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Choléra

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LES MALADIES TROPICALES (2)

Le diagnostic bactériologique du choléra


Marie-Laure Quilici a,*

RÉSUMÉ SUMMARY
L choléra
Le h lé estt une iinfection
f ti iintestinale
t ti l aiguë
i ë à caractère
tè é épidémique,
idé i
strictement humaine, à l’origine de pandémies et représentant un problème Laboratory diagnosis of cholera
majeur de santé publique. La perte massive de liquide diarrhéique riche Cholera is an acute intestinal infection that is strictly
en électrolytes entraîne une déshydratation importante pouvant provoquer limited to humans. It can cause epidemics and
un état de choc. En l’absence de traitement, le choléra est mortel dans cholera infection has reached pandemic proportions,
25 à 50 % des cas, mais le traitement réduit le taux de mortalité à moins representing a major international public health
de 1 %. L’agent du choléra est une bactérie à Gram négatif, appartenant concern. The massive loss of diarrheal fluid rich in
aux sérogroupes O1 ou O139 de l’espèce Vibrio cholerae. Le rôle du labo- electrolytes, due to the activity of the cholera toxin,
ratoire de bactériologie est très important pour le diagnostic de cas isolés causes dehydration leading to major shock. If left
- cas dits « d’importation » – ou pour le diagnostic des premiers cas d’un untreated, cholera has a 25-50 % mortality rate.
nouveau foyer épidémique. Le diagnostic bactériologique est relativement Treatment reduces the mortality rate to less than
aisé du fait de l’abondance du vibrion cholérique dans les selles. Cepen- 1 %. Cholera is caused by two serogroups (O1 and
dant, les épidémies de choléra surviennent souvent dans des régions où O139) of a Gram-negative bacterium, Vibrio cholerae.
il n’y a pas de laboratoire de microbiologie, alors qu’un diagnostic rapide Bacteriology laboratories are very important for the
et rigoureux est indispensable pour mobiliser les ressources nécessaires diagnosis of isolated cases – generally imported - or
au traitement des malades et maîtriser l’épidémie. Un test de diagnostic for the diagnosis of the first cases of an epidemic.
rapide, qui serait d’une grande utilité pour les pays ne disposant pas des Bacteriological diagnosis of cholera is reasonably
infrastructures nécessaires, est en cours de validation par l’OMS. Son easy, due to the abundance of Vibrio cholerae in stool.
utilisation ne dispensera pas cependant de l’isolement de la souche, indis- Epidemics, however, frequently occur in areas with
pensable à l’étude de caractères d’intérêt épidémiologique. Le suivi des either limited or no laboratory facilities, while rapid and
souches et l’échange d’informations au niveau mondial sont des éléments accurate diagnosis of cholera is essential to mobilize
indispensables à la mise en place d’une surveillance efficace du choléra. the resources needed for treatment of patients and
containment of the epidemic. A rapid diagnostic test,
Vibrion cholérique – manifestations cliniques – enrichissement – isolement – which would be very useful to countries lacking the
identification présomptive – agglutination – sérogroupes O1-0139 – déclaration. necessary infrastructure, is currently being validated
by the WHO. Its use, however, will not remove the need
to isolate the cholera-inducing Vibrio strains, essential
1. Historique et situation actuelle for studying characteristics of epidemiological interest.
Continued monitoring of strains and information-
Le choléra, maladie infectieuse diarrhéique d’origine bac- sharing at the international level are part of an effective
térienne, à caractère épidémique, est connu depuis très cholera surveillance system.
longtemps, comme en témoigne son étymologie la plus
probable qui signifie en grec ancien « écoulement de bile ». Choleragenic vibrio – clinical manifestations –
Ce n’est cependant qu’en 1817 que commença la première enrichment – isolation – presumptive identification –
pandémie cholérique qui envahit l’Asie, le Moyen-Orient agglutination – serogroups 01-0139 – reporting.
et l’Est de l’Afrique et qui dura jusqu’en 1823. Les pandé-
mies qui lui ont succédé, ayant toutes l’Asie comme point
de départ, ont atteint successivement tous les continents la cinquième pandémie (1881-1896) que Robert Koch
en progressant de plus en plus rapidement avec l’amé- démontra, en 1883, le rôle pathogène de la bactérie V.
lioration des moyens de transport [1]. C’est au cours de cholerae (observée sur des coupes anatomiques par Pacini
en 1854) dans le choléra. Cette bactérie fut identifiée
ultérieurement comme appartenant au sérogroupe O1
a Centre national de référence des vibrions et du choléra
et au biotype classique de l’espèce V. cholerae. Nous
Laboratoire des bactéries pathogènes entériques sommes actuellement, depuis 1961, dans la septième
Institut Pasteur pandémie cholérique, due à V. cholerae O1, biotype El Tor.
28, rue du Dr Roux Les souches appartenant à ce biotype, défini sur la base
75724 Paris cedex 15 de quelques caractères phénotypiques, ont été isolées
pour la première fois en 1905 au lazaret de El Tor, dans la
* Correspondance presqu’île du Sinaï. Il fallut cependant attendre 1961 pour
quilici@pasteur.fr qu’elles soient reconnues comme responsables du cho-
léra. C’est pourquoi la septième pandémie cholérique n’a
article reç
reçu le 3 mai,
mai accepté le 24 juin
j in 2010
commencé officiellement qu’en 1961, avec la dissémination
© 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

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en Asie de V. cholerae O1, biotype El Tor. Cette septième orbiculaires des lèvres se crispent, donnant une expression
pandémie a atteint l’Afrique en 1971, l’Amérique latine et de « rire sardonique ». Le visage du cholérique est cya-
l’Amérique centrale en 1991 et Madagascar en 1999, alors nosé d’où l’expression « avoir une peur bleue ». Les autres
que cette île avait été épargnée par ce fléau pendant un conséquences de la déshydratation sont : un pouls rapide
siècle. Alors que la septième pandémie cholérique est loin et filant difficilement prenable, un effondrement de la pres-
d’être terminée, l’apparition en Inde et au Bangladesh, fin sion artérielle, une respiration difficile, un enfoncement des
1992, d’épidémies de choléra provoquées par une souche joues, un pli cutané persistant révélant la déshydratation
différente de la souche responsable de la septième pandé- du tissu cellulaire, une peau couverte d’une sueur froide
mie, et appartenant à un nouveau sérogroupe de l’espèce due à une baisse de la température des extrémités alors
V. cholerae, le sérogroupe O139, fait peser la menace que la température centrale est presque normale (choléra
d’une huitième pandémie. Il semble cependant à ce jour algide), une oligurie évoluant rapidement vers une anurie.
que cette souche reste confinée au continent asiatique. Même lorsque la déshydratation est importante, le malade,
Au début du XXIe siècle, l’évolution du choléra est caracté- prostré, reste lucide, parfois agité et irritable. En l’absence
risée par la persistance d’un grand nombre de pays atteints de traitement, il évolue vers un état de grande faiblesse,
par des épidémies, la persistance pour certains d’entre de léthargie puis la mort survient en 1 à 3 jours, dans 25 à
eux d’épidémies dramatiques, et le risque représenté par 50 % des cas, par collapsus cardiovasculaire. La mortalité
la nouvelle souche de V. cholerae O139 contre laquelle est plus importante chez les enfants, les personnes âgées
V. cholerae O1 n’induit pas de protection croisée. Les deux ainsi que chez les sujets carencés. Cette forme clinique du
continents les plus touchés sont l’Afrique et l’Asie, 94 % du choléra avec état de choc représente classiquement 10 %
total des cas et 98 % des décès étant signalés en Afrique. des cas de choléra au cours d’une épidémie.
Le choléra reste aujourd’hui une maladie grave, aussi bien Le choléra peut aussi se manifester sous la forme d’une
pour l’individu que pour les collectivités, notamment par gastroentérite sévère entraînant une déshydratation impor-
ses conséquences économiques dans les pays en déve- tante (5 à 10 % du poids du corps) mais sans état de choc.
loppement. Comme l’observe chaque année l’Organisation Classiquement, cette forme représente environ 30 % des
mondiale de la santé (OMS), qui publie un état du choléra cas et l’évolution est le plus souvent favorable.
dans le monde à partir des notifications effectuées par les Enfin, dans environ 60 % des cas, le choléra se manifeste
pays, « le nombre de personnes actuellement vulnérables au sous une forme très atténuée, appelée « cholérine », plus
choléra augmente de façon spectaculaire dans l’ensemble difficile à diagnostiquer, et dont l’évolution est plus lente et
du monde, créant les conditions d’un problème majeur à généralement moins grave, la guérison survenant le plus
l’échelon de la planète ». Pour l’année 2008, 56 pays ont souvent spontanément en quelques jours.
officiellement déclaré à l’OMS un total de 190 130 cas et À côté de ces formes cliniques typiques, il existe de rares
5 143 décès [2]. L’OMS « estime toutefois que les chiffres cas de choléra « sidérant » ou « sec » dans lequel une chute
réels sont plus élevés, compte tenu de la sous-notification brutale de la tension entraîne la mort par collapsus alors
et d’autres insuffisances des systèmes de surveillance qu’il n’y a pratiquement pas eu de diarrhée. Dans ces
ainsi que de l’augmentation du nombre de personnes formes d’évolution foudroyante, qui surviennent généra-
vulnérables », et estime à moins de 10 % des cas réels le lement chez les enfants, les sécrétions intestinales restent
nombre de cas officiellement déclarés. Pour illustrer cette confinées dans un intestin grêle et un côlon distendus.
sous-notification, nous citerons l’exemple, qui n’est sans Le choléra résulte de l’absorption, par voie orale, du vibrion
doute pas unique, du Bangladesh où de 100 000 à 600 000 cholérique contaminant l’eau ou les aliments. La dose
personnes sont atteintes de choléra chaque année alors infectieuse, déterminée au cours d’expérimentations sur
qu’aucun cas n’est notifié à l’OMS. des volontaires, est relativement élevée, de l’ordre de 108
à 1011 bactéries, du fait de la sensibilité du vibrion cho-
2. Clinique, physiopathologie lérique à l’acidité gastrique. Cela explique que la dose
infectieuse soit beaucoup plus faible lorsque les vibrions
et modalités de contamination cholériques sont inclus dans des aliments, qui les protè-
gent pendant leur passage dans l’estomac. Il a été montré
Après une incubation de quelques heures à quelques que la neutralisation de l’acidité gastrique par une solution
jours, le choléra se manifeste brutalement par de vio- de bicarbonate de sodium permettait d’abaisser la dose
lentes diarrhées et des vomissements, sans élévation de infectieuse à 104-106 bactéries, et cette méthode est utili-
la température. Les selles, fécaloïdes au début, deviennent sée pour les infections expérimentales réalisées chez des
rapidement aqueuses, couleur eau de riz, avec des flocons volontaires aux États-Unis.
blanchâtres, grains riziformes qui sédimentent et se remet- Après passage dans l’estomac, les vibrions qui ont survécu
tent facilement en suspension. Les selles cholériques ne se fixent au niveau de la partie proximale de l’intestin grêle,
sont jamais sanglantes sauf en cas d’association avec une traversent la couche de mucus et adhèrent aux entérocytes
autre pathologie comme une shigellose. Cette importante grâce à leurs pili. Ils sécrètent alors la toxine cholérique,
fuite d’eau et d’électrolytes entraîne des crampes muscu- principale toxine produite par le vibrion cholérique, compo-
laires très douloureuses ainsi qu’une soif intense impossible sée d’une sous-unité A et de 5 sous-unités B, dont l’action
à calmer du fait des vomissements. Ces crampes et ces va altérer les transports ioniques membranaires, à l’origine
douleurs atteignent les membres inférieurs, les membres de la diarrhée. Ce dérèglement ionique entraîne une perte
supérieurs, les muscles de la face, puis l’abdomen et le massive d’eau et d’électrolytes dans la lumière intesti-
thorax. Les yeux s’enfoncent dans les orbites, les muscles nale, aboutissant à la diarrhée caractéristique du choléra.

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LES MALADIES TROPICALES (2)

Le volume d’eau éliminé peut atteindre 15 à 20 L par jour, ce l’on connaît une nouvelle niche écologique : l’homme [4].
qui explique la gravité de la déshydratation. Le compartiment Il est également possible que la survie des vibrions cho-
extracellulaire est d’abord touché par cette déshydratation, lériques dans l’environnement marin puisse jouer un rôle
avec une diminution des volumes intravasculaires. Ensuite, dans l’entretien des épidémies de choléra. L’existence
l’atteinte du compartiment intracellulaire affecte les fonc- d’un réservoir naturel aquatique de vibrions cholériques
tions cellulaires. Lorsque le volume intravasculaire diminue associés au phytoplancton et zooplancton a été démontrée
de plus de 20 %, l’hypotension et le manque de perfusion au Bangladesh [5]. La période de floraison de ce plancton
des organes vitaux entraînent la mort. dans le golfe du Bengale correspond à une recrudescence
La toxine cholérique ne provoque pas de lésions cel- des cas de choléra dans cette région du monde.
lulaires et peut donc être considérée plus comme une
cytotonine que comme une cytotoxine. Cela explique
que la muqueuse intestinale ne présente pas de lésions 3. Agents responsables
macroscopiques et que le malade, bien réhydraté, gué-
risse sans séquelle. L’élimination naturelle des vibrions Les agents responsables du choléra, appelés vibrions
cholériques, liée à un facteur mécanique, l’abondance de cholériques, sont des bacilles mobiles, Gram négatifs,
la diarrhée, et la mise en place de défenses immunitaires, oxydase positifs, appartenant à la famille des Vibrionaceae
d’abord non spécifiques puis spécifiques, contribuent à et au genre Vibrio. Ce genre bactérien comprend plus de
une possible évolution spontanée vers la guérison. Cepen- 90 espèces, ayant essentiellement pour habitat le milieu
dant, paradoxalement, l’absence de lésions cellulaires marin et, plus particulièrement, les eaux côtières et estua-
et le fait que le vibrion cholérique ne pénètre pas dans riennes. La diversité des espèces du genre Vibrio est à la
les cellules, expliquent que les malades ne présentent mesure de celle du milieu marin. Du point de vue médical,
pas d’élévation de leur température et qu’en consé- il est cependant possible de distinguer 2 populations parmi
quence, leur état de conscience soit maintenu jusqu’à les vibrions pathogènes pour l’homme :
un stade avancé de la maladie. Le maintien de cet état r les vibrions cholériques, responsables du choléra, popu-
de conscience, chez un malade qui se voit littéralement lation constituée de souches appartenant à 2 sérogroupes
mourir, contribue sans doute à la sinistre réputation du – O1 et O139 – de l’espèce V. cholerae. Ces souches se
choléra dans la conscience populaire. sont adaptées à l’homme et possèdent donc 2 niches
La physiopathologie du choléra permet de comprendre écologiques, l’homme et les eaux côtières et estuariennes ;
la transmission des vibrions cholériques. La propagation r les vibrions non cholériques, appartenant d’une part
rapide du choléra dans les populations s’explique par le aux sérogroupes de l’espèce V. cholerae autres que O1
fait que l’homme est d’une part un milieu de culture et ou O139 (V. cholerae non-O1/non-O139), et, d’autre part,
d’autre part un moyen de transport. En effet, les selles à d’autres espèces du genre Vibrio, parmi lesquelles on
diarrhéiques, libérées en grande quantité sous l’action peut citer V. parahaemolyticus et V. vulnificus. L’homme
de la toxine cholérique, vont répandre les vibrions cholé- entre en contact avec ces « vibrions non cholériques » par
riques dans l’environnement ; en l’absence de systèmes l’intermédiaire de la mer ou de ses produits, par ingestion
d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable, ou par contact direct. Ces vibrions non cholériques, qui ne
qui représentent de ce fait un bon marqueur de la pauvreté sont pas spécialement adaptés à l’homme à la différence
et de l’absence d’hygiène d’une population, les vibrions des vibrions cholériques, entraînent des toxi-infections
cholériques sont alors transmis de façon indirecte par alimentaires ou des infections sporadiques, ces dernières
contamination de l’eau et des aliments (péril orofécal) et de pouvant être gravissimes [6].
façon directe par les contacts interhumains. De nombreuses L’isolement d’une souche appartenant à l’espèce V. cholerae
études épidémiologiques réalisées en Asie, en Afrique et ne suffit donc pas pour affirmer que l’on est en présence
en Amérique latine ont démontré le rôle important des d’un cas de choléra. Outre le fait qu’il faut bien entendu tenir
aliments contaminés dans la transmission du choléra et compte du contexte clinique, il faut en effet poursuivre les
notamment des aliments préparés ou conservés dans de investigations par la détermination du sérogroupe (O1 ou
mauvaises conditions d’hygiène, comme ceux préparés O139), et parfois par la recherche des gènes de la toxine
dans la rue [3]. Par ailleurs, pendant la période d’incubation cholérique, avant d’affirmer que l’on a affaire à un vibrion
de la maladie, ou au cours d’un portage asymptomatique, cholérique. Il est donc regrettable que le terme « chole-
l’homme transporte les vibrions cholériques dans son rae », fortement évocateur du choléra, ait été utilisé pour
intestin, sur des distances plus ou moins longues selon désigner une espèce bactérienne qui n’est pas toujours
les moyens de transport utilisés. Des études ont montré responsable de cette maladie.
que le portage de vibrions cholériques pouvait persister Le sérogroupe O est déterminé par la spécificité immunolo-
de 2 semaines à 7 mois chez des convalescents. gique d’un antigène exposé à la surface des bactéries Gram
Les vibrions cholériques possèdent également une deu- négatif, le lipopolysaccharide. Plus de 200 sérogroupes O
xième niche écologique, l’environnement marin. C’est ont été décrits au sein de l’espèce V. cholerae. Parmi les
l’acquisition, par des souches de sérogroupe O1 de l’es- souches de V. cholerae O1, on distingue principalement
pèce V. cholerae – initialement d’origine marine et dont la 2 sérotypes : les sérotypes Ogawa et Inaba. Un troisième
niche écologique est représentée par les eaux côtières et sérotype a été décrit, le sérotype Hikojima, correspondant
estuariennes –, d’une cassette de virulence transmise par à une forme de transition entre les 2 premiers. Les souches
un phage, le phage CTX, qui leur a permis de devenir des de V. cholerae O1 peuvent aussi être classées en biotypes
vibrions cholériques et de conquérir avec le succès que en fonction de caractères phénotypiques et génotypiques

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Tableau I –  : Caractéristiques phénotypiques et génotypiques des biotypes de V. cholerae O1.
Marqueurs phénotypiques Marqueurs génotypiques
1 2 3 4 5 5 6
Biotypes VP PB CCA HEM Phage IV Phage V tcpA ctxB7 rstR8

Classique - S - - (S) (S) Cla Cla Cla

El Tor + (R) + (+) (R) (R) ET ET ET


*Adapté de Safa et al, Trends Microbiol 2009;18:46-54.

S : sensible ; R : résistant ; le symbole ( ) indique des résultats variables.

1. VP : réaction de Voges-Proskauer permettant la mise en évidence de la production d’acétoïne.


2. PB : sensibilité à la polymyxine B, déterminée par la méthode de diffusion en disque sur milieu Mueller-Hinton.
3. CCA : chicken cell agglutination : agglutination des érythrocytes de poulet.
4. HEM : capacité b-hémolytiques de V. cholerae O1 testée sur gélose au sang de mouton.
5. phages IV et V : sensibilité aux bactériophages IV et V de Mukerjee.
6. tcpA : toxin co-regulated pilus (TCP) : récepteur du phage CTXI et facteur de colonisation des cellules intestinales ; sa séquence génomique diffère à
l’extrémité C terminale entre les souches classiques et El Tor.
7. ctxB : sous-unité B de la toxine cholérique ; sa séquence varie selon le biotype par quelques mutations.
8. rstR : répresseur du phage CTXI, dont la séquence varie selon le biotype.

présentés dans le tableau I. Les souches du biotype clas- choléra et doivent être notifiés de la même manière auprès
sique, responsables des 5e et 6e pandémies, ont quasiment des autorités sanitaires compétentes.
disparu, à l’exception d’un foyer dans le golfe du Bengale.
Les souches du biotype El Tor sont responsables de la
7e pandémie. On assiste depuis quelques années à l’émer- 4. Diagnostic
gence, au Bangladesh, et la dissémination, de variants de
V. cholerae O1 biotype El Tor, hybrides entre les souches La prise en charge d’une épidémie de choléra représente
des biotypes classique et El Tor [7]. Ces souches, éga- une urgence de santé publique [12, 13]. Le diagnostic du
lement identifiées dans certains pays d’Afrique de l’Est, choléra est d’abord clinique, mais le rôle du laboratoire de
se révéleraient, d’après des constatations de terrain, plus bactériologie est essentiel pour l’identification de l’agent
virulentes, entraînant un taux de létalité plus élevé. La étiologique de l’épidémie.
dissémination de ces souches dans d’autres parties du
monde [8] a conduit certains auteurs à proposer une révi- 4.1. Diagnostic clinique
sion du schéma de nomenclature actuel des biotypes [9]. « Une diarrhée sévère suivie de vomissements qui tue
V. cholerae O1 a été le seul agent connu du choléra les adultes en quelques heures est presque toujours un
pendant plus d’un siècle, entre 1883 et 1992. L’appari- choléra », disait Lapeyssonnie, médecin militaire exer-
tion d’une nouvelle souche de vibrion cholérique appar- çant en Afrique lors de l’arrivée de la septième pandémie
tenant à un nouveau sérogroupe – O139 – de l’espèce cholérique sur ce continent, en 1970 [14]. Il ne faut donc
V. cholerae représente donc un événement considérable dans pas attendre le résultat du laboratoire pour commencer
l’histoire du choléra. Cette nouvelle souche est identique à le traitement. Il est cependant frappant de constater que,
V. cholerae O1 par les formes cliniques de choléra qu’elle malgré l’aspect typique de la forme clinique majeure du
entraîne, par ses caractères biochimiques et par ses fac- choléra, le diagnostic clinique n’est pas toujours évident,
teurs de virulence, dont le principal est la toxine cholérique. même pour des cliniciens ayant une grande expérience
Cependant, l’immunité induite à la suite d’un contact avec V. de cette maladie. En effet, une étude récente réalisée à
cholerae O1 ne protège pas contre V. cholerae O139, ce qui Dacca, au Bangladesh, dans un hôpital spécialisé dans le
montre que les anticorps dirigés contre la toxine cholérique traitement du choléra et qui reçoit chaque année jusqu’à
ne sont pas protecteurs et ce qui apporte un argument en 100 000 cholériques, a montré que le diagnostic clinique
faveur du rôle protecteur des anticorps dirigés contre le (spécificité, sensibilité) n’était exact que dans 79 % des cas.
lipopolysaccharide. Des travaux de génétique bactérienne
ont montré que V. cholerae O139 résulte d’un transfert de 4.2. Diagnostic bactériologique
matériel génétique d’une souche de V. cholerae non-O1, ne Le diagnostic d’un vibrion cholérique (V. cholerae O1 ou
produisant pas la toxine cholérique [10, 11], à une souche de V. cholerae O139) au laboratoire est toujours une question
V. cholerae O1, produisant la toxine cholérique. Ce transfert de rigueur et de rapidité qui engage le biologiste, le clinicien,
a provoqué la modification de la structure chimique du lipo- les autorités sanitaires nationales et l’OMS.
polysaccharide de la souche réceptrice, et donc la conver- r Essentiel
sion du sérogroupe O1 en sérogroupe O139, alors que cette L’identification du vibrion cholérique dans les prélèvements
souche gardait sa capacité à produire la toxine cholérique de selles diarrhéiques est essentielle pour affirmer la pré-
et donc à provoquer le choléra. V. cholerae O139 possède sence du choléra. Le rôle du laboratoire de bactériologie
de plus une capsule polysaccharidique, dont la structure est donc très important soit pour le diagnostic de cas iso-
de base est identique à celle de la partie polysaccharidique lés – cas dits « d’importation » – soit pour le diagnostic
spécifique du lipopolysaccharide O139. des premiers cas d’un nouveau foyer épidémique. Il est
Dans les directives de l’OMS, V. cholerae O1 et V. cho- donc indispensable de rechercher les vibrions cholériques
lerae O139 sont classés comme causes reconnues du dès que des cas cliniques suspects sont signalés dans

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LES MALADIES TROPICALES (2)

une région à risque. Lorsque l’épidémie se développe, la schémas classiques d’identification bactérienne donnent
recherche du vibrion cholérique devient inutile d’une part la priorité à la détermination de l’espèce à laquelle cette
parce qu’elle n’apporte rien au traitement des malades, et souche appartient, par l’étude des caractères biochi-
d’autre part, parce qu’elle surcharge inutilement le labora- miques. Cette étude requiert un délai de 24 à 48 heures
toire. En revanche, la recherche du vibrion cholérique sur après l’isolement de la souche, et la détermination du
les prélèvements suspects redevient utile lorsque l’épidémie sérogroupe et/ou du sérotype n’intervient qu’après l’iden-
est dans sa phase descendante. En effet, les examens de tification de l’espèce.
laboratoire permettent, lorsqu’ils sont négatifs, de confir- Pour être effectué autant avec rigueur que rapidité, le
mer bactériologiquement la fin d’une épidémie de choléra. diagnostic du vibrion cholérique comporte d’abord un
Une autre caractéristique du diagnostic du vibrion cholérique diagnostic présomptif de l’espèce V. cholerae. Ce dia-
est qu’il doit être réalisé à la fois avec rigueur et rapidité. gnostic présomptif associe l’étude de quelques carac-
La rigueur permettra d’éviter aussi bien les fausses alertes tères – morphologiques, culturaux et biochimiques – à la
au choléra que les retards dans la détection d’un nouveau recherche de l’agglutination de la souche suspecte par
foyer cholérique. La rapidité du diagnostic permettra la les sérums anti-O1 et anti-O139. Cette démarche, asso-
mise en œuvre rapide de mesures sanitaires pour limiter la ciée au contexte clinique et écologique dans lequel a été
progression de l’épidémie. effectué le prélèvement, permet d’établir avec une quasi-
certitude que la souche isolée est un vibrion cholérique.
r Simple
Si la réponse est positive, le laboratoire local doit :
Le diagnostic bactériologique du choléra consiste en
- faire une déclaration de présomption de choléra
l’identification de la bactérie responsable dans des selles
aux autorités sanitaires nationales, en fonction des
suspectes. Cette bactérie est relativement simple à iden-
dispositions locales, de façon à ce que ces autorités
tifier du fait de sa concentration habituellement élevée
prennent les mesures nécessaires ;
dans les selles de malades. Elle est de plus peu exigeante
- envoyer la souche à un laboratoire national de réfé-
pour sa culture, et présente à sa surface un antigène spé-
rence pour confirmation du diagnostic.
cifique – l’antigène O1 ou l’antigène O139 – qui permet
Depuis l’entrée en vigueur le 15 juin 2007 du nouveau Règle-
son identification par une simple réaction d’agglutination
ment sanitaire international (RSI), adopté par l’Assemblée
sur lame. C’est d’ailleurs la reconnaissance de cet anti-
mondiale de la Santé en mai 2005, le choléra n’est plus
gène par des anticorps spécifiques qui a été mise à profit
nominativement désigné comme étant une maladie à décla-
pour le développement d’un test de diagnostic rapide du ration obligatoire au niveau international. Sa notification
choléra sur bandelette. éventuelle à l’OMS par les autorités sanitaires se fera si le
r Rendu inutilement confus cas entre dans les critères de déclaration, le nouveau règle-
L’identification du vibrion cholérique a été rendue confuse par ment imposant maintenant aux États membres de l’OMS
l’utilisation du nom unique de « V. cholerae » pour désigner de déclarer « tous les événements sanitaires susceptibles
à la fois le vibrion cholérique et également des bactéries qui de constituer une urgence de santé publique de portée
n’ont jamais été rendues responsables de cas de choléra. internationale », quelle que soit la pathologie concernée.
En effet, seules les souches de l’espèce V. cholerae appar- L’identification de l’espèce V. cholerae est ensuite pour-
tenant aux sérogroupes O1 et O139 sont à l’origine de suivie selon les méthodes bactériologiques classiques
cas de choléra, et sont appelées vibrions cholériques. avec l’étude d’un plus grand nombre de caractères bio-
Les souches de l’espèce V. cholerae appartenant aux autres chimiques. La composition des milieux utilisés est pré-
sérogroupes, désignées comme V. cholerae non-O1/non- sentée en annexe I de ce document.
O139, peuvent provoquer des diarrhées, des abcès ou
des septicémies, mais ne provoquent pas d’épidémies de 4.2.1. Type de prélèvements étudiés
choléra et ne sont pas des souches de vibrion cholérique. On peut être amené à rechercher le vibrion cholérique
Une autre source de confusion est due à l’inclusion de dans les selles et les vomissements. La méthodologie
caractères superflus dans les schémas classiques d’iden- sera dans tous les cas sensiblement identique.
tification du vibrion cholérique. En effet, s’il est intéressant Les selles sont fécaloïdes durant les premières heures
de connaître le biotype (« classique » ou El Tor) et le sérotype de la maladie puis liquidiennes. Le malade peut émettre
(Ogawa ou Inaba pour les souches de V. cholerae O1) des jusqu’à 15 litres de selles par jour. Ces selles ont l’aspect
souches, ces informations ne sont pas nécessaires au dia- d’une eau claire dans laquelle flottent des grains riziformes
gnostic et ne doivent en rien retarder le rendu des résultats. constitués de vibrions et de mucus. Il n’y a jamais de
De même, elles ne doivent pas interférer dans la prise en sang dans des selles cholériques sauf complication ou
charge de l’épidémie. Cela est particulièrement important association à une autre pathologie.
pour le diagnostic du vibrion cholérique dans un laboratoire
disposant de moyens limités. Conditionnement, conservation
r Une démarche diagnostique différente des démarches et transport des prélèvements
classiques r Conditionnement
La nécessité de rigueur et de rapidité pour l’identification La méthode la plus simple pour envoyer les selles sus-
du vibrion cholérique est à l’origine d’une démarche dia- pectes au laboratoire consiste à imbiber un petit morceau
gnostique différente de celle qui est habituellement utilisée de papier absorbant stérile, et à le placer dans un tube
en bactériologie. stérile en matière plastique à fermeture étanche, contenant
Généralement, dès qu’une souche suspecte est isolée, les quelques gouttes d’eau physiologique stérile (figure 1).

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 55


Figure 1 – Dispositif utilisé par MSF pour le infectieuses. De même, il faut se conformer à la régle-
transport au laboratoire des échantillons de selles mentation locale et internationale pour ce qui concerne
en vue de la recherche de vibrion cholérique. l’emballage de tels échantillons.
■ Il est impératif d’utiliser un système à triple emballage,

et comprenant :
r un récipient primaire étanche contenant la culture ou
le matériel biologique (attention, la quantité de matière
infectieuse est limitée à 50 mL ou 50 g par colis en aérien) ;
r une boîte secondaire étanche, résistant aux chocs, avec un
matériau absorbant en quantité suffisante, dans laquelle
est inséré le récipient primaire ;
r un emballage tertiaire résistant dans lequel est placé
l’ensemble, dont la plus petite dimension soit supé-
rieure 10 cm, afin de porter le marquage spécifique et
l’étiquetage réglementaire obligatoire. Cet étiquetage,
permettant l’identification de la classe de danger, est
placé sur la paroi externe de l’emballage tertiaire (utili-
ser les étiquettes de danger normalisées en losange de
10 x 10 cm).
■ Identifier clairement le destinataire et l’expéditeur avec le

nom et le numéro de téléphone d’un responsable, éventuel-


lement le numéro de télécopie du laboratoire expéditeur.
■ Placer dans le paquet les documents requis (formulaires,

lettre), et si possible envoyer par courrier séparé une copie


de ces documents.
■ Les vibrions sont classés dans le groupe de risque 2

des agents pathogènes (Manuel de sécurité biologique en


laboratoire 1997, publié par l’OMS, Liste CCE des agents
pathogènes, actualisée le 26 novembre 1997). Il existe
des textes officiels de référence concernant la réglemen-
tation et les directives internationales sur les transferts de
Un disque de papier absorbant est trempé dans la selle diarrhéique, puis
déposé dans un tube en matière plastique. Quelques gouttes de sérum
matières biologiques. Des informations pratiques peuvent
physiologique sont versées dans le tube pour maintenir une atmosphère être trouvées en particuliers sur le site de l’Institut Pasteur,
humide. Le tube est fermé de façon étanche par un bouchon muni d’un http://www.pasteur.fr/sante/clre/chap/envois/accueil.
joint torique. Le tube doit être envoyé au laboratoire à température
ambiante, les vibrions supportant mal les basses températures. html
© Institut Pasteur. ■ Il est bon dans la mesure du possible d’informer à l’avance

le laboratoire de destination de l’arrivée des échantillons.


Cela permettra leur prise en charge immédiate dès leur
D’autres moyens de transport peuvent être utilisés :
arrivée au laboratoire.
eau peptonée hypersalée alcaline (milieu de transport
et d’enrichissement pour vibrions, Bio-Rad) ou le milieu
semi-solide de Cary-Blair. Il faut éviter les solutés salins 4.2.2. Enrichissement et isolement
glycérolés, qui ne sont pas favorables à la conservation La fiche technique 1 présente de façon schématique la
des vibrions. méthode d’enrichissement et d’isolement du vibrion cho-
lérique. Le détail du mode opératoire est présenté dans
r Conservation des prélèvements la fiche technique°2.
Les échantillons ainsi conditionnés peuvent contenir des Cette étape consiste en une succession de cultures en
vibrions viables jusqu’à 4 ou 5 semaines après la date de eau peptonée hypersalé alcaline (EPSA) ou en eau pep-
conditionnement. tonée alcaline (EPA), qui ont pour objectif de sélectionner
Ils peuvent être envoyés au laboratoire de préférence à le vibrion cholérique par son aptitude à se multiplier en
température ambiante. Nous avons isolé des souches de milieu alcalin et salé plus rapidement que les autres germes
vibrions cholériques de prélèvements conservés à tem- habituellement présents dans les selles.
pérature ambiante et reçus au laboratoire plus de 10 jours Dès qu’un tube d’EPSA ou d’EPA est trouble, la culture
après leur conditionnement. est isolée sur une gélose nutritive alcaline (GNA) et sur une
Les souches isolées et les prélèvements doivent être conser- gélose sélective thiosulfate-citrate-bile-saccharose (TCBS).
vés au laboratoire sans réfrigération, dans la mesure où Pour le repiquage et l’isolement à partir des tubes d’enri-
ils sont traités rapidement. chissement, il faut prélever délicatement sous la surface
r Transport de l’eau peptonée, sans agiter le tube.
Plusieurs règlements sont à respecter venant d’autorités Le milieu sélectif TCBS est intéressant lorsque les selles
différentes, variables selon les produits et les pays. Le sont contaminées par du Proteus. Mais les colonies
transport doit être soumis à la réglementation locale ou suspectes isolées sur TCBS (colonies saccharose +)
internationale concernant le transport des substances doivent cependant être réisolées sur GNA afin de

56 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431


LES MALADIES TROPICALES (2)

Fiche technique 1 – Procédure d’enrichissement et d’isolement du vibrion cholérique.

© Institut Pasteur.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 57


Fiche technique 2 – Enrichissement et Isolement.
Mode opératoire Commentaires

J1 : Enrichissement et isolement

➣ r Répartir stérilement le milieu EPSA dans des tubes de Khan, sous un volume de 2 ml
par tube. Prévoir 3 tubes par échantillon. Placer tous les tubes à l’étuve à 37 °C.

➣ T-0
Ensemencement
r Ensemencer un tube d’EPSA à partir de l’échantillon, à l’aide d’une pipette L’ensemencement doit être abondant, environ 0,2 ml
r On peut aussi plonger le papier buvard imprégné de selles dans ce milieu, de selles dans un tube de 2 ml d’EPSA.
si le conditionnement du prélèvement le permet.
r Ce tube initial d’EPSA (T0) est placé à l’étuve à 37 °C pendant 3 heures.
Faire deux boîtes de chaque milieu en épuisement
Isolement
pour avoir des colonies isolées.
r Prélever l’échantillon avec une anse, faire un isolement sur :
- gélose nutritive alcaline (GNA) (2 boîtes en épuisement)
- gélose thiosulfate-citrate-bile-saccharose (TCBS) (2 boîtes en épuisement)
r Incuber à 37 °C.
Examen microscopique
r État frais : aspect monomorphe avec mucus et cellules desquamées ; nombreux
germes à mobilité de type polaire, qui se déplacent en vols de moucherons.
r Coloration de Gram : flore monomorphe faite de bacilles à Gram négatif, fins,
incurvés ou non, isolés.

➣ T+3 h
r Repiquer le tube T0, même en l’absence de voile, dans un nouveau tube d’EPSA Le voile commence à apparaître après quelques
(tube T3). heures de culture, mais ne devient très net qu’après
r À partir du tube T0, faire un isolement sur : 18-24 heures de culture.
- une GNA,
- une gélose TCBS. Pour le repiquage et l’isolement, prélever
délicatement sous la surface de l’eau peptonée,
r Placer à l’étuve à 37 °C.
sans agiter le tube.
➣ T+6 h
r Repiquer le tube T3 dans un nouveau tube d’EPSA (tube T6).
r À partir du tube T3, faire un isolement sur :
- une gélose nutritive alcaline,
- une gélose TCBS.
r Si nécessaire (pas de culture en T3) :
faire un nouvel isolement à partir du tube T0 sur :
- une gélose nutritive alcaline,
- une gélose TCBS.
r Placer à l’étuve à 37 °C.

J2 : Enrichissement et isolement

➣ T + 18-24 h
r Si les isolements effectués à T+3h et T+6h ne présentent pas de colonies suspectes,
refaire des isolements sur GNA et TCBS à partir du tube d’EPSA ensemencé à T+6 h
(tube T6).
r Si les isolements effectués à T+3 h et/ou T+6 h présentent des colonies suspectes,
étudier ces colonies :

■ Sur TCBS, les colonies de vibrion cholérique sont arrondies, bombées Il faut cependant noter l’existence de souches de
et habituellement jaunes (sacc+). vibrion cholérique qui donnent des colonies vertes
Reprendre au moins cinq colonies suspectes isolées sur TCBS et les ensemencer sur (sacc-). L’attitude qui consiste à rejeter d’emblée les
GNA. colonies vertes mérite donc d’être révisée.

■ Sur GNA, les colonies de vibrion cholérique sont rondes, de taille moyenne, environ En pratique, les résultats obtenus sur GNA sont plus
2 mm de diamètre après 18 heures de culture, translucides bleutées, fiables et moins sujets à erreur de diagnostic.
à bord régulier.
Si nécessaire, ré-isoler au moins 5 colonies suspectes sur GNA.

➣ Si les colonies sont bien isolées sur GNA et si la culture est en quantité suffisante, l’identification présomptive, associant l’étude de quelques
caractères et l’agglutination avec les sérums anti-O1 et anti-O139, peut souvent être pratiquée à ce stade.

© Institut Pasteur.

pouvoir faire la recherche de l’oxydase ainsi que la 4.2.3. Identification présomptive


réaction d’agglutination avec les sérums anti-O1 et du vibrion cholérique
anti-O139. C’est pourquoi il faut toujours penser à uti- L’identification d’un vibrion cholérique est schématisée
liser dès le départ une GNA en parallèle avec le milieu sur le « Logigramme d’identification d’un vibrion cholé-
TCBS pour isoler le vibrion cholérique. Cela peut per- rique » présenté en annexe II.
mettre de gagner de 16 à 18 heures pour la réaction C’est l’étape d’identification présomptive qui conditionne la
d’agglutination sur lame. rapidité du diagnostic bactériologique (fiche technique 3).

58 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431


LES MALADIES TROPICALES (2)

Fiche technique 3 – Identification présomptive.


Mode opératoire Commentaires

J2 : Identification présomptive

➣ Étude de quelques caractères culturaux, morphologiques et biochimiques


- À partir des colonies suspectes sur GNA :

r Effectuer :
➣ un état frais
➣ une coloration de Gram
➣ une réaction d’oxydase La réaction d’oxydase ne doit pas être faite à partir
d’une culture sur TCBS, la composition du milieu
Si le germe est pouvant induire de faux résultats.
- un bacille mobile (nombreux germes à mobilité de type polaire, qui se déplacent en
vols de moucherons), L’utilisation d’une anse métallique peut entraîner
- à Gram négatif (flore monomorphe, faite de bacilles fins isolés, incurvés ou non) une réaction faussement positive pour le test de
- positif pour le test de l’oxydase, l’oxydase. Utiliser une pipette Pasteur boutonnée ou
L’identification d’un vibrion cholérique doit être poursuivie par la réaction une anse en plastique jetable.
d’agglutination.
L’agglutination doit être faite de préférence à partir
➣ Agglutination avec les sérums anti-O1 et anti-O139
d’une culture sur GNA. Il est déconseillé d’utiliser
r Déposer sur une première lame une goutte d’eau physiologique stérile et à côté une
des cultures sur milieu TCBS qui peuvent donner des
goutte de sérum anti-O1 réactions d’auto-agglutination en eau physiologique
r Prélever à l’anse de platine quelques colonies et les déposer sur la lame à côté de empêchant l’interprétation de la réaction.
chacune des gouttes d’eau physiologique et de sérum anti-O1 L’agglutination doit aussi être pratiquée avec une
r Avec l’anse de platine, mélanger doucement et progressivement les bactéries dans culture jeune.
chacune des gouttes. Commencer par la goutte d’eau physiologique, continuer par
le sérum anti-O1. La suspension doit être bien homogène. Agiter doucement par un
mouvement tournant.

r Lire à l’œil nu, ou mieux avec une loupe d’horloger, au-dessus d’une surface sombre. Il ne doit pas y avoir d’agglutination avec l’eau
L’agglutination doit apparaître rapidement - en moins de 2 min. - et être fine et physiologique. S’il y a agglutination, il s’agit d’une
régulière. souche auto-agglutinable, et il est en conséquence
inutile de poursuivre la réaction avec le sérum
anti-O1 ou le sérum anti-O139. Envoyer la souche à
r Si la souche n’est pas auto-agglutinable et n’agglutine pas avec le sérum anti-O1,
un laboratoire de référence.
rechercher l’agglutination avec le sérum anti-O139 en déposant sur une seconde lame
une goutte de sérum anti-O139.

➣ Une souche de vibrion cholérique doit obligatoirement agglutiner avec le sérum anti-O1 ou le sérum anti-O139.

➣ Les lames utilisées doivent être immédiatement jetées dans des bains d’eau de Javel. Le manipulateur doit se laver soigneusement les mains à
l’eau javellisée après cette série d’agglutinations.

© Institut Pasteur.

Elle peut intervenir à J2 ou J3 en fonction de la pureté et Figure 2 – V. cholerae : coloration de Gram.


de la quantité de la culture sur GNA, mais elle peut aussi
dans certains cas intervenir le jour même de réception
du prélèvement suspect au laboratoire (J1), selon l’heure
d’arrivée et le niveau de contamination initial du prélève-
ment. Rappelons en effet que les vibrions ont un temps
de génération très court (10 min).
Ce diagnostic présomptif associe l’étude de quelques
caractères – morphologiques, culturaux et enzymatiques –
à la recherche de l’agglutination de la souche suspecte
par les sérums anti-O1 et anti-O139.
Étude de quelques caractères, culturaux,
morphologiques et enzymatique
Cette étape est réalisée à partir de colonies isolées sur
GNA ayant l’aspect caractéristique décrit dans la fiche
technique 2.
Si le germe est :
r un bacille mobile, à mobilité de type polaire,
r Gram négatif, incurvé ou non (figure 2),
r positif pour le test de l’oxydase,
l’identification d’un vibrion cholérique doit être poursuivie
© Institut Pasteur.
par la réaction d’agglutination.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 59


Fiche technique 4 – Confirmation de l’identification de l’espèce V. cholerae.

* : milieu à utiliser en fonction des disponibilités des laboratoires, mais non indispensable pour l’identification de V. cholerae.
* * : pour le test de l’oxydase, utiliser une pipette Pasteur boutonnée ou une anse de plastique jetable
© Institut Pasteur.

Agglutination avec les sérums anti-O1 et anti-O139 gique (géographie, niveau d’hygiène, climat), les caractères
C’est l’étape capitale du diagnostic du vibrion cholérique, morphologiques, culturaux, biochimiques et immunolo-
qui entraînera la prise de mesures sanitaires et la déclara- giques (réaction d’agglutination) décrits, permettent de
tion aux autorités de santé. conclure avec une quasi-certitude que la souche isolée
Une souche de vibrion cholérique (V. cholerae O1 ou est un vibrion cholérique.
V. cholerae O139) doit obligatoirement agglutiner avec l’un L’ensemble de ces éléments justifie d’une part la décla-
des deux sérums, anti-O1 ou anti-O139. L’agglutination ration aux autorités sanitaires qui prendront les mesures
doit apparaître rapidement – en moins de deux minutes – nécessaires, et d’autre part l’envoi de la souche à un
et être fine et granulaire. laboratoire national de référence pour confirmation du
Il ne doit pas y avoir d’agglutination avec l’eau physiologique. diagnostic bactériologique.
S’il y a agglutination, il s’agit d’une souche auto-agglutinable
qui doit être envoyée à un laboratoire de référence. 4.2.4. Poursuite de l’identification
Le contexte clinique et épidémiologique (essentiellement de l’espèce V. cholerae
diarrhée épidémique ou diarrhée survenue au retour d’une Parallèlement à la déclaration aux autorités sanitaires et à
région du monde où il y a du choléra), le contexte écolo- l’envoi de la souche à un laboratoire national de référence,

60 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431


LES MALADIES TROPICALES (2)

Fiche technique 5 – Confirmation de l’identification : lecture des résultats.


Caractères d’identification
Milieux et réactifs Commentaires
d’une souche de V. cholerae
Tableau des principaux caractères de l’espèce V. cholerae

➣ - Coloration de Gram - Gram –


- État frais - Mobile polaire
- Disque d’oxydase - Oxydase +
- Gélose viande-foie semi-solide à 6 ‰ - Croissance aéro-anaérobie sans Caractère différentiel avec les Pseudomonas.
production de gaz

- Eau peptonée sans NaCl - Croissance en absence de NaCl


- Eau peptonée avec NaCl en - Croissance jusqu’à 6 % de NaCl
concentration croissante (1 à 10 %) au maximum

- TCBS - Saccharose positif Il existe des souches de Vibrio cholerae saccharose


négatives
- Kligler-Hajna - Utilisation du glucose sans
production de gaz
- Lactose négatif Caractère peu important pour l’identification des vibrions
- Pas de production d’H2S

- Disque ONPG - ONPG positif La majorité des réactions positives sont observées
entre 15 et 30 min après incubation à 37 °C.

- Eau peptonée hypersalée -Indole positif Depuis 1993, des souches indole négatives sont
ou milieu Urée-Indole et réactif de Kovacs isolées en Afrique

- Milieux en tube pour la recherche des - ADH négatif


décarboxylases et dihydrolase - LDC positif
- ODC positif

➣ Pour le décodage de la plaque API 20E, prendre en compte pour les décarboxylases et la dihydrolase les résultats obtenus en tubes.

Remarque : des souches de Vibrio cholerae O1 résistantes au composé O129 sont de plus en plus fréquemment isolées. De ce fait, la résistance au
➣ composé O129 ne doit plus être considérée comme un caractère permettant d’éliminer l’espèce Vibrio cholerae. Cette résistance est liée à la résistance
au triméthoprime.

© Institut Pasteur.

l’identification de l’espèce à laquelle appartient la souche initial de sensibilité aux agents antimicrobiens de la
sera poursuivie. souche isolée et le suivi d’éventuels changements dans
Les principaux caractères culturaux et biochimiques de ce profil au cours de l’épidémie. Cette détermination
l’espèce V. cholerae ainsi que leurs moyens d’étude sont et ce suivi peuvent se faire au niveau du laboratoire de
décrits dans les fiches techniques 4 et 5. microbiologie ayant initialement isolé le vibrion cholé-
L’étude de ces caractères permet de confirmer l’apparte- rique, ou au niveau du laboratoire de référence, auquel
nance de la souche à l’espèce V. cholerae. la souche a été expédiée.
Il faut cependant insister à nouveau sur le fait que l’iden-
tification de l’espèce ne permet pas à elle seule de faire la
5.1. Détermination du profil de sensibilité
distinction, capitale dans ses conséquences en mesures
de santé publique, entre les souches de vibrion cholé- aux agents antimicrobiens
rique (V. cholerae O1, V. cholerae O139) et les souches de Bien que l’antibiothérapie ne soit pas essentielle pour
V. cholerae non-O1/non-O139, qui ne sont pas des traiter les patients atteints de choléra, elle peut s’avérer
souches de vibrion cholérique. Dans l’attente de la utile car elle réduit la durée et le volume de la diarrhée,
disponibilité d’un test de diagnostic rapide, la réac- réduisant ainsi le volume des liquides nécessaires à la
tion d’agglutination au moyen d’un immun sérum reste réhydratation mais également la durée d’émission des
encore aujourd’hui la seule technique spécifique – et vibrions dans les selles et dans l’environnement, et donc
donc absolument nécessaire – pour l’identification du les sources possibles de contamination. La multi résis-
vibrion cholérique. tance croissante des souches de vibrion cholérique aux
antibiotiques a rendu nécessaire la surveillance de la
sensibilité aux anti-infectieux. Cette sensibilité représente
5. Études complémentaires également un marqueur épidémiologique permettant un
suivi des souches sur des périodes bien définies.
L’étude approfondie des souches de vibrions cholé- L’étude de la sensibilité aux agents antimicrobiens est réa-
riques peut apporter des informations d’intérêt épi- lisée par la méthode de diffusion en milieu gélosé (méthode
démiologique, permettant éventuellement de détecter des disques). Les diamètres d’inhibition pour les vibrions
l’émergence d’une nouvelle souche épidémique et de ont été établis pour un nombre limité d’antibiotiques par
déterminer les sources et les modes de transmission de le Comité national des normes pour laboratoires cliniques
l’agent étiologique de l’épidémie. L’un des rôles majeurs (NCCLS). Il est possible d’utiliser la technique des disques
du laboratoire est également la détermination du profil pour diffusion en gélose pour les bactéries à croissance

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 61


rapide selon les recommandations de la Société française de restriction (pulsotypes) et l’étude des isoenzymes en
de microbiologie ; l’interprétation est faite dans ce cas à électrophorèse ont été caractérisés. L’étude de ces mar-
partir des abaques de lecture basés sur le diamètre des queurs a montré, par exemple, que l’épidémie de choléra qui
zones d’inhibition des entérobactéries. a envahi l’Amérique latine en 1991 représente probablement
Les antibiotiques habituellement testés sont les aminopé- une extension de la 7e pandémie. Il a aussi été montré que
nicillines (ampicilline), les quinolones et fluoroquinolones les vibrions cholériques qui ont envahi l’île de Madagascar
(acide nalidixique, ofloxacine, ciprofloxacine, pefloxacine), en 1999 provenaient de la côte Est de l’Afrique.
la tetracycline, les sulfamides et associations (trimetho- r Un autre marqueur, qui n’a pu être corrélé à aucune des
prime-sulfamethoxazole), le chloramphenicol, les nitrofu- méthodes de typage moléculaire précédemment citées,
ranes, les macrolides (érythromycine, azithromycine), les est représenté par la perte de la production d’indole par
polymyxines (polymyxine B, colistine), les céphalosporines des souches de V. cholerae O1 isolées depuis 1993 dans
de 1re et 3e générations : céfalotine, céfotaxime. le centre de l’Afrique [16].
À noter que l’interprétation des tests de sensibilité à r Chez les souches de V. cholerae des sérogroupes O1 et
l’érythromycine et à la doxycycline donne des résultats in O139, la capacité à produire la toxine cholérique est un
vitro qui ne sont pas toujours corrélés à l’activité in vivo. La déterminant important de la virulence, et il est considéré
lecture interprétative de la sensibilité à la tétracycline est que toutes les souches de V. cholerae O1 et O139 sont
également valable pour prédire la sensibilité possible des toxinogènes et donc susceptibles de déclencher des épi-
souches à la doxycycline, cet antibiotique étant souvent démies de choléra. La recherche systématique des gènes
prescrit du fait de son administration en une seule dose. codant pour la toxine cholérique (ctxA, ctxB), ainsi que du
La détermination de la concentration minimale inhibitrice gène tcpA (toxin-coregulated pilus), facteur de colonisation
(CMI) peut permettre de mettre en évidence des souches majeur impliqué dans la virulence, confirmant que l’on est
de sensibilité diminuée à certains antibiotiques, comme en présence de souches toxinogènes, n’est donc pas utile
cela a été démontré pour les fluoroquinolones, qui ne au niveau du diagnostic, surtout dans un contexte épidé-
seraient pas détectées par des tests qualitatifs. mique. Il peut arriver, rarement cependant, que certaines
Tout changement dans les profils de sensibilité doit être com- souches de V. cholerae appartenant aux sérogroupes
muniqué aux services d’épidémiologie et de santé publique. O1 et O139 ne produisent pas de toxine cholérique ; de
Ces dernières années, des résistances à tous les agents même il est courant au cours d’une épidémie de choléra
antimicrobiens recommandés par l’OMS pour le traitement d’isoler des souches de V. cholerae non-O1/non-O139
du choléra ont été observées (tétracycline, doxycycline, fura- non toxinogènes. Ces souches ne sont pas associées aux
zolidone, triméthoprime-sulfaméthoxazole, érythromycine épidémies mais peuvent être associées à des diarrhées
et chloramphénicol, et plus récemment fluoroquinolones). sporadiques et doivent être étudiées dans leur contexte
clinique et épidémiologique.
5.2. Typage moléculaire r Le séquençage du gène ctxB, codant pour la sous-
unité B de la toxine cholérique, est utile comme marqueur
des souches de vibrions cholériques
épidémiologique permettant de différencier les biotypes
Les marqueurs disponibles ne sont pas tous d’égal intérêt.
de V. cholerae O1. De nouveaux variants pathogènes de
r Les lysotypes ne sont plus utilisés.
V. cholerae, souches hybrides possédant le gène ctxB de
r Parmi les 206 sérogroupes actuellement décrits au sein
la toxine des souches du biotype classique, ont ainsi été
de l’espèce V. cholerae, seuls les souches des sérogroupes
mis en évidence, en Asie et dans certains pays d’Afrique
O1 et O139 sont à l’origine de cas de choléra. La déter-
mination de ces sérogroupes est d’un intérêt majeur pour [17]. Ces souches seraient selon certaines observations,
l’identification d’un vibrion cholérique mais ne permet pas à l’origine d’épisodes cholériques aggravés entraînant un
de refléter la variabilité des souches. taux de létalité plus élevé.
r Les biotypes, classique et El Tor, ainsi que les sérotypes, De même la séquence des gènes tcpA peut être utilisée
Ogawa, Inaba et Hikojima, ne sont décrits que pour les comme outil de suivi et de caractérisation des souches
souches du sérogroupe O1. La détermination phénotypique car elle diffère entre les souches des biotypes classiques
des biotypes est basée sur l’expression de caractères tels et ElTor [17].
que production d’acétoïne ou réaction de VP, lyse des Ces études complémentaires contribuent à la surveillance
hématies de mouton, sensibilité à la polymyxine B, qui sont des infections à vibrions cholériques. C’est en partie grâce
susceptibles de varier au cours du temps. L’intérêt de la au suivi des souches et à l’échange d’informations au
détermination du sérotype est encore souvent considéré niveau international que l’on pourra adapter les outils et
à tort comme utile, voire indispensable. Elle n’a en fait les interventions permettant de lutter efficacement contre
qu’un intérêt très limité puisque l’étude de la génétique le choléra.
du lipopolysaccharide de V. cholerae O1 a montré qu’une
souche pouvait fréquemment muter d’un sérotype à l’autre
et donc qu’un changement de sérotype au cours d’une
Remerciement : je remercie le Dr Louis Koyange, République démocra-
épidémie était à interpréter avec prudence et ne signifiait tique du Congo, pour sa précieuse participation à l’élaboration du logi-
pas obligatoirement l’arrivée d’une nouvelle souche. gramme d’identification.
r Des marqueurs moléculaires tels que les profils de restric-
tion des gènes codant pour les ARN ribosomiques (ribotypes)
[15], les profils d’électrophorèse en champs pulsés des Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits
fragments d’ADN obtenus après coupure par une enzyme d’intérêts en relation avec cet article.

62 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431


LES MALADIES TROPICALES (2)

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Annexe I – Composition et préparation des milieux de culture et réactifs.

Eau peptonnée hypersalée alcaline 2. Mode opératoire


Ce milieu est utilisé comme milieu de transport et d’enrichissement Peser les différents réactifs.
des vibrions cholériques. Ajouter de l’eau distillée en quantité suffisante pour obtenir une
Sa concentration en chlorure de sodium et son pH alcalin donnent dissolution complète (environ 500 ml dans l’éprouvette).
un avantage sélectif à la plupart des espèces de vibrions halophiles Compléter à 5 000 ml avec de l’eau distillée
ou halotolérants en favorisant leur croissance par rapport à d’autres Répartir en tubes sous un volume de 10 ml ou en flacons de 250 ml.
germes présents dans un produit contaminé. Stériliser 15 minutes à 121 °C à l’autoclave.
1. Composition 3. Durée de conservation et conditions de stockage
Réactifs Quantité Les tubes ou flacons sont conservés 1 an à température ambiante.
Peptone 30 g
NaCl 30 g Gélose nutritive alcaline
Eau distillée QSP 1000 mL La concentration en chlorure de sodium et le pH alcalin de ce milieu
2. Mode opératoire sont favorables à la croissance de la plupart des espèces de vibrions
Peser les différents réactifs. halophiles ou halotolérants. L’aspect translucide des colonies de
Dissoudre les composants avec l’eau distillée Vibrio cholerae sur ce milieu peut permettre de les différencier d’autres
Répartir en tubes sous un volume de 10 ml espèces ou genres bactériens en cas d’isolement à partir d’un
Ajuster le pH à 8,4 ± 0,2 (à 25 °C) avec une solution d’hydroxyde prélèvement.
de sodium.
Stériliser 15 minutes à 121 °C à l’autoclave. 1. Composition
Réactifs Quantité
3. Durée de conservation et conditions de stockage Peptone 20 g
Les tubes sont conservés 1 an à 2-8 °C. Agar 15 g
Chlorure de sodium 5g
Eau physiologique tamponnée (EMT) Eau distillée 1 000 ml
Cette solution est utilisée pour réaliser les suspensions bactériennes 2. Mode opératoire
des souches de vibrions halophiles ou halotolérantes, permettant Peser la peptone, le chlorure de sodium et l’agar, les mettre dans
l’ensemencement des galeries d’identification biochimique (API 20E l’eau distillée.
ou galeries en tubes) et l’étude des caractères morphologiques (Gram, Homogénéiser la solution.
État Frais). Ajuster le pH à 8,2 ± 0,2 (à 25 °C) avec une solution d’hydroxyde
Elle peut être remplacée par de l’eau physiologique en fonction des de sodium.
possibilités et disponibilités du laboratoire. Stériliser à 121 °C pendant 15 minutes.
1. Composition Distribuer stérilement dans des boîtes de Pétri sous un volume de
Réactifs Quantité 20 ml.
Na2HPO4, 12 H2O 22,6 g 3. Durée de conservation et conditions de stockage
KH2PO4 2g Les boîtes prêtes à l’emploi sont conservées 1 semaine en
NaCl 36 g chambre froide.
Eau distillée QSP 5000 mL

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 63


Annexe I – Composition et préparation des milieux de culture et réactifs (suite).

Milieu thiosulfate-citrate-bile-saccharose (TCBS) Eau peptonée a concentrations croissantes en sel


Ce milieu permet l’isolement sélectif et la culture de Vibrio cholerae et Cette gamme de milieux permet d’étudier la croissance d’une souche
d’autres espèces de vibrions. La plupart des bactéries autres que les de vibrion en l’absence de NaCl, ou en présence de différentes
Vibrio sont inhibées sur ce milieu, au moins pendant 24 h. concentrations de NaCl.
1. Composition La suspension du germe à étudier est faite dans un premier tube d’eau
Réactifs Quantité peptonée sans sel (EPSS), qui va permettre d’ensemencer un autre
Peptone 10 g tube d’EPSS ainsi qu’une série de tubes d’EP contenant de 1 à 10 %
Extrait de levure 5g de NaCl.
Citrate de sodium 10 g L’étude de ces caractères culturaux est capitale pour l’identification
Thiosulfate de sodium 10 g des espèces de vibrions halopiles.
Chlorure de sodium 10 g 1. Composition
Bile de bœuf 8g
1.1. Eau peptonée sans sel (EPSS)
Citrate ferrique 1g
Saccharose 20 g Réactifs Quantité
Bleu de bromothymol 0,04 g Peptone 20 g
Bleu de thymol 0,04 g Eau distillée 1 000 ml
Agar 14 g 1.2. Eau peptonée (EP) à différentes concentrations de NaCl
Eau distillée 1 000 mL
Le milieu TCBS est commercialisé sous une forme déshydratée Conc finale
Réactifs Quantité Réactifs Quantité
distribuée par plusieurs fournisseurs. Cette forme déshydratée est en NaCl
utilisée pour sa préparation : eau peptonée
Réactifs Quantité 600 ml 0%
sans sel
TCBS Agar 88 g eau peptonée
Eau distillée 1 000 mL NaCl 3g 300 ml 1%
sans sel
2. Mode opératoire
eau peptonée
Peser la poudre, la mettre dans l’autopréparateur de milieux avec NaCl 6g 300 ml 2%
sans sel
l’eau distillée.
eau peptonée
Homogénéiser la solution. NaCl 9g 300 ml 3%
sans sel
Contrôler le pH qui doit être à 8,6 ± 0,2 (à 25 °C ± 2), sans l’ajuster.
eau peptonée
Porter à ébullition 1 min. Ne pas autoclaver. NaCl 12 g 300 ml 4%
sans sel
Couler en boîtes de Pétri sous un volume de 20 ml.
eau peptonée
3. Lecture NaCl 15 g 300 ml 5%
sans sel
Quelques colonies d’Escherichia coli, de Proteus et d’entérocoques eau peptonée
peuvent pousser mais donnent de petites colonies jaunes ou NaCl 18 g 300 ml 6%
sans sel
incolores selon l’espèce, facilement reconnaissables par rapport eau peptonée
aux colonies de Vibrio. NaCl 21 g 300 ml 7%
sans sel
V. cholerae donne des colonies jaunes (saccharose +), plates, de 2 eau peptonée
à 3 mm de diamètre environ après incubation d’une nuit à 37 °C. NaCl 24 g 300 ml 8%
sans sel
V. parahaemolyticus donne des colonies bleu/vert (saccharose -) de eau peptonée
3 à 5 mm de diamètre après incubation d’une nuit à 37 °C. NaCl 27 g 300 ml 9%
sans sel
D’autres espèces de Vibrio poussent également sur TCBS, comme eau peptonée
V. alginolyticus (colonies jaunes, de 3 à 5 mm de diamètre) ou NaCl 30 g 300 ml 10 %
sans sel
V. fluvialis (saccharose +), V. mimicus (saccharose -), V. vulnificus
(saccharose +/-). 2. Mode opératoire
4. Hygiene et sécurité 2.1. Eau peptonée sans sel
La pesée de la poudre doit se faire impérativement sous hotte Peser la poudre dans un bécher.
chimique. Ajouter l’eau distillée et faire dissoudre.
Pour limiter l’étape de pesée, ne pas préparer plus de 2 litres à la Ajuster le pH à 8,2 ± 0,2 (à 25 °C ± 2) avec une solution de NaOH.
fois.
Porter un masque (poudre très volatile et irritante en cas 2.2. Eau peptonée à différentes concentrations de NaCl
d’inhalation). Peser les différentes quantités de NaCl dans des béchers.
Ajouter à chaque pesée l’eau peptonée sans sel.
5. Durée de conservation et conditions de stockage
Homogénéiser la solution.
Conserver le milieu déshydraté dans une boîte fermée, dans un
Distribuer chacune des solutions en tubes à vis sous un volume de
endroit sec et à une température inférieure à 30 °C. La date de
5 ml.
péremption est indiquée sur le conditionnement.
Indiquer sur chaque tube la concentration en NaCl de la solution
Les boîtes prêtes à l’emploi sont conservées 1 semaine en
(nombre de 0 à 10).
chambre froide.
Regrouper les tubes de même concentration dans un panier.
6. Remarques Autoclaver 15 minutes à 121 °C.
La croissance bactérienne et l’aspect des colonies sur TCBS
3. Durée de conservation et conditions de stockage
peuvent varier d’un lot de milieu de culture à l’autre pour un même
Les tubes sont conservés 3 mois à température ambiante.
fabricant, du fait de la composition complexe du milieu.
Les colonies jaunes sur TCBS peuvent virer au vert à température
ambiante si les boîtes sont conservées trop longtemps. La lecture
doit donc se faire rapidement après 18 à 24 heures d’incubation.
Le test de l’oxydase et les tests d’agglutination sur lame (colonies
« collantes ») ne doivent pas être pratiqués à partir d’une culture sur © Institut Pasteur.
milieu TCBS.

64 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431


LES MALADIES TROPICALES (2)

Annexe II – Logigramme d’identification d’un vibrion cholérique.

© Institut Pasteur.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 65

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