Chaussees Portuaires
Chaussees Portuaires
Chaussees Portuaires
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1. Introduction
Dans le but d’augmenter la capacité d’entreposage des conteneurs au Port de Montréal afin
de supporter la demande croissante et de faire face à la concurrence, l’Administration
portuaire de Montréal (APM) a procédé à la requalification du secteur d’entreposage de
marchandises en vrac situé au secteur Viau en un secteur d’entreposage de conteneurs
d’une capacité de 150 000 équivalent vingt pieds (EVP).
L’ensemble de l’aménagement du site, pour un coût global de 30,6 M$, comprenait les
travaux suivants :
L’étude des scénarios d’aménagement a montré que la gestion d’un important volume de
sols contaminés issus des excavations avait un impact sur la viabilité financière du projet. Il a
donc fallu recourir à une solution innovatrice et durable en optant pour la valorisation et la
réutilisation sur site des sols contaminés traités par stabilisation et solidification (S/S) comme
matériaux de sous-fondation.
Présentation du site
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Problématique
Le site ayant été construit sur des remblais hétérogènes dont les propriétés physiques ne
répondaient pas à la nouvelle vocation du site, celles-ci devaient être améliorées afin
d’assurer une performance adéquate du nouveau terminal, compte tenu des énormes
charges imposées par l’empilement des conteneurs et les équipements de manutention. Les
charges de trafic envisagées pour la nouvelle chaussée portuaire se présentent comme suit :
• Pont roulant sur pneus : 200 000 passages sur les pistes de roulement sur 20 ans;
De plus, une épaisseur de chaussée plus grande amenait une contrainte supplémentaire
compte tenu du niveau d’implantation relativement fixe des structures existantes (quais,
voies de circulation adjacentes, voies ferrées, etc.).
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2. Optimisation de la chaussée
Dans le but de minimiser les coûts liés à la gestion des sols contaminés provenant des
excavations, il a donc été proposé d’améliorer les propriétés physiques du remblai et de
valoriser ces sols directement sur le site suite à une réutilisation comme matériaux de sous-
fondation après traitement par stabilisation et solidification. Considérant que la structure de
la chaussée devait être le plus mince possible, le massif issu de la stabilisation et de la
solidification des sols devait répondre à des critères physiques permettant l’amélioration de
la capacité portante de la chaussée. La structure de la chaussée a donc été modélisée pour
déterminer les contraintes transmises au monolithe S/S. Le tableau 1 donne les résultats de
la modélisation des contraintes transmises au monolithe S/S. À partir de ces valeurs de
contrainte, les critères physiques auxquels devaient répondre le monolithe S/S ont été fixés.
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60mm Enrobé bitumineux
210mm Enrobé bitumineux
Le présent document explique les différents travaux qui ont été réalisés en laboratoire et sur
le site. Dans un premier temps, l’étude de traitabilité des sols par S/S est présentée. Cette
phase du projet comprenait une étude exhaustive en laboratoire qui avait pour objectif
d’évaluer la possibilité de traiter par S/S les sols excavés sur le site ainsi qu’un essai pilote
de chantier. Ce dernier avait pour but de vérifier la technique utilisée pour le mélange des
intrants, de tester les équipements afin d’anticiper d’éventuels problèmes lors de l’application
à grande échelle. Ensuite, les travaux nécessaires à la mise en place du monolithe S/S sont
présentés. Enfin, nous soulignons l’apport de la technique appliquée dans l’optique d’une
gestion durable des sols contaminés.
3. Étude de traitabilité
La stabilisation et la solidification (S/S) d’un sol contaminé est un procédé de traitement qui
consiste à mélanger un liant d’inertage (ex. : ciment), de l’eau, des additifs et le matériau
contaminé afin d’immobiliser les contaminants et rendre ainsi le matériau sécuritaire d’un
point de vue environnemental. Le procédé repose sur deux mécanismes principaux, soit une
stabilisation chimique des contaminants présents dans le sol et une encapsulation du sol
contaminé stabilisé dans une matrice solide à l’aide, dans le cas présent, d’un mélange à
base de ciment. Le premier mécanisme vise globalement à rendre les contaminants
insolubles et le second à réduire la possibilité que le sol stabilisé entre en contact avec de
l’eau.
Ce procédé, utilisé depuis les années 1950 aux États-Unis, est encore très peu utilisé au
Québec et au Canada bien qu’il soit démontré et reconnu dans le traitement sur site et hors
site de contaminations inorganiques.
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Travaux de laboratoire
Les travaux de laboratoire ont consisté en une étude de traitabilité des sols contaminés par
le procédé de stabilisation et solidification. Cette étude avait pour objectif d’étudier la
faisabilité du traitement par S/S des sols contaminés qui devaient être excavés dans le cadre
des travaux de réaménagement du secteur Viau au Port de Montréal. Deux échantillons
composites représentatifs des sols rencontrés dans le premier mètre du site ont été prélevés
au droit de dix stations d’échantillonnage. D’ordre général, lors de cet échantillonnage réalisé
en décembre 2012 (avant les travaux de compactage dynamique), une couche de pierre
concassée a été retrouvée sur une épaisseur moyenne de 0,3 mètre sous le pavage
existant. Par la suite, une couche de remblai a été rencontrée. L’échantillonnage s’est limité
à un mètre de profondeur sous le pavage en raison des objectifs du réaménagement qui
avaient été initialement établis. Un troisième échantillon composite a été formé à partir d’un
mélange de 30 % de la pierre concassée et de 70 % du remblai.
Le procédé de S/S retenu est celui qui consiste à mélanger les sols contaminés et un liant
hydraulique, en l’occurrence du ciment Portland. Les formules sont constituées d’un mélange
de pierre concassée, de remblai et de ciment dans diverses proportions. Trois types
de ciment Portland ont été utilisés dans l’élaboration des formules. Des adjuvants
(entraîneur d’air et réducteur d’eau) ont été ajoutés à certaines formules de mélange. Les
éprouvettes ont été réalisées par compactage au marteau à percussion dans des moules
cylindriques en PVC (de 150 x 300 mm et de 100 x 200 mm) et des moules prismatiques de
100 x 100 x 400 mm.
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Tableau 4 - Critères de performance
Résistance à la compression
> 3,5 MPa
(à 28 jours)
Au cours des travaux de laboratoire, l’influence des facteurs suivants a été étudiée :
• Le dosage en ciment.
• Le type de ciment.
• La granulométrie des sols.
• L’humidité des sols.
• L’ajout d’adjuvants (entraîneur d’air et réducteur d’eau).
Les résultats des analyses granulométriques indiquaient que les échantillons de remblai
correspondaient en moyenne à des graviers sableux et silteux avec traces d’argile. Les
échantillons de pierre concassée sont associés à des graviers sableux avec traces de silt et
d’argile. Les résultats des analyses granulométriques sont résumés dans le tableau 5.
Pourcentage passant
Matériau Matériau Matériau
Tamis
0,0 – 0,3 m 0,3 – 1,0 m 0,0 – 1,0 m
de profondeur de profondeur de profondeur
(pierre concassée) (remblai) (mélange)
56 mm 94 % 98 % 96 %
20 mm 57 % 80 % 71 %
5 mm 35 % 61 % 51 %
0,08 mm 13 % 32 % 25 %
0,002 mm 4,0 % 8,9 % 6,5 %
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Les résultats de l’essai de compression ont montré que la moyenne des résistances à la
compression obtenues à vingt-huit jours de mûrissement varie de 4,0 à 10,4 MPa. Toutes les
formules dépassent le critère de 3,5 MPa de résistance en compression. Les résultats de
l’essai de flexion ont montré que la moyenne des résistances à la flexion obtenues à vingt-
huit jours de mûrissement varie de 1,4 à 2,3 MPa. Sur les 14 formules sélectionnées, dix
dépassent le critère de 1,8 MPa de résistance en flexion. Les essais de conductivité
hydrauliques ont été réalisés pour sept formules de mélange. Les résultats de cet essai
montrent que les coefficients de perméabilité varient de 4,70E-09 à 3,00E-04 cm/s. Sur les
sept échantillons testés, quatre respectent la norme d’un coefficient de perméabilité inférieur
à 1,00E-07 cm/s. En conclusion, quatre des formules sélectionnées satisfaisaient à ces 3
critères.
L’altération physique a été évaluée à l’aide des essais de durabilité aux cycles de gel/dégel à
sec et avec présence d’une source d’eau. Pour chaque type d’essai, onze formules de
mélange ont été testées. Tous les échantillons testés en condition sèche respectaient le
critère de moins de 10 % de pertes de matériel à 21 cycles fixé pour le projet. Pour les
essais en condition humide, cinq échantillons respectaient ce même critère.
L’essai pilote a été réalisé sur une superficie de l’ordre de 3 000 mètres carrés. Des travaux
préparatoires ont été réalisés avant le début des travaux. Il s’agissait notamment d’une
excavation d’une profondeur d’environ 2 pieds de la surface devant accueillir le monolithe
S/S et du compactage de l’infrastructure; du tamisage et conditionnement des matériaux à
traiter pour respecter les spécifications granulométriques.
Les résultats des essais obtenus lors de l’étude en laboratoire ont permis de déterminer les
formules de mélange qui répondaient aux exigences de performance tant physiques que
chimiques. À partir de ces formules, un total de quatre formules de mélange sol-ciment avec
ou sans adjuvants a été testé dans le cadre de cet essai pilote.
Le traitement des matériaux a été réalisé par malaxage en continu des composants dans
une usine mobile de type pugmill. Les matériaux traités ont été par la suite épandus et
compactés. L’épaisseur du monolithe après compactage était fixée à 300 millimètres. Pour
assurer la cure humide des matériaux mis en place, ces derniers étaient recouverts d’une
toile géotextile gardée humide par un arrosage régulier. Pour chaque formule, un échantillon
était prélevé en vue de procéder aux différents essais et analyses prévus au programme de
contrôle. À partir de cet échantillon, des éprouvettes ont été confectionnées (cylindres et
poutres rectangulaires). D’autres éprouvettes ont été carottées (cylindres) et sciées (poutres)
dans le monolithe S/S après vingt-huit jours de mûrissement.
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Tableau 6 - Sommaire des résultats des essais de l'essai pilote à 28 jours de
mûrissement
Résistance à la flexion
1,7 1,8 2,3 2,5
(MPa)
Résistance à la compression
4,9 7,3 6,2 9,1
(MPa)
Conductivité hydraulique
7,5E-06 3,6E-06 8,2E-06 2,9E-07
(cm/s)
TESTS CHIMIQUES
Diffusivité (indice de
>9
lixiviabilité)
L’étude de traitabilité en laboratoire ainsi que l’essai pilote ont permis de déterminer la
formule de mélange optimale pour le traitement des sols du présent projet. Le traitement des
matériaux s’est fait par malaxage en continu des différents intrants de la formule retenue
dans une usine de malaxage mobile de type pugmill (voir figure 3). Une quantité d’environ
35 000 tonnes de sols bruts a été traitée, pour un total d’environ 19 000 mètres cubes
répartis sur une superficie de l’ordre de 65 000 mètres carrés.
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Figure 3 - Vue de l'usine mobile de malaxage.
Un programme de contrôle des matériaux traités avait été mis en place pour s’assurer de la
conformité de ces matériaux aux critères de rendement fixés ainsi qu’aux spécifications
techniques en rapport avec la structure de chaussée à construire. Pour 500 mètres cubes de
sols traités, un échantillon de sols était prélevé pour fins de contrôle. Quarante-quatre
échantillonnages de contrôle ont ainsi été réalisés pour l’ensemble du projet.
Pour chaque échantillon de sols traités, des éprouvettes ont été confectionnées (cylindres et
poutres rectangulaires). D’autres éprouvettes ont été carottées (cylindres) et sciées (poutres)
dans le monolithe S/S après quelques jours de mûrissement (Figure 4).
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Figure 4 - Prélèvement d'échantillons dans le monolithe S/S.
Le programme de contrôle des matériaux comprenait les essais physiques et chimiques. Les
résultats des essais sont résumés dans le tableau 7. Les valeurs moyennes obtenues
respectent les critères fixés pour ce projet.
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Tableau 7 : Sommaire des résultats des essais des travaux à pleine échelle
TESTS PHYSIQUES
Résistance à la flexion (à 28
1,8 MPa
jours)
Résistance à la compression
8,6 MPa
(à 28 jours)
TESTS CHIMIQUES
Diffusivité (indice de
>9
lixiviabilité)
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5. Intégration du développement durable
La gestion d’un important volume de sols contaminés représentait un défi pour ce projet.
L’approche adoptée a permis la réduction des impacts du transport routier sur
l’environnement. Ce choix d’une gestion sur site de ces sols et leur valorisation comme
matériau de sous-fondation pour la chaussée portuaire a permis la réduction des coûts liés à
la gestion hors site des sols contaminés. En effet, l’APM a estimé des économies de l’ordre
de 2,1 M$ par rapport aux coûts initialement estimés de 5 M$.
6. Conclusion
Une étude de traitabilité exhaustive a permis de statuer sur la faisabilité du traitement par
S/S de ces sols contaminés. En plus d’une valorisation sécuritaire des sols contaminés
directement sur le site, ces matériaux solidifiés ont permis la construction d’une chaussée à
la fois plus mince et plus durable, ce qui a permis des économies substantielles tant au
niveau de la réutilisation des sols contaminés (au lieu de leur élimination) qu’au niveau de la
réduction de l’importation d’agrégats sur le site. Les très fortes charges auxquelles sera
soumise la structure de chaussée portuaire ont également contribué à faire de cette
réalisation, un projet unique et très novateur. Le procédé de traitement S/S a permis, d’une
part, de s’adapter aux particularités des sols rencontrés sur le site (par exemple la
granulométrie, l’humidité et la contamination de ces sols) et d’autre part, a permis la
fabrication d’un produit (sols solidifiés) répondant aux exigences de résistance mécanique
très élevées.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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