supérieure, à pouvoir donner les motifs de ses actes, et
à pouvoir être jugé sur eux.
Une autre caractéristique de la responsabilité morale est qu'il n'y a pas prescription.
Contrairement à la loi civile, La responsabilité morale survit perpétuellement à l'action, pouvant
prendre la forme de remords ou de contentement.
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b) La responsabilité civile et la responsabilité disciplinaire :
La responsabilité disciplinaire entraine une sanction, un blâme, un avertissement voire une
radiation après le jugement d’un professionnel par ses pairs
Elle n’existe qu’au sein d’un groupe organisé qui établit des règles à respecter. Elle ne vise pas
à réparer un préjudice, ainsi elle vise seulement à sanctionner.
- La responsabilité civile :
C’est l’obligation de réparer le dommage subi par la victime en octroyant des dommages et intérêts.
- La responsabilité pénale :
La responsabilité pénale d’une personne se trouve engagée lorsqu’elle commet une infraction à une
règle de droit. Elle fait l’objet de sanctions qui vont de la simple amende à la prison.
C’est une sanction de la société pour punir l’infraction, le trouble sociale occasionné.
Le principe de distinction de ces deux responsabilités n’existait pas auparavant, elles étaient
totalement confondues, c’était une seule peine qui jouait le rôle de la répression {aspect pénal}, et
cette peine jouait aussi un rôle de réparation {aspect civil}, la distinction s’est réalisée
progressivement. Il a fallu l’avènement du droit français {plus précisément, c’est le code Napoléonien
qui a consacré la séparation} qui a consacré cette dualité en admettant que l’action publique
appartient à l’État, et cela en défendant l’intérêt social.
Cette distinction va aboutir à une peine qui est tout à fait autonome de l’action civile {l’action
civile qui a pour but de réparer et dédommager la victime}.
L’objet des règles relatives à la responsabilité pénale est « la détermination des personnes
pouvant être déclarées responsables d’une violation de la loi pénale et donc passibles d’une peine »
(Desportes et Le Gunehec, Le nouveau droit pénal, tome 1, Droit pénal général, Economica, collection Droit
pénal, 14e édition, 2007, n° 427).
La responsabilité pénale est encourue par l’auteur d’une violation de la loi pénale, c’est-à-dire
d’une infraction, donnant lieu à l’application d’une peine. L’objet de la responsabilité pénale est, au-
delà de la réparation pécuniaire des dommages, la punition du coupable. Il s’agit d’identifier le ou les
responsables et de leur infliger une lourde sanction qui satisfasse le besoin de justice des victimes.
Enfin, sa mise en œuvre suppose l’intervention de l’autorité publique, le « ministère public », appelé
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dans le langage procédural le parquet, dans le cadre d’un procès obéissant à des règles
fondamentalement différentes.
En réalité, dans la pratique judiciaire, les responsabilités pénale et civile ne sont pas
totalement indépendantes. La plupart du temps, l’infraction est commise au préjudice d’une victime
et cause ainsi un dommage. Dans ce cas, responsabilité civile et responsabilité pénale coexistent :
fréquemment le procès pénal se confond avec le procès civil et le juge répressif, après avoir
prononcé la peine (c’est-à-dire avoir statué sur l’action publique), alloue à la victime des dommages-
intérêts (il se prononce sur son action civile). Par ailleurs, la responsabilité pénale, comme la
responsabilité civile, exige la réunion de la faute, du dommage et du lien de causalité.
En pratique, c’est essentiellement le tribunal correctionnel qui sera saisi, la cour d’assises ne
statuant que dans des hypothèses qualifiées « crimes » au sens de la loi pénale, qui définit
strictement les infractions, et ne rentrant pas dans le cadre de la responsabilité civile.
o La responsabilité civile est engagée pour toute espèce de faute, parfois même sans faute.
o La responsabilité pénale nécessite une incrimination spécifiquement prévue par le code
o La responsabilité civile ne peut être mise en œuvre que si la victime ait subi un dommage
(sans dommage, il n’y a pas de responsabilité).
o Alors qu’en responsabilité pénale, la tentative est punie et elle n’exige pas de dommages, la
tentative seule suffit.
Concernant la responsabilité civile, celle-ci peut trouver son origine dans un fait juridique ou
dans un acte juridique.
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La responsabilité civile délictuelle et la responsabilité civile contractuelle sont donc les deux
principaux aspects de la notion même de responsabilité.
La responsabilité pénale, quant à elle ne sera engagée que si l’individu a commis une faute
expressément prévu par le code pénal {contravention, délit ou crime}.
D’une manière générale, en matière de responsabilité civile, trois conditions sont nécessaires
pour pouvoir engager la responsabilité d’une personne :
Lorsque ces conditions sont réunies, la responsabilité civile entraînera la naissance d’une
obligation de la part de l’auteur du préjudice. Il s’agit de l’obligation de réparer le préjudice physique,
matériel ou moral subi par la victime et qui s’effectuera, en général, par l’octroi de dommages
intérêts. Lorsqu’il s’agit de responsabilité contractuelle la réparation peut également s’effectuer par
la voie de l’exécution forcée.
La notion de responsabilité civile est très ancienne et se fonde sur les articles 1382 à 1386 du
Code civil français {article 77 à 82 du DOC}, et n’a d’ailleurs guère été modifiée depuis 1804. La
jurisprudence joue un rôle essentiel en la matière car la loi ne se contente finalement que de poser
des principes. La jurisprudence est souple et relativement bien adaptée aux besoins sociaux mais elle
offre une large part d’incertitude dans la mesure où beaucoup de solutions adoptées demeurent
controversées.
L'article 1147 du Code civil français fixe les règles de mise en œuvre de la responsabilité
contractuelle. Il dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et
intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes
les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être
imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
L’article 77 du DOC marocain énonce que : « Tout fait quelconque de l’homme qui, sans
l’autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral,
oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu’il est établi que ce fait en est la cause directe.
Toute stipulation contraire est sans effet. ».
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de faute, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil français : « Tout fait quelconque de
l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le
réparer. »
de négligence, d'omission, ou d'imprudence sur le fondement de l'article 1383 : « Chacun est
responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence. ».
une faute : c’est-à-dire un non-respect de la loi ou bien un comportement que n'aurait pas
eu une personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances.
un dommage : Le préjudice peut être matériel, physique ou moral. Le dommage doit être
quantifiable (les juges refuseront d'indemniser un préjudice dont le montant n'est pas chiffré)
un lien entre la faute et le dommage dit de causalité : La faute doit être la cause (même non
exclusive) du dommage.
La responsabilité civile n’existait pas de manière distincte. Il y avait une responsabilité unique,
« responsabilité mixte » {mi-pénale/ mi-civile}. A l’époque, tout ça n’a pas de sens. Le mot
« responsabilité » ne date que du XIXème (19ème) siècle. La sanction ne s’exprimait que par la
vengeance privée. On punissait et on réparait en même temps.
La responsabilité était très objective. On ne recherchait pas qui était coupable, ou qui était
fautif {la vengeance était aveugle}. Celui qui était puni n’était pas forcément le coupable. C’était par
exemple un membre de la tribu adverse. Elle était aussi généralement collective. On cherchait à
sanctionner une collectivité adverse, le clan, celle censée être à l’origine du mal.
Evolution très lente. Peu à peu, des règles ont élaboré des sanctions précises. Avec ce progrès
du droit, on va petit à petit distinguer deux types de dommages, à savoir les délits publics et les délits
privés.
Les délits privés sont les dommages causés par une personne à une autre. C’est l’origine de la
distinction entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile.
Au XVIIème (17ème) siècle, le premier auteur qui affirme en termes clairs et nets le concept de la
responsabilité civile est Jean Domat. Toute personne qui cause un dommage à autrui à cause d’une
faute oblige son auteur à le réparer.
La responsabilité est subjective car on exige qu’une faute soit à l’origine d’un dommage, elle
devient individuelle.
3) Le Code Civil :
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Le Code Civil français énonce parfaitement le principe énoncé au plus grand article du code,
reprenant le travail de Domat.
« Toute fait quelconque de l’Homme qui par sa faute cause à autrui un dommage s’oblige à
le réparer ».
Une évolution qui se dirige vers une plus grande objectivité, et plus de socialisation.
5) Développement de la loi :
C’est le cas des responsabilités sans faute. La jurisprudence suit exactement le même
mouvement avec parfois des interprétations très audacieuse.
Les tribunaux créent de toute pièce des cas de responsabilité sans faute.
La question du fondement était secondaire à l’époque du Code Civil car elle était évidente, il y
avait une faute à l’origine. Ensuite le développement des responsabilités sans faute. Mise en avant
de l’idée de risque.
Dans le cadre d’une situation dangereuse, lorsque le risque se réalise et que le dommage
survient, ce risque justifie en soi que ce dommage soit réparé. Le risque est donc le fondement de
l’obligation de réparer les dommages qui consistent en sa réalisation.
Le risque va permettre également, par l’élaboration de critères, de désigner celui qui va devoir
réparer le dommage. Ainsi, les critères vont se traduite par une pluralité de théories de risques :
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- Théorie du risque-profit :
Celui qui devra réparer le dommage, celui à qui profite l’activité à risque.
Celui qui initie une activité qui présente des dangers, c’est celui qui devra payer les dommages
résultants de l’activité à risque.
Exemple : achat d’une voiture, circulation, accident. C’est donc le propriétaire/conducteur du véhicule
qui devra réparer le dommage.
Celui qui répare le dommage est celui qui a autorité sur autrui. En effet, il se peut qu’une personne
cause un dommage en étant sous l’autorité d’une autre personne.
Exemple : dommage causé par un enfant mineur ; les parents devront le réparer car ils ont l’autorité
parentale.
Ces théories vont prendre place à côté de la faute. A un moment, on s’est demandé si le
risque n’avait pas absorbé la faute. Saleilles : « il faut passer la faute par-dessus bord ».
L’objectivation se manifeste par la multiplication des lois. Une des plus importantes par son
champ d’application est la loi française du 5 juillet 1985 {loi Badinter}, elle concerne les accidents de
la circulation. Tout propriétaire d’un véhicule qui est impliqué dans un accident de la circulation doit
réparer les fautes qui en résultent. On ne recherche pas préalablement la faute.
Deux formes dont la deuxième est entrain de tuer l’institution même de la responsabilité
civile.
La forme indirecte :
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Compte-tenu du rôle de l’assurance. En pratique, ce ne sont pas les responsables qui
indemnisent les victimes. Statistiquement parlant, il est assez rare que le responsable indemnise sur
son propre patrimoine. Au final, la charge de la réparation pèse sur la collectivité des assurés.
La forme directe :
C’est un organisme public, alimenté par des fonds publics {souvent par l’impôt}, prend en
charge la réparation de certains dommages.
Le premier est la sécurité sociale. A côté, la multiplication des fonds de garantie, des fonds
d’indemnisation de certains catégories de victimes {indemnisent indépendamment de toute
responsabilité}. Le fonds de garantie des victimes d’accidents médicaux, des victimes de l’amiante,
des transfusés et hémophiles, etc…
La grande loi de 1898 prévoyait que pour tout accident du travail, l’employeur devait réparer
objectivement, et automatiquement les dommages causés {fondement du risque-profit}. Ensuite,
perfectionnement du système avec une grande réforme de 1945. Depuis, c’est la sécurité sociale qui
prend en charge les accidents de travail.
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PARTIE I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE CIVILE.
A l’origine (v. Aubry et Rau, Cours de droit civil français, t.IV, 4ème éd. Paris , 1871, §445) le dommage était la
perte et le manque de gain que le délit a occasionné. Il comprenait par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un délit de
droit criminel, le tort moral que le délit a fait éprouver à la personne lésée, soit en la troublant dans sa sûreté
personnelle ou dans la jouissance de son patrimoine, soit en la blessant dans des affections légitimes.
La prolifération des variétés de dommages réparables tient d’une part à l’attention accrue des situations
individuelles et d’autre part à la multiplication des biens (v. Philippe Letourneau, Droit de la responsabilité et
des contrats, Dalloz 2012 n.1500). La prise en compte des besoins mais aussi des désirs des individus
transforme les défaillances par rapport aux attentes à un préjudice appelant un responsable. La logique de
marché mène à ce que « tout vaut tant » (Carbonnier, Droit civil, T.III, Les biens, 18ème éd. PUF, 1998, n°9). La
responsabilité devient une marchandise s’échangeant sur le marché de l’assurance, les dommages et intérêts
deviennent des biens.
La responsabilité civile ne peut être établie que si la victime établit la preuve de dommage centre de
la responsabilité contractuelle et délictuelle.
Une autre présentation sépare le dommage matériel, le dommage moral et le préjudice corporel. Le
préjudice corporel est défini comme la résultante des préjudices matériels et des préjudices moraux causés par
l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique de la victime.
L’atteinte aux intérêts matériels peut prendre deux formes. Il peut s’agir de la destruction ou la
détérioration d’un bien damnum emergens {la destruction d’un véhicule par collision}, ou la perte éventuelle
d’un profit lecrum cessans {incendie}.
- La perte éprouvée :
La perte éprouvée est le damnum emergens. La perte éprouvée est la perte subie par la victime d’un délit ou
quasi-délit et la perte subie par le créancier du fait de l’inexécution d’une obligation contractuelle.
- Le gain manqué :
Le gain manqué est le lucrum cessans, la certitude d’un gain qui a disparu par suite du fait dommageable. Il est
prévu dans l’article 1149 du Code civil français dans le cas d’une inexécution contractuelle mais la même idée
vaut pour la responsabilité délictuelle.
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Le gain manqué est un manque à gagner certain, le gain étant du en raison de l’obligation contractée,
alors que la perte de chance est un manque à gagner probable. Le manque à gagner ne peut être retenu
comme chef de préjudice s’il était hypothétique (Cass. civ. 1, 22 octobre 1996).
En droit français la réparation d’un dommage matériel est gouvernée par le principe de la réparation
intégrale du préjudice. En vertu de l’article 1149 du Code civil (règle contractuelle, couramment transposée en
matière délictuelle), l’indemnisation par l’allocution de dommages-intérêts est calculée en tenant compte à la
fois de la perte éprouvée par la victime (damnum emergens) et du gain manqué (lucrum cessans). Par exemple,
la réparation de la destruction d’un produit doit couvrir tant son prix d’achat (damnum emergens) que le
bénéfice qu’un commerçant aurait pu retirer en revendant le produit s’il n’avait pas été détruit (lucrum
cessans).
Il s’agit de préjudices non économiques qui peuvent être synonymes de « dommage moral » sensu
lato, dès lors qu’ils visent toutes les atteintes à l’intégrité physique et/ou psychiques qui n’ont pas de
répercussion sur le patrimoine d’une victime, en ce sens qu’ils n’affectent pas sa force de travail.
Le « dommage moral » dans son acceptation la plus large comprend les souffrances morales {sentiment
de diminution et d’inquiétude face à l’avenir}, les souffrances physiques (appelées également quantum doloris,
ou pretium doloris), le préjudice psychologique, le préjudice d’agrément, le préjudice esthétique, le préjudice
sexuel, le préjudice d’affection…
Un dommage de nature extrapatrimonial ou moral est une atteinte au sentiment et plus largement à la
personne de l’individu. L’indemnisation de ce dommage a été critiquée par une partie de la doctrine française.
Il faut mettre en exergue qu’il est difficile, voire même impossible dans certains cas d’évaluer un tel préjudice.
Par ailleurs, il est également difficile de réparer une atteinte au sentiment par les dommages et intérêts.
Ces préjudices moraux, comme l’atteinte à l’honneur, à la réputation et au crédit de la personne, toute
intrusion dans la vie privée, toute atteinte à la liberté civile… méritent d’être réparés, que la victime soit une
personne physique ou morale. Toutefois, pendant très longtemps, la jurisprudence a refusé de réparer le
préjudice moral étant donné la difficulté d’appréciation.
Certains préjudices moraux sont particuliers à la personne physique, c’est le cas du pretium doloris (le prix de la
douleur). Ce préjudice prend en compte par exemple : les souffrances physiques endurées par la victime d’un
dommage corporel ; le préjudice sexuel ; le préjudice esthétique ; et plus largement le préjudice d’agrément
{que la jurisprudence définit comme la perte ou la diminution de la pratique d’une activité par rapport à la
pratique faite avant la survenu de l’accident}.
- Le préjudice d’affection :
C’est la douleur que suscite chez les proches, parents de la victime face à la mort, face aux graves souffrances.
Il répare le préjudice que subissent certains proches à la suite du décès de la victime directe. Il convient
d’inclure, à ce titre, le retentissement pathologique avéré que les décès a pu entraîner chez certains proches.
En pratique, il y a lieu d’indemniser quasi-automatiquement les préjudices d’affection des parents les plus
proches de la victime directe (père et mère, … etc.). Cependant, il convient également d’indemniser, à ce titre,
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des personnes dépourvues de lien de parenté, dès lors qu’elles établissent par tout moyen avoir entretenu un
lien affectif réel avec le défunt.
Le dommage certain s'oppose ainsi au dommage éventuel, trop hypothétique pour être réparé. La
victime doit rapporter la preuve de la matérialité et l'effectivité du préjudice. Selon les juges du
fond, la simple exposition à un risque ne constitue pas un dommage certain, il ne peut donc être
indemnisé.
Au contraire, le dommage futur est réparable. Le préjudice, bien que futur, peut être réparé par
l'allocation de dommages-intérêts à la victime si ce dernier est le prolongement certain et direct de
l'état actuel.
La perte de chance est aussi un dommage réparable. C'est la disparition par le fait du défendeur
d'une éventualité favorable qui devait se produire dans un avenir proche et qui n'a pas pu être
tentée (c'est l'exemple de l'avocat qui n'a pas fait appel dans le délai requis qui a fait perdre à son
client la chance de gagner).
Cependant, comme il demeure une incertitude dans la perte de chance qui est difficile à évaluer, les
juges du fond n'accordent pas la totalité du gain espéré mais une fraction, qu'il évalue par rapport
aux chances perdues. La perte de chance est un dommage particulier, intermédiaire entre le
dommage éventuel non réparé et le dommage certain qui lui est entièrement réparé. Ceci est
différent en matière de pourparlers contractuels, depuis l’arrêt Manoukian, on ne peut demander
l'indemnisation de la perte de chance de conclure le contrat.
L’aléa est l’adjectif qui caractérise une convention dans laquelle les chances de gains ou de pertes pour
l’une comme pour l’autre des parties, sont liées à la survenance d’un événement, ou dont on ne peut connaître
à l’avance s’il interviendra ou quand il se produira, et quelles en seront les conséquences.
La victime d’un dommage invoque la perte d’une chance passée ou future, c’est-à-dire qu’il a manqué
l’occasion qui aurait pu été profitable. La perte d’une chance de bénéficier d’un élément favorable ou d’éviter
un événement défavorable constitue un préjudice spécifique appelé perte de chance. La perte de chance
devrait être définie comme un événement intermédiaire faisant disparaître la possibilité de l’événement
final dont le processus de réalisation était engagé.
La perte d’une chance passée est l’hypothèse du cas où une chance qui existait à un moment donnée a
été définitivement perdue par le fait du défendeur qui est l’auteur du dommage. L’aléa consiste dans le fait que
l’on ignore si en courant sa chance la victime aurait réussie, c’est l’appréciation du juge qui détermine si le
dommage est certain ou non (Exemple : un étudiant va à un examen et se fait renverser, il est donc empêché.
On ignore s’il aurait eu l’épreuve. S’il l’aurait eu, il subit un préjudice. S’il l’avait raté il n’aurait eu aucun
dommage. Donc la jurisprudence raisonne en perte de chance. Il est définitivement certain qu’il a perdu sa
chance de passer l’examen, on voit bien qu’en admettant la perte d’une chance puisse constituer un préjudice
réparable. On évite ainsi de débouter la victime en raison de l’incertitude dans laquelle il se trouve. Donc la
perte d’une chance est préjudice certain et c’est bien un préjudice réparable).
La chance perdue aurait pu améliorer la situation de la victime. Dans ce cas, l’aléa porte non seulement
sur l’existence du succès mais également sur les conséquences qui l’aurait entrainé s’il avait été remporté
(Exemple : un accident de circulation a empêché la victime de se présenter à un concours dont dépendait sa
carrière ; il a été également jugé qu’une faute médicale avait fait perdu à la victime une chance de guérison ou
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de survie). Dans tous les cas, le juge va se livrer à une appréciation portant non seulement sur la vraisemblance
mais également sur l’importance du profit qu’aurait tirée la victime.
Le dommage certain peut parfaitement être futur ou actuel, ce qui importe c’est qu’on soit sûr que ce
dommage futur advienne. Si tel est le cas, on engage la responsabilité (Exemple : en matière de contamination
du virus VIH, la personne peut demander la réparation de son dommage, mais est-ce qu’elle peut demander la
réparation de son préjudice futur. Un arrêt du 20 juillet 1993 a approuvé la décision d’une cour d’appel d’avoir
considéré qu’en cas de séropositivité, le préjudice résultant de la survenance du SIDA n’a pas un caractère
certain)
La jurisprudence admet que la perte d’une chance peut fonder une action en responsabilité civile, à
condition que la chance qui a été perdue soit sérieuse et réelle {élément déclencheur de la responsabilité civile}.
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SECTION 2 : CUMUL DES REPARATIONS {un dommage qui a été réparé}.
On va chercher à savoir si le dommage qui a été déjà indemnisé peut faire l’objet d’une indemnisation
sur la base de responsabilité civile.
L’indemnisation a pour but de faire disparaître le dommage. On ne peut donc se prévaloir d’une
action en responsabilité civile pour réclamer la réparation d’un dommage déjà indemnisé. En revanche, il y a
eu des hésitations dans certaines hypothèses où le dommage a donné lieu au versement des prestations à un
autre titre que celui de la responsabilité civile.
Dans certaines situations, la loi a tranchée le problème du cumul entre le bénéfice de la responsabilité
civile et celui d’un autre système d’indemnisation (exemples : en matière d’assurances, la loi du 30 avril 1930
sur les assurances sociales ; la loi marocaine de 1934)
La loi admet que le bénéfice d’une assurance de personnes peut se cumuler avec l’indemnité au titre
de la responsabilité civile. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une assurance de dommages, la victime ne pourra
être indemnisée.
L’assurance de dommages joue un double rôle et intervient à deux niveaux ; elle peut permettre de
couvrir l’assuré contre les différents sinistres qui peuvent le toucher de façon personnelle (par exemple :
l’incendie de son logement ou qui seraient susceptibles de toucher les tiers). L’assurance de chose permet
justement de protéger le patrimoine de l’assurée {il assure ainsi son logement, sa voiture, ses bijoux, etc.).
Il y a ensuite les assurances qui couvrent l’assuré pour les dommages qu’il pourrait causer à autrui, ce
sont les assurances de responsabilité (par exemple : un piéton est blessé par un conducteur, la réparation des
dommages pourra difficilement être assumée par l’auteur du dommage qui a donc la possibilité de faire jouer
son assurance, elle assurera la réparation à sa place). L’assurance de responsabilité a pour objectif essentiel
d’assurer à la victime la réparation de son préjudice. Les assurances de responsabilité, tout comme les
assurances de choses, sont fondées sur un principe indemnitaire, ce qui signifie pour l’assuré qu’il ne pourra
jamais obtenir une indemnité supérieure à son préjudice. Par contre, son indemnité pourra être inférieure, ce
qui est fréquent, par l’application de franchises et de plafonds.
La responsabilité civile est le mécanisme qui oblige toute personne à réparer les dommages matériels ou
corporels causés à autrui. Elle est utilisée dans de nombreux domaines au quotidien. Elle peut être engagée en
raison d’un fait personnel, lorsqu’un dommage est causé par notre faute, que ce dommage soit matériel
(atteinte aux biens) ou corporel (atteinte aux personnes). Par ailleurs, il est possible de voir sa responsabilité
engagée en raison des dommages causés par les personnes dont on doit répondre, ou les choses placées sous
notre garde. Le rôle de l’assureur de responsabilité civile sera de se substituer au responsable. Il indemnisera
ainsi la victime en lieu et place de son assuré qui a été reconnu responsable.
En principe, l’opération d’assurance est libre puisque chaque personne s’assure ou non selon l’intérêt
qu’elle y trouve. Cependant, certaines assurances sont obligatoires, il s’agit essentiellement de garanties de
responsabilité civile permettant d’indemniser les dommages matériels ou corporels causés à des tiers. Parmi
elles, on compte l’assurance construction (par exemple : on l’a souscrit lors de la construction d’une maison),
l’assurance automobile, l’assurance multirisques en matières locatives, certaines assurances professionnelles
(avocat, notaire, etc.), les assurances qui visent à couvrir un risque particulier (par exemple : assurance pour la
pratique de la chasse) etc.
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Le cumul d’assurance :
De nombreux contrats qui ne sont pas à l’origine des contrats d’assurance peuvent prévoir une
assurance de responsabilité civile. Il n’est alors pas nécessaire de souscrire un contrat spécifique d’assurance
responsabilité civile car celui-ci ferait double emploi. Lorsque c’est le cas et que l’assurance de responsabilité
civile est comprise dans un contrat, elle offre généralement une garantie limitée. Il est nécessaire de se référer
au contrat afin de connaître précisément son étendu et ainsi souscrire utilement un contrat d’assurance qui
permettra de garantir ce qui ne l’a pas été (par exemple : l’assurance automobile comprend une assurance de
responsabilité civile limitée au dommage causé à la suite d’un accident de la circulation ; il peut en être de
même pour les parents ayant souscrit une assurance scolaire ou extrascolaire qui permettra de couvrir les
dommages causés par l’enfant. Dans ces deux cas, la couverture est limitée par les contrats, il convient donc
lors de la souscription du contrat d’assurance de responsabilité civile d’exclure ce qui est déjà garanti par
d’autres contrats.
Il est très fréquent que l’assurance multirisques habitation inclus une garantie responsabilité civile pour
l’ensemble de la famille. Par conséquent, avant de souscrire un contrat de responsabilité civile, il convient de
s’assurer qu’un autre contrat n’assure pas déjà la couverture de ces mêmes risques. Si malgré tout lors d’un
sinistre on s’aperçoit que l’on est couvert au titre de la responsabilité civile par deux contrats différents, il est
possible de déclarer le sinistre à l’assureur de son choix mais en aucun cas il ne sera possible de cumuler
l’indemnisation.
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CHAPITRE III : CARACTERE PERSONNEL DU DOMMAGE.
Afin de limiter les possibilités de recours face à l’extension des catégories de dommages réparables, on a
voulu restreindre l’acception du terme « victime ».
Seule la victime ou celui qui est subrogé dans ses droits peut demander réparation. Cela suppose
évidemment que la victime soit distincte de l’auteur. Il faut également avoir la personnalité juridique, c’est-à-
dire né vivant et viable. Il n’y a pas besoin d’avoir la capacité juridique pour être victime puisqu’un mineur peut
être victime. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas subir un dommage avant sa naissance, et la victime
pourra demander réparation lorsque le dommage sera visible. Certains dommages ne peuvent être subis que
par des personnes physiques.
Le dommage doit être personnel, c’est-à-dire que seule la victime ou son représentant peut réclamer
réparation, les tiers ne le peuvent pas. Mais le dommage peut être collectif, c’est ce qui explique pourquoi
certaines personnes morales sont admises à agir en réparation lorsque le préjudice porte atteinte à des
intérêts collectifs. Ainsi, un groupe de personnes ayant subi le même préjudice pourront s’assembler et
demander réparation de manière collégiale.
Le dommage doit être direct. Cette condition fait apparaître la notion de dommage par ricochet, en ce
sens que dans ce cas le préjudice est indirectement subi. Il peut s’agir de la perte d’un être cher, et donc de la
souffrance engendré par le dommage commis.
C’est un ensemble, généralement assez dense, d’individus groupés naturellement ou rassemblés pour
une certaine durée par des sentiments, des intérêts, des droits ou des devoirs communs.
La jurisprudence a subordonné l’existence de ce droit à celle d’un préjudice individuel. Plus précisément,
l’atteinte à un intérêt collectif ne constitue pas aux yeux de la jurisprudence un préjudice personnel du
groupement.
Cour de cassation : le demandeur doit pouvoir établir avoir été personnellement lésé dans un intérêt
distinct de celui qui résulte de son appartenance au groupement (par exemple : la malfaçon qui est dû à la
faute du constructeur, et qui affecte les parties communes. Il faut une preuve d’atteinte ou préjudice personnel
ou individuel)
Le droit à réparation des personnes morales pour les atteintes à un intérêt collectif qui est distinct de
leur intérêt propre (par exemple : association des parents d’élèves ; production des films qui auraient une
mauvaise influence sur les jeunes).
Cour de cassation : adopte une position restrictive et donc la personne morale selon la Cour ne peut
demander la réparation d’un dommage causé à un intérêt collectif que si elle est autorisée légalement à
défendre ses intérêts collectifs. Cette jurisprudence a été fortement critiquée, puisqu’elle est très restrictive.
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Il y a des associations qui défendent les intérêts de leurs seuls membres, constituées à cet effet en
général « comités de défense ». D’autres qui défendent des causes plus vastes qui dépassent les intérêts de
leurs membres (grandes causes) « la défense de certains idéaux ».
- Au niveau législatif :
Le législateur français a habilité les associations à agir de plus en plus. La première grande loi est une loi
du 9 mars 1920 qui expressément habilite les syndicats à agir pour la défense des intérêts des travailleurs.
Ensuite, les ordres professionnels, certaines associations, puis elles se sont multipliées. Associations familiales,
associations de lutte contre le racisme, contre le proxénétisme, l’alcoolisme, associations de défense de
l’enfance maltraitée, associations de défense de l’environnement, associations de défense des consommateurs.
Parfois, il s’agit d’habilitations d’intervenir, d’autres d’agir, certaines concernent des actions devant les
tribunaux répressifs et civils, d’autres uniquement devant les tribunaux répressifs. Il y a toujours une condition
de recevabilité de l’action pour ces associations. Il faut que le fait générateur du dommage corresponde à
l’objet statutaire de l’association. Les associations de défense des consommateurs et de l’environnement
depuis 92 et 95 respectivement peuvent agir dans le cadre de l’action en représentation conjointe. C’est-à-dire
plusieurs personnes victimes d’un même dommage, peuvent mandater une association pour agir à leur place
en justice. Il faut au moins deux personnes et un mandat écrit. Il ne faut pas confondre ces actions avec les
actions du groupe. Une personne va représenter un ensemble indéterminé de victimes et agir dans l’intérêt de
ces victimes qui se feront connaître ensuite.
- Au niveau jurisprudentiel :
Le fondement de cette solution est l’idée de mandat tacite. On considère qu’en se regroupent dans une
association, les membres de mandat sont censés donner mandat à l’association d’agir à leur place. Le
groupement pourra donc demander réparation.
La jurisprudence considère que sans délibération législative, l’action est déclarée irrecevable. C’est la
position de principe.
L’atteinte aux intérêts collectifs de l’association, et qui sont de vaste portée, représente un préjudice
personnel de l’association. Les associations seraient recevables en réparation de ce préjudice qui est collectif ;
défense des intérêts collectifs.
- Arrêt, 14 juin 1971, Lepen : une association dont l’objet était de perpétuer le souvenir des déportés
morts. Cette association admise à agar contre Lepen pour infraction d’apologie des crimes de guerre ;
atteinte aux intérêts collectifs, ceux des déportés morts pour la France.
- Décision de la première Chambre civile, 16 novembre 1982 : action déclarée recevable concernant
une association dont l’objet était la protection des oiseaux migrateurs.
- Arrêt de la Chambre criminelle, 7 février 1984, 20 avril 1986 : action émanant d’association de lutte
contre le Tabac.
17
SECTION 2 : DOMMAGE « PAR RICOCHET ».
Victime par ricochet : « tiers subissant un préjudice matériel ou moral du fait des dommages causés à
la victime directe, tel un fils privé de subsides à la suite du décès de son père tué accidentellement ». Une
victime par ricochet subi une atteinte par contrecoup d’un autre dommage. Le préjudice par ricochet peut être
matériel ou moral. Néanmoins, on ne répare par dans n’importe quelle circonstance, il faut démontrer
l’existence d’un lien étroit entre la victime et la victime par ricochet.
La jurisprudence a largement admis le dommage par ricochet en cas de décès et de blessure grave.
Cependant, elle est plus réticente pour les blessures plus légères. Pareil lorsque la victime immédiate est
toujours en vie {Par exemple : en cas du coma, il est difficile pour la famille de se prévaloir du dommage par
ricochet, ce qui donne une situation d’injustice}.
Pendant un certain temps, on avait exigé qu’il y ait entre les deux victimes un lien de droit. C’est pour
cela que pendant longtemps on a refusé l’indemnisation à la concubine du fait du dommage causé à son
concubin. On disait que la concubine n’avait pas d’intérêt légitime juridiquement protégé. Aujourd’hui, depuis
l’arrêt Dangereux, du 27 février 1970, où un tiers avait causé le décès du concubin, on admet que la concubine
puisse obtenir réparation dès lors qu’elle démontre des liens affectifs et matériels suffisant avec la victime. La
victime doit démontrer qu’elle était entretenue par la victime directe.
- L’évolution jurisprudentielle :
1930 : les tribunaux limitent les victimes par ricochet, en posant le principe que l’action en responsabilité ne
devait être exercée par la victime par ricochet que si celle-ci pouvait se prévaloir d’un droit lésé, ou d’un intérêt
légitime juridiquement protégé. C’est-à-dire, que les tribunaux exigés un lien de droit entre la victime initiale et
la victime par ricochet. Pour le dommage matériel, la Cour de cassation retient le lien d’obligation alimentaire.
Pour le dommage moral, la Cour de cassation exige un lien de parenté également, mais aussi d’alliance (ex :
fiancé).
1970 {Chambre mixte, arrêt Dangereux du 27 février 1970, revue Dalloz, p, 215, note de Combaldieu ; arrêt de principe} :
Dans les faits, il s’agissait d’une concubine {aucun lien de droit} a qui la cassation reconnaît le droit à
réparation. Depuis cet arrêt la Cour de cassation ne fait plus référence au lien de droit entre la victime initiale
et celle par ricochet.
18
TITRE II: LE LIEN DE CAUSALITÉ.
Cette condition pose des difficultés majeures. Il ne faut pas confondre la causalité des scientifiques et
celle vue par les juristes. Le juriste raisonne autrement, il se demande plus précisément si ce fait, peut être
considéré comme une cause juridique du dommage ; toute cause matérielle ne sera pas nécessairement une
cause juridique.
Si je veux engager la responsabilité d’un individu. Il ne suffit pas de démontrer un dommage et un acte
fautif. Il faut de surcroît que cet acte fautif est bien la cause du dommage. On doit ainsi prouver le lien de
causalité entre le fait générateur et le dommage. On peut enfin utiliser tout les moyens de preuves que l’on
souhaite. (Par exemple : je tape une personne qui m’a insultée. On trouve un lien de causalité entre le fait
générateur – l’insulte – et le dommage – la blessure corporelle –).
Selon cette théorie, pour qu’un dommage se produise, de multiples conditions sont nécessaires mais
aucune n’est suffisante. Tous les événements sans lesquels le dommage ne se serait pas produit sont
équivalents.
Cette théorie impose d’établir un rapport de nécessité entre la cause et le dommage. La cause est donc
un antécédent sine qua non du dommage. C’est la théorie la plus séduisante mais aussi la moins sélective ; elle
désigne tous les antécédents comme cause du dommage, ce qui fonctionne plutôt bien pour la responsabilité
pour faute.
Pour faire simple, cette théorie met sur un pied d’égalité tous les facteurs qui ont pu contribuer au
dommage (Par exemple : je tape une personne qui m’a insultée. Si on applique la théorie de l’équivalence des
conditions, on retiendra tous les facteurs qui ont contribué au coup. Ca peut être l’insulte, le physique de la
personne, ma sensibilité, mon humeur, etc.).
La jurisprudence tend à consacrer ce principe : Toute condition nécessaire au dommage en est une
cause juridique, et cela même si cette cause nécessaire apparaît assez lointaine, assez indirecte, par rapport au
dommage.
Soit un accident de la circulation, la victime est blessée et transportée à l’hôpital. Le médecin qui l’opère
commet une faute chirurgicale, la victime est encore plus handicapée. On considère que l’auteur de l’accident
est la cause finale même si les dommages plus graves ont été causés. C’est l’auteur qui devra réparer les
conséquences du décès.
La portée de ce principe : A partir du moment où toute cause nécessaire est une cause juridique du
dommage, il faut être certain que cette cause a induit le dommage. Sans cette cause, le dommage ne serait pas
arrivé.
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Plusieurs conséquences :
Le lien de causalité ne sera pas retenu s’il apparaît que le dommage se serait quand même produit sans
la cause, sans le fait envisagé.
Envisageons le cas du notaire qui pour son client, contribue à la rédaction d’un acte de vente. Le notaire
va commettre une faute en ne s’informant pas sur la solvabilité de l’acquéreur. Il commet une faute en
manquant à son devoir de conseil. Cette faute engendrera un dommage, qui sera imputable à l’acquéreur et au
notaire. A priori, la faute du notaire est la cause du dommage, mais supposons que le vendeur ait vendu à un
ami, à un parent, à un proche, il aurait vendu de toute façon même s’il avait été informé que l’acquéreur était
insolvable. La faute du notaire n’est, alors, plus une condition nécessaire du dommage.
Problème du tabac : Certaines personnes, grands fumeurs, ont été victimes du cancer du poumon. L’un
d’entre eux meurt, sa famille se retourne vers la Seita qui n’aurait pas suffisamment informé sur les risques du
tabac. Le défaut d’information reproché à la Seita pouvait-elle être considéré comme la cause ? Des juges du
fond l’ont admis, mais la Cour de Cassation a considéré que le lien était trop incertain entre la faute reprochée
à la Seita, et le cancer du poumon développé par un fumeur. Même si ce fumeur avait été informé du risque du
tabac, à l’époque, ce fumeur aurait peut être fumé quand même et aurait quand même développé son cancer
du poumon.
La jurisprudence retient la théorie de l’équivalence des conditions pour les responsabilités pour faute.
Responsabilité pour faute : Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou pas son imprudence.
La causalité adéquate considérée comme cause du dommage, les conditions qui rendaient le dommage
prévisible, c’est-à-dire la cause qui rend le plus probable le dommage. En d’autres termes, la cause adéquate
est l’événement qui, suivant le cours naturel des choses devait entraîner le dommage, par opposition aux
autres antécédents.
Selon cette théorie, le dommage doit être rattaché à celui de ses antécédents qui était le plus proche à
le produire. Est une cause l’antécédent qui rendait objectivement prévisible le dommage. Elle impose d’établir
un rapport de probabilité entre l’événement et le dommage censé en résulter. Le tri est plus sélectif mais si on
rassemble tous les antécédents d’un dommage, celui-ci n’est plus probable mais certain. La jurisprudence
rajoute la formule « selon le cours normal des choses et l’expérience de la vie, du dommage dont la réparation
est demandée ». A l’inverse de l’équivalence des conditions, la causalité adéquate ne retient que les facteurs
les plus importants qui ont contribué au dommage (Par exemple : je tape une personne qui m’a insultée. Si on
applique la théorie de causalité adéquate, on retiendra l’insulte étant donné qu’il correspond à la cause la plus
importante du dommage.)
Pour les responsabilités de plein droit, telle la responsabilité du fait des choses, elle a tendance à
privilégier la théorie de la causalité adéquate.
La responsabilité de plein droit : elle donne lieu au versement d’une indemnité à caractère « quasi-
automatique ». Elle correspond aux obligations dites « de résultat ».
20
SECTION 2 : PREUVE DU LIEN DE CAUSALITÉ.
A. Principe :
- La charge de la preuve :
Le lien de causalité doit être prouvé par la victime. La causalité est présumée ; le défendeur doit
rapporter une preuve contraire.
- L’objet de la preuve :
Un lien de causalité certain (certitude de causalité). Cette exigence de certitude impliquée par la théorie
de l’équivalence des conditions. Il faut être certain que sans le fait générateur, le dommage ne se serait pas
produit.
Tous les moyens sont valables pour prouver la faute : témoignages, indices, présomptions de fait.
En matière de preuve du lien de causalité, c’est le système de l’intime conviction du juge qui va
s’appliquer. Le juge doit être convaincu de la certitude du lien causal. Cependant, il faut reconnaître que
parfois, un petit doute subsiste, car il est impossible dans certaines circonstances de faire la preuve d’une
certitude de causalité (par exemple : les experts qui disent « il y a des très fortes chances que… », Ce petit doute
ne sera pas suffisant pour écarter le lien de causalité à partir du moment où le juge sera convaincu) ; (par
exemple : un avion franchit le mur du son, et exactement au même moment, une verrière se brise. On n’est pas
complètement sûr que le bang est la cause du dommage, mais on passera outre ; Une personne absorbe un
médicament, et à la suite de cette absorption, une maladie se déclare, et se trouve faire partie des effets
secondaires possible du médicament, peut-on considérer que le médicament est la cause de cette maladie,
tandis qu’il n’y a pas de certitude absolue sur un plan scientifique ?). Les juges tentent à retenir généralement
une preuve à la fois négative et positive, car il se base sur le fait qu’il n’y a pas d’autres explications possibles,
ce qui rend encore plus probable le lien de causalité entre le fait et le dommage.
Exemples :
- La responsabilité des parents du fait de leur enfant, responsabilité du fait d’autrui. Il s’agit de la
situation dans laquelle un enfant cause un dommage et engage dès lors la responsabilité délictuelle de
ses parents.
- La loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 relative à l’indemnisation des personnes contaminées par le
sida et l’hépatite C par voie transfusionnelle. La loi a posé une présomption au profit des transfusés
qui à la suite de transfusions étaient contaminées par le virus du Sida. La loi pose une présomption de
causalité. La victime n’a qu’à rapporter deux preuves : la transfusion et l’apparition de la
contamination à la suite de transfusion.
- Les victimes heurtées par des choses en mouvement. La chose s’entend de façon très large, inerte ou
en mouvement, mobilière ou immobilière, dangereuse ou pas, viciée ou non, matérielle ou non (ex :
ondes vapeur). Le corps humain n’est pas considéré comme une chose, sauf s’il constitue un tout avec
la chose (ex : choc entre deux cyclistes). Il existe des choses sans maître telles que l’eau, l’air ou encore
la neige que l’on appelle des res nullius (la chose de personne). Ces choses ne peuvent faire l’objet
d’une responsabilité en principe. La chose est en mouvement et est entrée en contact avec la victime.
Lorsque ces deux conditions sont remplies, la jurisprudence présume le rôle actif de la chose. De
même lorsqu’un dommage a été causé par un membre non-identifié d’un mouvement. La
jurisprudence a tendance à présumer le lien de causalité entre le dommage et le fait de chacun des
membres (ex : accidents de chasses).
21
- Responsabilité du fait d’une infection nosocomiale : Lorsque la preuve d’une infection nosocomiale
est apportée mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de
santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à
l’origine de cette infection.
- Responsabilité du fait des produits défectueux (produits pharmaceutiques ; médicaments à usage
humain) : Dès lors qu’il était constaté que l’hormone de synthèse, dénommée diéthylbestrol ( DES),
avait bien été la cause directe de la pathologie tumorale dont faisait état la demanderesse, ce dont il
découlait qu’elle avait été effectivement exposée in utero à ladite molécule, il appartient à chacun des
deux laboratoires dont la responsabilité était recherchée sur le fondement de l’article 1382 du Code
Civil français de prouver que son produit n’était pas à l’origine du dommage.
On peut présumer l’existence d’un lien de causalité à partir de certaines preuves. La jurisprudence ou la
loi viennent alléger la tache probatoire de la victime. On suppose que dans des circonstances où un lien de
causalité est difficile à établir et où les circonstances font que le lien de causalité est rendu probable.
La loi a posé une présomption au profit des transfusés qui à la suite de transfusions étaient contaminés
par le virus du sida. La loi pose une présomption de causalité. La victime n’a qu’à rapporter deux preuves : la
transfusion et l’apparition de la contamination à la suite de transfusions ( L3122-2 Code de la Santé Publique).
La faute qui consiste à confier une chose dangereuse à une personne qui n’est absolument pas capable
de s’en servir. A supposer qu’en jouant avec ses camarades, il en fasse mauvais usage et tue l’un d’eux. De
même, les fautes qui sont commises par défaut de surveillance de personnes dangereuses. De même pour le
défaut de surveillance d’une personne dangereuse. Les chasseurs : on les connaît, ils sont tous identifiés, mais
on ne sait pas lequel a laissé une victime en tirant involontairement. On présumera que tous sont la cause et
les auteurs du dommage. Cette présomption de causalité se rencontre dans d’autres situations comparables :
lorsque des enfants jouent dans une grange avec du foin et des allumettes. On ne sait pas qui a provoqué
l’incendie. La preuve contraire, là encore, est possible.
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CHAPITRE II : LES CAUSES D’EXONÉRATION.
« On est responsable, non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de
celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
L’article 1382 al. 1er du Code Civil français, établit ainsi le principe général de la responsabilité civile.
Ainsi, pour engager la responsabilité civile d’autrui, il va falloir un fait générateur de la responsabilité, un
préjudice, et un lien de causalité entre les deux. Une fois que le lien de causalité est établi, sa résistance va
être mise à l’épreuve. On va prendre en compte des événements et essayer de montrer qu’il n’y a pas de lien
de causalité, que le dommage est imputable à autre chose.
Si une personne est poursuivie en tant que civilement responsable d’un dommage, elle peut riposter en
affirmant que ce dommage n’est pas dû à son fait, mais à un fait qui lui est étranger {fait de la victime ; fait d’un
tiers ; événement étranger à toute action humaine ; cas fortuit).
Selon les cas, cette cause étrangère entraînera soit l’irresponsabilité totale {exonération totale} de la
personne poursuivie, soit une simple diminution de sa dette de réparation {exonération partielle}.
Pour justifier l’exonération totale, les tribunaux parlent de « cause étrangère exclusive ». Cela suppose
que la personne poursuivie démontre que la survenance du dommage est imputable seulement à la cause
étrangère.
La notion de « cause étrangère exclusive » a été consacrée par certains textes (cf. loi du 5 juillet 1985),
mais le vocabulaire employé par les tribunaux est généralement différent : ils parlent de « cause étrangère
imprévisible et irrésistible », ou de « cause étrangère présentant les caractères de la force majeure ».
Un cas dit de « force majeure » est un événement exceptionnel auquel on ne peut faire face. Les
conditions de la force majeure évoluent au gré de la jurisprudence et de la doctrine. Traditionnellement,
l’événement doit être «extérieur, imprévisible et irrésistible » pour constituer un cas de force majeure.
Par hypothèse, cette cause étrangère est un fait relié au dommage par rapport de causalité qui a
rendu nécessaire la production du dommage.
Pour être considéré comme présentant les caractères de la force majeure, le fait doit être :
23
1) L’extériorité de la cause étrangère :
le défendeur ne peut pas invoquer un fait dont une règle juridique quelconque lui impose précisément
de garantir les conséquences dommageables pour les tiers. Mais pourtant, la notion d’extériorité a suscité
beaucoup d’hésitations.
La notion d’extériorité est ici utilisée pour refuser la qualification de cause étrangère au fait d’une
personne dont la loi ou la jurisprudence impose au défendeur de répondre vis-à-vis des tiers. Ainsi, à chaque
fois qu’une personne doit répondre du fait d’autrui, elle ne peut pas invoquer ce fait comme étant une cause
d’exonération (père et mère pour le fait de l’enfant, commettant pour le fait du préposé…).
Cette solution a cependant posé de graves difficultés concernant la grève : au cours d’une grève, il peut
y avoir des désordres à l’origine d’un dommage ; souvent, l’employeur tente de se dégager de sa responsabilité
en invoquant la grève comme cause étrangère.
Un certain nombre d’arrêts ont accueilli cette argumentation en constatant que l’événement avait
rendu impossible l’exécution de l’obligation de l’employeur. Mais il faut distinguer entre les grèves :
- les grèves qui touchent seulement le personnel de l’entreprise ne sont pas exonératoires (mais réserve
d’un certain courant de JP qui admet l’effet exonératoire des grèves illicites).
- les grèves qui affectent toute une branche d’activité (cf. grève des convoyeurs), et a fortiori les
mouvements d’ampleur nationale (mai 68, manifs anti CPE…) sont considérés comme extérieures et
donc exonératoires.
Si l’événement invoqué a été provoqué par le défendeur, il ne pourra pas être considéré comme une
cause étrangère. Mais dès qu’un phénomène, indépendant de la volonté du défendeur, est à l’origine du
dommage, on peut penser que la condition d’extériorité est remplie.
En ce qui concerne le dommage causé par l’intermédiaire d’une chose, on a vu que son gardien engage
de plein droit sa responsabilité si elle a eu un rôle actif dans la survenance du dommage ; le fait de la chose
n’est donc pas exonératoire. Par ailleurs, la Cour de cassation a affirmé de manière constante que le vice
interne de la chose ne constitue jamais une cause étrangère susceptible d’exonérer le gardien vis-à-vis de la
victime : le vice entre dans la sphère de responsabilité de celui-ci (sous réserve du recours contre le gardien de
la structure de la chose).
En ce qui concerne la survenance d’un événement, à l’origine du dommage, qui ne dépend pas de la
volonté du débiteur, certaines difficultés ont pu se poser :
- Pour l’incarcération, on considère que cet état de fait est imputable au défendeur et ne constitue
donc pas une cause étrangère (Cass. 2e civ. 25 mars 1998).
- Pour le chômage, et plus généralement l’insolvabilité, la JP distingue selon que cet état a été provoqué
par le défendeur, auquel cas ce n’est pas une cause étrangère, ou que cette situation est totalement
indépendante de sa volonté et de son comportement ; dans ce dernier cas il peut être reconnu
comme une cause étrangère exonératoire.
- Pour la maladie, la JP traditionnelle admettait qu’elle puisse constituer une cause étrangère
exonératoire. Cependant l’arrêt Trichard (Cass. 2e civ. 18 décembre 1964) a jugé que le trouble mental ne
pouvait être une cause d’exonération pour le gardien d’une chose poursuivi comme responsable du
fait de cette chose, et l’art. 489-2 CC. dispose aujourd’hui que : « l’auteur d’un dommage causé sous
l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Mais les tribunaux ont jugé
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qu’un raisonnement par analogie n’aurait pas été équitable et admettent que la maladie n’entraînant
pas de trouble mental puisse constituer une cause étrangère exonératoire.
A priori, la question de l’extériorité ne concerne guère le fait de la victime : il est très rare que l’on
conteste cette extériorité. Cependant, il peut arriver que le fait de la victime ait été provoqué par le
défendeur ; il ne sera alors pas considéré comme une cause étrangère susceptible de l’exonérer.
cf. quand la victime s’était mise à la disposition du défendeur et suivait ses ordres ou ses directives, il ne pourra
pas invoquer la conduite de la victime pour s’exonérer à moins qu’il prouve sa désobéissance.
On considère que si un événement est prédit, on pourra prendre les mesures appropriées pour éviter ou
limiter le préjudice. Ne pas l’avoir fait est considéré comme une faute. L’évaluation repose sur l’appréciation du
comportement avant l’événement, par référence à une personne prudente et diligente, et en tenant compte
des circonstances de lieu, de temps, de saison. En matière délictuelle, l’imprévisibilité s’apprécie au jour du
fait dommageable ; en matière contractuelle, à la conclusion du contrat, le débiteur ne s’engageant qu’en
fonction de ce qui était prévisible à cette date.
Un événement est jugé imprévisible lorsqu’il n’y avait aucune raison particulière de penser qu’il se
produirait. Seul sera retenu un événement normalement, raisonnablement imprévisible. De manière générale,
pour vérifier cette condition, les tribunaux s’appuient sur la probabilité de réalisation de l’événement mais
aussi sur la soudaineté de l’événement, sa fréquence ou son intensité. Cette appréciation est faite par
référence tant à des circonstances externes (temps, lieu) qu’à des circonstances propres à l’agent (ses
connaissances).
- CE, 4 avril 1962, « Chais d’Armagnac », où le Conseil d’État précise qu’une crue s’étant produite 69 ans
avant celle qui a causé le dommage, cette dernière était prévisible.
- TA Grenoble, 19 juin 1974, « Dame BOSVY », pour une avalanche avec un antécédent qui remonte à
un demi-siècle.
Les dernières directives de la Cour de cassation française donnent à penser que l’imprévisibilité reçoit une acception
relative. En effet, alors qu’une personne s’était jetée sous la rame d’un métro, la Cour de cassation statuant en Assemblée
plénière a approuvé les juges du fond d’avoir dit la faute de la victime imprévisible au motif qu’aucun des préposés de la
Régie autonome des transports parisiens (R.A.T.P) ne pouvait deviner sa volonté de se précipiter contre la rame. En effet,
tandis qu’un suicide pourrait en soi être jugé comme un événement prévisible pour la R.A.T.P., le suicide d’une personne
dénommée, identifiée ne l’est évidemment pas, ce qui permet de juger que la condition d’imprévisibilité est réunie.
Comment en effet envisager que telle personne allait se suicider ? Une telle appréciation permet d’assouplir
grandement la condition d’imprévisibilité. Elle ne se dégageait pas aussi nettement des arrêts antérieurs, lesquels se
référaient tantôt à la prévisibilité générale d’une catégorie d’événement, tantôt, mais plus épisodiquement, à la prévisibilité
spéciale de l’événement effectivement survenu.
L’irrésistibilité indique que l’événement est insurmontable, celui-ci n’est ni un simple empêchement ni
une difficulté accrue (à honorer un contrat par exemple). L’appréciation des faits est très stricte pour coller à
cette définition : il s’agit de catastrophes naturelles (séisme, tempête…) ou d’événement politiques majeurs
(révolution, guerre). Quant à l’individu, il faut qu’il lui ait été impossible, pendant l’événement, d’agir
autrement qu’il ne l’a fait. C’est une appréciation « in abstracto » de son comportement par référence à un
individu moyen placé dans la même situation. L’irrésistibilité est parfois rapprochée des notions d’événement
« inévitable » ou « insurmontable ».
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L’événement doit être irrésistible dans sa survenance et dans ses conséquences. L’irrésistibilité
comporte en conséquence un double aspect : inévitabilité et insurmontabilité. Une telle acception est très
utile s’agissant des événements naturels. Ceux-ci étant inévitables par nature, le juge se demande dès lors si
leurs conséquences pouvaient être évitées par le défendeur.
L’événement présentant les caractères de la force majeure – l’événement naturel ; le fait humain
anonyme ; le fait du tiers ou le fait de la victime – a pour effet de libérer totalement le défendeur de la
responsabilité qu’il encourt.
L’effet exonératoire de la force majeure a lieu de jouer dans tout le droit commun de la responsabilité
civile, avec cette réserve déjà mentionnée que celle-ci n’est pas souvent admise.
Une précision mentionnée s’impose. La force majeure a un effet proprement parlé exonératoire
uniquement dans les responsabilités de plein droit. Dans ces régimes, elle a un effet extinctif de
responsabilité : elle vient « décharger d’une responsabilité que l’on aurait normalement assumée ». Si l’on
prend l’exemple de la responsabilité générale du fait des choses, la force majeure vient libérer le gardien alors
que les conditions de sa responsabilité sont réunies – un fait de la chose à l’origine du dommage –.
En revanche, lorsque la responsabilité du défendeur est fondée sur la faute, la force majeure a un effet
simplement libératoire. La responsabilité du défendeur n’a même pas été engagée un instant de raison, car la
force majeure implique l’absence de faute. La force majeure empêche en amont qu’une apparence de
responsabilité pèse sur le défendeur.
En revanche, dans un certain nombre de régimes spéciaux de réparation, la force majeure est privée
d’effet libératoire. En guise d’exemples, la responsabilité du défendeur est ainsi maintenue même en présence
d’un événement de force majeure en droit français dans le régime d’indemnisation des dommages résultant
d’une infraction, dans celui des accidents de la circulation, dans les régimes de responsabilité du fait des
téléphériques et du fait des aéronefs. Dans ces différents régimes, le législateur a préféré subordonner
l’exonération totale du défendeur à l’existence d’une faute de la victime, et même parfois à une faute qualifiée.
La raison est simple : ces régimes de réparation ayant pour finalité de faciliter l’indemnisation des victimes, il
est logique qu’ils écartent la possibilité pour le défendeur de s’exonérer par la force majeure. La vertu
exonératoire de la faute de la victime ne s’explique aucunement par la causalité mais par l’idée de peine
privée. Lorsque par sa faute, la victime a concouru à la réalisation du dommage, elle ne mérite plus de profiter
de la protection que lui confèrent ces régimes, elle doit être déchue de son droit à réparation.
La force majeure apporte la preuve incontestable de l’absence de rôle causal du défendeur dans la
réalisation du dommage. La force majeure a un effet exonératoire total, car elle apparaît comme l’unique
cause du dommage.
Pour cette raison, l’effet exonératoire total de la force majeure ne joue que dans les régimes où le rôle
causal du défendeur est recherché, pour ainsi dire dans le droit commun de la responsabilité civile, et encore
pas dans son intégralité. En revanche, dans tous les cas où le rôle causal du défendeur est indifférent, la force
majeure n’a plus d’effet exonératoire. Tel est le cas en droit français dans le régime d’indemnisation des
accidents de la circulation pour ne citer qu’un exemple.
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La force majeure s’apparentant à la cause exclusive du dommage, pourquoi alors ne pas avoir fait de la
cause exclusive la condition sine que non de l’exonération totale ?
Deux raisons peuvent être avancées pour expliquer le choix en faveur de la force majeure. D’une part, la
recherche de la cause exclusive du dommage laisse au juge une trop grande marge d’appréciation, lequel peut,
sous couvert de causalité, s’intéresser à la gravité des comportements, en particulier à la gravité de celui de la
victime. L’exonération totale du défendeur est susceptible de devenir avec la cause exclusive une manière de
sanctionner sévèrement la victime pour son inconduite, ce qui n’est pas possible avec la force majeure, puisque
le viseur est pointé uniquement sur le défendeur. D’autre part, la disparition de la responsabilité commande
logiquement d’apprécier la conduite du défendeur dans la réalisation du dommage, non pas sa faute mais son
rôle causal, et de s’assurer que ce rôle causal est réduit à néant, conclusion à laquelle aboutit la force majeure.
D’autres causes étrangères peuvent laisser subsister un substrat de responsabilité, car elles ont
simplement contribué avec le fait du défendeur à la production du dommage, et partant n’avoir qu’un effet
partiellement libératoire. Tel est l’effet de la faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force
majeure, désignée également sous le nom de simple faute de la victime.
Si certains régimes spéciaux de responsabilité excluent même l’effet exonératoire de la force majeure
(cf. loi du 5 juillet 1985 : elle a complètement écarté l’effet exonératoire du cas fortuit et du fait du tiers et a réduit
celui de la faute de la victime), ces textes sont interprétés de façon étroite et le droit commun reste
l’exonération totale.
27
SECTION 2 : LA CAUSE ETRANGERE PARTIELLEMENT EXONERATOIRE OU
LIBERATOIRE.
A Priori, à partir du moment où le dommage a plusieurs causes juridiques imputables à des personnes
différentes, ce concours devrait conduire à un partage de responsabilité. Mais il est fréquent que le partage
soit écarté en application du principe de l’obligation in solidum de chacun des co-auteurs d’un même dommage
à l’égard de la victime.
On dit que de deux ou plusieurs personnes qu’elles sont tenues « in solidum » lorsqu’elles ont contracté une obligation au tout, et ce, sans
que se produisent les autres effets de la solidarité. L’exemple type est celui des relations d’un assuré avec son assureur. Dans le cas d’un
accident de la circulation la victime peut s’adresser à l’assuré, à l’assureur ou aux deux à la fois pour exiger le dédommagement auquel peut
prétendre.
Le principe de l’obligation in solidum n’est pas appliqué seulement en cas de responsabilité pour faute ;
son dommage est beaucoup plus large et englobe l’ensemble des régimes de responsabilité. Chaque fois qu’un
dommage est du à plusieurs causes, il permet que l’auteur de l’une de ces causes soit déclaré responsable vis-
à-vis de la victime pour le tout, quitte ensuite à exercer un recours contre le co-auteur.
L’obligation in solidum est un obstacle, au moins provisoire, à l’effet exonératoire partiel de la cause
étrangère, au partage des responsabilités vis-à-vis de la victime, dans un objectif de protection des intérêts de
cette dernière.
A propos de ce concours, la jurisprudence a évolué. Dans les années 50, la Cour de cassation avait admis
que le cas fortuit pouvait avoir un effet d’exonération partielle et entraîner une diminution de la réparation
mise à la charge du défendeur.
Mais elle a par la suite marqué sa volonté de maintenir intégralement la responsabilité de l’auteur du
dommage à partir du moment où il n’avait pas établi que le cas fortuit avait présenté pour lui les caractères de
la force majeure.
Aujourd’hui, le cas fortuit n’a aucun effet exonératoire ; il ne diminue en rien les droits de la victime
s’il n’a pas présenté, pour l’auteur du dommage, les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force
majeure.
Le principe de l’obligation in solidum va jouer pleinement : la victime pourra s’adresser à l’un quelconque
des co-auteurs pour lui demander la réparation intégrale de son dommage.
Cette règle joue même si le défendeur est poursuivi sur le fondement d’une responsabilité sans faute et
qu’il invoque la faute d’un tiers (Cass. 2e civ. 26 avril 1990). Elle joue également si l’un des responsables est tenu sur le
fondement d’un texte spécial et l’autre en application du droit commun.
Le responsable du dommage ne peut plus s’exonérer par la preuve du fait d’un tiers à moins de démontrer
que ce fait a présenté pour lui les caractères de la force majeure.
28
- Dans les rapports entre co-auteurs :
Le principe est que, entre co-auteurs, celui qui a indemnisé la victime pour le tout peut se retourner
contre les autres {l’obligation in solidum s’explique par l’idée de garantie offerte à la victime qui ne profite pas
aux co-auteurs non poursuivis}. Mais les tribunaux ont apporté une exception en cas de concours entre deux
co-auteurs dont l’un est coupable d’une faute alors que l’autre est poursuivi pour un fait non fautif. Dans ce
cas, la Cour de cassation a décidé que si l’auteur de la faute a été poursuivi pour le tout, il n’aura pas de recours
contre l’auteur du fait non fautif = priorité de la responsabilité pour faute dans les relations entre
coresponsables.
- Si les co-auteurs sont tous jugés coupables d’une faute, le recours est en principe proportionné à la
gravité respective des fautes.
- Si l’un des co-auteurs est coupable d’une faute alors que l’autre non, celui qui est responsable sans
faute aura un recours intégral contre l’autre.
- Si tous sont responsables pour un fait non fautif, on partage leur responsabilité de façon égale.
Il est de jurisprudence constante en matière civile que la faute de la victime qui ne présente pas les
caractères de la force majeure exonère partiellement le responsable. Si le défendeur prouve que la faute de la
victime a contribué à la réalisation de son propre dommage, il pourra s’en prévaloir pour obtenir une réduction
de sa dette de réparation.
En revanche la chambre criminelle a longtemps écarté ce principe, jusqu’à un arrêt de Chambre mixte
du 28 février 1987 qui l’a amenée à aligner sa jurisprudence sur celle des chambres civiles. Cependant, elle a
maintenu une exception : elle admet qu’en cas d’infraction intentionnelle contre les biens, toute diminution
d’indemnisation fondée sur la faute de la victime est écartée, à moins que la victime n’ait elle-même participé à
l’infraction.
Si le principe de l’exonération partielle est appliqué sans difficultés pour les cas de responsabilité
fondés sur la faute, dans le domaine des accidents de la circulation { responsabilité du fait des choses art. 1384 al. 1
au départ}, cette règle a pris peu à peu une très grande importance en pratique. Elle a conduit les tribunaux à
prononcer de très nombreux partages de responsabilité, les assureurs ayant pris l’habitude d’invoquer quasi-
systématiquement une faute de la victime pour éviter l’indemnisation intégrale.
Cass. 2e civ. 21 juillet 1982 Desmares : la Cour de cassation a décidé qu’en matière de responsabilité du
fait des choses, la faute de la victime ne pourrait plus être invoquée pour justifier un simple partage de
responsabilité, mais seulement pour exonérer le gardien de toute responsabilité si elle présente les caractères
de la force majeure.
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Cet arrêt a été très critiqué et un certain nombre de CA ont refusé de l’appliquer. En réalité, l’objectif de
la Cour de cassation était d’inciter le législateur à intervenir pour réformer le droit des accidents de la
circulation. Ce but a été atteint puisque la loi du 5 juillet 1985 a été promulguée trois ans plus tard.
Cass. 2e civ. 6 avril 1987 Mettetal et Chauvet : permet de nouveau au gardien de s’exonérer
partiellement en invoquant la faute de la victime, même si elle ne revêt pas les caractères de la force majeure.
Pour déterminer l’étendue de l’exonération due à la faute de la victime, la Cour de cassation s’en remet
à l’appréciation souveraine des juges du fond, que le défendeur soit responsable sur le fondement de la faute
(art. 1382 CC) ou non (art. 1384 al. 1 et suivants). Elle déclare que les juges du fond sont souverains pour
apprécier la part de responsabilité qui doit être attribuée au défendeur.
Il n’a aucune influence sur son droit à réparation, à partir du moment où il ne présente pas les
caractères de la force majeure. Depuis l’abandon de la JP Desmares {qui a écarté l’exonération partielle pour
faute de la victime et donc a fortiori pour le fait non fautif}, la Cour de cassation considère que seule une faute
de la victime peut entraîner une exonération partielle.
Dans l’hypothèse d’un décès de la victime initiale du dommage, ses proches vont-ils subir une réduction
de leur créance de réparation parce que la victime initiale a commis une faute qui a contribué à sa survenance ?
Si dès 1938, la Chambre criminelle avait admis que la faute de la victime initiale était opposable aux
victimes par ricochet (Cass. Ch. Crim. 14 décembre 1938), d’autres formations de la Cour de cassation s’étaient
prononcées en sens contraire. Les Chambres réunies se sont rangées du côté de la Chambre criminelle (Cass.
Ch. réunies 25 novembre 1964) et finalement :
Cass. Ass. Plén. 19 juin 1981 : confirmation de ce que la faute de la victime s’impose aux victimes par
ricochet, qui subissent le partage de responsabilité qui aurait été prononcé vis-à-vis de la victime immédiate si
elle avait elle-même exercé l’action en responsabilité (solution reprise dans la loi du 5 juillet 1985).
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TITRE III : LE FAIT GENERATEUR DE LA RESPONSABILITE CIVILE.
Le fait générateur de responsabilité est, avec le dommage et le lien de causalité, un des trois éléments
nécessaires pour mettre en œuvre la responsabilité délictuelle ou contractuelle d’un individu.
Le fait générateur est la cause du dommage. C’est-à-dire, l’événement qui est à l’origine du préjudice,
ou encore le fait matériel qui va causer le dommage.
On distingue trois types de faits générateurs, qui peuvent engager la responsabilité civile délictuelle
d’une personne :
Le régime de responsabilité du fait personnel est Article, 1382 du Code Civil français.-
un régime de responsabilité délictuelle dans lequel le fait
générateur de responsabilité est le fait personnel de « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un
l’auteur du dommage. Il est posé par les articles 1382, dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le
1883 du Code civil français. réparer ».
Ainsi, les auteurs plus contemporains ont établi que la faute est une erreur, une défaillance du
comportement. Il convient aussi de prendre en compte le fait que la responsabilité délictuelle ne présuppose
la conclusion d'aucun contrat. Ainsi, n'importe quelle faute peut engager la responsabilité de celui qui la
commet. C'est la conduite de l'auteur de la faute qui sera prise en compte. Mais cette conduite devra-t-elle
être perçue par rapport à sa propre conduite habituelle, ou par rapport à la conduite habituelle générale ? On
considère que la conduite doit être comparée à celle du « bon père de famille » (comparaison in abstracto).
31
SECTION 1 : DEFINITION DE LA FAUTE CIVILE DELICTUELLE.
La responsabilité civile délictuelle est engagée par un fait juridique, volontaire (responsabilité civile
délictuelle) ou non (responsabilité civile quasi-délictuelle)
En effet, on peut distinguer les fautes par omission des fautes par commission. Les articles 1382, 1383
du Code civil établissent qu’une abstention ou qu’un acte pourra aussi bien entraîner une faute.
L’omission consiste en une abstention, malgré le fait qu’il s’agisse d’un acte négatif, celui-ci peut
engager la responsabilité de son auteur. Cette responsabilité n’est néanmoins engagée que lorsqu’une
obligation légale d’agir n’a pas été respectée. Il doit donc s’agir d’une abstention dans l’action.
Au contraire, l’acte par commission, acte positif, engage nécessairement la responsabilité de son
auteur.
L’article 1382 du Code Civil français (art. 77 du DOC) affirme seulement l’obligation de réparer. L’article
1383 (art. 78 du DOC) apporte une précision, puisqu’il ressort de cet article que l’imprudence et la négligence
sont des fautes involontaires (quasi-délits).
La doctrine classique distingue dans la faute l’élément matériel {l’illicéité de l’acte ; la violation d’un
devoir (1)} et l’élément intentionnel {imputabilité morale (2)}.
Le principe qui régit la responsabilité extracontractuelle est la faute. Est responsable d'un dommage
celui par la faute duquel il est arrivé.
Pour mettre en œuvre la responsabilité extra contractuelle il faut un dommage (le préjudice peut être
matériel, physique ou moral). Le dommage doit être quantifiable (les juges refuseront d'indemniser un préjudice
dont le montant n'est pas chiffré), un fait générateur de responsabilité (ou faute, c’est-à-dire un non-respect de
la loi ou bien un comportement que n'aurait pas eu une personne normalement prudente et diligente placée
dans les mêmes circonstances) et un lien de causalité (la faute doit être la cause, même non exclusive, du
dommage).
La distinction entre délit et quasi-délit est d'origine romaine et n'a pas d'importance pratique, car le
régime juridique de ces deux notions est identique. La différence vient du fait générateur de la responsabilité.
Dans le délit, il existe un fait, une action positive appelée faute. Dans le quasi-délit, il n'existe qu'une
abstention (négligence – imprudence). Cette distinction résulte des textes des articles 1382 (délit) et 1383
(quasi-délit).
La faut quasi-délictuelle est une faute qui n’est pas définie par le code civil, on trouve simplement une
référence à la négligence et à l’imprudence dans l’art 1383, mais le contenu de ces termes reste imprécis. La
Cour de Cassation en fait une question de droit et donc exerce son contrôle sur cette notion. C’est une notion
importante.
Etymologiquement, cela signifie une défaillance humaine. Concernant les définitions de la faute, il y en a
un nombre incroyable selon l’auteur.
32
Selon Plagnol, la faute, c’est la violation d’une obligation préexistante. On a critiqué cette définition
parce qu’on a considéré qu’elle était trop restrictive parce qu’elle se réfère à la notion d’obligation.
Un comportement est qualifié de faute au sens des articles 77, 78 du DOC, lorsque la victime a établi
que le responsable a une attitude contraire aux normes de conduites.
La faute du responsable peut résulter soit d’une commission (acte positif), soit d’une omission (acte
négatif).
L’une des caractéristiques de la faute est la présence d’un élément contraire à la loi ou aux usages. Ce
caractère, non systématique, peut résulter de la transgression :
d'une règle légale (posée par la loi) : violation du code pénal, d'une obligation légale (Ex : obligation de
renseignement, de concurrence loyale), etc. ;
d'une règle issue des usages et coutumes : violation des usages d'une profession, non respect des règles
d'un jeu sportif, comportement immoral, etc.
- Les devoirs déterminés (a) (qui imposent aux individus une attitude particulière).
- Et le devoir général de conduite (b) (qui s’impose à tous les individus).
La faute peut résulter de la violation d’un devoir qui est D’autres comportements peuvent constituer des fautes, il faut admettre
généralement défini par une norme (loi, réglementation), qu’en dehors de ces devoirs définis, il y a un devoir plus général qui
dont l’objet est d’imposer un certain comportement, une s’impose à tous, en fonction des circonstances. On dit qu’il existe une
certaine attitude, et la faute consistera à ne pas avoir eu norme générale de comportement qui impose une norme générale de
cette attitude. La faute quasi délictuelle va résulter de conduite.
l’inobservation de cette attitude, on parle de faute
contraventionnelle. La victime va voir sa charge de la Art. 1381 : Chacun est responsable de son imprudence ou de sa négligence.
preuve facilitée. Il suffira de prouver que l’auteur du
Il y a un devoir général de se conduire en toutes circonstances de façon
dommage n’a pas eu la bonne attitude. La faute n’est alors
prudente. Lorsque la faute résulte de ce devoir, la tache des parties et du
que présumée et il est tjrs possible pour l’auteur de faire
juge est beaucoup plus délicate. La victime devra prouver cette violation
valoir une circonstance etc. Il pourra renverser la
de prudence, et le juge devra se livrer à une appréciation circonstanciée
présomption.
de la faute. Dans chaque espèce, il devra examiner l’attitude qu’a eue
Dans d’autres cas, la transgression du devoir n’est l’agent et la comparer avec celle qu’il aurait du avoir et comment
qu’indirect, c’est le cas chaque fois qu’une norme confère l’attitude que l’on aurait du avoir ? Le juge va construire un modèle
un droit subjectif à une personne. Quand ce droit subjectif d’attitude, une référence, « attitude du bon père de famille ». Cette
sera transgressé, il y aura indirectement violation de la comparaison implique que l’on prenne en compte certaines circonstances
norme, et par conséquent faute pour manquement à la car il faut replacer le modèle dans les circonstances de l’auteur, il doit être
norme. A travers la violation d’un droit subjectif il y a concrétisé.
violation d’une norme et d’un devoir déterminé par cette
Il faut prendre en compte toutes les circonstances environnementales :
norme. (Ex : violation d’un droit de la personnalité, droit au
toutes les circonstances externes à la personne.
respect de la vie privée, droit à l’image de la personne. La
négation de la propriété d’autrui est une faute).
Il y a certaines circonstances propres à l’agent, circonstances internes,
qu’il faudra également prendre en compte. Circonstances d’ordre
Dans tous les cas, le juge n’aura qu’à constater la violation
physique ou matériel. Ainsi, par exemple, il faudra prendre en compte les
du droit, à moins que l’auteur puisse se prévaloir d’un fait
attitudes ou inaptitudes physiques de l’agent, son âge, son sexe, son état
justificatif expliquant son attitude.
général de santé. Les circonstances psychologiques, intellectuelles,
morales, on n’en tiendra aucun compte. La faute est appréciée in
abstracto, en faisant abstraction de ces circonstances.
33
2) L’ILLICEITE :
Il faut que l’acte soit illicite. A priori, l’acte doit être prohibé par le droit. Cependant, il n’est pas
nécessaire qu’un texte prévoit l’illicéité d’un comportement.
- La méthode in abstracto : c’est une méthode qui consiste à ne pas tenir en compte des facteurs
personnels. Elle se réfère à un type d’individus moyens « bon père de famille ». Les juges ne tiennent
pas compte des caractéristiques propres de l’auteur du dommage (son ignorance, sa maladresse
habituelle, son intelligence, son émotivité…). Ainsi, le comportement de l’auteur est comparé à celui
d’un individu moyen normalement avisé.
- La méthode in concreto : c’est une méthode subjective qui consiste à nuancer les obligations en
fonction de la personnalité de chaque individu (sexe, santé physique et morale, etc.). Le système de
cette appréciation tend à comparer le comportement dommageable de l’auteur à son
comportement habituel. On juge l’auteur du dommage par rapport à la prudence et la diligence
dont il fait preuve habituellement.
Les juges tirent de la formule générale de l’article 1382 du Code Civil français (Article 77 du DOC), le
pouvoir de décider eux-mêmes de l’illicéité d’un acte. En général, les juges utilisent un standard, ils vont
comparer le comportement de la personne considérée au comportement d’un « bon père de famille » (bonus
pater familias).
Question d’un devoir apprécié par la jurisprudence (devoir de prudence et de diligence, qui n’est pas
imputable à tout le monde). Les devoirs qui ne sont pas mentionnés dans les lois (appréciation objective) (Ex :
contrat d’un professionnel avec un profane. C’est le professionnel qu’on va engager la responsabilité par le fait
du devoir de prudence et de diligence).
Traditionnellement, en 1804, il fallait également un élément subjectif. Aujourd’hui, depuis 1984, la faute
n’a plus d’élément subjectif en droit français.
Ce terme était marqué par plusieurs degrés dans la subjectivité. Il n’a jamais été nécessaire en droit
français que l’acte ait été intentionnel ; on se contentait qu’il fut volontaire. La différence entre les deux termes
est que l’acte volontaire recouvre les cas où la personne qui le commet à conscience de cet acte, elle sait
qu’elle le commet. On dit que pour commettre un acte volontaire, il faut que la personne ait la capacité de
discernement (distinction du bien et du mal). Cela se distingue de l’acte intentionnel dans lequel l’auteur a
non seulement voulu l’acte mais en a également souhaité ses conséquences.
Avoir la capacité de discernement c’est la capacité de percevoir ses actes, même s’il s’agit de
négligences ou d’imprudences. Deux catégories de personnes n’ont pas cette capacité, les enfants en bas âge
et les aliénés. Ils ne peuvent pas commettre d’actes volontaires et a fortiori intentionnels.
En droit français, la faute n’a pas besoin d’être intentionnelle, puisque l’article 1383 prévoit le dommage
causé par une négligence, une imprudence. En revanche, pendant longtemps, il était nécessaire qu’il y ait un
élément moral, un élément volontaire. Pour commettre une faute il fallait avoir la capacité de discernement.
Tous les êtres privés de discernement ne pouvaient pas commettre de faute et en être tenus responsables. Les
personnes sous tutelle ne sont pas nécessairement aliénées. Une loi du 3 janvier 1968 a introduit dans le Code
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civil un article 489-2 qui prévoyait que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire
d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».
En matière de responsabilité civile délictuelle, le droit français se réfère au type de fait générateur.
Il existe alors deux éléments constitutifs de la faute, un élément objectif et un élément subjectif. L’élément
subjectif est l’élément moral de la faute, c'est-à-dire qu’on se réfère alors à la capacité de discernement de
l’auteur de la faute, au caractère volontaire ou non de la faute.
Il n’est alors pas nécessaire d’avoir recours à un élément intentionnel, l’article 1383 du Code civil
prévoyant la responsabilité de l’auteur d’un dommage, même causé par son « imprudence » ou sa « négligence
». Le caractère intentionnel de l’acte (le fait d’avoir voulu non seulement l’acte, mais également ses
conséquences) est donc indifférent et n’a aucune conséquence sur la responsabilité civile de son auteur. En
outre, l’étendue de cette responsabilité sera déterminée par l’importance du préjudice causé (principe de la
réparation intégrale du préjudice) et non pas sur la gravité de la faute.
Traditionnellement, l’acte devait être volontaire. La faute devait comprendre, outre un élément
d’illicéité, un élément volontaire entendu comme la conscience de son acte par l’auteur. L’enfant ou le majeur
aliéné n’était alors pas conçus comme des êtres capables de discernement et l’on ne pouvait leur imputer une
faute justifiant la réparation du dommage.
A) L’IMPUTABILITE :
On fait reproche au coupable. Pour que ce reproche ait un sens, il faut que l’auteur ait eu conscience
de son acte. Il devait, au moment de l’acte, savoir discerner le bien du mal. La doctrine classique retenait
cette exigence morale, et la jurisprudence en tirait les conséquences logiques. Une personne aliénée
mentale, un infant, dépourvu de raison, n’engageait pas sa responsabilité civile, ce qui était un inconvénient
pour la victime. Les juges retenaient à ce moment là, et assez facilement la responsabilité d’autres personnes.
La conception de la faute a évoluée, elle est devenue totalement objective. Il n’y a plus de vision morale de la
faute civile.
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SECTION 2 : LES VARIANTES DE LA FAUTE.
Une action par omission postule, par essence, la transgression d’une obligation d’agir. La question se
pose de savoir si une personne peut voir sa responsabilité civile engagée, alors qu’elle était passive. Du point de
vue jurisprudentiel, cette faute (par omission) a suscité des débats et des réticences.
Il existe des dispositions qui imposent aux particuliers, exerçants telle ou telle activité, certaines
précautions pour éviter qu’un dommage ne se produise. Le fait de ne pas prendre la disposition du texte est
une faute (Ex : non-assistance à personne en péril, ou absence de témoignage en faveur d’une personne
innocente).
La question se pose de savoir, en cas d’inexistence d’un texte qui prévoit l’abstention fautive, est-ce que
le juge, peut-il, de sa propre volonté, reconnaître le caractère fautif à certaines absentions ou omissions ?
En doctrine, la réponse à cette question est réticente à admettre une telle faute, puisqu’elle a considéré
que les particuliers doivent pouvoir se réfugier dans la neutralité sous peine de mettre en péril les libertés
individuelles. Chaque individu devait être libre de ne pas agir.
La doctrine a évolué, et aujourd'hui les auteurs considèrent que la liberté de chacun de « ne pas agir »
va se trouver limitée par le droit à la sécurité des individus. Ce droit va imposer à tous les individus d'être
prudents en toute circonstance. La jurisprudence, quant-à elle, a posé un principe dans un arrêt célèbre. Arrêt
BRANLY du 27 Février 1951, où la cour de cassation reconnaît que la faute d'abstention peut résulter de la
violation d'une obligation professionnelle.
La cour de cassation, se fondant sur les articles 1382, 1383, considère que l'abstention (même non
dictée par une intention de nuire) engage la responsabilité de son auteur, lorsque le fait qui a été omis devait
être accompli, soit en vertu d'une obligation légale ou règlementaire ou conventionnelle qui résulte d'une
obligation professionnelle découlant des exigences d'une information objective.
"Peut-on déduire, de cet arrêt, que la cour de cassation assimile l'abstention à l'action fautive ?"
Selon la jurisprudence, toutes les abstentions, dès lors qu'elles sont motivées par une intention de
nuire, sont considérées comme fautives. Lorsque l'abstention n'est pas malicieuse :
- L'omission ou l'abstention par action : le fait pour une personne, au cours d'une activité
quelconque, d'omettre de prendre une précaution qui aurait pu empêcher la réalisation d'un
dommage (Ex : l'automobiliste qui ne ralentit pas à l'approche d'un obstacle. ~> il roule trop vite.).
- L'abstention ou l'omission pure et simple : l'abstention de l'individu ne se relie à aucune
activité antérieure. L'individu reste inactif face à une situation qu'il aurait certainement pu modifier en
intervenant (Ex : omission de porter secours à une personne en danger).
Pour la jurisprudence, lorsque c'est la sécurité physique d'une personne qui est en cause, elle favorise
cette sécurité des victimes au détriment de la liberté d'agir (ou non) des individus.
Parfois, la faute résulte d’une abstention. On a rien fait alors qu’on aurait dû agir. On s’est demandé si
une abstention pouvait être retenue, l’idée même d’une faute d’abstention a été contestée en doctrine. Cela
pourrait constituer une entrave excessive à la liberté individuelle. Celle-ci suppose avant tout la liberté de ne
rien faire.
A partir du moment où une norme prescrit d’agir, si l’on s’abstient, dans ce cas-là, il peut y avoir une
faute. Dans les autres circonstances d’abstention pure et simple, il ne pourrait y avoir aucune faute possible.
L’abstention pure et simple n’est fautive que dans deux cas particuliers : Quand on nuit à quelqu’un dans une
intention de nuire, ou quand il y a une obligation légale d’agir. Un autre courant doctrinal considère que la
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faute d’abstention ne comporte aucune spécificité. La jurisprudence ne reprend pas la distinction proposée
entre abstention dans l’action et abstention pure et simple. Dans un premier temps, elle a été restrictive, elle
ne l’admettait que dans deux cas : soit quand il existe une obligation formelle d’agir, soit quand il y a intention
de nuire à autrui. La jurisprudence a ensuite évoluée, en particulier avec un arrêt extrêmement célèbre Civ. 21
février 1957 Branly. Faute d’abstention lorsqu’il y a obligation professionnelle d’agir. Une faute de surveillance
est une faute d’abstention qui engage la responsabilité. De même, le fait de ne pas donner des informations à
autrui, pourrait être considéré comme une faute. La jurisprudence donne de très nombreux exemples de faute
d’abstention à des très nombreux propriétaires. Le cas du propriétaire qui laisse sur son fond un gibier
important qui commet des dommages aux propriétés voisines.
On parle d’une faute qui est commise dans l’exercice d’un droit. L’auteur d’un abus de droit sera
responsable des dommages qu’il cause par l’exercice abusif des prérogatives qui lui appartiennent.
Lorsqu’une personne exerce un droit, on tend à considérer que sa faute ne peut pas être appréciée de la
même façon que lorsqu’elle n’exerce aucun droit subjectif particulier. Le fait d’exercer des prérogatives liées à
un droit particulier conférerait à la personne une certaine sphère d’autonomie.
La jurisprudence a toujours admis qu’une responsabilité pouvait résulter de l’exercice d’un droit (le
fait d’exercer un droit n’est pas un fait justificatif). Elle a également admis que l’exercice abusif d’un droit était
constitutif de faute et engageait donc la responsabilité (Il n’y a qu’une petite série d’exceptions à cela, qui
concerne les droits discrétionnaires. Pour ces derniers, on ne peut jamais commettre une faute en les exerçants,
même si un dommage résulte de leur exercice).
La notion d’abus de droit a été reconnue avec beaucoup de difficultés, et des divergences doctrinales
profondes.
Selon Planiol, «le droit cesse où l’abus commence » citation figurant dans son ouvrage intitulé « Traité
élémentaire de droit civil ». On ne peut pas parler d’un abus de droit puisqu’on est hors du droit et du cadre de
la légalité. Quand on a un droit, il faut l’exercer, et non pas en abuser. Selon lui, l’expression « abus de droit »
est incorrecte et renferme une contradiction d’intérêt. Abuser d’un droit, ce n’est pas exercer son droit.
Autrement dit, un acte ne peut pas être conforme à la loi et contraire à la loi. Pour Planiol, la théorie de l’abus
de droit n’existe pas. C’est une conception radicale puisqu’on peut très bien considérer qu’on est dans
l’exercice d’un droit tout en commettant une faute.
La théorie de Planiol a pêché par son caractère extrémiste, par sa négation de l’existence d’un fait
fautif à l’occasion de l’exercice d’un droit, ce qui n’est pas admis facilement. D’autant plus, c’est
souvent à l’occasion de l’exercice de son droit qu’on tombe sous le coup des conséquences de fait
fautif (l’exemple de l’exercice de droit de propriété, peut à ce niveau être secours pour rapprocher les
idées, tel est le cas de la propriété, une personne qui édifie une fausse cheminée sur son droit dans le
seul but de masquer la vue à ses voisins).
A l’opposé de la précédente, cette théorie considère que les droits ne sont pas absolus car chacun d’eux
a une finalité et une fonction sociale. Ainsi, Josserand définissait l’abus de droit comme suit : « l’action
contraire au but de l’institution à son esprit et sa finalité ». Pour cette théorie, ils ne sont pas des fonctions
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qui ne sont pas permis de les détourner de leurs destinations sociales. C’est le cas de la puissance paternelle
(le père à un droit de puissance sur son enfant lorsqu’il manque à ce droit qui est une obligation, la sanction
sera déchéance de cette puissance).
Le mot droit revêt deux sens, les droits subjectifs qui ne doivent pas être confondu avec les droits
objectifs. Il y aurait abus de droit à chaque fois qu’il y a détournement de la fonction sociale (abus de droit =
intention de nuire).
Cette théorie a été largement consacrée par le droit positif, et les principales applications ont
concernées le droit de propriété et plus particulièrement la propriété immobilière. En l’occurrence on
peut citer l’arrêt Clément Bayard (03 août 1915), L’arrêt de rejet rendu le 3 août 1915 par la chambre des
requêtes de la cour de cassation offre une définition fondamentale, dans ce cas de la théorie de l’abus de droit.
Coquerel, propriétaire d’un terrain sur lequel est bâtie son habitation, a pour voisin Clément Bayard, qui opère
régulièrement des vols en dirigeable/montgolfière. Or Coquerel a dressé sur son terrain un dispositif constitué de
caisses en bois de 16 mètres de haut surmonté de pics en fer de 2 mètres de haut. Suite à ce dispositif, Clément
Bayard, qui tentait d’atterrir sur son terrain, à la suite d’une ballade en dirigeable, n’ pu contrôler son engin et a
déchiré la toile de celui-ci sur le dispositif installé par Coquerel.
Suite à cet évènement, Clément Bayard assigne Coquerel en justice et demande réparation du dommage causé à
son dirigeable, par la faute du dispositif installé par Coquerel. Il lui est aussi demandé de retirer les tiges en fer
présentes au sommet de son dispositif. Coquerel est alors condamné par les juges du fond à verser des
dommages et intérêts à Clément Bayard. Or, Coquerel refuse et forme un pourvoi en cassation en invoquant son
droit absolu à la propriété.
Ainsi, Coquerel, ayant formé le pourvoi, tente de démontrer que les accusations contre lui ne sont pas fondées,
du fait du caractère absolu du droit de propriété (art, 544 C.Civ,F). Ainsi, il lui serait possible de jouir de ce droit de
propriété en construisant ce que bon lui semble sur son terrain, dont il est propriétaire.
Le droit absolu de propriété, reste-t-il absolu, dans la mesure où celui-ci se voit contrecarrer par l’application de la
théorie de l’abus de droit ?
L’application de la théorie de l’abus de droit constitue-t-elle une limitation du droit lorsqu’elle est appliquée dans
le cadre du droit de propriété ?
La décision rendue par la Cour de Cassation le 3 août 1915 retient l’abus de droit du propriétaire Coquerel, du fait
que sa construction, disposée au centre du terrain, ne lui apportait aucune utilité, pas même en tant que clôture,
car ne faisant pas le tour de la propriété.
Ainsi, la Cour de Cassation, au regard de ces deux éléments, considère que la construction de ce dispositif par
Coquerel n’avait que pour but de nuire à Clément Bayard. Ainsi, il y a application de la théorie de l’abus de droit.
La Cour de Cassation rejette alors le pourvoi de Coquerel.
Limites : Il y a des domaines de droit qui sont insusceptibles de subir l’abus de droit (ex : les droits
discrétionnaires ; testament ; le droit de partage ; acquisition de la mitoyenneté d’un mur).
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SOUS-SECTION 3 : LES FAUTES QUALIFIEES.
La faute est intentionnelle à chaque fois que la volonté de l’agent ne porte pas sur l’action
dommageable, mais sur les conséquences dommageables de cette action. Induit une distinction entre l’acte
volontaire et l’acte intentionnel. L’acte volontaire n’implique pas forcément la volonté des conséquences de
l’acte (acte intentionnel = on veut les conséquences). (Par exemple : conduire en zigzag sur l’autoroute, acte
volontaire. Foncer sur une autre voiture, acte intentionnel ; abîmer la voiture, voire tuer les passagers, donc une
volonté de causer le dommage).
L’auteur d’une telle faute est privé de toutes les règles avantageuses dont il pourrait se prévaloir. Les
tribunaux fondent leurs décisions sur le principe général du droit « Fraus omnia corrumpit » qui prohibe toute
tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain. Le principe selon lequel nul ne peut tirer
profit d’une faute intentionnelle, empêcherait donc l’auteur d’un acte frauduleux de prétendre à un partage de
responsabilités avec la victime lorsque celle-ci a elle-même commis une faute non intentionnelle ayant
contribué au dommage. Il en résulte que l’acte frauduleux fait exception à la théorie de l’équivalence des
conditions. Cette exception se justifie sans doute par le souci d’accorder une meilleure protection aux victimes
d’infractions intentionnelles. Par ailleurs, il serait inéquitable que le prévenu puisse, par le biais du partage,
conserver une partie du profit qu’il a tiré de l’infraction.
Parfois, on confond faute intentionnelle et intention de nuire. Cette dernière est une faute
intentionnelle, qui inclut le mobile de l’acte. On agit avec l’intention de causer un dommage pour nuire à
autrui. L’intention inclut le mobile nuisible. Dans la faute intentionnelle, le dommage est voulu mais en tant
que moyen afin de satisfaire un intérêt. Dans l’intention de nuire, le dommage est une fin, un but.
En matière contractuelle, la faute intentionnelle est définie de manière plus large. On l’appelle plus
souvent faute dolosive en matière contractuelle. La faute dolosive est définie comme la violation délibérée de
l’obligation contractuelle. Cette faute dolosive n’inclut pas par conséquent la volonté du dommage, il s’agit
tout simplement d’une inexécution contractuelle voulue, délibérée, sans qu’on veuille nécessairement les
conséquences dommageables de cette inexécution. On ne va pas rechercher si le débiteur a voulu causer un
dommage au créancier.
Dans le domaine des assurances, la conception est restrictive car nécessite l’intention de nuire de l’auteur. C.Cass, Civ 1ère – 22
juillet 1985. En l’espèce, un enfant avait blessé un des ses camarades en lui mettant un crayon dans l’œil. L’assureur, au vue de ne pas
indemniser la victime vient démontrer que la faute n’était pas intentionnelle. La CA reconnaît la responsabilité de l’enfant et avait
considéré la faute de l’enfant intentionnelle. La CA adopte ici une conception large : la faute intentionnelle est la faute volontaire. La C.Cass
casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale de l’art 113-2 al 2 du code des assurances. Au sens de ce texte, la faute intentionnelle ne
peut exister que si l’assuré a eu une intention de nuire.
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PARAGRAPHE 2 : LA FAUTE LOURDE OU GRAVE.
La faute lourde est la faute particulièrement grossière faite par le débiteur d’une obligation qui
dénote sa sottise, son incurie, ou son insouciance à l’égard des dangers que l’on crée. C’est une faute non-
intentionnelle, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de volonté de causer un dommage, mais c’est une faute d’une
certaine gravité. Il faut que l’auteur du dommage ait agit de façon particulièrement imprudente ou
négligente, il faut qu’il ait conduit une erreur de conduite grossière. La Cour de Cassation française la définit
comme « une négligence d’une extrême gravité dénotant l’inaptitude du débiteur à accomplir sa mission
contractuelle ». En effet, le salarié n’est responsable vis-à-vis de son employeur de l’inexécution de son contrat
de travail qu’en cas de faute grave.
Les critères subjectifs de la faute lourde sont le comportement de l’agent, la connaissance du danger et
la répétition des fautes.
La Cour de Cassation française concrétisant des thèses doctrinales, adopte une conception plus
subjective de la faute lourde. Elle affirme dans un arrêt de chambre mixte du 22 avril 2005 que : « seule la
faute lourde caractérisée par la négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude
du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle, peut mettre en échec la limite
d'indemnisation [...] ». Cette notion subjective de la faute lourde a été confirmée par l'arrêt de la chambre
commerciale de la Cour de cassation rendu le 29 juin 2010, dit Faurecia 2.
La Cour de Cassation a dans le passé, objectivé la notion de faute lourde en la définissant comme un
« manquement à une obligation essentielle ». Elle appréciait donc la faute lourde indépendamment du
comportement du débiteur. La Cour de Cassation est revenue sur cette position très critiquée par l'arrêt
Chronopost de 2005.
- L’importance des éléments dommageables de la cause : plus les conséquences de l’attitude sont
graves, plus la faute sera qualifiée de lourde.
- La violation d’une obligation fondamentale en responsabilité contractuelle : lorsque le débiteur a
violé une obligation fondamentale du contrat. De ce seul fait, il y a faute lourde à la charge du
débiteur.
- La qualité professionnelle de l’agent : lorsque l’auteur du dommage est un professionnel les juges
sont plus sévères.
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2) LES EFFETS DE LA FAUTE LOURDE :
La faute lourde est équivalente au dol, elle a les mêmes effets. Il suffira de prouver la faute lourde
pour engager la responsabilité, et aura le même effet d’aggravation. Au lieu de prouver un dol, il suffira à la
victime de prouver une faute lourde.
Il y a un motif de preuve , car en effet, l’intention est difficile à prouver, or la faute lourde permet de
présumer une intention. Une seconde raison est une raison de prophylaxie juridique {prévention des
comportements}. On considère que sanctionner la faute lourde « empêche les méchants et les malhonnêtes de
jouer les imbéciles » (Mazeaud). Enfin, il y a une raison de fond qui consiste à observer que celui qui agit par
bêtise ou imbécillité est tout aussi dangereux que celui qui a l’intention, et ne mérite alors pas plus
d’indulgence que celui qui commet une faute intentionnelle.
Ainsi, dans la majorité des cas, la faute lourde aura les mêmes effets que la faute dolosive.
La jurisprudence française tend à assimiler la faute grave dans ses conséquences à la faute
intentionnelle. Le principe d’assimilation de la faute lourde au dol est justifié par « l’énormité de la faute ».
Mais, si cette assimilation est affirmée, ses conséquences ne sont pas complètes :
- La faute lourde se distingue de la faute dolosive, car elle ne requiert pas des éléments intentionnels,
ni même la volonté délibérée de ne pas exécuter une obligation. Son effet consiste uniquement à
l’élimination et limitation légale et proportionnelle au droit à réparation. Et même en ce domaine, elle
n’est pas toujours admise (exemple : en droit aérien, les plafonnements en cas d’accident ne sont
écartés qu’en cas de faute inexcusable et non pas de faute lourde).
Quand il s’agit de la faute inexcusable, on n’a pas l’intention de commettre un dommage, mais ce
dernier est gravissime.
La faute inexcusable de l'employeur est une notion du droit de la sécurité sociale concernant
l'indemnisation des accidents du travail. Elle concerne la faute de l'employeur ou les personnes qu'il s'est
substitué dans la direction des travaux du salarié. Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est établie le
salarié qui a été victime d'un accident du travail est en droit de demander à son employeur l'indemnisation
intégrale de son préjudice personnel qui n'est pas indemnisé par la législation professionnelle. Cette
indemnisation comprend tous les chefs de préjudicie, y compris le préjudice moral, esthétique, d'agrément,
etc.
La faute inexcusable est aussi qualifiée de faute intentionnelle. Lorsque l'accident est dû à la faute
inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont
droit à une indemnisation complémentaire. La qualification de faute inexcusable requiert la conscience, par
l'employeur, d'un danger auquel le salarié aurait été exposé. Elle est donc exclusive de l'état de bon
fonctionnement du matériel en relation avec l'accident de travail. L'absence de toute anomalie portant sur le
fonctionnement du matériel exclut toute faute inexcusable à la charge de l'employeur.
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La faute inexcusable s'apprécie in concreto. Il s'agit d'une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant
d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de
l'absence de toute cause justificative. Elle n'exige pas un élément intentionnel, et se distingue donc de la faute
intentionnelle.
42
CHAPITRE II : LE FAIT D’AUTRUI.
Article 1384 du Code Civil français.-
Le principe est celui de la responsabilité du fait
personnel. La responsabilité du fait d’autrui et du fait « On est responsable non seulement du dommage que
des choses sont conçus comme des cas d’exception. l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui
est causé par le fait des personnes dont on doit répondre,
La responsabilité du fait d’autrui est lorsqu’une ou des choses que l’on a sous sa garde. »
personne est juridiquement responsable d’une autre
personne et engage sa responsabilité délictuelle Article 85 du DOC.-
lorsque celle-ci a causé un dommage.
« On est responsable non seulement du dommage que
La responsabilité du fait d’autrui permet à la l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui
victime d’engager la responsabilité d’une personne est causé par le fait des personnes dont on doit
qui avait sous son autorité, l’auteur direct du répondre ».
dommage.
La responsabilité du fait d’autrui (qui a un caractère exceptionnel) suppose que l’action en réparation
soit exercée à l’encontre d’une personne autre que celle dont l’activité a produit le préjudice, et ceci en
raison du lien unissant l’auteur du fait dommageable au civilement responsable et engendrant par
conséquent une responsabilité présumée à l’égard de ce dernier.
L’article 1384, alinéa 1 du Code Civil français consacre la responsabilité du fait d’autrui. En droit
marocain, c’est l’article 85 du DOC qui régit cette responsabilité.
- Responsabilité des commettants du fait de leurs préposés {l’auteur est mal choisi} [SECTION 1].
- Responsabilité des pères et mères du fait de leurs enfants mineurs {l’auteur est mal surveillé ou mal
éduqué} [SECTION 2].
- Responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis {l’auteur est mal surveillé} [SECTION 3].
- Responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves {l’auteur est mal surveillé} [SECTION 4].
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SECTION 1 : LA RESPONSABILITE DES COMMETTANTS POUR LES FAITS DE LEURS
PREPOSES.
Le champ d’application de ces articles est limité aux commettants du secteur privé et uniquement pour
les dommages causés par les préposés à des tiers par oppositions aux cocontractants (responsabilité
contractuelle).
Quatre conditions doivent être réunies pour que la responsabilité soit engagée : il faut un préposé,
commettant une faute, et non un simple fait causal, entrainant un dommage ayant un lien de causalité avec la
faute.
Toutes les difficultés pour déterminer si les conditions sont réunies résident dans la preuve d’un lien de
prédisposition. Il faut nécessairement des rapports d’autorité et de subordination entre deux personnes. Ainsi,
le commettant peut être défini comme toute personne qui a droit ou pouvoir de donner à une autre personne
des ordres et instructions relatifs à la fois au but à atteindre et aux moyens à employer pour y parvenir. En
parallèle, le préposé est celui qui agit pour le compte d’une autre personne, sous l’autorité de cette dernière.
Dès lors qu’il existe un contrat de travail entre deux personnes, le régime sera donc applicable.
La responsabilité des commettants présente une caractéristique essentielle tenant à ses effets. Il s’agit
d’une responsabilité du fait d’autrui qui existe aujourd’hui indépendamment d’une présomption de faute. C’est
une présomption de responsabilité tenant à aggraver la responsabilité des commettants qui ne peuvent pas
s’exonérer en prouvant qu’ils n’ont pas pu empêcher le dommage, c’est une présomption irréfragable et
absolue.
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PARAGRAPHE 1 : LE DOMAINE D’APPLICATION DE LA RESPONSABILITE DU COMMETTANT
DU FAIT DU PREPOSE.
La responsabilité des commettants ne sera engagée que s’il y a un lien de préposition {un lien entre le
commettant et le préposé, par exemple le fait que le commettant donne des instructions au préposé, et que ce
dernier agit pour le compte du commettant}, un lien avec la fonction {c’est-à-dire que le préposé doit avoir agir
dans le cadre de ses fonctions}, et une faute du préposé.
Arrêt 18 décembre 1996 : Dans l’hypothèse de préposition d’un prêt de main d’œuvre, l’utilisateur peut
à titre exceptionnel se voir attribuer la qualité de commettant. Les juges dans ce cas doivent contrôler la réalité
du transfert d’autorité (arrêt civ, 18 décembre 1996). Cet arrêt a exclut la responsabilité du commettant dont le
préposé était en stage de formation chez un tiers, parce qu’il n’y avait de transfert d’autorité.
1) Lien de préposition :
Cette notion a été définie par la jurisprudence comme : « le droit de donner au préposé des ordres ou
des instructions sur la manière de remplir des fonctions auxquels il est employé ». En fait le préposé est celui
qui agit au compte d’une autre personne et suit les directives de celle-ci, c’est le plus souvent dans un contrat
de travail dans le cadre du Code du travail (exemple : clinique responsable d’un médecin chirurgien ; une
clinique peut être responsable du médecin même s’il est libre de ses actes, il est considéré comme le préposé de
la clinique car il est salarié ; le code du travail qui régit leurs rapports n’est pas toujours considéré comme la
source de ce lien de préposition).
Arrêt 18 décembre 1996 : Lorsqu’il y a lien de préposition et prêt de main d’œuvre, l’utilisateur peut à
titre exceptionnel se voir attribuer la qualité de commettant. Les juges doivent dans ce cas contrôler la réalité
du transfert d’autorité (cet arrêt a exclu la responsabilité du commettant dont le préposé était en stage de
formation chez un tiers car il n’y avait pas de transfert d’autorité, donc l’employeur initial reste responsable).
L’article 85 du DOC subordonne la responsabilité du commettant au fait que l’acte dommageable ait été
commis pendant les fonctions auxquelles le préposé est employé. Cette condition peut poser un problème
dans les cas où le préposé est sorti du cadre normal de sa mission alors qu’il continue à se servir des moyens
mis à sa disposition par son employeur (exemple : le préposé d’une banque détourne des fonds qui ont été
remis par les clients ; le préposé d’une entreprise de surveillance met le feu à l’entrepôt dont il avait la garde, on
se trouve en présence d’un abus de confiance).
La jurisprudence dans un arrêt de l’Assemblée plénière en date du 19 mai 1988 (arrêt la Cité) a affirmé
que l’abus de fonction est constitué lorsque le préposé à agit hors de ses fonctions d’employé sans autorisation
et à des fins étrangères à ses attributions. Aux termes de cet arrêt, l’abus de fonction est constitué lorsque
trois conditions sont réunies :
- L’acte du préposé doit être hors fonctions : c’est-à-dire que le préposé doit avoir agit hors de ses
fonctions.
- Le défaut d’autorisation : l’abus de fonction ne peut être retenu si l’acte dommageable avait été
autorisé par le commettant. Cette autorisation est présumée jusqu’à preuve contraire, c’est-à-dire
lorsqu’il y a un fait dommageable, on estime que le commettant a donné une autorisation, si le
commettant n’a pas donné d’autorisation, il faut qu’il le prouve (exemple : une personne qui donne sa
45
voiture à une autre personne, il doit prouver qu’il n’a pas donné autorisation, ce qui va engager la
responsabilité du chauffeur).
- L’abus de fonction nécessite que le préposé ait agit à des fins personnelles : la jurisprudence nuance
cette position, elle prend en considération la bonne ou mauvaise foi de la victime pour apprécier
l’existence d’un abus, on doit savoir si la victime était au courant. En effet, la connaissance de l’abus
de fonction par la victime écarte la responsabilité du commettant (arrêt 29 avril 1997 a exclu la
responsabilité d’une banque du fait de son préposé qui avait détourné des fonds remis par des clients
en vue d’un placement dans des circonstances suspects ont remis le paiement effectué en liquide,
absence de mise en possession des titres, ce sont des preuves que la victime ne pouvait pas ne pas
deviner).
La jurisprudence est aujourd’hui unanime, elle a considéré qu’un acte commis par le préposé en
complète position avec cette fonction ne peut engager la responsabilité du commettant (l’arrêt de la
chambre criminelle a écarté l’abus de fonction). La jurisprudence française prend en considération
également la bonne, mauvaise foi de la victime pour apprécier l’existence d’un abus de fonction, en
effet la connaissance de l’abus de fonction par la victime écarte la responsabilité du commettant (ch.
civ 2, 27 avril 1997 exclut la responsabilité d’une banque du fait de son préposé qui avait détourné des
fonds remis par des clients en vue d’un placement dans des circonstances suspects : les fonds remis et
payement effectué en liquide)
La situation du commettant peut-être assimilée à celle d’un garant puisqu’il endosse la dette de
responsabilité du débiteur principal (préposé).
Le commettant et la victime :
Le commettant {qui n’est que le garant de la responsabilité du préposé, il n’est tenu que d’une manière
subsidiaire}, sa responsabilité tant engagée, paye le préjudice. L’effet que donnera ce paiement est que le
commettant va se retourner contre le préposé {il va faire un recours contre le préposé}. Ce recours est très rare,
puisqu’il y a un risque d’insolvabilité du salarié {l’assurance que le commettant prend en charge}.
La jurisprudence française :
Arrêt « Costedoat » rendu le 25 février 2000 par l’assemblée plénière de la Cour de cassation a posé le
principe de l’immunité du préposé lorsqu’il s’agit dans les limites de ses attributions. Dans cet arrêt, la Cour a
édicté clairement le principe : « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans
excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ».
L’immunité civile du préposé vis-à-vis des tiers resté dans le cadre de sa mission. Lorsque le préposé
est dans le cadre de sa mission, seul la responsabilité du commettant peut être engagée. Donc le
recours du commettant à l’encontre du préposé devient impossible.
- Tout d’abord le préposé qui commet une infraction pénale voit son immunité disparaitre (arrêt récent,
20 décembre 2007).
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- La faute intentionnelle
- Lorsque le préposé a bénéficié d’une délégation de pouvoir, il voit sa responsabilité engagée.
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SECTION 2 : LA RESPONSABILITE DES PERE ET MERE DU FAIT DE LEURS ENFANTS
MINEURS.
Cette responsabilité pèse sur le père, et en cas de décès du père la mère sera responsable. Article 85, al
2 du DOC énonce que « le père et la mère après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs
enfants mineurs habitant avec eux ». En droit marocain, on parle de puissance paternelle alors qu’en droit
français, on retrouve la loi de 4 juin 1990 qui a remplacée la puissance paternelle par l’autorité parentale, donc
les parents sont solidairement responsables.
Cette responsabilité est conçue comme une contrepartie de l’autorisation exercée par l’enfant. Il faut
que l’enfant soit mineur {le majeur peut être concerné s’il a un faible esprit}.
Il fallait que l’enfant soit mineur quand l’acte a été commis, de même que l’enfant doit habiter chez les
enfants. Cette responsabilité est fondée sur une présomption de faute.
Cette responsabilité nécessite qu’on établisse que le dommage a été causé par le fait de l’enfant. La
responsabilité des parents suppose un acte de l’enfant qui soit de nature à engager la responsabilité
personnelle de celui-ci. La Cour de Cassation française a révélé une évolution en affirmant qu’un acte
simplement causal de l’enfant suffit à engager la responsabilité des parents, donc la victime n’a plus à établir
l’illicéité du fait de l’enfant mais tout simplement son rôle causal dans la production du dommage.
La présomption de faute qui pèse sur les parents dispense la victime d’établir la preuve de la faute des
parents. La jurisprudence française a subi une profonde évolution dans ce domaine. En effet, la responsabilité
des parents est désormais considérée comme une responsabilité objective depuis l’arrêt Bertrand (17 février
1997). Cet arrêt a opéré un important revirement {changement de la Cour de Cassation, abandon d’une
position de la Cour à une nouvelle attitude} qui affirme que la responsabilité des parents est une responsabilité
objective, ces derniers ne peuvent plus s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur eux (le seul cas où ils
peuvent s’exonérer c’est le cas de force majeur), la Cour de Cassation a substitué une responsabilité sans faute.
Dans l’état actuelle du droit marocain, la responsabilité du père et de la mère après le décès du père,
comme une fausse responsabilité d’autrui parce que c’est une responsabilité qui repose sur la faute de
surveillance.
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SECTION 3 : LA RESPONSABILITE DES ARTISANS DU FAIT DE LEURS APPRENTIS.
Article 85, al 4 : « Les artisans, du dommage causé par leurs apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur
surveillance ;
La responsabilité ci-dessus a lieu à moins que les pères et mère et artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher
le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».
La responsabilité de l’artisan se justifie par l’autorité que lui confère sa double qualité de formateur et
d’employeur et qui lui impose un devoir de surveillance. {La présomption simple de faute qui concerne les
artisans des faits de leurs apprentis}
Cette responsabilité est moins sévère que celle des commettants puisque ce dernier ne peut pas se dégager de
sa responsabilité que s’il prouve la survenance d’une cause étrangère ou l’abus de fonction.
La victime du dommage causé par l’apprenti est dispensée de prouver la faute de l’artisan, il lui suffit d’établir
le fait de l’apprenti, parce que sans ce fait, il ne peut y avoir de responsabilité. L’artisan dont la faute est
présumée peut se dégager en prouvant qu’il a bien surveillé l’apprenti. Cette responsabilité ne s’applique dans
la mesure où l’apprenti était sous la surveillance de son employeur au moment où le dommage a été commit.
Cette précision résulte du texte lui-même, puisqu’on parle du dommage, et cet état de choses on la trouve
également en matière de la responsabilité de l’instituteur.
- Relation d’apprentissage : Cette relation porte sur la formation d’un métier basé sur l’existence d’un
contrat de travail type particulier écrit ou oral, par lequel l’artisan s’engager à assurer la formation
professionnelle de l’apprenti et à lui verser, éventuellement, une rémunération. En retour, l’apprenti
s’engager à travailler pour l’artisan pendant la durée du contrat.
- Dommage limité dans le temps : L’artisan n’est responsable que du dommage causé par l’apprenti
pendant le temps, que ce dernier soit sous sa surveillance. La responsabilité suppose la communauté
de travail dans l’atelier ou au domicile de l’artisan. Cette communauté de travail qui permet à l’artisan
d’assurer la formation, et c’est celle qui permet en outre à l’apprenti d’exécuter des travaux
déterminés.
- Fait dommageable par l’apprenti : Il est à signaler, à ce titre, que l’abaissement de l’âge de la majorité
à 18 ans, combiné avec les lois sur l’apprentissage, fait surgir une difficulté quant au point de savoir si
l’apprenti doit être obligatoirement mineur. Les artisans sont admis à se dégager de leur
responsabilité par la preuve contraire. Comme à l’encontre des parents, la présomption qui pèse sur
les artisans est une présomption simple et non irréfragable, ce qui leur permet de se dégager par les
mêmes moyens réglementés principalement par l’article 95 du DOC. Ces moyens sont en l’occurrence,
la légitime défense, la force majeure […]. L’artisan peut également se dégager de toute responsabilité
en prouvant qu’il n’a commis aucune faute, et qu’il s’est convenablement acquitté de ses obligations.
La preuve contraire réservée à l’artisan se situe uniquement sur le plan de la surveillance diligente, or
il n’est pas chargé de parfaite l’éducation de l’apprenti, mais seulement de lui apprendre un métier.
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SECTION 4 : LA RESPONSABILITE DES INSTITUTEURS PAR LA VICTIME.
Conformément à l’article 85 bis du DOC, il existe une responsabilité du fait d’autrui concernant les
instituteurs et les fonctionnaires du service de la jeunesse et des sports à l’égard des enfants et jeunes gens
pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.
Il s’agit d’une responsabilité sans présomption de faute puisqu’il appartient au demandeur de prouver
les fautes d’imprudences ou négligence invoqués et ayant causés le fait dommageable.
Il faut également établir que le dommage causé par un enfant (l’élève) a eu lieu pendant qu’il était sous
la surveillance de l’instituteur.
Le fait de l’élève s’analyse comme étant un acte objectivement illicite puisque l’instituteur ne sera pas
responsable du dommage causé par l’élève s’il n’a pas pu prouver un mouvement brusque ou un acte
soudain de celui-ci, causant un accident dont a été victime un tiers.
Pendant le temps de surveillance , aux termes de l’article 85 bis du DOC, que ce soit pendant la scolarité ou
en dehors de la scolarité dans un but d’éducation morale ou physique non interdite par les règlements.
Défaut de surveillance : Ainsi, la faute de l’instituteur doit avoir été la cause du dommage exclusive ou
partagé avec une faute de la victime. Elle consiste parfois à ne point avoir surveillé les élèves ou plus
souvent à les avoir surveillés insuffisamment. Dans ce cas, il n’y a plus de présomption à l’encontre des
instituteurs, la faute doit être prouvée par le demandeur conformément au droit commun.
Alors que la responsabilité civile de l’instituteur est engagée, quelles sont ses effets ?
La substitution de l’État :
L’article 85 bis du DOC, ainsi que l’article 1834 du Code Civil français créent une sorte d’immunité des
éducateurs publics dans la mesure où leur responsabilité ne peut être engagée devant les tribunaux civils,
même en prouvant leurs fautes. Ils ne peuvent pas être mis en cause devant ces tribunaux. Ainsi, seul l’État
pourrait être mis en cause dans tous les cas où la responsabilité civile des éducateurs publics est engagée et
seul l’État également pourrait les poursuivre en remboursement de ce qu’il a été versé à la victime
conformément au droit commun.
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Le champ d’application de la substitution de la responsabilité de l’État :
L’État n’assume que la réparation des dommages causés par les élèves de l’enseignement public alors
que les enseignants des établissements privés n’en bénéficient pas.
Est le tribunal de première instance du lieu où le dommage a été commis. Enfin l’action en
responsabilité exercée contre l’État se prescrit par un délai de trois ans, à compter du jour où le fait
dommageable a été commis (article 85 bis, al dernier du DOC).
L’État dispose d’un recours soit contre son enseignant fautif soit contre les tiers auteurs du dommage
mais en pratique ce recours est très rarement exercé.
51
CHAPITRE III : LE FAIT DE LA CHOSE.
La responsabilité du fait des choses n’avait été prévue que dans les hypothèses limitées (cas des
animaux et des bâtiments en ruine).
Cette responsabilité une vieille institution du droit romain « actio de pauperie ». Cette action
permettait à la victime de demander au propriétaire d’un esclave ou d’un animal tout deux assimilés la
réparation des dommages causés par ces derniers. De même, une action pouvait être exercée contre le
propriétaire d’un bâtiment en ruine dont l’effondrement avait causé un dommage à autrui.
En dehors de ces cas, la réparation des dommages causés par une chose était soumise au droit commun.
Cet état de droit positif s’est trouvé modifiée par un arrêt fondamental de la Cour de Cassation {Arrêt
TEFFAINE, 16 juin 1896).
Suite au développement du machinisme. Le développement des dommages par des choses inanimées
était nombreux. Ainsi, la victime n’arrivait pas à établir la faute de l’employeur. Donc, pour des raisons de
justice sociale, l’indemnisation de ces victimes s’imposait sur la base non plus de la faute mais la responsabilité
de non faute.
L’arrêt Teffaine du 16 juin 1896, avait admis sur le fondement de l’article 1384 du Code Civil français, la
responsabilité de l’employeur pour un accident de travail causé par l’explosion de la chaudière d’une
remorque. Pour la première fois, la Cour de Cassation a déduit de l’article 1384, alinéa 1, un principe autonome
de responsabilité du fait des choses. Donc, le régime déroge à celui de l’article 1382, puisqu’il autorise à
condamner le gardien d’une chose, sans avoir établit la faute de ce dernier, la seule preuve du fait de la chose
suffit à établir la responsabilité.
L’arrêt JAND’HEUR du 13 février 1930, a affirmé l’existence d’un principe général de responsabilité du
fait des choses fondé sur l’article 1384, alinéa 1 du Code Civil français, et qui oblige le gardien à indemniser le
préjudice causé par une chose, indépendamment de toute preuve de faute.
Article 88 du DOC : « Chacun doit répondre du dommage causé par les choses qu’il a sous sa garde, lorsqu’il
est justifié que ces choses sont la cause directe du dommage, s’il ne démontre :
L’article 88 du DOC démontre que la responsabilité du fait des choses engage la responsabilité du
gardien, ainsi il faut que la chose ait causé un dommage.
La victime du dommage n’a pas à prouver la faute du gardien, mais seulement un rapport de cause à
effet entre le rapport et le préjudice.
Le principe général de cette responsabilité a vu ses conditions entièrement définies par la jurisprudence
de l’arrêt JAND’HEUR, « une chose sur laquelle une personne exerce un pouvoir de garde, et cette chose doit
avoir causée un dommage à autrui ».
52
Qu’est ce que la chose ?
Quelles sont les choses susceptibles de mettre en jeu la responsabilité de plein droit du gardien ?
La jurisprudence française a interprété de manière large le mot « chose », elle a repoussé toutes les
distinctions qui reposent sur des caractères spécifiques de la chose (chose actionnée par la main de l’homme ou
sans la main de l’homme). Il a été également rejeté la distinction fondée sur la dangerosité de la chose, quelle
que soit la nature de la chose (une onde sonore, électrique…).
L’article 1384, al 1 du Code Civil français est applicable à toute chose qu’elle soit ou non manœuvrée par
l’homme, qu’elle représente un vice ou non. Il importe peu la nature juridique ou physique de la chose
Cependant, on a exclut certaines choses de cette responsabilité (les lois spéciales qui dérogent au
principe général énoncé par l’article 1384 du Code Civil français et l’article 88 du DOC) :
- Choses visées par des textes spéciaux, comme les véhicules terrestres à moteur. On retrouve le dahir
du 3 octobre 1984 relatif à l’indemnisation des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres
à moteur, ce dahir qui déroge au principe général édicté par l’article 88 du DOC.
- Produits défectueux qui sont régis par des lois spéciales.
- Le corps humain (cependant, la Cour de Cassation a parfois indemnisé la victime, en considérant le
corps humain comme un tout indivisible avec la chose qu’il utilise, exemple : collision entre skieurs, ou
cyclistes).
- Les choses qui sont abandonnées « res nullius », expression latine qui désigne une chose sans maître,
c’est-à-dire qui n’a pas de propriétaire mais qui est néanmoins appropriable.
53
SECTION 2 : LE REGIME DE LA RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT DU GARDIEN.
Cette responsabilité n’est pas fondée sur la présomption de faute, on quitte ce domaine pour aller vers
la présomption de responsabilité. Cette responsabilité est fondée sur le fait des choses (intervention matérielle
de la chose dans le dommage). Autrement dit, le gardien de la chose ne peut se dégager de sa responsabilité en
démontrant son absence de faute, il doit alléguer d’un cas fortuit ou de force majeure. Le caractère objectif de
cette responsabilité empêche le responsable de s’exonérer en prouvant simplement qu’il n’a pas commis de
faute.
Pour engager la responsabilité du gardien de la chose, il faut que le dommage soit commis par une
chose, et que cette dernière soit sous sa garde.
L’arrêt JAND’HEUR a posé un principe qui affirme que la responsabilité du gardien était établie du
seul fait que la chose sur laquelle il exerçait ses pouvoirs de gardes a causée un dommage à autrui. Ce
principe évoque la théorie des risques. Il est évident que ce gardien peut s’exonérer par la cause étrangère.
A) LE FAIT DE LA CHOSE :
La Cour de Cassation distingue les cas où la chose est en mouvement, et les cas où la chose est inerte.
Lorsque la chose est en mouvement et que celle-ci est entrée en contact avec la victime (par exemple : une
voiture qui renverse un piéton). Dans ce cas la Cour de Cassation a admit formellement la présomption de la
causalité (par exemple : une bouteille de gaz qui explose et blesse la victime). La Cour de Cassation a décidé
que la victime n’a pas à prouver le rôle actif de la chose, mais seulement l’intervention matérielle de la
chose à l’aboutissement du dommage.
La présomption de causalité dispense la victime d’établir le rôle actif de la chose, mais il s’agit d’une
présomption simple, c’est-à-dire que le gardien peut s’exonérer en établissant soit la cause étrangère, soit le
rôle passif de la chose (le rôle normal de la chose).
La chose en mouvement qui cause le dommage. Dans ce cas, la victime doit établir la présomption
matérielle de la chose. Le gardien ne peut que prouver l’intervention d’une force majeure et le rôle
passif de la chose.
Dans ce cadre, il est fréquent qu’une chose soit l’occasion d’un dommage bien que cette chose soit sans
mouvement. L’absence de mouvement n’exclut pas le fait de la chose (par exemple : un passant percute une
vitrine et se blesse). Le problème qui s’est posé pour la Cour de Cassation était de savoir quelle est la cause de
dommage, est-ce le fait de la chose purement inerte ? Ou bien l’inattention de la victime ? (par exemple : une
personne se jette sur une voiture et se casse une jambe, une chaise qui se trouve dans l’enceinte de la gare, un
passager pressé trébuche sur la chaise).
54
La Cour de Cassation a affirmé étant donné que la victime a établie que la chose était le fait du
dommage, la responsabilité du fait des choses peut être appliquée sur la base de l’article 1384, en prévoyant
qu’une chose inerte pouvait également engendrer une responsabilité du fait des choses. Dans cette hypothèse,
le fait de la chose inerte est considéré comme opposable à condition que la victime prouve le comportement
anormal de la chose, son rôle actif. Cette preuve du comportement de la chose est également exigée lorsque la
chose n’est pas entrée en contact avec le siège du dommage.
- Le rôle actif de la chose : la chose s’est comportée anormalement, ce comportement doit être
prouvé par la victime lorsque la chose est inerte. Le rôle actif est présumé lorsqu’il y a eu le
mouvement de la chose + le contact.
- La chose inerte lorsqu’il n’y a pas eu de dommage, la victime doit prouver le fait de la chose et son
anormalité.
Après avoir démontré l’existence de la chose, il convient de vérifier que la chose ait bien été à l’origine du
dommage. C’est-à-dire, avoir eu un rôle causal dans la survenance du dommage.
Il faut prouver le lien de causalité entre la chose et le dommage.
55
B) LA GARDE DE LA CHOSE :
1) La notion de garde :
Cette notion est formulée exclusivement aussi bien par l’article 1384 du Code Civil français que par
l’article 88 du DOC. Il s’agit d’une notion clé qui lie la responsabilité de plein droit à un certain pouvoir sur la
chose. Les pouvoirs qui caractérisent la garde ont été source d’hésitations de la part de la jurisprudence et la
doctrine française. Selon certaines décisions, la responsabilité du fait des choses est une responsabilité
objective qui est directement liée à l’assurance. Le gardien responsable sera celui qui est le plus apte à prendre
une assurance, il s’agit de plus souvent du propriétaire de la chose. En revanche, d’autres décisions restent
attachées à une conception subjective, c’est-à-dire au système de la faute. Il sera donc considéré comme
gardien, la personne qui avait au moment du dommage, la possibilité d’empêcher celui-ci (par exemple : dans
l’hypothèse d’une voiture volée, l’accident causé par le voleur qui provoque un accident. Le problème s’est posé
de savoir s’il fallait poursuivre le propriétaire de la voiture, ce qui permettra à la victime d’obtenir
l’indemnisation par le biais de l’assurance. Si on a voulu retenir la responsabilité du propriétaire, on a su que la
victime va être indemnisée, ou alors fallait-il considérer le voleur comme le seul gardien, ce qui priverait dans la
majorité des cas, les victimes de l’indemnisation, puisque le voleur est souvent non identifié ou insolvable). Il
s’agit d’une controverse entre la garde juridique qui fait peser la responsabilité sur le propriétaire, et les
partisans de la garde matérielle, qui subordonnent la qualité de gardien à l’exercice effectif des pouvoirs sur la
chose au moment du dommage
Cour de Cassation, Chambre réunies, l’arrêt FRANCK du 2 décembre 1941 : Cet arrêt est venu mettre
fin à la controverse entre la garde matérielle et juridique. Il a construit une définition de la garde, consacrée
toujours par la jurisprudence « est considéré comme gardien, la personne qui au moment de la réalisation
du dommage exerçait en toute indépendance un pouvoir d’usage, de direction, et de contrôle de la chose ».
Par cette définition, la Cour de Cassation a adoptée la garde matérielle de la chose en considérant qu’une
personne privée de ses trois attributs {usage, direction, contrôle) d’un véhicule du fait du vol, a été considéré
comme avoir perdu la garde de cette chose.
La définition de la garde, d’après l’arrêt FRANCK implique également qu’un préposé ne peut être gardien,
puisqu’il n’exerce pas un pouvoir autonome tant qu’il exerce la chose dans sa mission. A partir du moment où il
abuse de sa fonction, il devient gardien de la chose.
2) La détermination du gardien :
En pratique, la désignation du gardien ne soulève aucun problème lorsque la chose était soumise au
pouvoir effectif de son propriétaire lors du dommage. Dans ce cas, il est en effet présumé gardien de la chose
(lorsque la chose au moment de la réalisation du dommage est sous la possession de son propriétaire). Cette
présomption est simple, c’est-à-dire susceptible de preuve contraire.
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3) La garde commune :
Le fait qu’une chose peut être sous la direction de plusieurs personnes. La jurisprudence a décidé que
lorsque plusieurs individus exercent à l’égard d’une même chose des pouvoirs identiques d’usage de contrôle
et de direction. Ils peuvent exceptionnellement être considérés comme co-gardien. Toutefois, la Cour de
Cassation a insisté sur le fait qu’il n’y ait pas de hiérarchie (par exemple : les joueurs d’un match de football sont
considérés comme co-gardiens du ballon). Il ne doit pas exister d’hiérarchie entre les différents gardiens. Dans
le cas où il y a une hiérarchie, seule la personne qui exerce le pouvoir dominant de direction sur la chose est
considérée comme gardien (arrêt de la 2ème chambre civile, du 8 mars 1995, JCP deuxième partie chronique
22499). Cet arrêt a désigné comme gardien d’un bateau, et a refusé cette qualité aux coéquipiers, mais la
jurisprudence récente semble mettre en parenthèse la notion de garde commune. Ainsi, par exemple, lorsque
l’activité pratiquée permet au juge d’identifier la personne exerçant la garde au moment du dommage, celle-ci
lui est attribuée même si elle n’était exercée que temporairement (par exemple : dans un match de baseball
improvisé, la qualité de gardien est attribuée successivement à chaque joueur qui touche la balle en dernier
{arrêt du 22 mars 2002}).
Arrêt du 20 novembre 1968 : La deuxième chambre civile refuse d’indemniser un joueur de tennis
blessé par la balle, car il est déclaré co-gardien de la balle.
Cette garde commune permet d’engager une responsabilité in solidium, et permet donc d’augmenter les
chances d’indemnisation pour la victime puisqu’il peut se retourner vers l’un ou l’autre gardien. Toutefois,
cette garde commune peut entraîner la non indemnisation de la victime au cas où cette dernière est également
gardienne à son tour (par exemple : une balle qui heurte un joueur, c’est seulement un cas qui constitue une
certaine exception).
En général, la garde commune est fondée sur la responsabilité des co-gardiens. La décision de la Cour de
Cassation est fondée sur l’incompatibilité de la qualité de victime et du gardien.
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SECTION 3 : LES REGIMES SPECIAUX REGISSANT LA RESPONSABILITE DU FAIT
DES ANIMAUX ET DES BATIMENTS EN RUINE (Article 86, 87, 88, 89 du DOC).
Juridiquement l’animal est considéré comme une chose, l’article 86 du DOC régit le cas des animaux
domestique, et l’article suivant, 87 du DOC concerne les animaux sauvages.
Normalement, tout animal, quelle que soit sa nature zoologique relève du champ d’application des
articles 86, 87 du DOC. La seule condition qui se pose, c’est qu’il faut que l’animal soit approprié (la preuve
dans l’article 87 du DOC n’est pas cumulative, on trouve dans l’article « les animaux sauvages ou non
sauvages » et non « les animaux sauvages et non sauvages ».
L’animal sauvage est par définition dépourvu de gardien, et ne peut engager la responsabilité de
personne.
L’animal égaré ou échappé reste sous la responsabilité de son propriétaire (article 86, al 1). Il faut que
cet animal ait causé un dommage à autrui, et qu’il y ait un lien de causalité entre le dommage et le fait pour
pouvoir engager la responsabilité du propriétaire.
Le régime de cette responsabilité est fondé sur une présomption de faute simple. Le responsable du
préjudice devait donc s’exonérer en établissant qu’il y a eu une force majeure, un cas fortuit, ou le fait de la
victime (par exemple : les ruches d’abeilles qui existent sur un fond appartiennent au propriétaire du fond, et il
en est responsable ; une installation d’élevage d’animaux installée dans un fond, le propriétaire en est
responsable).
Cette responsabilité est réglementée par l’article 89 du DOC. Cet article vise les dommages causés par
l’écroulement ou la ruine. La jurisprudence a définie la notion de bâtiments, ces derniers signifient « tout
édifice ou toute autre construction en matériaux durables élevés par l’homme et fixés au sol ». Donc, ne sont
pas considérés comme bâtiments, les grottes, les souterrains, ainsi que les constructions provisoires sur un
chantier (par exemple : la victime d’une abraque de chantier ne peut agir sur la base de l’article 87 mais sur
l’article 78 du DOC).
La ruine du bâtiment doit provenir d’un défaut d’entretien, ou d’un vice de construction, en effet le
défaut d’entretien est apprécié librement par des juges du fond.
L’article 769 du DOC qui tient la responsabilité de l’architecte ou l’ingénieur et l’entrepreneur, et l’article
89 qui prévoit la responsabilité du propriétaire d’un édifice ou autre construction. Ces derniers sont chargés en
cas de vice de construction à faire face à la responsabilité édictée par l’article 769 du DOC (l’ingénieur ou
l’architecte et l’entrepreneur sont responsables dans les dix années à partir de l’achèvement de l’édifice lorsqu’il
y a défaillance établit par le maître d’ouvrage ; la responsabilité du fait bâtiments est une charge de propriété
puisqu’il est responsable de la chose ; litige sur la responsabilité : la responsabilité incombe soit au possesseur
actuel, soit au propriétaire. La jurisprudence a retenue la responsabilité sur celui qui est chargé de l’entretien du
bâtiment).
58
PARTIE II : LA REPARATION DU DOMMAGE.
La réparation du dommage vise à l’indemnisation des victimes, c’est-à-dire la compensation des
dégâts subis. Cette indemnisation rétablie l’équilibre qui a été rompue par la survenance d’une perturbation.
Donc l’indemnisation a pour but de remettre les choses en état normale.
Un dommage subi peut être réparé soit à l’amiable soit par voie judiciaire. Dans le dernier cas, le juge
va essayer d’établit l’existence de la responsabilité, ensuite il va être amené à mesurer l’étendu de cette
responsabilité.
Cette remise des choses en état se fait par le biais de la réparation en nature, à défaut de celle-ci, on se
contentera d’une réparation par équivalent, c’est-à-dire le versement d’une indemnité à titre de dommages-
intérêts.
SECTION 1 : DEFINITION.
Une réparation en nature signifie remettre matériellement les choses en état ou se trouvaient avant le
dommage (par exemple : la démolition d’un mur). Cette réparation en nature trouve son terrain d’élection en
matière de trouble de voisinage.
La réparation peut être convenue par un accord entre l’auteur du dommage et la victime qui a subit un
préjudice. Si aucun accord n’est réalisé, la question est soumise au juge qui apprécie souverainement la
possibilité et l’opportunité d’une réparation en nature. Par ailleurs, cette liberté d’appréciation du juge
rencontre certaines limites.
Cette disposition de l’article 261 du DOC, édicte que l’obligation de faire ou de ne pas faire se résout en
Dommages-intérêts en cas d’inexécution. Ce texte semble imposer la réparation en Dommages-Intérêts dans
une grande majorité de cas. En effet, la plupart des obligations entrent dans cette catégorie. Selon la doctrine
classique française cette disposition a pour but de respecter les libertés individuelles et le juge civil n’a pas le
pouvoir d’imposer directement aux particuliers un acte ou une abstention. Le seul moyen de pression
consisterait à condamner le responsable à des dommages-intérêts {nul ne peut être contraint d’exécuter un
acte} l’obligation de faire ou de ne pas faire rentre dans la sphère de la vie privée, et le juge n’a pas le droit
d’imposer à une personne de faire ou de ne pas faire.
59
Cette conception a été l’objet de critique, puisqu’on a reproché de donner le choix au débiteur de son
obligation. Seulement il y a certaines limites, la réparation en dommage-intérêts ne doit être imposée que dans
le cas où : « une contrainte directe ou indirecte à l’exécution par nature se heurtait à une impossibilité morale
ou matérielle ». La réparation pécuniaire ne concernait que des obligations personnelles. Cette interprétation
semble en harmonie avec l’article 261, al 2 du DOC.
Exemples :
- La participation personnelle du débiteur : la réparation dans ce cas ne se ferait pas par nature mais par
le biais de dommages-intérêts.
- La responsabilité résultante du refus d’un artiste ou d’un auteur d’exécuter une œuvre de l’esprit, ou
encore un professeur de donner un cours. Il s’agit de tous les contrats relatifs à l’esprit et aux activités
artistiques. Ils sont considérés comme des obligations personnelles. (Un arrêt de la Cour de Cassation
a refusé de contraindre un peintre de peindre un tableau qu’on lui a commandé. Idem pour un
comédien qui a refusé de faire son spectacle à la dernière minute).
Impossibilité matérielle :
Celle-ci tient parfois de la nature du dommage. Il en est ainsi par exemple, en matière de dommage
temporel, on ne pourrait pas réparer la perte d’un organe humain (l’ablation du rein du responsable). De
même, lorsque le préjudice consiste en la perte d’un corps certain qui devait être livré.
Impossibilité juridique :
Elle résulterait du respecte des prérogatives des puissances publiques (par exemple : le juge civil ne peut
pas ordonner la fermeture d’un établissement dont l’exploitation a causé un trouble aux tiers, si cet
établissement a été autorisé par l’administration en vertu du principe de séparation des pouvoirs).
Toute forme de réparation autre que pécuniaire peut-être considérée comme une réparation en nature.
Il existe divers procédés. Premièrement, on peut parler de la reconstitution de l’état des choses antérieures au
dommage. Deuxièmement, affirmation publique des droits de la victime de certains dommages, et des mesures
tendant à faire cesser le dommage.
La reconstitution de situation matérielle est possible en cas d’un dommage causé à un bien matériel par
la restauration ou le remplacement de l’objet détruit.
60
Exemples :
Cependant, la réparation d’un dommage causé à autrui est souvent lié à l’appréciation du juge qui lui seul a les
prérogatives d’évaluer l’étendue du dommage, et ainsi octroyer des Dommages-Intérêts à la victime.
61
CHAPITRE II : LA REPARATION PECUNIAIRE.
Lorsque le préjudice invoqué par le demandeur est jugé réparable, le tribunal doit procéder à
l’évaluation des Dommages-Intérêts. Cette évaluation doit selon une jurisprudence constante être réalisée au
jour du jugement définitif, et non pas à la date de sa réalisation.
Cette solution présente des avantages pour la victime qui ne subit pas les effets de la dépréciation
monétaire (on prend en considération le montant le jour du jugement). Néanmoins, la réparation des préjudices
est soumise à deux règles importantes :
« On répare tout le préjudice, mais rien que le préjudice ». Cette citation illustre à la perfection le
principe appliqué en droit de la responsabilité civile qui est celui de la réparation intégrale du préjudice. Ce
droit a été rappelé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 juin 2003 où la Haute Cour affirme : « que
l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ». Ce principe découle
implicitement de l’article 1382 du Code Civil français, en ce sens qu’il impose la réparation de tout préjudice
subi. C’est donc par l’avènement du Code Civil français en 1804 que nait un principe général de responsabilité
pour faite distinct de toute notion punitive ou de sanction, visant à effacer tout préjudice subi par la victime.
L’acte de naissance de cette réparation intervient par un arrêt du 28 octobre 1954 où la Cour de Cassation
affirme : « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre
détruit par le dommage et de remplacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte
dommageable ne s’était pas produit ».
Ce principe signifie une équivalence parfaite entre le dommage subi et le montant des dommages et
intérêts alloués. Normalement, doit être réparé tout le préjudice, mais rien que le préjudice. Ainsi, le juge doit
veiller à la réparation intégrale du préjudice.
Le paiement de l’indemnité est destiné à compenser les dommages subis par la victime. Il existe deux
moyens de compensation :
- Allocation de capital.
- Versement d’une somme d’argent périodique.
En effet, la gravité de la faute n’a pas d’influences sur le montant de l’indemnité. En revanche, plusieurs
dispositions du DOC en droit marocain prévoient la responsabilité en présence d’une faute revêtant une
certaine gravité. Par exemple, l’article 232 du DOC retient le critère de gravité de la faute comme fondement
d’une responsabilité à laquelle on ne peut échapper. En effet, la faute lourde ou la faute dolosive rend
inefficace les clauses de non-responsabilité, donc le système de gradation des fautes découle des dispositions
du DOC. Il appartient au tribunal d’évaluer différemment les Dommages-Intérêts selon qu’il s’agisse de la faute
du débiteur ou de son dol. On constate donc que la gravité de la faute en droit marocain peut avoir une
influence sur le montant de la réparation. Cette règle semble heurter le principe de la réparation intégrale du
préjudice.
62
La règle posée par l’article 264 du DOC s’analyse en une aggravation de la responsabilité en présence
d’une faute intentionnelle.
Article 232 du DOC. - : « On ne peut stipuler d’avance qu’on ne sera pas tenu de sa faute lourde ou de
son dol ».
Article 264 du DOC.- : « Les dommages sont la perte effective que le créancier a éprouvée et le gain dont
il a été privé, et qui sont la conséquence directe de l’inexécution de l’obligation. L’appréciation des circonstances
spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du tribunal : il doit évaluer différemment la mesure des
dommages-intérêts, selon qu’il s’agit de la faute du débiteur ou de son dol.
[Les parties contractantes peuvent convenir de dommages-intérêts dus au titre du préjudice que subirait
le créancier en raison de l’inexécution totale ou partielle de l’obligation initiale ou en raison du retard apporté à
son exécution.
Le tribunal peut réduire le montant des dommages-intérêts convenu s’il est excessif ou augmenter sa
valeur s’il est minoré comme il peut réduire le montant des dommages-intérêts convenu compte tenu du profit
que le créancier en aurait retiré du fait de l’exécution partielle de l’obligation.
L’évaluation des dommages matériels est facile en principe. Néanmoins, des difficultés d’application se
sont présentées en matière de détérioration d’un bien usagé. Le problème s’est posé de savoir si l’indemnité
devrait se calculer sur la base du coût de réparation ou en fonction de la valeur de remplacement. La
jurisprudence est hésitante lorsque par exemple, la valeur de remise en état dépasse la valeur de
remplacement. La victime doit accepter le remplacement de la chose. Impossible de réparer la chose puisque le
coût de remplacement excède la valeur de la chose.
b) Le dommage corporel :
Ce dommage soulève des problèmes. Par exemple, quand il s’agit de l’incapacité temporaire de travail
ou démobilisation de la victime, l’évaluation doit être basée sur les preuves rapportée par le salarié. Si on est
devant l’évaluation de l’incapacité permanente, il faut déterminer le taux de cette invalidité.
En général, l’évaluation doit se faire soit en cas d’incapacité temporaire ou permanente. Par
conséquent, la juge doit recourir à l’expertise pour pouvoir évaluer le montant.
La mise en œuvre de cette réparation peut poser des problèmes en matière des dommages
extrapatrimoniaux, puisque ce préjudice ne peut être évalué de manière précise par le juge. Il est en effet
difficile de « doser » les souffrances ou les « impressions psychologiques ». En effet, les sentiments éprouvés
lors d’un événement donné varient d’une personne à l’autre et ne peuvent être réellement évaluées. Dans ces
hypothèses les Dommages-Intérêts jouent un rôle plutôt satisfacteur que compensateur.
63
PARAGRAPHE 2 : LA REVISION DE L’INDEMNISATION.
Après la transaction ou la décision judiciaire, est-ce que la victime peut demander une révision de
l’indemnité ?
La révision de l’indemnité peut être motivée par la modification des éléments intrinsèques du
dommage. Après la transaction ou la décision judiciaire, il se peut que le dommage vienne à se modifier soit
dans le sens d’une diminution soit dans celui d’une aggravation. C’est surtout le cas des accidents corporels
ayant entrainés une incapacité permanente. Lorsqu’il y a amélioration de l’état de la victime, aucune révision
n’est admise dans le sens d’une diminution des droits de la victime. En revanche, en cas d’aggravation de l’état
de la victime, les tribunaux se montrent favorables à la révision. En effet, la jurisprudence considère les
aggravations comme des dommages nouveaux susceptibles de justifier l’allocation d’une indemnité
supplémentaire.
L’évaluation du préjudice étant une question de fait, elle relève du pouvoir souverain du juge. Ces
derniers disposent d’une grande liberté d’appréciation pour fixer le montant de l’indemnité mais la Cour de
Cassation se réserve un certain contrôle (censure de la Cour de Cassation). Les juges ont une large part
d’appréciation, et ils n’ont pas à justifier les moyens d’appréciation puisqu’il n’y a pas un barème pour évaluer
un préjudice.
Cette liberté peut se heurter au contrôle de la Cour de Cassation. La Cour de Cassation va voir si le juge
s’est référé au principe intégral du préjudice. Si le juge à évalué d’une manière in concreto le préjudice.
La Cour de Cassation exige que le juge se fonde sur les critères subjectifs. Beaucoup d’auteurs pensent
que le contrôle de la Cour de Cassation est faible et que cette dernière doit être sévère et montrer une rigueur
vis-à-vis du juge.
64
TITRE II : LES AMENAGEMENTS DU DROIT A REPARATION.
Ces aménagements peuvent émanés soit de la loi soit de la Cour de Cassation.
La plupart des dispositions législatives ayant trait dans l’aménagement visent en effet à limiter l’étendu
de cette dernière (réparation).
Le législateur en droit français peut évaluer lui-même le Dommage-Intérêt dans certains cas (par
exemple : les Dommages-Intérêts en cas de retard dans le paiement d’une somme d’argent).
Certains textes du droit civil français prohibent la réparation du dommage indirect et du dommage
imprévisible. Selon l’article 1150 du Code Civil français seules les suites prévisibles de l’inexécution du contrat
peuvent donner lieu à réparation. Autrement dit, le débiteur ne répond pas des suites imprévisibles de
l’inexécution.
L’article 1151 du Code Civil français, selon lequel le dommage indirect n’est pas pris en considération. Il
s’agirait là de la conséquence de l’exigence du lien de causalité entre le fait générateur et la faute. Ces deux
articles n’existent pas en droit marocain. Le texte comporte des exceptions importantes puisqu’il précise qu’en
cas du dol, la victime peut réclamer à l’auteur de la faute dolosive la réparation de tout le dommage, même si
celui qui était imprévisible lors de la conclusion du contrat. Cette règle est posée par l’article 1150 permet de
limiter dans certains cas l’indemnisation du dommage, et n’a pas son équivalent en DOC.
Le législateur intervient dans certaines hypothèses dans l’évaluation des Dommages et Intérêts en fixant
un plafond que le juge ne peut pas déplacer. Le plafonnement a pour objet de faciliter l’évaluation des risques
en matière de responsabilité civile afin de permettre une couverture par le biais de l’assurance sans laquelle
l’équilibre financier d’un débiteur pourrait être compromis dus au seul au seul sinistre (par exemple : en
matière de transport aérien et maritime {notamment le traité international, signé à Varsovie le 12 octobre
1929, qui fixe le régime applicable en matière de responsabilité civile des transporteurs aériens à l’égard de
certains dommages spécifiques}).
[La Convention de Varsovie avait fixé des plafonds qui ne jouaient pas en cas de faute inexcusable. La
Convention de Montréal a supprimé tous les plafonds dans les transports de passagers et ne fait plus référence
à la faute inexcusable dans les transports de marchandise. La convention de Varsovie régit la responsabilité du
transporteur aérien, pour les dommages causés aux passagers s'ils sont survenus à bord de l'aéronef ou au
cours des opérations d'embarquement ou de débarquement. Le transporteur aérien est tenu d'une obligation
de sécurité de résultat vis-à-vis de ses passagers en ce qui concerne le vol proprement dit. Le transporteur
aérien est tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses passagers en ce qui concerne, outre le
vol proprement dit, les opérations d'embarquement et de débarquement. Il est tenu à l'égard des passagers
d'une obligation de sécurité de moyens dans l'exécution du contrat le liant à ses clients, Cass. civ. 1 15 juillet
1999.]
Ces textes qui délimitent le plafonnement de droit à réparation visent aussi les victimes par ricochet.
65
SECTION 2 : L’EVALUATION DES DOMMAGES ET INTERETS EN CAS DE RETARD.
Les articles 1153, 1154, 1155 du Code Civil français comportent deux mesures :
Les parties à un contrat ont la possibilité d’organiser la responsabilité contractuelle. Ils peuvent en effet
alléger voire supprimer les effets de la responsabilité par le biais des clauses limitatives ou exclusives de
responsabilité (Section 1). Les parties peuvent également aménager la responsabilité par le biais des clauses
pénales (Section 2) qui permettent au contractant de prévoir à l’avance le montant éventuel de Dommages et
Intérêts.
Le principe fondamental est que toute personne doit honorer ses engagements. « Le contrat est la loi
des parties, non parce que la loi l’estime utile ou juste, jusqu’à ce qu’elle décide le contraire ». Ainsi, le contrat
a une force obligatoire et pourtant il y a la liberté de contracter, de même la loi a autorisé les parties à insérer
des clauses dans un contrat (validité des clauses). Le principe de liberté contractuelle permet d’aménager le
contrat pour limiter l’étendue de la responsabilité en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution des
obligations nées du contrat. Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ne sont valables que si
elles ne portent pas sur une obligation essentielle du contrat.
L’insertion d’une clause limitative ou exonératoire de responsabilité dans un document contractuel offre
une solution intéressante en termes de sécurité juridique et financière. Elle s’inscrit dans une approche
d’anticipation des conflits et des contentieux.
- La clause exonératoire de responsabilité a pour objet d’exonérer à l’avance une personne de toute
responsabilité pour un dommage déterminé.
- La clause limitative de responsabilité a pour objet de limiter par avance le montant de dommages et
intérêts. Elle est soumise au même régime que les clauses de non-responsabilité.
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- En matière de contrat du travail, les parties par exemple ne peuvent pas à l’avance supprimer la
responsabilité qui sera encourue en cas de rupture abusive (l’article 751 du DOC refuse toute
clause).
- En ce qui concerne les textes d’ordre public (transport de marchandises, transport aérien,
responsabilité du fait des produits défectueux…)
- Dans les rapports avec les consommateurs (une clause entre l’hôtelier et le client ; article 543 du
DOC).
- En cas de faute lourde ou dolosive (Article 232 du DOC).
- En matière extracontractuelle ou délictuelle.
- En matière de vices cachés pour ce qui concerne les contrats de vente, sauf entre professionnels
de même spécialité.
La jurisprudence a interdit ces clauses. L’annulation de ces clauses a été souvent justifiée par les
tribunaux par la notion d’ordre public. Cette notion est plus étendue en matière contractuelle que délictuelle.
Par contre, dans certains arrêts, ces clauses ont été animés par la notion d’ordre public (par exemple : la
responsabilité d’un vendeur professionnel écartée par un vice caché de la chose).
C’est un moyen de pression pour inciter le débiteur à exécuter ses obligations. Les clauses pénales
permettent aux parties de prévoir d’avance le montant éventuel des Dommages et Intérêts que l’auteur du
dommage doit payer.
La validité de ces clauses est affirmée en droit français par l’article 1152. Cet article a été complété par
la loi du 9 juillet 1975 qui confère désormais aux juges le pouvoir de modérer ou augmenter la somme
convenue si celle-ci est manifestement excessive ou dérisoire.
Le DOC n’a consacré la clause pénale qu’en 1995 mais en pratique les contractants ont fait usage de
cette clause (par exemple : dans les pénalités de contrat de livraison de biens ; contrats de construction).
L’article 64 du DOC reconnait au tribunal la possibilité de réduire le montant s’il est jugé excessif ou dérisoire.
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