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LES SOURCES
DU DROIT INTERNATIONAL
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PREMIERE PARTIE
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LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL
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Titre I
Les traités et accords internationaux
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Chapitre 1 : Notions générales
SECTION I : DEFINITIONS
Un traité, au sens large, est « un accord de volonté entre sujets de droit interna-
tional et soumis au droit international ». Quelle que soit la formulation donnée en
doctrine c'est cette idée qui est fondamentale.
1. Cette définition que l'on retouve exprimée en termes à peu près identiques dans
la doctrine contemporaine (ainsi en France chez Charles Rousseau, Paul Reuter,
Suzanne Bastid et dans les manuels plus récents) est aussi celle retenue, pour les
traités inter-étatiques, par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités
(art. 2, al. 1 a)) :
On notera que ni la forme de l'accord ni son appellation officielle ne sont des cri-
tères de qualification. On relèvera aussi que la Convention de Vienne, pas plus que
la Charte des Nations Unies, n'interdit pas la conclusion de traité « oral »
(Convention de Vienne, art. 3) ; mais, à l'époque contemporaine, il s'agit d'une
forme d'engagement qui est vraisemblablement très rare (à supposer que les parties
fassent connaître l'existence de leur engagement non écrit) et qui, à notre avis,
s'apparenterait à la technique des traités dits « secrets », lesquels ne sont toujours
pas interdits en droit positif {cf. infra).
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NOTIONS GÉNÉRALES
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LES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
divisio, a perdu de son prestige parce que très critiquée par une partie de la doctrine
contemporaine. Il n'empêche que le juge international l'utilise à l'occasion, en
matière d'interprétation des traités notamment. Elle nous semble par ailleurs
retrouver vie sous un autre nom.
2. Depuis la création de l'ONU, deux nouvelles classifications ont fait leur appari-
tion. La multiplication des organisations internationales intergouvernementales a
engendré naturellement la distinction entre traités inter-étatiques et traités conclus
par les organisations internationales (avec un État ou entre elles) qui retentit sur le
mode de conclusion. Plus subtile et plus politique apparaît la distinction, pas encore
bien reçue mais manifestement en gestation, entre traité multilatéral général et
traité multilatéral restreint. Dans le premier cas le traité, qui a par définition effet
erga omnes, devient une véritable « loi internationale » (traité-loi), expression de la
norme internationale de référence. Dans le second cas le traité multilatéral n'a effet
que pour les parties contractantes. Si l'évolution confirme cette classification, on
peut s'attendre à des novations dans le droit classique des traités.
Même si elles ne sont pas scientifiquement toujours satisfaisantes, ces classifi-
cations sont utiles pour la compréhension des mécanismes qui sous-tendent les rap-
ports internationaux.
Dans l'exercice de leur souveraineté, les États sont libres de déterminer, par la
constitution ou la loi, les procédures par lesquelles ils décideront leur engagement
international vis-à-vis d'autres États ou organisations internationales. Le droit
interne est ici déterminant. D'où cette impression d'extrême variété, voire de
désordre mais aussi de vitalité, qui caractérisait jusqu'ici le droit des traités dont les
premiers rudiments sérieux remontent aux fondateurs (xvie et XVIIe siècle) du Droit
des Gens (Vitoria, Suarez, Grotius).
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NOTIONS GENERALES
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Chapitre 2 : La conclusion des traités
La distinction, qui concerne aussi bien les traités bilatéraux que les traités multi-
latéraux, repose sur un critère précis : le point de départ de l'effet juridique se situe
dès la signature pour l'accord en forme simplifiée mais seulement à partir de la rati-
fication pour le traité en forme solennelle.
1. La procédure solennelle classique, qui est la règle pour les catégories de traités
considérés comme importants, comporte trois phases successives : négociation,
signature et ratification.
a) La négociation est la phase diplomatique conduite, selon le cas, par le
Ministre des affaires étrangères (voir le chef du gouvernement ou de l'État) ou par
les agents diplomatiques (ambassadeurs) et autres missions spéciales. Les plénipo-
tentiaires procèdent normalement à une formalité substantielle appelée « échange
des pleins pouvoirs » destinée à attester leur représentativité. Selon la jurispru-
dence internationale il n'est pas nécessaire que deux États aient « épuisé les négo-
ciations » pour soumettre un différend à la Cour. La négociation qui réussit aboutit
à la rédaction d'un projet de traité.
b) La signature du projet par les Hautes Parties contractantes (c'est la formule
classique), parfois précédée dans le temps du paraphe des plénipotentiaires,
confirme leur consentement à mener à terme la conclusion du traité. C'est plus
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LA CONCLUSION DES TRAITES
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LES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
la Constitution française de 1958, qui est repris par la plupart des Etats africains
francophones, énumère-t-il (de façon plus ou moins précise) plusieurs catégories
de traités qui doivent être ratifiés ou approuvés ; tout le reste, a contrario, étant sus-
ceptible de faire l'objet d'accords en forme simplifiée, même si l'expression ne
figure pas expressément dans le texte constitutionnel français.
Deuxième observation qui est une question : quel est le pourcentage d'accords
en forme simplifiée conclus chaque année par un Etat ? La réponse peut être un bon
indicateur de la qualité du système politique.
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LA CONCLUSION DES TRAITES
3. Quant à la ratification, maintenue telle quelle pour les traités inter-étatiques, elle
connaît des transformations lorsqu'il s'agit de traités multilatéraux concernant des
organisations internationales. Les procédures d'approbation et/ou d'acceptation
par l'organisation internationale (encore faut-il savoir quel est l'organe de l'orga-
nisation qui détient ce pouvoir) se substituent à la ratification classique. Il arrive
aussi que cette procédure soit supprimée au profit d'une introduction immédiate
dans l'ordre interne du projet de traité adopté par l'organisation. Cette technique
juridique audacieuse, qui préserve néanmoins les droits légitimes des États minori-
taires membres de l'organisation, est celle de l'Organisation internationale du
Travail (OIT), imitée ensuite par d'autres institutions spécialisées de l'ONU : les
États membres de l'OIT s'engagent à transformer immédiatement en droit interne
les projets de traités adoptés par la Conférence de l'OIT et connus sous le nom de
« Conventions internationales du Travail ». Il s'agit là de novations intéressantes
dans des domaines d'action onusiens spécialisés.
S'agissant des traités ou accords internationaux, bi ou multilatéraux, la Charte
des Nations Unies impose deux règles qui sont à la jonction de la conclusion et de
l'application des traités. Il faut les rappeler : la règle de l'enregistrement de ces
traités au Secrétariat de l'ONU afin d'en assurer la publicité et l'opposabilité aux
États tiers (art. 102) ; et la règle de la suprématie du droit des Nations Unies sur le
droit des États Membres (art. 103). Ce qui devrait aider, en toute bonne foi, à clari-
fier le jeu des rapports internationaux.
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LES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
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LA CONCLUSION DES TRAITES
3. Les réserves
C'est surtout dans les traités multilatéraux que se pose le problème des réserves
qui a considérablement agité la doctrine dans la première moitié du XXe siècle.
L'émotion est aujourd'hui sensiblement aplanie.
Une réserve est le fait pour un État, généralement par une déclaration unilatérale,
« d'exclure ou de modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans
son application à cet État » (C.V. 1969, art. 2 d)). Elle ne lie que les États qui
n'émettent pas d'objections à la (aux) réserve (s). Il est admis aujourd'hui que les
réserves peuvent être formulées à tous les stades de la procédure de conclusions :
signature, ratification ou approbation, adhésion, sauf à les formuler par écrit très
clairement et éventuellement à les confirmer. Elles peuvent évidemment toujours
être retirées.
Hormis le cas où un traité interdit toute réserve ou ne l'autorise expressément
que pour certaines dispositions, la « permissibilité » des réserves reste très ouverte.
L'idée directrice dégagée par la CIJ (Réserves à la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide, avis consultatif, CIJ. Recueil 1951, p. 15)
et reprise par la Convention de Vienne (art. 19) est que, dans le silence du traité sur
le problème des réserves, celles-ci sont permises sous la seule condition qu'elles ne
soient pas « incompatibles avec l'objet et le but du traité ».
Le souci de diversifier les obligations des États contractants pour tenir compte
des différences et inégalités de situation conduit nécessairement à admettre la pos-
sibilité des réserves, au risque de fractionner le jeu des rapports inter se. Les traités
multilatéraux contemporains, surtout ceux relatifs au droit économique internatio-
nal et au droit du développement, sont souvent assortis de réserves. Il est vrai que
l'abus des réserves peut vider un accord international de son contenu (cf. certaines
réserves dans la déclaration d'acceptation de la compétence contentieuse de la CIJ
jen vertu de l'article 36, alinéa 2, du Statut de la Cour). Mais, contrairement à une
idée reçue, cette hypothèse est rare. Les États cherchent moins à vider l'accord qu'à
adapter leur engagement en fonction de ce qu'ils considèrent comme leurs intérêts
légitimes.
Sans la souplesse du mécanisme des réserves, le succès des traités multilatéraux
serait vraisemblablement très réduit. Or le développement du multilatéralisme
accompagne le développement des relations internationales et le progrès du droit
international.
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LES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
puisqu ' il vise à remettre en cause un engagement international, et il est difficile parce
qu'il touche à la souveraineté des États, à la place du juge dans le système interna-
tional, et à la politique pure et simple. L'expression « traité-chiffon de papier », uti-
lisée à l'occasion par les négateurs du droit international, est significative. De fait, il
peut être tentant pour un État de se délier de ses obligations en invoquant un argu-
ment-prétexte, celui de la nullité. Les régimes autoritaires ne s'en privent pas...
Sans entrer dans les débats doctrinaux, on se limitera à esquisser les contours
juridiques du problème. L'idée générale à prendre en compte et qui renvoie à la
définition de l'accord international est celle-ci : tout accord qui comporte un vice
substantiel de forme ou de fond affectant par conséquent la qualité du consente-
ment exprimé est susceptible d'être frappé de nullité. C'est donc affaire de cas
d'espèce, d'appréciation concrète plus ou moins subjective et, par-dessus tout, de
preuve. La doctrine et la pratique internationales - que la Convention de Vienne
de 1969 s'est efforcée de synthétiser, de clarifier et de moraliser en imposant des
procédures de constatations et de notifications - permettent de distinguer trois
grandes hypothèses pouvant conduire à la nullité d'un traité.
1. L'hypothèse la plus simple est celle du défaut de capacité juridique : l'une des
parties contractantes n'avait pas la compétence de « s'engager » internationale-
ment, soit parce qu'elle n'avait pas la qualité de sujet de droit international, soit
parce qu'elle n'avait pas la capacité de conclure des traités ou encore manquait de
légitimité. Pareille hypothèse, qui a pu se produire à l'époque coloniale où la ques-
tion de sujet de droit international soulevait des doutes et des querelles doctrinales,
semble aujourd'hui une hypothèse d'école, ou en tout cas tout à fait exceptionnelle.
Encore faut-il penser à la nullité invoquée parce qu'il n'y a pas eu échange de
pleins pouvoirs (C.V. 1969, art. 8 et 47) ; ou parce que l'engagement a été contracté
par un gouvernement de fait considéré comme illégitime ; ou, s'agissant de traité
conclu par une organisation internationale, parce que cette organisation a débordé
son domaine spécialisé. L'actualité internationale donne parfois quelque exemple
de prétendue nullité d'un traité sur ce fondement.
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LA CONCLUSION DES TRAITÉS
« à moins que cette violation n'ait été manifeste et ne concerne une régie de (son) droit
interne d'importance fondamentale » (art. 46).
N'est-ce pas précisément le cas d'une ratification ou acceptation irrégulière au regard de
la constitution ? Ambiguïtés ...
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Chapitre 3 : L'application des traités
Tout accord définitivement conclu, quels qu'aient été les modes de conclusion, a
effet juridique et doit recevoir application. Cette idée, simple et logique, se heurte
ou peut se heurter à divers obstacles et difficultés qui tiennent (outre la mauvaise
volonté que l'on écartera par principe) à la technique juridique, aux formes d'État,
ou encore aux différents types de traités.
Dans un ordre logique les principaux problèmes relatifs à l'application des trai-
tés peuvent être présentés en cinq points.
Ces principes qui concernent toutes les catégories de traités ont été dégagés par
la pratique internationale, confirmés en jurisprudence, et sont synthétisés désor-
mais par les conventions de Vienne précitées. On dispose donc, aujourd'hui, d'un
ensemble de règles directives intéressantes qui appellent trois observations princi-
pales.
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L'APPLICATION DES TRAITÉS
3. Parmi les cas particuliers qui soulèvent parfois des difficultés d'appréciation ou
d'interprétation quant au régime juridique applicable, on relèvera sans autre com-
mentaire les suivants : celui de la divisibilité, toujours possible, d'un traité :
l'exemple de l'Acte général de conciliation et d'arbitrage (1929,1949), qui autori-
sait l'adhésion à un seul chapitre ou à l'ensemble du traité est célèbre, mais ce n'est
pas le seul. Celui de Vapplication provisoire, c'est-à-dire dès la signature, d'un
traité conclu en forme solennelle, ce qui peut poser de singuliers problèmes poli-
tiques lors des débats de ratification. L'hypothèse est prévue par la convention de
Vienne de 1969, article 25. Celui de la force juridique des annexes d'un traité,
dont la CIJ a été saisie à l'occasion ; et enfin, celui des traités dits successifs qui
concernent l'application mais aussi la modification des accords internationaux.
Le volontarisme étant la règle dans le droit des traités, les parties contractantes
ont toujours toute latitude - si elles sont d'accord - pour adapter comme elles le
souhaitent l'application des accords qu'elles ont conclus.
Ce fut l'un des tous premiers chapitres consacrés au jus gentium (droit des gens)
dès le xviie siècle, et c'est la synthèse d'une pratique internationale riche mais fluc-
tuante qu'opère la convention de Vienne de 1969, articles 31 à 34. Précisons que les
règles relatives à l'interprétation des traités s'appliquent aussi bien aux autres
normes de droit international, notamment aux résolutions des organisations inter-
nationales. C'est dire que le problème de l'interprétation tient une place détermi-
nante en ce qui concerne les sources du droit international.
Interpréter un texte c'est essayer de déterminer le sens exact d'un mot ou d'une
expression, d'en préciser la portée, et plus largement d'éclairer les points ambigus
ou obscurs d'une disposition. C'est surtout essayer de retrouver ce qu'était, au
départ de la rédaction du texte, la « volonté commune » des parties contractantes.
Interpréter c'est s'en tenir au plus étroit du texte, ce n'est pas le réviser.
L'interprétation d'un traité peut concerner son dispositif, ou les annexes, ou
encore les réserves émises à son endroit. Le domaine de l'interprétation est donc
très vaste. Quoi qu'il en soit, trois questions techniques se posent : qui peut inter-
préter ? Comment ? Et selon quels procédés techniques ?
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LES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
2. Ce qu'on appelle les méthodes d'interprétation sont moins des règles que des
directives, jadis formulées en latin, dégagées par la doctrine et la pratique interna-
tionales, et consacrées par la jurisprudence : principe de l'effet utile, théorie de
l'acte clair, etc. La convention de Vienne de 1969 donne une excellente définition
de la « règle générale d'interprétation » dans l'article 31, premier alinéa :
« Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux
termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. »
48
L'APPLICATION DES TRAITES
d'une interprétation. En bref, tout ce qui peut aider à découvrir l'intention origi-
nelle des parties sera utilisé.
L'interprétation des traités et autres actes juridiques tient donc une grande place
dans les rapports internationaux. On ne s'en étonnera pas. Sans exclure les cas de
mauvaise foi et les « calculs » diplomatiques au moment de la rédaction du traité
(les vrais traités seraient-ils ceux qui, comme l'a écrit Paul Valéry, sont conclus en
arrière-pensées ?), il est évident que la diversité des intérêts et la technicité des pro-
blèmes rendent bien souvent difficile la rédaction d'un traité où chaque mot doit
être, comme dans tout contrat, bien pesé. Exercice encore plus difficile lorsque le
traité est rédigé en plusieurs langues sans version officielle authentique : l'art de la
traduction n'empêchera pas d'aboutir parfois à des formules inconciliables.
La sagesse est alors de s'en tenir au plus près à la règle générale d'interprétation
évoquée ci-dessus.
1. Les dérogations au principe de l'effet relatif des traités sont admises dans la doc-
trine classique et dans la pratique internationale pour certaines catégories de traités
bi ou multilatéraux, ceux qui créent dit-on des « situations objectives », c'est-à-dire
des situations qui par définition s'imposent à tous les États. Ainsi en est-il, dans la
conception traditionnelle, des traités de frontières, des traités créant un statut terri-
torial ou politique internationalisé (ville ou région administrée sous contrôle inter-
national, zone démilitarisée, dénucléarisée), des traités relatifs à certaines commu-
nications maritimes (canaux internationaux).
L'idée sous-jacente au concept de situation objective est celle de la nécessité : à
peine de désordre général pour la communauté internationale il faut décider que de
tels traités, même conclus par deux ou par un petit nombre d'États, s'imposent à
tous, parce qu'ils sont dans l'intérêt de tous (sûreté des frontières ; liberté de navi-
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LES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
gation pour tout pavillon dans les canaux à statut international tels que ceux de
Suez et de Panama). On retrouve cette idée implicite, en ce qui concerne au moins
le maintien de la paix, dans les traités à vocation universelle. Cf. Pacte de la SDN,
article 17 ; Charte de l'ONU, articles 2 alinéa 6, 35 alinéa 2.
L'effet à l'égard des États tiers est soit l'imposition d'une obligation - on parlera
alors de traité à charge -, soit l'octroi d'un avantage ou d'un droit, et il s'agira d'un
traité en faveur de tiers ; la technique de la stipulation pour autrui, tirée du droit
interne, étant l'un des procédés reconnus par le juge international (affaire des Zones
franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, C.PJ.I) pour faire bénéficier le
tiers.
Cette conception classique, d'origine européenne, des dérogations au principe de
l'effet relatif des traités est aujourd'hui remise en cause, ou plutôt réappréhendée,
de deux façons différentes. La convention de Vienne de 1969 admet (art. 34 à 38)
les dérogations précitées mais en précisant qu'une obligation mise à charge d'un
État tiers n'est possible que si celui-ci « accepte par écrit » cette obligation (dans
l'hypothèse d'un bénéfice le consentement est présumé). Ce qui abolit la notion
d'État tiers au sens propre du terme. Il y a là une discordance manifeste entre la
rédaction de Vienne et l'état actuel de la pratique internationale. On comprend aisé-
ment que les États nouveaux cherchent à éviter au maximum l'imposition d'obli-
gations auxquelles ils n'auraient pas consenti. Inversement on relève souvent dans
les accords économiques contemporains s'inscrivant dans les rapports Nord/Sud
des clauses dérogatoires en faveur d'États tiers.
C'est dire que cette question est objet de débats et d'intérêts multiples. Faut-il
pérenniser les solutions classiques ou inventer - et faire accepter - de nouvelles
formules ? Et lesquelles ?
2. D'autres hypothèses qui ne sont pas à proprement parler des dérogations sont à
signaler.
Ainsi le traité multilatéral général, déjà cité, a par nature des effets erga omnes.
De même les traités imposent ou peuvent imposer des obligations-sanctions à des
États tiers considérés comme complices des États vaincus. La convention de
Vienne de 1969 fait implicitement allusion à cette situation dans le cas de l'État
agresseur (art. 75).
Dans le cadre des relations internationales normales la « clause de la nation la
plus favorisée » est un procédé d'extension des obligations original et très utilisé à
l'époque contemporaine : accords commerciaux, traités de navigation, conventions
d'établissement. L'idée en est simple : par cette clause deux États s'engagent à se
faire bénéficier mutuellement des avantages que l'un ou l'autre viendrait à accor-
der ultérieurement à un État tiers.
En réalité cette clause (qui serait apparue pour la première fois dans un traité de
commerce Grande-Bretagne/Portugal en 1642) comporte de nombreuses variantes
techniques qui nuancent ses effets pratiques ; sa combinaison et conciliation avec
des règles de non-discrimination prévues par le traité font problème. D'où les
débats doctrinaux sur ce thème, notamment en droit international du développe-
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L'APPLICATION DES TRAITES
ment. Enfin la clause comporte des enjeux politiques très précis lorsqu'un État sol-
licite le bénéfice de cette clause et que l'autre en subordonne l'octroi à des critères
politiques. À la limite elle peut refléter un phénomène de domination. Cela s'est
vérifié en particulier dans certains accords commerciaux bilatéraux États-
Unis/ex URSS, et États-Unis/Chine communiste.
1. Les solutions adoptées dépendent en bonne partie de l'analyse des rapports entre
droit international et droit interne qui s'organise autour des écoles dites du dua-
lisme et du monisme {cf. Introduction). Rappelons simplement que le dualisme, qui
affirme non seulement l'égalité mais aussi l'indépendance des deux ordres juri-
diques, exige logiquement des procédures de « réceptions » (interventions d'un
acte interne législatif ou gouvernemental) pour que le traité puisse « passer dans »
l'ordre interne. En revanche le monisme, qui pose l'unité de ces deux ordres juri-
diques avec une certaine hiérarchie des normes - Kelsen ayant brillamment
défendu la thèse de la primauté du droit international -, lève en théorie les obstacles
à l'application immédiate des traités dans l'ordre interne.
2. L'écart entre la théorie et la pratique juridique étant toujours à nuancer (le droit
et le fait !), on ne peut parler en réalité que de tendances au dualisme ou au
monisme. La tendance contemporaine depuis la fin de la deuxième guerre mon-
diale, telle qu'elle se révèle à la lecture des constitutions et à l'analyse de la juris-
prudence interne, est incontestablement orientée vers le monisme, un monisme
disons ... nuancé. Trois observations sur ce point.
La supériorité du traité sur la loi interne ordinaire est volontiers affirmée, mais le
plus fréquemment, moyennant conditions (par ex. la réciprocité, constitution fran-
çaise de 1958, art. 55, et constitutions africaines francophones). À l'occasion le
juge interne a de sa propre initiative « freiné » le processus, ainsi le Conseil d'État
français avant l'arrêt Nicolo de 1989 qui introduit un climat nouveau dans le
monisme à la française. En revanche les rapports de hiérarchie entre constitution et
traité sont généralement beaucoup plus complexes et la doctrine se prononce avec
embarras. Tendance moniste ou plutôt dualiste lorsque la constitution prévoit qu'un
traité qui comporterait une disposition contraire à la constitution ne peut entrer en
application qu'après revision de celle-ci ? ... Les procédures de ratification en 1992
des « accords de Maastricht » par les États concernés, et les polémiques juridico-
politiques qu'elles soulèvent, montrent l'intérêt concret de la question.
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LES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
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L'APPLICATION DES TRAITES
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LES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
l'exécution des sentences arbitrales et des arrêts de la CIJ. Pour ces derniers la
Charte de l'ONU a prévu (art. 94) une procédure prévoyant éventuellement l'inter-
vention du Conseil de sécurité. Le système international contemporain n'organise
pas de procédure générale d'exécution « forcée » des traités et accords internatio-
naux. Leur application reste avant tout tributaire du principe de bonne foi, sanc-
tionné le cas échéant par la mise enjeu de la responsabilité internationale de l'État
qui a manqué à ses obligations contractuelles.
La technique des « traités de garantie », autrefois (xvrae-xixe siècle) assez
répandue sans être toujours efficace, semble condamnée dans la mesure où la
Charte des Nations Unies interdit non seulement le recours à la force mais aussi à
la simple menace de force (art. 2, al. 4). Lorsque deux ou plusieurs États s'engagent
par traité à « garantir l'exécution » d'un traité conclu entre d'autres partenaires ou
à faire respecter un statut international, ils s'engagent par définition à faire pres-
sion, et le cas échéant à intervenir par la force. Ce rôle revient au seul Conseil de
sécurité en cas de menace pour le maintien de la paix (cf. chapitres VI et VII de la
Charte).
À notre avis la technique des traités de garantie - qui est en réalité une technique
de domination de grandes ou moyennes puissances - est aujourd'hui difficilement
utilisable . Encore faut-il la connaître.
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Chapitre 4 : La modification
et la fin des traités
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LES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
1. La lecture des clauses finales d'un traité donne fréquemment l'éventail des
modifications possibles de celui-ci : clauses de suspension ou dites de sauvegarde ;
clauses d'extinction avec éventuellement possibilité de renouvellement exprès ou
tacite pour un traité à durée déterminée, ou clause de résiliation, de dénonciation
unilatérale, de retrait, et clause résolutoire ; clauses enfin d'amendement ou/et de
révision du traité.
Dans tous ces cas où la modification est expressément prévue et organisée la seule
difficulté pratique peut surgir des circonstances concrètes de la mise en œuvre -
conditions de fond ou de procédure (préavis nécessaire ou non par exemple).
2. En revanche la difficulté devient plus sérieuse, surtout dans les traités multilaté-
raux, lorsque le texte ne prévoit pas expressément de clauses de modifications et
qu'une ou plusieurs parties sollicitent telle ou telle adaptation du traité. On peut,
certes, essayer de consulter toutes les parties pour obtenir leur accord à la demande
de modifications ; dans tous les cas il faut rechercher l'intention des parties
contractantes, mais ce n'est pas toujours évident.
D'où les problèmes à l'occasion suscités par certaines situations évoquées en
termes généraux par la convention de Vienne de 1969 : cas des « traités successifs »
(art. 30 et 59) ; ou de la « violation substantielle » du traité par une partie (art. 60),
qui peut aboutir à la suspension ou à l'extinction de l'accord. On peut aussi penser
à la désuétude.
Deux situations donnent lieu souvent à des affrontements et à des contestations
fondées tantôt sur l'exercice d'un droit tantôt sur les motifs invoqués pour écarter
l'obligation conventionnelle née du traité.
La dénonciation unilatérale ou la résiliation unilatérale n'est licite que si elle est
envisagée et organisée par le traité le plus souvent sous réserve de préavis. La
conséquence est le caractère partiel ou total des effets de la dénonciation selon que
l'on envisage soit sa portée dans les relations entre les parties soit son contenu.
En l'absence de dispositions spéciales, le retrait d'une convention multilatérale
est source de difficultés dans la mesure où il est difficile de statuer de manière
péremptoire sur les intentions réelles des parties contractantes. Aussi apparaît-il
nécessaire de procéder à une étude in concreto en fonction de l'intention des par-
ties et de la nature du traité. La convention de Vienne, de son côté, a envisagé un
délai de 12 mois de préavis pour permettre aux parties d'engager des négociations
entre les intéressés. À l'examen, ces dispositions infléchissant la portée du lien
obligationnel répondent plus à des considérations d'opportunité qu'à celui de
l'application de précédents coutumiers concluants.
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LA MODIFICATION ET LA FIN DES TRAITÉS
Peut-on ou faut-il admettre que des traités puissent être frappés de suspension ou
d'extinction suite à des circonstances échappant à la volonté des parties contrac-
tantes, voire contre la volonté de l'une d'elles ?
Cette question, qui se pose à propos des contrats dans tous les systèmes de droit
interne, est encore peu ou mal réglementée en droit international positif. La
convention de Vienne de 1969 propose (art. 61-64) quelques solutions de bon sens
(suspension au plus ou extinction des traités selon le cas) dans l'hypothèse de rup-
ture des relations diplomatiques entre deux Etats ; ou dans l'hypothèse de la « dis-
parition ou destruction définitive d'un objet indispensable à l'exécution du traité » ;
ou dans l'hypothèse de la survenance d'une nouvelle norme imperative de droit
international (jus cogens). Tout ceci n'arrive pas tous les jours...
En revanche, les deux questions « classiques » en ce domaine n'ont toujours pas
de réponse ferme et précise qui permette de bien canaliser le jeu des relations inter-
nationales. C'est tout d'abord la question de l'effet de la guerre sur les traités : en
dehors des traités et accords conclus pour être appliqués précisément, en périodes
de guerre et de conflits armés (conventions de La Haye de 1907 sur le droit de la
guerre et conventions de Genève et autres traités relatifs au droit humanitaire), tous
les autres traités ont un sort qui dépend avant tout de la jurisprudence interne des
États concernés... C'est pourquoi la convention de Vienne de 1969 n'aborde pas la
question, faute de consensus.
Pour l'autre question classique, discutée en doctrine depuis les débuts du Droit des
Gens, la convention de Vienne a le mérite d'apporter au moins un élément de réponse
(art. 62) : un « changement fondamental de circonstances » peut, sous certaines
conditions, justifier la suspension voire l'extinction d'un traité ; mais l'hypothèse,
d'après la rédaction de l'article 62, n'est admise que de façon très restrictive, voire
exceptionnelle. Ainsi cette clause est inopérante pour les hypothèses concernant les
traités de frontière ou l'inexécution fautive du traité par la partie qui l'invoque.
Cette rédaction est la transcription moderne de la célèbre clause « rebus sic stan-
tibus » qui, dans l'histoire des relations internationales, a (trop) souvent servi de
prétexte juridique à des Etats pour tenter de se dégager de leurs obligations juri-
diques en invoquant un (quelconque) changement de circonstances. Dans la doc-
trine contemporaine dominante et la jurisprudence internationale, l'invocation de
la clause rebus sic stantibus par une partie à un traité n'est possible que si le chan-
gement met en péril l'existence ou le développement vital de l'une des parties ou
entraîne une transformation radicale de la partie des obligations qui restent à exé-
cuter. La convention de Vienne écarte tout automatisme des effets et impose un
délai de trois mois de préavis à la charge de la partie qui l'invoque. La conséquence
est soit l'extinction du traité ou le droit de retrait de la partie qui l'invoque soit la
suspension de l'application. L'idée d'une renégociation d'un nouveau traité n'a pas
été retenue dans la convention comme solution de droit, elle reste facultative.
57
LES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
Le problème est beaucoup plus politique que juridique. Les conventions multila-
térales à caractère technique, celles par exemple élaborées dans le cadre des institu-
tions spécialisées de l'ONU (OIT, OACI, OMS, etc.), prévoient, à intervalle régulier
(quatre ou cinq ans), une révision/modernisation dans le cadre de l'Assemblée géné-
rale de l'Organisation, sans que cela fasse grande difficulté : l'évolution technolo-
gique et scientifique conduit en effet à procéder à une nécessaire adaptation du traité.
Il n'en va pas de même pour les traités multilatéraux de nature politique, à carac-
tère civil ou militaire, qui sont le reflet d'enjeux importants, d'équilibres souvent
fragiles et de souverainetés sourcilleuses. Il faut des circonstances particulièrement
graves - fin de la deuxième guerre mondiale, ou bouleversement des relations
internationales consécutif aux événements mondiaux des années 1989-1991 - pour
que la perspective de modifications en profondeur de tels traités puisse être envisa-
gée avec quelque chance de succès.
Tout compte fait il est plus facile de conclure un traité, après de longues et diffi-
ciles négociations, que de le remettre globalement en chantier après coup. Les
divergences d'analyse et d'intérêt sont telles que toute modification d'ensemble
suscite des réticences et des craintes chez les partenaires quant au résultat final.
Cette réticence générale à la révision des grands traités politiques est observable
déjà dans le cadre régional ou continental. Cf. charte de l'OEA, Charte de l'OUA,
traités de la CEE avec l'affaire en cours (1992) de la ratification des accords de
Maastricht. C'est plus net encore en ce qui concerne la révision éventuelle des trai-
tés fondateurs d'organisations internationales à vocation universelle, quelle que
soit la précision de la clause de révision inscrite dans le texte, (article 19 du Pacte
de la Société des Nations et article 109 de la Charte des Nations Unies).
Depuis son adoption en 1945 la Charte de l'ONU a enregistré trois amendements
(cf. art. 108), c'est-à-dire trois modifications ponctuelles d'articles. Mais l'esprit et
la lettre de l'ensemble du texte sont restés jusqu'ici inchangés, on pourrait dire
« intouchables ». Les grandes et moyennes puissances ont préféré, en effet, procé-
der à des tentatives d'interprétations (dynamique ?) du texte plutôt qu'à sa remise
en chantier.
Cet extrait de la « Déclaration commune » signée à Moscou, le 17 octobre 1975,
entre le président français Giscard d'Estaing et le président soviétique M. Brejnev
est révélateur de cette attitude d'extrême circonspection :
« Elles (les parties contractantes) se prononcent contre les tentatives de révision de la
Charte des Nations Unies et considèrent que l'accroissement de l'autorité et de l'effica-
cité de l'Organisation des Nations Unies dans l'intérêt de tous les États Membres doit être
réalisé au moyen d'une utilisation plus complète des grandes possibilités contenues dans
la Charte. » (Le Monde, 20 octobre 1975.)
Il ne semble pas qu'en 1993 l'état d'esprit ait sur ce point beaucoup évolué mal-
gré les appels incantatoires à un « nouvel ordre mondial ».
58
Titre II
Les sources du droit international
autres que les traités
59
Chapitre 1 : La coutume internationale
En droit international comme en droit interne la coutume est une règle de droit
non écrite. Ce qui la distingue radicalement, en théorie, du simple usage et de la
courtoisie internationale qui n'ont rien d'obligatoire.
Trois aspects principaux - qui ont engendré une littérature juridique, doctrinale
et jurisprudentielle considérable et toujours vivante - sont à signaler pour bien sai-
sir cette notion.
60
LA COUTUME INTERNATIONALE
3. Les rapports entre traité et coutume appellent trois observations. En tant que
sources de droit, le traité et la coutume sont en théorie des sources égales, l'un pou-
vant mettre fin à l'autre et inversement ; la pratique internationale offre quelques
exemples plus ou moins précis de cette situation. Dans le domaine de la formation
du droit international les rapports traité/coutume sont étroits : les traités sont des
« précédents » parmi d'autres dans la création de la coutume ; inversement la cou-
tume peut toujours aboutir à la forme écrite du traité de codification. On notera sur-
tout que traité et coutume peuvent être la source d'une « même obligation » pour
les États concernés, les uns étant liés par un traité et les autres par une coutume
générale. Cette situation, évoquée par l'article 38 de la convention de Vienne
de 1969 et la Cour internationale de Justice (affaire du Plateau continental de la
mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969) témoigne de la vigueur persistante du droit cou-
tumier international.
61
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL AUTRES QUE LES TRAITES
II s'agit d'un débat qui dépasse les limites du droit international positif, et qui
s'inscrit toujours comme pour tous les grands débats juridiques dans les termes :
déclin ou renouveau ? On se limitera à deux observations.
62
Chapitre 2 : Les principes généraux de droit
reconnus par les nations civilisées
Cette troisième source citée par l'article 38, paragraphe 1, alinéa c) du Statut de
la CIJ est d'origine récente puisque son introduction officielle coïncide avec la
création de la Cour permanente de Justice internationale en 1920. D'où le caractère
daté de la formule « nations civilisées » : à l'époque elle visait moins les sociétés
coloniales (encore que...) que ce tout nouvel « État de type nouveau » en train de se
former dans les violences de la révolution bolchevique - qui deviendra URSS
en 1924 (jusqu'en décembre 1991) - qui représentait le type même de la nation non
civilisée. Certains voudraient bien aujourd'hui accoler ce qualificatif à un État
convaincu de soutenir le terrorisme international...
Quoi qu'il en soit ce n'est pas l'expression « nations civilisées » qui fait pro-
blème mais bien le concept même de principes généraux de droit. Une ambiguïté
certaine continue de flotter sur le contenu exact de la notion et sur la place de cette
source du droit dans le système international. On ne peut ici qu'y faire allusion.
Rien de plus vague mais aussi rien de plus usité que le mot « principe » en phi-
losophie, en morale, en politique, en diplomatie, et autres domaines scientifiques.
63
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL AUTRES QUE LES TRAITÉS
64
LES PRINCIPES GENERAUX RECONNUS PAR LES NATIONS CIVILISEES
1. La référence à des principes est une constante du droit international et des rela-
tions internationales. Elle parcourt tous les chapitres du droit international public
classique. Elle se développe (quantitativement) encore plus dans les domaines nou-
veaux : droit des organisations internationales, droit transnational, droit commu-
nautaire.
Mais le quantitatif ne fait pas le qualitatif. La question fondamentale demeure :
l'usage du mot principe se réfère-t-il précisément ou non au concept juridique de
l'article 38 ? Tous les arbitrages rendus avant 1920 et utilisant fréquemment le mot
principe n'y mettaient pas nécessairement, et pour cause, un contenu juridique.
Qu'en est-il des arbitrages rendus depuis cette date ? Le flou dans l'usage du
concept ne nous paraît pas levé.
2. Le débat doctrinal sur la place et le rôle des principes généraux de droit comme
source du droit international ne faiblit pas. Il contribue d'ailleurs au progrès du
droit international.
Il convient de relever deux types d'analyses.
a) S'agissant des principes généraux de droit pris en tant que normes internatio-
nales, la coupure doctrinale est nette. Il y a, d'un côté, les « normativistes » dis-
ciples intellectuels de Hans Kelsen qui mettent les principes au sommet de la hié-
rarchie des normes internationales (c/. Pacta sunt servando, jus cogens) ; et, d'un
autre côté, ceux qui n'accordent aux principes qu'un rôle subsidiaire, un rôle de
secours en quelque sorte : à défaut de traité ou de coutume, les principes généraux
seront une source juridique utilisable.
b) S'agissant des principes généraux pris sous l'angle de la formation et du déve-
loppement du droit international, les analyses sont, ici aussi, très partagées, et
aussi très subjectives. Les uns pensent que, tôt ou tard, un principe général de droit,
régulièrement observé, devient inévitablement coutume et, pourquoi pas, transcrit
dans un traité de codification. D'autres, au contraire, estiment (et souhaitent) que
les principes généraux de droit soient ou deviennent le fondement d'un droit inter-
national nouveau, et le vrai critère de la légalité internationale.
C'est sans doute aller trop vite dans la réalisation d'un idéal, d'une belle utopie.
Il n'empêche que l'idée prend corps sérieusement, et qu'elle attend peut-être la
sanction du juge pour provoquer l'ouverture de nouveaux horizons.
65
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL AUTRES QUE LES TRAITES
principes apparaît, d'ailleurs, plus aisé dans le cadre souple de l'arbitrage et, plus
encore, dans un système de droit communautaire.
Cette troisième source officielle de droit international, peu utilisée jusqu'ici à
titre direct il faut bien l'admettre, se trouve à la fois renouvelée et concurrencée par
les résolutions des organisations internationales qui n'hésitent pas, elles aussi, à
proclamer des principes qui se situent au confluent de la morale et du droit interna-
tional, sans pour autant s'inscrire dans le cadre de l'article 38 précité.
66
Chapitre 3 : Les actes
des organisations internationales
Dans quelle mesure les actes des organisations internationales sont-ils une
source directe du droit international ? Cette question ne s'est véritablement posée
en doctrine et en pratique que depuis la fondation de l'ONU. Le fait que l'article 38
du Statut CIJ l'ignore est significatif. La question s'est d'ailleurs développée au
rythme du développement quantitatif et qualitatif des organisations sans qu'une
réponse très sûre, sauf dans quelques cas particuliers, puisse donner pleinement
satisfaction. On reste le plus souvent - et c'est regrettable - dans le domaine de
l'interprétation voire des arrière-pensées où la considération politique et les enjeux
diplomatiques l'emportent sur l'analyse strictement juridique. On ne s'étonnera
donc pas que les controverses soient toujours très vives même si l'on enregistre une
évolution des mentalités en ce qui concerne le poids et la place de ces actes dans les
relations internationales contemporaines.
Pour essayer de bien poser le problème de leur plus ou moins grande « juridi-
cité » on procédera en trois points.
Le mot « résolution » est le terme générique qui désigne l'ensemble des actes des
organisations internationales intergouvernementales, que la doctrine appelle aussi
« actes institutionnels internationaux » ou encore « actes unilatéraux d'organisa-
tions internationales ». Nous nous en tiendrons au mot sobre et classique de réso-
lution, mais en sachant qu'il y a une grande variété de résolutions et qu'il faut
savoir, à l'occasion, faire les distinctions nécessaires.
67
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL AUTRES QUE LES TRAITÉS
SECTION II : LA DISTINCTION
RECOMMANDATION/DÉCISION
DANS LA CHARTE DES NATIONS UNIES
68
LES ACTES DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
responsabilité qui est tributaire des procédures organisées par la Charte ainsi que de
la bonne volonté des États membres du Conseil de sécurité, notamment des Cinq
qui disposent d'un droit de veto. En 1982 - c'était encore l'époque de la guerre
(plus ou moins) froide - le Secrétaire général de l'ONU constatait dans son rapport
annuel « la faillite du système international de sécurité collective »... En 1992, mal-
gré de cinglants échecs (dans l'ex-Yougoslavie), la cote de l'ONU a incontestable-
ment remonté à « l'audimat » international.
Mais la question de la force juridique des résolutions adoptées à l'ONU demeure
à peu près ce qu'elle était à l'origine, depuis 1946 : c'est la distinction entre la
recommandation et la décision.
69
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL AUTRES QUE LES TRAITÉS
mais ce n'était en définitive qu'un avis qui avait le mérite de préciser que : « il faut
soigneusement analyser le libellé d'une résolution du Conseil de sécurité avant de
pouvoir conclure à son effet obligatoire ». En définitive tout devient cas d'espèce...
70
LES ACTES DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
71
Titre III
Vers un élargissement du concept
de « Sources du droit international » ?
Sans être nouvelle cette question est, aujourd'hui, ouvertement posée dans le
milieu international où l'extrême diversité des situations - entre le Nord et le Sud
et à l'intérieur de chacune de ces zones - confère à la règle d'égale souveraineté des
États un caractère de plus en plus symbolique. Le juriste positiviste qui s'en tient
rigoureusement à l'article 38 du Statut de la CIJ et, au plus au chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, trouve en face de lui les critiques ou propositions de
ceux qui souhaitent une application plus équitable et/ou plus adaptée des règles for-
melles qui font le droit international positif du moment, ou du moins de leur inter-
prétation.
SECTION I : L'EQUITE
73
VERS UN ELARGISSEMENT DU CONCEPT...
a priori idéologiques. Toujours est-il que les dispositions de l'article 38, para-
graphe 2, du Statut de la CIJ bénéficient de la double acception équité/equity.
Entre le juriste positiviste qui repousse l'équité au nom de la sécurité des situa-
tions juridiques et l'idéaliste qui milite pour que le droit soit toujours juste (...), il
y a place pour des positions médianes qui accordent au principe d'équité un rôle
correcteur, disons supplétif et plus ou moins quantifiable, de la règle de droit
positif. Il est, somme toute, un moyen fort utile de corriger non seulement la
rigueur mais aussi la rugosité de la règle de droit ; il n'est pas, en soi, une source
de droit.
Il nous semble qu'à l'heure actuelle le débat théorique se situe dans ces limites.
D'autant que l'effacement (on ne dira pas l'effondrement, ce qui serait tirer un trait
sur l'avenir) de l'idéologie marxiste dans les relations internationales ne conforte
pas ou plus les analyses en termes de rapports de forces, d'antagonismes et de
contradictions. Même si les faits sont têtus.
Tout cela confirme que l'idéal d'équité en droit international entretient l'ambi-
guïté du concept sur le plan des sources du droit international.
74
...DE « SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL »
Cela étant il faut bien constater qu'en dehors de l'hypothèse de l'article 38, para-
graphe 2, la référence au concept d'équité relève de la logique de politique juri-
dique dans le cadre du développement progressif du droit international beaucoup
plus que de la réalité politico-juridique contemporaine. Et pourtant l'augmentation
croissante des inégalités dans le monde contemporain, notamment entre pays du
Nord et pays du Sud, n'a jamais autant mis en relief l'exigence d'une plus grande
justice entre les nations.
SECTION II : LA DÉFINITION
DE LA NORME INTERNATIONALE
RIGUEUR ET ÉLASTICITÉ
75
VERS UN ÉLARGISSEMENT DU CONCEPT...
pur et dur qui caractérise normalement les rapports bilatéraux et donne toute sa
rigueur à la norme internationale issue de ce type de traité (cf. supra) n'a plus sa
place dans un système multilatéral (mondial) où il s'agit d'essayer d'harmoniser -
autant que possible et « équitablement » - des intérêts et des situations au départ
très différents. D'où la multiplication des procédures telles que les réserves dans les
traités multilatéraux et autres techniques évoquées ci-dessus. Du coup, il convient,
en chaque cas d'espèce, de distinguer entre obligation de résultat, obligation de
moyen et obligation de comportement. En d'autres termes, il y a des domaines du
droit international contemporain où, par la force des choses et des situations, la
règle de droit devient nécessairement flexible et la réalité internationale interpella-
tion du dogme du positivisme volontariste. C'est, selon la formule connue le
soft law, qui se situe aux frontières du droit proprement dit et du droit en gestation.
En réalité les États contemporains, petits et grands, se trouvent souvent confron-
tés dans l'exercice de leur souveraineté à deux difficultés. L'une consistant à savoir,
à l'occasion d'un différend, quelle est la source de droit international positif appli-
cable. Et l'autre, à dégager si possible le degré de force juridique des différentes
« normes » en situation : du jus cogens ou norme imperative de droit international
au soft law il y a une vaste échelle de valeur qui va du droit au non-droit en passant
par le quasi-droit...
C'est une situation qui ne peut pas satisfaire le juriste positiviste soucieux ajuste
titre de clarté et de rigueur. Mais c'est une situation qui reflète les multiples enjeux
des rapports internationaux contemporains et qui est, sans doute, le signe d'un
« droit international en devenir ».
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