Choléra
Choléra
Choléra
RÉSUMÉ SUMMARY
L choléra
Le h lé estt une iinfection
f ti iintestinale
t ti l aiguë
i ë à caractère
tè é épidémique,
idé i
strictement humaine, à l’origine de pandémies et représentant un problème Laboratory diagnosis of cholera
majeur de santé publique. La perte massive de liquide diarrhéique riche Cholera is an acute intestinal infection that is strictly
en électrolytes entraîne une déshydratation importante pouvant provoquer limited to humans. It can cause epidemics and
un état de choc. En l’absence de traitement, le choléra est mortel dans cholera infection has reached pandemic proportions,
25 à 50 % des cas, mais le traitement réduit le taux de mortalité à moins representing a major international public health
de 1 %. L’agent du choléra est une bactérie à Gram négatif, appartenant concern. The massive loss of diarrheal fluid rich in
aux sérogroupes O1 ou O139 de l’espèce Vibrio cholerae. Le rôle du labo- electrolytes, due to the activity of the cholera toxin,
ratoire de bactériologie est très important pour le diagnostic de cas isolés causes dehydration leading to major shock. If left
- cas dits « d’importation » – ou pour le diagnostic des premiers cas d’un untreated, cholera has a 25-50 % mortality rate.
nouveau foyer épidémique. Le diagnostic bactériologique est relativement Treatment reduces the mortality rate to less than
aisé du fait de l’abondance du vibrion cholérique dans les selles. Cepen- 1 %. Cholera is caused by two serogroups (O1 and
dant, les épidémies de choléra surviennent souvent dans des régions où O139) of a Gram-negative bacterium, Vibrio cholerae.
il n’y a pas de laboratoire de microbiologie, alors qu’un diagnostic rapide Bacteriology laboratories are very important for the
et rigoureux est indispensable pour mobiliser les ressources nécessaires diagnosis of isolated cases – generally imported - or
au traitement des malades et maîtriser l’épidémie. Un test de diagnostic for the diagnosis of the first cases of an epidemic.
rapide, qui serait d’une grande utilité pour les pays ne disposant pas des Bacteriological diagnosis of cholera is reasonably
infrastructures nécessaires, est en cours de validation par l’OMS. Son easy, due to the abundance of Vibrio cholerae in stool.
utilisation ne dispensera pas cependant de l’isolement de la souche, indis- Epidemics, however, frequently occur in areas with
pensable à l’étude de caractères d’intérêt épidémiologique. Le suivi des either limited or no laboratory facilities, while rapid and
souches et l’échange d’informations au niveau mondial sont des éléments accurate diagnosis of cholera is essential to mobilize
indispensables à la mise en place d’une surveillance efficace du choléra. the resources needed for treatment of patients and
containment of the epidemic. A rapid diagnostic test,
Vibrion cholérique – manifestations cliniques – enrichissement – isolement – which would be very useful to countries lacking the
identification présomptive – agglutination – sérogroupes O1-0139 – déclaration. necessary infrastructure, is currently being validated
by the WHO. Its use, however, will not remove the need
to isolate the cholera-inducing Vibrio strains, essential
1. Historique et situation actuelle for studying characteristics of epidemiological interest.
Continued monitoring of strains and information-
Le choléra, maladie infectieuse diarrhéique d’origine bac- sharing at the international level are part of an effective
térienne, à caractère épidémique, est connu depuis très cholera surveillance system.
longtemps, comme en témoigne son étymologie la plus
probable qui signifie en grec ancien « écoulement de bile ». Choleragenic vibrio – clinical manifestations –
Ce n’est cependant qu’en 1817 que commença la première enrichment – isolation – presumptive identification –
pandémie cholérique qui envahit l’Asie, le Moyen-Orient agglutination – serogroups 01-0139 – reporting.
et l’Est de l’Afrique et qui dura jusqu’en 1823. Les pandé-
mies qui lui ont succédé, ayant toutes l’Asie comme point
de départ, ont atteint successivement tous les continents la cinquième pandémie (1881-1896) que Robert Koch
en progressant de plus en plus rapidement avec l’amé- démontra, en 1883, le rôle pathogène de la bactérie V.
lioration des moyens de transport [1]. C’est au cours de cholerae (observée sur des coupes anatomiques par Pacini
en 1854) dans le choléra. Cette bactérie fut identifiée
ultérieurement comme appartenant au sérogroupe O1
a Centre national de référence des vibrions et du choléra
et au biotype classique de l’espèce V. cholerae. Nous
Laboratoire des bactéries pathogènes entériques sommes actuellement, depuis 1961, dans la septième
Institut Pasteur pandémie cholérique, due à V. cholerae O1, biotype El Tor.
28, rue du Dr Roux Les souches appartenant à ce biotype, défini sur la base
75724 Paris cedex 15 de quelques caractères phénotypiques, ont été isolées
pour la première fois en 1905 au lazaret de El Tor, dans la
* Correspondance presqu’île du Sinaï. Il fallut cependant attendre 1961 pour
quilici@pasteur.fr qu’elles soient reconnues comme responsables du cho-
léra. C’est pourquoi la septième pandémie cholérique n’a
article reç
reçu le 3 mai,
mai accepté le 24 juin
j in 2010
commencé officiellement qu’en 1961, avec la dissémination
© 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
Le volume d’eau éliminé peut atteindre 15 à 20 L par jour, ce l’on connaît une nouvelle niche écologique : l’homme [4].
qui explique la gravité de la déshydratation. Le compartiment Il est également possible que la survie des vibrions cho-
extracellulaire est d’abord touché par cette déshydratation, lériques dans l’environnement marin puisse jouer un rôle
avec une diminution des volumes intravasculaires. Ensuite, dans l’entretien des épidémies de choléra. L’existence
l’atteinte du compartiment intracellulaire affecte les fonc- d’un réservoir naturel aquatique de vibrions cholériques
tions cellulaires. Lorsque le volume intravasculaire diminue associés au phytoplancton et zooplancton a été démontrée
de plus de 20 %, l’hypotension et le manque de perfusion au Bangladesh [5]. La période de floraison de ce plancton
des organes vitaux entraînent la mort. dans le golfe du Bengale correspond à une recrudescence
La toxine cholérique ne provoque pas de lésions cel- des cas de choléra dans cette région du monde.
lulaires et peut donc être considérée plus comme une
cytotonine que comme une cytotoxine. Cela explique
que la muqueuse intestinale ne présente pas de lésions 3. Agents responsables
macroscopiques et que le malade, bien réhydraté, gué-
risse sans séquelle. L’élimination naturelle des vibrions Les agents responsables du choléra, appelés vibrions
cholériques, liée à un facteur mécanique, l’abondance de cholériques, sont des bacilles mobiles, Gram négatifs,
la diarrhée, et la mise en place de défenses immunitaires, oxydase positifs, appartenant à la famille des Vibrionaceae
d’abord non spécifiques puis spécifiques, contribuent à et au genre Vibrio. Ce genre bactérien comprend plus de
une possible évolution spontanée vers la guérison. Cepen- 90 espèces, ayant essentiellement pour habitat le milieu
dant, paradoxalement, l’absence de lésions cellulaires marin et, plus particulièrement, les eaux côtières et estua-
et le fait que le vibrion cholérique ne pénètre pas dans riennes. La diversité des espèces du genre Vibrio est à la
les cellules, expliquent que les malades ne présentent mesure de celle du milieu marin. Du point de vue médical,
pas d’élévation de leur température et qu’en consé- il est cependant possible de distinguer 2 populations parmi
quence, leur état de conscience soit maintenu jusqu’à les vibrions pathogènes pour l’homme :
un stade avancé de la maladie. Le maintien de cet état r les vibrions cholériques, responsables du choléra, popu-
de conscience, chez un malade qui se voit littéralement lation constituée de souches appartenant à 2 sérogroupes
mourir, contribue sans doute à la sinistre réputation du – O1 et O139 – de l’espèce V. cholerae. Ces souches se
choléra dans la conscience populaire. sont adaptées à l’homme et possèdent donc 2 niches
La physiopathologie du choléra permet de comprendre écologiques, l’homme et les eaux côtières et estuariennes ;
la transmission des vibrions cholériques. La propagation r les vibrions non cholériques, appartenant d’une part
rapide du choléra dans les populations s’explique par le aux sérogroupes de l’espèce V. cholerae autres que O1
fait que l’homme est d’une part un milieu de culture et ou O139 (V. cholerae non-O1/non-O139), et, d’autre part,
d’autre part un moyen de transport. En effet, les selles à d’autres espèces du genre Vibrio, parmi lesquelles on
diarrhéiques, libérées en grande quantité sous l’action peut citer V. parahaemolyticus et V. vulnificus. L’homme
de la toxine cholérique, vont répandre les vibrions cholé- entre en contact avec ces « vibrions non cholériques » par
riques dans l’environnement ; en l’absence de systèmes l’intermédiaire de la mer ou de ses produits, par ingestion
d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable, ou par contact direct. Ces vibrions non cholériques, qui ne
qui représentent de ce fait un bon marqueur de la pauvreté sont pas spécialement adaptés à l’homme à la différence
et de l’absence d’hygiène d’une population, les vibrions des vibrions cholériques, entraînent des toxi-infections
cholériques sont alors transmis de façon indirecte par alimentaires ou des infections sporadiques, ces dernières
contamination de l’eau et des aliments (péril orofécal) et de pouvant être gravissimes [6].
façon directe par les contacts interhumains. De nombreuses L’isolement d’une souche appartenant à l’espèce V. cholerae
études épidémiologiques réalisées en Asie, en Afrique et ne suffit donc pas pour affirmer que l’on est en présence
en Amérique latine ont démontré le rôle important des d’un cas de choléra. Outre le fait qu’il faut bien entendu tenir
aliments contaminés dans la transmission du choléra et compte du contexte clinique, il faut en effet poursuivre les
notamment des aliments préparés ou conservés dans de investigations par la détermination du sérogroupe (O1 ou
mauvaises conditions d’hygiène, comme ceux préparés O139), et parfois par la recherche des gènes de la toxine
dans la rue [3]. Par ailleurs, pendant la période d’incubation cholérique, avant d’affirmer que l’on a affaire à un vibrion
de la maladie, ou au cours d’un portage asymptomatique, cholérique. Il est donc regrettable que le terme « chole-
l’homme transporte les vibrions cholériques dans son rae », fortement évocateur du choléra, ait été utilisé pour
intestin, sur des distances plus ou moins longues selon désigner une espèce bactérienne qui n’est pas toujours
les moyens de transport utilisés. Des études ont montré responsable de cette maladie.
que le portage de vibrions cholériques pouvait persister Le sérogroupe O est déterminé par la spécificité immunolo-
de 2 semaines à 7 mois chez des convalescents. gique d’un antigène exposé à la surface des bactéries Gram
Les vibrions cholériques possèdent également une deu- négatif, le lipopolysaccharide. Plus de 200 sérogroupes O
xième niche écologique, l’environnement marin. C’est ont été décrits au sein de l’espèce V. cholerae. Parmi les
l’acquisition, par des souches de sérogroupe O1 de l’es- souches de V. cholerae O1, on distingue principalement
pèce V. cholerae – initialement d’origine marine et dont la 2 sérotypes : les sérotypes Ogawa et Inaba. Un troisième
niche écologique est représentée par les eaux côtières et sérotype a été décrit, le sérotype Hikojima, correspondant
estuariennes –, d’une cassette de virulence transmise par à une forme de transition entre les 2 premiers. Les souches
un phage, le phage CTX, qui leur a permis de devenir des de V. cholerae O1 peuvent aussi être classées en biotypes
vibrions cholériques et de conquérir avec le succès que en fonction de caractères phénotypiques et génotypiques
présentés dans le tableau I. Les souches du biotype clas- choléra et doivent être notifiés de la même manière auprès
sique, responsables des 5e et 6e pandémies, ont quasiment des autorités sanitaires compétentes.
disparu, à l’exception d’un foyer dans le golfe du Bengale.
Les souches du biotype El Tor sont responsables de la
7e pandémie. On assiste depuis quelques années à l’émer- 4. Diagnostic
gence, au Bangladesh, et la dissémination, de variants de
V. cholerae O1 biotype El Tor, hybrides entre les souches La prise en charge d’une épidémie de choléra représente
des biotypes classique et El Tor [7]. Ces souches, éga- une urgence de santé publique [12, 13]. Le diagnostic du
lement identifiées dans certains pays d’Afrique de l’Est, choléra est d’abord clinique, mais le rôle du laboratoire de
se révéleraient, d’après des constatations de terrain, plus bactériologie est essentiel pour l’identification de l’agent
virulentes, entraînant un taux de létalité plus élevé. La étiologique de l’épidémie.
dissémination de ces souches dans d’autres parties du
monde [8] a conduit certains auteurs à proposer une révi- 4.1. Diagnostic clinique
sion du schéma de nomenclature actuel des biotypes [9]. « Une diarrhée sévère suivie de vomissements qui tue
V. cholerae O1 a été le seul agent connu du choléra les adultes en quelques heures est presque toujours un
pendant plus d’un siècle, entre 1883 et 1992. L’appari- choléra », disait Lapeyssonnie, médecin militaire exer-
tion d’une nouvelle souche de vibrion cholérique appar- çant en Afrique lors de l’arrivée de la septième pandémie
tenant à un nouveau sérogroupe – O139 – de l’espèce cholérique sur ce continent, en 1970 [14]. Il ne faut donc
V. cholerae représente donc un événement considérable dans pas attendre le résultat du laboratoire pour commencer
l’histoire du choléra. Cette nouvelle souche est identique à le traitement. Il est cependant frappant de constater que,
V. cholerae O1 par les formes cliniques de choléra qu’elle malgré l’aspect typique de la forme clinique majeure du
entraîne, par ses caractères biochimiques et par ses fac- choléra, le diagnostic clinique n’est pas toujours évident,
teurs de virulence, dont le principal est la toxine cholérique. même pour des cliniciens ayant une grande expérience
Cependant, l’immunité induite à la suite d’un contact avec V. de cette maladie. En effet, une étude récente réalisée à
cholerae O1 ne protège pas contre V. cholerae O139, ce qui Dacca, au Bangladesh, dans un hôpital spécialisé dans le
montre que les anticorps dirigés contre la toxine cholérique traitement du choléra et qui reçoit chaque année jusqu’à
ne sont pas protecteurs et ce qui apporte un argument en 100 000 cholériques, a montré que le diagnostic clinique
faveur du rôle protecteur des anticorps dirigés contre le (spécificité, sensibilité) n’était exact que dans 79 % des cas.
lipopolysaccharide. Des travaux de génétique bactérienne
ont montré que V. cholerae O139 résulte d’un transfert de 4.2. Diagnostic bactériologique
matériel génétique d’une souche de V. cholerae non-O1, ne Le diagnostic d’un vibrion cholérique (V. cholerae O1 ou
produisant pas la toxine cholérique [10, 11], à une souche de V. cholerae O139) au laboratoire est toujours une question
V. cholerae O1, produisant la toxine cholérique. Ce transfert de rigueur et de rapidité qui engage le biologiste, le clinicien,
a provoqué la modification de la structure chimique du lipo- les autorités sanitaires nationales et l’OMS.
polysaccharide de la souche réceptrice, et donc la conver- r Essentiel
sion du sérogroupe O1 en sérogroupe O139, alors que cette L’identification du vibrion cholérique dans les prélèvements
souche gardait sa capacité à produire la toxine cholérique de selles diarrhéiques est essentielle pour affirmer la pré-
et donc à provoquer le choléra. V. cholerae O139 possède sence du choléra. Le rôle du laboratoire de bactériologie
de plus une capsule polysaccharidique, dont la structure est donc très important soit pour le diagnostic de cas iso-
de base est identique à celle de la partie polysaccharidique lés – cas dits « d’importation » – soit pour le diagnostic
spécifique du lipopolysaccharide O139. des premiers cas d’un nouveau foyer épidémique. Il est
Dans les directives de l’OMS, V. cholerae O1 et V. cho- donc indispensable de rechercher les vibrions cholériques
lerae O139 sont classés comme causes reconnues du dès que des cas cliniques suspects sont signalés dans
une région à risque. Lorsque l’épidémie se développe, la schémas classiques d’identification bactérienne donnent
recherche du vibrion cholérique devient inutile d’une part la priorité à la détermination de l’espèce à laquelle cette
parce qu’elle n’apporte rien au traitement des malades, et souche appartient, par l’étude des caractères biochi-
d’autre part, parce qu’elle surcharge inutilement le labora- miques. Cette étude requiert un délai de 24 à 48 heures
toire. En revanche, la recherche du vibrion cholérique sur après l’isolement de la souche, et la détermination du
les prélèvements suspects redevient utile lorsque l’épidémie sérogroupe et/ou du sérotype n’intervient qu’après l’iden-
est dans sa phase descendante. En effet, les examens de tification de l’espèce.
laboratoire permettent, lorsqu’ils sont négatifs, de confir- Pour être effectué autant avec rigueur que rapidité, le
mer bactériologiquement la fin d’une épidémie de choléra. diagnostic du vibrion cholérique comporte d’abord un
Une autre caractéristique du diagnostic du vibrion cholérique diagnostic présomptif de l’espèce V. cholerae. Ce dia-
est qu’il doit être réalisé à la fois avec rigueur et rapidité. gnostic présomptif associe l’étude de quelques carac-
La rigueur permettra d’éviter aussi bien les fausses alertes tères – morphologiques, culturaux et biochimiques – à la
au choléra que les retards dans la détection d’un nouveau recherche de l’agglutination de la souche suspecte par
foyer cholérique. La rapidité du diagnostic permettra la les sérums anti-O1 et anti-O139. Cette démarche, asso-
mise en œuvre rapide de mesures sanitaires pour limiter la ciée au contexte clinique et écologique dans lequel a été
progression de l’épidémie. effectué le prélèvement, permet d’établir avec une quasi-
certitude que la souche isolée est un vibrion cholérique.
r Simple
Si la réponse est positive, le laboratoire local doit :
Le diagnostic bactériologique du choléra consiste en
- faire une déclaration de présomption de choléra
l’identification de la bactérie responsable dans des selles
aux autorités sanitaires nationales, en fonction des
suspectes. Cette bactérie est relativement simple à iden-
dispositions locales, de façon à ce que ces autorités
tifier du fait de sa concentration habituellement élevée
prennent les mesures nécessaires ;
dans les selles de malades. Elle est de plus peu exigeante
- envoyer la souche à un laboratoire national de réfé-
pour sa culture, et présente à sa surface un antigène spé-
rence pour confirmation du diagnostic.
cifique – l’antigène O1 ou l’antigène O139 – qui permet
Depuis l’entrée en vigueur le 15 juin 2007 du nouveau Règle-
son identification par une simple réaction d’agglutination
ment sanitaire international (RSI), adopté par l’Assemblée
sur lame. C’est d’ailleurs la reconnaissance de cet anti-
mondiale de la Santé en mai 2005, le choléra n’est plus
gène par des anticorps spécifiques qui a été mise à profit
nominativement désigné comme étant une maladie à décla-
pour le développement d’un test de diagnostic rapide du ration obligatoire au niveau international. Sa notification
choléra sur bandelette. éventuelle à l’OMS par les autorités sanitaires se fera si le
r Rendu inutilement confus cas entre dans les critères de déclaration, le nouveau règle-
L’identification du vibrion cholérique a été rendue confuse par ment imposant maintenant aux États membres de l’OMS
l’utilisation du nom unique de « V. cholerae » pour désigner de déclarer « tous les événements sanitaires susceptibles
à la fois le vibrion cholérique et également des bactéries qui de constituer une urgence de santé publique de portée
n’ont jamais été rendues responsables de cas de choléra. internationale », quelle que soit la pathologie concernée.
En effet, seules les souches de l’espèce V. cholerae appar- L’identification de l’espèce V. cholerae est ensuite pour-
tenant aux sérogroupes O1 et O139 sont à l’origine de suivie selon les méthodes bactériologiques classiques
cas de choléra, et sont appelées vibrions cholériques. avec l’étude d’un plus grand nombre de caractères bio-
Les souches de l’espèce V. cholerae appartenant aux autres chimiques. La composition des milieux utilisés est pré-
sérogroupes, désignées comme V. cholerae non-O1/non- sentée en annexe I de ce document.
O139, peuvent provoquer des diarrhées, des abcès ou
des septicémies, mais ne provoquent pas d’épidémies de 4.2.1. Type de prélèvements étudiés
choléra et ne sont pas des souches de vibrion cholérique. On peut être amené à rechercher le vibrion cholérique
Une autre source de confusion est due à l’inclusion de dans les selles et les vomissements. La méthodologie
caractères superflus dans les schémas classiques d’iden- sera dans tous les cas sensiblement identique.
tification du vibrion cholérique. En effet, s’il est intéressant Les selles sont fécaloïdes durant les premières heures
de connaître le biotype (« classique » ou El Tor) et le sérotype de la maladie puis liquidiennes. Le malade peut émettre
(Ogawa ou Inaba pour les souches de V. cholerae O1) des jusqu’à 15 litres de selles par jour. Ces selles ont l’aspect
souches, ces informations ne sont pas nécessaires au dia- d’une eau claire dans laquelle flottent des grains riziformes
gnostic et ne doivent en rien retarder le rendu des résultats. constitués de vibrions et de mucus. Il n’y a jamais de
De même, elles ne doivent pas interférer dans la prise en sang dans des selles cholériques sauf complication ou
charge de l’épidémie. Cela est particulièrement important association à une autre pathologie.
pour le diagnostic du vibrion cholérique dans un laboratoire
disposant de moyens limités. Conditionnement, conservation
r Une démarche diagnostique différente des démarches et transport des prélèvements
classiques r Conditionnement
La nécessité de rigueur et de rapidité pour l’identification La méthode la plus simple pour envoyer les selles sus-
du vibrion cholérique est à l’origine d’une démarche dia- pectes au laboratoire consiste à imbiber un petit morceau
gnostique différente de celle qui est habituellement utilisée de papier absorbant stérile, et à le placer dans un tube
en bactériologie. stérile en matière plastique à fermeture étanche, contenant
Généralement, dès qu’une souche suspecte est isolée, les quelques gouttes d’eau physiologique stérile (figure 1).
et comprenant :
r un récipient primaire étanche contenant la culture ou
le matériel biologique (attention, la quantité de matière
infectieuse est limitée à 50 mL ou 50 g par colis en aérien) ;
r une boîte secondaire étanche, résistant aux chocs, avec un
matériau absorbant en quantité suffisante, dans laquelle
est inséré le récipient primaire ;
r un emballage tertiaire résistant dans lequel est placé
l’ensemble, dont la plus petite dimension soit supé-
rieure 10 cm, afin de porter le marquage spécifique et
l’étiquetage réglementaire obligatoire. Cet étiquetage,
permettant l’identification de la classe de danger, est
placé sur la paroi externe de l’emballage tertiaire (utili-
ser les étiquettes de danger normalisées en losange de
10 x 10 cm).
■ Identifier clairement le destinataire et l’expéditeur avec le
© Institut Pasteur.
J1 : Enrichissement et isolement
➣ r Répartir stérilement le milieu EPSA dans des tubes de Khan, sous un volume de 2 ml
par tube. Prévoir 3 tubes par échantillon. Placer tous les tubes à l’étuve à 37 °C.
➣ T-0
Ensemencement
r Ensemencer un tube d’EPSA à partir de l’échantillon, à l’aide d’une pipette L’ensemencement doit être abondant, environ 0,2 ml
r On peut aussi plonger le papier buvard imprégné de selles dans ce milieu, de selles dans un tube de 2 ml d’EPSA.
si le conditionnement du prélèvement le permet.
r Ce tube initial d’EPSA (T0) est placé à l’étuve à 37 °C pendant 3 heures.
Faire deux boîtes de chaque milieu en épuisement
Isolement
pour avoir des colonies isolées.
r Prélever l’échantillon avec une anse, faire un isolement sur :
- gélose nutritive alcaline (GNA) (2 boîtes en épuisement)
- gélose thiosulfate-citrate-bile-saccharose (TCBS) (2 boîtes en épuisement)
r Incuber à 37 °C.
Examen microscopique
r État frais : aspect monomorphe avec mucus et cellules desquamées ; nombreux
germes à mobilité de type polaire, qui se déplacent en vols de moucherons.
r Coloration de Gram : flore monomorphe faite de bacilles à Gram négatif, fins,
incurvés ou non, isolés.
➣ T+3 h
r Repiquer le tube T0, même en l’absence de voile, dans un nouveau tube d’EPSA Le voile commence à apparaître après quelques
(tube T3). heures de culture, mais ne devient très net qu’après
r À partir du tube T0, faire un isolement sur : 18-24 heures de culture.
- une GNA,
- une gélose TCBS. Pour le repiquage et l’isolement, prélever
délicatement sous la surface de l’eau peptonée,
r Placer à l’étuve à 37 °C.
sans agiter le tube.
➣ T+6 h
r Repiquer le tube T3 dans un nouveau tube d’EPSA (tube T6).
r À partir du tube T3, faire un isolement sur :
- une gélose nutritive alcaline,
- une gélose TCBS.
r Si nécessaire (pas de culture en T3) :
faire un nouvel isolement à partir du tube T0 sur :
- une gélose nutritive alcaline,
- une gélose TCBS.
r Placer à l’étuve à 37 °C.
J2 : Enrichissement et isolement
➣ T + 18-24 h
r Si les isolements effectués à T+3h et T+6h ne présentent pas de colonies suspectes,
refaire des isolements sur GNA et TCBS à partir du tube d’EPSA ensemencé à T+6 h
(tube T6).
r Si les isolements effectués à T+3 h et/ou T+6 h présentent des colonies suspectes,
étudier ces colonies :
■ Sur TCBS, les colonies de vibrion cholérique sont arrondies, bombées Il faut cependant noter l’existence de souches de
et habituellement jaunes (sacc+). vibrion cholérique qui donnent des colonies vertes
Reprendre au moins cinq colonies suspectes isolées sur TCBS et les ensemencer sur (sacc-). L’attitude qui consiste à rejeter d’emblée les
GNA. colonies vertes mérite donc d’être révisée.
■ Sur GNA, les colonies de vibrion cholérique sont rondes, de taille moyenne, environ En pratique, les résultats obtenus sur GNA sont plus
2 mm de diamètre après 18 heures de culture, translucides bleutées, fiables et moins sujets à erreur de diagnostic.
à bord régulier.
Si nécessaire, ré-isoler au moins 5 colonies suspectes sur GNA.
➣ Si les colonies sont bien isolées sur GNA et si la culture est en quantité suffisante, l’identification présomptive, associant l’étude de quelques
caractères et l’agglutination avec les sérums anti-O1 et anti-O139, peut souvent être pratiquée à ce stade.
© Institut Pasteur.
J2 : Identification présomptive
r Effectuer :
➣ un état frais
➣ une coloration de Gram
➣ une réaction d’oxydase La réaction d’oxydase ne doit pas être faite à partir
d’une culture sur TCBS, la composition du milieu
Si le germe est pouvant induire de faux résultats.
- un bacille mobile (nombreux germes à mobilité de type polaire, qui se déplacent en
vols de moucherons), L’utilisation d’une anse métallique peut entraîner
- à Gram négatif (flore monomorphe, faite de bacilles fins isolés, incurvés ou non) une réaction faussement positive pour le test de
- positif pour le test de l’oxydase, l’oxydase. Utiliser une pipette Pasteur boutonnée ou
L’identification d’un vibrion cholérique doit être poursuivie par la réaction une anse en plastique jetable.
d’agglutination.
L’agglutination doit être faite de préférence à partir
➣ Agglutination avec les sérums anti-O1 et anti-O139
d’une culture sur GNA. Il est déconseillé d’utiliser
r Déposer sur une première lame une goutte d’eau physiologique stérile et à côté une
des cultures sur milieu TCBS qui peuvent donner des
goutte de sérum anti-O1 réactions d’auto-agglutination en eau physiologique
r Prélever à l’anse de platine quelques colonies et les déposer sur la lame à côté de empêchant l’interprétation de la réaction.
chacune des gouttes d’eau physiologique et de sérum anti-O1 L’agglutination doit aussi être pratiquée avec une
r Avec l’anse de platine, mélanger doucement et progressivement les bactéries dans culture jeune.
chacune des gouttes. Commencer par la goutte d’eau physiologique, continuer par
le sérum anti-O1. La suspension doit être bien homogène. Agiter doucement par un
mouvement tournant.
r Lire à l’œil nu, ou mieux avec une loupe d’horloger, au-dessus d’une surface sombre. Il ne doit pas y avoir d’agglutination avec l’eau
L’agglutination doit apparaître rapidement - en moins de 2 min. - et être fine et physiologique. S’il y a agglutination, il s’agit d’une
régulière. souche auto-agglutinable, et il est en conséquence
inutile de poursuivre la réaction avec le sérum
anti-O1 ou le sérum anti-O139. Envoyer la souche à
r Si la souche n’est pas auto-agglutinable et n’agglutine pas avec le sérum anti-O1,
un laboratoire de référence.
rechercher l’agglutination avec le sérum anti-O139 en déposant sur une seconde lame
une goutte de sérum anti-O139.
➣ Une souche de vibrion cholérique doit obligatoirement agglutiner avec le sérum anti-O1 ou le sérum anti-O139.
➣ Les lames utilisées doivent être immédiatement jetées dans des bains d’eau de Javel. Le manipulateur doit se laver soigneusement les mains à
l’eau javellisée après cette série d’agglutinations.
© Institut Pasteur.
* : milieu à utiliser en fonction des disponibilités des laboratoires, mais non indispensable pour l’identification de V. cholerae.
* * : pour le test de l’oxydase, utiliser une pipette Pasteur boutonnée ou une anse de plastique jetable
© Institut Pasteur.
Agglutination avec les sérums anti-O1 et anti-O139 gique (géographie, niveau d’hygiène, climat), les caractères
C’est l’étape capitale du diagnostic du vibrion cholérique, morphologiques, culturaux, biochimiques et immunolo-
qui entraînera la prise de mesures sanitaires et la déclara- giques (réaction d’agglutination) décrits, permettent de
tion aux autorités de santé. conclure avec une quasi-certitude que la souche isolée
Une souche de vibrion cholérique (V. cholerae O1 ou est un vibrion cholérique.
V. cholerae O139) doit obligatoirement agglutiner avec l’un L’ensemble de ces éléments justifie d’une part la décla-
des deux sérums, anti-O1 ou anti-O139. L’agglutination ration aux autorités sanitaires qui prendront les mesures
doit apparaître rapidement – en moins de deux minutes – nécessaires, et d’autre part l’envoi de la souche à un
et être fine et granulaire. laboratoire national de référence pour confirmation du
Il ne doit pas y avoir d’agglutination avec l’eau physiologique. diagnostic bactériologique.
S’il y a agglutination, il s’agit d’une souche auto-agglutinable
qui doit être envoyée à un laboratoire de référence. 4.2.4. Poursuite de l’identification
Le contexte clinique et épidémiologique (essentiellement de l’espèce V. cholerae
diarrhée épidémique ou diarrhée survenue au retour d’une Parallèlement à la déclaration aux autorités sanitaires et à
région du monde où il y a du choléra), le contexte écolo- l’envoi de la souche à un laboratoire national de référence,
- Disque ONPG - ONPG positif La majorité des réactions positives sont observées
entre 15 et 30 min après incubation à 37 °C.
- Eau peptonée hypersalée -Indole positif Depuis 1993, des souches indole négatives sont
ou milieu Urée-Indole et réactif de Kovacs isolées en Afrique
➣ Pour le décodage de la plaque API 20E, prendre en compte pour les décarboxylases et la dihydrolase les résultats obtenus en tubes.
Remarque : des souches de Vibrio cholerae O1 résistantes au composé O129 sont de plus en plus fréquemment isolées. De ce fait, la résistance au
➣ composé O129 ne doit plus être considérée comme un caractère permettant d’éliminer l’espèce Vibrio cholerae. Cette résistance est liée à la résistance
au triméthoprime.
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l’identification de l’espèce à laquelle appartient la souche initial de sensibilité aux agents antimicrobiens de la
sera poursuivie. souche isolée et le suivi d’éventuels changements dans
Les principaux caractères culturaux et biochimiques de ce profil au cours de l’épidémie. Cette détermination
l’espèce V. cholerae ainsi que leurs moyens d’étude sont et ce suivi peuvent se faire au niveau du laboratoire de
décrits dans les fiches techniques 4 et 5. microbiologie ayant initialement isolé le vibrion cholé-
L’étude de ces caractères permet de confirmer l’apparte- rique, ou au niveau du laboratoire de référence, auquel
nance de la souche à l’espèce V. cholerae. la souche a été expédiée.
Il faut cependant insister à nouveau sur le fait que l’iden-
tification de l’espèce ne permet pas à elle seule de faire la
5.1. Détermination du profil de sensibilité
distinction, capitale dans ses conséquences en mesures
de santé publique, entre les souches de vibrion cholé- aux agents antimicrobiens
rique (V. cholerae O1, V. cholerae O139) et les souches de Bien que l’antibiothérapie ne soit pas essentielle pour
V. cholerae non-O1/non-O139, qui ne sont pas des traiter les patients atteints de choléra, elle peut s’avérer
souches de vibrion cholérique. Dans l’attente de la utile car elle réduit la durée et le volume de la diarrhée,
disponibilité d’un test de diagnostic rapide, la réac- réduisant ainsi le volume des liquides nécessaires à la
tion d’agglutination au moyen d’un immun sérum reste réhydratation mais également la durée d’émission des
encore aujourd’hui la seule technique spécifique – et vibrions dans les selles et dans l’environnement, et donc
donc absolument nécessaire – pour l’identification du les sources possibles de contamination. La multi résis-
vibrion cholérique. tance croissante des souches de vibrion cholérique aux
antibiotiques a rendu nécessaire la surveillance de la
sensibilité aux anti-infectieux. Cette sensibilité représente
5. Études complémentaires également un marqueur épidémiologique permettant un
suivi des souches sur des périodes bien définies.
L’étude approfondie des souches de vibrions cholé- L’étude de la sensibilité aux agents antimicrobiens est réa-
riques peut apporter des informations d’intérêt épi- lisée par la méthode de diffusion en milieu gélosé (méthode
démiologique, permettant éventuellement de détecter des disques). Les diamètres d’inhibition pour les vibrions
l’émergence d’une nouvelle souche épidémique et de ont été établis pour un nombre limité d’antibiotiques par
déterminer les sources et les modes de transmission de le Comité national des normes pour laboratoires cliniques
l’agent étiologique de l’épidémie. L’un des rôles majeurs (NCCLS). Il est possible d’utiliser la technique des disques
du laboratoire est également la détermination du profil pour diffusion en gélose pour les bactéries à croissance
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